Upload
noureddine
View
219
Download
2
Embed Size (px)
Citation preview
This article was downloaded by: [University of Ulster Library]On: 04 December 2014, At: 06:02Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registeredoffice: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK
European Review of History: Revueeuropéenne d'histoirePublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/cerh20
Etre algérien en situation impériale,fin XIXème siècle – début XXème siècle:L'usage de la catégorie «nationalitéalgérienne» par les consulats françaisdans leur relation avec les Algériensfixes au Maroc et dans l'EmpireOttomanNoureddine Amara aa Paris 1 Panthéon-Sorbonne , Paris , FrancePublished online: 13 Mar 2012.
To cite this article: Noureddine Amara (2012) Etre algérien en situation impériale, fin XIXèmesiècle – début XXème siècle: L'usage de la catégorie «nationalité algérienne» par les consulatsfrançais dans leur relation avec les Algériens fixes au Maroc et dans l'Empire Ottoman, EuropeanReview of History: Revue européenne d'histoire, 19:1, 59-74, DOI: 10.1080/13507486.2012.643606
To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/13507486.2012.643606
PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE
Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the“Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis,our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as tothe accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinionsand views expressed in this publication are the opinions and views of the authors,and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Contentshould not be relied upon and should be independently verified with primary sourcesof information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims,proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoeveror howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to orarising out of the use of the Content.
This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Anysubstantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing,
systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms &Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
Etre algerien en situation imperiale, fin XIXeme siecle – debut XXemesiecle: L’usage de la categorie «nationalite algerienne» par les
consulats francais dans leur relation avec les Algeriens fixes au Marocet dans l’Empire Ottoman
Noureddine Amara*
Paris 1 Pantheon-Sorbonne, Paris, France
Among the many problems posed by colonial citizenship laws regulating Algerians wasthe special case of people born within the confines of Algeria and their descendants whohad emigrated outside of the country. Algerians in Algeria already inhabited an impreciseplace of incomplete French citizenship. And those living abroad, the ‘Originairesd’Algerie’, had to contendwith the decisions of French consular authorities, who labouredto interpret and implement the rules established by the Foreign Office and the Ministry ofJustice to define the legal status of Algerians living abroad. The French state claimed thiscategoryof people as«French»according to the legal theoryofState succession.Then, theIndigenat servedas anAlgeriannationality.Thispaper argues that thisAlgeriannationalitywas an imperial nationality for internal use.
Keywords: Algeria; French colonization; nationality; native; Ottoman Empire;expatriation; conflict of law; French protection; diplomacy; right of citizenship;Morocco, empire
Introduction
La question de la nationalite des populations des divers Empires est generalement etudiee
selon l’archetype de nationalite constitutif des Etats-nations. Dans ce cadre-la, le lien de
nationalite rattache a un Etat souverain une population dans un egal statut. Fruit d’un long
processus, cette uniformisation des sujets etatiques en une communaute de citoyens egaux
appelle a etre historicisee. Parallelement a l’emergence de cette forme de relation Etat/
national, se developpent au sein d’« Etats-empire » d’autres formes de sujetion. C’est le
cas des Algeriens dans l’Empire francais. Les analyses historiennes sur les questions de
nationalite et de citoyennete en situation coloniale se sont jusqu’alors interessees a la
colonisation comme effet de contexte sur le compromis republicain de nationalite/
citoyennete.1 Ce prisme paradigmatique et le questionnement qu’il sous-tend sont
legitimes. Toutefois, ils n’epuisent pas l’ensemble des significations historiques possibles
de ce qu’est la « sujetion francaise » des Algeriens. Ce papier se propose de poser les jalons
d’une reflexion sur les politiques imperiales de nationalites, tout particulierement sur la
maniere dont les Empires saisissent l’autochtonie en l’inserant dans un registre de
pertinence juridique propre a la nationalite. En effet, la legislation coloniale en matiere de
nationalite et d’augmentation de capacite des Algeriens recouvre une autochtonie qu’elle
ne peut annuler. C’est dans le cadre des relations entre les Consuls Francais et les
Algeriens fixes a l’etranger que je me propose de mener cette reflexion.
ISSN 1350-7486 print/ISSN 1469-8293 online
q 2012 Taylor & Francis
http://dx.doi.org/10.1080/13507486.2012.643606
http://www.tandfonline.com
*Email: [email protected]
European Review of History—Revue europeenne d’histoire
Vol. 19, No. 1, February 2012, 59–74
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
Par les effets de la conquete coloniale et de l’annexion2 de l’Algerie a la France, les
indigenes d’Algerie sont dits francais. Le senatus-consulte du 14 juillet 1865 confirme
cette consequence juridique consacree par l’ordonnance royale du 22 juillet 1834.3 Afin de
determiner la population autochtone sur laquelle la France impose sa souverainete, les
autorites coloniales vont definir l’indigenat comme une categorie de droit renvoyant a une
« nationalite primitive » des populations originaires des territoires annexes par la France.
Cette nationalite d’origine est designee comme « nationalite algerienne »: conformement a
la theorie de la succession des Etats, sont donc reputes sujets francais les populations
autochtones dites Algeriennes. Ainsi, lorsqu’ils resident a l’etranger les Algeriens sont
admis a la protection diplomatique francaise. L’analyse du regime de la protection
consulaire des Algeriens conduit a interroger les pratiques de la nationalite algerienne
mises en œuvre par l’administration coloniale et par les Algeriens eux-memes. Cette
nationalite est reglementee par le senatus-consulte de 1865, la circulaire La Valette de
1869, le decret Cremieux de 1870 et son decret d’application de 1871. Des textes dont la
matiere saisie est la definition de la qualite de Francais car si l’indigenat agit bien comme
un « substitut de la nationalite algerienne »,4 c’est que cette derniere semble agir comme
une nationalite intermediaire entre les nationaux francais d’origine et les « sujets » admis a
la qualite de Francais par les effets de la conquete de l’Algerie.
La definition de la « nationalite primitive » des Algeriens est donc une operation juridique
prealable a la determination des Algeriens en tant que sujets ayant droit a la protection
diplomatique francaise. Les originaires de l’Ancienne Regence d’Alger possedent ainsi une
nationalite algerienne qui, dans l’ordre juridique international, est mort-nee car celle-ci n’a
d’effets que dans l’ordre juridique interne a l’Empire francais.5 Comme le souligne Emile
Larcher « l’annexion de l’Algerie a la France a fait definitivement disparaıtre la nationalite
algerienne (22 juillet 1834) »6. Mais, situation paradoxale qui dans l’ordre juridique interne a
la France fait naıtre dans le langage du droit cette nationalite algerienne une fois celle-ci
reputee avoir disparu sous les effets de l’annexion. La categorie « nationalite algerienne » sert
en effet a la puissance coloniale d’instrument de mesure et de controle de la population sur
laquelle elle entendexercer sapleine et exclusive souverainete.Qui sont doncces « originaires
d’Algerie »? Qu’est-ce qu’etre de nationalite algerienne dans les territoires d’empires qui
bordent la Mediterranee?
La condition juridique des Algeriens fixes a l’etranger
En theorie, les populations affectees par le changement de nationalite consecutif a
l’annexion sont ceux que l’on appelle les « originaires » du territoire cede.7 L’acceptation
juridique du terme « originaire » est loin d’etre univoque. En principe, il peut renvoyer soit
aux habitants qui y sont domicilies au moment de la conquete coloniale; soit a ceux qui y
sont nes meme s’ils n’y sont pas domicilies au moment de la conquete. La premiere
solution a le desavantage de faire appel a une conception feodale de la nationalite qui en
fait une « dependance du sol habite ».8 Cette conception est abandonnee par les juristes du
droit des gens qui preferent soumettre le principe des nationalites au regime de l’accord
des volontes. Quant a la deuxieme solution, elle pourrait rattacher a l’Etat de conquete une
population originaire residante a l’etranger et hostile a sa domination. La qualification
juridique d’« originaires » est donc une operation politique constitutive du pouvoir
souverain. Il s’agit pour l’Etat annexant de rendre effective sa domination sur le territoire
conquis en accordant sa nationalite aux populations qui y habitent. La nationalite est ici
une marque d’allegeance lui permettant d’asseoir sa domination: le controle du territoire
conquis decoulerait de l’allegeance des populations annexees a la nouvelle puissance
N. Amara60
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
souveraine. Toutefois, alors qu’au XXeme, la doctrine du droit des gens fonde
progressivement la legitimite des cessions de territoires sur le consentement des
populations, en situation coloniale, elle s’en exonere. Le principe des nationalites9 n’est
opposable qu’aux seules « nations civilisees ».10 L’interet de l’Etat de conquete conduit a
combiner dans la definition des « originaires » le critere de naissance a celui de domicile.
Nous pouvons nous en rendre compte par l’analyse des textes qui fixent la condition
juridique des Algeriens residant a l’etranger. Deux textes reglementent le droit a la
protection consulaire: la circulaire du ministre des Affaires etrangeres 31 janvier 1834 et
celle de La Valette en 1869. Ces deux textes sont animes par le meme souci de limiter les
fraudes aux droits a la protection diplomatique francaise au titre d’ « indigene algerien ».
En effet, agissant telle une categorie d’ayant droit qui offre a l’individu s’en prevalant
toute une serie de privileges, en matiere de juridiction et de fiscalite notamment, « l’origine
algerienne » est usurpee par certains ressortissants de pays dans lesquels reside une forte
population algerienne. C’est le cas en Tunisie et au Maroc mais aussi dans les territoires de
l’Empire ottoman. Afin de limiter ces fraudes, les autorites francaises operent une saisie
par le droit de la nature juridique des originaires d’Algerie.
La circulaire du 31 janvier 183411 ordonne la population algerienne en categories
d’individus appeles a beneficier de cette protection. En sont exclus: les Algeriens
« deportes de la Regence d’Alger » depuis l’occupation francaise; ceux qui ont abandonnes
« volontairement » l’Algerie pour des «motifs de religion ou autres », ceux qui etaient
etablis ou en voyage au Levant au moment de la conquete de l’Algerie et qui n’expriment
pas le souhait de rentrer en Algerie. Seuls sont admis a la qualite de protege francais, les
Algeriens qui, fixes a l’etranger, ont manifestement preserve leur esprit de retour en
Algerie. L’evenement generateur qui declenche la situation juridique a partir de laquelle
sera evalue le droit a la protection francaise est la conquete coloniale:
Les individus compris dans les trois premieres classes ne peuvent plus etre consideres commeappartenant a la regence: que leur eloignement d’Alger ait ete l’effet de leur propre
mouvement ou la suite de menees coupables, ils n’en doivent pas moins subir toutes lesconsequences d’une expatriation volontaire ou de la deportation. Dans le 1er cas, ils ont
renonce d’eux-memes au benefice de leur nationalite; dans le second, ils ont necessairement
perdu tous leurs droits.
C’est au titre de « leur nationalite » que les originaires d’Algerie residant a l’etranger sont
admis a la protection des consuls francais. Cette nationalite anterieure a la conquete est
designee a posteriori comme une nationalite algerienne, celle-la meme qui par effet de la
conquete confere a ces detenteurs la sujetion francaise. Plus de trente ans apres, le 20
janvier 1869, le statut juridique des Algeriens residant a l’etranger est de nouveau l’objet
d’un reglement par la circulaire La Valette. Le champ de la legislation coloniale n’est plus
vierge en matiere de nationalite des Algeriens. La condition de ces derniers a ete
expressement definie par le senatus-consulte de 1865. Et c’est ce nouveau cadre legislatif
qui commande la redaction de cette nouvelle circulaire:
Une des consequences de la situation nouvelle faite aux indigenes de l’Algerie par le senatus-consulte de 1865, a ete de leur donner, en resserrant les liens qui les unissent a la France, des
droits plus etendus qu’auparavant a la protection de nos agents diplomatiques et consulaires.
Mais dans quelle limite cette protection doit-elle etre exercee? Quelles conditions doivent-ilsremplir pour s’en assurer la plenitude? Quelles causes, enfin, peuvent en determiner le retrait?
( . . . ) j’ai arrete, de concert avec M. le Ministre de la Guerre, un ensemble de dispositionsdestines a etablir sur des bases biens definies les rapports des agents de mon departement avec
leurs ressortissants de nationalite algerienne.12
European Review of History–Revue europeene d’histoire 61
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
Deux conditions subordonnent donc la jouissance de la protection diplomatique francaise
quand on reside a l’etranger: la preuve de la nationalite algerienne et la conservation de
l’esprit de retour. Un sejour prolonge a l’etranger,13 de meme que le depart volontaire
d’Algerie afin de fuir la domination francaise, etait considere comme une perte de la
nationalite algerienne. Ce n’est que sous ces seules conditions que les autorites coloniales
peuvent s’affranchir de leur souverainete a l’egard des Algeriens. Conformement au droit
des gens en matiere de determination juridique des populations des territoires annexes,
elles semblent reconnaıtre aux Algeriens un droit d’option de nationalite alors qu’aucune
convention bilaterale ne regle cette question entre la France et la Sublime Porte. Pourtant,
la residence prolongee en territoire ottoman, sans esprit de retour en Algerie, est admis
comme l’expression tacite d’une volonte de ne pas acquerir la nationalite de l’Etat
annexant. Pour echapper a la sujetion francaise, il fallait donc quitter sa nationalite
algerienne d’origine, et la denationalisation14 ne devenait effective qu’en quittant le
territoire algerien sans esprit de retour15 La condition de nationalite algerienne est
fondamentale dans l’acces a cette protection car c’est au nom de celle-ci que les consuls
francais opposeront aux autorites territoriales leur droit de souverainete sur les Algeriens.
Afin de distinguer les beneficiaires de la protection diplomatique de ceux qui en sont
exclus, les autorites francaises doivent donc necessairement faire le detour par une
nationalite algerienne: est protege francais16 celui qui possede l’indigenat algerien.17
En outre, si le titre de protege francais en qualite d’Algerien est une categorie d’ayants
droits, c’est parce qu’il est avant tout le marqueur de la sujetion politique des Algeriens a
la France. De ce fait, tout Algerien se rendant a l’etranger doit se faire immatriculer dans
les consulats francais de son lieu de residence. Alors que cette formalite est devenue
facultative pour les Francais de l’etranger,18 elle reste obligatoire pour les Algeriens sous
peine d’etre prives de la jouissance de la protection francaise. Cette demarche
administrative etait comprise comme un accord de volonte par lequel son auteur
exprimerait sa soumission a l’Etat annexant. Cette confirmation du lien d’allegeance a
l’Etat annexant, par la voie de l’immatriculation consulaire, est une obligation a laquelle
les Algeriens ne peuvent deroger surtout si c’est en terre d’Islam qu’ils se fixent. Quant a
l’esprit de retour de ces derniers, il est verifie par l’obligation du renouvellement annuel de
cette immatriculation. La charge de la preuve de la nationalite algerienne incombe au
demandeur. Les pieces presentees a l’appui de leurs pretentions sont generalement des
passeports delivres par les autorites coloniales d’Algerie (prefecture, Gouvernement
General d’Algerie (GGA)), des patentes de protection delivrees par un autre consulat, mais
aussi des actes de notoriete appeles a pallier les insuffisances de l’etat-civil, notamment
pour les Algeriens residant a l’etranger avant 1830. Apres l’enregistrement de cette
demande d’immatriculation, les autorites consulaires, en collaboration avec leur
Ambassade de tutelle, le ministere des Affaires etrangeres et le Gouvernement General
d’Algerie, mettent en œuvre un systeme de controle et d’enquete de l’« origine et de la
nationalite » des candidats a la protection. Une fois les pretentions a la protection
consulaire justifiees, les consuls remettent aux impetrants « un certificat d’immatricu-
lation » en echange du depot de leur passeport dans les chancelleries. Ces patentes de
protection font office de papier officiel justifiant, aupres des autorites territoriales comme
des consuls francais d’autres circonscriptions administratives, de la qualite de protege
francais de son detenteur. Il existera plusieurs modeles de ce genre dont l’un, repandu en
territoire ottoman, est appele « certificat de nationalite algerienne ». Les circulaires
recommandent la plus grande rigueur aux autorites consulaires dans l’examen des titres a
la protection presentes par ceux qui se pretendent Algeriens. Il s’agit de ne pas violer les
divers traites qui lient la France a la Sublime Porte, entre autres. L’obsession de la fraude
N. Amara62
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
explique l’initiative du Ministre de la Guerre qui durcit les procedures d’admission a la
qualite de sujet francais afin d’en ecarter les etrangers usurpant la « qualite d’Algerien
indigene » et de ne la reserver qu’aux seuls « vrais Algeriens ».19 Une « presomption de
fraude » suffit aux agents diplomatiques pour emettre « la plus grande reserve » pour
l’acceptation du dossier. Les procedures d’admission a la protection due aux Francais sont
plus contraignantes pour « les Algeriens auxquels le senatus-consulte de 1865 a confere
une naturalisation speciale,20 sans les faire citoyens francais ». Ceux-ci sont inscrits sur un
« registre special » des « proteges francais au titre d’Algerien ». Quant a ceux admis a la
jouissance des droits de citoyens, conformement au senatus-consulte de 1865, le decret de
naturalisation est la preuve de leur droit a la protection des consuls francais qui doivent les
inscrire sur les « registres ordinaires d’immatriculation tenus en chancellerie ». En sus de
ces considerations juridiques, la circulaire La Valette rattache le droit des Algeriens a la
protection francaise a des considerations politiques. Leurs droits reels peuvent etre
suspendus pour motifs d’inconduite et de « sentiments hostiles » a la domination francaise.
En d’autres termes demeurent Algeriens, les sujets du Dey d’Alger qui auraient consentis a
la sujetion francaise. Alors que la resistance a la conquete coloniale est loin d’etre eteinte,
cette presomption de consentement serait etablie par le silence des populations
n’exprimant par quelconque manifestation aucune hostilite a l’occupation francaise de
l’Algerie. En se resignant a la presence francaise en Algerie, ils ont accepte les obligations
et les droits de ce changement de souverainete: la protection consulaire est presentee
comme une sorte privilege collateral de la domination francaise en Algerie.
Le detour par le decret Cremieux du 24 octobre 1870 et son decret d’application de
1871 nous renseigne sur le contenu juridique de cette nationalite algerienne. Bien qu’il soit
circonscrit aux seuls israelites, la definition qu’il donne de l’indigenat est generalisee a
l’ensemble des Algeriens quels que soient leur confession. Le decret du 7 octobre 1871
stipule que sont indigenes les: « israelites nes en Algerie avant l’occupation francaise ou
nes depuis de parents etablis en Algerie a l’epoque ou elle s’est produite ». L’indigenat
repose sur la combinaison d’un jus soli, d’un jus sanguinis et d’un jus domicili. C’est bien
le systeme du rattachement a l’origine territoriale algerienne qui prevaut dans l’attribution
de la nationalite francaise par effets de l’annexion. C’est dans ce sens que se prononce la
Cour d’Alger dans un arret de la 1ere Chambre du 14 decembre 1905.21 La sujetion
francaise recouvre les « originaires non domicilies » en Algerie; cette qualite est aussi
etendue a sa descendance car l’indigenat algerien se transmet jure sanguinis, a condition
du maintien de l’esprit de retour. La Cour de Cassation confirme cet arret de la Cour
d’Alger par un arret de sa Chambre des Requetes le 3 decembre 1907.22 De meme, le
Tribunal de Premiere instance de Tunis confirme ce point du droit, dans un arret rendu le
31 decembre 1917.23 Il s’agit d’un cas d’espece opposant une femme algerienne nee et
domiciliee a Tunis qui intente une action pour reconnaissance de sa sujetion francaise
contre le Resident General de Tunis et son epoux de nationalite tunisienne. La
demanderesse se voit en effet reconnaıtre la nationalite francaise au motif que son pere est
originaire du Touat, territoire algerien annexe a la France en 1901. Bien qu’ayant elu
domicile en Tunisie anterieurement a cette annexion, le pere de la demanderesse est repute
avoir conserve sa « nationalite primitive » jusqu’a sa mort en 1893. C’est en raison de la
transmission par filiation de la nationalite algerienne de son pere qu’elle est donc reconnue
est declaree « algerienne, sujette francaise ». La nationalite algerienne reconnue aux natifs
d’Algerie est, semble-t-il, l’ancienne sujetion qui liait la population d’Algerie au dey
d’Alger. Sont donc exclus des effets de l’annexion de l’Algerie en matiere de nationalite
les sujets marocains et tunisiens, y compris nes en Algerie avant la conquete, consideres
comme des « etrangers musulmans ». Ces derniers sont ce que Andre Weiss appelle des
European Review of History–Revue europeene d’histoire 63
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
« domicilies non originaires ».24 En ce sens, ce reglement de la nationalite des Algeriens
est plus proche des considerations de principes a l’œuvre dans la convention de Francfort
du 11 decembre 1871, reglant la cession a l’Allemagne de l’Alsace-Lorraine, que de celles
qui president au traite franco-sarde du 24 mars 1860 reglant l’annexion de la Savoie et du
comte de Nice a la France. L’origine prime sur le domicile. Dans la determination de la
nationalite des Algeriens, la France puise des elements de droit dans les principes arretes
par le droit international public en matiere de cession de territoire. N’ignorant pas que fait
defaut a l’annexion de l’Algerie la sanction d’un acte bilateral authentique entre la
Sublime Porte et la France, elle semble revendiquer a son profit l’acquisition des droits
reels attaches a cette situation juridique au nom du fait accompli et des « relations
d’amitie » qui la lient a la Porte. Se placant ainsi au seuil du juridique dans l’ordre
international, les obligations reciproques de la France et de la Porte envers les Algeriens ne
donnent prise qu’a la contrainte de leurs interets politiques respectifs. Des conflits de
nationalites surgissent entre les autorites consulaires francaises et les autorites locales des
territoires dans lesquels resident les Algeriens. L’ecart entre la norme, non consacree par
une convention internationale authentique, et les pratiques qui naissent dans des situations
variables d’empire, est fonction de l’interet superieur de l’Etat francais. La qualite de
protege n’est jamais la consequence systematique de la qualite de francais attribuee aux
Algeriens. Elle releve aussi de la faveur politique a la discretion des agents consulaires.
La protection diplomatique des Algeriens du Maroc: le cheval de Troie de la
domination francaise au Maroc?
L’Algerie colonisee ne fonctionnait pas en circuit clos autosuffisant: elle demeurait, en depit
des tentations omniscientes de l’Etat colonial, un espace ouvert a la circulation des hommes et
des idees. Si la presence coloniale francaise a perturbe ce circuit des idees et des hommes, elle
n’a jamais ete enmesure de le faire disparaıtre. Au travers du statut de la protection francaise,
la France imperiale vise alors a s’assurer le controle de lamigration algerienne. La gestion des
populations algeriennes et de leur nationalite va tres vite s’articuler autour d’un double
imperatif, securitaire et hegemonique. Pour raisons de maintien de l’ordre colonial, les
autorites francaises controlent la circulation des Algeriens, surtout a destination des « pays
musulmans ».25 La presence d’Algeriens dans des pays du Levant etait comprise comme
porteuse de potentialites subversives, en raison du peril dit « panislamiste ». De meme, les
pelerinages a La Mecque font l’objet d’un suivi constant par les autorites francaises.
Quant a l’imperatif hegemonique, il s’agit pour la France d’asseoir dans l’ordre
juridique international l’exclusivite de sa souverainete sur l’Algerie par la reconnaissance
de sa representation diplomatique a l’egard des Algeriens residant a l’etranger. Cet
imperatif hegemonique la conduit egalement a revendiquer des « droits speciaux » sur le
Maroc. Au cours des conferences internationales dont l’objet est de regler le sort du
Maroc, la France legitime sa pretention coloniale sur le Maroc en raison de « droits de
voisinage ». Le Maroc etant frontalier a l’Algerie, la France doit s’assurer que l’ordre y
regne. Or, seul le Protectorat de la France sur le Maroc serait en mesure de lui apporter
cette garantie. C’est en substance la theorie developpee par Tardieu: « le Maroc est le
boulevard de l’Algerie. ( . . . ) Nous avons besoin que l’ordre y regne, mais nous avons
besoin qu’aucune puissance, en y devenant preponderante, n’en fasse contre la France,
l’Afrique, le centre d’une politique hostile. ( . . . ) ».26 L’imperatif securitaire se combine a
l’imperatif hegemonique comme le resume l’aphorisme de Bugeaud: « Etre maıtres
partout sous peine de n’etre en securite nulle part »27. La France doit alors “s’infiltrer” au
Maroc.
N. Amara64
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
A cette fin, elle va puiser dans son « repertoire imperial »28 en utilisant a bon escient le
regime des Capitulations. La protection diplomatique n’est pas un element nouveau dans
les strategies de puissance elaborees par les pays europeens. Comme le souligne l’historien
Mohammed Kenbib,29 le regime des capitulations au Maroc (traite de 1767 qui autorisent
les agents consulaires europeens a employer du personnel marocain) accorde aux
puissances europeennes le privilege de soustraire de l’autorite souveraine du Sultan
certains de ses sujets. Afin d’augmenter leur influence au Maroc,30 celles-ci se lancent
dans une veritable course a la protection a tel point que certains sujets marocains
beneficient de plusieurs immunites consulaires: allemandes, francaises et americaines
notamment. Apres la convention de Madrid en 1880, le regime des Capitulations est revise
afin de limiter ces abus. Par ailleurs, est consacre le principe de l’allegeance perpetuelle
des sujets du Sultan. La protection consulaire des Algeriens du Maroc devient alors un des
moyens d’ « infiltration » mis en œuvre par la France. Aussi, par necessite politique, le
statut de protege francais au titre d’Algerien n’est pas fige dans la norme. C’est au
contraire la recherche d’une certaine flexibilite qui permet de satisfaire les appetences de
puissance de la France. Les circonstances politiques du moment definissent des seuils
d’apparition et d’extinction de la norme en matiere de nationalite des Algeriens et de son
corollaire, la protection des consuls francais. Le cout du statut de protege sera-t-il eleve par
rapport au benefice politique escompte que l’Administration francaise en restreindra
l’acces; a l’inverse les benefices politiques seront-ils eleves que les autorites consulaires
auront pour consigne de faciliter l’acces a la protection diplomatique francaise quand bien
meme la nationalite algerienne du requerant n’est-elle que presomptive. Ces derogations a
l’esprit des circulaires precitees s’expliquent par le contexte historique de forte
concurrence imperialiste entre les puissances europeennes au Maroc. La question
juridique de la nationalite des Algeriens est pour la France, eu egards aux autres Etats-
Empires, un point de fixation de sa souverainete.
A titre d’exemple, le 30 octobre 1906, le Consul de France a El Qsar El Kbir, motive
son intention d’accorder sa protection a une famille « notoirement d’origine algerienne »,
originaire de la region entre Tiaret et Oran. Toutefois, du fait que les chefs de cette famille
ont recu du Sultan la fonction de gouverneur de tribus, le Consul presume la perte de leur
nationalite algerienne. En droit, ils ne peuvent donc pretendre a la protection consulaire
francaise. Mais, il decide d’acceder a leur requete en reconnaissance de leur qualite de
« nos administres »:
Il semble que l’extension de notre protection aux nombreuses familles algeriennes habitant leMaroc pourrait etre de nature a nous y assurer une situation privilegiee, a la condition d’enfaire une regle generale et non pas comme jusqu’ici une mesure d’exception qui ne profitequ’a ses beneficiaires, et nous cause des ennuis sans constituer pour nous un element d’actionsuffisant a augmenter serieusement notre influence. Sans doute les circulaires du departementen date du 31 janvier 1834 et du 30 janvier 1869 reduisent a peu de choses nos droits sous cerapport. Mais il ne s’agit la que de reglements d’ordre interieur qui peuvent etre modifies selonles besoins de notre politique et qui d’ailleurs, s’ils etaient appliques nous obligerait a rayer, apeu d’exception pres, tous les Algeriens que nous protegeons au Maroc.31
Jusqu’a l’etablissement de Protectorat francais au Maroc, une nationalite algerienne
prejugee suffit a etre admis a la protection francaise des lors qu’il existe un « interet a les
reconnaıtre comme ressortissant francais ».32 La France a alors un interet certain a ouvrir
largement les portes de la protection francaise, y compris a l’attention d’individus dont il
est quasi certain qu’ils ne sont pas Algeriens. A l’inverse, a partir de 1912, elle decide de
restreindre cet acces y compris a l’attention de ceux dont elle n’a qu’une « presomption
tres faible de nationalite algerienne », au motif que « la question n’a ni pour eux ni pour
European Review of History–Revue europeene d’histoire 65
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
tous les indigenes qui se trouvent dans le meme cas, l’importance qu’elle aurait eu avant le
traite du Protectorat ».33 Certains consuls admettent a la protection francaise des
personnes qui jusqu’alors en etaient exclus en raison de defaut de preuve probante de leur
nationalite algerienne. C’est le cas d’un individu qui, en 1897, sur la base d’une fausse
declaration de naissance en Algerie, s’etait fait delivre par les autorites francaises de
Tunis un certificat de nationalite algerienne. Et pourtant, en 1909, c’est en connaissance
de cette fraude que le Consul de France de Mazagan procede a l’immatriculation de
l’interesse:
Cet indigene etant de notoriete publique natif d’AZEMOUR (Maroc) et non du TOUAT,34 j’aieprouve jusqu’a ce jour une certaine repugnance a tenir compte en sa faveur du documentprecite. Aujourd’hui cependant, en raison de l’influence dont parait disposer dans sa villenatale ce marocain, assez hostile precedemment a notre politique par depit de mon refus, je medemande si nous n’aurions pas avantage desormais de l’admettre au nombre des ressortissantssujets francais de ce vice consulat, en nous basant sur le certificat de nationalite par luiinvoque.35
La pratique de la nationalite algerienne par les autorites consulaires est une technique de
pouvoir qui vise egalement la normalisation des populations autochtones nouvellement
soumises au pouvoir souverain d’un Etat etranger. Il s’agit de s’aliener les populations
jugees indesirables et dangereuses pour le pouvoir colonial. Cette conception de la
nationalite comme mode de gouvernementalite est illustree par le traitement du cas
d’espece des Ouled Sidi Cheikh, « fraction de la tribu algerienne qui deserta le territoire
francais » vers les annees 1870.36 Pour ces populations, l’autorite francaise n’a jamais
revendique leur allegeance. Elle s’est au contraire rejouie que ce « parti dissident »
s’installe au Maroc. De son cote le Sultan du Maroc semble leur avoir reserve « un accueil
des plus flatteurs » en vue de « se les rattacher »: exemption d’impots, donations de terres
entre Marrakech et Mogador . . . Dans les annees 1907–8, les Ouled Sidi Cheikh ne
s’estiment plus suffisamment proteges par le Sultan. Ainsi entreprennent-ils la demarche
de revendiquer la protection francaise, par l’intermediaire d’un medecin du dispensaire
francais de leur localite. Ce dernier souligne que ces « dissidents » font « amende
honorable » et sollicitent « leur reintegration dans leur ancienne nationalite ».37
La Legation de France a Tanger, au regard de l’interet que represente une telle
demande, et apres verifications d’usage aupres du Gouverneur General d’Algerie, repond
favorablement a cette requete. Une famille ayant pris les armes contre l’occupation
coloniale finit par etre admise a la protection francaise parce que les interets du moment le
commandent. L’objectif de ce gouvernement des identites est, pour la puissance coloniale,
d’assurer sa propre perpetuation, mission premiere, essentielle pouvons-nous dire d’un
Etat de conquete dont la legitimite repose sur un droit de conquete qui fait fi du
consentement des populations annexees.
Les Algeriens entre sujetion francaise et sujetion ottomane
Dans les territoires de l’Empire ottoman, la question de la nature juridique des Algeriens
qui y ont elu domicile prete a de nombreux conflits de droit. La pratique consulaire de cette
nationalite algerienne d’empire n’est pas sans produire des effets en dehors du cadre
administratif dans lequel les autorites francaises ont voulu la circonscrire. La delivrance
aux Algeriens de « certificat de nationalite algerienne » a maintes fois eu des resonances
diplomatiques entre la France et la Porte Ottomane. En effet, cette piece d’identite servait
aux Algeriens residant dans les territoires ottomans qui la presentaient aux autorites
locales afin de se soustraire de la competence juridictionnelle de la Porte. Seulement ce
N. Amara66
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
certificat etait lui-meme oppose a la France par les autorites locales de la Porte afin de
revendiquer la sujetion ottomane des Algeriens. La question du non reglement de la
succession d’empire de l’Algerie transparaıt dans la correspondance entre les Consuls de
France en territoires ottomans et les autorites de la Porte. Cette derniere admet en
consequence le transfert du domicile de ces Algeriens en territoire ottoman comme
l’expression de leur manifestation tacite d’un droit d’option en faveur de la sujetion
ottomane. Naissent alors des conflits de nationalite: chacune des deux puissances opposant
a l’autre l’allegeance des Algeriens a leur autorite. La reconnaissance de la qualite
d’Algerien n’est pas reputee suffisante pour asseoir les droits souverains de l’Etat francais
a l’egard de ces populations algeriennes. En tant que nationalite intermediaire, la qualite
d’Algerien peut tout aussi bien etre mobilisee par les autorites ottomanes a l’appui de leurs
pretentions souveraines sur ces populations.
D’ou l’interdiction, motivee par une circulaire de l’Ambassade de France a
Constantinople du 16 juin 1875 adressee aux consulats generaux francais en territoire
ottoman, de ne plus employer pour les «Algeriens residant dans l’Empire ottoman ( . . . ) la
formule « nationalite algerienne » ». Voici les termes de la copie manuscrite de cette
circulaire38:
Cette formule, parfaitement correcte d’ailleurs, n’est pas sans presenter de certainsinconvenients en pays ottoman car elle tend a faire admettre que nous separons la nationalitealgerienne de la nationalite francaise. Vous savez, qu’aux termes du senatus-consulte du 14juillet 1865, les Algeriens sont « francais » [souligne dans le texte]: nous n’avons donc aucuneraison de les ranger dans une sorte de categorie speciale, en les designant comme etant de« nationalite algerienne » [souligne dans le texte]. En consequence, toutes les fois qu’il pourras’agir d’un Algerien, soit dans votre correspondance officielle, soit pour les immatriculationssur les registres consulaires, soit enfin dans les actes de toute nature qui sont de votrecompetence, je vous prie de le mentionner comme « francais », « sujet francais », ou de« nationalite francaise » (souligne dans le texte), en indiquant, s’il y a lieu, l’endroit et ledepartement de l’Algerie d’ou il est originaire.
Cette prescription semble ne pas etre suivie d’effets puisqu’en 1914, Albin Rozet, depute,
President de la Commission des Affaires Exterieures, interpelle le service contentieux du
Ministere des Affaires Etrangeres (MAE) sur l’usage de cette « nationalite algerienne »
dans les papiers delivres par divers postes consulaires francais en territoire ottoman, en
l’occurrence par la Chancellerie du Consulat General de France a Smyrne le 9 novembre
1907. Le MAE s’en inquiete aupres de l’Ambassade de France a Constantinople, par
missive en date du 16 fevrier 1914. Il souligne les « inconvenients » de la « denomination »
nationalite algerienne car celle-ci admettrait « la reconnaissance de cette nationalite
inexistante en droit », nationalite qui peut faire ecran a la sujetion francaise de ces
Algeriens fixes a l’etranger.39
Ces certificats de nationalite algerienne sont les patentes de protection que,
conformement a la circulaire La Valette, les Consuls delivrent aux individus dont l’origine
algerienne est attestee. L’usage persistant de ces titres officiels semblent temoigner de
l’impossibilite de sortir l’Algerien de sa « nationalite primitive », celle designee comme
algerienne. Quand bien meme, ces patentes de protection evacueront dans leur corps de
texte cette « formule », les multiples conflits de nationalites qui emaillent les relations
entre les consuls francais et les autorites ottomanes attestent de l’impossibilite de sortir
cette nationalite algerienne. Cette derniere qui tend progressivement a etre evacuee du
registre officiel d’enonciation des autorites francaises demeure au cœur meme des
pratiques consulaires car elle reste le marqueur oblige de la sujetion francaise des
Algeriens. Les effets juridiques attaches a la qualite de sujets francais ne sont point
European Review of History–Revue europeene d’histoire 67
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
accessibles pour les Algeriens sans la determination d’une nationalite algerienne
intermediaire.
Dans ce contexte ottoman, c’est l’etaticite, au sens de rattachement a l’Etat a
l’exclusion de toute autre allegeance, qui prime sur l’idee d’appartenance a une nation ou
sur la constitution d’une « nation » negociante, comme c’est le cas pour les Levantins.40 Le
recours a la categorie nationalite algerienne fixe l’appartenance etatique des originaires
d’Algerie autant qu’elle trace une ligne de partage de la souverainete entre la Sublime
Porte et la France. Cette histoire de la nationalite algerienne gagne en intelligibilite en la
raccordant a l’histoire des relations diplomatiques entre les puissances europeennes et
l’Empire ottoman. L’apprehension de l’indigenat algerien rend indispensable l’analyse du
phenomene de succession d’empires. Cette question de nationalite deborde le cadre stricto
sensu de la domination coloniale. En situation imperiale, elle est comme surdeterminee par
des faits de puissance. Comme pour le Maroc, le reglement des cas d’especes des conflits
de nationalite opposant la France a la Porte ottomane est admis comme derogatoire aux
principes generaux du droit des gens lorsque ces deux puissances sont liees par une
convergence d’interet: sorte d’exception d’ordre politique imperial oppose a l’ordre
juridique international. Si la France reclame l’extension aux Algeriens du regime des
capitulations, ce n’est qu’a la condition que ces capitulations ne grevent pas trop « l’ordre
public » ottoman. La France restreint parfois ses pretentions en matiere d’immixtion dans
l’exercice de la souverainete ottomane lorsque ces revendications, pourtant fondees en
droit, risquent de favoriser les appetences imperiales de l’Angleterre. Ainsi, l’articulation
de la pratique consulaire a la norme censee l’animer n’est pas automatique, des lors que
l’autorite francaise a un interet certain a se defaire de ses obligations qui decouleraient de
la reconnaissance de la qualite de Francais a certains Algeriens. Par consequent, l’interet
politique prevaut souvent sur les considerations juridiques, de sorte que les autorites
diplomatiques francaises prefereront trancher les questions de fait sans resoudre
definitivement les questions de principe attachees a la nationalite des Algeriens residant
dans l’Empire ottoman.
Dans la pratique de cette nationalite algerienne comme stade primaire de la nationalite
francaise, la question des liens verticaux unissant les membres d’une meme nationalite est
comme avortee. Cette approche emprunte beaucoup a la conception contractuelle de la
nationalite unissant dans des obligations reciproques l’Etat a ses ressortissants. Seulement,
ce « contrat » n’est pas le resultat d’une « allegeance naturelle », d’un accord de volonte
entre l’Etat et les populations recouvertes de sa nationalite juridique. Ainsi, dans toutes les
questions touchant a la nationalite des Algeriens prime l’interet superieur de l’Etat. Pour
les Algeriens, la nationalite francaise n’a pu depasser le stade d’une « nationalite de
souverainete francaise ». Elle est une « nationalite nue »41 au sens ou le lien juridique de
sujetion l’emporte sur toutes autres considerations propres au principe des nationalites.42
A l’appui de cette hypothese, examinons un dossier de « renonciation a la qualite de
Francais par un indigene algerien » consulte dans les archives du Consulat general de
France a Alexandrie (1929).43 Ce dernier consent a delivrer aux requerants algeriens et
tunisiens des « certificats de renonciation » a la sujetion francaise. En voici le modele d’un
texte que le Consul compte delivrer indistinctement aux Algeriens et aux Tunisiens en
depit de leur difference statutaire:
J’ai l’honneur de vous faire savoir en reponse a votre lettre, que je prends note de votrerenonciation a la protection francaise et qu’en consequence votre nom est raye a la date de cejour des registres des proteges francais tenus a ce Consulat. Il demeure entendu toutefois quesi vous n’etes plus considere en Egypte comme ressortissant de ce Consulat, vous seriez a bon
N. Amara68
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
droit considere comme Tunisien au cas ou vous retourneriez dans votre pays d’origine ou leterritoire francais. Je vous autorise a produire la presente lettre a toutes fins utiles.
Ces pieces permettent aux Algeriens d’occuper des fonctions publiques dans
l’administration egyptienne. Cette renonciation est admise comme temporaire puisque
dans l’esprit du consul elle n’est effective qu’en Egypte: de nouveau fixe « dans leur pays
d’origine ou sur territoire francais », l’Algerien redevient sujet francais, soumis de plein
droit au pouvoir souverain de la France. Au travers de cette question de rupture des liens
d’allegeance a la France, il semble se confirmer l’idee que la nationalite francaise dont
jouissent les Algeriens n’est qu’une « nationalite superposee »44 a leur nationalite
algerienne. C’est au territoire de determiner les effets juridiques attaches a leur qualite
d’Algeriens. Dans ce cas d’espece, la sujetion francaise s’apparente a une nationalite qui
produit des effets de seuil a partir desquels l’Etat evalue le degre d’allegeance auquel il
soumet son ressortissant. Cette conception naıt d’une convergence d’interets entre les
deux parties liees a la nationalite francaise. Pour le Consul de France a Alexandrie, il s’agit
de s’affranchir a moindre cout d’individus peu utiles au prestige de la France. C’est
l’occasion clairement exprimee d’apurer la « colonie algerienne » afin de limiter les
conflits naissant avec les autorites locales. Du fait du consentement des Algeriens, le
Consul entend se preserver des actions en justice que les interesses auraient intentees
aupres des tribunaux francais si cette radiation du registre d’immatriculation
consulaire avait ete decidee unilateralement par les autorites consulaires, comme cela
fut regulierement le cas dans les diverses chancelleries francaises. Pour les
Algeriens desireux d’ameliorer leurs conditions d’existence sur le territoire de leur
residence, cette rupture d’allegeance leur permet l’acces a des emplois reserves aux seuls
Egyptiens.
La nationalite francaise des Algeriens est une nationalite de circonstance autant pour
certaines autorites consulaires que pour les Algeriens eux-memes. Elle n’emporterait pas
systematiquement des effets juridiques. L’Algerien n’est pas le porteur naturel d’une
nationalite francaise originaire. Algerien, est la nature permanente de ces sujets francais de
nationalite d’origine algerienne. D’ailleurs, la reactivation de la sujetion francaise de ces
Algeriens de nouveau fixes sur les territoires souverains de l’Etat fait le detour oblige par
la reconnaissance de leur qualite d’Algeriens. Pourtant, appele a se prononcer sur cette
pratique consulaire, le Gouvernement General d’Algerie45 refuse cette possibilite de
renonciation provisoire a la nationalite francaise. De son point de vue, la sujetion francaise
est un etat permanent et non circonstanciel. L’avis de principe du MAE,46 qui rejoint la
position du GGA, est egalement motive par les circonstances dans lesquelles s’inscrit la
demarche du consul de France a Alexandrie:
Peut-etre y a-t-il en fait pour nous avantage a faciliter en Egypte l’acces de certains emploisadministratifs a des sujets francais d’origine Algerienne; mais l’initiative prise par notreConsul a Alexandrie qui a souleve les critiques du GGA n’en paraıt pas moins, aussi, a la sous-direction du Contentieux contraire aux principes de notre legislation en matiere de nationalite,et, consequemment, en matiere de protection, un Agent diplomatique ou consulaire n’etantpas en droit de renoncer a assurer la protection de ses nationaux, quand il ne possedent pasregulierement la nationalite du pays de sa residence.
En plus d’etre contraire au droit, le benefice politique escompte en autorisant les Algeriens
a rompre temporairement leur allegeance a la France, est estime insuffisant au regard du
risque que cette mesure ferait peser sur la puissance francaise dans ces pays de
capitulations. Dans ce cas d’espece, nous pouvons accepter le terme « capitulation » dans
son sens litteral: renoncer a opposer aux autorites egyptiennes la qualite de Francais des
Algeriens, meme temporairement, revient a capituler une parcelle de sa souverainete sur
European Review of History–Revue europeene d’histoire 69
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
ces territoires convoites. L’Algerien ne peut sortir de sa sujetion francaise que par la voie
de la naturalisation etrangere.
Qu’est-ce etre Algerien en situation coloniale: un autre histoire possible?
En contexte consulaire, l’indigenat est, du point de vue juridique et administratif, une
nationalite algerienne qui deborde la simple appartenance religieuse transcrite par
l’occurrence «musulman ». Les termes « indigenes d’Algerie », « sujets algeriens »,
« naturalisation des indigenes musulmans et israelites », sont des avatars d’une puissance
verbale dont la transcription langagiere enonce une verite historique dans ce qu’elle a de
plus nue: les Algeriens n’etaient pas des Francais; tout au plus ont-ils ete des gouvernes
francais. Cette derniere qualite renvoie a la « violence fondatrice »47 du pouvoir colonial
contraint, une fois le fait acquis de la conquete, au respect du droit international en matiere
de nationalite. Aussi, l’Etat conquerant transmet-il sa nationalite a la population conquise.
La protection diplomatique accordee aux Algeriens fixes a l’etranger l’est au titre de leur
« sujetion francaise », certes. (Cette occurrence revient plus souvent que celle de
« nationalite francaise »). Mais, celle-ci n’est que la consequence de leur qualite premiere,
celle d’Algeriens, quand bien meme cette derniere procederait d’une reconstruction par les
autorites consulaires. Les categorisations coloniales doivent etre prises pour ce qu’elles
sont aussi: une apparence de verite qui n’interdisait pas que chaque partie prenante, ou
forcee, de la relation coloniale puisse pratiquer ces illusions. Du cote de l’Etat colonial, la
perception d’un « peril demographique » interdisait une complete assimilation juridique de
l’Algerien au Francais. La legislation coloniale en matiere de nationalite est une acrobatie
juridique visant a contenir ce peril du nombre48: c’est une question d’ordre public.
Conscient que l’inscription de la domination coloniale dans la duree n’equivalait pas a une
prescription acquisitive pour l’Etat de conquete, celui-ci devait concilier les imperatifs
politiques de la suprematie francaise en Algerie aux imperatifs « ethiques »49 republicains.
Ainsi, la qualification juridique de l’augmentation de capacite des Algeriens sujets
francais comme procedure de naturalisation, ne serait pas un abus de langage comme
l’entendait Emile Larcher.50 Les usages de la nationalite algerienne au cours des
interactions consulaires semblent confirmer cette hypothese. L’action visee par ces
procedures de naturalisation est de rendre « naturels » les Algeriens. L’occurrence
« naturel » ne doit pas etre comprise, dans sa premiere intention, dans une acceptation
sociologique comprise comme une acculturation. Il s’agit plutot de rendre les Algeriens,
designes comme les « originaires du territoire soumis a notre domination », « naturels » au
pouvoir et « naturels » du pouvoir. Cette « naturalite » est acquise des lors que les
Algeriens ne rechercheraient plus a evincer un pouvoir illegitime. Elle est d’autant plus
admise comme acquise que l’assimilation culturelle serait aboutie. Des lors, si
l’augmentation de capacite des Algeriens est envisagee par le pouvoir, c’est a condition
que ce dernier ait l’assurance que ce partage du pouvoir souverain avec ses « non naturels »
ne sera pas la condition de sa propre extinction et de son eviction de la colonie.51 La
sujetion francaise des Algeriens ressemble a une nationalite de droit public52 qui
n’emporte pour la France des effets juridiques que dans ses relations internationales, sorte
de nationalite d’empire superposee a une nationalite algerienne d’origine dont le statut
personnel serait, dans le territoire de la colonie, le refuge d’une nationalite algerienne de
droit prive. Des lors en abandonnant son statut personnel, l’Algerien renonce a sa
nationalite d’origine: il se naturalise francais. Dans cette perspective, une comparaison
avec la conception imperiale allemande de la Staatsangehoerigkeit et de la
Reichsangehoerigkeit possede certainement une valeur heuristique. D’un autre cote,
N. Amara70
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
conscients du droit,53 les Algeriens n’ont pas hesite a entrer d’eux-memes a entrer dans ces
categories dans le cadre des « transactions hegemoniques imperiales ».54 L’analyse des
dossiers d’immatriculations presents dans les archives consulaires permet d’avancer
quelques hypotheses sur les motivations des Algeriens et le sens qu’ils donnent a leur
demarche. Les principes a l’œuvre dans l’instruction des dossiers de protection par
l’administration consulaire font la part belle aux criteres de « dignite », de «moralite »,
« d’honorabilite » et de « loyalisme ».55 Par consequent, afin de voir leur demande
satisfaite, les Algeriens mettaient en scene leur candidature en se pliant volontiers aux
codes et a la rhetorique administrative en vigueur afin de s’assurer que leur requete
aboutisse. Ils sont contraints a une autojustification de leur identite, de leur origine,
appelee a etre consignee dans le cadre reglementaire elabore par la France coloniale. Ce
cadre d’enonciation est d’ailleurs souvent deborde par les occurrences employees par les
requerants qui se reclament volontiers « sujets francais » parce qu’ils sont Algeriens. Afin
de d’acquitter de la charge de la preuve de leur nationalite algerienne, certains inscrivent
leur ascendance dans une genealogie qui remonte aux annees 1500, d’autres se declarent
« Turcs Algeriens » de Constantine. Entrer en categorie est alors une strategie d’utilisation
du droit colonial comme ressource permettant de faire valoir ses droits ou d’acquerir une
position sociale privilegiee dans leur societe d’accueil.
L’analyse de ces interactions consulaires nous permet une reevaluation de la situation
coloniale dans un sens permettant d’entrevoir une capacite d’initiative et d’action propre
aux colonises. Elles temoignent de la mise en œuvre d’une « corruption de l’autorite ».56
Pour reprendre le propos de G. Balandier,57 la colonisation a ete « une experience
sociologique grossiere », une « epreuve imposee aux societes ». Les interactions sociales
qui se nouent s’inscrivent dans ce fait de puissance et de dependance qu’est la
colonisation. Pour ces Algeriens, entrer en categorie ne signifiait que tres rarement
s’identifier a « l’Algerie francaise ». Dans l’exemple de ces populations algeriennes
residant hors d’Algerie au debut du XXeme siecle, les demarches qu’elles entreprenaient
aupres des consulats francais signifiaient, tout au plus, que l’Algerien colonise se percevait
au moins comme un gouverne francais meme s’il etait plus que cela, et avant tout, autre
que cela. Comment l’historien peut-il discerner cet autre possible et comment en ecrire
l’histoire ? La hantise de l’anachronisme rendait difficile jusqu’a present58 l’ecriture
historienne de cette autochtonie declinee dans le registre juridique en tant que nationalite.
Raison invoquee: il ne saurait y avoir de nationalite algerienne avant 1962. Un
decentrement du regard de la colonie vers l’Empire, conjugue a une analyse rigoureuse des
sources consulaires, autorise l’emploi du terme d’Algerien et de nationalite algerienne,
sans user de la precaution rhetorique que sont les guillemets. De meme que de la formule
« nationalite algerienne » ne presuppose pas que l’identite juridique des Algeriens telle que
la definit l’Etat colonial soit une construction ex nihilo. L’idee de nationalite algerienne a
pu preceder le mot. Reste donc a determiner la nature, les usages, et la polysemie de cette
nationalite algerienne sans forcer de genealogie avec ce qu’elle signifiera a
l’Independance.
Notes
1. Voir, entre autres, Blevis, Sociologie; Blevis, Citoyennete.2. Voir Weiss, Traite, 520–69.3. Larcher, Traite. Sur les arrets des tribunaux francais consacrant cette solution anterieurement a
1865, voir Urban, Race, 105–35.4. Voir Blevis, Sociologie, 212.
European Review of History–Revue europeene d’histoire 71
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
5. En l’etat actuel de mes recherches, je ne suis pas en mesure d’articuler mes reflexions a laquestion de la determination juridique des Algeriens sous l’Empire ottoman et la Regenced’Alger. Il est pourtant indispensable d’explorer les effets de la succession d’empire sur lanationalite des Algeriens.
6. Voir, entre autres, le commentaire d’Emile Larcher de l’arret du Tribunal de Casablanca du 27avril 1914, in Revue Algerienne (RA), annee 1916. Ainsi que les commentaires de Larcher dansla R.A. sur le decret du 29 mars 1902 instituant les tribunaux repressifs indigenes.
7. Voir Cogordan, Nationalite.8. Weiss, Traite, 521.9. Voir notamment Giraud, Droit.10. Voir Urban, Race, 2009.11. De Clercq et De Vallat, Formulaire, tome II.12. C’est moi qui souligne.13. Avant la circulaire du 20 janvier 1869, un sejour de plus de trois annees consecutives hors
d’Algerie suffisait a entraıner la perte de la protection francaise. A compter de cette circulairela Valette, l’esprit de retour en Algerie est repute effectif des lors que l’Algerien se plie a laformalite annuelle de l’immatriculation consulaire, peu importe la duree du sejour a l’etranger.
14. Le terme de « denationalisation » est employe dans les ecrits doctrinaux du XIXeme siecle pourdesigner la perte de la nationalite, notamment en consequence d’une expatriation.
15. De Clercq et De Vallat, Guide.16. L’expression « protege francais » est employee ici pour designer la protection consulaire dont
jouissent les Algeriens lorsqu’ils resident a l’etranger. Elle ne renvoie pas a une assimilation destatut avec les Tunisiens et Marocains. En effet, ces derniers sont depuis l’etablissement duProtectorat francais sur ces deux pays, respectivement en 1881 et en 1912, dits aussi protegesfrancais quelque soit leur lieu de residence. Cette categorie renvoie a une significationjuridique differente de celle des Algeriens.
17. Notons que dans certains essais doctrinaux, l’usage du terme meme d’« indigenat » est employecomme synonyme de « nationalite ». Voir notamment Weiss, Traite, 23 et 25.
18. De Clercq et De Vallat, Guide; Lehr, Manuel.19. De Clercq et De Vallat, Guide.20. C’est moi qui souligne.21. R.A., annee 1907. Arret Jacob et Aron c. Scialon Sitbon.22. Cour de Cassation, chambre des requetes, arret Sitbon c. Scialon Sitbon du 3 decembre 1907, in
R.A., annee 1908.23. R.A., annee 1919–20. Commentaire de E. Audinet.24. Weiss, Traite, 525.25. Kateb, Gestion.26. Cite par Bernard, Confins.27. Cette doctrine des « droits speciaux » de la France au Maroc est theorisee, entre autres, par
Bernard, Confins.28. Burbank et Cooper, « «Nouvelles » colonies et « vieux » empire ».29. Kenbib, Proteges.30. Voir Martin, Regime.31. Centre des Archives Diplomatiques a Nantes. Fonds Tanger Legation et Consulat. Serie
A. Boıte 308.32. Missive de la Legation de France a Tanger adressee au Consul de Fez en mars 1910. CADN.33. Correspondance entre le Gouvernement General d’Algerie, la Legation de France a Tanger et
Consul de Fez en date du 13 juin 1913. CADN, fonds protectorat francais du Maroc, cabinetdiplomatique. Boıte 567 « Protection d’Algeriens et de Tunisiens. 1913 ».
34. Comme l’indique un certificat de nationalite delivree par la Residence Generale de Tunis.35. Lettre du consul de France a Mazagan adressee a la Legation de France a Tanger le 22 fevrier
1909. CADN, dossier « patentes algeriennes demandees a Mazagan ». Fonds Tanger Legationet Consulat. Serie A. Boıte 308.
36. CADN. Fonds Tanger Legation et Consulat. Serie A. Boıte 308. Dossier sur « les Ouled SidiCheikh de Marrakech. Demandes de patentes algeriennes ».
37. Correspondance entre la Legation de France a Tanger (LT) et le Docteur Mauchamps, en datedu 27 novembre 1907. Fonds Tanger Legation et Consulat. Serie A. Boıte 308.
38. CADN, fonds Ambassade de France a Constantinople. Boıte 277.
N. Amara72
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
39. CADN, fonds Contentieux du MAE, boıte 370.40. Schmitt, Les Levantins.41. Cogordan, Nationalite.42. Giraud, Droit.43. CADN. Fonds Contentieux du MAE. Boıte 370.44. Voir a ce sujet les travaux de F. Cooper.45. Transmission au MAE par le GGA, en date du 13 juin 1930, de la requete du Consul de France
a Alexandrie du 26 avril 1930. CADN. Fonds contentieux du MAE, boıte 370.46. Note du MAE pour la Direction des Affaires Politiques et Commerciales (sous-direction
d’Afrique), en date du 22 septembre 1930. CADN, fonds contentieux, boıte 370.47. Mbembe, De la postcolonie, 42.48. Sur la prise en compte de ce peril demographique par la legislation coloniale en matiere de
nationalite, l’application a l’Algerie de la loi du 26 juin 1889 est une parfaite illustration. C’esten terme d’efficacite que cette loi sur la nationalite francaise impose aux « etrangerscolonisateurs » fixes en Algerie le double droit du sol, sans option possible, comme garantie del’ordre colonial. La politique coloniale de la nationalite est une politique compensatoire desinsuffisances de l’emigration francaise en Algerie. Voir E. Rouard de Card, Etude.
49. Bertrand, Politique.50. Larcher, Traite. Ainsi que les divers commentaires d’arrets qu’il publie dans la R.A. au sujet de
la naturalisation francaise des Algeriens.51. Voir Rouard de Card, Etude.52. Je renvoie a ce sujet aux travaux de Patrick Weil sur la « nationalite francaise denaturee » des
Algeriens. Voir entre autres Qu’est-ce qu’un Francais; Statut.53. Sur l’approche sociologique du droit et la question de la conscience du droit, voir entre autres la
revue Droit et Societe, n8 69–70, annee 2008. Pelisse, A-t-on conscience du droit?54. Voir sur cette question, Bertrand, Les sciences sociales; Bayart et Bertrand, De quel « legs
colonial » parle-t-on?55. Sur l’usage de ces categories en matiere de citoyennete coloniale, voir Saada, Citoyens.56. Cite par J.F. Bayart, « Comparer par le bas », op. cit., Berman et Lonsdale, Unhappy Valley.57. Balandier, « La situation coloniale: approche theorique ».58. Voir Laure Blevis, Citoyennete, 25–47.
Notes on contributor
Noureddine Amara est un doctorant Paris 1 Pantheon-Sorbonne. Il entreprend une these sous ladirection de Patrick Weil sur “Algeriens et Consuls francais. Les pratiques de la nationalitealgerienne en situation imperiale, 1830–1930.” Boursier IRMC-Tunis, 2009–11.
Bibliography
Balandier, Georges. “« La situation coloniale: approche theorique ».” Cahiers internationaux deSociologie 11 (1951): 44–79.
Bayart, J.-F. and Romain Bertrand. “«De quel « legs colonial » parle-t-on? ».” Esprit (2006):134–160.Berman, B. and J. Lonsdale. Unhappy Valley. Conflict in Kenya and Africa. London: James Currey,
1992.Bernard, A. Les Confins algero-marocains. Paris: Larose, 1911.Bertrand, Romain. “« Les sciences sociales et le «moment colonial ». De la domination coloniale a
celle de l’hegemonie imperiale ».” CERI, Questions de recherche 18 (2006):1–41.———. “«La « politique ethique » des Pays-Bas a Java (1901–1926) ».” Vingtieme Siecle 93
(2007): 115–38.Blevis, Laure. “« La citoyennete francaise au miroir de la colonisation: etude des demandes de
naturalisation des « sujets francais » en Algerie coloniale ».” Geneses 53 (2003): 25–45.———. Sociologie d’un droit colonial. Citoyennete et nationalite en Algerie, 1865–1947: une
exception republicaine?, These de science politique, Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, 2004.
Burbank, Jane and Frederick Cooper. “« «Nouvelles » colonies et « vieux » empire ».”Mil neuf cent.Revue d’histoire intellectuelle 27 (2009): 13–35.
European Review of History–Revue europeene d’histoire 73
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14
Cogordan, George. La nationalite au point de vue des rapports internationaux. Paris: Ed. Larose,1879.
De Clercq, M. Alex and M. C. De Vallat. Guide pratique des consulats. publie sous les auspices duMinistere des Affaires Etrangeres, tome premier Paris: Edition Pedone, 1898.
———. Formulaire des chancelleries diplomatiques et consulaires., tome II. Paris: Ed. A. Pedone,1909.
Giraud, E. “« Le droit des nationalites. Sa valeur, son application ».” Revue Generale de DroitInternational Public TOME 31 (1924): 17–71.
Kateb, Kamel. “« La gestion administrative de l’emigration algerienne vers les pays musulmans aulendemain de la conquete de l’Algerie. ».” Population 2 (1997): 399–428.
Kenbib, Mohammed. Les proteges. Contribution a l’histoire contemporaine du Maroc. Rabat:Universite Mohammed V, 1996.
Larcher, Emile. Traite elementaire de legislation algerienne. 2 Tomes. Alger: Ed. Jourdan, 1911.Lehr, Ernest. Manuel theorique et pratique des agents diplomatiques et consulaires francais et
etrangers. Paris: Ed. Larose et Forcel, 1888.Martin, L. Le regime de protection au Maroc Archives marocaines, volume XV, 1–31. Paris, 1908.Mbembe, Achille. De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique
contemporaine. Paris: Ed. Karthala, 2000.Pelisse, Jerome. “«A-t-on conscience du droit? Autour des Legal Consciousness Studies ».”Geneses
59 (2005): 114–30.Rouard De Card, M. E. Etude sur la naturalisation en Algerie. Paris: Ed. Berger-Levrault, 1881.Saada, Emmanuelle. “«Citoyens et sujets de l’Empire francais. Les usages du droit en situation
coloniale ».” Geneses 53 (2003): 4–24.Urban, Yerri. Race et nationalite dans le droit colonial francais. 1865–1955. These pour le doctorat,
Droit public, Universite de Bourgogne 2009.Weil, Patrick. Qu’est-ce qu’un Francais? Histoire de la nationalite francaise depuis la Revolution.
Paris: Gallimard, « Folio Histoire », 2005.———. “« Le statut des musulmans en Algerie coloniale: une nationalite francaise denaturee ».” In
La Justice en Algerie (1830–1962), 95–109. Paris: Ed. La Documentation francaise, « Histoirede la Justice », 2005.
Weiss, Andre. Traite theorique et pratique de droit international prive. Tome premier. De lanationalite. Paris: Ed. Larose et Forcel, 1892.
N. Amara74
Dow
nloa
ded
by [
Uni
vers
ity o
f U
lste
r L
ibra
ry]
at 0
6:02
04
Dec
embe
r 20
14