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Destination La Martinique Texte et photos de Michel Sacco Le hameau de pêcheurs de l’anse Dufour sur la côte sous le vent.

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Destination

La MartiniqueTexte et photos de Michel Sacco

Le hameau de pêcheurs de l’anse Dufour sur la côte sous le vent.

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Une escadrille de poissons volants file auras des flots avant de plonger dans la

prochaine vague quelques dizaines de mètresplus loin. Au vent, les nuages s’amoncèlentau-dessus du canal de la Dominique. Le ventest rentré dans le canal, une bonne boufféed’alizé qui nous fait filer à bonne allure versSaint-Pierre, notre première escale martini-quaise. Depuis la Guadeloupe, nous avonsfait la route en deux étapes, avec l’aide dumoteur sous le vent de la Dominique, lesvoiles bien remplies dans des creux de 2 mdans les passages entre les îles.

La montagne Pelée se dresse devantnous, encerclée de nuages. À première vue,la Martinique présente le même reliefescarpé et profondément raviné que sasœur volcanique la Dominique. Passé les contreforts montagneux qui forment l’extrémité nord de l’île, on découvre despentes plus douces, le plus souventoccupées par de vastes plantations debananiers. La nature a gâté la Martinique,nous ne cesserons de le constater au coursde ce séjour.

Le vent nous lâche devant LePrêcheur, le premier village sous le vent del’île, facilement reconnaissable par lesdeux flèches de son église qui se dresse surle littoral. C’est aussi au Prêcheur queprend fin la route qui fait le tour de l’île.Les immenses ravins qui descendent du

volcan et les falaises qui tombent tout droitdans la mer entre le Prêcheur et le village depêcheurs de Grand Rivière sur la façade atlan-tique font de cette portion de côte la plussauvage de l’île. Les marcheurs intrépidespeuvent entreprendre la randonnée, tandis queles résidents locaux ont recours à un servicede navette à bord de barques de pêche.

Au pied de la montagne Pelée, majes-tueuse et rayonnante dans ses draps de verdure, s’ouvre la magnifique rade de Saint-Pierre qui s’étire le long de la plage de sablenoir. L’ancienne capitale a payé un lourd tribut à la terrible éruption volcanique de1902. Elle ne s’en est jamais remise, ce quin’en fait pas moins une escale fort agréable etun excellent premier contact avec laMartinique. Nous avons projeté de passer unpeu de temps sur place sur le trajet du retour.Pour le moment, il faut simplement dédoua-ner. Oui mais voilà, le bureau des douanes estfermé. Un papier sur la porte nous renvoievers le cybercafé, fermé lui aussi jusqu’à 19 h. Qu’importe, c’est l’heure de l’apéro.

Au Snack-Bar Caraïbe, rue Gabriel Péri,la serveuse laisse la bouteille de rhum agricolesur la table, servez-vous et reprenez-en, c’estla manière locale. Nous nous adaptons sansdifficulté à la pratique répétitive du ti’punch.Dans le fond du bistrot, la télé diffuse la finalede la Coupe de la Ligue. Bordeaux vient del’emporter sur Lyon d’un magistral coup de tête à cinq min de la fin du match. LesMartiniquais font preuve d’une vibrante pas-sion pour le sport. Régates de yoles, coursesde vélo, football et j’en passe. Le champi-onnat de France de foot a beau se dérouler àdes milliers de kilomètres sur un autre conti-nent, tous les commerces syntonisent lesmatchs en direct à la radio. En remplissant son

L’anse Noire, un mouillage bien protégé et facile d’accès. Les sentiers du Parc naturel régional de la Martinique permettent de passer d’un village à l’autre tout au long du littoral.

Le mouillage de Grande Anse est l’un des plus fréquentés de la côte sous le vent. Un petit villageest installé le long de la plage.

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panier de légumes, on ne manque pas uneminute du match, et lorsqu’il s’agit d’une ren-contre locale, les commentaires, mélangeantles langues française et créole, sont des plusenflammés.

L’apéro terminé, il nous reste suffisam-ment de lucidité pour trouver le cybercafé.Derrière son comptoir, la barmaid sort lespapiers. Aussitôt remplis, aussitôt tamponnés.Dédouanés! Pas de comparaison possible avec les pratiques douanières américaines…et en plus, on peut boire un coup.

Nous avons donné rendez-vous à desamis à Sainte-Anne, au sud de l’île. Nousn’irons pas à Fort-de-France.La baie des Flamands n’estpas le plus joli mouillage quisoit et personne n’a envied’aller en ville. Ce sera pourune autre fois. La baie de Fort-de-France est le prolongementd’une vallée au centre de l’île,vallée s’orientant dans lemême sens que les vents do-minants. L’alizé y souffledonc avec vigueur, renforcépar l’effet de tunnel du reliefde chaque côté. Avec 25nœuds de vent par le travers,nous la traversons à toutevitesse. On ne peut rêver

meilleur plan d’eau pour la pratique desrégates, fortement ventilé mais à l’abri de lahoule de l’Atlantique.

Nous n’aurions pu choisir un meilleurmoment pour faire escale à Sainte-Anne.Nous arrivons juste avant le départ d’unerégate de yoles rondes. Ce que nous ignorons,et que nous ne tarderons pas à apprendre,c’est que notre bateau se trouve mouillé aumilieu du parcours! Pour le moment, lesbateaux sont rassemblés sur la plage avecleurs équipages arborant de rutilants uni-formes aux couleurs des commanditaires, tan-dis que les groupes de supporteurs sont

rassemblés sur le rivage en rangs serrés. Les yoles s’élancent depuis le rivage et

filent à toute allure entre les bateaux aumouillage pour traverser la baie de Sainte-Anne. Ces longs canots portent une immensevoile rectangulaire contrebalancée par huitsolides équipiers suspendus au vent au boutde longues perches de bambous. Le spectacleest saisissant, haut en couleur et tient autantde la régate que de l’équilibrisme. Les chavi-rages sont fréquents tant les embarcationssont instables au passage des marques de par-cours. L’après-midi se passe en exclamationsadmiratives devant les prouesses de ces navi-

gateurs acrobates qui défilent àquelques mètres à peine denotre bateau.

Nous rentrons au fond du Cul-de-sac du Marin lelendemain matin pour réglerquelques problèmes techni-ques. Une longue passe con-duit dans cette vaste baie pro-fondément enfoncée à l’inté-rieur des terres. Un abri parfaitet un véritable trou à cycloneoù l’on a aménagé l’un desplus importants ports de plai-sance des Antilles, et aussi l’undes mieux équipés. Près de 600unités à quai, autant au mouil-La petite anse d’Arlet.

La longue passe d’entrée du Cul-de-sac du Marin au sud de l’île vue depuis le sommet du morne Gommier.

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lage et une véritable petite ville nautique toutautour, entièrement dédiée à la navigation deplaisance.

Sur un Boston Whaler, arborant un cha-peau à la Indiana Jones, Philippe, le maître dequai, nous cueille dès notre entrée dans lebassin. Il fait rentrer les bateaux au bercailavec la même assurance et la même autoritéqu’un cow-boy menant les chevaux au corral.Ferme sur l’eau, aimable à terre. Il nous trou-ve un transfo et du 110 volts en moins d’unedemi-heure. Rien à redire sur le service.

J’avais quelques réserves avant de faireescale au Marin. Les grands complexestouristiques font rarement partie de mesitinéraires de voyage. Les deux journéespassées sur place se sont néanmoins révéléesagréables. Le Marin n’est pas qu’un immenseport de plaisance, c’est aussi un petit villageoù la vie locale a gardé son erre d’aller. C’estd’ailleurs l’une des caractéristiques les plusséduisantes de la Martinique, le tourisme yoccupe une place importante, mais la culturelocale a conservé toute sa force. Sur unebutte qui surplombe le port se trouve unejolie petite église, érigée en 1766 par descharpentiers de marine. Sa voûte de bois lui a valu d’être classée monument his-torique. Nous ne sommes qu’à quelques joursdes célébrations pascales, une tradition queles Martiniquais ne prennent pas à la légère.Une équipe de paroissiens s’active à décorerl’église. On m’y accueille avec beaucoup debienveillance, comme on le fera par la suitedans toutes les églises de l’île.

Juste en contrebas, Georges Brassensaurait certainement jeté un œil intéressé sur lecimetière qui regarde la baie. La blancheurdes pierres tombales, impeccablemententretenues, découpe leurs silhouettes sur lebleu de la mer. Je remarquerai plus tard que

l’on réserve souvent une place de choix auxdéfunts dans les villes et villages et que cescimetières marins qui regardent les eauxbleues font partie des habitudes martini-quaises.

L’escale technique nous fournit le pré-texte d’une excursion. Direction les jardins deBalata sur la très sinueuse route du MorneRouge, au centre de l’île. Le vaste domaineaménagé à flanc de montagne se visitecomme le décor de quelque conte tropical. On

s’y promène le cœur léger, heureux de tout ceque l’on y voit. Un véritable enchantementvégétal que l’on découvre avec autant deravissement que d’incrédulité. Profusion defleurs aux noms inconnus, bambous auxtroncs bicolores, bassins d’eau débordant devégétation aux couleurs éclatantes, branchesde palmiers flottant dans l’air comme destutus de danseuses, ce jardin des merveilles,baignant dans un taux d’humidité specta-culaire, nous laisse bouche bée.

Retour vers le bord de mer sur la plagedes Salines, à l’extrémité sud de l’île. On peuty jeter l’ancre à quelques encablures durivage pour une escale diurne le temps d’unebaignade. À l’ombre des grands palmiers, ontrouve les buvettes où l’on finit toujours parcommander un rhum de trop. Elle est magni-fique la plage des Salines. Son joli sableblond s’étire sur des kilomètres et toute laMartinique semble s’y donner rendez-vous.

Pendant que mes copains se ramollissentdoucement mais sûrement à coup de punchsplanteur, je pars jouer les explorateurs sur lessentiers du Parc naturel de la Martinique. Unepasse étroite comme un ruisseau alimente en

Les jardins tropicaux de Balata sont aménagés à flanc de montagne.

La poissonnière du Vauclin débite à la machette du poisson frais pêché sur la côte au vent.

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eau de mer un vaste étang qui fut jadis le sited’une importante exploitation de sel. Toutautour, la végétation tenace de la mangrove et un réseau de sentiers pédestres bienentretenus qui permet de découvrir ce littoralsauvage. Plus à l’est, on quitte la mangrove etl’on se retrouve dans une savane aride, battuepar les vents de l’Atlantique. C’est ici quecommence la côte au vent. Quelques kilo-mètres plus loin, on trouve le Cul-de-sac desAnglais, premier refuge pour les navigateurs.Son accès incertain entre les récifs de corailen décourage plus d’un, malgré les instruc-tions détaillées des guides nautiques.

Toutes mes tentatives pour convaincrenotre skipper d’aller promener quille et safransur cette fameuse côte au vent se sont révéléesinfructueuses. Les guides nautiques, les arti-cles dans les revues françaises, le charme descôtes sauvages et peu fréquentées, rien n’y fit.Je dois lui concéder que la consultation descartes marines soulève quelques interroga-tions et peut laisser perplexe devant la multi-tude de récifs qui encombrent les passes.

Me voilà réduit à faire du cabotage enRenault Clio pour visiter cette portion de littoral, la moins fréquentée et l’une des plussauvages de l’île. Force est de constater que les plaisanciers ne s’y précipitent pas. Jecompte sur les doigts d’une main les voiliersaperçus au mouillage entre Le Vauclin et lapresqu’île de la Caravelle. Elle a tellementmauvaise réputation cette côte au vent que lesplaisanciers l’ont désertée, mis à partquelques initiés. Une mauvaise réputationlargement exagérée quant à moi.

Le Vauclin estun village depêcheurs relative-ment actif. On ypratique, commedans la plupart desvillages littoraux del’île, une pêche arti-sanale sur de petitesembarcations. Surla côte au vent, lesbarques, qui doiventaffronter la fortehoule de l’Atlanti-que, sont pluslongues et mieuxmotorisées. Le pois-son y est aussi plusgros et plus abon-dant que sur la côtesous le vent où lesprises se font mai-gres. Sur l’étal despoissonnières, ontranche de magni-fiques spécimens dethon et de mahi-mahi (dorade cory-phène) à grandscoups de machettes.

Plus au nord,la presqu’île de laCaravelle fait partiedes territoires proté-gés par le Parc naturel de la Martinique. Labaie du Trésor offre un excellent mouillage,

très bien protégé desvents dominants surun bon fond de sable.Si vous ne deviez tenter qu’une seuleapproche sur la côteau vent, ce devraitêtre celle-là. Unpilotage attentif vouspermet de contournerles récifs de la pointeCaracoli avant detrouver refuge danscette jolie baie soli-taire. Oubliez les palmiers et lesexubérances de laforêt tropicale, unemangrove occupetout le littoral de la

baie du Trésor. Les crabes de terre et les man-goustes qui bruissent dans le feuillage en sontles principaux occupants. Sur les collines, laforêt de petite taille qui peuple toute lapresqu’île a des allures méditerranéennes. Cen’est pas là la forêt originale martiniquaise,mais plutôt les conséquences de la défo-restation due aux intenses activités humaines.

Les ruines de l’habitation Dubuc se trou-vent justement à une trentaine de minutes àpied. Les vestiges de cette ferme sucrièredatent du XVIIe siècle. La taille des instal-lations donne une bonne idée de l’ampleur decette industrie à l’époque. La France s’estd’ailleurs longtemps battue bec et ongles con-tre l’Angleterre pour conserver les lucrativesplantations de la Martinique qui ont marquél’histoire et le développement de l’île.

La croisière reprend en sens inverse,direction le rocher du Diamant où l’on dit quela plongée est belle. À faible distance de lacôte, le célèbre îlot rocheux fait partie de la

L’heure de la pause à l’anse Dufour.

Les plateaux montagneux du nord de l’île offrent de magnifiques ter-res agricoles où se sont installés les plantations les plus prospères.

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liste des cartes postales martiniquaises. Pluson s’en approche, plus il prend des propor-tions insolites. On a du mal à imaginer queles Anglais ont réussi à installer au XVIIIe

siècle des batteries d’artillerie qui ont valuau fameux rocher le surnom de H.M.SDiamond Rock.

Nous choisissons d’explorer la séried’anses logées dans la péninsule monta-gneuse qui s’avance dans la mer des Antillesau sud de la baie de Fort-de-France. L’ansed’Arlet, Grande Anse, l’anse Dufour etl’anse Noire sont situées à faible distance lesunes des autres. Elles font partie des baies lesplus fréquentées de l’île, mais n’en ont pasmoins de charme pour autant. On peut facile-ment y traîner quelques jours, en faisant unsaut de puce de l’une à l’autre, juste pour leplaisir de changer de décor, ou de restaurant.Nous commençons par l’anse d’Arlet, jolipetit village rassemblé autour de son églisedont la flèche appelle immanquablement leregard dès qu’on arrive du large. Sur la rue

principale qui regarde la baie, les joliesmaisons aux toits de briques rouges semblentplongées dans une douce léthargie. Nousirons dormir à Grande Anse, à peine un milleau nord, l’abri est meilleur et la plage toutaussi agréable.

La journée suivante nous fait découvrirla toute petite mais délicieuse anse Noire.Elle doit son nom à la couleur de son sabled’origine volcanique qui vous brûle lespieds. Les promeneurs trouvent un refugeombragé au fond de l’anse, entre deux bar-ques de pêche et sous un bouquet depalmiers, où une âme charitable a eu labonne idée de louer des chaises longues. Elle n’est pas snob pour deux sous, l’anseNoire. On s’y installe pour quelques heures,à la bonne franquette, et lorsqu’il vous prendl’envie de remuer, on peut se payer une jolie balade en apnée le long du littoralrocheux où les fonds marins offrent d’agréa-bles perspectives parmi les bancs de pois-sons.

Tout à côté, l’anse Dufour, sa sœurjumelle, par quelque fantaisie de la nature ahérité d’un sable blond. Un hameau s’estconstruit sur la plage et sur les contrefortsd’un vallon étroit où coule un maigre ruis-seau. Quelques maisons de pêcheurs, lesgommiers peints de couleurs vives tirés surla plage, un petit restaurant, un poulaillerimprovisé au creux du vallon; j’y observetous les gestes de la vie quotidienne dans unmicrocosme de quelques centaines de mètrescarrés. C’est l’heure du retour de la pêche. À l’ombre d’un arbre dont on ne m’a jamaisappris le nom, on se distribue rapidement lepoisson dans des sacs de plastique. Ons’échange des poignées de main et on selance des blagues qui déclenchent de grandséclats de rire. Il reste encore du temps pourquelques palabres dans cette savoureuselangue créole à laquelle je n’entends pas untraître mot, mais qui ne cesse d’attiser macuriosité. L’anse Dufour, un remède contrel’agitation; la vie s’y déroule à un rythme qui

Le village de pêcheurs de Grand’Rivière complètement au nord de l’île. La route s’arrête devant les falaises infranchissables et la dense forêttropicale.

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nous est devenu complètement étranger. Il me semble que je pourrais y être encore,parmi les rires qui résonnent comme une respiration naturelle, les mains qui selèvent pour saluer et le temps que l’onlaisse filer.

Nous déroulons nos voiles pourretourner à Saint-Pierre où nous débar-quons le samedi de Pâques. Sur la place duMarché, à deux pas du quai, on célèbre leSamedi Gloria qui marque la fin ducarême. Nous ne pouvions pas mieuxtomber. Le bèlè (mot créole pour bel air)rassemble chanteur, percussionniste etdanseurs et témoigne des profondes racinesafricaines de la culture créole. Je restecloué sur place, fasciné par l’énergie vitalequi se dégage de cette musique et de cesdanses nées dans les campagnes martini-quaises au temps de l’esclavage.

Le lendemain matin, les Saint-Pierraisse sont donné rendez-vous pour la messepascale. Dignes et élégants dans leurs chemises blanches, tirés à quatre épingles, les paroissiens convergent vers l’église du Mouillage. Chapeau d’un chic irré-prochable et bijoux en or, une dame fortrespectable insiste pour qu’on prenne placeà ses côtés. Elle en profite pour nous fairequelques révélations croustillantes sur lecuré de Saint-Pierre qui a succombé aupéché de la chair avec une paroissienne, cequi lui a valu une mutation immédiate versle petit village de Marigot, sur la côte auvent. Si les Martiniquais affichent volon-tiers un naturel rafraîchissant doublé d’unhumour décapant, ces traits de caractèren’entament en rien leur ferveur religieuse.Nous le constaterons à nouveau quelquesheures plus tard dans la paroisse deMacouba, au nord de l’île. Perchée au som-met d’un littoral abrupt, la petite église,fenêtres ouvertes sur l’Atlantique, estpleine à craquer. Les enfants s’impatiententsur les genoux de leurs parents, les ados

La magnifique rade de Saint-Pierre au piedde la montagne Pelée. La ville entièrementdétruite en 1902 a été partiellementrecons|truite. L’église du Mouillage a étérestaurée et attire toujours les regards desnavigateurs qui viennent se mettre à l’abriface à la longue plage de sable.

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échangent quelques signes, mais pas unn’ose émettre un son. Elle est longue lamesse du dimanche de Pâques, mais il n’estpas question de la manquer.

Mécréants que nous sommes, nousnous esquivons pour filer vers le port depêche de Grand’Rivière. Nulle part ailleursque sur la côte Nord, Madinina, l’île desfleurs, la perle des Antilles, ne méritemieux son nom. Sur les pentes et lesplateaux au pied du volcan, de riches terresen culture regardent l’Atlantique. Sur lesriches domaines des anciennes plantationssucrières, quelques maisons de maîtres ontméticuleusement conservé leur stylesuperbe et typiquement français. Ailleurs,les cheminées et les bouilloires des vieillessucreries se laissent lentement recouvrirpar la végétation tropicale. C’est unemagnifique balade à flanc de montagne quise déroule comme un livre d’histoire. Nouslongeons les falaises abruptes, franchissonsun pont suspendu au milieu d’une impéné-trable forêt tropicale et nous arrivons

enfin au bout de la route au village depêcheurs de Grand’Rivière. Sur la terrassed’un petit restau familial, la patronne nousrégale d’un succulent colombo de crabes.Gommiers et solides barques de pêchemonopolisent la petite plage de sable noir.Le brise-lames ne suffit pas pour arrêter lahoule de l’Atlantique qui fait son cheminjusqu’au rivage. Les pêcheurs qui ramènentpassagers et randonneurs au Prêcheurattendent le moment propice avant defranchir la barre qui défend l’accès vers lelarge. On est à construire un vaste port eneau profonde qui offrira d’ici quelquetemps une protection adéquate auxpêcheurs, une capitainerie et une dizained’emplacements pour les plaisanciers. Àl’est de la plage, les falaises vertigineusesdu nord de l’île offrent un spectacle saisis-sant. Des rideaux de pluie arrosentrégulièrement la forêt tropicale et il fautplus de 8 heures aux randonneurscourageux pour explorer ce littoral sauvagejusqu’au Prêcheur, sur les traces d’un

ancien chemin qui reliait autrefoisquelques habitations solitaires.

Notre programme est plus modeste.Nous avons adopté Saint-Pierre et nousavons deux journées devant nous pour nousbercer mollement au mouillage devant laplage. Loin des hôtels et des sites touris-tiques fréquentées, la petite ville de Saint-Pierre est une belle occasion de faireconnaissance avec la culture locale. Lesvendeurs au coin des rues qui proposentcrabes vivants, noix de coco ou sorbets, lespetits bistrots où l’on commence de bonneheure à siroter le rhum agricole, les ruesétroites qui descendent vers la mer et, dansle ciel bleu, la silhouette imposante de la montagne Pelée qui trône comme une déesse païenne, maîtresse du destin de laMartinique. Le soir venu, du haut de ses 1 200 m d’altitude, elle balaie régulièrementla rade à grands coups de risées fraîches quidévalent de ses pentes fertiles couvertes deplantations. Silencieuse mais omniprésente,sa terrible réputation commande le respect.

La fête du Samedi Gloria sur la place du marché de Saint-Pierre.

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Le 28 mai 1902, il ne lui a fallu que quelquesminutes pour transformer la brillante capi-tale, «le Paris des Petites Antilles», en unvaste champ de ruines jonché de 28 000cadavres. Le cordonnier Compère et ledétenu Louis Cyparis furent les deux seulsmiraculés de la terrible éruption volcanique.

Délicieusement déglinguée, les mursencore noircis par les cendres du volcan,cette reine déchue a conservé quelques fragments de noblesse. Je prends le temps de déambuler à travers les rues pavées quitortillonnent ici et là. Les ruines du théâtrequi fut le plus célèbre des Antilles, celles dela prison où l’on peut pénétrer dans l’étroitcaveau de pierres de Cyparis, la Maisoncoloniale de santé, les entrepôts où s’entassaient les cargaisons qui firent sa for-tune, les bites d’amarrage encore plantées aucoin des rues, la Pompei caraïbe cultive sondestin tragique avec une douce nonchalance.

Au beau milieu de l’après-midi, lesoleil écrase la rade de rayons aveuglants etfait briller ses toits de briques rouges. Plustard, je grimpe jusqu’à la statue de Notre-Dame du Bon Port qui veille sur la ville. Lesbras ouverts vers le large, elle offre sa pro-tection aux visiteurs. Sur le petit autel, lesfidèles des célébrations pascales sont venusfaire brûler des cierges. Dans la lumière ducouchant, Saint-Pierre rayonne au pied deson volcan.

Je suis tombé amoureux de l’anciennecapitale, je ne veux plus la quitter; je chercheencore un prétexte pour aller chercher un sacde glace, une bouteille de rhum. Il faut leverl’ancre à regret et filer vers la Dominique.En repassant devant le Prêcheur, nous croi-sons une flotte de gommiers qui dispute unerégate dans une brise évanescente. Perchéssur les bois dressés, les équipages font bas-culer les coques pour aspirer du vent dansleurs gréements. Comme s’ils nous saluaientd’un dernier geste d’au revoir du bout deleurs voiles multicolores.

Martinique

Grand’Rivière

Porto Rico

Venezuela

Rep. Dominicaine

Guadeloupe

Mer des Caraïbes

GrenadeBarbade

Havre du Robert

Petite GrenadeLe Vauclin

Saint-Pierre

Montagne Pelée

Fort-de- France

Le Robert

Pointe du Bout

Le François

Anse à l’Âne

Sainte-Anne

Le Marin

Anse Noire

Grande Anse

Anse d’Arlet

Trois Îlets

Marigot du Diamant

Anse Ceron

Plage des Salines

Cul-de-sac des Anglais

Havre du François

Cul-de-sac des Roseaux

Baie du Trésor

Port de La Trinité

Saint-Joseph

Anse Mitan

Un équipage de jeunes Martiniquais en régate à bord d’un gommier devant le village du Prêcheur.

Mouillage Port de pêche DouanePort de plaisance

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Page 12: ES 55-1 28/08/07 15:30 Page 12 Destination La Martinique · port de plaisance, c’est aussi un petit village où la vie locale a gardé son erre d’aller. C’est d’ailleurs l’une

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La Martinique est un département français d’outre-mer comptantenviron 400 000 habitants parlant le français et le créole. L’euro est laseule monnaie ayant cours sur le territoire.

L’île s’étend sur 35 milles nautiques du nord au sud. Les navigateurs ont l’obligation de signaler leur arrivée à la

douane française. Les bureaux des douanes sont installés à Saint-Pierre, Fort-de-France et au port de plaisance du Marin. Le derniercité est le plus commode pour les plaisanciers.

Navigation et aspects pratiques

CROSS Antilles-Guyanne

Conditions locales de navigation

Le port de plaisance du Marin

La Martinique a misé sur le développement de la plaisance et possèdeavec le port de plaisance du Marin l’une des meilleures infrastructuresnautiques de toutes les Antilles. Le bassin portuaire est profondémentinstallé à 2 milles à l’intérieur des terres et offre une excellente pro-tection. Les installations sont de première qualité et l’on y trouve tousles services (mécanique, gréement, voilerie, électronique, réparationsgénérales, supermarché, location d’autos). Le port offre peu d’espaced’entreposage extérieur, les bateaux restant à flot pendant la saisoncyclonique. Importante base de location de voiliers, le port offre 620 postes d’amarrage à quai et 70 mouillages sur corps-morts.www.portmarin.com

Les cartes officielles françaises éditées par le SHOMsont plus précises et mieux documentées que celles del’éditeur britannique Imray. Les plaisanciers souhaitantvisiter la côte au vent ont tout intérêt à privilégier lesdocuments du SHOM.

Deux guides nautiques très bien documentés sontdisponibles:

Le Guide des Antilles de Jacques Patuelli édité par Les éditions Atoll – www.antilles-guide.com –, The2007-2008 Sailors Guide to the Windward Islands parCruising Guide Publications – www.cruisingguides.com

Le Centre régional opérationnel de sur-veillance et de sauvetage Antilles-Guyanne possède un bureau à Fort-de-France. Il coordonne les opérations desauvetage et de surveillance des eauxcôtières. Le CROSSAG émet des bulletinsde prévisions météorologiques quatre fois par jour sur les canaux 79 et 80 selonles secteurs. Les bulletins sont annoncés à l’avance sur le canal 16.

L’alizé souffle toute l’année du secteur est. En hiver, il atteint souvent25 nœuds et lève une mer agitée dans les canaux qui séparent les îles.Il faut prendre au sérieux la navigation dans les canaux de laDominique au nord et de Sainte-Lucie au sud. Les effets de tunnel etde convergence sur le littoral peuvent renforcer notablement la véloc-ité du vent et l’on y rencontre fréquemment une houle de 2 m.

La côte sous le vent présente moins de difficulté et une mer plus

docile. La hauteur du relief au nord de l’île bloque le passage du ventd’est et peut générer des brises locales au comportement instable(rotation du vent au secteur NO et SO entrecoupé de calme). Onretrouve le souffle de l’alizé aux abords de la baie de Fort-de-France.Il faut également surveiller les nombreux filets de pêche sommaire-ment signalés partout sur le littoral.

La côte au vent

Les compagnies de location interdisent à leurs clients de naviguer surla côte au vent en raison de la présence de nombreux récifs corallienset de la mer qui déferle dans les passes lorsque le vent souffle à 20 nœuds et plus. Le littoral est néanmoins très bien balisé par lesautorités françaises et comporte plusieurs ports de pêche très actifs.

Il faut toujours se présenter par temps clair dans les passes afinde pouvoir facilement distinguer les récifs de corail. Il faut également

naviguer avec un soleil bien haut pour ne pas être aveuglé au momentde faire cap à l’ouest pour rentrer dans les passes. Il est judicieux d’at-tendre des vents modérés lorsqu’on y navigue pour la première fois etde disposer d’un bon moteur pour franchir les barres lorsque la mer est agitée. Les guides nautiques indiquent clairement lesemplacements des nombreux mouillages sur ce littoral sauvage.

Documents nautiques

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