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Revue des professionnels des espaces naturels 15 juillet 2006 trimestriel • 9,5 Changement climatique et biodiversité et biodiversité

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Revue des professionnels des espaces naturels15

juillet 2006

trimestriel • 9,5 €

Changement climatiqueet biodiversitéet biodiversité

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juillet 2006 • n° 15

Tarif des abonnements : 1 an (4 numéros) : 33,50 €ISSN N° 1637-9896 - Commission paritaire 0510 G 83179

ÉTUDES • RECHERCHES

25 Flora-Predict: pour prédire la diversité végétaledes prairies permanentes.

INITIATIVES • PARTENAIRES

27 Cabanisation: les mentalités changent.

GESTION PATRIMONIALE

28 L’outarde canepetière en plaine céréalière : une extinction inéluctable ?

29 Plan de restauration national pour l’outarde.

30 Parc naturel régional de l’Avesnois :intégrer le bocage dans les plans locauxd’urbanisme.

PÉDAGOGIE • ANIMATION

32 Muséographier c’est choisir.

MANAGEMENT • MÉTIERS

34 Prévention des risques, suivez le guide:document unique.

35 Document unique de prévention des risques: «L’obligation légale est déterminante».

MÉTHODES • TECHNIQUES

36 Le guide numérique géolocalisé pour délivrer l’information aux visiteurs.

DROIT • POLICE DE LA NATURE

37 Elle se réforme… L’administration chargée de l’eau.

AILLEURS

38 Soca : la truite aux œufs d’or.

40 LECTEUR - PENSEUR42 VIENT DE PARAÎTRE43 L’AGENDA

sommaire Photo de couverture : © Clarisse Vendel

DOSSIER CHANGEMENT CLIMATIQUE

et biodiversité9 La gestion de la biodiversité à l’épreuve

du réchauffement climatique.10 Les modèles du changement climatique :

anticiper l’impact.11 Comment les espèces répondent…

Changer pour durer.12 La biodiversité s’adapte : le fonctionnement

des écosystèmes est affecté.13 La forêt face au changement climatique :

acquis et incertitudes.14 La Réserve naturelle de la Massane

observe ses arbres.15 Chaud et froid sur le littoral.16 Olivier Gilg : «Nous avons modélisé

l’écosystème de l’Arctique ».17 Agir pour conserver la flore

méditerranéenne.19 Risque sanitaire : lier conservation

et santé publique.20 Lézard vivipare : il a déjà changé…21 Stratégie de gestion adaptative :

s’appuyer sur des incertitudes.22 Biodiversité marine, évolution rapide.

Adapter la gestion…23 Gestion sylvicole.

Quels comportements adopter ?24 Un observatoire éo-climatique en Vercors.

[ Les propositions desujets d'articles àtraiter dans la revuesont à adresser à :[email protected]

Adresse du forum :http://www.espaces-naturels.fr/forum

Muséographier c’est choisir

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a. 32

3 ÉDITO L’esprit des lieux ou le partage des valeurs

4 DES MOTS POUR LE DIRE5 L’ÉCHO DES PROS

28Outarde

canepetière

Le dossier9

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éditorial

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 3

ÉDITOpar

EMMANUEL LOPEZ©

Glo

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Selon la circulaire ministérielle du 6 septembre 2005, « les loisirsmotorisés ont un impact fort sur les milieux naturels : bruit,dérangement de la faune, destruction de la flore… ». C’est sur ces

fondements, les atteintes à la biodiversité et aux équilibres écologiques,que les réglementations protectrices de la nature sont le plus souventadoptées. Ces textes se réfèrent à des données scientifiques,quantifiables et mesurables, et par là « objectives ». Cependant, un regardattentif discerne d’autres richesses et donc d’autres menaces qui ne sontpas toujours dites : elles portent sur la poésie, la beauté, l’esprit deslieux. Mais comment définir, d’une manière rigoureuse pour en assurer lasauvegarde, ce qui se rattache à la contemplation, à la symbolique, àl’imaginaire ?Une première réponse relève de l’observation empirique : l’esprit des lieuxest constitué de ce qui sort un espace de la banalité, de l’insignifiancepour en faire, dans les cœurs et dans les esprits, un « lieu » unique,enchanté, non reproductible. Cette approche permet d’identifier, acontrario, les aménagements et les usages susceptibles d’altérer cetteoriginalité, cette singularité, ce caractère : nuisances publicitaires,signalétique omniprésente, matériaux et végétaux exotiques, équipementset architectures passe-partout (y compris ceux qui se veulent « intégrés »en reproduisant, paresseusement et sans grâce, les formes du passé).Pour définir, de manière plus positive, l’identité nécessairement multipled’un lieu, une voie complémentaire est de recueillir ce qui a été distingué,inventé, construit par ceux qui nous ont précédés : écrivains, peintres,photographes, cinéastes, sans oublier les générations d’habitants dont lestraces et témoignages, matériels et immatériels, contribuent à donnersens à l’espace et à créer du paysage.La responsabilité du gestionnaire d’un espace protégé est, à partir de lareconnaissance de cette subjectivité partagée, de préserver non pas tantla lettre (l’histoire comme la nature est en mouvement permanent et laliberté créatrice doit garder sa part) que l’esprit des choses (le sentimentd’une présence, d’une dignité, parfois du sublime qu’inspire un lieu) et lefaire, non pas pour quelques esthètes contemplatifs, mais pour le plusgrand nombre. À un moment où notre société, dans sa relation auterritoire, semble toujours hésiter entre deux écueils égalementredoutables : le nihilisme de la table rase (tout se vaut et rien ne mérite deprévaloir sur le besoin du moment) et l’immobilisme du fétichismepatrimonial (tout est bon dans le passé et rien n’est à attendre duprésent), cette démarche demande du discernement, de la générosité et,puisqu’il s’agit in fine d’assumer publiquement des valeurs et des choix,du courage. ■

EMMANUEL LOPEZEST DIRECTEUR

DU CONSERVATOIREDU LITTORAL

ET DES RIVAGES LACUSTRES

>>> Mél : direction.rochefort@

conservatoire-du-littoral. fr

le partagedes valeurs

L’ESPRIT DES LIEUX OU

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONYves Vérilhac

COMITÉ ÉDITORIALCoordination : Michelle Sabatier •Secrétariat : Gwénaëlle Arons •Rubriques : Actualités PascalDanneels, Laurence Boussand •Études, Recherches EmmanuelMichau • Gestion patrimonialeValérie Fiers, Hélène Michaud •Accueil, Fréquentation LydianeEstève, Jean-Marie Petit, AnneVourc'h • Pédagogie, AnimationNicolas Gérardin • Management,Métiers Monique Fabbro,Florence Lespine • Droit, Policede la nature Fabienne Martin-Therriaud • Méthodes,Techniques Bernard Commandré,Véronique Petit-Uzac • Initiatives,Partenaires Cécile Birard, BrunoMounier • Aménagement,Développement, TerritoireJean-Claude Bonnafé, CarolineGuesnon, Jacques Plan • Ailleurs Marc Lutz.

RÉDACTIONDirectrice de la rédaction :Michelle SabatierRédactrice en chef : Moune Poli •Rédactrice graphiste : CamilleProsperi • Assistantes : VaninaBellini, Laetizia Giampietri •Rédaction : Moune Poli •Joël Demasson • Correctrice :Magali FloriMediaterra Route Royale 20600 Bastia Mél : [email protected]él. : 0495 31 12 21

ADMINISTRATION,ABONNEMENTSMediaterra Laetizia GiampietriRoute Royale - 20600 Bastia Tél. : 0495 31 12 21

ÉDITEUR AtenAtelier technique des espaces naturelsEnsam - 2 place Viala34060 Montpellier cedex 2Tél. : 0467 04 30 30

IMPRESSIONImprimerie Chirat 744, rue de Sainte-Colombe 42540 Saint-Just-la-Pendue

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4 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

des motspour ledire

En 1995, la loi Barnier intègre la notion de développement durabledans le code de l’Environnement. Depuis le 1er mars 2005, le terme

figure dans la charte adossée au préambule de la Constitution. Quedésigne-t-il ? Une idéologie ou, plus prosaïquement, un but à atteindre?

Éric Binet, qui remet pour nous le terme en perspective, aime à rappeler qu’aumoment des débats parlementaires pour l’adoption de la loi, le gouvernementavait indiqué sa volonté d’en faire un objectif et non un principe général dudroit. Dans les textes, l’expression « le développement durable » arriveprécédée de « en vue de... », « pour parvenir à... », « afin d’assurer... ». Le « développement durable » est une idée régulatrice et non un concept.

a priori, il faut justement le décliner enorientations pour en définir les objectifsopérationnels. En faire un principe estun choix pour l’action : d’où l’idée de« stratégies » et de « modes de gouver-nance ». En somme, il indique un espacede convergence, il en ouvre la possibilité,et à partir de là il oriente nos réalisa-tions, mais il les critique aussi. Parexemple, si nous affirmons que « l’envi-ronnement doit faire partie intégrantedu processus de développement», il fau-dra montrer les évaluations qui prouventnon seulement cette prise en compte,mais cette intégration.Ce disant, nous entendons bien qu’ils’agit d’un modèle, dont on cherche à serapprocher mais qui n’est pas tout fait. Ilengage de nouvelles solidarités, des rup-tures technologiques, un changementéthique. Et déjà nous nous éloignonsd’une définition pour laquelle le déve-loppement durable serait une « situationoù les perspectives de développementn’appellent pas de mesures correctives àcourt terme » !À l’autre bout du spectre, cette expressionde développement durable est unecontradiction dans les termes. Qui dit« développement » dit qu’une certainegrandeur croît de façon à peu près expo-nentielle ; qui dit «durable» ne fixe pas delimite temporelle à cette croissance. Dansun monde fini, c’est une pure impossibi-lité, note Jean-Pierre Dupuy dans saPetite métaphysique des tsunamis1.

C’est qu’en effet, plus qu’un objectif, le« développement durable » demeure uneidée directrice qui fait l’objet d’une affir-mation volontaire à long terme, d’unengagement, envers un certain type dedéveloppement.Et c’est ici qu’il y a débat sur l’adjectif.Les adjectifs soutenable, supportable ouacceptable, complètent utilement le sensde l’adjectif durable choisi par l’usage.Pour préparer la Conférence des Nationsunies sur l’environnement et le dévelop-pement de Rio de Janeiro, en 1992, lerapport de Mme Gro Brundtland, Notreavenir à tous2, a popularisé en 1987 l’ex-pression anglaise sustainable develop-ment, employée en 1980 par l’Unioninternationale de conservation de lanature. Chacun en connaît la définitioncommune devenue désormais classique :modèle de développement s’engageant àconcilier les exigences environnementales,économiques et sociales, en vue derépondre aux besoins du présent sanscompromettre la capacité estimée desgénérations futures de répondre aux leurs.L’intérêt de l’adjectif « durable » est dereplacer l’enjeu dans un temps humain,où apparaissent « les générationsfutures ». L’intérêt de l’adjectif « soute-nable » est d’attirer l’attention sur lesconditions du durable – les ressources,l’espace, l’énergie, les fonctions support,les prérequis de faisabilité et la rétroacti-vité des projets – et donc sur ce qu’il fautquitter de « l’insoutenable », notammentquant aux solidarités entre peuples etterritoires, et entre générations.Il ne s’agit donc pas seulement d’affirmertrois « piliers » du développementdurable, mais de pouvoir démontrer quela protection et la mise en valeur de l’en-vironnement, le développement écono-mique et le progrès social sont conciliés,eu égard à l’article 6 de la charte del’Environnement adossée depuis le1er mars 2005 au préambule de laConstitution. ■

>>> Mél : [email protected]

1. Le Seuil,2005, p. 101-102.

2.Disponibleen pdf :http://fr.wikisource.org/wiki/Rapport_Brundtland

durable

Définir un terme est un plaisir déli-cat, car la définition n’est pas aucommencement, mais à la fin d’une

tentative de compréhension. Elle n’est pasdonnée, surtout s’il s’agit de rendrecompte d’une réalité en gestation…Les trois dernières décennies ont établichacune un constat : les ressources plané-taires sont limitées, il y a perturbationdes écosystèmes du fait de nos modes deproduction et de consommation, lesinégalités entre peuples et territoiressont croissantes. Alors, le « développe-ment durable» nous interroge.Davantage idée régulatrice que conceptau périmètre délimité, il nous pose troisquestions : qu’en est-il du « viable », du« vivable » et de l’« équitable » dans cha-cun de nos choix d’aménagement etd’équipement, dans nos programmes, etdans nos planifications ?On dirait qu’il nous parle à partir d’unhorizon où il se trouverait en disant :vous êtes capables (finales en able), mais que faites-vous de vos capacités ?Parce qu’il n’est pas un principe universel

Éric BinetHAUT FONCTIONNAIRE CHARGÉ DE LA TERMINOLOGIE ET DE LA NÉOLOGIE

AU MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE.● Chronique

Développement

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L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) estimequ’aujourd’hui le risque de réintroduction du virus H5N1 par lesoiseaux sauvages en provenance de l’Afrique ou du Nord-Est de

l’Europe est quasiment nul ou négligeable jusqu’au début des migrationsd’automne. Néanmoins, le dispositif contre la grippe aviaire n’est pasentièrement levé, les interdictions d’importations d’oiseaux vivants et de leursproduits sont toujours valides. Les règles permettant de limiter les contactsentre les oiseaux d’élevage et les oiseaux sauvages restent en vigueur. Il esttoujours prohibé d’utiliser des eaux de surface pour les abreuvoirs et lenettoyage. Une nouvelle évaluation du risque de grippe aviaire sera conduite parl’AFSSA avant la fin de l’été 2006, pour anticiper les migrations d’automne. ■

Au 30 avril 2006, le réseau français de sites Natura 2000 couvre6496917 ha (hors milieux marins), soit 11,82% du territoiremétropolitain qui se compose de 1307 Sites d'intérêts communautaires

proposés (SICP) représentant 4887272 ha et de 367 Zones de protectionspéciales (ZPS) représentant 4477962 ha. Une étape importante vient doncd’être franchie dans la construction du réseau écologique Natura 2000. LaFrance dispose dorénavant d’un réseau cohérent, qui apporte un complémentsignificatif dans le projet européen Natura 2000.En dix-huit mois, la France a transmis à la Commission plus de quatre centsdossiers, se traduisant par un accroissement de la surface du réseau de 14%au titre de la directive Habitats-faune-flore et de 167% au titre de la directiveOiseaux. Cet effort considérable permet de présenter un réseau cohérent auregard des enjeux de sauvegarde de la biodiversité de son territoire, commeelle s’y était fermement engagée auprès de la Commission européenne. Lespartenaires du réseau Natura 2000 peuvent désormais mettre en œuvreactivement la gestion des sites, avec une démarche innovante dedéveloppement durable des territoires. ■

● En bref

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 5

échodes prosCANARDS COLVERTS.

● Natura 2000, la France tient ses engagements

Chantiersd’écovolontariat en MéditerranéeDurant l’été 2006,l’association Cybelle Planètepropose des chantiersd’écovolontariat pour l’évaluation del’impact du trafic maritime sur lescétacés. Les chantiers durent septou dix jours, en voilier, et sontencadrés par un scientifique et unskipper. Aucune compétenceparticulière n’est nécessaire pour yparticiper. Sous encadrementscientifique, les écovolontaires(minimum 18 ans) font desobservations sur le pont tout aulong de la journée : comptage,observations comportementales,chronométrage, détermination dupositionnement géographique,photo identification, suivis du traficmaritime…Cybelle Planète travaille enpartenariat avec EcoOcéan, uneassociation de recherche encétologie. Ce programme derecherche s’étale sur plusieursannées (au minimum cinq). ■>>> www.http://www.cybelle-planete.org

Le Grand site du Canigoudésormais accessibleaux handicapésPour accéder au refuge situé à2300 m d’altitude, les personneshandicapées peuvent emprunter l’undes trois fauteuils tout terrain mis àleur disposition par le Syndicat mixtegestionnaire du Grand site.Tractés par un âne, les intéressésparcourent les 400 m de déniveléjusqu’au refuge. La piste étantfermée à la circulation automobile enété, ils peuvent ensuite redescendreseuls sans risque d’accident.L’expérience mise en place depuis2003 connaît un vif succès. ■>>> [email protected]

▲ GRANDDAUPHIN.

Le 18 mai dernier, au camp de l’Arataï dans la Réserve natu-relle des Nouragues, ont été retrouvés sans vie les corps denos amis Capi et Domingo. Ce nouveau drame témoigne, s’il

en était besoin, de la violence extrême qui règne dans l’intérieurde la Guyane autour de l’orpaillage illégal et nous touche directe-ment. Agents de l’association Arataï, gestionnaire de la Réservenaturelle, ils entretenaient le camp d’écotourisme mis en placepar l’association aux portes de la Réserve. Capi en était mêmele créateur. En forêt profonde, rien ne se fait sans ces hommesqui connaissent le fleuve et la forêt, qui savent y organiser unlieu de vie en harmonie avec le milieu naturel et qui savent y gui-der un public avide de renouer avec la nature dont il a perdu laconnaissance et l’intimité. Au quotidien, ils faisaient profiter lesvisiteurs de la qualité de leurs relations humaines empreintes degentillesse, d’attention et de modestie.En m’associant à la très grande douleur de leurs familles et deleurs amis, je souhaite par ces quelques mots rendre hommageà ces hommes, à leur savoir-faire et à tout ce qu’ils ont apportéà la conservation de notre patrimoine naturel. ■Jean-Marc Michel, directeur de la nature et des paysages

Capi et Domingo: drame en GuyaneHommage

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● Grippe aviaire

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Le projet Life, consacré à la restauration et à la gestion deshabitats du butor étoilé vient de se conclure. Conduit entreavril 2001 et mars 2006 sur six sites en France, le programme a

permis d’acquérir des données majeures pour la conservation del’espèce. On sait ainsi que les niveaux d’eau optimaux sont comprisentre 10 et 20 cm en période de reproduction, et que pour nicher lesfemelles sélectionnent les massifs de roseaux les plus hauts et lesplus denses. On a également pu établir que le succès dereproduction relativement faible sur les sites étudiés estessentiellement imputable à un taux de prédation naturel élevé. Par ailleurs, le régime alimentaire du butor est composépréférentiellement d’invertébrés aquatiques et terrestres. Toutes cesdonnées démontrent l’importance d’associer aux actions de gestionet de restauration l’acquisition de connaissances sur les besoins

écologiques d’une espèce vulnérable.Le projet a également permis des avancées

significatives dans l’amélioration de la gestionhydraulique et la restauration de roselières

favorables à l’accueil du butor étoilé. À titre d’exemple, sur l’étang de

Vendres (Hérault), le Life est venuconforter un plan de gestionhydrologique global mené sur leszones humides de la basseplaine de l’Aude. Il a permis depasser rapidement à unephase opérationnelle detravaux de réhabilitationd’ouvrages hydrauliques et decanaux d’amenée d’eau douce.Des modalités d’exploitation

environnementale des marais àroselières ont également été

testées avec succès. Ces actions,menées plus particulièrement dans

l’estuaire de Seine, en Camargue et enBrenne démontrent que les activités

socio-économiques ne sont pasincompatibles avec le maintien des populations

du butor étoilé à condition d’adapter les pratiques(conservation de 10 à 20% de roselières non fauchées, réalisation

d’assecs d’étangs…). Les cahiers des charges issus de cesexpérimentations pourraient donc contribuer au maintien des effectifsdu butor étoilé sur les sites Life et vraisemblablement ailleurs enFrance et en Europe. Un recueil d’expériences, dont la parution estprévue d’ici mai 2006, permettra une plus ample restitution desrésultats de ce projet tant sur le plan scientifique que sur la gestion. ■

Estelle Kerbiriou - Coordinatrice du projet Life butor

>>> Mél : [email protected]

6 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

erra

tum ■ Bénin ■ Dans notre dernière édition, Jean-Marc Sinnassamy

signait un article sur une coopération au Bénin (rubrique Ailleurs

p. 38-40). L’adresse mél que nous avons communiquée à nos

lecteurs est aujourd’hui erronée. Retenir : [email protected]

Life butor étoilé, l’heure est au bilan

© J.-B. Nogues - AMdV

BUTORÉTOILÉ.

● Programme d’étude

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échodes pros

Le tourisme de nature

«Val d’Allier, Vols d’été » ! Un joli nom pour un séjourtouristique qui se déroule en ce

début de période estivale et vise à fairedécouvrir l’avifaune du principal affluent de laLoire. Durant l’année 2006, et pour ladeuxième année consécutive, ce ne sont pasmoins de treize séjours nature qui ont ainsiété proposés par Loire nature. Tous dans lecadre d’un programme de préservation et degestion durable de la Loire et de ses affluentsmis en œuvre par la fédération desConservatoires d’espaces naturels, le WWFFrance et la Ligue pour la protection desoiseaux. La LPO Auvergne et l’Établissementpublic Loire mènent ainsi, depuis quatre ans,une démarche de développement du tourismede nature, sur le bassin versant de la Loire (1/5e du territoire national).Cette démarche a permis d’expérimenter lamise en œuvre de projet de tourisme de naturepar les associations environnementales, en lesincitant à connaître et à travailler enpartenariat avec les acteurs du tourisme. Pource faire, des diagnostics de l’offre et de lademande ont été menés lors d’une phased’approche marketing. Ensuite, a débuté unephase de mise en œuvre de projets collectifs.Elle a abouti, en outre, à des offres deproduits touristiques. Afin de répondre aumarché ciblé, plusieurs opérateurs Loirenature (LPO, WWF, Conservatoires d’espacesnaturels régionaux) ont mis en place desséjours touristiques packagés courts (trois àcinq jours) en partenariat avec desprofessionnels du tourisme. Des sources àl’estuaire, en passant par les affluents, il estdésormais possible, grâce à cette nouvelleoffre, de découvrir, autrement, les richessesnaturelles du bassin de la Loire. Une politiquede promotion/communication nationale a étémise en place. Elle s’est accompagnée del’édition d’une brochure d’appel égalementtéléchargeable sur le site www.loirenature.org. Par ailleurs, un colloque prévu du 7 au 9novembre à Clermont-Ferrand permettra auxtechniciens et usagers des espaces alluviauxde faire le bilan de dix ans de gestion dufleuve et de ses affluents. ■

Stéphanie Besse, LPO Auvergne

Tél. : 0473363979

● Vue sur

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 7

12e forum des gestionnairesRegards croisés sur Natura 2000

Chasse aux oiseaux sauvages La Commission européenne abandonne les poursuites contre la France.La France avait été condamnée endécembre 2000 par la Cour de justice descommunautés européennes pour avoir fixé lasaison de la chasse aux oiseaux sauvagespendant la période de migration, ce qui n’étaitpas conforme aux dispositions de la directiveOiseaux de 1979. Le 5 avril 2006, laCommission européenne a décidé l’abandondes poursuites, en estimant que la France avaitpris les mesures nécessaires pour sesoumettre au droit européen. Elle a considérénotamment que l’arrêté du 24 mars 2006relatif à l’ouverture de la chasse aux oiseaux depassage et au gibier d’eau (JO 30 mars 2006)est en conformité avec les informationsscientifiques disponibles. ■

Sports de natureLa fédération des Parcs naturels régionaux,Réserves naturelles de France, Rivages deFrance et le Conservatoire du littoral conduisentactuellement un travail inter-réseaux sur les« Pratiques des sports de nature dans lesespaces naturels protégés ». L’un des objectifsest de disposer de méthodes efficaces pourévaluer les impacts des activités sportives surles différentes espèces et habitats naturels, etde les traduire en outils d'aide à la gestion. ■

Changement climatiqueLe plus grand réseau de gestionnairesd’espaces naturels en Europe se réunira àOrléans (Muséum national d’histoire naturelle)du 25 au 27 octobre prochain (à l’invitation del’ONF et de la FCEN). Vingt-cinq délégationsétrangères viendront débattre du changementclimatique et de ses conséquences sur lagestion des milieux naturels terrestres lors del’assemblée générale d’Eurosite. ■>>> [email protected]

Séjour ornithologiqueDepuis peu, il est possible d’être hébergé aucœur de la Réserve naturelle du marais d’Orx(Landes) pour un séjour ornithologique. L’undes gîtes est accessible aux personneshandicapées. Ces hébergements, accompagnésde salles de travail, peuvent accueillir desséminaires, colloques ou formations. ■

>>> [email protected]

On attend des participations à un séminaire professionnel desrencontres, des expériences présentées sous des « angles »inhabituels : la nouveauté de l’éclairage étant susceptible de

débloquer des situations où les représentations mentales préalablesempêchent la résolution d’un problème ou stérilisent la réflexion créative.Le douzième forum des gestionnaires qui s’est déroulé à Paris le 17 marsdernier invitait les participants à croiser leurs approches. Patchworks etaperçus, comme si vous y étiez…

AILLEURS

◗ L’occasion était donnée de faire un point sur Natura 2000 dans les vingt-cinq États membres. Comment sont perçues les directives (fardeau ouchance?), quelles modalités de désignation des sites, quels instrumentsde gestion, quelle interprétation des termes utilisés, quel degréd’intégration dans la politique globale nationale ou européenne? >>> www.alterra.wur.nl

◗ En Allemagne, les sites sont souvent petits, fragmentés et dépourvus dezones tampons. Par contre, les critères d’évaluation de l’état deconservation ont été définis. L’Allemagne voit d’ailleurs plus loin et sepréoccupe, hors les sites désignés, des interrelations fonctionnelles entreles écosystèmes et de la prise en compte des espèces strictementprotégées sur l’ensemble du territoire (annexe IV). >>> [email protected]

TERRITOIRE ET ACTEURSQuels sont les facteurs d’appropriation du projet par les socioprofessionnels(le curseur allant du rejet à la démarche active et volontaire) ? Plusieursfacteurs peuvent ainsi être identifiés :◗ neutre : les caractéristiques écologiques et géographiques,◗ négatif : mesure antérieure de protection déjà rejetée,◗ ambivalent : les paramètres économiques liés au croisement Natura2000 et développement territorial,◗ positif : travail de concertation lié au Docob et leadership par un acteurpolitique ou socioprofessionnel qui porte le message Natura 2000. >>> [email protected]

EFFETS DES OUTILS◗ Atouts et limites des dispositifs tels que la charte et la maîtrise foncière.« Enfant impécunieux » (mais viable) du Docob, la charte Natura 2000 estsignée avec des propriétaires volontaires. Elle ne se substitue pas à lamaîtrise foncière mais les engagements qu’elle implique peuvent êtredurables (bien que non rémunérés), accompagnés de bilans patrimoniaux(reste à voir leur nature : contractuelle ou réglementaire ?). La gestiondéléguée après maîtrise foncière est de caractère technico-administratif,elle est coûteuse mais bien appropriée à de grands espaces et à des sitesà forte pression touristique (qu’elle renforce souvent, au détriment de labiodiversité). >>> www.petitesilesdefrance.fr◗ Tisser sa toile ou comment mobiliser de façon cohérente les mesuresNatura 2000 (contrats) et d’autres instruments de gestion patrimoniale :contrats d’agriculture durable (CAD), ceux au titre du Fonds départementalde gestion des espaces naturels, les programmes Life nature, les créditsd’investissement (État, Conseil général et Région), les partenariats entreles différents acteurs institutionnels, etc. >>> www.pnr-massif-bauges.fr

Les actes du forum seront en ligne sur le site :www.natura2000.espaces-naturels.fr (rubrique Outils). ■

échodes pros

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● En brefMARAIS D’ORX(LANDES).

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8 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

Natura 2000 : un outil informatique

Pour évaluer les Docob

Pour les paysages,maîtriser le foncierLes signataires du Manifeste pour les paysages ont présenté leurstravaux à l’Assembléenationale en mars dernier.Ils soulignent quel’étalement urbains’accompagne le plussouvent d’uneconsommationdéraisonnable du capitalfoncier. Celui-ci constituepourtant une ressource nonrenouvelable. Or, depuis1945, on voit un doublementdes surfaces urbanisées. Onnote aussi, ces dixdernières années, uneaugmentation de 17% dessurfaces artificialiséesalors que la population nes’est accrue que de 4%.Le Manifeste souhaite ainsiplacer le paysage, lamaîtrise foncière, la qualitédes interventions surl’espace au cœur desprojets d'aménagement àtous les niveauxterritoriaux. Des étatsgénéraux devraient se tenirau début du mois defévrier 2007 au Palaisd’Iéna, sous l’égide duConseil économique etsocial. ■

www.manifestepourlespaysages.org

©Ra

phaë

lSal

zedo

● En brefPour le Medd,la priorité est

l’objectifd’achèvementdu réseau, laréalisation du

premier étatdes lieux de

l’état deconservation

dans le cadrede la

surveillance àl’échelle

nationale(2007), et quetous les sitessoient dotésd'un Docob

approuvé(2010).

À la demande du ministère de l’Écologie et duDéveloppement durable (Medd), l’Atelier technique des

espaces naturels (Aten) travaille à la définition du cadreméthodologique du bilan-évaluation de la mise en œuvre des documents

d’objectif (Docob) à l’aide d’un outil commun informatisé. À ne pasconfondre avec l’évaluation de « l’état de conservation » des habitats Natura2000, dont le maître d’œuvre est le Muséum national d’histoire naturelle.L’outil informatique sert à suivre la manière dont les mesures de gestionsont mises en œuvre.Les 9 et 10 février 2006, à Montpellier, un séminaire a réuni plus de centvingt participants : représentants des structures animatrices, Diren et DDAF,partenaires de la démarche Natura 2000. La présentation de l’outilinformatique (Edater) et des tests effectués grandeur nature par lesgestionnaires en phase d’expérimentation a été suivie d’ateliers pratiques demanipulation pour simuler la saisie initiale (renseigner l’outil) ainsi que dedémonstrations sur la base d’un Docob réel.Il est manifeste que la saisie initiale du Docob nécessite du temps et desefforts. En fonction de la complexité du Docob, du nombre d’habitats,d’espèces et de mesures, le temps nécessaire à la saisie peut aller jusqu’àune semaine. D’autant que la qualité de cette saisie initiale conditionne lasuite de la démarche. Il faut, en effet, intégrer les données, structurer lesobjectifs stratégiques et opérationnels, justifier les actions, gérer les cas oùune action correspond à plusieurs mesures MAE... Pratiquement l’outil informatique s’avère utile : • pour rédiger le compterendu annuel d’activité • pour mémoriser les interventions année par année• pour valoriser le travail d’animation auprès du comité de pilotage • pourjustifier des demandes de financement auprès de partenaires • pourpermettre à la structure animatrice de donner, à dire d’expert, uneappréciation qualitative sur la manière dont les mesures de gestionappliquées ont eu un effet observable sur l’état de conservation.Toutefois des remarques ont été faites sur les risques de redondance desaisie et les liens envisageables entre cet outil et les bases de donnéesexistantes déjà renseignées : FSD, Znieff, Zones humides, Swan, etc. Enoutre, les participants ont insisté sur la nécessité d’avoir un cahier descharges d’élaboration des Docob (réédition du guide méthodologique) en

cohérence avec cet outil et sur le besoin d’un accompagnementtechnique pour son utilisation. Pour que le déploiement

devienne une réalité, il faut que la « plate-forme technique »gérée par l’Aten soit en mesure de répondre effectivement

aux questions des utilisateurs et qu’un véritable réseaude mutualisation des pratiques voie le jour. ■

Michelle Sabatier

>>> Pour accéder à l’outil (login et mot de passe), faire une demande auprès de Johanne Lievin.Mél : johanne.lievin@espaces-naturels.frwww.natura2000.espaces-naturels.fr

échodes pros

PAUSEDÉJEUNER LORSDU SÉMINAIRENATURA 2000.

© Michelle Sabatier - Aten

■ La vraie vie des chauves-souris en sept panneaux ■C’est une exposition itinérante sur la protection des chauves-souris, réalisée enpartenariat avec le Conservatoire régional des espaces naturels de Poitou-Charentes.Elle a été conçue comme un objet pédagogique permettant aux visiteurs de se défairedes idées reçues sur la vie des chiroptères. Cette exposition est gratuite et mise àdisposition de toute personne ou structure qui souhaite contribuer à la connaissanceet la protection des chauves-souris. Des animations peuvent être programmées, unguide pourra les encadrer. ■ >>> Caroline Sergent. Mél : [email protected]

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 9

à l’épreuve du réchauffement climatique

Le grand public découvre l’ampleur des menacesque les changements climatiques feraient courir à labiodiversité. Avant ce cri d’alarme de Chris Thomaset ses collaborateurs, divers écologues et natura-listes s’étaient inquiétés des réponses aux change-ments climatiques des espèces et des écosystèmes.Et nombre de responsables d’espaces protégés s’in-terrogeaient sur les stratégies à adopter. Que lesespèces animales et végétales soient influencées,dans leur distribution, leur physiologie et leur éco-logie, par les facteurs climatiques – température,vent, précipitations, périodes de gel… – n’est évi-demment pas une découverte récente pour le biolo-giste ou le gestionnaire d’espaces protégés. Mais laprise en compte des effets des changements clima-tiques induits par l’accroissement d’origine anthro-pique des gaz à effet de serre (gaz carbonique,méthane, oxydes d’azote) est beaucoup plusrécente2. Parmi la diversité des réponses observées,on relève notamment : des décalages des rythmes sai-sonniers, des glissements d’aire géographique et desdynamiques complexes à l’échelle des écosystèmes.Les articles qui suivent en donnent de nombreux

Janvier 2004 : la grande presse relaie les conclusions d’un ar ticle qui vientde paraître dans la revue Nature et qui annonce une vague d’extinction enmasse d’espèces animales et végétales d’ici 20501.

exemples. Aussi, bornons-nous à souligner ici unpoint essentiel qui pourtant échappe trop souventaux débats médiatiques sur la biodiversité et la crised’extinction qui la touche. Cette biodiversité n’estpas un catalogue d’espèces, une collection de timbresvivants ; c’est d’abord une somme quasi infinie d’in-teractions directes et indirectes complexes entreespèces et entre celles-ci et leur milieu. Prédire, dansun tel contexte, est un exercice particulièrementdélicat, si ce n’est faire entrevoir que des cascadesd’extinctions peuvent résulter de modifications affec-tant telle ou telle espèce. Quelle que soit l’incertitudequi pèse sur les scénarios climatiques et la complexitédes réponses de la faune et de la flore à ces chan-gements, on peut s’attendre à des situations critiquessurajoutées à la destruction ou la détérioration desmilieux (fragmentations, pollution) et à l’impact desespèces envahissantes. Quoi qu’il en soit les effets deschangements climatiques méritent d’être pris encompte dans les stratégies de gestion de la nature.Les gestionnaires d’espaces protégés sont confrontés làà un véritable défi qui appelle une stratégie à élaborer àl’échelle européenne. ■ROBERT BARBAULTDIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ÉCOLOGIE ET GESTION DE LA BIODIVERSITÉMUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE

>>> Mél : [email protected]

La gestion de la biodiversité

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changement climatique et biodiversité

MENACÉ PAR LERÉCHAUFFEMENT,L’OURS BLANC ESTUNE ESPÈCEHYPER ARCTIQUE :IL NE PEUTSURVIVRE SANSBANQUISE.

eensavoirplus◗ 1. Thomas, C. et al., 2004, « Extinction risk from climate

change », Nature, n° 427.◗ 2. Lovejoy T.E. et Hannah L. (eds), 2005, Climate change and

biodiversity, Yale University Press.

© M

TC

orel

préparé par

VALÉRIE FIERS

RÉSERVES

NATURELLES DE FRANCE

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10 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

doss

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et biodiversitéchangement climatique

Les modèles du changement climatiquePour simuler la réponse des espèces aux change-ments climatiques, différents types de modèles bio-géographiques sont utilisés. Parmi ceux-ci, lesmodèles «basés sur les niches écologiques» sont lesplus utilisés. Ces modèles simulent de manière sta-tistique les combinaisons de variables climatiques,de sols ou d’utilisation des terres qui permettent àune espèce cible de survivre et de se reproduire.L’aire de répartition actuelle de l’espèce rapportée auclimat permet de caractériser des relations statis-tiques. Celles-ci sont alors utilisées pour identifierles régions favorables à l’espèce dans chacun desscénarios de changement climatique. Ainsi, la figureci-dessous illustre la distribution du hêtre en 2050selon le scénario climatique A1 (monde avec écono-mie de marché globale, consommation de combus-tibles fossiles, équivalent à une augmentation detempérature de 4,1 °C).Une analyse récente réalisée sur plus de 1 350espèces végétales en Europe a permis de montrerque la moitié des espèces étudiées pourrait perdreprès de 50% de leur aire de répartition actuelle. Lesespèces à tendance tempérée (hêtre, pin sylvestre,chêne sessile) pourraient ainsi perdre une quantitésubstantielle de leur aire de distribution dans leszones en limites sud. En revanche, les espèces detype méditerranéen pourraient étendre leur distri-bution vers le nord. Ces résultats, pris dans uncontexte continental, mettent en évidence la sensibi-lité accrue des zones de montagne au réchauffementclimatique. Ils dessinent une perte de diversitéimportante due à l’incapacité des espèces caractéris-tiques des systèmes alpins de migrer plus en altitude(moins de sols à très haute altitude).Les analyses ainsi réalisées demeurent limitées parles incertitudes inhérentes à la modélisation et à lafaible connaissance scientifique de la réponse desespèces au changement climatique. Elles permettentnéanmoins d’envisager les futurs paysages en Europeselon les scénarios de changement climatique. ■

DR. WILFRIED THUILLERLABORATOIRE D’ÉCOLOGIE ALPINE

>>> Mél : [email protected]

1. Ces modèlesclimatiques

projettentl’évolution desconcentrations

atmosphériques degaz à effet de

serre et d'aérosolset leurs

conséquences surle climat.

Les scientifiques anticipent les conséquences du changementclimatique et modélisent des scénarios d’avenir.

Schéma Wilfried Thuiller

eensavoirplus◗ site du CNRSwww.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/voir notamment la rubrique Index des auteurs.

Anticiper l’impact

La température moyenne à la surface du globeaugmente depuis 1861. Au 20e siècle, leréchauffement était de 0,6°C ± 0,2°C concentré

principalement sur deux périodes : 1910-1945 et1976-2000. Par ailleurs, les données obtenues parsatellite suggèrent que la couverture neigeuse adiminué d’environ 10% depuis la fin des années 60.Quant aux observations au sol, elles indiquent que,sous les latitudes moyennes et élevées de l’hémi-sphère nord, la durée annuelle du gel des lacs et descours d’eau a probablement diminué de deuxsemaines au cours de ce même siècle.

Scénarios et modèlesAussi, afin d’appréhender le futur, le Groupe d’ex-perts intergouvernemental sur l’évolution du climat(GEIEC) a élaboré plusieurs scénarios d’émission degaz à effet de serre. Pour cela, il a tenu compte deplusieurs hypothèses d’évolutions démographiques,de transformations techniques, de revenus par habi-

tant ou encore de richesses selon les régions. Cesscénarios ont ensuite été intégrés dans des outilsde modélisation climatique1 permettant d’imagi-ner les possibles en matière d’évolution du cli-mat. Ainsi, sur cette base et en fonction desévolutions socio-économiques envisageables,les écologues peuvent évaluer la réponse pro-

bable des espèces et des écosystèmes.

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TCo

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Distribution actuelle et future du hêtre suivant le scénario A1 pour 2050

En rouge, lesrégionsactuellementfavorables audéveloppement duhêtre qui ne leseront plus dans lefutur ; en vert clair,les régionsactuellementfavorables auhêtre et qui leresteront ; et envert foncé, lesrégionsactuellement nonfavorables maisqui le deviendront.

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 11

Comment les espècesrépondent...

Changer pour durer

LE PAON DU JOUR EST UNE ESPÈCE DE PAPILLON «LONGÉVIVE», PUISQUE LES ADULTES PASSENT L’HIVER ENÉTAT DE TORPEUR ET PEUVENT VIVRE PENDANT ONZE MOIS. DEPUIS UNE TRENTAINE D’ANNÉES, CETTE ESPÈCEDE LA FAMILLE DES VANESSES SEMBLE RÉPONDRE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : L’ÉMERGENCE DES ADULTES(EN MARS) EST DE PLUS EN PLUS PRÉCOCE ET LA LIMITE NORD DE L’AIRE DE RÉPARTITION (FINLANDE,LITUANIE ET LETTONIE) S’EST DÉPLACÉE DE PLUSIEURS DIZAINES DE KILOMÈTRES VERS LE NORD.

des cycles d’activités saisonniers de 1 468 espèces deplantes et d’animaux, principalement de l’hémisphèrenord, a mis en évidence un avancement des datesd’émergence ou de reproduction de cinq jours enmoyenne par décade depuis trente ans. Par exemple,l’hirondelle de fenêtre arrive actuellement vingt joursplus tôt en moyenne qu’en 1970. Néanmoins, la duréede son séjour en Europe n’a pas changé, c’est-à-direque la date de départ en migration vers l’Afrique a éga-lement avancé de vingt jours. Il semble que le retourplus précoce des hirondelles soit dû à un changementdes conditions climatiques en Afrique (augmentationdes températures hivernales) depuis les vingt der-nières années plutôt qu’au changement climatique enEurope, bien que simultané. On voit donc là un effet duréchauffement global sur la phénologie d’une espèce, leréchauffement en Afrique provoquant un déclenche-ment plus précoce de la migration vers l’Europe, et leréchauffement en Europe permettant aux hirondellesd’y trouver de la nourriture suite à l’émergence plusprécoce de leurs proies. Pour certaines espèces cepen-dant, il peut y avoir un décalage entre les dates dedépart des quartiers d’hiver et les conditions d’accueilsur les zones de reproduction, pouvant occasionnerune augmentation de la mortalité ou une diminutionde la reproduction. ■CHRISTOPHE BARBRAUD - CNRS

Les suivis à long terme de l’écologie et de la biolo-gie de plusieurs espèces animales et végétalesmontrent que les changements climatiques

affectent un large éventail d’espèces. Il est possible dedistinguer quatre types de réponses des espèces auxchangements climatiques.

Changements d’aire de distributionLa distribution géographique des espèces est générale-ment déterminée par des régimes climatiques particu-liers, souvent au travers d’une tolérance physiologiquespécifique à certaines gammes de températures ou deprécipitations. Avec le réchauffement, ces «enveloppesclimatiques» ont tendance à se déplacer vers les pôlesou en altitude. Dans la mesure où les ressources ali-mentaires le permettent, on s’attend à ce que lesespèces suivent leurs enveloppes climatiques respectiveset donc que leurs aires de distribution se déplacent.C’est ce qui est observé pour plusieurs espèces depapillons de l’hémisphère nord, dont pour certainesd’entre elles l’aire de distribution s’est déplacée de200 km vers le nord en vingt-sept ans.

Changements démographiquesLe changement climatique peut affecter la mortalitéou la reproduction des individus et donc la taille despopulations. Les études montrant de tels effets sontrelativement peu nombreuses, mais il semble d’ores etdéjà que certaines espèces aient vu leurs populationsdiminuer ou augmenter suite aux changements climatiques récents. C’est par exemple le cas d’unepopulation de manchots empereurs Aptenodytes fors-teri en Antarctique qui a diminué de 50 % suite à unréchauffement de la température de l’océan et à unediminution de l’étendue de la banquise en hiver.

Changements adaptatifsLes espèces peuvent s’adapter, au point de vue évolutif,aux changements climatiques via le mécanisme de lasélection naturelle. Par exemple, la réponse physiolo-gique à la température d’une espèce de jonc (Carex) achangé en l’espace de cent soixante-quinze ans, avecune sélection vers une meilleure tolérance aux tempéra-tures élevées. Jusqu’à maintenant, très peu d’études ontété conduites sur les réponses adaptatives des espèces.

Changements de phénologieLa phénologie est l’étude des variations des phéno-mènes périodiques de la vie végétale et animale telsque le départ en migration des oiseaux ou la floraisondes plantes. Les changements de phénologie consti-tuent la meilleure évidence d’un impact des change-ments climatiques sur les espèces. Une étude globale

Constater

Les variations climatiquesagissent sur la dynamique

des populations. On observe des effets surles tailles de population

mais également sur les mécanismes

démographiques, les tauxde reproduction…

Arrivée de migrationdes hirondelles

de fenêtre en provenance

d’Afrique à Oxfordshire

Angleterre, lors des trente

dernières années. En moyenne,

les hirondelles de fenêtre

arrivent fin mars,alors qu’elles

arrivaient mi-avril il y a trente ans.

Variation de la date d’arrivée de migration des hirondelles de fenêtre

>>> Mél :[email protected]

Date moyenne d’arrivée

Source : Cotton, Peter A. 2003. Avian migration phenology and global climate change.

© Alexandre Gosselin - fond-ecran-image.com

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12 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

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et biodiversitéchangement climatique

Avec le changement climatique, la répartition et le cycle vital des espèces se modifient, chaque espèce à son rythme. Ces décalages provoquent des bouleversements dans le fonctionnement des chaînes alimentaires.

1. La capacité d’uneespèce à se modifiergénétiquement.2. Phénologie : étude de larépartition dans le tempsdes phénomènespériodiquescaractéristiques du cyclevital des organismes. Voiraussi article p. 11. 3. Parasites d’autresinsectes.

cées. En effet, celles-ci étant à faible effectif, il s’en-suit une faible variabilité génétique. Les petites popu-lations perdent, par hasard, de la variabilité géné-tique et les mutations sont trop rares dans ces popu-lations pour la restaurer. C’est le cas du pic à faceblanche, espèce mondialement menacée. Les femellesles plus consanguines ne parviennent pas à ajusterleur date de ponte aux variations de température, leurfécondité s’en trouve alors affectée. Ces difficultésd’adaptation pourraient se traduire par des extinc-tions et une réorganisation du fonctionnement descommunautés.

Relations prédateurs/proiesCes écarts du rythme vital des espèces (écarts phéno-logiques2, voir figure) ont un impact sur le fonction-nement des chaînes alimentaires. Durant les dernières décennies par exemple, les mésanges ontconnu une avancée de phénologie. Leur rythme vitalet saisonnier est tantôt plus rapide, tantôt plus lentque celui de leurs proies. Or, ce décalage entraîne undéficit de nourriture qui diminue la survie desoisillons. L’adaptation des arbres à la nouvelle donneenvironnementale pourrait également modifier lefonctionnement de la chaîne alimentaire. En effet,avec un décalage de trois jours par décennie, ils ontune réponse phénologique généralement plus faibleque celle des autres espèces. Ces différences pourraientse révéler problématiques car les espèces au sommetdes chaînes trophiques (alimentaires) dépendent decelles dont elles se nourrissent.

Face au réchauffement climatique, la biodiversités’adapte. Néanmoins les réactions sontvariables et l’on peut se demander pourquoi et

quelles pourraient en être les conséquences ? Tenterde répondre c’est tout d’abord observer qu’il existedes facteurs limitant l’adaptation au réchauffementclimatique et, parmi eux, la variabilité génétique1.Ainsi, si durant la dernière décennie les mésangesnéerlandaises ont ajusté étroitement leur date deponte à la température printanière (ce qu’elles nefaisaient pas durant les années 70), il n’en est pas demême pour toutes les espèces. On peut alors prévoirdes difficultés d’adaptation chez les espèces mena-

0

1

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le fonctionnement des écosystèmes est affecté

Variations de la phénologie2 des groupes d’espèces

La biodiversité s’adapte,

LE PETIT GRAVELOT AUHÂBLE D’AULT, CAYEUX-SUR-MER (80). D’APRÈSLE SUIVI STOC (SUIVITEMPOREL DES OISEAUXCOMMUNS), CETTEESPÈCE MÉRIDIONALESEMBLE ENAUGMENTATION. ON PEUTSUPPOSER QU’ELLEBÉNÉFICIE DURÉCHAUFFEMENTCLIMATIQUE.

D’a

près

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is C

ouve

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LES CYCLES VITAUXSONT PLUS OU MOINSAVANCÉS ENFONCTION DESGROUPES D’ESPÈCES.AUX EXTRÈMES, LESOISEAUXCONNAISSENT UNEAVANCÉE MOYENNE DESIX JOURS PARDÉCENNIE,SEULEMENT TROISJOURS POUR LESARBRES.

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 13

LE PLUVIER GUIGNARD. LES SITES DE NIDIFICATIONDE CE LIMICOLE SONT RARESEN FRANCE. ILS SE SITUENTEN ALTITUDE. L’ESPÈCEPOURRAIT DISPARAÎTREDU PAYS PAR SUITE DURÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE.

suite page 14 ● ● ●

On peut également citer l’exemple des insectes para-sitoïdes3. Au sommet des chaînes alimentaires, ilscontrôlent les ravageurs des cultures, mais leur pré-sence diminue avec la variabilité des précipitations.Une augmentation de cette dernière avec le réchauffe-ment climatique générerait donc un bouleversementde ce contrôle.Ces déstabilisations des relations trophiques pour-raient expliquer que chez les oiseaux en France, chezles papillons au Royaume-Uni, les espèces généra-listes sont en augmentation, aux dépens des espècesspécialistes. La plus forte flexibilité des premièresdans leurs relations avec les autres espèces leur per-mettrait plus facilement de se reporter vers des proiesplus en phase avec leur nouvelle phénologie.

Vigilance accruePar ailleurs, on commence à mesurer les inconvé-nients d’une décapitation des chaînes alimentaires :

émergences de maladies (Lyme), ravages croissantsdes cultures, surpâturage... C’est pour contrôler lesherbivores qui décimaient la végétation du Parc duYellowstone (ce qui avait un impact négatif sur lescastors, car ils dépendent de la partie de la végétationqui souffrait particulièrement), que les gestionnairesde ce Parc ont réintroduit le loup. Il importe doncd’être particulièrement vigilant vis-à-vis des espècesau sommet des chaînes trophiques qui ont un rôle éco-logique clé, mais devront s’ajuster selon l’adaptationau réchauffement climatique des espèces dont ellesdépendent. Leur faible variabilité génétique, due àleurs effectifs réduits, laisse supposer peu de possi-bilité adaptative, à moins que la réponse de gestioncompense l’absence de réponse génétique… ■DENIS COUVET - ROMAIN JULLIARD - FRÉDÉRIC JIGUETMUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE

>>> Mél : [email protected]

Constater

Fré

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Bar

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La vitesse des changements annoncés interpelle fortement la communautéforestière : comment les forêts vont-elles faire face à un changement de leur environnement plus rapide que le rythme de renouvellement desarbres? Comment les nouveaux équilibres vont-ils s’établir ?

acquis et incertitudes

Prévoir des changements de grande ampleur

La réponse aux changements climatiques à venir estappréhendée en combinant observations, analysesstatistiques et modèles2. L’évolution et la répartitionde ces changements dépendront de l’importancerelative des effets de l’augmentation du CO2 atmos-phérique, du réchauffement et des épisodes de stresshydrique, ainsi que des interactions entre climat, solet gestion sylvicole. Les grandes tendances des chan-gements à venir peuvent s’esquisser ainsi :◗ les aires potentielles de répartition des espècesatlantiques et méditerranéennes vont s’étendre for-tement vers le nord et l’est, tandis que celles des espèces montagnardes et continentales régresse-ront (voir figure p. 14). Attention : il ne s’agit pasd’une prédiction de ce que seront les aires réelles dedistribution des espèces en 2100 – celles-ci dépen-dront en particulier des vitesses de migration desespèces et des actions humaines – mais d’une pro-jection des aires qui leur seront climatiquementfavorables ;

La forêt face au changement climatique,

Les mutations sont déjà engagées. Ces dernièresannées, des travaux ont révélé des changementsparfois importants dans les écosystèmes fores-

tiers. La productivité en volume des arbres s’est accruetrès significativement au cours du siècle dernier. L’airede distribution de certaines plantes s’est égalementmodifiée : on note, par exemple, une extension vers lenord et l’est des lauriphylles1. Par ailleurs, certainesespèces d’arbres en limite d’aire ou sur station peuadaptée montrent des fléchissements de croissance,voire des dépérissements (pin sylvestre en régionméditerranéenne). Certains ravageurs et pathogènesont vu leur aire de distribution s’étendre. Ainsi, dansle bassin parisien, la chenille processionnaire du pin aprogressé de près de soixante kilomètres vers le norden dix ans.Si des facteurs non climatiques interviennent dans cesévolutions, ce qui rend leur interprétation difficile,toutes s’expliquent en partie par une réaction auxchangements climatiques enregistrés depuis le débutdu 20e siècle : augmentation de la concentration enCO2, allongement de la période de végétation, réchauf-fement hivernal, diminution des périodes de gel,sécheresses extrêmes des dernières années.

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rédé

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eaux

1. Arbres ou arbustes àfeuilles toujours vertesà limbes larges (tellesles feuilles de laurier).

2. Notamment dans lerécent projet Carbofor,piloté par l’Inra avec laparticipation delaboratoires de MétéoFrance, du CEA, duCNRS, de l’IFN, desuniversités d’Orsay etd’Orléans, du Cirad etde l’Engref. Les travauxconduits dans le cadrede Carbofor se basentsur le modèleclimatique Arpège B2de Météo France. Ceprojet était soutenu parles ministères chargésde l’Écologie et del’Agriculture dans lecadre du programme«Gestion et impact duchangementclimatique ».

© Bruce Ronchi

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14 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

doss

ier

et biodiversitéchangement climatique

3. Écophysiologie : disciplinescientifique qui cherche àcomprendre comment lesêtres vivants font face auxcontraintes de leur milieu.

4. Les groupeschorologiques sont desgroupes d’espèces dont larépartition géographiqueest similaire et obéit auxmêmes types dedéterminisme. La chorologieest l’étude de la répartitiongéographique des espèceset de son déterminisme.

5. Lignicole : se dit d’uneplante ou d’un champignonqui pousse sur le bois.

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Aires climatiquesactuelles

Aires climatiquespotentielles en 2100

● ● ● suite de la page 13

LA RÉSERVE NATURELLE DE LA MASSANE

OBSERVE SES ARBRES

Initié en 1999, un inventaire cartographiqueexhaustif permet l’observation individuelle de48768 arbres de trente espèces peuplant

28,8 ha de la Réserve naturelle de la Massane(Argelès-sur-Mer, Pyrénées-Orientales). Cedispositif permet d’observer les réponses despeuplements forestiers aux perturbations.Lors de l’été 2003, cette hêtraie méridionale nonexploitée depuis plus d’un siècle, a été soumiseà d’importantes contraintes, hydriques (30 mmde pluie sur juin, juillet, août) et thermiques (dix-neuf jours avec des maxima supérieurs à 30°C).Cette conjonction de sécheresse et de caniculeest la plus importante depuis plus de quaranteans d’enregistrements.La connaissance de l’état des arbres avant2003, ainsi que les contrôles réalisés en 2004et 2005 ont relevé des effets de cetteperturbation. Sur les 29524 arbres vivants en2002, 770 cas de mortalité peuvent êtreattribués à la sécheresse et à la canicule de2003. Le hêtre, le chêne pubescent et l’aulneglutineux ont été touchés avec respectivement4,14%, 2,28% et 12,76% de mortalité.Les cas de dessèchements prématurés dufeuillage ont été notés : 11,5% des hêtres et10,3% des aulnes sont touchés.Trois espèces de champignons lignicoles5 ont faitl’objet d'une analyse. La présence accrue de ceschampignons est une conséquence des stress,hydrique et thermique, rendant les arbres plusvulnérables aux parasites. Depuis l'été 2003, lenombre d’arbres vivants porteurs d’au moins unchampignon lignicole a triplé.Les gestionnaires d’espaces forestiers manquentde références pour évaluer aujourd’hui lesconséquences de tels événements. Seuls dessuivis entrepris depuis de nombreuses annéescomme à la Massane permettent d’avoir lesréférences nécessaires à l’évaluation desperturbations futures. ■Jean-André Magdalou - Technicien scientifique

>>> Étude des effets de la conjonctionsécheresse/canicule de 2003 sur la forêt de laMassane. J.A. Magdalou, Ch. Hurson, J. Garrigue- 2005 - Réserve naturelle de la Massane. Mél : [email protected]

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ÉVOLUTION DES AIRES CLIMATIQUESPOTENTIELLES DES GROUPES

CHOROLOGIQUES4 D’ESPÈCES. LES PLUS FORTES ÉVOLUTIONS SONT

OBSERVÉES POUR LE GROUPE 7(17% DU TERRITOIRE OCCUPÉ

ACTUELLEMENT CONTRE 46% EN 2100) ET LE GROUPE 8

(9% AUJOURD’HUICONTRE 28% EN 2100).

▼ ▼ ▼

OUDEMANSIELLA MUCIDA, UN CHAMPIGNON LIGNICOLE5 INDICATEUR

DES STRESS SUBIS PAR LES ARBRES.

◗ la productivité des forêts de l’est devrait, sauf accident majeur, continuer à augmenter, tandis quecelle des forêts de l’ouest et du sud ralentirait forte-ment, voire diminuerait, dès le milieu du siècle ;◗ des modifications des équilibres entre ravageurs,pathogènes et arbres hôtes sont également attendues.Il est difficile de prédire le résultat d’interactionscomplexes (tolérance, synchronisation, etc.), mais lesaires de distribution de nombreux insectes et champi-gnons devraient s’étendre vers le nord et en altitude,les mettant en contact avec de nouveaux hôtes.

Des interrogations qui subsistentFace aux inquiétudes et interrogations nombreusesque soulèvent ces résultats, on s’interroge sur lescapacités d’adaptation des essences forestières.Malgré le peu de données expérimentales disponibles,un faisceau d’indices (suivi de réponses à des trans-ferts naturels ou artificiels, différenciation génétiquedes populations des tests de provenance, simulationsthéoriques) laisse espérer que ces capacités soient plusimportantes qu’on ne l’imagine. Ces indices sont four-nis par le suivi de réponses à des transferts naturels ouartificiels, mais aussi par la différenciation génétiquedes populations suivies dans les tests de provenance,ou encore par des simulations théoriques.Pour lever un certain nombre d’incertitudes qui subsistent, plusieurs pistes sont ouvertes. Il s’agit decompléter les travaux sur l’écophysiologie3, mais éga-lement sur le rôle de la biodiversité, sur l’influence desstructures paysagères pour la migration des espèces,l’impact à moyen et long termes des événementsextrêmes, l’impact des mesures d’aménagement duterritoire et de gestion sylvicole, mettre en regard lesrésultats des différentes disciplines et approches. Pourcela, deux types d’outils s’imposent : les modèles etl’observation continue des écosystèmes. ■

SANDRINE LANDEAU - ECOFOR

>>> Mél : [email protected]

Les éléments présentés sont issus du débatorganisé par Ecofor le 15 décembre 2005.>>> www.gip-ecofor.org/ecofor/publi/page.php?id=6116

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Chaud et froid sur le littoralPart de la surface dessites du Conservatoire dulittoral susceptible d'êtreérodée ou submergée àl’horizon 2100.

Le disque central est proportionnel

à la surface renseignéedes sites acquis,

la couronne à celle des acquisitions futures.

En bleu, la partdes surfaces érodées

ou submergées.

Quel impact le changement climatique aura-t-il sur la montéedes eaux, sur les propriétés foncières et les écosystèmes?Le Conservatoire du littoral a cherché à le savoir.

Le réchauffement climatique de la basse atmo-sphère devrait avoir des répercussions surl’évolution des côtes. En effet, il provoquera

une élévation du niveau moyen de la mer et cer-tains modèles prévoient une augmentation de laforce et de la fréquence des tempêtes. On peutdonc s’attendre à une accélération de l’érosion desplages et des falaises mais aussi à une extensiondes submersions temporaires ou permanentes surles espaces côtiers bas et à l’accentuation de la sali-nisation des eaux littorales aussi bien superficiellesque souterraines.Le Conservatoire du littoral a lancé en 2002 uneétude visant à évaluer les effets sur ses terrains descénarios d’érosion et de submersion d’ici à la findu 21e siècle. La première phase a été consacrée àl’étude de dix sites pilotes afin de mettre en placeune méthodologie applicable à l’ensemble dupatrimoine de l’établissement. La seconde phase a

étendu l’étude prévisionnelle à la totalité des sitesdéjà acquis par le Conservatoire, mais aussi à ceuxqu’il a l’intention d’acquérir dans les prochainesannées. Les résultats, nécessairement entachésd’incertitudes, ont cependant permis d’établir uneévaluation globale des surfaces, aujourd’hui émer-gées, qui pourront être recouvertes par la mer d’icià 2100, par érosion ou par submersion (figure). Ilsmontrent que l’élévation du niveau de la merattendue au cours du 21e siècle devrait avoir unimpact relativement modeste sur les sites duConservatoire du littoral, même si certains terrainsdevraient être particulièrement affectés par l’érosion ou par la submersion. C’est dans cetteperspective que les résultats ont été discutés avecles partenaires et les gestionnaires des sites duConservatoire lors d’un atelier organisé au Palais dela découverte (www.conservatoire-du-littoral.fr).Une troisième phase de l’étude entend poursuivre laréflexion sur l’adaptation des modes de gestion dessites vulnérables à cette nouvelle conjoncture,notamment dans les polders aux digues fragiles et enmauvais état, et sur la modification éventuelle de lastratégie d’acquisition foncière de l’établissement. ■CHRISTINE CLUS-AUBY

>>> Mél : [email protected]

POLDER DE MORTAGNE-SUR-GIRONDE APRÈS LA RUPTURE DES DIGUES (CHARENTE MARITIME).L’élévation du niveau marin, de même que l’augmentation de la force et de la fréquencedes tempêtes, affaiblira les digues de protection des polders. La rupture de cesouvrages, ou leur dépassement par la marée, rendra à la mer les terrains qui lui avaientété confisqués. Une transformation radicale des milieux est donc prévisible. Cesmodifications écosystémiques peuvent représenter des opportunités intéressantes dere-naturation de certains sites de faible intérêt économique.

Zones à risques

LA MARE DE VAUVILLE (MANCHE)Le bourrelet dunaire mince et peu élevé quisépare la mare de Vauville des eaux de laManche est très fragile. Même si le recul dutrait de côte devrait être relativement modestedans ce secteur (de l’ordre d’une quarantainede mètres d’ici à 2100) et s’il devrait rouler surlui-même en accompagnant le déplacement dela ligne de rivage, l’éventualité de sa rupturesous l’effet des tempêtes doit être envisagée.Les terrains topographiquement bas situés enarrière de cette dune, occupés par une mared’eau douce et par des zones humides,pourraient par conséquent être envahis par leseaux marines avant la fin du siècle. Unemodification de l’écosystème est donc probable,qui verra un marais salé prendre la place del’environnement dulçaquicole (d’eau douce)actuel. ■

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Érosion : le recul des plages et des falaisespourrait faire perdre au Conservatoire 647 ha,

soit 1,2% de la surface de ses biens fonciers actuels, et 1514 ha, soit 1% de la surface de sonpatrimoine futur (constitué des terrains qu’il possède déjà et de ceux qu’il a l'intention d’acquérir).

Submersion des marais maritimes : 1350 ha, soit 3% de ses biens actuels, et 3073 ha, soit 2,6%de son patrimoine futur, pourraient être affectés de submersions suffisamment fréquentes pour

modifier les caractères écologiques de ces milieux.Submersion totale : elle prend en compte les marais maritimes déjà comptabilisés dans le graphique

ci-contre mais aussi les polders, terres dès aujourd’hui potentiellement submersibles puisquesituées en-dessous du niveau marin actuel. L’éventualité de submersion de ces terres endiguées

dépend davantage de l’entretien des ouvrages qui les protègent que de l’élévation du niveau marin,de l’ordre de 44 cm, attendue d’ici à 2100. Dans ces conditions, 5000 ha, soit 10% de ses biens

fonciers actuels, et 30000 ha, soit 21% de son patrimoine futur doivent être considérés commesusceptibles d’être submergés avant la fin du siècle en cours. D

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et biodiversitéchangement climatique

Vous dites que le changement s’observe au quotidien…

L’avancée de l’été est évidente. Il y a quinze ans,lorsque, en juin, nous arrivions sur place, la neigerecouvrait encore notre zone d’étude. Ces dernièresannées, la neige a disparu et la banquise est déjà for-tement disloquée. Les ours blancs offrent un autreexemple flagrant. Tous les deux ou trois ans, l’un

d’eux venait exceptionnellement visiter le camp debase. Depuis 2000, ce sont cinq, six, sept d’entreeux qui nous rendent visite chaque année. Avecla disparition de la banquise dès le milieu del’été, les ours viennent à terre. C’est unexemple, il y en a d’autres : il y a quatre ans, uneespèce de coccinelle a fait son apparition dans larégion. Depuis, on en voit partout. Nous avonségalement découvert en 2004 deux nouvellesespèces nicheuses de goélands. Certes, elles

nichaient déjà en Islande et sur l’île Jan Mayenvoisines, mais jamais, depuis des siècles, elles

n’étaient venues se reproduire dans ces régions. Or,s’agissant de prédateurs, l’impact est immédiat : les

FONTE DE LA BANQUISE.

Depuis quinze ans, le chercheur Olivier Gilg observe le Groenland. Chaque année, il passe plusieurs mois dans ce milieu extrême pour étudier l’impact du réchauffementclimatique sur les fluctuations des espèces. Jusque-là, quand on les interrogeait, lui etses collègues du Groupe de recherches en écologique arctique restaient sur uneréserve prudente. Mais, depuis cinq ans, le discours a radicalement changé.

sternes et eiders disparaissent de leurs îlots dès l’an-née suivante. Le réchauffement climatique est deuxfois plus important dans l’Arctique que dans lesautres régions du globe. Ces régions sont les pre-mières à être touchées. Ce seront également cellesqui seront le plus gravement affectées.

Certaines espèces bénéficient du réchauffement. Ce pourrait être une bonne nouvelle…

Ce sont généralement des espèces assez banales ;celles qui ont une aire de distribution assez large etpeuvent migrer. Ainsi de nouvelles colonies demouettes tridactyles se sont récemment installées etles colonies existantes sont en augmentation alorsque partout ailleurs en Europe elles déclinent. Cesespèces montent vers le nord, parce qu’elles suiventles déplacements des populations de poissons etqu’elles bénéficient de la fonte de plus en plus précocede la banquise. En revanche, les espèces typiquementarctiques, plus rares, avec des effectifs plus réduits,sont en déclin. C’est assez dramatique. Comme l’oursblanc, la mouette d’ivoire est une espèce hyper arc-tique. Elle ne peut survivre sans banquise. Au Canada,elle a déjà perdu 90% de ses effectifs en vingt ans. Etsi les modèles climatiques sont justes, elle pourraitdisparaître totalement à l’horizon 2050-2070.

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Olivier GilgPRÉSIDENT DU GROUPE DE RECHERCHES EN ÉCOLOGIE ARCTIQUE.

● «Nous avons modélisél’écosystème de l’Arctique»

Rencontre avec

CHOUETTE HARFANG FEMELLE.

16 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

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Si les modèles sont justes…Le réchauffement n’est donc pas certain ?

Il y a beaucoup d’incertitude sur l’avenir. Le GulfStream, par exemple, s’est déjà ralenti par le passé. Sile scénario se reproduisait, et certains modèles l’envi-sagent, on assisterait à un refroidissement en Europe.La communauté scientifique est quasi unanime pouraffirmer que le climat se réchauffe à l’échelle plané-taire, elle s’accorde également à dire qu’il existera defortes variations régionales et que certaines régions,au contraire, pourraient bien se refroidir.

Y a-t-il des choses dont on est sûr ?

Depuis trente ans, nous faisons des suivis de la faune.Nous avons ainsi pu modéliser l’écosystème de latoundra arctique. C’est une chose faisable car il y apeu d’espèces. Nous pouvons donc faire varier desparamètres. Faire fondre la neige plus tôt parexemple, et observer ce qui se passe. On s’aperçoitalors que les espèces les plus spécialisées seront lesplus touchées par le changement climatique.En observant les lemmings par exemple, on comprendbien ce qui va se passer. Ces petits rongeurs ont desfluctuations importantes de densités. D’une année àl’autre, il peut y en avoir des milliers ou plus du tout.On sait que les prédateurs, qui arrivent plus ou moinstôt, sont à l’origine de ces fluctuations. Or, si la neigefond plus tôt, au 1er juin par exemple, le taux de

Zones à risques

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 17

croissance des populations de lemmings diminue etles phases de pullulation (tous les quatre ans habi-tuellement) disparaissent, avec toute une somme deréactions en chaîne.Ainsi, la chouette harfang, une belle chouette touteblanche, de la taille d’un hibou grand duc, ne sereproduit que les années où il y a beaucoup de lem-mings. On a compté que le mâle ramenait jusqu’à cin-quante lemmings par jour à la couvée. En absence depic de densité chez les rongeurs, la chouette harfangne pourra pas survivre. Elle n’aura pas assez de proiespour nourrir ses petits.D’autres espèces sont également touchées par rico-chet comme l’eider à tête grise. Certes, il ne se nourritpas de lemmings, mais le renard, lui, s’en nourrit. Or,le renard est son prédateur. Et, tous les trois-quatreans, il a tellement de facilité pour chasser les lem-mings qu’il se désintéresse des oiseaux. Cetteannée-là, ceux-ci en profitent pour se reproduireavec succès. Là encore, la stabilisation de la dyna-mique des lemmings va changer la donne.Dans ces régions, les modifications sont plusbrutales, plus rapides... Les Inuits euxaussi en font les frais. Par endroit, labanquise ne se forme déjà plus enhiver et les phoques, espèces centralesde leur subsistance, ne leur sont plusaccessibles. ■RECUEILLIS PAR MOUNE POLI.

>>> Mél : [email protected]

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suite page 18 ● ● ●

rieurs de France et la majorité des plantesrares et menacées. Ainsi, les plus forts enjeux deconservation de la biodiversité ne concernent pas uni-quement les régions tropicales, mais aussi les différentes régions du globe soumises à un climatméditerranéen.La biodiversité du bassin méditerranéen ne se localisepas par hasard, et elle culmine dans une cinquantainede zones refuges, essentiellement les montagnes et lesîles. Épargnés des glaciations, ces territoires furent peuaffectés par les phases de refroidissement et d’aridifica-tion du tertiaire et du pléistocène1 ; ils abritent desdiversités génétiques et spécifiques originales, dont denombreuses espèces très anciennes (paléoendémiques).La plupart des scénarios tendanciels indiquent que le

LE PALMIER NAIN(CI-DESSUS) EST UNEPLANTE INDIGÈNE ENMÉDITERRANÉEOCCIDENTALE, ORELLE S’IMPLANTEDEPUIS UNEQUINZAINE D’ANNÉESSUR TOUT LELITTORAL DE FRANCEMÉDITERRANÉENNE.LA CROIX VALMER -CAP TAILLAT.

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Les régions du globe à climat méditerranéen fontpartie des trente-quatre points chauds de biodi-versité (hotspots) identifiés au niveau mondial.

Ces secteurs de concentrations exceptionnelles enespèces dont certaines endémiques sont soumis à deprofondes modifications environnementales, puisqu’aumoins 75% de leur végétation considérée comme ori-ginelle a été détruite par l’action humaine.

Des enjeux pour les espèces du climat méditerranéen

Le hotspot du bassin méditerranéen représente moinsde 2% de la surface terrestre du globe, mais il abrite10% des végétaux de la biosphère. Sur 11% du terri-toire métropolitain, la zone méditerranéenne françaiseconcentre environ les trois quarts des végétaux supé-

la flore méditerranéenne

La plupart des scénarios indiquent que le bassin

méditerranéen sera l’une des régions du globe parmi

les plus affectées par les changements climatiques.

eensavoirplushttp://www.helsinki.fi/science/metapop/english/People/Olivier.htm

LEMMING À COLLIERET SILÈNE ACAULE.

1. Premièreépoquegéologique duquaternairequi dure de2000000 à10000 ansav. J-C.

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et biodiversitéchangement climatique

À l’exemple du palmier nainLes modifications les plus visibles concernent leschangements d’aire de distribution des végétaux,avec la progression d’espèces thermophiles en régionnord-méditerranéenne. Tel est le cas du palmier nain(voir p. 17), indigène en Méditerranée occidentale etqui s’implante sensiblement depuis une quinzained’années sur tout le littoral de France méditerra-néenne. Mais cet exemple illustre bien les difficultésque rencontrent les écologues pour identifier lesmécanismes responsables des modifications biogéo-graphiques observées : s’agit-il d’une progressionnaturelle à partir d’individus plus méridionaux dis-persés par les vertébrés, ou plus simplement d’unedispersion à courte distance à partir des très nom-breux individus plantés dans les parcs et jardins ?Assiste-t-on à une « réactivation» d’anciennes popu-lations indigènes de ce palmier anciennement citésur le littoral de Provence et Côte d’Azur ? Quellessont les conséquences de la baisse des usages agro-pastoraux dans cette progression ? Toutes ces ques-tions en suspens oblitèrent la mise en place d’actionsraisonnées de conservation de ce palmier protégé enFrance…

Sans négliger la nature ordinaireIdentifier les cas d’extinctions d’espèces végétales liésaux changements climatiques reste encore plus déli-cat, mais d’ores et déjà les plus fortes menaces pèsentsur les habitats et végétaux relictuels, comme lesmarais alcalins des montagnes sub-méditerra-néennes du Parc national du Mercantour qui abritentplusieurs végétaux artico-alpins (Carex bicolor,Juncus arcticus) géographiquement très isolés et auxcapacités de migration réduites.Comment alors garantir à la fois la pérennité desécosystèmes méditerranéens et leur biodiversité, faceà la puissance et à la rapidité des changements glo-baux actuels ? Sans négliger la «nature ordinaire», ilfaudrait se focaliser en priorité sur les zones refugeset leurs périphéries, car ces zones sont à la fois despuits de conservation d’anciennes espèces et dessources d’évolution de nouvelles espèces. Or, lesconfrontations effectuées montrent que les refugesméditerranéens font partie des territoires les plusmenacés par l’anthropisation. À une échelle plusréduite, les écosystèmes et leurs végétaux méditerra-néens doivent pouvoir évoluer sous l’effet des chan-gements, climatiques notamment, ce que la plupartdes structures actuelles de conservation ne permettentpas, car elles sont peu ou pas connectées en réseau.Les suivis à long terme des dynamiques écologiqueset des populations végétales devraient aussi être unaxe fort de la politique de gestion conservatoire desespaces naturels protégés, sachant que les persis-tances locales et les capacités migratoires des végé-taux sont très variables et méritent des études au caspar cas. Devant l’inconnu et la complexité des chan-gements biologiques, la mise en place rapide d’unevéritable conservation évolutive de la biodiversitéméditerranéenne s’impose. ■

FRÉDÉRIC MÉDAILINSTITUT MÉDITERRANÉEN D’ÉCOLOGIE ET DE PALÉOÉCOLOGIEUNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE

>>> Mél : [email protected]

● ● ● suite de la page 17

BOURGEONNEMENTDES FEUILLES

1 à 4 semaines d'avance

phénologie de la plante phénologie de l’animal

CHUTEDES FEUILLES

1 à 2 semaines de retard

FLORAISON

environ 1 semaine d'avance

APPARITIONET ACTIVITÉ

1 à 2 semaines d'avance

MIGRATION

avances et retards

Altération de la synchronisationentre niveaux trophiquesAltération des capacités

de compétitivités des espèces

Augmentation de la séquestration du carbone et des cycles globaux

de l’eau et des nutriments

Altération de la structure et du fonctionnement des écosystèmes(également effets agricoles, socioéconomiques et sanitaires pour la société humaine)

Impacts imprévisibles au niveau des communautés

Période de croissanceenviron 3 semaines de plus

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Conséquences potentielles du réchauffement climatiquesur les principales interactions biotiques entre les espèces animales et végétales.

On lit, dans d’autres articles, que les végétaux de la zone méditerranéenne progressent enétendue (chêne vert, etc.) et voilà que vous nous dites que le changement climatique estaussi une menace pour la flore méditerranéenne! Comment résoud-on cette contradiction?N’est-ce pas le changement tout court qui menace les scientifiques et les gestionnaires?

Frédéric Médail : Les changements des écosystèmes sont des phénomènes complexes et,effectivement, si certaines espèces peuvent progresser, d’autres plus sensibles sont sujettes àdes régressions de leur aire de distribution. La difficulté actuelle est de mieux comprendre etcerner les tendances dynamiques, en fonction des caractéristiques biologiques des végétaux,sans oublier l’action de l’homme qui brouille considérablement les cartes du vivant ! Alorsnon, le changement ne menace pas les scientifiques. Au contraire, il les oblige à se poser denouvelles questions ; questions cruciales pour faire évoluer la biologie de la conservation versdes concepts et pratiques de gestion plus dynamiques… ■

bassin méditerranéen sera l’une des régions du globeparmi les plus affectées par les changements clima-tiques. La vulnérabilité des écosystèmes devrait aug-menter avec le déclin de la fertilité des sols et de ladisponibilité des ressources hydriques qui favorisentles épisodes sévères de sécheresse, d’où des incendiesplus fréquents et intenses. Si l’on considère lesespèces, le réchauffement combiné à la sécheressemodifie les cycles biologiques (débourrement, florai-son, fructification) des végétaux et des changementscomplexes de leurs interactions biotiques peuventsurvenir (voir figure).

eParlezvrai... ! question à Frédéric Médail

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 19

L'aire de distribution de la malaria

suite page 20 ● ● ●

vectrices. Il faut également tenir compte de leursvariations démographiques dans les aires actuelles.Ces variations peuvent d’ailleurs être liées à d’autrescauses que le réchauffement. On évoque ainsi, sou-vent, le risque de ré-émergence de la malaria, trans-mise par les moustiques du genre anophèles, large-ment répandus en Europe. Bien avant que l’on parlede réchauffement climatique, le protozoaire agent dupaludisme était transmis jusqu’en Scandinavie. Sadisparition en zone tempérée tient aux actionspubliques de contrôle (dont certaines ont été désas-treuses en termes de conservation biologique : drai-nage des marais, utilisation d’insecticides dangereuxet non sélectifs).Cependant, le réchauffement climatique aura unimpact direct sur certaines espèces hôtes : le raccour-cissement de la saison froide permettant la reproduc-tion de générations supplémentaires, avec un effetexponentiel sur la densité de leurs populations.Inversement, l’augmentation des températuresrisque de réduire l’aire de répartition de certainsagents infectieux : de ce point de vue, la transmission

D'après Hay et al. 2004, The Lancet, 4:327-336.

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>>> Risque sanitaire

Lier conservation et santé publique

LE MOUSTIQUE AEDESALBOPICTUS VECTEUR POTENTIELDES VIRUS DE LA DENGUE, EST ÉGALEMENT CELUIDU CHIKUNGUNYA.

L’ÉLEVAGE DE YAKS EST LA RESSOURCE ESSENTIELLEDES NOMADES TIBÉTAINS (À GAUCHE PÂTURAGE D’ÉTÉÀ 4200 M D’ALTITUDE, DANS LA RÉGION DE SERXU).UN CHANGEMENT CLIMATIQUE PEUT INDUIRE DESMODIFICATIONS D’EXPLOITATION DES PÂTURAGES,ENTRAÎNANT DES CHANGEMENTS DE RÉGIMESDÉMOGRAPHIQUES DES PETITS MAMMIFÈRES(RONGEURS, PIKAS) ET MODIFIER L’INTENSITÉ DETRANSMISSION DE L’ÉCHINOCOQUE ALVÉOLAIRE. CI-DESSOUS À BENRI, 4500 M D’ALTITUDE.

Peut-on dissocier santé publique, réchauffement climatiqueet conservation? Non. D’abord parce que les espèces vonts’adapter mais aussi parce que la modification du climatmodifiera les activités humaines qui modifieront les airesde répartition des espèces… Tout est dans tout…

Le réchauffement climatique va induire desconséquences en termes de santé publique.Pour contrôler les risques infectieux, il est bien

sûr nécessaire de connaître les variations d’aires dedistribution des espèces vectrices de maladies et desstades libres des agents infectieux. Ainsi, parexemple, le moustique Aedes albopictus, originaired’Asie tropicale, s’est répandu depuis 1990 en Italie.Il a été signalé pour la première fois en France en1999 dans la région parisienne et il ne se serait ins-tallé entre Nice et Menton qu’en 2005. Vecteurpotentiel des virus de la dengue, c’est égalementcelui du chikungunya. Un autre moustique,Culicoïdes imicola, a été capturé pour la premièrefois en Corse en 2000, puis dans les Alpes maritimesen 2003. Originaire du sud de la Méditerranée, il peutêtre vecteur du virus de la fièvre catarrhale ovine,une maladie le plus souvent fatale pour le mouton.Son impact potentiel sur les ruminants sauvageseuropéens est inconnu.

Variation démographiqueMais l’effet du réchauffement climatique sur la trans-mission d’agents infectieux ne passe pas forcémentpar l’extension de l’aire de distribution des espèces

LE PIKA DES PLATEAUX, ENDÉMIQUE DU PLATEAU TIBÉTAIN, EST UN PETITLAGOMORPHE QUI PEUT PULLULER DANS LES ZONES SURPÂTURÉES.

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200219941975196519461900Pas de malaria connue

Sur le schéma, on observe que l’aire de distributionde la maladie s'est déplacée en se réduisant…

En 1900, le parasite était présent sur toutes leszones colorées (sauf le bleu). En 1946, il n'était plus

présent dans les zones orange clair. En 2002, il estidentifié dans les seules zones rouges.

▼ ▼ ▼

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v20 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

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et biodiversitéchangement climatique

de l’échinocoque alvéolaire1 est illustrative. En effet,au stade d’œuf (seul stade de développement libre),ce parasite du foie létal pour l’homme est très sen-sible à la chaleur modérée et à la déshydratation. Sonaire de distribution déjà limitée au sud, devrait seréduire encore vers le nord du fait du réchauffement.

Effet ricochetMais la dynamique des populations hôtes est égale-ment liée indirectement aux pratiques agro-pastorales.Or, avec la modification de la ressource globale eneau et du régime nival en montagne, ces pratiquesvont évoluer avec un effet ricochet possible sur lespopulations d’hôtes. Celui-ci peut s’illustrer par lesmodifications intervenues en France depuis lesannées 70. En moyenne montagne, le contexte

● ● ● suite de la page 19

économique a conduit les agriculteurs à développerles zones de prairies et à réduire les haies, ce qui,localement, a déclenché des cycles de pullulation derongeurs de prairies. Un phénomène comparable estobservé sur le plateau tibétain où jadis les popula-tions de yaks étaient régulièrement décimées lorsd’épisodes neigeux extrêmes. Une nouvelle gestiondes prairies et l’augmentation consécutive du cheptelont conduit à un surpâturage avec pour conséquencela pullulation du pika des plateaux2 et de campagnols,hôtes de l’échinocoque alvéolaire.Ces deux cas, à une échelle globale, montrent com-ment des modifications consécutives de pratiquesagro-pastorales ont conduit à l’intensification ducycle parasitaire. L’évolution de l’activité humaineinduite par le changement climatique est aussi au cœur de la problématique des changements sanitaires… ■PATRICK GIRAUDOUX – PROFESSEUR D’ÉCOLOGIEBIOLOGIE ENVIRONNEMENTALE USC INRAUNIVERSITÉ DE FRANCHE-COMTÉ

>>> Mél : [email protected]

1. Parasite responsable del’échinococcose, maladiegrave se développantlentement dans le foie.

2. Petit mammifèreherbivore de la mêmefamille que les lièvres etlapins (taille 8-25 cm). Voirphoto page précédente.

Il a déjà changé…Lézard vivipare

© Pasquale Renucci

menace majeure du changement climatique, les ges-tionnaires des espaces naturels auront la difficiletâche de rechercher un compromis entre assurer dessuivis assez sommaires sur le plus grand nombre pos-sible d’espèces et mettre en place des suivis pluspoussés sur les espèces les plus susceptibles derépondre fortement au réchauffement. Ces espècessensibles pourraient être ciblées parmi celles les plusexposées aux contraintes thermiques comme lesespèces en limite latitudinale ou altitudinale d’aire de

répartition. Plus les para-mètres considérés serontnombreux, meilleure serala compréhension des perturbations liées auréchauffement, et plus lesstratégies de gestion pour-ront être optimisées. ■MANUEL MASSOTUNIVERSITÉ MARIE ET PIERRECURIE PARIS - CNRS

JEAN CLOBERTLABORATOIRE DIVERSITÉBIOLOGIQUE - UNIVERSITÉDE TOULOUSE

>>> Suivi effectué au Parc national des CévennesÀce jour, nombre d’espèces ont déjà réagi auréchauffement climatique. Les principales observations portent sur les décalages dans les

activités saisonnières des individus et des glissementsd’aire de répartition géographique. D’autres modifi-cations de natures diverses (physiologiques, morpho-logiques, comportementales, démographiques, géné-tiques) ont certainement dû se produire, mais celareste peu étudié. C’est ce qu’illustrent les résultatsd’un suivi de vingt-trois années de populations delézards vivipares, dans le Parc national des Cévennes,au travers d’une diversité des réponses au réchauffe-ment climatique. Il a ainsi été montré que l’augmen-tation locale des températures a induit un accroisse-ment de 28 % de la taille des jeunes et de 12 % decelle des femelles adultes, une augmentation de 25%de la taille des portées, une réduction de 50 % desmouvements de dispersion et un avancement desdates de ponte de dix jours. Ces réponses sont trèsmarquées et diversifiées : elles témoignent d’un clairbouleversement du fonctionnement des populations.De manière surprenante, l’abondance du lézard vivi-pare dans les populations suivies n’a pas encore étéaltérée de manière notable. Ceci souligne l’utilitéd’étudier une diversité de paramètres lors des suivisafin d’anticiper le plus possible les conséquences duchangement climatique sur les populations. Face à la

Augmentation de la taille des femelles adultesdepuis 20 ans.

>>> Mél :[email protected]

Les quatre courbes de couleurscorrespondent à quatre relevéseffectués en quatre lieux différents.

1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001

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Taille exprimée en millimètres

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 21

médiation avec les acteurs du territoire (pour résoudreles conflits), des moments de concertation (pour facili-ter l’apprentissage) et des approches participatives.Dans un deuxième temps, ces acteurs vont analysercomment le changement climatique risque de modi-fier les trois caractéristiques déterminant la dyna-mique de leur système socio-écologique à savoir, larésilience, l’adaptabilité et la transformabilité. Larésilience1 mesure la capacité d’un écosystème àamortir une perturbation et à se réorganiser enconservant les mêmes fonctions, structure et capacitéde rétroaction. L’adaptabilité traduit la capacité desagents d’un système à gérer cette résilience. La trans-formabilité rend compte de leur capacité à créer unnouveau système, quand les conditions du systèmeantérieur sont devenues sociologiquement, économi-quement ou écologiquement intenables.Enfin, les acteurs définissent des options stratégiquespour des échelles de temps et d’espace raisonnablespar rapport à leurs projets et aux projections réalistesde changement du climat. Ils s’appuient alors sur lamodélisation informatique comme moyen d’appren-tissage partagé des interactions entre dynamiquesécologiques et dynamiques sociales… et comme outild’élaboration et de comparaison de scénarios pros-pectifs. De ce fait, la stratégie adaptative devient outild’aide à la décision.

Asseoir des choixPour s’adapter au changement climatique, les acteursdu Causse Méjan ont deux options : contrôler la tra-jectoire du système en le maintenant le plus éloignépossible des seuils de basculement (éviter la précarité),ou accroître sa stabilité (augmenter sa résistance).Pour cela, ils devront : être capables d’anticiper leseffets du changement climatique sur la dynamique deleurs ressources et avoir conscience de l’incertitudeinhérente à la prévision de ce changement (apprendreà vivre avec le changement et l’incertitude), maintenirune mosaïque d’habitats (favoriser la diversitécomme garant de résilience), échanger leurs expé-riences sur les effets du réchauffement (combiner dif-férents types de connaissance pour un apprentissagepartagé), imaginer ensemble des techniques alter-natives comme le sylvopastoralisme pour réduire lasensibilité de leurs ressources à la sécheresse (rendrepossible l’auto-organisation des agents pour la miseen œuvre d’un développement durable). ■MICHEL ÉTIENNE - INRA AVIGNON

>>> Mél : [email protected]

On parle beaucoup de stratégie de gestion adaptative. De quois’agit-il exactement ? En quoi peut-elle être utile au gestionnaire ?

ComprendreStratégie de gestion adaptative

1. Pour maintenir la résilienced’un système, on peut :• s’éloigner d’un des seuilsde basculement del’écosystème,• modifier les valeurs de ceseuil vers des niveauxéloignés du niveau actuel, • rendre le seuil plus difficileà atteindre,• jouer sur les interactionsentre niveaux d’organisationafin d’atténuer les pertes derésilience à des niveauxsupérieurs.

«Face au changement climatique, lastratégie de gestion adaptative viseà apporter des réponses correc-

tives à la gestion des écosystèmes ». Celapeut sembler simple, clair, évident… Maisla stratégie de gestion adaptative a ceci departiculier qu’elle repose sur le partagedes savoirs. Démarche dialectique, elle estcréatrice de nouvelles connaissances. Plusimportant encore, elle développe auprès

des gestionnaires leur aptitude à recon-naître les cibles d’intervention et à construi-

re un répertoire d’options leur permettantd'anticiper les changements à venir et de modi-

fier en conséquence la façon de gérer leurs res-sources. La notion de stratégie adaptative reposedonc autant sur la recherche de solutions que sur leprocessus humain d’auto-formation.Sur le Causse Méjan en Lozère, par exemple, la biodi-versité est liée au maintien des espaces ouverts etdonc, en grande partie, au maintien des activités pas-torales. Or, celles-ci dépendent de la productivité dessurfaces cultivées (qui permettent de nourrir les bre-bis en hiver) et du marché du lait de brebis ou de laviande d’agneau. Deux politiques publiques mises enœuvres presque simultanément (les reboisements duFonds forestier national, la création du Parc nationaldes Cévennes dans les années 70) posent aujourd’huile choix d’une stratégie adaptative. Faut-il préférerréduire la précarité du système en contrecarrant l’ex-tension naturelle des pins : encourager le pâturagesur les zones sensibles, intervenir sur les semenciersstratégiquement placés, soutenir la filière ovine ?Faut-il basculer vers un écosystème forestier et anti-ciper les pratiques garantissant une utilisationdurable de la forêt et une transition acceptable entreactivités pastorales et activités forestières ? Le choixentre ces deux options doit intégrer un facteurdécisif : le changement climatique.

Aide à la décisionL’intégration de ce facteur dans la mise en œuvre dela stratégie adaptative intervient à plusieurs niveaux.D’abord, les gestionnaires doivent identifier les incer-titudes sur les modalités du changement climatiqueau cours des trente prochaines années puis émettredes hypothèses sur son effet probable. Cette phase dela stratégie adaptative va combiner des moments de

S’appuyer sur des incertitudes

eensavoirplus◗ Michaël Usher, 2005,Conserver la diversitébiologique dans le contexte du changement climatique, 33 p. Disponible en pdf :http://www.coe.int/t/e/cultural_co-operation/environment/nature_and_biological_diversity/biodiversity/codbp03f_05.pdf

CAUSSE MÉJEAN.

©M

ichelleSabatier - Aten

HERMINE.

© Olivier Gilg

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L’état général de l’environnement marin s’est dégradéplus rapidement que prévu ces dernières décennies. Les scientifiques observent…

22 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

est due à un remplacement du copépode planctoniqueproie des alevins, par une espèce méridionale moinsappétente (Calanus helgolandicus). L’analyse est géné-ralisable à l’ensemble des populations de poissonscommerciaux faisant l’objet d’un recensement annuelde l’abondance. Dans la majorité des cas, les variationspositives ou négatives de la « natalité » sont étroite-ment liées aux évolutions des indices climatiques.

Modifier les objectifs de gestionLe changement global induit par les activités hu-maines se traduit par des changements de la naturedes espèces présentes, de leur potentiel de productionet du volume de prélèvement, notamment de pêche,qu’elles peuvent soutenir. Ces conséquences nécessi-tent de modifier les objectifs de gestion et de préserva-tion des ressources et des écosystèmes actuellementbasés sur les états antérieurs des ressources. Dansl’immédiat la projection de la tendance observée resteratrès probablement valide. Mais au terme de cinq à dixans, établir des prévisions fiables de l’évolution desressources, dépendra de la maîtrise des connaissancesde la dynamique du climat et de la capacité des éco-logues à appréhender l’évolution des régimes d’équi-libre des systèmes écologiques et de leurs probabilitésde rupture. Face à l’évolution de la nature, diagnosticset prévisions seront probabilistes. Pour les gestion-naires, le défi sera de pouvoir adapter leurs décisions àcette évolution des écosystèmes et des espèces qui lespeuplent. ■JEAN BOUCHERIFREMER, DÉPARTEMENT SCIENCES ET TECHNOLOGIES HALIEUTIQUES.

>>> Mél : [email protected]

Biodiversité marine, évolution rapide

Adapter la gestion…

CAPTURES DE ZENOPSISCONCHIFER ET DE CYNOPSISROSEUS LE LONG DES CÔTESATLANTIQUES EUROPÉENNES.A. DISTRIBUTION SELON LESLATITUDES ET LES ANNÉES DE1960 À 1995.B. LOCALISATIONGÉOGRAPHIQUE.ON NOTE UNE EXTENSIONVERS LES HAUTES LATITUDESDE LA LIMITE DEDISTRIBUTION D’ESPÈCES DEPOISSONS SUBTROPICALES.

D’après Jean-Claude Quéro et al., 1998.

eensavoirplus◗ Les observations de poissons tropicaux et leréchauffement des eaux dans l’Atlantique européen.www.ifremer.fr/docelec/doc/1998/publication-853.pdf

0,6°Cen trente ans. Cette augmen-tation moyenne de la température est décelable par-tout, avec plus ou moins d’amplitude.Dans le golfe de Gascogne par exemple, cette évolutionest apparue sur les quinze dernières années. Les pre-mières manifestations du changement ont été l’appari-tion, dans nos eaux, d’espèces qui y étaient inconnuesavant les années 70 et considérées comme cantonnéesaux régions subtropicales. C’est le cas des balistes,sérioles, tassergals, saint-pierres rosés qui ont été obser-vés pour la première fois dans les années 70 au SudPortugal, puis dans les années 80 au large du plateau deGascogne et, dans les années 90, en Ouest Irlande.Le phénomène est aussi observé pour des espècesd’algues microscopiques et des crustacés plancto-niques. Le copépode autrefois limité aux côtes deMauritanie est maintenant présent en Manche alorsque l’espèce similaire locale (Calanus helgolandicus)s’est déplacée vers la mer du Nord. En fait, toutes lesespèces sont concernées par le changement climatiqueet les effets ne se limitent pas à une extension vers leshautes latitudes des limites de distribution des espèces. L’évolution de la température coïncideavec différents changements des caractéristiques phy-siques du milieu fluide (température, courant, agita-tion…), qui conditionnent le comportement et ledéveloppement des individus.

Taux de natalitéAu niveau des populations, ces changements desconditions d’environnement influent principalementsur la survie des stades larvaires et juvéniles, détermi-nant ainsi leur niveau de renouvellement (le taux denatalité) et, par conséquent, leur abondance. Pourquelques espèces de poissons exploités, les processusécologiques sont maintenant connus. Ainsi, pour lasole, le taux de survie des juvéniles dans les baiescôtières dépend de l’abondance des débits fluviaux defin d’hiver, lesquels autorisent le développement desvers polychètes, proies de ces juvéniles. Pour l’anchois,c’est l’intensité des vents d’ouest printaniers qui déter-mine la survie des alevins par leur dispersion et cellede leur nourriture (algues phytoplanctoniques). Dansle cas du cabillaud, la régression des taux de natalité,

© Sylvie Gros

ZENOPSIS CONCHIFER

CYNOPSIS ROSEUS

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et biodiversitéchangement climatique

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Pour la forêt, le changement s’annonce à échéance d’une génération d’arbre.Le gestionnaire interroge le scientifique sur les comportements adéquats.

Quels comportements adopter?versité et sur celui de la foresterie. Le forestier auraittendance à affirmer qu’il faut s’engager dans une diversi-fication maximale des peuplements, à tous les étages devégétation. A-t-il raison? Faut-il sortir des monocultureset notamment mélanger systématiquement les essences,planter ou régénérer un nombre maximal d’essences dif-férentes ? Faut-il varier les modes de traitement ?Et, plus généralement, ne faut-il pas partir du principeque la station doit commander et non les débouchésescomptés à cent ans de là, avec les aléas que celasuppose ? Autant de convictions et de questions quiouvrent le dialogue. Qu’en pense le scientifique?ALAIN PERSUY - CRPF POITOU-CHARENTES

>>> Mél : [email protected]

© Alain Persuy

Une très récente étude montre com-ment le paysage sylvicole devraitêtre rapidement bouleversé1. Or, ces

travaux de modélisation réalisés par les équipes del’Inra questionnent le gestionnaire à plus d’un titre. Toutd’abord, faut-il planter ? L’augmentation des surfaces deboisement peut-elle être une réponse efficace au chan-gement climatique et si oui, à quelles conditions2 ? Maisalors, quelles espèces sélectionner ? En effet, le travail deschercheurs laisse apparaître que certaines espèces sontmenacées. Ce serait le cas du chêne pédonculé et duhêtre en Poitou-Charentes et, dans une moindre mesure,du pin maritime dans le Sud-Ouest. Par quelles essencesfaut-il les remplacer ou les seconder sachant que le pro-priétaire cherche à utiliser des essences économiquementrentables et utilisables par l’industrie ? Ne doit-on pasinciter les industriels à travailler sur des essences jus-qu’alors négligées, comme le chêne vert, et ce malgré salenteur de pousse ? Cette essence, comme d’autres dites« non productives », améliore souvent le sol, crée desambiances forestières protectrices et active l’accueild’une faune auxiliaire pouvant lutter contre les ravageursfavorisés par le réchauffement. Ne devrait-on pas envisa-ger de les subventionner ?Se pose aussi la question de la place des espèces exo-tiques. Devra-t-on les choisir ? Si oui, on peut imaginerque pour pallier les incidences de cette plantation sur labiodiversité, il sera envisageable de mélanger cesessences à des feuillus, mais quid des paysages ?On ne peut, non plus, occulter la question du stresshydrique induit par le changement climatique. Commentalors diminuer la concurrence pour l’eau ? Faut-il,comme certains le préconisent, supprimer tout ou partiedu sous-étage? Ce parti pris étonne le forestier qui y voitune erreur fondamentale à la fois sur le plan de la biodi-

▲ LES MONOCULTURES DE GRANDE AMPLEUR SONT FRAGILES. LE SOUS-ÉTAGE FAVORISE LA CAPACITÉ À SE DÉVELOPPER DES FORÊTS. ▲

gérer

1. L’étude projettel’évolution des essencesselon le climat, d’icià 2050 et 2100. On noteque les essencesaquitaines passent d’uneoccupation de 17% duterritoire à 46% ; lesessencesméditerranéennes de 9 à 28%.

>>> Gestion sylvicole

Les recherches sur l’impact du changementclimatique, dont les conclusions sont trèsalarmantes, sont encore récentes. Elles sont

amenées à évoluer et s’affiner. Aussi faut-il se garder detoute réaction prématurée ou excessive : il n’est pas encorequestion d’entreprendre une transformation systématiquedes peuplements au profit d’espèces adaptées au climatmodélisé à l’horizon 2100. En revanche, une prise deconscience active est à l’ordre du jour et c’est le momentde faire le point sur les recommandations des écologues etleur suivi effectif.

Anticiper la reconstitutionTous nos territoires forestiers sont-ils couverts par uncatalogue de station ? Ces catalogues sont-ils utilisés ?Sont-ils cohérents entre eux ? Sommes-nous capables de

Les réponses du scientifique

En revanche, les essencesmontagnardes régressentde 16 à 6% ; les essencesocéaniques etcontinentales de 58% à20%. Étude de l’Inra -Badeau et Dupouey, centrede Nancy 2004.2. Il est cependantillusoire de penser que laforêt puisse stabiliser letaux de CO2 dansl’atmosphère. Pour cela, ilfaudrait planter près d’unmilliard et demi d’hectaresde forêts, au plan mondial(Jancovici, missioninterministérielle pourl’étude de l’effet de serre).

suite page 24 ● ● ●

Les questions du forestier

▲ CÈDRES.

© ONF

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et biodiversitéchangement climatique

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Entre mesures physiques et observations naturalistes, ils travaillent maindans la main. Sur les Hauts-Plateaux du Vercors, chercheurs et gestion-naires ont associé leurs compétences et mis sur pied un observatoire

éco-climatique. Jusqu’ici, on connaissait les stations météorologiques, maisla complexité de cet observatoire réside dans l’ouverture de son champd’étude. Partant du principe que l’évolution du climat local, liée aux change-ments globaux, aurait un impact significatif sur la biodiversité, l’hydrologiemais aussi sur l’économie du Vercors, les gestionnaires du Parc naturel et dela Réserve naturelle se sont associés avec les laboratoires universitaires. Ilsont mis sur pied ce lieu d’échange et de synergie de plusieurs disciplines :météorologie, climatologie, écologie, biologie, géomorphologie...Concrètement, trois stations météorologiques acquièrent des paramètresliés à la température de l’air et du sol, à l’humidité, au vent, au rayonnement,aux précipitations, à la hauteur de neige. Un dispositif de surveillance quali-tatif et quantitatif de la ressource en eau est également mis en place (descollaborations scientifiques sont engagées avec le Laboratoire d’étude destransferts en hydrologie et environnement de Grenoble et l’Institut de géo-graphie alpine). L’originalité réside dans le traitement croisé des données partoutes les disciplines investies dans la démarche.L’implantation géographique de cet observatoire en fait un terrain d’étudedont les conclusions sont utiles à toute la communauté scientifique. Eneffet, le Vercors est une zone de transition entre les climats des Alpes duNord et méditerranéen. Cette zone est à la rencontre de quatre régions bio-géographiques (atlantique, continentale, méditerranéenne et alpine). Parailleurs, ce vaste plateau calcaire est riche en écotones1 et en espèces animales et végétales en limite d’aires de répartition. ■

PIERRE-EYMARD BIRON - PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS

>>> Mél : [email protected]

Un observatoire

éco-climatique en Vercors

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quantifier et cartographier à l’échelle régionale lescontraintes écologiques (en particulier hydriques)auxquelles sont soumis nos peuplements ? Seule unetelle connaissance nous permettra de traduire en pré-conisations techniques les acquis scientifiques.Les essences en place sont-elles toutes adaptées auxconditions actuelles du sol et du climat. L’exemple duchêne pédonculé que vous citez est très intéressant àcet égard. De nombreux peuplements de cette espècese trouvent dans des stations éloignées de son optimumécologique. Avec des étés plus chauds et plus secs,

● ● ● suite de la page 23mais aussi des risques accrus d’excèsd’eau temporaire dans les sols en hiver,ces peuplements fragiles pourraient

souffrir très rapidement.Par ailleurs, il faut se tenir prêt à d’éven-

tuels dépérissements. Il convient de prévoirun panel d’essences de reboisement adapté à la

variété des conditions liées à la nature des sols etsous-sols régionaux, sous un climat plus chaud et plussec en saison de végétation. À cette fin, les anciensessais de comparaison d’espèces et les arboretumsméritent d’être revisités. Reprenons la réflexion sur lesessences exotiques, car certaines pourraient se révélerbien utiles dans cette perspective ! On pourrait imagi-ner que ces espèces de reboisement, autochtones ouexotiques, soient introduites progressivement, enmélange, pour éviter des transformations arbitraires ettraumatisantes. La recherche de mélanges compatibleset la mise au point de sylvicultures adaptées peuventêtre entreprises dès maintenant.

Améliorer la résistanceà la sécheresse

Vous évoquez la question de la gestion sylvicole despeuplements pour améliorer leur résistance à lasécheresse. Une surdensité des peuplements augmentel’impact des sécheresses et le risque de mortalité.Cette surmortalité n’est qu’un rétablissement naturelde l’équilibre entre la demande en eau du peuplementet les ressources offertes par le climat local et la sta-tion. Le forestier a tout intérêt à rétablir lui-même cetéquilibre, en intervenant suffisamment et régulière-ment sur l’étage principal et en contrôlant le sous-étage pour limiter sa concurrence avec l’étage domi-nant. Adapter la surface foliaire du peuplement pourréduire le niveau de contrainte hydrique devient unimpératif. Mais éliminer systématiquement l’ensembledu sous-étage serait une erreur écologique, culturaleet paysagère.D’une façon générale, la diversité du peuplement joueen faveur de sa capacité à résister à certaines atteintes(pullulations de ravageurs, gel tardif), ou encore à serestaurer après un dommage (résistance de certainesespèces d’arbres d’où maintien d’une ambiance fores-tière). Cependant, la biodiversité fonctionnelle ne serésume pas au nombre d’espèces d’arbres à l’hectare.La diversité des individus au sein d’une même espèceest tout aussi importante dans un contexte de change-ment des conditions écologiques, car c’est elle quipermettra aux espèces de s’adapter aux changementsclimatiques… dans une certaine mesure, que nous neconnaissons pas encore, mais qui ne doit pas êtrenégligée.Finalement, le changement climatique offre uneopportunité de réactiver le dialogue entre praticiens etchercheurs, afin d’éviter les discours trop simplifica-teurs et les actions inconsidérées, de nourrir lesréflexions de chacun et de se préparer au mieux auxdivers scénarios du futur.MYRIAM LEGAY, NATHALIE BRÉDA, JEAN-LUC DUPOUEYINRA NANCY

>>> Mél : [email protected]

>>> Mél : [email protected]

1. Zone de contactentre deuxécosystèmesdistincts etparfaitementidentifiés (on parled’effet lisière).

LE CHÊNE VERT DEVRAIT S’ÉTENDRE EN FRANCESOUS L’EFFET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE.

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Comment anticiper les effets d’éventuels changements de pratiquesagricoles sur la diversité végétale des prairies? Le laboratoireAgronomie Environnement a mis au point un modèle (Flora-Predict)s’appuyant sur la connaissance du milieu et des pratiques agricoles.Celui-ci a été testé dans divers Parcs naturels régionaux.

étudesrecherches

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 25

sances naturalistes et du temps : autant dehandicaps à leur mise en œuvre.Face à ces constats, le laboratoireAgronomie Environnement a opté pourune approche pragmatique en créant desindicateurs agri-environnementaux1.L’originalité de ce diagnostic de prédic-tion repose sur sa simplicité puisqu’ils’appuie sur la connaissance acquise despratiques agricoles et du milieu.

MéthodologieL’outil mis en place pour prédire les effetsd’éventuels changements de pratiquesagricoles repose sur l’hypothèse qu’il estpossible d’élaborer un modèle mathéma-tique susceptible de prévoir la diversité

végétale et la valeur agronomique desprairies permanentes. Cependant, unepremière série d’analyses permet deconstater qu’il ne peut pas s’agir d’unmodèle purement statistique construit àpartir des pratiques agricoles. En effet, s’ilest possible, en tenant compte des fac-teurs du milieu, en particulier le pH dusol, l’humidité du sol et la température,de modéliser la valeur agronomique deprairies permanentes lorraines2, il s’avèreimpossible de prédire le nombre d’espèceset la valeur patrimoniale des prairies per-manentes. Flora-Predict, le modèle mis aupoint, est un modèle mécaniste. C’est-à-dire qu’il prend en compte non seulementdes données sur les pratiques agricolesmais également les mécanismes de réponsedes espèces végétales face aux caractéris-tiques du milieu. Les premières donnéessont constituées par le chargement ani-mal, les niveaux d’irrigation, l’absence ou

suite page 26 ● ● ●

Confrontés à la nécessité de préserverla diversité biologique de leur terri-toire, les gestionnaires de Parcs

naturels doivent aussi assurer le main-tien de l’activité agricole, laquelle estsouvent une composante importante del’activité économique.Des mesures réglementaires variées,mises en place depuis les années 1980,sont susceptibles de les aider dans cettetâche. Les dernières en date sont lesContrats agriculture durable (CAD). Or ils’avère que ces mesures posent la ques-tion de l’évaluation de l’impact environ-nemental et agronomique des pratiquesappliquées selon les recommandationsagri-environnementales. Pour établirleur diagnostic, les gestionnaires usent leplus souvent de bio-indicateurs, maisceux-ci réclament d’importantes connais-

>>> Flora-Predict

1. Cette étude a été réalisée enpartenariat et avec le soutien financierde la Fédération des Parcs naturelsrégionaux et les Parcs naturelsrégionaux des Ballons des Vosges, de laBrenne, de Camargue, de Lorraine, duPilat et du Verdon.2. La valeur agronomique de la prairiecorrespond aux potentialités deproduction de fourrage et à la qualité dece fourrage. Depuis plus de trente ans(Daget et Poissonet, 1971), la valeurpastorale est un critère utilisé pourévaluer la valeur agronomique desprairies. La valeur agronomique tientcompte de l’abondance des espèces,c’est-à-dire leur contribution relativedans la composition floristique desprairies et de la valeur relative desespèces qui composent la flore de laprairie. Cette valeur relative desespèces correspond à un indicespécifique appelé encore valeurfourragère. La valeur fourragère a étéestimée selon différents critères commela production potentielle de matièresèche, la valeur nutritive, l’appétence, la digestibilité des espèces végétales.La valeur fourragère est comprise entre0 et 10, par ordre croissant de valeur.

Pour prédire la diversité végétaledes prairies permanentes

BALLONSDES

VOSGESBRENNE LORRAINE PILAT

Nombre de prairies permanenteséchantillonnées

31 28 36 28

Graminées 49,3% 31,2% 20,0% 44,7%

Légumineuses 37,4% 25,7% 37,4% 39,0%

Diverses 18,3% 5,0% 20,0% 22,8%

Tableau - Taux de fiabilité du modèle Flora-Predict

Le taux de fiabilité est exprimé en pourcentage. Il compare les listes d’espèces préditespar le modèle Flora-Predict (légumineuses, graminées, ou diverses espèces) et les listesd’espèces réellement observées sur un échantillon de prairies permanentes au sein dequatre Parcs naturels régionaux.

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26 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

eensavoirplus◗ « La logique floue : comment çamarche ? » J. Potet, Science et VieMagazine n° 150, 1997.◗ « Méthode d’analyse phytologiquedes prairies » P. Daget et J. Poissonet, Annales agronomiques, 1971.

vUn système expert est un ensemble de logiciels modélisant les compétenceset les raisonnements d’un ou plusieurs experts dans un domaine précis. Lesystème expert est évolutif : il est capable de se saisir de nouvelles donnéesau cours de son utilisation et de modifier ses résultats en conséquence.Cette capacité évite d’avoir à écrire de nouveaux programmes pourréinjecter de l’information. La machine devient alors interactive et elle peut«pointer du doigt » une erreur commise par la personne qui l’utilise. Ce

système permet à un utilisateur, peu au fait d’un sujet, de trouver unesolution adaptée à son questionnement (bien évidemment, en fonction de

l’état actuel des connaissances spécialisées). Pour élaborer un système expert,l’ingénieur utilise une méthode clinique (qui procède par étude de cas

individuels) empruntée aux sciences humaines.

d’identifier, dans la liste prédite, parexemple les espèces à valeur fourragèreélevée, et/ou celles qui sont productivescar le modèle prédit avec une bonne performance la présence de graminées etde légumineuses dans les prairies.

ValidationAprès validation, il faut reconnaître que laperformance du modèle Flora-Predict pourprédire la diversité végétale à partir despratiques agricoles est encore moyenne. Lemodèle est assez satisfaisant en matièrede prédiction des espèces de légumi-neuses et de graminées, cependant, lanature des espèces diverses (autresespèces que graminées et légumineuses)n’est pas prédite avec un degré suffisantpuisqu’elle oscille entre 5 et 22% d’exac-titude (tableau page précédente).La qualité de prédiction du modèledevrait être bientôt améliorée avec lesrésultats attendus d’une étude complé-mentaire de calibrage du modèle et unretour sur les hypothèses initialementformulées pour établir les règles de déci-sion. Ces améliorations potentielles sur laportée et la qualité du modèle Flora-Predict restent très liées à la connaissancedisponible sur les critères déterminantsde la vie des espèces végétales : une limitequi devrait, peu à peu, reculer avecl’avancée des travaux de recherche encours sur l’écologie des espèces végétales.Malgré ces constats, les bons résultats obte-nus pour les Parcs naturels régionaux duPilat et des Ballons des Vosges, et ceux pourles graminées et les légumineuses mon-trent que le modèle est potentiellement uti-lisable pour prédire des espèces végétalesdes prairies sur toute surface en herbe duterritoire métropolitain. ■

BERNARD AMIAUDMAÎTRE DE CONFÉRENCES ENSAIA-INPLFRANK PERVANCHONCHARGÉ DE MISSION AGRICULTURE DURABLE

SYLVAIN PLANTUREUXPROFESSEUR ENSAIA-INPL

>>> Mél :[email protected]

qui tient compte de chaque critère. Onqualifie un tel système « d’expert » carl’information globale est souvent obtenueen consultant les experts du domaineconcerné qui doivent donner les conclu-sions de règles de décision en fonction dechaque critère. Les conclusions s’ap-puient et résultent de la logique floue ; àsavoir, un outil mathématique qui per-met de donner une valeur à l’agrégationde plusieurs critères exprimés dans uneunité floue, c’est-à-dire non numérique.En d’autres termes, en logique classique,la vérité est entière : un résultat est vrai à100 % ou faux à 100 %, tandis qu’enlogique floue, il peut y avoir des casintermédiaires de vérité ; on parle alorsde «vérité partielle ». La logique floue estdonc particulièrement adaptée dans lecadre d’études environnementales où lesdonnées quantitatives manquent et où denombreux critères interagissent. Associerla logique floue à un système expert per-met donc d’obtenir des valeurs, donc deprendre des décisions, en fonction deplusieurs critères non commensurables,même lorsque ces critères sont exprimésen données floues (Potet, 1997).Le modèle Flora-Predict peut ainsi don-ner la probabilité de présence de 2 912espèces végétales de prairies perma-nentes, différentes en fonction des pra-tiques agricoles et de facteurs du milieu.Le modèle Flora-Predict permet égale-ment de calculer la valeur patrimonialedes parcelles ou des parcours et d’appro-cher la valeur agronomique des prairies.Parce qu’il permet de nommer lesespèces, et d’identifier celles qui ont unstatut particulier, il est en effet possible

Système expert…

la présence de drainage, les doses d’en-grais organiques et chimiques… quantaux facteurs du milieu, ils s’intéressentpar exemple à la fertilité azotée et phos-phorique, à l’humidité, au pH…Ce modèle vise à attribuer une probabilitéde présence à une espèce végétale enfonction de différents critères déter-minants pour la vie de l’espèce. Parexemple, lorsqu’une espèce végétale estsensible au piétinement des animaux et àla défoliation (prélèvement par l’animalpour son alimentation) et que le charge-ment au pâturage est faible, la probabilitéde présence de cette espèce est estiméemaximale. Pour cette même espèce, si lechargement est fort, la probabilité deprésence sera assez logiquement nulle(minimum). En revanche, une espècefavorisée par le piétinement et la défolia-tion aura une probabilité maximale d’êtreprésente si le chargement est fort. Mais sile chargement est faible, cette mêmeespèce a beaucoup moins de chances(mais elles ne sont pas nulles) d’être pré-sente ; dans ce cas, une probabilité deprésence de 20% lui est attribuée.

Démarche de modélisationL’utilisation de systèmes experts va alorspermettre de calculer une probabilité deprésence de chaque espèce végétale, quelleque soit la valeur prise par les critères etce, quelle que soit la combinaison descritères. En effet, ces systèmes intègrentde très nombreuses informations denature et de quantité variées. Pour clari-fier, il faut savoir qu’un système expertest une méthode permettant d’agrégerdes informations issues de l’analyse deplusieurs critères de nature différentesafin d’obtenir une information unique

PRAIRIE-VOSGES.

● ● ● suite de la page 25

étudesrecherches ©Sylvain

Plantureux

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 27

initiativespartenaires

CabanisationZLes mentalités changent

Plus de 6500 cabanes ont étéidentifiées dans les cinquante-quatre communes du littoral

du Languedoc-Roussillon.Souvent implantées dans la bandedes 100 m, 50% sont des mobil-homes, les autres sont des instal-lations en dur ou des caravanes.Parmi celles-ci, 30% sont occu-pées de manière permanente et65% sont en zones inondables.Très peu ont un assainissementfonctionnel et la plupart s’alimen-tent en eau par des forages privésdans des nappes phréatiques. ■

État des lieux

La cabanisation? Le phénomène se renforce et avec lui toutes sortesd’impacts négatifs. Pour faire face, la mission Littoral Languedoc-Roussillon a lancé un appel à projets. La cabane languedocienne est la

représentation de la tradition, celledes pêcheurs et chasseurs qui ont

construit, de bric et de broc, des abris des-tinés à un usage ponctuel. Mais la cabaneest aussi devenue, dans l’imaginaire local,l’incarnation d’un rêve de liberté : userlibrement de sa propriété dans un envi-ronnement remarquable, et s’y trouverseul. Cependant, loin de cet imaginaire,des mobil-homes, tous identiques, rem-placent aujourd’hui les constructions enroseaux et les zones humides sont com-blées pour assécher de nouvelles parcelles.Par ailleurs, la qualité des milieux aqua-tiques est fortement altérée par cet habitatsans assainissement. Alors, comment fairecomprendre que le phénomène génère unimpact négatif sur l’environnement ?

Continuer comme ça ?Jusqu’ici la cabanisation bénéficiait d’uneindulgence à tous niveaux mais plusieursévénements vont sensibiliser les élus auximpacts de ce phénomène. Le diagnostic,établi en 2004, par la mission Littoral etprésenté aux édiles, fut un élémentdéclencheur. Avec objectivité, il met enévidence l’ampleur du phénomène (voirencart). Avec plus de 6500 cabanes identi-fiées, 80 % des communes sont concer-nées. Quelques mois plus tard, des faitsdramatiques (incendie et décès) accen-tuent la prise de conscience des maires deleur responsabilité.Les services de l’État s’impliquent alorsfortement dans la lutte contre la cabanisa-tion. La mission Littoral profite de laconjoncture et lance un appel à projets.Celui-ci vise à faire bénéficier les élus desoutiens financier et technique néces-saires pour affirmer leur volonté politiqueet passer à l’action. Les collectivitéslocales sont sollicitées pour engager desactions susceptibles de sensibiliser les

citoyens et d’élaborer, avec tous lesacteurs, les solutions les plus adaptées auxconditions sociales, environnementales etéconomiques locales.

Sortir de l’ombreLa sensibilisation prend différentesformes. Des groupes de projet se réunis-sent tous les trois mois pour décider,ensemble, des actions à entreprendre.Parmi celles-ci, partout, la mise en placed’une surveillance menant à une verbali-sation systématique de toute nouvelleinfraction (stationnement illégal, défautde permis de construire…), et l’engage-ment de tous, de la police municipale auprocureur à mener au bout ces procès-verbaux. Mais, en parallèle, d’autresformes de sensibilisation s’organisent. ÀVias, une plaquette est distribuée chaquetrimestre pour informer la population del’avancement de la démarche. Un servicecommunal de médiation est créé pourrépondre aux questions des habitants. À Agde, les associations pour l’environne-

ment et les agriculteurs sont mobiliséspour participer à la surveillance du terri-toire et à l’émergence de projets de valori-sation des zones cabanisées. Dans d’autrescommunes, un personnel formé spécifi-quement circule sur le terrain et informeles propriétaires. À l’heure d’un premierbilan, peut-on jauger des effets de cesactions ? Certains signes ne trompent pas.Au nombre des retombées positives, il fautcompter l’évolution des mentalités. Lesujet tabou est sorti de l’ombre. La presse,par exemple, traite plus ouvertement laquestion et les messages ont considérable-ment évolué. Hier encore, la cabanisationétait un fait accompli, aujourd’hui elles’affiche comme contraire au bien collectif.Le regard porté par le grand public sur lacabanisation est devenu critique. Cetteévolution des mentalités est égalementmarquée par l’adhésion d’autres collecti-vités locales au mouvement. Dorénavantsoutenues par le Conseil régionalLanguedoc-Rousillon ou le Départementde l’Hérault, d’autres communes ont enta-mé une politique volontariste de gestiondu phénomène. L’affichage d’une positioncommune de la part de tous les acteurslocaux limite les nouvelles installations.On s’aperçoit ainsi que beaucoup de par-celles ne trouvent plus d’acheteurs. Lemarché s’effondre. Déjà, une quarantaine decabaniers ont choisi une solution douce :partir, sans aller au jugement. Une autreétape consiste maintenant à sensibiliser leshabitants de ces espaces cabanisés, leur faireprendre conscience des risques qu’ils pren-nent et génèrent par leurs choix de vie.Cette sensibilisation passe par l’écoute. Onne change pas une stratégie qui gagne… ■

EVA BOURDAT - CHARGÉE DE MISSION

>>> Mél : [email protected]

LES CABANIERSS’INSTALLENTSOUVENT DANSDES MILIEUXREMARQUABLES.

©Mission Littoral Languedoc-Roussillon

© Moune Poli

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OISEAU MIGRATEUR, L’OUTARDECANEPETIÈRE EST PRÉSENTE ENFRANCE DE FIN MARS À MI-OCTOBRE. DE LA TAILLE D’UNEPOULE FAISANE, ELLE FRÉQUENTEPOUR SA SAISON DE REPRODUCTIONLES STEPPES MÉDITERRANÉENNESDE LA CRAU ET LES PLAINESCÉRÉALIÈRES, PARMI LESQUELLESLES TERRITOIRES CULTIVÉS DEPOITOU-CHARENTES RESTENT LEBASTION DE L’ESPÈCE AU PLANNATIONAL.

28 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

gestionpatrimoniale

Les milieux cultivés abritent environla moitié des cinq cents espèces d’oi-seaux se reproduisant sur le conti-

nent européen. Or, contrairement à uneidée répandue, c’est parmi cette commu-nauté que l’on trouve la proportion d’es-pèces menacées la plus importante (envi-ron cent vingt-cinq espèces, soit près de25 %), loin devant les zones humides.Parmi elles, l’outarde canepetière. Sur labase d’enquêtes précises et répétéesdepuis 1978, on sait que 90% des effectifsd’outardes canepetières ont disparu aucours des vingt-cinq dernières années.Aussi, dès 1997, la Ligue pour la protec-tion des oiseaux (LPO) a initié un pro-gramme de conservation de cette espèceemblématique des plaines céréalièresdans le cadre d’un premier programmeeuropéen Life, en association étroite avecle CNRS de Chizé, qui menait depuis 1994un programme de recherche sur l’écologiedes oiseaux de plaines céréalières.

Recherche…La première étape du programme aconsisté à identifier les processus écolo-giques impliqués dans ce déclin spectacu-laire. Sur la base des résultats de cetterecherche menée en région Poitou-

Une extinction inéluctable?L’outarde canepetière est fortement menacée. La cause ? La disparition progressive des prairies,au profit des systèmes de cultures annuelles, conduit à un bouleversement paysager. Associantétroitement chercheurs et agriculteurs, un programme de recherche mis en œuvre par le CNRS deChizé commence par l’acquisition de solides connaissances sur l’espèce. Il se poursuit par lamise en place de mesures agro-environnementales pour restaurer la qualité des habitats.

Charentes, la biologie de l’outarde a étédécrite et les causes de déclin des popula-tions des plaines céréalières ont été iden-tifiées : il s’agit d’un déficit de productivitédes femelles, qui est environ moitiémoindre par rapport à la productivitéthéorique attendue pour une populationstable. Nous savons également à quelsfacteurs est dû ce déficit de productivité.En premier lieu, environ 40% des pontesn’arrivent pas au terme de l’éclosion,suite à une destruction engendrée par lestravaux agricoles (essentiellement lafauche précoce, des luzernes en particu-lier). Par la suite, près de trois quarts despoussins éclos meurent de faim, leurnourriture exclusive à cet âge étantconstituée de criquets et autres grosinsectes : les poussins d’outardes consom-ment en moyenne deux cents criquetspar jour…Ces deux mécanismes qui expliquent ledéclin de l’outarde sont liés à la réduc-tion en surface des milieux prairiaux,réduction qui est tout à fait spectaculaire,et tout particulièrement en régionPoitou-Charentes traditionnellementvouée à la polyculture/élevage.Ainsi, troisième région de France ensuperficie pour la luzerne en 1989, elle aenregistré un déclin pour cette culture de presque 60 % en surface entre 1989et 2002. Si la diminution des milieux

prairiaux a probablement réduit la dispo-nibilité des habitats de nidification pourcette espèce, elle a surtout réduit les dis-ponibilités alimentaires. En effet, lesmilieux prairiaux représentent, pour lesorthoptères, le principal sinon l’uniquemilieu de vie et de reproduction.

ActionBien que les agro-écosystèmes soientmajoritaires en surface, peu d’efforts deconservation sont faits en leur faveur.Néanmoins, il existe des mesures agri-environnementales volontaires, commeles Contrats d’agriculture durable (CAD)ou les Jachères environnement et faunesauvage (JEFS) qui permettent de garan-tir des pratiques agricoles respectueusesde l’environnement, et qui peuvent deve-nir de véritables laboratoires expérimen-taux pour les chercheurs afin de tester leseffets d’itinéraires techniques alternatifs.Sur la base de ce constat, les chercheursdu CNRS de Chizé ont engagé, avec leurspartenaires, une vaste campagne d’infor-mation et de sensibilisation auprès desagriculteurs (plaquettes, conférences,journées portes ouvertes), ainsi qu’uneaction d’animation auprès des exploi-tants. Le but visait à les convaincre des’engager volontairement dans la signa-ture de contrats garantissant le respect

L’outarde canepetière en plaine céréalière

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1. Le projet Life nature2005-2009 derenforcement despopulations migratricesd’outardescanepetières en plainecultivée est mis enœuvre par la LPO, leMuséum nationald’histoire naturelle, leCNRS de Chizé et laSociedad Española deornitologia avec lesoutien de l’Unioneuropéenne, duministère de l’Écologie,de la Région Poitou-Charentes et duConseil général desDeux-Sèvres.

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 29

de pratiques agricoles favorables auxoutardes sur certaines parcelles de leurexploitation.Dans un premier temps, ces contratsexpérimentaux ont bénéficié des fondsLife. À partir de 2001, des contrats d’ur-gence pour les parcelles abritant des nidsd’outardes ont également été mis enplace. Depuis 2004 enfin, grâce au dispo-sitif Natura 2000, une vaste campagne designature pour des CAD a été lancée parle CNRS et la LPO. En 2004, près de 500hectares, sur les 21 000 que comptela Zone de protection spéciale (voirencart) ont bénéficié de ce typede contrats.De la communication à l’anima-tion en passant par la signaturede contrats favorables à la bio-diversité, l’ensemble de cesmesures a eu un effet spectacu-laire non seulement sur le nombred’outardes présentes mais, plusimportant encore, sur la productivitédes femelles, qui s’est littéralement« envolée », passant de 0,2 poussin parfemelle avant 2002 à près de 2 poussinsen 2004 (voir figure). Ceci devrait confor-ter le deuxième programme Life, actuel-lement en cours, en Poitou-Charentes1.Ce partenariat probablement assezunique en France entre chercheurs etagriculteurs a montré qu’il était possiblede favoriser l’engagement des agricul-teurs pour une gestion favorable à laconservation de la biodiversité et d’enmesurer les effets en direct ! ■VINCENT BRETAGNOLLE - SYLVIE HOUTECENTRE D’ÉTUDES BIOLOGIQUES DE CHIZÉ-CNRS,

>>> Méls : [email protected]@cebc.cnrs.fr

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de

ON OBSERVE L’EFFET POSITIF DES CONTRATS AGRI-ENVIRONNEMENTAUX POUR LAPRÉSERVATION DE L’OUTARDE (LES PREMIERS FURENT SIGNÉS EN 2001) : LAPRODUCTIVITÉ DES FEMELLES A ENREGISTRÉ UNE PROGRESSION SPECTACULAIRE.

L’outarde canepetière fait l’objet d’un plan de restaurationnational. Celui-ci, qui a débuté en 2001, court jusqu’en2006 où il sera évalué. Il distingue les populations séden-

taires du Sud de la France (Provence et Languedoc) et les popu-lations migratrices des plaines cultivées.Les populations. En 2004, cette espèce de l’annexe I de ladirective Oiseaux comptait environ 1500 mâles chanteurs dont78% en région méditerranéenne. Les effectifs sont globalementstables en Provence et en augmentation en Languedoc alors que la population d’outardes qui s’étendait des plaines de laChampagne-Ardenne à la Dordogne a régressé de plus de 95%en vingt-cinq ans. 30% de l’effectif national d’outardes se trouventdans les dix Zones de protection spéciale (ZPS) qui concernentl’espèce (une en Crau sur 11500 ha et neuf en plaine cultivéepour 160000 ha).Mesures de sauvegarde. Depuis 1990, les actions de sauve-garde reposent sur les mesures agro-environnementales. Ellesvisent à restaurer et gérer le milieu de vie de l’outarde, notam-ment par le recul des dates de fauche et de broyage de la végé-tation dans les luzernières, les prairies et les jachères. En Crau,ces mesures ont aidé à conserver la steppe pâturée par desmoutons. Elles commencent à se mettre en place en Languedoc.Malgré tout, le déclin se poursuit dans les plaines cultivées carles aides du pilier 1 de la politique agricole commune ont orientéles exploitations agricoles vers une forte spécialisation des systèmes de production aboutissant à la perte de la mosaïquecultures/prairies/luzernes nécessaire à la survie de l’outarde.Rôle des espaces protégés. La Réserve naturelle desCoussouls de Crau est le seul site à outardes bénéficiant d’uneprotection réglementaire forte en France. Elle accueille 22% del’effectif national sur 7400 ha. Les Conservatoires d’espacesnaturels du Centre et du Languedoc et la LPO sont propriétairesd’environ 60 ha de terrain où nichent des outardes. Un Parcnaturel régional abrite encore une population d’outardes : Loire-Anjou-Touraine.Stratégie. Les connaissances scientifiques acquises par leCNRS de Chizé depuis 1995 (voir article p. 28-29) ont permisd’asseoir la stratégie du plan de restauration national. L’éla-boration d’un nouveau plan devrait associer plus fortement leministère de l’Agriculture, concerné par la gestion des mesuresagro-environnementales et des aides de la Pac.Le plan de restauration national identifie trois axes d'action :- la mise en place de mesures de gestion agro-environnementalesen Crau, en s’appuyant sur la Réserve naturelle ainsi que sur lesespaces agricoles alentour ; - la gestion favorable des sites à outardes en Languedoc et en Provence (hors Crau). Les mesures agro-environnementales,outil principal, devraient monter en puissance dans un procheavenir, notamment dans les plaines viticoles, pour la gestion desfriches herbacées apparues après l’arrachage des vignes ;- la restauration des milieux dans les plaines cultivées par lareconstitution de mosaïques de cultures, prairies, jachères etluzernes dans le cadre de programmes agro-environnementauxdéjà bien lancés (1600 ha en contrats en 2005 en Centre etPoitou-Charentes) ;Cette stratégie de restauration est couplée au renforcement tem-poraire des populations par lâcher d’outardes élevées en captivité.Ce volet (Programme européen Life nature 2005-20091) vise àlâcher 350 outardes dans des ZPS de plaine cultivée où desmesures agro-environnementales sont appliquées par des agricul-teurs. Vingt-deux outardes ont été lâchées en automne 2005. ■

CHRISTOPHE JOLIVET - LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX

>>> Mél : [email protected]

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Plan de restauration

national pour l’outarde

Évolution de la population d’outardes canepetières - site de ChizéFIGURE

Nb mâlesNb femellesProductivité

© Didier Papot

Source : CNRS de Chizé

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30 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

gestionpatrimoniale

Élus, exploitants agricoles et techniciens du Parc naturelrégional de l’Avesnois se mobilisent pour assurer la

préservation de leur paysage identitaire commun : le bocage.

>>> Parc naturel régional de l’Avesnois

transformation de prairies en culture,agrandissement du parcellaire agricole,disparition des vergers hautes tiges…La maîtrise de l’évolution du bocage a doncété intégrée à la charte constitutive du Parcnaturel régional de l’Avesnois. « Le Planbocage» fixe alors une stratégie d’action surdix ans, qui se décline en six points:1. inventaires communaux hiérarchiséset cartographiés à l’échelle de la parcelle ;2. identification de secteurs d’interven-tion prioritaire ;3. propositions de types de bocages àreconstruire par secteur géographique,de modes de gestion adaptés ;4. mise en place de plan d’aménagementbocager ;5. soutien et animation aux mesurescontractuelles agro-environnementales ;6. mise en place de mesures de protectionréglementaire des boisements linéaires,haies et plantations d’alignement.

Dans le plan d’urbanismePasser à l’action suppose d’intégrer lebocage dans le plan local d’urbanisme cequi permet de dépasser l’échelle de la par-celle ; la première étape consistant à iden-tifier le maillage bocager à préserver.La démarche est intéressante car l’élabo-ration d’un Plan local d’urbanisme supposela définition du Projet d’aménagement etde développement durable (Padd). Celui-ci permet aux élus d’inscrire la protectiondu bocage parmi les objectifs visant à pré-server la qualité et l’identité de leur paysa-ge et de maîtriser son évolution.Par ailleurs, l’échelle communale permetd’intégrer les problématiques environne-mentales et paysagères et de raisonner auniveau «macro». Ainsi abordée, la protec-tion du bocage dépasse l’échelle de l’ex-ploitation, contrairement au cadre desmesures contractuelles du type MAE, CTEou CAD3. Par ailleurs, la procédure d’éla-boration d’un Plu est propice à la mise enœuvre d’une démarche collective, porteused’intérêt général. Bâtir un projet commu-nal suppose en effet d’intégrer les prin-cipes du développement durable (loi

Façonnées et entretenues par les exploitants agricoles, les haies ont souventété arrachées pour répondre aux contraintes d’exploitation.

Intégrer le bocage

1900 L’apogée du bocage !Deux millions dekilomètres de haies

structurent les espaces agraires fran-çais… Aujourd’hui, un siècle plus tard,70%1 de ces paysages emblématiques ontdisparu et avec eux une partie du « biencommun de la nation2 ». Pour de nom-breux exploitants, en particulier de cul-tures céréalières, les haies sont devenuesune perte d’espace, une contrainte, uncoût d’entretien, même si d’autres exploi-tent la taille des arbres pour la productionde bois de chauffage. En référence aucode civil, la décision d’arracher une haierepose sur la seule décision de l’exploi-tant avec l’obligation d’accord de sonpropriétaire.Certes méconnu, comparé à celui deNormandie ou de Bretagne, le bocage del’Avesnois n’en subit pas moins les mêmesévolutions : régression par arrachage,

dans les plans locaux d’urbanisme

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>>> Mél : [email protected]

SRU4) et de prendre en compte la préser-vation de la qualité des paysages ainsique la maîtrise de leur évolution (loiPaysage).Autre intérêt : pour élaborer un Plu, lesélus communaux doivent définir desmodalités de concertation avec la popu-lation. Le résultat réglementaire de « laprotection d’un maillage bocager, assor-tie d’une démarche d’autorisation d’arra-chage » à l’échelle communale résulteainsi d’une initiative des édiles et dufruit d’une concertation collective avecle monde agricole.Toutefois, il ne s’agit pas de « mettre lebocage existant sous cloche», de le figeren l’état, mais d’en maîtriser son évolu-tion, d’assurer la pérennité d’élémentsde paysage remarquables, en instaurantune procédure d’autorisation, prévue parle code de l’Urbanisme et gérée par lemaire, garant de l’intérêt général.

Associer le monde agricole

La protection du bocage fait alors l’objetd’une concertation. La démarche reposeen effet, sur la volonté des élus deprotéger des éléments remarquables deleurs paysages mais, aussi, d’y associerl’ensemble des acteurs, en particulierceux du monde agricole.Dans les faits, cette mesure de protectiona été initiée en 1998. Si le point dedépart fut Maroilles, commune siège dela maison du Parc (plus connue pour sonfromage), elle est aujourd’hui appliquéeà l’ensemble du territoire des communesde l’Avesnois.Le Parc naturel régional de l’Avesnoisintervient en soutien et propose uneintervention technique de conseil etd’animation de la concertation. L’équipetechnique met à la disposition des com-munes du Parc et des bureaux d’étudesmandatés pour l’élaboration des Planslocaux d’urbanisme : une ingénierie, desdonnées cartographiées, une méthoded’analyse, une méthode de concertation.L’engagement des élus dans cette voie sefait par délibération du conseil municipal.Les communes sont donc libres d’enga-ger cette démarche, de la finaliser ou del’arrêter. Toutefois, l’un des intérêts

1. Soit 1,4 million de kilomètres (source Solagro).2. Comme le stipule la Convention européenne du paysage.3. Mesures locales agri-environnement ; Contrats territoriauxd’exploitation ; Contrats d’agriculture durable.4. Loi Solidarité et renouvellement urbain du 13/12/2000.5. Plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées.

majeurs de cette démarche tient à sontransfert possible à toutes les communesde France.

OpérationnelleLa méthode d’analyse du bocage proposéepar le Parc est discutable d’un point devue scientifique. Les limites qu’elle imposeportent notamment sur le choix des cri-tères et l’approche paysagère à l’échelleadministrative de la commune. Cependant,elle est directement opérationnelle. Elleest ainsi réalisable dans le cadre et dans ladurée d’une procédure de Plu (douze àdix-huit mois). Elle est également cali-brée en fonction des moyens techniqueset humains du Parc naturel régional del’Avesnois. Cette méthode repose sur troisobjectifs : connaître précisément lescaractéristiques de l’occupation du sol dela commune ; quantifier et qualifier lemaillage bocager ; identifier le maillagebocager à préserver en priorité pour l’avenir. Elle se déroule en trois phases :◗ interprétation de l’occupation du sol àpartir de clichés numériques de photo-graphies aériennes au 1/20000e ;◗ cartographie de l’occupation du sol endix-neuf classes (forêts, prairies, cultures,boisements, vergers…) et du linéairebocager ;◗ analyse de trois fonctions du maillagebocager : biologique, paysagère, anti-éro-sive. Cette analyse s’effectue à l’échelle duterritoire communal. Un Système d’infor-mation géographique permet de considé-rer les différentes données issues de l’in-terprétation des photographies aériennes.Pour identifier les haies à « fonction bio-logique », le critère proposé est celui dutype de haies et de leur hauteur. Serontretenues les haies supérieures et de type« arborescent ». Les haies hautes boiséessont ainsi localisées. Souvent constituéesde trois strates (herbacée, arbustive etarborescente), elles sont considéréescomme les plus riches en termes derichesse spécifique, et les plus intéres-santes d’un point de vue écologique.Toutes les haies peuvent être considéréescomme des éléments du paysage, cepen-dant ne sont retenues que « les haies bor-dant les voiries» (routes, chemins rurauxet chemins inscrits au PDIPR5) et les haiesbordant une parcelle bâtie d’habitation, desiège d’exploitation, d’usine…Quant aux haies à fonction anti-érosive, quiont un rôle de tampon hydraulique dans lesphénomènes de ruissellement, en particu-lier dans les secteurs de cultures, mais aussi

en limite de plateau/versant, elles sont loca-lisées en fonction de leur orientation et surdes pentes de plus de 7%, en tenant comptede l’occupation des sols.

Des résultatsencourageants

Après avoir expérimenté la méthode,répondu aux attentes des élus pour iden-tifier un maillage bocager, adapté ladémarche de concertation avec la pro-fession agricole… les résultats témoi-gnent de l’adéquation de l’action avec lesattentes locales. Ainsi depuis 1998, survingt-huit communes ayant mis enœuvre l’élaboration ou la révision de leurPlu, vingt-sept se sont engagées dans unedémarche de protection concertée dubocage. Douze ont aujourd’hui un Pluopposable aux tiers, qui soumet à autori-sation d’arrachage près de 700 km dehaies sur leur territoire. ■DAVID MOULINPARC NATUREL RÉGIONAL DE L’AVESNOIS

Mètres linéaires de bocages recencés danschacun des quatre Plu arrêtés sur le territoire.

En rouge le linéaire protégé, en vert le linéaire initial.

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 31

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Proposition d’un maillage bocager à intégrer au Plu

Proposition établie lors de laconcertation - maillage de 75 km

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Proposition du PNR de l’Avesnois -maillage de 16,4 km

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32 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

pédagogieanimation

Muséographierc’est choisir

«Si l’on ne choisit pas, si l’onveut tout montrer, on nemontre rien, on se contente

d’une simple illustration de texte. Etpuis, c’est qu’il ne suffit pas de montrer,encore faut-il faire comprendre, accéderau sens profond. » Luc Boucris, L’espaceen scène, 19931.Pour Jean Davallon, chercheur enmuséologie, la conception de l’expositiondoit tendre à quitter la logique du dis-cours pour basculer dans celle du visuelet du spatial. Difficile parfois quand, dansles musées de société par exemple, lesprofessionnels sont confrontés à desespaces réduits et des budgets de produc-tion relativement modestes. Existe-t-ilalors des astuces qui permettraient derendre un sujet attractif, de favoriser samise en espace, de séduire un public localmais aussi touristique?

Cibler un projetOn peut tout d’abord se poser la questiondu rapport au local, au territoire. D’unmusée à l’autre, les réponses diffèrent aupoint que l’on puisse dire que l’idée d’uncaractère propre à un territoire apparaîtdéjà dépassée. Si, à Saint-Quentin-en-Yvelines, la muséographie pose des pro-

Comment s’opère une mise en espace? Y a-t-il des astuces qui permettentde faciliter l’appréhension d’un sujet par le public et de le séduire…

blématiques communes aux villes nou-velles, l’écomusée de Fresnes propose desthèmes aux préoccupations plus univer-selles, du moins à l’échelle de nos sociétésoccidentales.Le point commun, en tout cas, résidedans la volonté d’impliquer le public.Pour cela, plusieurs niveaux de lecturesont proposés. Celui des spécialistes,chercheurs ou acteurs politiques locaux,mais aussi celui du tout-venant, interrogésur son rapport au sujet. Dans ce derniercas, le caractère parlé du langage, la spon-tanéité du propos permettent de capter levisiteur et de l’amener s’il le souhaite versle discours du spécialiste ou vers le pro-pos défendu par le musée lui-même.Les muséographes s’accordent sur le faitqu’un musée ne s’inscrit pas forcémentdans une démarche didactique ayant pourobjet de conduire le visiteur à acquérir unsavoir au terme de sa visite. Ils recher-chent plutôt un questionnement de sapart, une forme de sensibilisation, d’en-couragement à la réflexion personnelle.

Conduire un projetDu point de vue muséologique, l’évolu-tion du projet se découpe en grandesétapes : après le choix du thème, une

recherche documentaire est menée.Ensuite, on procède à l’écriture du synop-sis puis à la définition des grands partispris scénographiques. Ainsi à Fresnes, dansl’exposition Au plaisir du don, le choix a étéfait de systématiser un mobilier-colonne, àmi-chemin entre la borne et la vitrine. Ilconceptualise la notion de don et se déclineen fonction des diverses catégories du don(photo A).En revanche, dans l’exposition Bons bai-sers de Saint-Quentin2, la notion centraledu patrimoine de la ville nouvelle estabordée du point de vue touristique. La tra-duction spatiale de ce parti pris s’exprimede plusieurs manières : sous forme debornes d’écoutes (photo C), de potelets demise à distance-supports de textes, ainsique par la reconstitution d’un car touris-tique dans lequel le visiteur peut s’installeret regarder une projection vidéo de la ville.Un parcours peut être dynamique ou aucontraire très statique, selon l’angle d’ap-proche choisi à l’origine. On retiendraqu’il est impossible d’appliquer des recettespréétablies car tout doit être en cohérenceavec les choix préliminaires.Le concepteur sonore, Luc Martinez,explique qu’« un parcours doit avoir,comme une symphonie, des moments oùon s’ennuie un peu, où on se repose. Ilfaut créer des lignes de faiblesse, si l’onveut créer des lignes de force».

Matériel et techniquesQuoi qu’il en soit, l’institution devra seposer la question d’un équipement initialde base. Il sera composé, au moins, derails d’éclairage (si ce n’est d’un gril tech-nique qui associerait l’éclairage et l’audio-visuel), d’un parc lumière comportant desprojecteurs à découpes, destinés à éclairerponctuellement des objets ou des textes,mais aussi de projecteurs de lumièred’ambiance.Idéalement, on pourrait compléter ce

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1. Maître deconférence enthéâtrecontemporain,départementdes arts duspectacle,universitéPaul-ValérydeMontpellier.

2. Conçue etréalisée parl’Écomuséede Saint-Quentin-en-Yvelines.

3. Panneaudeparticules,en élémentalvéolaire ousynthétique.

PHOTO B • CLOISONS MBA - EXPOSITIONBONS BAISERS DE SAINT-QUENTIN.

PHOTO A •ÉLÉMENT DE MOBILIER - EXPOSITION AU PLAISIR DU DON, JUSQU’AU 30 JUILLET 2006 À L’ÉCOMUSÉE DE FRESNES.

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 33

PHOTO D •KAKEMONO EN BÂCHE

IMPRIMÉE - EXPOSITIONAU PLAISIR DU DON.

PHOTO C • BORNES D’ÉCOUTE - EXPOSITION BONS BAISERS DE SAINT-QUENTIN, JUSQU’AU 30 MARS 2007 À L’ÉCOMUSÉE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES.

matériel par quelques réglettes de néonsfluorescents, que l’on peut utiliser enéclairage indirect, et qui permettent soitd’augmenter la perception de la profon-deur d’un espace restreint, soit de lesintégrer dans des caissons lumineux,rétroéclairant des images.Sur ce point, la démarche de Saint-Quentin-en-Yvelines s’avère intéressante.En effet, les scénographes ont travailléen amont, avec l’équipe d’architectes char-gée d’aménager l’espace de l’expositiontemporaire. Leur réflexion a conduit àdéfinir l’équipement lumière et mobilier.Ils ont notamment acheté des panneauxautoportants, type MBA3, qui servent tan-tôt de cimaises, tantôt de cloisonnementd’espace. Un dépliant géant, déployé dansl’exposition, partitionne ainsi l’espace.Ces cloisons amovibles autoportantespeuvent s’agencer les unes aux autrespar un simple système de rainures et degoujons (photo B).Il s’avère quelques fois intéressant d’utili-ser l’image grand format comme élé-ment scénographique à part entière. Ellepeut à la fois représenter un palliatif dudéficit de documents et jouer le rôled’appel visuel fort. Ces images peuventalors être collées sur des cloisons commeà Saint-Quentin ou bien être impriméessur tout type de support textile, commeles bâches de Fresnes (photo D), pourvuque le tissu soit ignifugé et par consé-quent classé au feu M1. Pour permettre àun public particulièrement intéressé

d’aller plus loin dans le sujet, sans sur-charger visuellement l’exposition detextes, les scénographes de Saint-Quentin ont régulièrement recours auprincipe du feuilletoir (photo E).

Agir seul ?Il est difficilement envisageable de sepasser d’un concepteur spatial extérieur.Bien évidemment, les grands partis pris

intellectuels, le choix des entreprisesaprès analyse des trois devis comparatifsde rigueur, les recherches iconogra-phiques, les photos, les cartels et mêmedes travaux de peinture peuvent êtreeffectués par une équipe en interne.Toutefois, la logique spatiale, avec lescontraintes de gestion des flux, laconception du mobilier, les partis prisd’éclairage, le choix des matériaux et sup-ports de graphisme sont difficilement réa-lisables sans le concours d’un spécialiste.Sa tâche peut être facilitée si, en interne,les concepteurs sont avertis descontraintes générales de mise en scène etqu’ils expriment leur analyse des pro-blèmes. Le concepteur pourra alors lesdévelopper sous la forme d’une métaphorespatiale. ■KINGA GRZECHMÉTAPHORES, CONCEPTION ET SCÉNOGRAPHIE D’EXPOSITION

>>> Mél : [email protected]

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ePersonnesRessource◗ Alexandre Delarge, conservateur, ouJuliette Spire, attachée deconservation à l'Écomusée de FresnesMél : [email protected]

◗ Jean-Christophe Ponce et DanyGandon, agence Scénorama. Mél : [email protected]

◗ Musée de la ville de Saint-Quentin-en-Yvelines, www.agglo-sqy.fr/patrimoine

PHOTO E : FEUILLETOIR - EXPOSITION BONS BAISERS DE SAINT-QUENTIN.

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Par ailleurs, un guide pratique surla démarche à suivre et un logiciel,

relativement simple d’emploi, ont étéédités. Ce dernier facilite la collecte desdonnées (identification et évaluation desrisques). Il calcule le «niveau de criticité»des différents risques (niveau 4 pour unrisque très critique, niveau 1 pour unrisque non significatif) et contribue doncà l’élaboration des plans d’actions.

MéthodologieOnze mois. C’est la durée préconisée parle ministère pour l’élaboration d’unDocument unique. Celui-ci se construitavec l’ensemble des personnels. Dixétapes sont prévues :◗ la direction s’engage. Elle informe sesagents de la démarche et son échéancier ;◗ un groupe projet est nommé. Le chef deprojet (généralement le secrétaire général)est accompagné de l’agent chargé de lamise en œuvre (ACMO), du médecin deprévention ainsi que de trois à six agentsreprésentatifs des groupes de risques(montagne, mer, bureau, manutention…);◗ Les membres du groupe projet sontformés. À cette occasion, ils définissentdes unités de travail qui donneront lieu àune analyse spécifique ;◗ des animateurs sont nommés et formés.L’implication hiérarchique étant néces-saire, ces animateurs sont obligatoire-ment les chefs de secteur ou de service ;◗ les risques sont analysés. Chaque unitéde travail se réunit pour identifier et ana-lyser ses risques. Ce travail s’effectue àpartir de la liste de référence élaborée parle ministère. La fréquence et la gravitédes risques sont évaluées ;◗ le niveau de criticité de chaque risqueest évalué (voir tableau 1). Ce travail esteffectué par le groupe projet avec l’aidedu logiciel édité par le ministère.◗ le Document unique est présenté aucomité de direction et au Comité d’hygièneet de sécurité ;◗ le plan d’actions est finalisé (voirtableau 2) à l’aide du logiciel ;◗ le dispositif d’actualisation et de suividu plan d’actions est mis en place ;◗ le CHS et le Comité technique paritairesont consultés. ■BERNARD COMMANDRÉ - GIP ATEN

>>> Mél : bernard.commandre@espaces-naturels. fr

34 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

Document uniquede cette obligation, le ministère de l’Écolo-gie a élaboré une méthodologie, assortied’un référentiel de risques et d’actions deprévention. Un groupe projet regroupanttoutes les identités d’établissements et departenaires sociaux a ainsi répertorié centtrente-huit risques regroupés dans trente-trois familles de dangers : environnementnaturel, trajets professionnels automobiles,contamination/zoonose… Ce mêmegroupe a listé des actions de préventionstypes. Elles s’articulent autour de l’infor-mation, l’équipement individuel, l’instruc-tion, la formation, l’aménagement…

Responsables des accidents survenusdans leur entreprise, les employeurssont également tenus de mettre en

place des outils de prévention. Ainsi, ledécret du 5 novembre 2005 fixe au chefd’établissement une obligation de produireun Document unique de prévention desrisques1. Celui-ci est constitué d’un tableaud’évaluation des risques, d’un plan d’ac-tions et d’un dispositif de réactuali-sationau moins annuelle (voir exemples). Lacarence est sanctionnable par une amendede la 5e classe. Pour faciliter le travail de sesstructures et les aider à la mise en œuvre

TABLEAU 1 • ÉVALUATION DES RISQUES • EXEMPLE

RISQUE NIVEAU DE CRITICITÉ

4 3 2 1

SANSOBJET

TOTAL UNITÉDE TRAVAIL

Environnement naturel 6 1 0 0 1 8

Déplacements vélo 2 1 0 0 5 8

Contamination zoonose 5 1 1 0 1 8

TABLEAU 2 • PLAN D’ACTIONS • EXEMPLE

RISQUE ACTIONS COÛTDATE

PRÉVUE

Contaminationet zoonose

GénéralNote d’information sur les zoonosesSiègeCadenas sur congélateur de stockage fécèsSecteurVaccination antirabique des agents

0 €

5 €

100€

1/03/2006

1/05/2006

1/10/2006

Déplacementsautomobiles

GénéralContrôle validité des permis de conduireFormation conduite sur terrainsenneigés

0 €

4000 €

1/01/2006

1/05/2006

LE PLAN D’ACTIONS EST DÉFINI À L’ÉCHELON DE CHAQUE UNITÉ DE TRAVAIL. IL AFFICHEDES ACTIONS AVEC LES COÛTS ET LES ÉCHÉANCES PRÉVUES.

1. Livre IItitre III,applicable àl’administrationde l’État.

L’élaboration d’un Document unique de prévention des risques estdésormais obligatoire. Pour faciliter le travail dans ses établissements,le ministère de l’Écologie a développé une méthode… à suivre !

suivez le guide

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LE NIVEAU 4 DE CRITICITÉ CORRESPOND À UN RISQUE TRÈS CRITIQUE, NIVEAU 1 POUR UNRISQUE NON SIGNIFICATIF.

des risquesPrévention

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 35

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LE CONTENU DES TROUSSESDE SECOURS, LES CONSIGNESDE MANIPULATION DECADAVRES D’ANIMAUX, LA MISEEN SÉCURITÉ DES ARMES, LASÉCURITÉ HIVERNALE,L’EXPÉRIMENTATION DES« AIRBAGS AVALANCHE », LASÉCURITÉ DANS L’EAU… DANSDE NOMBREUX DOMAINE, LESÉTABLISSEMENTS PUBLICSAURAIENT INTÉRÊT À PARTAGERLEURS EXPÉRIENCES. LE

MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIEMAIS AUSSI LA MISSION

INTER-PARCSNATIONAUX ET

L’ATEN S’AVÈRENTÊTRE DESPARTENAIRESPRIVILÉGIÉS.

Toutes ces réunions, ces formations, ces synthèses… pour produire un document administratif. Un de plus ?

Cela peut donner cette impression… Pourtant, après chaqueréunion, et nous avons fait neuf groupes de travail avec toutesles équipes de travail des secteurs et des services du siège,jamais personne ne nous a dit cela. Au contraire. Les gens ontexpliqué qu’ils avaient touché du doigt la réalité humaine deleur travail. La démarche préconisée par le ministère, et quiconsiste à répondre à une enquête point par point, paraît assezfastidieuse. Il y a trente-deux fiches de risques à passer enrevue. Cela paraissait un challenge d’y réussir en trois heures.Finalement on s’est rendu compte, d’abord que c’était possibleet, surtout, que c’était très intéressant de mettre autour d’unemême table des membres d’une équipe.

Vous pouvez illustrer…?

Dans un bureau, par exemple, une activité d’été nécessitaitd’user de formol. Les flacons étaient entreposés à même le sol.Personne n’avait prêté attention à ces flacons. L’échange sur lesrisques professionnels a permis de prendre conscience du danger.Ce sont les autres salariés qui ont interpellés leurs collègues surcette manière de faire. Ce regard extérieur, provenant de gens dela même organisation, a été déterminant.

De nombreux échanges donc?

Oui et non, c’est une des difficultés. Il faut limiter le tempsd’échanges. Si on discute trop, on ne tient pas le timing. Enrevanche, il est important que toutes les personnes aiententendu la même chose au même moment.

Qu’est-ce qui va changer ?

Beaucoup de choses… D’ores et déjà, nous avons modifié notremanière d’accueillir les stagiaires. Nous avons mis en placeune période d’accompagnement spécifique de deux jours pourtester leurs capacités en montagne et vérifier qu’ils connaissentle maniement de la radio par exemple. Et puis, plus simple-ment, nous avons acheté des escabeaux pour ne plus montersur les chaises à roulettes. L’organisation du travail aussirisque de changer. Nous sommes tombés d’accord pour direque si l’on a fait un comptage d’animaux et que l’on s’est levé àtrois heures du matin, on ne reprend pas sa voiture sansprendre un temps de repos. Nous assistons à un changementdes mentalités et à une prise de conscience.

Il fallait une obligation légale pour en arriver là ?

Oui. Certes, tout le monde s’accorde pour donner de l’impor-tance à la sécurité mais on a toujours quelque chose à faire deplus urgent que d’y penser.

Si la démarche était à refaire, que changeriez-vous ?

Le groupe de pilotage aurait pu se préparer davantage avant dese rendre dans les unités de travail. Il est important de savoirrépondre aux questions les plus pointues afin d’aller au plusloin dans la réflexion. Par exemple, nous n’avons pas surépondre aux questions sur l’électricité statique. Mais il n’y apas eu obstacles, ni psychologiques ni techniques, à la mise enplace de ce travail. Le directeur était très motivé, c’est un trèsbon point car l’implication de la hiérarchie est fondamentale. ■

«L’obligation légale est déterminante»Document unique de prévention des risques

Le Parc national de la Vanoise procède actuellement à l’élaboration de son Documentunique de prévention des risques. Une centaine de salariés sont concernés. La démarcheadoptée est celle préconisée par le ministère (voir article p. 34). Christine Dietz, qui pilote le projet avec Pascal Langer, nous rend compte des réalités…

managementmétiers

SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DU PARC NATIONAL DE LA VANOISE ET CHEF DE PROJET

La parole àChristine

Dietz

>>> Mél : [email protected] PAR MOUNE POLI

3

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C’est un malin. Il informe en permanence le visiteur sur sa position géographique. Il guide ses pas et lui délivre une information choisie.Le guide numérique géolocalisé est expérimenté depuis deux ans parle Parc national suisse.

36 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

méthodestechniques

>>> Mél : [email protected]

Le Parc national suisse est une réservenaturelle intégrale dans laquelle lesvisiteurs doivent respecter des règles

strictes, telles que l’obligation de demeu-rer sur les chemins. Pour leur offrir unepart de découverte, nous avons donc mul-tiplié les panneaux d’information, maiscette solution trouve vite ses limites.Aussi, lorsque les évolutions de l’informa-tique et de la téléphonie mobile ont per-mis de l’envisager, nous nous sommesassociés à un programme de recherchepour la conception d’un guide numériquelocalisé par GPS. Le principe consiste àmettre à la disposition des visiteurs unpetit terminal informatique portable quiintègre une cartographie et une encyclo-pédie multimédia de la faune, de la floreet de l’histoire du Parc. La localisation parGPS permet d’indiquer au visiteur où il setrouve sur la carte numérique, de guiderses pas sur un parcours et de scénarisersa visite. Cette information peut être miseà jour quotidiennement en fonction dessaisons, des événements et des évolutionsde la faune ou de la flore.Il faut bien avouer aussi que l’utilisationde technologies innovantes était uneopportunité pour moderniser l’image duParc. Et effectivement, les retombéesmédiatiques ont été nombreuses.

BilanAprès une première saison d’expérimenta-tion, nous pouvons affirmer que l’accueilest favorable. Nous avons comptabilisémille locations de terminaux, soit 27 %des demandes de cartes et de topoguides.Selon nos enquêtes, la fonctionnalité laplus utilisée est la localisation dans l’es-pace. En montagne, il est parfois difficile

RESPONSABLE SYSTÈME D’INFORMATIONSGÉOGRAPHIQUES ET NOUVELLES TECHNOLOGIESAU PARC NATIONAL SUISSE

●La parole à

Ruedi Haller

de s’orienter. La cartographie associée auGPS offre un véritable confort et renforcele sentiment de sécurité. Les fonctionsd’aide à l’observation des ongulés alpinset celles d’identification des plantes sontaussi très appréciées. Plus généralement,en libérant le visiteur de ses interroga-tions sur son parcours ou sa position,nous lui offrons l’occasion de se recentrersur une démarche d’acquisition deconnaissances.Les possibilités de ce système sont nom-breuses. Actuellement, nous réfléchissonsà utiliser les capacités de communicationdes terminaux afin d’impliquer nos «habi-tués » dans l’animation du Parc : partici-pation à des comptages ou transmissiond’informations sur la faune et la flore, desphotographies par exemple. ■

Le guide numérique géolocalisé

Comment ça marche…

Le guide numérique géolocalisé est unordinateur de poche qui fonctionne avecun logiciel développé par la société

Caminéo. Ce logiciel permet d’organiser desdonnées autour de « points d’intérêt » (POI)portés sur des cartes. À chaque POI sontassociées des coordonnées géographiqueset toutes sortes de contenus multimédias. Ilest ainsi possible de créer une véritableencyclopédie dans laquelle l’utilisateur pourranaviguer librement.Si la conception du système et l’architecturede la base de données sont affaire de spé-cialiste, le gestionnaire du Parc peut assurerla gestion du contenu.Il est aussi possible, quand le site est cou-vert par un réseau téléphonique, de fairecommuniquer les ordinateurs de pocheentre eux. Le gestionnaire du site peut alorsdiffuser des informations en temps réel surla météo, les déplacements de la faune oula localisation de la flore. De même, les visi-teurs pourront émettre des informations etparticiper à l’animation ou à la gestion dusite. ■

Combien ça coûte…

Le guide numérique géolocalisé a étédéveloppé dans le cadre d’un programmede recherche sur trois ans, en partena-

riat entre le Parc national suisse et desopérateurs privés. Le Parc a cédé sesdroits en échange d’une libre utilisationdu logiciel. Les ordinateurs de poche(entre 400 et 800 euros) ainsi que lesabonnements et communications GPS ettéléphoniques sont financés par dessponsors (HP - Swisscom). La mise à jourdes logiciels revient à 6000 euros par an.Le PNS consacre environ deux heures/homme/jour à la gestion du parc de ter-minaux, à la maintenance des données, àl’accueil et à la formation des utilisateurs.Le PNS dispose de dix ordinateurs de

poche proposés à la location à ses visiteurs.Les ordinateurs sont loués cinq francssuisses par jour. En saison, le taux de loca-tion est de 80%. La recette annuelle est de5000 francs suisses (3300 euros). ■

PARMI LES UTILISATEURS : 40 % SONT SATISFAITS,45% TROUVENT QUE LE SYSTÈME EST BON, 8% TROUVENT SON USAGE TROP DIFFICILE.

pour délivrer l’information aux visiteurs

eensavoirplus◗ Caminéo • www.camineo.com •Xavier Zimmermann, 0145268489

© Parc national suisse

© Parc national suisse

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droitpolice de la nature

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 37

de l’eau et les services déconcentrés del’État.Une Commission administrative de bassin(CAB) est créée, en substitution à la mis-sion déléguée de bassin. Elle doit notam-ment contribuer à la cohérence du Sdageet du programme de mesures avec lesplans d’actions des services déconcentrésde l’État dans le domaine de la police del’eau, de la police des installations classéeset de la police de la pêche. Elle devra aussiêtre consultée sur le projet de schémadirecteur de prévision des crues.Dans chaque bassin, le directeur régionalde l’environnement placé auprès du pré-fet coordonnateur assure la fonction dedélégué de bassin. Il exerce le secrétariatde la CAB ; anime et coordonne l’actiondes services déconcentrés de l’État ;conseille et assiste techniquement lesorganismes de bassin.

Le préfet coordonnateur de bassinvoit son rôle renforcé. Il est placé aucentre du dispositif institutionnel, pourpermettre notamment une meilleure har-monisation entre l’échelon du bassin etl’échelon départemental. Il anime et coor-donne l’action des préfets de départe-ments et des régions appartenant au bas-sin, il doit notamment rendre un avis surles projets nécessitant une coordinationinterrégionale, et délimiter les zones vul-nérables et les zones sensibles avec l’aidedes préfets de département et en concerta-tion avec les différents acteurs concernés.Le préfet coordonnateur de bassin a étépar ailleurs désigné par un décret du27 mai 2005 comme étant l’autorité com-pétente en matière d’environnement pourl’évaluation environnementale des Sdage.Pour assurer leurs missions, les préfetscoordonnateurs s’appuient sur les agences

L’échelon régional est conforté dansle domaine de l’animation et de la coor-dination de la politique de l’eau (quicomprend notamment la police de l’eauet des milieux aquatiques), par le biais despôles régionaux de l’environnement(créés par décret du 5 octobre 2004 etplacés sous l’autorité des préfets derégion), et des directions régionales del’environnement. Ces dernières ont, entreautres missions, celle d’élaborer et demettre en œuvre une politique régionalede l’eau, de relayer l’action des Diren debassin et de développer l’animation desservices de l’État dans le domaine del’eau : réunions inter-Mise (missionsinter-services de l’eau) et animation declubs police de l’eau, par exemple.

Enfin, au niveau départemental, lapolice de l’eau est réorganisée : les pré-fets de départements sont chargés dedésigner les services uniques de police etde gestion des eaux superficielles et sou-terraines. Il en est de même pour les ser-vices chargés de la police de la pêche eneau douce. Par souci de cohérence, lespréfets sont invités à confier cette dernièreau service unique de police de l’eau.Pour les cas particuliers du service chargéde la police des eaux marines et du servicechargé de la police sur certains grandsaxes du domaine public fluvial, leur dési-gnation relève non pas du préfet maisd’un arrêté interministériel (écologie etéquipement). ■FABIENNE MARTIN-THERRIAUD - ATEN

>>> Mél : [email protected]

zL’administration chargée de l’eau

Elle se réforme...>>> Nouveau texte

◗ Directive 2000/60/CE du Parlementeuropéen et du Conseil du 23/10/2000établissant un cadre pour une politiquecommunautaire dans le domaine de l’eau.◗ Articles L. 213-3 et L. 212-1 à L. 212-2 du code de l’Environnement.◗ Décret n° 2005-636 du 30 mai 2005relatif à l’organisation de l’administrationdans le domaine de l’eau et aux mis-sions du préfet coordonnateur de bassin.◗ Circulaire Medd/SDATDCP/BSDPE n° 5du 22 mars 2006 sur la mise en œuvredu décret n° 2005-636.

Un décret du 30 mai 2005 réforme l’organisation de l’administration françaisedans le domaine de l’eau. Il s’agit d’assurer l’exécution de la directive cadreeuropéenne d’octobre 2000, qui vise à harmoniser les modalités de gestion del’eau dans tous les pays de l’Union et à améliorer la qualité des eaux d’ici à2015. La directive européenne, qui renforce la gestion de l’eau par bassin,prévoit la mise en œuvre de plans de gestion et de programmes sur mesure. EnFrance, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage)vaudront plans de gestion, ce qui nécessite leur révision. Par ailleurs, unprogramme de mesures et un programme de surveillance de l’état des eaux vontêtre élaborés. La nouvelle organisation de l’administration de l’eau qui en résultese traduit en trois orientations.

Textes de référence

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38 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

ailleurs

eaux et des paysages, a été estimé à plusde 2,2 millions d’euros investis annuelle-ment pour l’ensemble de la vallée de laSoca, en comptabilisant les dépensesdirectement liées à l’activité de pêche(licences), mais également les dépensesindirectes qui regroupent les secteurs del’hôtellerie, de la restauration, ou encorede l’équipement. Ces revenus, directementliés au tourisme-pêche, présentent parailleurs l’avantage de concerner unnombre restreint de pratiquants, dont lesdépenses par tête sont nettement plus éle-vées que celles d’autres usagers de lanature, et dont l’impact sur les ressourcesnaturelles est faible. La saison de pêche seconcentre en outre sur les mois d’avril àjuin puis de septembre à octobre, ce quipermet également d’allonger la saisontouristique centrée sur l’été.La société de pêche de Tolmin a ainsiorienté sa politique vers une gestionpatrimoniale des populations piscicoles.Cette démarche correspond du mêmecoup à une démarche de qualité envers les« clients », qui permet de rester concur-rentiel sur le marché de la pêche de loisiren Europe. À travers ses programmes derecherche scientifique et ses efforts degestion et d’aménagement, la société depêche de Tolmin assume ainsi un rôleimportant pour la conservation, qui sedouble d’un rôle moteur dans l’économielocale. Par ailleurs, les revenus des licencesde pêche servent, en grande partie, àfinancer les efforts de recherche.Au-delà de ses prérogatives en matière degestion et de conservation des populations

Soca :

La recherche scientifiquecomme mise de fond

Ces activités de recherche ont porté sur ladynamique de population de l’espèce, sesinteractions avec les autres espèces pré-sentes, ainsi que sur la différenciation desdifférentes populations pures de truitemarbrée dans les nombreux affluents dela Soca. Huit souches différentes ont ainsiété identifiées grâce aux analyses géné-tiques. Une fois ces populations identi-fiées, elles ont pu être dupliquées demanière artificielle en écloserie et réin-troduites dans des ruisseaux pépinières.En parallèle, l’introduction de truitecommune a été interdite par décret et lesgènes de truite marbrée sont ainsi enpasse de dominer à nouveau dans l’en-semble des cours d’eau du bassin versant.

Conservation, économie et développement local

Un tel projet de conservation pourraitsembler banal, et ressembler à n’importequel projet « espèce » déposé sur lesbureaux de la Commission européennepour financement Life nature. Mais sonoriginalité réside dans le fait qu’au-delàdes impératifs de conservation de la bio-diversité, la présence de la truite marbréeest un élément clé de l’économie locale.En effet, selon une étude menée par leCentre for ecology and hydrology1 en2002, le poids du secteur de la pêche tou-ristique, directement lié à la qualité despeuplements piscicoles, à la qualité des

Au cœur des Alpes dinariques, larivière Soca jouxte la frontière ita-lienne. Sa couleur lui vaut

l’appellation de fleuve d’émeraude et lavallée constitue un site phare pour le tou-risme en Slovénie, basé principalementsur les sports de nature (sports d’eauxvives, randonnée, pêche).La société de pêche de Tolmin y gère parvoie de contractualisation les parcours depêche sur plus de 150 km. La rivière estune destination de renom pour lespêcheurs sportifs en Europe, en particu-lier pour la pêche à la mouche de la truitemarbrée, espèce endémique du bassinadriatique, et pour l’ombre commun dontles populations de l’ouest de l’Europe ontlargement souffert des canicules desrécents étés.Suite aux introductions de truites com-munes depuis les années 50, la truitemarbrée s’est vue menacée d’extinctionen raison de l’hybridation naturelle pos-sible entre les deux espèces. Conscientede la valeur patrimoniale de l’espèce, lasociété de pêche de Tolmin a mis en placeun plan d’actions pour la truite marbréedans les années 90 mettant en œuvre lesopérations nécessaires à la conservation decette espèce-phare, à travers notammentun ambitieux programme de rechercheappliquée mené en partenariat avec laStation biologique de la tour du Valat.

Quand les impératifs de conservation rejoignent les enjeux du développement local…

LA RIVIÈRE SOCA CONSTITUE UN SITEPHARE POUR LE TOURISME ENSLOVÉNIE. ELLE ABRITE LATRUITE MARBRÉE (CI-DESSOUS),ESPÈCE QUI S’EST VUEMENACÉE D’EXTINCTIONSUITE À L’INTRODUCTION DELA TRUITE COMMUNE DANSLES ANNÉES 50.

© Alain Crivelli - Tour du Valat

la truite aux œufs d’or

1. Le Centrefor Ecology andHydrology estun institut derecherchenationalanglais.

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 39

>>> Tour du ValatLe Sambuc, 13200 ArlesMél : [email protected]

piscicoles, le maintien de la qualité deshabitats et des eaux au niveau du bassinversant s’impose aujourd’hui comme unepriorité pour la société de pêche locale.C’est pourquoi elle est l’un des premiersacteurs à s’impliquer dans une démarchede concertation sur la gestion de l’eau.En l’absence d’une autorité régionale degestion de l’eau (agence de bassin, syndi-cat intercommunal), elle a suscité ledébat sur les problèmes de cohabitationentre les divers usagers de l’eau (en parti-culier les microcentrales et les sportsd’eau vive) ou encore sur les problèmesd’extraction de granulat dans le litmajeur. Elle a notamment mis en place leprincipe de « poches à gravier », lequelpermet de circonscrire les zones d’ex-traction et, par là même, de limiter lesdestructions de frayères.

Un modèle à répliquer ?Consciente de la nécessité d’une utilisa-tion durable des ressources naturelles, lasociété de pêche de Tolmin s’est engagéedans une démarche de qualité et de déve-loppement local qu’il faut saluer. Cettedémarche s’accompagne d’une stratégieéconomique que les inconditionnels de lagestion de projet pourraient qualifier de« business-plan ». Cette approche permetune grande part d’autofinancement desactivités de recherche et de conservation.Elle s’accompagne également d’uneréflexion avancée sur la place des espècesintroduites, les espèces autochtones ayantété volontairement privilégiées par rap-port à d’autres poissons pourtant plusattractifs pour les pêcheurs.

Structure par âge d’une population purede truites marbrées sur la rivière Zakojca.Cinq cents poissons marqués ont étérelâchés en 1996 dans ce cours d’eau.La reproduction naturelle a été observéedès 1999, et l’on ne trouve plus aucunindividu réintroduit artificiellement en2004, où seuls les individus s’étantreproduits naturellement subsistent. Une partie d’entre eux dévalera l’affluentpour rejoindre la Soca et augmenter ainsila proportion de truites marbrées desouche pure.

En France, la gestion piscicole des coursd’eau reste basée sur une pêche populaire,assurée par des sociétés de pêche locales.Certes, à travers les initiatives des fédéra-tions de pêche et les partenariats menésavec les institutions de conservation(Parcs naturels régionaux, Parcs natio-naux), l’offre de pêche touristique tend àaugmenter. Cependant, la mise en placede parcours touristiques de qualité resteun pari ambitieux. On assiste par ailleurs,et encore trop souvent, à des introduc-tions volontaires d’espèces allochtones.Force est d’ailleurs de constater qu’endehors de quelques espèces telles que lesécrevisses ou la perche soleil, l’introduc-tion de poissons ne fait pas l’objet d’unesurveillance et d’un contrôle rigoureux,comme cela peut être le cas pour lesplantes invasives par exemple.Certes, certaines fédérations de pêche etsociétés locales misent désormais sur laconservation de souches locales, maisl’ensemencement en truites surdensi-taires reste une solution facile, répan-due... et totalement inadaptée face à ladégradation des milieux.C’est pourquoi il semble nécessaire dedévelopper, plus encore, des partenariatsforts entre chercheurs, gestionnaires d’es-paces naturels et communautés de la gaule,afin de mobiliser plus fortement les mil-liers d’adhérents des sociétés de pêche deFrance dans une démarche environne-mentale bénéfique pour tous. ■MARC LUTZ ET ALAIN CRIVELLISTATION BIOLOGIQUE DE LA TOUR DU VALAT

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Reproduction de la truite marbréedans les affluents de la Soca

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40 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

lecteurpenseur

le changementComment penser

fixes étaient des points fixés – ce qui ne veut pas direarbitrairement inventés, mais, disons, isolés,

naturalisés par nos actes ou attitudes depensée. Mais cette remise en mouvementn’est pas tout de suite représentable carprécisément il s’agit de ce que nousavions décidé – ou plutôt ce que nousavions passivement accepté – de traiter

comme non révisable. Cette non-révisabilitéétait nécessaire, à ce stade, pour représenter

le changement de quoi que ce soit. Il n’y a dechangement que local, représenté dans un

contexte de neutralisation relative duchangement – c’est ainsi, du moins, quele changement devient représentable.Mais ce qui est neutralisé estdéneutralisable, peut se remettre enmouvement, et ce sont là alors les« vrais » changements, ceux qui touchentaux cadres de pensée – mais sont en faitaussi bien des changements de« contenu » comme les autres, quisimplement, dans le cadre précédent,n’étaient pas représentables commechangements de contenu, puisqu’ilsfaisaient partie du cadre.La difficulté intrinsèque à la dialectiquedu changement est de, tout à la foissurmonter l’illusion transcendantale de« ce qui ne peut pas changer » (il n’y a enfait, ontologiquement, en toute rigueur,rien qui soit dans ce cas) et, pour autant,

d’être bien conscient du fait qu’il y a de trèsnombreuses choses dont en l’état, aujourd’hui, nous

ne pouvons (et n’avons même pas l’idée de) nousreprésenter le changement. C’est la question, à la foismétaphysique et épistémologique, à laquelle nousconfronte la perspective, réelle ou idéologique,l’avenir le dira, de « changements radicaux ». ■JOCELYN BENOISTUNIVERSITÉ DE PARIS-I PANTHÉON-SORBONNE

>>> Mél : [email protected]

Climatique ou autre…Le changement climatique, la mutation, l’évolution, la transformation, ladialectique… toutes ces notions sans contour matériel peuvent-elles se penser,se concevoir ? Comment ? C’est la forme même de la pensée qui est en cause.

Se représenter la pensée comme quelque chosede statique, qui n’appréhenderait lechangement qu’après coup, reviendrait à la

détacher de son inscription dans le monde. En effet, il n’y a pas d’objet de pensée complètementretiré du monde. Il n’y a de pensée qu’affrontée auréel. Et ceci même dans les détours qu’elle prendpour le saisir.Cependant, c’est aussi le « cadre » de pensée, qui ason histoire, qui ne peut être complètement soustraità la contingence du changement.Ce qui devrait retenir l’attention de ceux quis’interrogent aujourd’hui sur l’éventualité dechangements radicaux dans la forme de viehumaine et sur la représentabilité ou non de telschangements, c’est la perméabilité entreces deux aspects de la relation de lapensée au changement : le fait quel’on ne peut complètement séparerl’évolution de la pensée « elle-même» de celle de son« contenu ». Un tel point devue formaliste sur l’histoirede la pensée estparfaitement irréaliste – ilmanque, précisément, cequ’il y a de « réalité » dans la pensée.Il est clair que pour rendrequelque changement que cesoit représentable, on a besoind’invariances, de points fixes àpartir desquels ce qui change peutêtre déterminé et apparaître commechangeant. Mais l’illusion serait de croireque de tels points fixes constituent un « ensoi », comme tel, soustrait au changement. Qu’est-ce qu’une crise du changement – le moment où il« s’accélère », comme on dit, et où l’on al’impression, à la limite, qu’il n’est plusreprésentable – si ce n’est une situation danslaquelle ces points fixes – ceux que l’on avaitadoptés dans la phase précédente – sont remis enquestion et deviennent mouvants?Il n’y a rien là que de naturel, puisque ces points

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Espaces naturels n°15 • juillet 2006 41

Le mode defonctionnementpastoral actuel

est incompatible avecl’évolution économiquedes marchés, avec lesattentes des citoyens,avec certainsimpératifsenvironnementaux. Du reste, l’agriculture de montagne estdépendante des aideseuropéennes etnationales et l’avenirdes exploitations estcompromis. Pourtant,dans le même temps,le développement desloisirs, le brassageculturel qui s’opère dans les vallées pyrénéennes,ainsi que les nouvelles attentes de nos concitoyens,nous interrogent sur le rôle du pastoralisme. Doit-ilrester figé ou bien s’adapter, changer de vision, demodes de production…?Pendant des décennies, le monde pastoral afaçonné la montagne. À cette époque, il y avait despetites exploitations et des hommes aux côtés deleurs bêtes… mais ce travail sur la montagne setrouve radicalement bouleversé. La forêt regagne duterrain ; les estives, faute d’une conduite guidée,sont surpâturées sur les zones les plus riches etsous-pâturées sur les pentes les plus pauvres ; lataille des troupeaux augmente et il devientimpossible d’assurer un gardiennage correct surcertaines zones.Par ailleurs, le renforcement de la population d’oursdans les Pyrénées ajoute de nouvelles contraintes.L’histoire pourrait s’arrêter là. Les bergers éleveurspourraient, par exemple, se battre contre l’ours. Ilstiendraient enfin un coupable. Et, derrière lesleaders, chacun prêcherait pour son exploitation envantant les mérites d’un mode pastoral qu’unepoignée d’hommes, silencieux eux, s’évertuent àmaintenir par leur travail quotidien. L’ours finiraitpeut-être par disparaître. Mais rien n’aurait vraimentchangé.Alors oui, un autre avenir est possible. Il nécessitede concevoir la montagne comme un tout, où lesrésidents pastoraux cohabitent avec les forestiers,

les chasseurs, les randonneurs, lescitadins, et avec une montagnesauvage en équilibre avec leur activité.En choisissant cette voie, le monde pastoral pourraretrouver ses valeurs. En s’ouvrant, et non ens’opposant aux évolutions inéluctables de lasociété, il passerait outre le clivage ville-campagneque certains revendiquent pour justifier intoléranceet immobilisme.En s’adaptant aux impératifs de préservation de labiodiversité, le monde pastoral, les communespropriétaires des estives et toutes les autrescomposantes de la montagne y trouveraientégalement leur compte. Les troupeaux seraient denouveau gardés, les bêtes mieux suivies etsoignées, grâce à l’emploi supplémentaire debergers. Leur travail de conduite guidéecontribuerait à un meilleur entretien de la montagne.Et, avec la réhabilitation du chien de protection«Montagne des Pyrénées », c’est une part del’identité pyrénéenne qui serait sauvée.La cohabitation… Cela ne signifie nullement deprendre position en fonction de l’ours, maisd’appréhender l’ensemble du système montagnard,lequel, pour avancer, doit compter sur toutes sescomposantes. ■

ABEDESSELAM LAGRISSY, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION POUR LA COHABITATION

PASTORALE - BERGERS ÉLEVEURS APICULTEURS PYRÉNÉENS

>>> Mél : [email protected]

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LE PASTORALISMEA-T-IL ENCOREUN RÔLE DANSNOTRE SOCIÉTÉ ?LEQUEL ?

Pastoralisme…choisir la cohabitation

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PARUTIONS

42 Espaces naturels n°15 • juillet 2006

● Bryologie● Milieux ● Savoir-faire ● Gouvernance

● Évaluation

● Écologie sociale

comportements, laculture ou l’imaginaire.Professeur de zoologie etnaturaliste, Hans Kruuknous livre un ouvrage àl’écriture très soignée.Il conjugue descriptions,apports historiques,analyses et anecdotesau service d’un proposrendu très vivant. Peut-être aussi parce qu’il semet en scène et faitvolontiers référence à sonexpérience de terrain.

HANS KRUUK • 220 PAGES • DELACHAUX ET NIESTLÉ •25 EUROS

Voici racontée l’histoiredes carnivores et desrelations complexesqu’ils entretiennent avecl’Homme. Tour à tourchasseur et chassé,l’Homme et l’animalinteragissent l’un surl’autre, s’utilisent,s’apprivoisent ets’entredévorent.Chaque chapitres’attache à un thème : laconcurrence, les conflits,le rôle des prédateurs,l’utilité sociale, lesanimaux vecteurs demaladie, les

La conduitede la concertationLa concertationrapproche les acteurs etpermet d’ouvrir denouvelles voies à lacitoyenneté. Elle favorisel’élaboration collective denouveaux rapports entreles Hommes et le milieunaturel. À conditioncependant, de savoir laconduire.Cet ouvrage est fondésur des études de castrès diverses. Accordantautant d’importance àl’analyse théorique qu’àla capitalisation desexpériences, il interpelletout autant le chercheurque le gestionnaire.JEAN-EUDES BEURET • 340 PAGES • L’HARMATTAN •29,50 EUROS

Mousseset HépatiquesPlus de mille espèces demousses se rencontrenten France métropolitaine.Si vous savez lesobserver, elles serévéleront étonnantes dediversité. Mais pour cela,outre une bonne loupe, ilvous faut posséder lesrudiments de la sciencedes mousses : labryologie.La Garance voyageusevous propose de faire vospremiers pas avec unpetit livret tout en couleuret accessible à tous.Vous y découvrirez lecycle de vie, y apprendrezles principaux termes ettrouverez toutes sortesd’informations pratiquespour débuter en bryologie.20 PAGES • LA GARANCE

VOYAGEUSE • 7 EUROS •WWW.GARANCEVOYAGEUSE.ORG

Gestion des zones humidesDestiné aux acteurs deszones humides, cetroisième cahierthématique duProgramme national derecherche sur les zoneshumides traite de lagestion de ces milieux.Les deux premierscahiers traitaientrespectivement desZones humides et l’eau,de la Caractérisation deszones humides. Ausommaire de ce numéro :la gestion et larestauration des prairiesalluviales, la régulationdes crues, la protectiondes marais, les mares…Un chapitre faitégalement état desacteurs et des projets en cours.PNRZH • 63 PAGES •MINISTÉRE DE L’ÉCOLOGIE

Indicateurset tableaux de bordSous-titré «Guidepratique pour l’évaluationenvironnementale », cetopuscule propose desrepères méthodologiquesaccessibles à tous :comment évaluer,construire les indicateurset réaliser un tableau debord? En prenant pourexemple l’impact despratiques agricoles sur lemilieu, il permet aulecteur de bien faire lelien entre la méthode etson application à unesituation concrète.PH. GIRARDIN, L. GUICHARD,C. BOCKSTALLER • 40 PAGES •TEC & DOC - LAVOISIER •25 EUROS

● Ethnologie

Les sociétéstraditionnellesau secours dessociétés modernesAlors que lesoccidentaux tentent dese réinventer undéveloppement durable,d’autres civilisationsperpétuent des rapportshomme/nature plusrespectueux.Entre ethnologie etécologie, cet essaimontre comment lessociétés traditionnellespeuvent constituer unesource d’inspirationprécieuse pour lessociétés occidentales. À condition toutefois,d’envisager autrementl’idée de modernité.SABINE RABOURDIN • 224 PAGES • DELACHAUX

ET NIESTLÉ • 19 EUROS

ONG et biodiversitéLecture pour initié, cetouvrage pluridisciplinaire(sociologues,économistes, politistes)est issu d’un travail detrois années consacré àune exploration desrelations entre ONG etbiodiversité. Selon lesauteurs, la notion debiodiversité aurait prisson sens grâce aux ONG.En retour, la consécrationde la biodiversitélégitimerait les ONGcomme acteurs d’unnouvel ordre écologiquemondial.Les deux éléments, ONGet bioversité, seconstruiraient et serenforceraientconcomitamment.COORDINATION CATHERINE

AUBERTIN • INSTITUT

DE RECHERCHE POUR

LE DÉVELOPPEMENT • 210 PAGES • 18 EUROS

Le Développementdurable : enjeuxÀ travers l’analyse dedivers événementsmarquants, structures etstratégies d’acteurs(État, ONF,entreprises...), cetouvrage fournit des clésde lecture à la question dudéveloppement durable.Ses enjeux économiques,politiques, sociaux sontainsi abordés.CATHERINE AUBERTIN,FRANCK-DOMINIQUE VIVIEN •142 PAGES • LA

DOCUMENTATION FRANÇAISE •14 EUROS

● Études● Grand préd’acteur

L’Ours des Pyrénées.Les 4 véritésL’ours, par ses dégâts,cumule les défauts du loup,carnivore, et du sanglier,herbivore. C’est pourquoi ila longtemps été placé autout premier rang desnuisibles. Quatre auteursnous livrent chacun uneautre vérité. Conjuguantéthologie, écologie,sociologie et histoire, ilstracent à quatre plumes unpassionnant portrait croisé.F. BENHAMMOU, S. BOBBÉ, J.-J. CAMARRA, A. REYNES •160 PAGES • PRIVAT •21 EUROS

Chasseurs et chassés. Relations entre l’homme et les grands prédateurs

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l’AGENDA

Espaces naturels n°15 • juillet 2006 43

Le « Top 50»des plantes menacées

des îlesméditerranéennes

La campagne « Top 50 »de l’UICN a pour but desensibiliser le public, les

professionnels et lesdécideurs au risque

imminent d’extinction desplantes menacées.Les espèces ont été

choisies pour la faiblessede leurs effectifs et

l’étroitesse de leur airede répartition. Elles sontprésentées chacune surune double page, carteset photos à l’appui. Outre

une présentation desmesures de conservationexistantes, chaque ficheindique les actions de

conservation quidevraient être initiées.

>>> UICN • 110 PAGES •7,5£ • [email protected]

PDF SUR WWW.IUCN.ORG

SAUVEGARDE

La loi LittoralCe dossier nous livre unpoint complet du droit dulittoral après vingtannées d’application etde jurisprudence.Essentiellementjuridique, il ne négligepas de donner des cléspour comprendre lesenjeux de société.La première partie traitedu champ d’applicationspatiale de la loi, laseconde examinel’opposabilité de sesdispositions et latroisième fait l’inventairedes règles relatives àl’urbanisme, à la bandedes 100 m et auxespaces naturels.LOÏC PRIEUR • 164 PAGES •ÉDITIONS TECHNI-CITÉS •69 EUROS

● Juridique

Données sur l’eau GUIDE TECHNIQUE

Les gestionnaires d’espaces naturels sontconscients de l’impor tance de l’élémentaquatique. Sa prise en compte est cependant

dif ficile du fait de la complexité du thème, des techniques d’étude (matériel sophistiqué, modèlesmathématiques, etc.)…Rédigé par Jean-Louis Michelot, ce guide est issud’actions entreprises par le réseau des Réservesnaturelles fluviales depuis 1994. Mis à jour en2005, il est structuré en chapitres traitant dessources de données et des paramètres physiques,chimiques et biologiques à prendre en compte dansle cadre d’un suivi de milieux fluviaux. L’objet de cedocument est triple : • aider les gestionnaires àaccéder aux données existantes • donner quelqueséléments sur la signification et l’intérêt des données• donner quelques pistes pour aller plus loin.>>> Téléchargeable sur le site intranet de RNF(pour les organismes autorisés) ou disponible enversion pdf sur demande auprès de RNF. www.reserves-naturelles.org/admin/

Territoires ruraux, commentdébattre des sujets qui fâchent?9 au 11 août - MarciacOrganisé par la missiond’Animation desagrobiosciences, ce rendez-vousannuel propose une réflexionavec les points de vue dechercheurs, d’élus,d’agriculteurs, d’associations.◗ Mél: [email protected]

Science, populations, veille et précaution2 au 6 septembre - ParisL’exposition des populations auxrisques environnementauxconstitue une sourced'incertitude. L’Agencefrançaise de sécurité sanitaireenvironnementale et du travailorganise cette conférenced’épidémiologie. Lacommunauté scientifiques’interrogera sur la façon dont leprincipe de précaution peutchanger sa manière de travailler.◗ Mél: [email protected]

Les risques liés au temps et au climat6 au 9 septembre - ÉpernayCe colloque organisé parl’association internationale declimatologie traitera desrelations climat et agriculture,climat et santé, changementclimatique et société. Inscriptionpréalable nécessaire.◗ Mél:[email protected]://www.univ-paris7.fr/2005/10-risques-climat.pdf

Pierre sèche22 au 24 septembre - EspagneCe 10e congrès aura lieu àMontalban. Il rassemble lesacteurs de la pierre sèche :anthropologie, histoire,agronomie, sciences de la terre,architecture, patrimoine bâti,environnement, tourisme...◗ Mél: [email protected]

Aménagement du territoire27 septembre au 2 octobre -Cerisy-la-Salle«Aménagement du territoire :changement de temps,changement d’espace» :organisé par le Centre culturelinternational, ce colloque estl’occasion d’une réflexioninterdisciplinaire sur ce thème(politique environnementale,sociale, architecturale...).◗ http://www.ccic-cerisy.asso.fr

Élevage en prairies naturelles humides28 au 29 septembre - VendéeAnimées par les plus grandsspécialistes du domaine, cesjournées doivent permettre dedégager des axes favorables aumaintien de l’activité d’élevage en zones humides dans lerespect de la biodiversité de cesmilieux. Fontenay-le-Comte.◗ www.forum-marais-atl.com

Terre en fête28 septembre au 1er octobre -BobignyCette biennale pour undéveloppement durable estconduite à l’initiative du Conseilgénéral. La manifestation estouverte au grand public etnotamment aux scolaires. Avis aux animateurs...◗ Mél: http://www.asts.asso.fr

Constructions écologiques2 au 5 octobre-Suisse et AutricheEntre 30 et 50 gestionnaires,élus ou professionnels peuventparticiper à ce voyage d’étudeorganisé par le Réseau alpin desespaces protégés. Laconstruction en altitude seraspécialement abordée.◗ [email protected]

Invasions biologiques7 au 19 octobre-Moliets (Landes)Ce colloque restituera lesrésultats de trente projets derecherche sur le thème desinvasions biologiques. Une tableronde donnera l’occasion de fairele lien entre ces résultats et leurtransfert en termes de politiquespubliques.◗ Mél: [email protected]

Développement durable11 au 13 octobre - AngersOrganisées par la Région des Paysde la Loire, le sujet de ces assisessera: «Agir à la hauteur desenjeux».◗ Mél:[email protected]

Biodiversité et politiquesterritoriales19 au 22 octobre - Salins-les-Bains (Franche-Comté)Le 14e congrès desConservatoires d’espacesnaturels réunira, sur ce thème,les conservatoires, leurspartenaires scientifiques ettechniques, les acteursterritoriaux.◗ [email protected] ou [email protected]

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« Un Parc national peut êtrecréé à partir d'espacesterrestres ou maritimes,lorsque le milieu naturel,particulièrement la faune, la flore, le sol, le sous-sol,l'atmosphère et les eaux, les paysages et, le caséchéant, le patrimoine culturelqu'ils comportent présententun intérêt spécial et qu'ilimporte d'en assurer laprotection en les préservantdes dégradations et desatteintes susceptibles d'enaltérer la diversité, lacomposition, l'aspect etl'évolution. Il est composé d'unou plusieurs cœurs, définiscomme les espaces terrestreset maritimes à protéger, ainsique d'une aire d'adhésion,définie comme tout ou partiedu territoire des communesqui, ayant vocation à fairepartie du parc national enraison notamment de leurcontinuité géographique ou deleur solidarité écologique avecle cœur, ont décidé d'adhérer àla charte du parc national et deconcourir volontairement àcette protection. Il peutcomprendre des espacesappartenant au domaine publicmaritime et aux eaux soussouveraineté de l'État. »Article 1 - Loi n° 2006-436

Le 14 avril 2006a été promulguée

la loi relative aux Parcs nationaux,aux Parcs naturels marins,

aux Parcs naturels régionaux.

www.parcsnationaux.org

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