50
République Islamique de Mauritanie Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) Programme d’appui à la mise en œuvre du PNBG Décentralisation et Gouvernance Locale Etude de la fiscalité communale en Mauritanie Alain Guengant Mohamed Abdallahi Ould Didi Consultant international Consultant national Projet MAU/03/001 Département des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies Nouakchott 20 novembre – 19 décembre 2004

Etude de la fiscalité communale en Mauritanie - …unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/un/unpan033878.pdf · Diagnostic de la capacité de mobilisation fiscale des communes

  • Upload
    dodiep

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

République Islamique de Mauritanie

Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)

Programme d’appui à la mise en œuvre du PNBG Décentralisation et Gouvernance Locale

Etude de la fiscalité communale en Mauritanie

Alain Guengant Mohamed Abdallahi Ould Didi Consultant international Consultant national

Projet MAU/03/001 Département des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies

Nouakchott

20 novembre – 19 décembre 2004

2

Sommaire

Contexte de la mission.............................................................................................................. 3

Liste des personnes rencontrées.............................................................................................. 4

Introduction .............................................................................................................................. 6

1. Diagnostic de la capacité de mobilisation fiscale des communes................. 7

a) Impôts et taxes sur la propriété et l’habitation .................................................................. 10 1) La contribution foncière........................................................................................................................ 10 2) La taxe d’habitation............................................................................................................................... 11

b) Impôts et taxes sur les activités économiques..................................................................... 14 1) La patente.............................................................................................................................................. 14 2) La taxe communale ............................................................................................................................... 16 3) La contribution foncière sur les terrains agricoles ................................................................................ 17 4) Les droits de porte et autres taxes ......................................................................................................... 18

c) Droits domaniaux et redevances.......................................................................................... 19

d) Relations de trésorerie et financières avec l’Etat............................................................... 20 1) Les relations de trésorerie ..................................................................................................................... 20 2) Le retour à une gestion par l’Etat de certains impôts locaux................................................................. 21 3) Le Fonds régional de développement.................................................................................................... 22

e) Diversité des ressources des communes .............................................................................. 23 1) La situation exceptionnelle de la commune de Nouadhibou................................................................. 24 2) La situation de l’agglomération de Nouakchott .................................................................................... 25 3) La situation des autres chefs-lieux de wilaya et de moughataa ............................................................. 25

2. Stratégie de renforcement de la capacité de mobilisation fiscale des communes ........................................................................................................... 28

a) Orientations générales .......................................................................................................... 28

b) Propositions de réforme de la fiscalité communale............................................................ 30 1) Création d’un impôt foncier synthétique partagé .................................................................................. 30 2) Remplacement de la taxe d’habitation par une taxe communale sur l’électricité.................................. 34 3) Réforme du barème de la patente .......................................................................................................... 36 4) Instauration d’impôts nationaux partagés sur les terrains agricoles et le bétail..................................... 42 5) Révision du partage de la taxe sur le tonnage débarqué........................................................................ 42 6) Compensation des exonérations d’impôts locaux accordées par l’Etat................................................. 43

c) Propositions de révision du partage des concours de l’Etat.............................................. 43

3. Conclusions et recommandations ................................................................ 45

a) Constat et diagnostic............................................................................................................. 45

b) Réformes prioritaires de la fiscalité communale................................................................ 46

Documents consultés .............................................................................................................. 49

Annexe statistique .................................................................................................................. 49

3

Contexte de la mission

La mission d’étude de la fiscalité communale en Mauritanie, réalisée du 20 novembre au 19 décembre 2004 dans le cadre du projet MAU/03/001 du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), sous la supervision technique du Département des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies (DAES), répondait aux termes de référence suivants :

« a) Etudier l’environnement institutionnel et organisationnel des communes; b) Analyser les capacités des communes en matière de mobilisation des ressources fiscales (définition de la matière imposable, fixation des assiettes et des taux) ; c) Analyser les problèmes pratiques liés au recouvrement des produits de la fiscalité communale (impôts, taxes communales, redevances, droits domaniaux, produits des services) ; d) Faire des propositions pour résoudre les problèmes techniques de gestion des impôts locaux ; e) Evaluer les conditions de mise en place et de fonctionnement d’un système fiscal efficient et rentable. f) Proposer un plan d’action pour la mise en œuvre des recommandations issues de l’étude. » La mission s’est déroulée en trois phases :

- phase 1 : après un travail préalable d’analyse des textes législatifs ou réglementaires et des rapports d’étude antérieurs sur le sujet, puis de collecte de données fiscales et budgétaires,

- phase 2 : des enquêtes de terrain ont été réalisées auprès des communes et des administrations de l’Etat concernées par le financement des budgets communaux,

- phase 3 : enfin sur la base du diagnostic réalisé, des recommandations de réforme en profondeur de la fiscalité communale actuelle ont été proposées dans le but de corriger les dysfonctionnements constatés et ainsi de renforcer durablement la capacité de mobilisation fiscale des communes.

Le consultant international a bénéficié pendant son séjour de l’appui constant de son homologue national M Hadrami Ould Khattry, expert PNBG auprès de la DGCL, qui a organisé efficacement le déroulement de la mission et permis de rassembler une importante documentation, y compris chiffrée, et rendu ainsi possible un traitement statistique de la fiscalité communale jusqu’alors peu pratiquée. Le consultant international souhaite également remercier chaleureusement M Mohamed Abdallahi Ould Didi, consultant national, qui, outre sa contribution au rassemblement des informations, a nourri de sa riche expérience la réflexion sur les réformes fiscales et financières les mieux adaptées à la poursuite du processus de décentralisation. La mission s’est déroulée à Nouakchott. Des déplacements à l’intérieur du pays ont été effectués à Boghé et à Kaédi.

Les consultants souhaitent remercier vivement les personnes rencontrées pour leur disponibilité, la qualité des informations fournies et l’intérêt des suggestions présentées pour approfondir le diagnostic et affiner les recommandations de réforme de la fiscalité communale.

4

Liste des personnes rencontrées

1) Ministère de l’Intérieur, des Postes et Télécommunications

M Abdi Ould Horma, Directeur général des collectivités locales

M Hadrami Ould Khattry, Expert auprès de la DGCL, chargé de l’appui de la composante « Décentralisation et Gouvernance locale » du PNBG

M Diallo Kane, Chef du service des finances locales

M François Denizot, Conseiller technique du Ministre, projet PADDEM (coopération française)

M Houcine Dahamane, Conseiller du Wali de l’Assaba, projet PADDEM (coopération française)

2) Association des Maires de Mauritanie

M Sow Mohamed Deina, Président, Maire de Rosso

Mme Fatimettou Mint Abdel Maleck, Maire de Tevragh Zeina

M Maloum Ould Braham, Secrétaire général de l’AMM

3) Communes

Mme Fatimettou Mint Abdel Maleck, Maire de Tevragh Zeina

M Toure Mamadou Daouda, Maire de Sebkha

Mme le Secrétaire Général de la commune de Sebkha

M le Maire d’Arafat

Mme Nane Mint Cheikhua, Première vice présidente de la Communauté urbaine de Nouakchott

M Sidi Ould Mohamed Ahmed, Secrétaire général de la Communauté urbaine de Nouakchott

M Philippe Colucci, Conseiller technique du Président de la Communauté urbaine de Nouakchott

M Aboubenne Samba Cisé, Deuxième Maire adjoint de la commune de Kaédi

M Mamadou Traoré, Secrétaire général de la commune de Kaédi

M Maciré Marega, Chef du service administratif et financier de la commune de Kaédi

M N’Diaye Amadou Bacos, Secrétaire général de la commune de Boghé

5

4) Ministère des finances

M Mohamed Ould Ahmédan Habibourahmane, Directeur des services extérieurs, Direction générale des impôts

M Sid’Ahmed Ould Dechagh, Directeur des ressources, Direction générale des impôts

M Mohamed Ould Diahloul, Receveur municipal de la commune de Kaédi

5) Ministère des Affaires Economiques et du Développement

M Fah Ould Brahim Ould Jiddou, Conseiller technique du Programme national de bonne gouvernance (PNBG)

M Mohamed Ould Babetta, Coordonnateur de la Cellule de coordination du programme de développement urbain (PDU)

6) SOMELEC

M Mohamed Yehdhih Ould Cheikhina, Directeur financier et comptable

M Abderrrahmanne Ould Seyid, Conseiller juridique

7) PNUD

M Moktar Lam, Leader thématique de l’unité gouvernance

8) Centre Mauritanien d’analyse et de politique publique

M Yahya Ould Kebd, Chargé du développement institutionnel

6

Introduction

Le gouvernement mauritanien a adopté en 1999 une déclaration d’orientation sur la bonne gouvernance qui a servi de base à la formulation du Programme national de bonne gouvernance (PNBG) suivant une démarche participative ayant impliqué l’ensemble des acteurs concernés : l’Etat, les collectivités locales, la société civile, le secteur privé et les partenaires au développement. Ce programme, fondé sur la participation, la transparence, la responsabilisation et l’équité, vise à promouvoir un développement humain durable par la réduction de la pauvreté, la création d’emplois, la protection de l’environnement, la saine gestion des affaires publiques, la mise en place d’un système juridique cohérent et prédictible et le respect des droits de la personne.

Le programme d’appui à la mise en œuvre du PNBG a été instauré dans le cadre des efforts de l’État pour réorganiser les institutions publiques et inscrire l’exercice des pouvoirs dans un cadre juridique favorable à l’édification et l’ancrage de l’État de droit. La décentralisation est une forme de réorganisation des institutions publiques qui vise à rendre les pouvoirs publics plus aptes à répondre aux attentes des populations, accroissant par-là leur légitimité. Elle vise aussi à renforcer le rôle et les capacités des structures publiques en matière d’orientation, d’accompagnement et d’encadrement des initiatives locales de développement économique et social. Cependant, l’avènement du processus de décentralisation en Mauritanie est relativement récent. Les premières élections municipales ont eu lieu en 1986 et les plus récentes en octobre 2001. Actuellement le pays compte 216 communes, dont 53 communes chefs-lieux de wilaya et de moughataa et 163 communes rurales.

L’objectif de la composante « décentralisation et gouvernance locale » du PNBG est d’appuyer la politique de décentralisation initiée par l’État dans le cadre de la déclaration de politique municipale adoptée en 1995 exprimant la volonté politique de définir clairement le cadre institutionnel de la décentralisation en Mauritanie. La déclaration vise à asseoir et à pérenniser le processus de décentralisation par le transfert progressif de compétences aux municipalités, l'amélioration de l'environnement institutionnel et organisationnel des communes et le renforcement de leur rôle et de leurs capacités afin qu’elles rendent des services et des comptes aux citoyens et aux contribuables. Elle s’assigne également pour objectif de favoriser les conditions pouvant permettre aux communes d'augmenter leurs ressources financières, notamment fiscales et parafiscales, et d'envisager l'exécution de programmes d'investissement centrés sur la réalisation, la réhabilitation et l'entretien des infrastructures publiques.

La mise en œuvre de cette politique nécessite en plus de la promotion des réformes portant sur l’amélioration de l’environnement institutionnel et organisationnel des communes, l’initiation de réformes portant sur la fiscalité communale. En effet, malgré les réformes entreprises pour renforcer l’autonomie financière des communes, notamment l’ordonnance n° 90-04 du 6 juin 1990 qui régit le système actuel, les dysfonctionnements de la fiscalité locale demeurent : un recensement aléatoire, un recouvrement faible, des évasions diverses. Les médiocres performances actuelles de la fiscalité communale témoignent d’une double insuffisance de l’assiette et du recouvrement, incompatible avec l’ambition affichée de satisfaire les besoins élémentaires des populations en matière d’accès aux services publics de base. En effet, pour la majeure partie des communes le produit des recettes fiscales est à peine suffisant pour couvrir les dépenses de fonctionnement et laisse peu de marge pour l’autofinancement des dépenses d’équipement. Le recouvrement des produits de la fiscalité

7

communale souffre de deux lacunes : le délai souvent très long qui sépare l’émission de l’impôt de son recouvrement et le manque d’adressage ; s’y ajoutent l’incivisme fiscal et les aléas du recensement des contribuables.

Le diagnostic de la capacité de mobilisation des ressources communales, réalisé dans la première partie du rapport, montre que l’ensemble du dispositif fiscal actuel reste, malgré des améliorations, complexe, inadapté, impopulaire et d’un rendement insuffisant au regard des potentialités d’imposition. Dans la seconde partie du rapport, les propositions d’une réforme en profondeur de la fiscalité communale sont développées.

1. Diagnostic de la capacité de mobilisation fiscale des communes

La décentralisation administrative engagée en 1986 s’est opérée en trois vagues successives de création de 45 communes urbaines, puis de 53 avec la réorganisation de Nouakchott et l’instauration d’une communauté urbaine dotée du statut d’établissement public, et de 163 communes rurales. Les communes sont administrées par des conseils élus et constituent ainsi des collectivités territoriales au sens de l’article 98 de la Constitution. L’ordonnance n° 87-289 du 20 octobre 1987 transfère aux communes une série de compétences assurées antérieurement par l’administration territoriale :

- voirie, eau, éclairage public, ramassage des ordures ménagères,

- écoles, dispensaires, centres de protection maternelle et infantile,

- équipements sportifs, culturels, parcs, jardins, cimetières,

- marchés, abattoirs, transports urbains, hygiène, assistance, lutte contre l’incendie,

- aménagement et gestion des zones concédées par l’Etat.

Toutefois, l’Etat conserve deux compétences complémentaires, la police municipale et la politique foncière, qui privent les communes de moyens d’action, à l’expérience nécessaires pour assumer dans de bonnes conditions les précédentes.

En contrepartie des compétences transférées, la création d’une fiscalité communale par l’ordonnance n° 90-04 du 6 février 1990 vise à doter les communes de ressources financières adaptées à l’accomplissement de leurs missions. Lors du congrès des Maires d’avril 1995, la déclaration de politique municipale réaffirme la volonté du gouvernement de pérenniser et d’approfondir le processus par une amélioration de l’environnement organisationnel et l’accroissement des ressources financières des communes.

Six axes de la déclaration de politique municipale de 1995 1) renforcement du dispositif réglementaire, notamment en liaison avec la déconcentration des services de l’Etat, 2) renforcement des compétences communales en matière de gestion urbaine et foncière (adressage, cadastre, plans d’urbanisme) 3) renforcement des capacités de gestion avec la modernisation des équipements et la mise en place d’un statut du personnel, 4) implications de la société civile dans les efforts de développement, 5) élaboration de stratégies de développement intégré des communes, 6) mobilisation des ressources pour une mise en œuvre de la fiscalité locale avec une plus grande implication des élus dans l’établissement et le suivi des impôts.

8

La fiscalité communale se compose de deux volets : les impôts rétrocédés par l’Etat et les taxes communales avec la caractéristique commune d’être régis par le Code général des impôts (CGI), compte tenu des attributions accordées aux conseils municipaux :

- la contribution foncière sur les propriétés bâties (articles 427 à 435 du CGI),

- la contribution foncière sur les terrains agricoles (article 436 du CGI),

- la taxe d’habitation (articles 437 à 443 du CGI),

- la contribution communale (articles 444 et 445 du CGI),

- la patente (articles 446 à 458 du CGI),

- les taxes communales (articles 463 à 469 du CGI),

- la taxe sur le tonnage débarqué (Nouakchott et Nouadhibou) et la taxe sur l’exportation de poissons (Nouadhibou) instituées à titre provisoire par l’article 17 de la loi n° 90-004.

La réforme de la fiscalité communale, réalisée par la loi de finances pour 2001 puis la loi de finances pour 2002, modifie sensiblement l’organisation antérieure en confiant directement aux communes l’émission et le recouvrement d’une partie des impôts locaux rétrocédés et jusqu’alors gérés par les services déconcentrés de l’Etat, respectivement la Direction générale des impôts et la Direction du Trésor et de la comptabilité publique.

Principales mesures introduites par la réforme fiscale (LFI 2001 et 2002) 1) Création de la commission fiscale communale chargée d’évaluer les valeurs locatives : Maire ou Adjoint

au Maire (président), un représentant de l’administration fiscale, un représentant de l’autorité administrative de tutelle, deux conseillers municipaux, deux représentants de la population désignés par l’autorité administrative de tutelle ; secrétariat assuré par le représentant de l’administration fiscale ou le Secrétaire général dans les communes sans administration fiscale,

2) Délégation de pouvoirs au Maire (quand il existe dans la commune une administration fiscale) : possibilité de déléguer au Maire à sa demande le recensement, le calcul, la confection des rôles et le recouvrement par arrêté du Ministre des finances ; le Maire doit communiquer avant le 30 septembre la liste des contribuables et des impôts mis à leur charge,

3) Délégation de pouvoirs au Secrétaire général dans les communes dépourvues d’un service des impôts : possibilité de recenser et d’établir la taxe d’habitation et par délégation du Directeur général des impôts de recenser et d’établir la contribution foncière sur les terrains agricoles puis de communiquer avant le 30 septembre la liste des contribuables et des taxes dans le but d’affranchir les communes des contraintes liées à l’éloignement,

4) Détermination des valeurs locatives et des propriétaires apparents : pouvoir donné au Maire de fixer, par arrêté, les modalités de détermination des valeurs locatives, après avis de la commission fiscale communale, établies antérieurement par l’inspecteur des impôts, introduction de la notion de propriétaire apparent pour l’occupant incapable d’identifier l’identité exacte et l’adresse complète du propriétaire,

4) Transfert du traitement contentieux de la fiscalité communale au Maire pour les impôts dont l’émission est assurée par la commune dans un délai de six mois,

5) Suppression du droit proportionnel de la patente et simplification du droit fixe ramené à six tranches au lieu de treize pour un minimum de chiffre d’affaires de 3 millions UM pour la première tranche et de 600 millions UM pour la sixième,

6) Recouvrement : possibilité de créer une régie de recettes pour collecter directement certains produits et multiplier les points de collecte quand l’intervention du receveur municipal s’avère difficile en raison de son implantation ; création de la régie par autorisation du Ministre des finances en application de l’article 18 de l’ordonnance n° 89-012 du 23 janvier 1989, la régie peut encaisser les impôts et taxes prévus au profit des communes et par dérogation ministérielle d’autres impôts et taxes prévus par le code général des impôts.

9

La réforme traduit la volonté, d’une part, de séparer autant que possible la fiscalité communale de la fiscalité d’Etat et, d’autre part, d’aménager et de simplifier les procédures d’assiette, de liquidation et de recouvrement des impôts communaux par un élargissement des pouvoirs de gestion fiscale de la commune. L’objectif est, par la décentralisation des procédures, d’améliorer le recensement et surtout le recouvrement des impôts.

Après trois années de mise en œuvre, les éléments de bilan recueillis lors de la mission conduisent à formuler un diagnostic nuancé. Si le recensement des contribuables s’est amélioré, le recouvrement demeure le maillon faible de la chaîne fiscale avec des performances variables suivant les types de prélèvements. Le recouvrement progresse pour les impôts et taxes liés à l’activité économique mais stagne, voire se dégrade pour les taxes sur l’habitation et la propriété. Une décentralisation accrue de la gestion fiscale a donc abouti en partie au résultat escompté. Elle ne peut toutefois espérer résoudre à elle seule tous les dysfonctionnements de la fiscalité communale. En outre, la grande diversité des situations locales implique de différencier les communes et notamment de distinguer les deux grands centres urbains de Nouakchott et de Nouadhibou, des principaux chefs lieux de wilaya et de moughataa d’une part, des communes rurales d’autre part.

Le diagnostic concerne, dans un premier point, les taxes sur la propriété foncière et l’habitation et, dans un deuxième point, les taxes et impôts sur les activités économiques. Dans les deux cas, un bref rappel de la législation fiscale est réalisé avant d’examiner les conditions de mise en œuvre et les résultats. Un troisième point est consacré aux droits domaniaux et aux redevances pour service rendu.

Manuel de gestion communale (MIPT/PADDEM) Pour plus de détails, on se référa au « Manuel de gestion communale » publié en décembre 2003 par le

Ministère de l’Intérieur, des Postes et Télécommunications avec le soutien du Programme d’appui à la déconcentration et à la décentralisation (PADDEM). Outre une présentation précise du cadre juridique, le manuel fournit un guide pratique de gestion budgétaire, administrative et fiscale, validé par le MIPT, expérimenté sur deux régions, puis cinq, pour être progressivement généralisé.

Enfin, l’analyse par type de ressources opérée, la question transversale des relations de trésorerie avec l’Etat est abordée dans un dernier point, ainsi que l’organisation du Fonds régional de développement (FRD). Certes, le FRD ne constitue pas une recette fiscale communale mais une dotation de l’Etat. En outre, les termes de référence de la mission ne prévoyaient pas explicitement de traiter les transferts. Cependant, il est apparu nécessaire d’intégrer le FRD dans le diagnostic pour trois raisons principales. Tout d’abord, le Fonds régional de développement représentera en 2005 un montant (2 milliards UM) pratiquement équivalent à l’ensemble des ressources propres de fonctionnement des communes. Ensuite, Les Maires attribuent au Fonds, en fait un prélèvement sur les impôts d’Etat, un rôle crucial dans le développement des services publics locaux. L’apport de la fiscalité décentralisée est en effet négligeable dans les communes rurales et limité dans les zones urbaines. Le Fonds pourrait de ce fait exercer un effet de dé-incitation à la mobilisation des capacités fiscales communales, contrairement à l’objectif recherché d’améliorer le consentement à l’impôt par la fourniture en contrepartie de services publics locaux. Enfin, les critères de répartition du Fonds aboutissent à compenser partiellement l’inégale distribution des ressources propres entre communes et produisent ainsi un effet de péréquation qui ne peut manquer d’affecter la gestion des taxes et des impôts communaux. Par conséquent, pour apprécier puis réformer les capacités de mobilisation des ressources locales, le système de financement décentralisé devait être examiné dans sa globalité.

10

a) Impôts et taxes sur la propriété et l’habitation

Les communes taxent à la fois la propriété à travers la contribution foncière sur les propriétés bâties et l’occupation résidentielle via la taxe d’habitation.

1) La contribution foncière

La contribution foncière est une taxe annuelle payée par les propriétaires réels ou apparents. Son établissement est délégué de plein droit au Secrétaire général des communes où les services fiscaux ne sont pas implantés, par délégation du Ministre des finances à la demande du Maire dans les autres communes. Le recensement fiscal est organisé par le Secrétaire général. La base d’imposition correspond à la valeur locative de l’immeuble. La valeur locative brute est définie par référence au montant du loyer évalué par la commission fiscale communale, sur la base d’une enquête fiscale, par référence aux conditions du marché local et par catégorie de construction.

Le taux d’imposition est fixé par délibération du Conseil municipal dans les limites déterminées par la loi d’un « tunnel en taux » plancher de 3% et plafond de 10% (article 432 nouveau du CGI). Le taux voté s’applique à la valeur locative nette qui correspond à la valeur locative brute après déduction d’un abattement de 20%.

Les avis d’imposition sont rassemblés dans un rôle. La date de recouvrement est fixée par le Maire qui rend le rôle exécutoire, le remet au Receveur municipal qui le prend en charge puis le confie au Régisseur des recettes de la commune pour recouvrement. Les avis d’imposition sont remis par le Régisseur des recettes aux contribuables avant la date d’exigibilité. Le Régisseur encaisse et délivre une quittance. Une majoration de 10% est appliquée deux mois après la date de mise en recouvrement. Les constructions nouvelles doivent faire l’objet d’une déclaration avant le 28 février. En cas de défaut de déclaration, le propriétaire est passible d’une amende fiscale de 5 000 à 20 000 UM. Le Secrétaire général actualise le registre des contribuables des déclarations enregistrées.

Si le cadre juridique et la procédure de gestion apparaissent adaptés aux conditions d’une mobilisation fiscale dans les zones urbaines, la contribution foncière ne répond pas à son objectif de rendement. Ainsi au niveau de la communauté urbaine de Nouakchott (CUN), qui gère l’émission (sans avoir respecté la procédure de délégation) et conserve l’intégralité de la contribution, pour un gisement évalué à 3 milliards UM, le montant collecté se situe au voisinage de 200 millions UM. En outre, une part importante du produit provient du précompte de la contribution avec l’impôt sur le revenu foncier perçu par l’Etat. A l’exception de Nouadhibou, la contribution foncière apparaît inadaptée aux conditions économiques et sociales des autres communes rurales mais aussi des chefs lieux de wilaya ou de moughataa.

Précompte de l’impôt sur le revenu foncier et de la contribution foncière sur les loyers des logements conventionnés

Pour les logements conventionnés, l’impôt sur le revenu foncier et la contribution foncière sont précomptés sur les loyers. Le recouvrement est alors certain. En revanche, la gestion étant centralisée par la Direction du matériel et du logement du Ministère des finances, les receveurs municipaux ne sont pas systématiquement informés des sommes collectées. Une démarche personnelle du comptable communal est nécessaire pour obtenir le montant revenant à la commune (cas de la commune de Kaédi). Or, tous les receveurs municipaux ne l’effectuent pas. De ce fait, les sommes précomptées ne seraient pas entièrement reversées aux communes de localisation des logements conventionnés, au bénéfice de Nouakchott. De même, les inspecteurs des impôts ne reçoivent pas la liste des logements conventionnés et peuvent ainsi établir des contributions foncières non justifiées car déjà acquittées, alimentant le gonflement artificiel des émissions, facteur de baisse du taux de recouvrement.

11

La faiblesse du rendement de la contribution foncière ne résulte pas systématiquement d’une défaillance du recensement des contribuables. Ainsi la CUN dispose d’un logiciel opérationnel d’adressage (ARCOM) qui rend possible une bonne identification des propriétés. La loi de finances pour 2004 revient sur la décentralisation de la gestion de la contribution foncière, de droit comme facultative ; retour en arrière susceptible de créer des difficultés supplémentaires selon l’Association des Maires. La gestion du système ARCOM est toutefois relativement coûteuse en conduisant à recommencer chaque année le recensement des propriétés durant les six premiers mois de l’année, puis après quatre mois de saisie, à ne laisser que deux mois pour le recouvrement. La durée excessivement longue de l’établissement des rôles conduit à décaler la perception sur l’année suivante.

Dans d’autres communes, la maîtrise de l’assiette n’est pas toujours bien assurée. L’adressage manque parfois de précision. Les valeurs locatives peuvent être surestimées, notamment au regard des loyers effectivement acquittés. L’émission tardive peut également rendre impossible le recouvrement des cotisations dans les délais prévu par le code général des impôts. Ainsi, les émissions de la contribution foncière de la commune de Kaédi pour 2004 n’ont été achevées qu’au début du mois de décembre 2004.

La médiocrité du rendement, au regard du potentiel fiscal identifié, provient de la défaillance du recouvrement qui se nourrit de l’accumulation de multiples dysfonctionnements. Le refus de l’impôt manifesté par les contribuables nationaux (seuls les étrangers acquittent pratiquement la contribution foncière, comme par ailleurs la taxe d’habitation) découle à la fois de l’absence de sanctions crédibles, liée à l’insaisissabilité de fait des propriétés et à l’impossibilité d’en expulser les occupants, mais aussi à la pléthore de taxes et droits sur la résidence en zone urbaine. Le refus de l’impôt s’alimente aussi de la faible visibilité des services publics locaux offerts en contrepartie. Si l’insuffisance des revenus de très nombreux contribuables explique les difficultés du recouvrement, les contribuables les plus aisés ne manifestent pas non plus une volonté très affirmée de contribuer au financement des charges communales. Enfin, la faiblesse des moyens des trésoreries et des perceptions ne contribue pas à faciliter l’encaissement, d’autant plus que l’émission parfois tardive des rôles conduit à décaler les opérations de recouvrement sur l’année suivante. Cependant, si des dysfonctionnements continuent d’exister dans la chaîne administrative de gestion de l’impôt, leur atténuation, ou même leur disparition, ne suffirait pas à résoudre la déficience chronique du recouvrement de la contribution foncière, comme par ailleurs de la taxe d’habitation.

Face au décalage croissant entre les efforts indéniables du recensement des contribuables et les résultats de la perception, qu’elle soit assumée par les services du Trésor ou directement par les régies de recettes communales, l’Association des Maires souhaiterait que l’Etat assume entièrement son rôle en reversant aux communes les produits votés dont la charge de perception incombe à ses services. Une garantie de recouvrement, logique dans un régime de centralisation de la gestion de l’impôt, risquerait toutefois de dépasser la capacité financière actuelle du Trésor ; toutefois sans préjuger des retombées futures des rentrées pétrolières qui devraient rendre une telle assurance de recouvrement à la fois possible et cohérente avec l’engagement politique du gouvernement d’approfondir la décentralisation et d’améliorer les conditions de vie des populations.

2) La taxe d’habitation

Deux taxes complémentaires existent : la taxe d’habitation proprement dite porte sur les constructions avec fondations ; la contribution communale concerne les constructions sans

12

fondations. Le recensement fiscal est organisé par le Secrétaire général simultanément avec la contribution foncière. A Nouakchott, la contribution foncière étant perçue par la communauté, le Secrétaire général de la commune s’occupe uniquement de la taxe d’habitation, toutefois à partir d’un logiciel commun d’adressage des propriétés (ARCOM).

La taxe est annuelle. Son tarif est modulé par le Conseil municipal par catégorie de construction et par quartier, avec un maximum de 15 000 UM. Le classement doit reposer sur des critères objectifs : nombre de pièces, nature de la toiture, eau, électricité. Le barème doit garantir la progressivité de l’impôt. Le tarif de la contribution communale est également fixé par délibération du Conseil municipal, avec un maximum de 300 UM. Le recouvrement est effectué au comptant au moment du recensement par les agents de la régie de recettes communales. En cas de non-acquittement de la taxe d’habitation ou de la contribution communale, le Maire émet un titre de recettes du montant de la taxe majorée de 50% avec la mention « rendu exécutoire en application des dispositions de l’article 227 de l’ordonnance 89-012 ». Le titre de recettes est remis au Receveur municipal pour recouvrement.

La taxe d’habitation amplifie les défauts constatés pour la contribution foncière. Ainsi, le taux d’exécution représente seulement 2,9 % du produit prévisionnel de la commune de Tevragh Zeina ; produit en outre acquitté à 98 % par les étrangers. Si les plus pauvres ne paient pas, les plus riches refusent également d’acquitter la taxe. La situation est identique pour la commune de Sebkha. En 2003, 308 500 UM ont été perçus sur un montant d’émissions de 19 millions, soit un taux d’exécution d’environ 1,6%. Si le fonctionnement du recensement est jugé satisfaisant, la perception ne suit pas malgré la volonté du Conseil municipal d’alléger la taxe à un niveau jugé compatible avec les capacités contributives de la population (500 à 5 000 UM). A Toujounine, le taux d’exécution est encore plus faible (0,5%).

Toutefois, dans d’autres communes de l’agglomération de Nouakchott, les résultats sont sensiblement plus élevés. Ainsi en 2002, le taux d’exécution de la prévision atteint 15,4% dans la commune d’El Mina (3 millions pour 19,5 millions UM prévus), 11,1% dans la commune de Ksar (1,1 million pour 10 millions UM prévus) ou encore 7,3% dans la commune d’Arafat (2 millions pour 27,8 millions UM prévus). A Arafat, le taux d’exécution s’élève même à 25% en 2003 (6,7 millions pour 26,8 millions UM prévus), suite à une opération spécifique de recouvrement « forcé » dans un quartier de la commune.

Effort et résultat du recouvrement de la taxe d’habitation par la commune d’Arafat Sur la base d’une moyenne de 5 personnes par famille la commune d’Arafat accueillerait environ 20 000

familles. 11 000 familles sont recensées (plus 3 700 boutiques). Un peu moins de la moitié des habitations échapperait ainsi au recensement faute d’adressage. Pour faciliter la perception, le Conseil municipal a réduit les tarifs, au maximum à 6 500 UM pour les habitations de plus haut standing (l’ancienne commune de Nouakchott avait fixé le plafond à 13 000 UM), et au minimum à 500 UM (contre 3 000 UM). Toutefois, la seule réduction des taux n’a pas donné les résultats escomptés.

En 2002, la commune ne cherche pas à contraindre mais seulement à convaincre ; le recouvrement atteint 2 millions UM,

En 2003, la commune choisit le quartier de résidence des contribuables les plus réticents, mais à même de payer, et y exerce, par la présence insistante des collecteurs qui reviennent à plusieurs reprises solliciter les redevables, une forte pression ; le recours à la méthode coercitive permet sur ce seul quartier de recouvrer 4 millions UM mais au prix de nombreux incidents avec les contribuables ; la raison la plus couramment invoquée pour refuser de payer la taxe d’habitation étant que le Maire a été élu pour prendre en charge et non pas pour faire payer les gens ; son rôle est de rechercher des aides à l’extérieur (aide internationale) ; au total le recouvrement atteint 6,7 millions UM pour l’ensemble de la commune,

En 2004, le recouvrement retombe à 2,2 millions UM du fait de l’abandon de la procédure « d’harcèlement » des contribuables.

13

Première commune de Mauritanie par sa population (102 500 habitants) mais sans grandes ressources, la municipalité d’Arafat s’est trouvée contrainte de recourir à une taxe jusqu’alors pratiquement inutilisée, dont les textes prévoient certes le mode de calcul mais pas les moyens de contraindre les contribuables à la payer. De ce fait, les Maires des communes dotées de ressources alternatives plus importantes, notamment domaniales (abattoirs, souks, marchés), ont rarement tenté l’effort de percevoir une taxe aussi mal acceptée par les habitants.

Une corrélation négative apparaît effectivement entre le taux d’exécution de la taxe d’habitation et le montant des droits domaniaux : plus ces derniers sont élevés plus le montant recouvré de la taxe d’habitation est faible. Par exemple, la commune de Toujounine bénéficie des abattoirs légués par l’ancienne commune de Nouakchott et a perçu 17 millions UM de droit d’usage en 2002, auquel s’est ajouté 1,6 million de droit de pacage des animaux. La commune s’est de ce fait contentée de ne recouvrer que 62 100 UM de taxe d’habitation pour une prévision de 19 millions UM. La commune de Sebkha perçoit 27 millions UM de droits de location de souks, après avoir relevé fortement les loyers qui étaient restés inchangés depuis 20 ans (en 2002, le montant des droits représentait seulement 4 millions UM). En conséquence, le Maire n’a pas jugé nécessaire de rechercher dans la taxe d’habitation un complément significatif de ressources avec un recouvrement symbolique de 308 500 UM pour une prévision de 19 millions UM pour 2003.

La défaillance du recouvrement géré par les agents de la régie de recettes communales est imputée à la fois à l’absence de moyens de coercition et à la multitude de taxes. Certes le Maire dispose de la possibilité de réquisitionner la police municipale mais sa présence sur le terrain demeure aléatoire. En outre, les Maires n’envisagent qu’avec réticence, voire écartent le recours à la force publique. A nouveau, la multitude des prélèvements, sans contrepartie perçue sous forme de services rendus, est avancée pour expliquer le refus de la population d’acquitter la taxe.

Toutefois, une action positive sur un service déjà financé par une redevance spécifique ne contribue pas à faciliter l’acceptation de la taxe d’habitation qui couvre indifféremment l’ensemble des activités communales et non un service particulier. L’expérience de la commune de Tevragh Zeina en fournit une illustration.

Organisation et financement de l’enlèvement des déchets solides dans la commune de Tevragh Zeina Lors de sa création en octobre 2001, la commune de Tevragh Zeina fait du ramassage des ordures ménagères

sa priorité absolue. La situation héritée de l’ancienne commune de Nouakchott est en effet désastreuse. La société privée, en charge par contrat de la collecte des déchets, s’avère être totalement inefficace. Toutefois, faute de moyens légués par l’ancienne municipalité, la nouvelle commune doit à la fois mobiliser la population, interdire les sites de dépôts et organiser un service de ramassage.

La formule de la régie est retenue mais le manque de moyens constitue un défi, relevé grâce à la forte implication de la municipalité et de son Maire. L’objectif est de démontrer la capacité de la commune à organiser un service régulier de ramassage des ordures ménagères avant d’exiger des bénéficiaires une redevance. Avec la mise en place du matériel financé sur fonds propres (4 camions, dont 1 broyeur, 1 chargeur), la collecte s’organise sur la base de deux rotations par semaine et par quartier. Tous les soirs, le nettoiement des marchés et des grands axes est en outre assuré.

La continuité du service rendu démontrée, il devenait possible d’instaurer et de recouvrer dans de bonnes conditions une redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Trois zones de redevances existent avec un tarif modulé 100 à 2 500 UM par mois. Une redevance spécifique s’applique aux déchets professionnels de 2 000 à 4 500 UM.

Demeure toutefois non résolu le problème de l’évacuation des eaux usées. La commune dispose de 20 kilomètres d’égouts sur les 24 que compte la ville de Nouakchott. Construit dans les années soixante, le réseau n’a jamais été entretenu. De la compétence de la Société nationale des eaux (SNDE), l’assainissement, jugé sans rapport, a toujours été délaissé au profit de la distribution de l’eau et par ailleurs de l’électricité.

14

La commune a reçu de l’ancienne commune de Nouakchott une dotation initiale de 50 personnes, dont un seul diplômé. Actuellement, le personnel de la commune s’élève à 300 personnes, dont 75 % de main d’œuvre occasionnelle affectée essentiellement au ramassage des ordures ménagères. Des jeunes diplômés chômeurs sans expérience ont été recrutés pour organiser l’encadrement des activités. Les charges de personnel représentent depuis mars 2004 environ 5 millions UM par mois.

Si le recouvrement par les agents de la régie des recettes communales n’est pas, suivant les circonstances, toujours très efficace en raison principalement du type de prélèvement opéré, la décentralisation de la gestion aux nouvelles communes a néanmoins permis d’accroître dans des proportions spectaculaires la perception de la taxe d’habitation en comparaison du produit encaissé par l’ancienne commune de Nouakchott. A l’époque, l’émission des rôles était assurée par les services déconcentrés des impôts et le recouvrement réalisé par le Trésor. Incontestablement, les performances des communes sont très nettement supérieures, au niveau à la fois du recensement et surtout du recouvrement.

Ainsi en 2000, le montant des rôles émis pour la totalité de la commune de Nouakchott atteint 36 millions UM. En 2002, les prévisions cumulées des 9 communes de l’agglomération s’élèvent à 158 millions UM. Certes, les deux données ne sont pas de même nature et la comparaison de l’efficacité relative des deux modes de recensement des contribuables reste par conséquent délicate à opérer.

En revanche, au niveau du recouvrement, la différence de résultats témoigne d’une performance relative très nettement supérieure des services communaux, avec un produit cumulé de 9,2 millions d’UM en 2002, contre un recouvrement par le Trésor de seulement 735 800 UM en 2000.

Le choix de confier la taxe d’habitation aux communes a donc permis une amélioration certaine de la perception par rapport aux années antérieures mais qui reste néanmoins très en dessous du potentiel de taxation. En outre, l’accroissement du produit dépend trop de procédures exceptionnelles de recouvrement « forcé » pour fournir, non seulement une solution durable, mais susceptible d’élever graduellement le taux d’exécution des prévisions. Notons que l’affermage, utilisé pour encaisser d’autres taxes communales, ne permettrait pas d’améliorer les résultats. Qualifié de solution « de complaisance », l’affermage des taxes est jugé unanimement inefficace car mal accepté par les contribuables pour un retour en définitive très faible.

b) Impôts et taxes sur les activités économiques

La contribution des activités économiques au financement des budgets communaux repose sur une gamme relativement diversifiée d’impôts et de taxes au rendement très variable et en outre très inégalement réparti entre les territoires. La patente et la taxe communale se complètent en fonction de l’importance du chiffre d’affaires des contribuables. A nouveau à Nouakchott, une spécialisation fiscale existe : la communauté perçoit la patente et les communes la taxe communale. La contribution foncière sur les terrains agricoles demeure pour l’instant virtuelle. Enfin, Nouakchott et Nouadhibou bénéficient de droits de porte, respectivement à l’importation et à l’exportation.

1) La patente

La patente est une taxe annuelle qui frappe toutes les personnes physiques ou morales, d’une part, qui exercent une activité professionnelle non salariée et générant un chiffre d’affaires supérieur à 3 millions UM par an et, d’autre part, les entreprises de transport. La

15

patente est calculée sur la base d’un droit fixe en fonction du chiffre d’affaires, conformément au barème national suivant (loi de finances pour 2003). Le montant du chiffre d’affaires est réduit de 25 % pour la vente des produits pétroliers. Les communes ne maîtrisent donc pas le taux.

Chiffre d’affaires Droit Supérieur à 600 000 000 UM 1 500 000 UM De 300 000 000 à 600 000 000 UM 1 000 000 UM De 150 000 000 à 300 000 000 UM 700 000 UM De 75 000 000 à 150 000 000 UM 450 000 UM De 37 500 000 à 75 000 000 UM 300 000 UM De 6 000 000 à 37 500 000 UM 100 000 UM Inférieur à 6 000 000 UM 50 000 UM

La patente est due dans la commune de localisation du local professionnel, du bureau, de l’installation ou du chantier. Les contribuables doivent transmettre au service des impôts régional au plus tard le 28 février de chaque année la liste des locaux utilisés ou des chantiers en cours avec leur adresse précise. Les chantiers de bâtiment et travaux publics sont déclarés dans la commune de localisation des travaux. Les activités nouvelles doivent être déclarées dans les trois jours suivant leur création au service des impôts. La taxation est effectuée sur la base du montant du chiffre d’affaires estimé par le service des impôts pour l’exercice en cours. Lorsque le montant estimé de la patente est inférieur ou supérieur de plus de 30% au montant exigible sur la base du chiffre d’affaires effectivement réalisé, le service des impôts procède à la mise en recouvrement des droits supplémentaires ou au dégrèvement. Les services fiscaux procèdent chaque année au mois de janvier au recensement des contribuables et préparent les rôles.

Le Maire fixe la date de mise en recouvrement, rend les rôles exécutoires et les remet au Receveur municipal qui les prend en charge et procède au recouvrement. La quittance délivrée par le Receveur municipal doit être présentée à toutes réquisitions des agents des impôts et des agents de police judiciaire. Les contribuables qui ne peuvent justifier de leur contribution sont redevables de l’impôt augmenté d’une amende de 40%.

La patente transporteur s’applique aux véhicules qui assurent le transport des passagers et des marchandises. Les transporteurs paient la patente avec la taxe sur les véhicules à moteur. Le produit de la patente sur le transport intra urbain est versé au budget de la commune d’exercice de l’activité. Le produit de la patente sur le transport interurbain est réparti entre les communes par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’intérieur et des finances.

La patente offre l’exemple le plus caractéristique d’un impôt inadapté aux zones rurales et par voie de conséquence de la nécessité de donner aux communes la possibilité d’opérer des prélèvements de substitution en rapport avec les spécificités de leurs activités économiques. La propension du législateur à agir par mimétisme et par généralisation ne peut, pour ces territoires, apporter une réponse aux besoins financiers des communes concernées. La fiscalité doit s’adapter aux réalités et pouvoir être modulée suivant les catégories de communes. L’exemple de Tichitt mérite sur ce point d’être mentionné. La commune a instauré une taxe sur l’exploitation du sel (impôt au fondement juridique discutable mais pouvant être assimilé à une redevance sur les carrières) et une taxe au sac de dattes. Ces deux initiatives ont permis de suppléer à l’inadaptation de la législation fiscale. Elles comportent

16

toutefois le risque de favoriser le développement de comportement « patrimonialiste » et impliquent par conséquent de prévoir des gardes fous.

Recensée par les services des impôts et recouvrée par le Trésor, la patente soulève pour les collectivités bénéficiaires, et notamment la communauté urbaine de Nouakchott (en 2002, 174 millions d’UM), un problème d’asymétrie d’information. Un souhait des responsables locaux serait de bénéficier d’une plus grande transparence par une meilleure coordination des informations disponibles. En effet, si l’adressage constitue un progrès certain, le répertoire des localisations n’est pas unique et partagé par tous les utilisateurs potentiels, en premier lieu les entreprise d’électricité ou du téléphone. Un système partagé d’adressage rendrait possible les recoupements et faciliterait le recensement des contribuables qui ne semble pas être encore véritablement exhaustif à Nouakchott. Question connexe, si les 8 000 rues environ de la ville sont répertoriées par un numéro, elles ne possèdent pas encore un nom, sauf rares exceptions, essentiellement pour des raisons de susceptibilités politiques et tribales.

Avec un rendement estimé à 77 millions en 2004, la patente interurbaine constitue une ressource non négligeable mais qui souffre à la fois d’une forte asymétrie d’information (les Maires ne disposent pas des moyens de contrôler le montant) et d’un retard chronique de versement. Ainsi, la taxe interurbaine pour 2003 n’a pas encore été reversée aux communes.

2) La taxe communale

La taxe communale est une taxe mensuelle sur les activités exercées sur le territoire de la commune, due par les contribuables non éligibles à la patente. Le recensement fiscal est organisé par le Secrétaire général simultanément avec le recensement de la contribution foncière. Le montant de la taxe est modulé en fonction de la classe et de la catégorie d’imposition de l’activité. Le Conseil municipal fixe le nombre de classes, de catégories, les critères de classification. Les tarifs mensuels sont compris entre 50 et 6 000 UM. Le barème doit garantir une progressivité de l’impôt. Le recouvrement est réalisé au comptant par les agents de la régie des recettes communales. En cas de non-acquittement, le Maire émet un titre de recettes du montant de la taxe majorée de 50% avec la mention « rendu exécutoire en application des dispositions de l’article 227 de l’ordonnance 89-012 », le titre de recette est remis au Receveur municipal pour recouvrement. Le registre des contribuables doit être actualisé en permanence des cessations, créations d’activités, des modifications de classes et de catégories. Les réclamations sont adressées au Maire (articles 559 et 570 nouveaux du CGI) sous forme soit d’une réclamation contentieuse, soit d’un recours gracieux.

Instaurée en remplacement de l’ancien droit fixe de la patente, la taxe communale constitue la ressource fiscale la plus productive en zone urbaine où existe un tissu économique de petites activités commerciales et artisanales. La taxe communale permet ainsi de faire participer le secteur informel accessible au financement des charges communales. Ni le recensement, ni le recouvrement de la taxe communale ne connaissent actuellement de défaillances avérées. Bien au contraire, les montants recouvrés, en augmentation, témoignent de la réussite de la décentralisation de la gestion de la taxe par les communes.

Efforts d’amélioration de la gestion de la taxe communale par les communes de Sebkha et d’Arafat A Sebkha, avec la mise en place de l’adressage et le retour sur le terrain, chaque contribuable est exactement

identifié par une fiche et un numéro individuel. En 2002, le produit encaissé s’est élevé à 11,5 millions UM et à 10,9 millions UM en 2003. En 2005, de l’ordre de 3 000 redevables identifiés, catégorisés et répertoriés seront mis à contribution sur le territoire de la commune (l’organisation du recensement est en avance sur les pratiques actuelles des autres communes). Chaque agent de la régie des recettes communales recevra la liste des noms et

17

les montants à encaisser pour sa zone de compétence et devra recouvrer les sommes notifiées. A Arafat, la progression du recouvrement est continue. En 2002, pour une prévision de 27,8 millions UM, la

réalisation est de 9,6 millions UM. En 2003, la prévision a été ramenée à 21 millions UM, avec un gain de réalisation d’environ 1 million UM pour atteindre 10,5 millions UM. En 2004, la prévision est à nouveau ajustée à la baisse à 14,6 millions UM, illustrant le souci de sincérité des prévisions budgétaires, déjà observé pour la taxe d’habitation. En revanche, sur les 10 premiers mois de l’année, le montant encaissé atteint déjà 16,3 millions UM et devrait approcher les 20 millions UM en année pleine.

La croissance de la taxe communale a été obtenue en 2002 par une incitation offerte aux régisseurs (10 %), en 2003 par la mise en place systématique d’un recensement des contribuables (environ 3 700 boutiques) et en 2004 par le couplage des deux mesures d’incitation et de recensement.

Ainsi, pour les 9 communes de Nouakchott, le recouvrement de la taxe communale s’élève à 111 millions UM en 2002. A titre de comparaison, la patente recouvrée par le Trésor représentait, en 2000, 138 millions UM pour une assiette englobant les contribuables éligibles à la taxe communale actuelle. En 2003, la patente perçue par la communauté urbaine de Nouakchott, donc ne comprenant pas les contribuables assujettis à la taxe communale, s’élève à 159 millions UM. Le produit cumulé de la patente et de la taxe communale devrait ainsi avoisiner 270 millions UM, illustrant l’amélioration indéniable du recouvrement grâce aux efforts conjugués des communes pour la taxe communale et des services des impôts et du Trésor pour la patente.

Le rythme mensuel de paiement de la taxe communale ne constitue pas une charge inutile de recouvrement mais un atout en permettant, d’une part, d’étaler et ainsi faciliter les versements des contribuables les plus modestes et, d’autre part, de s’adapter au nomadisme des activités. Les déplacements au sein de la commune et pour Nouakchott entre communes sont courants. Les contribuables qui n’envisagent pas de bouger paient généralement les 12 mois en une fois et reçoivent en retour les 12 timbres correspondants pour preuve de l’acquittement intégral de la taxe.

Complémentaire de la patente pour les redevables réalisant moins de 3 millions UM de chiffre d’affaires, la taxe communale connaît à Nouakchott quelques problèmes de délimitation de champ avec la patente perçue par la communauté urbaine. Les services des impôts en charge de gérer la contribution pour la CUN seraient parfois incités à faire basculer certains contribuables, en principe assujettis à la taxe communale, sous le régime de la patente.

3) La contribution foncière sur les terrains agricoles

Instituée par l’ordonnance n° 90-04 du 6 février 1990 portant création d’une fiscalité communale, la contribution foncière sur les terrains agricoles affectés à des cultures maraîchères, céréalières, fruitières et florales est une taxe facultative, instituée à l’initiative de la commune, à la charge des exploitants des terrains imposables. Le montant de la contribution est arrêté chaque année par délibération du Conseil municipal dans la limite de 100 UM par hectare. Le recensement et l’établissement de la contribution sont assurés par le Secrétaire général, de droit ou à la demande avec l’accord du Directeur général des impôts. La contribution est acquittée immédiatement lors des opérations de recensement.

En pratique, la contribution n’est quasiment pas utilisée, hormis par Aoueinatt Z'bel et Sélibaby pour un montant symbolique, respectivement 40 000 UM et 1 500 UM en 2002 . En conséquence, les communes rurales du sud agricole du pays se trouvent dans l’incapacité d’exploiter fiscalement leur assise économique. Ainsi, la commune de Boghé dispose d’un périmètre irrigué de 4 500 hectares, potentiel productif d’une taxe de 450 000 UM. A plusieurs reprises, le Maire a écrit au directeur du périmètre pour obtenir le versement, sans

18

succès. A Kaédi, le refus d’acquitter la taxe potentielle (185 000 UM) est justifié par l’absence d’intervention de la commune sur le périmètre et donc par la nécessité pour les producteurs de financer eux-mêmes les travaux de réparation.

Le peu de motivation des communes à prélever la taxe résulte de son tarif plafond particulièrement bas. La difficulté de perception s’explique aussi par l’impossibilité de recouvrer la contribution sur les propriétaires des terrains agricoles qui ne résident pas toujours dans la commune.

4) Les droits de porte et autres taxes

Deux droits de porte au profit des communes ont été institués à titre provisoire par l’article 17 de l’ordonnance n° 87-289 : la taxe sur le tonnage des produits débarqués pour Nouakchott et la taxe sur l’exportation de poissons pour Nouadhibou qui perçoit également une taxe sur le tonnage débarqué de poissons.

Indéniablement productive, la taxe sur le tonnage débarqué possède une assise juridique précaire et suscite une contestation récurrente des importateurs ou encore des bailleurs. Prélevée au port à raison de 200 UM la tonne, la taxe est incorporée dans le prix des biens importés et ainsi, après translation et incidence, acquittée par tous les consommateurs mauritaniens. En revanche, son produit est conservé intégralement par la communauté urbaine et les communes de Nouakchott. La CUN bénéficie de 60% (en 2003, 85,8 millions UM) et les communes de 40%. Ainsi, pour la commune de Sebkha le reversement varie de 200 000 à 700 000 UM par mois. La prévision de 6 millions UM en 2004 a été légèrement revue à la baisse pour 2005 à 5,2 millions UM.

Au plan économique, l’instauration de droits de porte par les collectivités locales sur l’importation et l’exportation de marchandises, assimilables à des « octrois de mer », ne peut que soulever des objections, tant du point de vue de l’efficacité que de l’équité fiscale. Ainsi, la taxation de l’exportation de poissons apparaît quelque peu contradictoire avec le soutien apporté par l’Etat à la filière. Pour la taxe sur le tonnage débarqué, l’incorporation du droit de porte dans les prix de vente des biens importés aboutit à faire financer par l’ensemble des acheteurs du pays la taxe encaissée par la communauté urbaine et les communes de Nouakchott. Si par son rendement et la commodité de son recouvrement (précompté), la taxe sur le tonnage débarqué représente une source de financement significative pour la capitale et sans substitut immédiat à court terme, il serait souhaitable de donner du sens au caractère en principe provisoire du prélèvement en envisageant sa réforme, sinon brutale, du moins progressive.

En outre, l’affermage récent de la taxe sur le tonnage débarqué par la communauté urbaine suscite des interrogations. Après le refus du service des douanes d’en assurer la perception et une première tentative de mise en concession, jugée illégale, la taxe était perçue en régie par un agent communal, représentant le Maire, en charge de l’émission et un agent du Trésor en charge de l’encaissement. La formule ne posait pas de problème de coût d’administration. Le choix de l’affermage, avec un engagement ferme de reversement du fermier, quelque soit le produit effectivement collecté, supérieur ou inférieur, ne répondait pas à une nécessité ; sans même se référer ici à la doctrine qui ne voit pas dans l’affermage des taxes une bonne solution en confiant à une personne privée, ni comptable, ni régisseur, la gestion des deniers publics.

19

La communauté urbaine de Nouakchott utilise la procédure d’affermage, non seulement pour la taxe sur le tonnage débarqué, mais aussi pour le droit d’installation d’enseignes et panneaux publicitaires (2,3 millions UM de réalisation en 2003 pour une prévision de 3 millions UM), le droit d’extraction des matériaux (3,9 millions UM pour 9 millions UM prévus) et le droit de stationnement (0,7 million UM pour 6 millions UM prévus). Le produit du service concédé ou affermé de la signalisation routière, prévu à hauteur de 10 millions UM en 2003, n’a donné lieu à aucun encaissement sur l’exercice. La formule de l’affermage des taxes ou des redevances répond imparfaitement à son objectif d’optimisation des recouvrements, par des reversements souvent relativement modestes à la collectivité, et ne contribue pas à faciliter l’acception des prélèvements par les redevables, bien au contraire. En confiant la perception de contributions publiques à une personne privée, la formule de l’affermage éloigne les citoyens de la commune et brouille fortement la nature exacte des taxes ou redevances demandées. Or, les communes constituent des structures administratives nouvelles qui doivent démontrer leur capacité à améliorer les conditions de vie des populations.

Dans le cas du droit sur la coupure des voies, les difficultés d’identification de la contrepartie du prélèvement (la restauration des chaussées) sont amplifiées par la contestation même de sa légitimité par les opérateurs d’infrastructures publiques, à l’instar de la SOMELEC. Se prévalant d’un régime juridique antérieur à la création des communes, la société nationale dispose d’une autorisation permanente d’occupation de la voirie, d’y pratiquer des coupures et des dépôts pour les besoins de gestion du réseau. Or, les textes initiaux sont contraires aux textes actuels qui attribuent au Maire la délivrance des autorisations de travaux sur la voie publique. Une harmonisation apparaît nécessaire pour sortir de l’imbroglio actuel et apporter une solution cohérente aux contraintes d’intervention multiple des opérateurs publics. Il n’a pas été possible de vérifier si le coût de remise en état des chaussées au frais de l’entreprise était inférieur au droit de coupures des voies demandé par la commune.

Des communes frontalières du fleuve Sénégal perçoivent également des droits de traversée et de passage, soit modestes comme à Boghé (20 UM par colis pour un total de 164 000 UM en fin octobre 2004), soit importants comme à Rosso (avec en 2002 près de 22 millions UM), soit plus du tiers des recettes de la commune qui, par habitant, sont en outre parmi les plus importantes du pays, hors Nouadhibou.

c) Droits domaniaux et redevances

En complément des impôts et taxes, avec parfois un effet d’éviction notamment sur la taxe d’habitation, les droits domaniaux apportent à certaines communes un surcroît significatif de recettes. Les droits de location de souks et le droit d’usage des abattoirs fournissent l’essentiel des produits. En revanche, les droits de place sur les marchés apparaissent en comparaison sensiblement moins productifs.

Les droits domaniaux ne sont pas toujours optimisés par rapport aux conditions du marché. Notamment, les droits de location de souks ne suivent pas systématiquement l’évolution des baux commerciaux. En revanche, quand le Maire s’attache à mieux valoriser le patrimoine de la commune, la progression des recettes peut être spectaculaire, comme l’illustre l’exemple de la commune de Sebkha évoqué plus haut. Le recours systématique à des appels d’offre pour les équipements industriels et commerciaux communaux, non seulement répondrait au principe de transparence, l’une des conditions d’une bonne

20

gouvernance, mais apporterait aux communes des ressources plus importantes et régulièrement actualisées.

Les redevances pour service rendu concernent essentiellement la délivrance d’actes d’état civil. En 2002, La redevance pour enlèvement des ordures ménagères est quasiment inutilisée, à l’exception de la commune d’Arafat, avec un montant recouvré de 2 millions UM. Toutefois, la redevance pour enlèvement des ordures ménagères se développe de plus en plus avec la mise en place et le fonctionnement régulier d’un service de collecte.

Enjeu majeur de la gestion urbaine, l’élimination des déchets illustre la possibilité d’un bon recouvrement des coûts sur les usagers quand un service continu et de qualité égale est fourni. L’antériorité nécessaire de la prestation sur la perception de la redevance doit toutefois être assurée pour convaincre les bénéficiaires de contribuer au financement des charges publiques. En revanche, l’obtention d’un paiement est très difficile quand le contribuable ne perçoit pas la contrepartie immédiate de l’impôt ou de la taxe demandée.

Afin d’évaluer plus exactement le montant de la redevance des ordures ménagères dont le développement est souhaitable, il conviendrait de mieux cerner les coûts de collecte dans un budget annexe.

d) Relations de trésorerie et financières avec l’Etat

L’appréciation portée par les Maires sur les relations financières avec l’Etat varie sensiblement suivant leur nature. Si le principe d’unité de caisse avec le Trésor concentre le plus de critiques, le retour à une gestion par l'Etat de certains impôts locaux est demandé et la poursuite de la montée en puissance du Fonds régional de développement vivement souhaitée.

1) Les relations de trésorerie

Organisée autour d’une unité de caisse, par où transite l’intégralité des opérations budgétaires nationales et locales, et d’un comptable commun relevant du Ministère des finances, la gestion des dépenses et des recettes communales connaît de nombreux dysfonctionnements préjudiciables à la continuité des services ou à la régularité du maniement des deniers publics. Le recours à des régies de recettes ou d’avances atténue certes la rigidité du dispositif mais ne résout pas tous les problèmes.

La première source de difficulté concerne l’indisponibilité temporaire des fonds déposés au Trésor, même si la commune y possède un solde créditeur. Confronté à une insuffisance globale ou locale de liquidité, le Trésorier paie en priorité les salaires des personnels de l’Etat, privant ainsi les communes du moyen de rémunérer ses propres employés. En bloquant le versement des salaires des personnels communaux, le Trésorier favorise une gestion irrégulière des fonds publics en contraignant le Maire à demander au régisseur des recettes communales de ne pas reverser au Trésor les sommes collectées pour pouvoir payer directement ses personnels.

La deuxième source de difficulté provient de la faible disponibilité des comptables et de la mauvaise circulation des informations. Outre les problèmes de communication avec les communes isolées, l’absentéisme des Percepteurs, en poste uniquement un ou deux jours par mois, les conduit à traiter en priorité, voire exclusivement, les questions financières avec le Hakem et par conséquent à délaisser les budgets communaux. Les Maires ne sont pas ainsi informés de l’état des dépenses et des recettes de la commune et notamment des versements

21

reçus par la Trésorerie du chef-lieu. Or, seules les plus grandes communes peuvent disposer d’un service financier apte à suivre les opérations. Le Trésor s’avère également être un mauvais payeur en réglant avec retard les entreprises qui de ce fait ne veulent plus travailler pour la commune. Des délais de paiement de six mois, voire un an sont courants. En outre, dans certains cas, le Receveur municipal ne paraît pas tenir une comptabilité, conformément à ses obligations professionnelles. Le Maire émet des mandats, le Receveur prétend ne pas les avoir reçus. Avec une intensité variable, les relations du Maire avec le comptable du Trésor, qui ne perçoit pas toujours son rôle au service de la commune, constituent une source majeure de dysfonctionnement qui alimente la contestation de l’organisation actuelle par de nombreux élus. S’y ajoute le sentiment d’un traitement inégal des Maires. Rien de surprenant de ce fait si l’équipe de l’Association des Maires de Mauritanie travaille à améliorer les relations avec le Trésor.

Le relèvement par la loi de finances pour 2004 de l’indemnité versée par la commune au Receveur municipal, pouvant atteindre dans les villes 50 000 UM par mois contre 5 000 UM précédemment, soit le double du salaire reçu de l’Etat, sera-t-il suffisant pour re-motiver les comptables ? Sans préjuger de la réponse, une action complémentaire de formation et d’amélioration du cadre de travail des receveurs municipaux semble aussi nécessaire. La formation des receveurs municipaux est faible. Ils n’ont jamais bénéficié de programme de recyclage et connaissent des conditions de travail particulièrement médiocres. En conséquence, le projet de formation en cours de préparation des receveurs municipaux, avec l’appui de la coopération française (un receveur par moughattaa), ainsi que le financement sur remise de dettes de la remise en état des trésoreries (bureau, mobilier, bureautique) devraient progressivement porter ses fruits et ainsi renforcer les capacités de gestion du volet comptable de la décentralisation, comme le projet PADDEM a permis de le faire pour le volet administratif.

Toutefois, le Trésor demeure, en l’état actuel, le maillon faible de la gestion du processus de décentralisation avec un circuit peu fluide, des perceptions mal alimentées, des fonds qui arrivent lentement et en partie faute d’un contrôle des versements effectués réellement aux communes, notamment au titre du Fonds régional de développement.

Enfin, troisième difficulté mainte fois évoquée, les retards chroniques de versements de l’Etat ne favorisent pas la mise en œuvre des projets communaux. Ainsi, les amendes forfaitaires pour 2000 n’ont toujours pas été reversées aux communes. Les Maires sont informés des procès verbaux de police et donc des produits attendus mais sont incapables de les utiliser pour financer la commune.

2) Le retour à une gestion par l’Etat de certains impôts locaux

Sous la pression de l’association des Maires, les communes ont obtenu la possibilité d’encaisser directement certaines taxes. Dans un premier temps, le régisseur communal procède au recouvrement amiable puis, pour les contribuables n’ayant pas acquitté leur cotisation, transmet dans un deuxième temps au Percepteur les titres de recettes nécessaires pour opérer un recouvrement contraint. Un recouvrement direct par la commune est donc possible mais difficile car les autorités locales ne disposent pas de moyens de coercition en n’étant pas certaines de pouvoir disposer de la police municipale. En grande majorité, les Maires jugent indispensable la présence de la police avec l’agent communal de recouvrement. Toutefois, tous les Maires n’adhèrent pas à la formule et certains souhaiteraient ne pas avoir à recourir systématiquement à la police.

22

En outre, la démarche en deux phases demande du temps et ne permet pas de recouvrer la totalité des créances au cours de l’exercice. Le calendrier souhaitable serait au premier trimestre l’établissement de l’assiette, au deuxième trimestre le recouvrement amiable et à partir du troisième trimestre le recouvrement forcé. Avec les moyens adaptés, les communes seraient mieux armées pour assurer la tâche particulièrement difficile, mais déterminante, du recouvrement des impôts et taxes.

Le choix alternatif serait de revenir à un recouvrement par l’Etat, notamment de la contribution foncière ou de la taxe d’habitation. Toutefois, un tel retour en arrière, souhaité par certains critiqué par d’autres, permettrait une amélioration du taux de recouvrement si les agents du Trésor disposaient aussi du temps et des moyens nécessaires pour contraindre les contribuables récalcitrants. Rien n’assure en effet que les médiocres résultats passés, quand l’Etat gérait l’intégralité de la chaîne fiscale, seraient subitement améliorés par la simple alternance du mode de recouvrement. La solution de redonner à l’Etat, détenteur de la puissance publique, la tâche de percevoir les impôts laisserait en outre non résolue la question de la restitution des sommes encaissées.

Contrepartie logique du recouvrement par l’Etat, les communes souhaiteraient bénéficier d’une garantie du Trésor assurant, par exemple par douzième, le reversement intégral des produits des taxes et des impôts votés au budget sur la base des titres émis (sincèrement évalués) et des taux et tarifs fixés par délibération du Conseil municipal.

3) Le Fonds régional de développement

La circulaire n° 001/MIPTP du 24 février 2003 définit les modalités de répartition du Fonds régional de développement (FRD). Situé à 265 millions UM en 2001, le FRD est ces dernières années en forte augmentation : 600 millions UM en 2002, 1 milliard UM en 2003, 1,5 milliard UM en 2004, 2 milliards UM en 2005 et devrait atteindre 3% des recettes de l’Etat à partir de 2006.

Le FRD est partagé entre les communes en fonction de critères de répartition prédéterminés : facteur démographique, taux de pauvreté, gap d’infrastructures, effort de mobilisation des ressources. Après déduction de la fraction réservée au suivi, à l’évaluation et au renforcement des capacités de l’administration (10%), gérée par le ministère de l’intérieur, le FRD est réparti en deux dotations, une dotation de fonctionnement (35%) et une dotation d’équipement (55%). La dotation de fonctionnement est répartie pour 15 % du FDR à part égale entre les communes et pour 20% en proportion de la population communale pondérée par le taux de pauvreté de la wilaya. La dotation d’équipement est répartie entre une part proportionnelle à la population pour 40% du FRD et une part compensatrice du retard d’équipement pour 15%.

L’organisation actuelle du FRD conserve de son origine de dotation d’équipement, répartie entre les wilaya et gérée par les autorités déconcentrées de l’Etat, une affectation majoritaire au financement des investissements locaux. Toutefois, en devenant une ressource attribuée aux communes, le FRD, sans changer de nom, a changé de nature ; évolution que ne semble pas toujours respecter ni le Wali, ni les services déconcentrés de l’Etat qui continuent d’intervenir dans l’utilisation de la dotation.

Les Maires souhaiteraient une clarification du rôle du Fonds, tout d’abord en modifiant son nom en Fonds communal de développement ou en Dotation communale de développement, ensuite en supprimant l’obligation d’affectation et enfin en révisant les

23

modalités de gestion. La part équipement du FDR actuel est trop modeste pour financer des projets, dont en outre les plus importants sont couverts par l’aide internationale. Le nouveau FCD devrait être globalisé et permettre ainsi le financement indistinct des services municipaux. Les Maires ne peuvent pas actuellement compenser par la fraction équipement par exemple le retard de versement par l’Etat de la subvention pour le ramassage des ordures ménagères face au refus du Receveur municipal d’opérer le transfert de crédit. La solution alternative de concentrer sélectivement le volet équipement sur des objectifs et des territoires particuliers, choisis à tour de rôle pour éviter l’éparpillement, ne correspond pas au souhait des Maires.

Graphique 1

Les modalités de gestion suscitent également des réserves. Si la question de la

disponibilité effective des fonds est posée, la notification et le versement trop tardifs des dotations constituent un handicap pour les communes. Si un accord semble exister sur les critères, notamment l’existence d’une fraction forfaitaire favorable aux communes rurales, des doutes existent sur les chiffres utilisés. De même, la référence à la notion de pauvreté conduit à confondre le niveau de revenu des habitants avec la capacité fiscale de la commune, deux indicateurs qui ne se recouvrent pas nécessairement compte tenu des particularités du système fiscal communal. L’élaboration d’un indicateur synthétique de potentiel fiscal des communes pourrait de ce fait se justifier pour répartir plus équitablement la fraction péréquatrice de la dotation.

e) Diversité des ressources des communes

L’exploitation de la base de données constituée par le service des finances locales de la Direction générale des collectivités locales, lors du contrôle des comptes administratifs des chefs-lieux de wilaya et de moughataa, illustre la diversité, voire l’extrême diversité des moyens financiers à la disposition des principales communes du pays. Le traitement porte sur 36 chefs-lieux sur 53, plus la communauté urbaine de Nouakchott. Provenant des comptes administratifs, et non des budgets, les informations retracent la réalité des recouvrements des recettes, et non des prévisions dans la plupart des cas très partiellement exécutées (données individuelles présentées en annexe).

24

En 2002, les recettes propres de fonctionnement des communes de l’échantillon représentent 1,840 milliard UM. Sur ce total, la commune de Nouadhibou perçoit à elle seule 1,017 milliard UM, soit 56%. La communauté urbaine de Nouakchott et les 9 communes bénéficient de recettes cumulées de 620 millions UM, soit 34%. Les deux centres urbains mobilisent ainsi près de 90% des recettes de fonctionnement, hors subventions, de l’échantillon de communes étudiées. D’après l’audit organisationnel plus complet réalisé par la Direction des collectivités locales en 2001, sur l’ensemble des 32 chefs-lieux de moughatta et des 13 wilaya, y compris Nouakchott, la moyenne annuelle des recettes cumulées des communes urbaines s’élevait, de 1997 à 1999, à 1,325 milliard UM, dont 1,1 milliard UM pour les seules communes de Nouakchott et de Nouadhibou (80%). Les communes rurales avaient sur la même période mobilisé en moyenne 40 millions UM. En 2001, le montant total des recettes communales était estimé à 1,652 milliard UM, soit guère plus de 3% des recettes de l’Etat.

1) La situation exceptionnelle de la commune de Nouadhibou

L’exceptionnelle concentration des ressources à Nouadhibou transparaît plus encore rapportée à la population. La commune de Nouadhibou bénéficie de 14 069 UM par habitant, contre 1 112 pour l’agglomération de Nouakchott et, en moyenne, 471 UM pour les autres communes étudiées. Rosso dispose d’un montant de recettes de fonctionnement par habitant supérieur à la capitale (1 264 UM) et Zouératt un peu inférieur (1 021 UM). A l’opposé, certains chefs-lieux apparaissent pratiquement dépourvus de ressources propres par habitant, à l’exemple de Dianoba (20 UM), Wad Amour (20 UM), M’Bonny (24 UM), Soufa (33 UM), Sangrave (39 UM), Néré Walo (UM 52) ou encore Aoueinatt Z'bel (58 UM),

Graphique 2

La commune de Noudadhibou cumule les meilleures performances de recouvrement

des taxes et impôts locaux avec un montant total de 986 millions UM en 2002 : taxes communales (590 millions UM, y compris la taxe sur l’exportation de poissons), patente (183 millions UM), contribution foncière (161 millions UM), taxe sur le tonnage débarqué

25

(48 millions UM). Le rendement de la taxe d’habitation est en revanche modeste avec 4 millions UM. Les recettes non fiscales (redevances, droits domaniaux, amendes, produits de services) fournissent 32 millions UM supplémentaires. L’efficacité de la mobilisation des ressources résulte à la fois de l’existence d’un potentiel économique taxable (pêches, mines), d’une part importante de précomptes (taxe à l’exportation de poissons, taxe sur le tonnage débarqué, volet local de la convention fiscale de la SNIM avec l’Etat) mais aussi d’une organisation efficace du recouvrement (équipes tournantes par quartier) assortie d’incitations pécuniaires. Si des interrogations existent sur l’évolution future de l’activité économique de la ville (volume en baisse des prises de poissons, conséquences de l’ouverture prochaine de la route), Noudhadibou devrait néanmoins conserver une forte capacité de mobilisation fiscale.

2) La situation de l’agglomération de Nouakchott

Le niveau consolidé des ressources propres de l’agglomération de Nouakchott (communauté urbaine plus les 9 communes) atteint 620 millions UM en 2002, soit 61% des recettes équivalentes de la commune de Nouadhibou, pour une population près de 8 fois plus importante. En conséquence, la capitale politique dispose par habitant 13 fois moins de moyens propres que la capitale économique. En revanche, la communauté urbaine a bénéficié en 2003 d’importantes subventions de l’Etat (422 millions UM), hors FDR, notamment pour le ramassage des ordures ménagères. La patente représente 155 millions UM, la taxe sur le tonnage débarqué 137 millions UM, la taxe communale 111 millions UM, la contribution foncière 93 millions UM et la taxe d’habitation 9 millions UM. Aux 505 millions UM de recettes fiscales s’ajoutent 115 millions UM de recettes non fiscales, principalement sous forme de droits domaniaux et assimilés (77 millions UM, dont 37 millions UM de droits de location de souks et 17 millions UM de droits d’usage des abattoirs) et de recettes du service des eaux (22 millions UM). Au rang des droits domaniaux et assimilés, les taxes sujettes à débat, soit par leur mode de recouvrement (affermage), soit par leur attribution à la communauté, représentent des sommes relativement modestes : droit d’extraction de matériaux (3,9 millions UM), droit d’installation d’enseignes et de panneaux (2,3 millions UM), droit de stationnement (700 000 UM) perçus par la communauté urbaine ; droit de coupure des voies de circulation (268 000 UM), droit de dépôt d’objets encombrants (86 000 UM) perçus par les communes.

La communauté urbaine bénéficie des deux tiers des recettes fiscales (contribution foncière, patente et fraction de la taxe sur le tonnage débarqué) et donc les 9 communes d’un tiers (taxe communale, taxe d’habitation et fraction de la taxe sur le tonnage débarqué). En revanche, 87% des recettes non fiscales reviennent aux communes et donc 13% à la communauté urbaine. Rapportées par habitant, les recettes propres de la communauté urbaine représentent 624 UM contre 487 UM en moyenne pour les 9 communes. Contesté par les Maires, le partage des ressources fiscales entre la communauté et les communes mériterait d’être évalué au regard des services rendus par les deux niveaux superposés d’administration de la ville. Le temps attribué à la mission n’a pas permis d’approfondir ce point, même si les informations recueillies suggèrent l’existence d’un déséquilibre au détriment des communes.

3) La situation des autres chefs-lieux de wilaya et de moughataa

Les 26 autres chefs lieux de l’échantillon mobilisent un montant cumulé des ressources propres de fonctionnement, hors subventions, de 202 millions UM sous forme de recettes fiscales (116 millions UM) et non fiscales (86 millions UM). La taxe communale constitue la recette relativement la plus productive (46 millions UM), suivies de la contribution foncière (32 millions UM) et de la taxe d’habitation (11 millions UM). La

26

contribution foncière sur les terrains agricoles apporte la somme symbolique de 41 500 UM en 2002, la contribution communale 753 300 UM, la taxe sur le bétail 234 700 UM. Classés en autres droits domaniaux et assimilés, les droits de traversée perçus par la commune de Rosso atteignent un montant autrement plus significatif, avec un produit de 25 millions UM en 2002.

Rapportées par habitant, les ressources propres des centres urbains secondaires sont pratiquement équivalentes aux recettes des 9 communes de Nouakchott, hors communauté urbaine, avec un montant moyen de 465 UM contre 487 UM pour les communes de la capitale. Les structures des produits de fonctionnement sont également proches : les recettes fiscales représentent respectivement 267 UM et 307 UM par habitant et les recettes non fiscales 198 UM et 180 UM par habitant. Autre caractéristique partagée, les inégalités de ressources entre les communes de la capitale comme entre les autres chefs-lieux atteignent des proportions importantes : respectivement 1 169 UM à Tevragh Zeina contre 209 UM à Dar Naim ; 1 264 UM à Rosso contre 20 UM à Dianoba.

Dans tous les cas, la faiblesse de recettes de services et des redevances concrétise la modestie des prestations communales individualisées dont les coûts sont susceptibles d’être recouvrés sur les bénéficiaires. Le développement des redevances pour l’enlèvement des ordures ménagères devrait toutefois favoriser la progression, absolue et relative, des rémunérations pour service rendu dans les années à venir.

Pour la taxe d’habitation, l’impôt à la fois le plus contesté et le moins bien recouvré, la performance des centres urbains secondaires est apparemment supérieure à celle des 9 communes de la capitale avec un produit de 25 UM par habitant, contre 17 UM. En fait, l’efficacité toute relative du recouvrement de la taxe d’habitation dans les autres chefs-lieux est biaisée par le résultat de la commune de Zouérat qui avec 198 UM par habitant obtient de très loin le meilleur rendement de toutes les communes étudiées grâce au précompte de la taxe par la SNIM. En revanche, avec un recouvrement direct, les autres chefs-lieux réalisent en moyenne une performance inférieure à celle des communes de la capitale, avec 10 UM contre 17 UM, c’est-à-dire dans les deux cas guère plus que symbolique.

Le recouvrement de la contribution foncière présente des caractéristiques similaires. Si à nouveau la formule du précompte permet à la commune de Nouadhibou et à la communauté urbaine de Nouakchott d’obtenir des rentrées fiscales non négligeables, respectivement 161 millions et 93 millions UM en 2002, le recouvrement direct s’avère décevant face au rejet de l’impôt par la plupart des contribuables mais aussi en raison de certaines défaillances de l’organisation des émissions, souvent trop tardives, mal adressées ou fondées sur des valeurs locatives surévaluées. Toutefois, certaines communes obtiennent des rentrées non négligeables, démontrant ainsi leur capacité à organiser plus efficacement le recensement et le recouvrement. En outre, si l’implication directe des communes dans la gestion de la contribution n’a pas porté immédiatement ses fruits, une amélioration progressive de la gestion de l’impôt est observable et une nouvelle progression des recouvrements en 2004 semble probable.

Néanmoins, les perspectives de croissance des taxes sur la propriété et l’habitation restent limitées en raison, non seulement des difficultés d’administration des émissions, mais aussi de la conception même de la fiscalité foncière et résidentielle. En effet, la multiplicité des prélèvements locaux et nationaux, loin de favoriser la croissance des rendements cumulés, constitue au contraire un facteur de baisse des recouvrements en donnant aux contribuables un prétexte à refuser d’acquitter chaque impôt par leur redondance même, en particulier pour les

27

propriétaires occupants assujettis à la contribution foncière et à la taxe d’habitation, mais aussi pour les propriétaires bailleurs qui acquittent l’impôt sur les revenus fonciers. En conséquence, sans réforme de la fiscalité foncière et résidentielle, les budgets locaux continueront de dépendre essentiellement des impôts, taxes et droits sur les activités économiques à 83% pour la commune de Nouadhibou, à 78% pour la communauté urbaine et les communes de Nouakchott et à 75% pour les autres chefs-lieux étudiés. La proportion des recettes liées à l’activité économique n’influence pas significativement le niveau par habitant des ressources propres en dessous de 50%. Au-dessus, le montant par habitant progresse tendanciellement avec l’accroissement de la part liée à l’activité économique.

Graphique 3

Graphique 4

28

2. Stratégie de renforcement de la capacité de mobilisation fiscale des communes

Les propositions et recommandations de réforme de la fiscalité communale développées ci-dessous s’appuient sur le diagnostic, largement partagé même s’il n’est pas unanime, dégagé des nombreuses rencontres avec les Maires, les cadres communaux et de l’Etat en relations avec les communes. Après une formulation des orientations générales, les solutions proposées sont détaillées par mode de financement, non seulement fiscal mais aussi par transfert. Un approfondissement de la décentralisation n’est pas en effet envisageable sans une combinaison de plusieurs sources complémentaires de recettes, internes et externes, définitives ou temporaires.

a) Orientations générales

Un renforcement de la capacité de mobilisation fiscale des communes suppose une stratégie globale fondée sur trois principaux leviers d’action.

Tout d’abord, le contexte économique et social du pays et la distribution territoriale des activités et des revenus doivent être intégrés dans les projets de réforme du système fiscal local. Une prise en compte explicite des disparités territoriales est en effet indispensable pour cerner le potentiel taxable propre à chaque collectivité qui, par nature localisé, diffère inéluctablement d’un territoire à l’autre. Une spécialisation spatiale du régime fiscal local apparaît souhaitable pour éviter d’attribuer des sources d’imposition manifestement inadaptées aux réalités économiques de certaines communes, ou d’entretenir la fiction d’un régime fiscal unique adaptable à toutes les zones du pays.

Ensuite, les obstacles au consentement à l’impôt doivent être progressivement levés. La priorité en la matière est de rendre visible et réel pour les contribuables l’existence de contreparties sous forme de services publics locaux, en outre réguliers et non épisodiques. Les communes ne peuvent pas durablement mobiliser des ressources si les sommes prélevées ne possèdent pas des retombées tangibles pour les usagers-contribuables et n’apparaissent ainsi qu’uniquement destinées à entretenir une administration locale tributaire. En conséquence, les services doivent précéder les impôts pour convaincre les contribuables à consentir ensuite au financement des charges communales.

Un « préfinancement » des activités municipales est donc nécessaire sous forme de subventions et de dotations de l’Etat pour amorcer le processus. Il ne s’agit pas de concevoir les transferts nationaux dans une perspective d’assistance et de déresponsabilisation des communes, qui serait contraire à l’objectif même de renforcement des capacités locales de mobilisation des ressources. Les transferts doivent être incitatifs et récompenser les efforts de collecte des ressources propres mais aussi les bonnes pratiques de gestion des services publics communaux. L’intensité de la transformation de la dépense publique en services collectifs à la population ou aux entreprises doit être le critère de répartition dominant pour éviter la déperdition des transferts dans le financement de la seule administration de la commune pour elle-même.

En complément, le consentement à l’impôt doit aussi être renforcé par l’élimination, ou le regroupement d’une multitude de taxes qui contribuent à encombrer le paysage fiscal local et servent à justifier l’incivisme des contribuables à partir précisément de l’absence de

29

contreparties ou encore du mode de collecte par affermage. La réduction de la gamme pléthorique de taxes ne doit pas se limiter aux seules taxes communales mais intégrer aussi, si nécessaire, les prélèvements de l’Etat pour obtenir des rendements croissants dans la collecte globale des impôts. Il convient aussi d’envisager le renforcement des moyens de coercition dont les communes sont actuellement pratiquement démunies.

Enfin, la coordination des actions et des acteurs publics doit être sensiblement renforcée. Les finances communales ne constituent pas des îlots isolés au sein des finances publiques mais au contraire des cellules d’une organisation globale. Les recommandations suivantes ne se situent nullement dans une perspective de remise en cause radicale de l’organisation des finances publiques en Mauritanie. Affranchir totalement les finances communales des finances de l’Etat serait incompatible avec la prégnance actuelle de la tutelle administrative et financière. Le renforcement des capacités de gestion publique du pays semble au contraire devoir être recherché dans une meilleure coordination des administrations déconcentrées et décentralisées. Le principe d’unité de caisse de l’Etat et des communes et par voie de conséquence l’existence d’un comptable commun placé sous l’autorité hiérarchique du Directeur du Trésor et de la comptabilité publique ne sont pas remis en cause au profit d’une autonomisation financière complète des communes.

En revanche, une révision des « termes du contrat » semble nécessaire pour améliorer la gestion actuelle des fonds publics. De même, si une décentralisation significative de l’émission et du recouvrement des impôts a été amorcée depuis les lois de finances pour 2001 et 2002, le rôle de la Direction générale des impôts dans la gestion de certains impôts locaux doit être préservé pour permettre une complémentarité des actions de prélèvement de l’Etat et des communes. Toute réforme des impôts locaux doit être aussi appréciée au regard de ses incidences sur les impôts de l’Etat.

Les propositions suivantes se démarquent de certains des choix opérés à la fin des années quatre-vingt et à l’origine de l’organisation actuelle des taxes et impôts locaux.

Les trois principes retenus par la commission technique sur les ressources municipales et le financement des communes (décembre 1988)

1) Le financement des budgets communaux ne peut s’effectuer au détriment de celui de l’Etat ; La fiscalité locale ne doit se greffer ou empiéter sur la fiscalité d’Etat. En contrepartie l’Etat doit s’abstenir

d’accorder des exonérations d’impôts locaux, 2) Le champ d’application de la fiscalité locale doit être autonome et parfaitement défini par le CGI La fiscalité locale ne peut comporter d’impôts et taxes assis sur les revenus, des impôts et taxes assis sur la

consommation des entreprises ou des ménages (exemple droits de porte, taxes de stationnement qui s’apparentent à des péages). La fiscalité locale doit avoir un rapport direct avec les biens possédés et les activités exercées par les personnes résidant dans le ressort territorial de chaque commune.

Les impôts et taxes actuels (patente, impôt foncier, taxe d’habitation) répondent bien à la philosophie des principes directeurs énoncés ; champ autonome et bien défini qui devrait permettre d’assurer des ressources sûres et importantes aux communes sans qu’il soit besoin de recourir à une prolifération de taxes communales faisant double emploi avec les impôts d’Etat et les impôts locaux eux mêmes. Toutefois, les impôts et taxes existants sont souvent mal assis et présentent un taux de recouvrement extrêmement faible, d’où le troisième principe.

3) La fiscalité locale doit, par ses procédures d’assiette et de recouvrement, associer le plus étroitement possible les élus communaux.

En conséquence, les communes ne pourront bien entendu plus continuer à percevoir ou à créer des taxes à caractère fiscal non prévues par le CGI. Afin d’éviter un détournement par le biais de la création de redevances pour service rendu, en fait des taxes à caractère fiscal, les définitions de redevance pour service rendu, d'amendes de police et de produit domanial devront être précisées et, à l’occasion de l’approbation des projets de budgets communaux, les sources de recettes correspondantes faire l’objet d’un strict contrôle de droit et de fait.

Un renforcement de la complémentarité des procédures d’émission et de recouvrement des impôts nationaux et locaux doit être recherché quand la proximité des assiettes l’autorise

30

par l’instauration, au prix d’une réforme fiscale, d’impôts partagés. De même, il apparaît souhaitable de transformer certains impôts directs locaux en taxes indirectes sur les produits et d’en confier le recouvrement à l’administration fiscale de l’Etat ou aux entreprises nationales. Le but est de réduire le coût d’administration de l’impôt local par un regroupement des tâches et d’en améliorer le rendement par une procédure de recouvrement plus contraignante, du type « précompté », peu propice à l’évasion, à la fraude ou au refus de payer.

Pour nombre de contributions locales, le coût de recensement, de liquidation et de recouvrement apparaît disproportionné par rapport aux maigres produits recueillis. Des économies d’échelle dans l’organisation du système fiscal national et local doivent être recherchées même si pour cela l’autonomie fiscale locale doit être réduite. La possibilité de gérer directement l’impôt, attribut théorique de l’autonomie, perd beaucoup de sens quand les produits espérés en retour ne sont pas au rendez-vous et ne peuvent pas raisonnablement l’être au prix d’une amélioration des procédures de gestion. Naturellement, un prélèvement par l’administration fiscale ou les entreprises nationales de taxes locales doit être assorti de garanties de restitution intégrale et suivant un calendrier prédéterminé des sommes collectées. L’attrait pour la formule du prélèvement direct par rapport à la délégation de gestion n’est pas naturellement étrangère à l’asymétrie d’information induite par une telle procédure pour les communes. Une formule moins efficace et plus coûteuse risque ainsi d’être choisie par manque de confiance des responsables locaux dans les informations fournies par les collecteurs nationaux.

b) Propositions de réforme de la fiscalité communale

Au regard des principes généraux dégagés, des entretiens avec les personnes rencontrées et du diagnostic de l’organisation du système fiscal local, les réformes suivantes pourraient favoriser une amélioration significative des ressources communales :

- création d’un impôt foncier synthétique et libératoire, partagé entre l’Etat et les communes,

- création d’une taxe communale sur l’électricité en remplacement de la taxe d’habitation,

- réforme du barème de la patente,

- instauration d’un impôt national sur le bétail et d’un impôt national sur l’agriculture rétrocédés aux communes,

- compensation des exonérations d’impôts locaux accordés par l’Etat.

1) Création d’un impôt foncier synthétique partagé

Actuellement, la commune n’est pas seule à disposer de l’assiette foncière assise sur la valeur locative des locaux, soit déclarée par le contribuable, soit évaluée par l’administration. Sept prélèvements cumulatifs sont opérés, notamment le droit d’enregistrement au taux de 1% (domaine), la contribution foncière, la taxe d’habitation et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (communauté et commune), l’impôt sur le revenu foncier (Etat). Le propriétaire prend en charge la totalité des taxes. Les contrats de location sont libellés hors taxes.

31

Etat du marché locatif à Nouakchott D’importants investissements ont été réalisés dans l’immobilier, considéré comme une valeur patrimoniale

refuge contre la dépréciation monétaire. Le développement de l’investissement immobilier a été favorisé par la distribution de terrains, d’où une forte offre qui induit un faible niveau des loyers malgré un regain actuel de la demande lié à l’arrivée de coopérants internationaux. Le rendement nominal du capital immobilier se situe au voisinage de 4 à 5 % et le rendement réel autour de 3 %.

L’accumulation des prélèvements donne l’impression au propriétaire d’une pression fiscale plus lourde qu’en réalité, qui pénalise en retour la commune incapable pratiquement de recouvrer la taxe d’habitation ou de ne recouvrer qu’une une faible proportion la contribution foncière. S’y ajoutent les paiements de l’eau et de l’électricité. Les difficultés de gestion de la contribution foncière résultent de l’impossibilité de saisir les maisons des contribuables récalcitrants ou d’expulser les occupants. Les sociétés de location, soumises à l’impôt sur les bénéfices réels, précomptent la contribution foncière avec l’impôt sur le revenu foncier (IRF 6% + enregistrement 1% + CF 7 % = 14 %).

La proposition de réforme présente deux caractéristiques principales. Tout d’abord, dans le cadre d’un impôt foncier unique, deux régimes de taxation de la propriété sont distingués, l’un pour les propriétaires bailleurs, l’autre pour les propriétaires occupants. Ensuite, pour réduire le coût de gestion et améliorer le recouvrement, les autres prélèvements sur la propriété immobilière sont supprimés, non seulement au niveau communal mais aussi le cas échéant national. La réforme proposée s’inscrit dans un réaménagement d’ensemble de la fiscalité foncière et non de la seule contribution communale pour s’ajuster à la mentalité des redevables, à l’inefficacité de la menace de saisie et, par le regroupement des prélèvements multiples antérieurs, éliminer la fausse impression d’accumulation de la pression fiscale.

a) Propriétaires bailleurs

Pour les propriétaires bailleurs, il est proposé d’instituer un impôt synthétique partagé et libératoire sur les revenus fonciers :

- Synthétique, par regroupement en un impôt unique des impôts antérieurs au taux global de 14 % sur le revenu locatif effectif,

- Partagé, comme suit entre les collectivités publiques :

- Etat : 3 % (actuellement 6 % pour un encaissement d’environ 300 millions) - Domaine : 1 % - Tourisme : 1 % - Commune 9%

- dont pour Nouakchott : - communauté urbaine 5 % - commune 4 %

- Libératoire, en exonérant le revenu taxé du propriétaire bailleur des autres prélèvements, soit au titre de l’impôt général sur le revenu, soit des droits d’enregistrement, soit de la taxe d’habitation qui est supprimée.

Pour le champ d’application, l’établissement du revenu imposable, l’obligation des redevables et le contrôle des déclarations, les dispositions des articles 52, 53, 56 et 57 du code général des impôts (CGI) au titre de l’impôt sur les revenus fonciers continuent de s’appliquer.

32

En revanche, pour assurer la territorialité du prélèvement, l’impôt doit être établi au lieu d’implantation de chaque propriété louée et non à la résidence principale du propriétaire bailleur en cas de propriétés multiples situées dans des communes différentes (modification de l’article 54 du CGI). De même, le premier alinéa de l’article 55 du CGI doit être modifié pour tenir compte du changement de taux d’imposition.

L’impôt synthétique sur le revenu foncier constitue un impôt partagé entre l’Etat et les communes, appliqué à une assiette unique, évaluée à partir des contrats de location notariés (procédure déclarative à partir des valeurs de marché et non plus administrative à partir de barèmes forfaitaires), localisée pour ristourner à chaque commune le produit effectivement perçu sur son territoire.

L’impôt est géré par l’Etat par précompte quand la solution est applicable. S’y appliquent les moyens coercitifs dont seul dispose le pouvoir central et que ne possèdent pas les communes. Une mise en œuvre progressive apparaît souhaitable, obligatoirement pour les propriétaires bailleurs vérifiables, en option pour les autres. L’avantage de la solution d’un impôt synthétique partagé est de rendre possible une action conjuguée de l’Etat et de la commune. Certes pour l’Etat enjeu est relativement modeste. Pour les communes, il est nettement plus important. L’impôt unique devrait permettre des économies de moyens en comparaison du coûteux système actuel de recensement annuel et de recouvrement, à la performance médiocre. Les communes doivent cependant conserver la possibilité de contrôler l’assiette et le recouvrement pour réduire l’asymétrie d’information liée à la gestion par l’administration fiscale nationale.

b) Propriétaires occupants

Pour les propriétaires occupants, il est proposé de maintenir, avec quelques aménagements, le régime de la contribution foncière sur les propriétés bâties prévue aux articles 427 à 435 du code général des impôts, renommée impôt foncier synthétique. A la différence du prélèvement équivalent sur les propriétaires bailleurs, l’impôt foncier synthétique sur les propriétaires occupants est affecté en totalité aux communes, ou pour Nouakchott à la communauté urbaine. La plage de choix du taux d’imposition par le conseil municipal demeure inchangée, entre 3 et 10% (article 432), ainsi que les modalités d’évaluation de la valeur locative brute et de la valeur locative nette par la commission fiscale communale (article 430).

Pour prévenir un risque de surévaluation des valeurs locatives, et donc éviter de gonfler artificiellement les émissions, ou au contraire de sous-évaluation et donc de minoration, il serait souhaitable de procéder systématiquement à des comparaisons entre locaux équivalents, soit occupés par leur propriétaire, soit loués et donc soumis à l’impôt synthétique libératoire sur les revenus fonciers ; le contrat de location prévalant sur l’évaluation administrative. De même, il serait souhaitable de prévoir plus clairement deux étapes dans la procédure d’évaluation : un recensement périodique des propriétés puis une actualisation annuelle des bases pour éviter notamment de recommencer chaque année le recensement et l’actualisation des valeurs locatives.

Pour les propriétaires occupants, l’impôt foncier synthétique est également unique dans la mesure où il est proposé de supprimer la taxe d’habitation.

Pour éviter toute ambiguïté dans la mise en œuvre du recensement des propriétés, il est proposé de confier systématiquement à la commission fiscale communale, prévue au 3ième

33

alinéa de l’article 430 du CGI, l’établissement des bases d’imposition, dans les conditions définies par les deux premiers alinéas du même article. Pour les communes disposant d’un service des impôts, l’émission des rôles ne doit plus être optionnelle comme actuellement mais de droit, à l’instar des communes dépourvues. La généralisation de la procédure de gestion de la contribution foncière directement par la commune n’implique pas la mise à l’écart du service des impôts dont le représentant est membre et secrétaire de droit de la commission fiscale communale. En confiant la totalité des tâches de recensement et d’évaluation des valeurs locatives à la commune, la proposition entérine la pratique actuelle (de droit ou de fait) et lève les ambiguïtés constatées sur le terrain sur l’initiative des émissions, à l’origine de retards parfois importants dans la mise en œuvre du recouvrement.

Pour éviter des doublons lors de l’émission des rôles, il convient d’organiser une circulation fiable de l’information entre le service du matériel et du logement en charge de collecter l’impôt foncier précompté sur les logements conventionnés et la commission fiscale communale.

De même, la date de mise en recouvrement ne doit plus être fixée librement par le Maire mais par le code général des impôts, au plus tard au 30 juin, pour donner aux services déconcentrés du Trésor le temps de procéder au recouvrement. En complément, un renforcement des moyens matériels et humains des trésoreries et perceptions apparaît également indispensable. Qualifié de maillon faible du processus de décentralisation, le Receveur municipal, dans sa double fonction de comptable et de percepteur de la commune, n’a pas bénéficié d’un appui équivalent à celui reçu par l’ordonnateur, ni en équipements, ni en formation. Si la révision par la loi de finances pour 2004 de l’indemnité de gestion versée par la commune modifie très sensiblement son niveau de rémunération, encore convient-il de s’assurer que les moyens complémentaires d’accompagnement seront présents pour permettre au Receveur municipal d’assumer pleinement ses fonctions au service de la commune et non comme trop souvent aujourd’hui de les délaisser. Un programme d’appui aux services déconcentrés du Trésor doit être rapidement mis en place pour permettre au processus de décentralisation de se dérouler dans le cadre de l’organisation actuelle d’une gestion commune des fonds publics et d’une unité de caisse avec l’Etat. Sinon un risque de blocage existe. La revendication des élus de pouvoir gérer directement les ressources communales en dehors du réseau du Trésor ne manquerait pas alors de s’amplifier.

Le mauvais recouvrement actuel de la contribution foncière, hors formule de précompte utilisable uniquement pour certains propriétaires bailleurs, traduit l’absence de crédibilité des menaces de sanctions fiscales (article 478), voire pénales (article 479) prévues par le code général des impôts. Dans ces conditions, il serait souhaitable d’étudier la possibilité, en cas de non-paiement de la contribution foncière, de permettre au Trésor de prendre une hypothèque sur la propriété. En cas de vente, le propriétaire serait alors dans l’obligation de se libérer de sa dette fiscale pour lever l’hypothèque.

Le recouvrement de l’impôt foncier synthétique doit être assorti d’une garantie explicite de reversement intégral des sommes collectées aux communes. En fonction de l’évolution de la situation des finances publiques, il pourrait être envisagé de garantir le versement des cotisations émises, et non seulement recouvrées, (voire de la patente) aux communes, sous réserve de la sincérité des émissions, d’une amélioration de la perception et naturellement de la capacité du Trésor à en assumer durablement le préfinancement.

34

2) Remplacement de la taxe d’habitation par une taxe communale sur l’électricité

De tous les impôts locaux, la taxe d’habitation est de loin la moins productive. Malgré le développement de l’adressage et l’amélioration de l’identification des contribuables, donc les efforts de gestion des communes pour mieux cerner la matière imposable, le recouvrement ne progresse pas, sauf à l’occasion d’opérations ponctuelles « d’harcèlement » des redevables, par nature non reproductibles durablement. En conséquence, les perspectives à court ou moyen terme d’amélioration du consentement des habitants à payer la taxe d’habitation ne répondent pas au besoin de mobilisation fiscale des communes qui notamment ne disposent pas de ressources domaniales alternatives. En conséquence, la taxe d’habitation doit être supprimée et remplacée par une taxe communale sur l’électricité.

Le choix d’une taxe communale sur l’électricité répond à deux objectifs, tout d’abord de rendement, ensuite de justice fiscale.

En incorporant dans la facture d’électricité basse tension une taxe communale, le caractère précompté du prélèvement supprime les difficultés de recouvrement observées pour la taxe d’habitation. La modification du régime fiscal entraîne un changement de nature de l’impôt local qui de direct devient indirect. Certes, l’incorporation d’un élément additionnel de fiscalité induira mécaniquement une hausse des factures d’électricité et une distorsion de prix. Toutefois, l’effet négatif de la hausse du prix sur la consommation devrait être faible, voire négligeable. De même, l’alourdissement des factures, à condition de rester dans une marge raisonnable, ne devrait pas augmenter le taux d’impayés et donc les difficultés d’encaissement de la SOMELEC.

Les contributions de la SOMELEC à la perception des taxes et redevances L’expérience précédente d’incorporation de la redevance de télévision dans le prix de l’électricité a échoué.

La formule a été abandonnée au bout d’un an ; les usagers déduisant la redevance de la facture en y voyant une hausse déguisée des tarifs. En revanche, l’existence d’une TVA sur les consommations ne soulève pas de difficultés particulières. Néanmoins des précautions devraient être prises en cas d’instauration d’une taxe communale pour éviter une augmentation trop sensible des prix, dans un contexte en outre peu favorable avec la forte hausse du prix du baril, non répercuté actuellement dans les tarifs.

La taxe communale sur l’électricité s’appliquerait au tarif basse tension (BT) et donc frapperait aussi les boutiques. Sur la base du système actuel d’identification des abonnés, la SOMELEC n’a pas la possibilité d’isoler les seules habitations. Le reversement porterait sur les factures recouvrées et non émises (comme l’Etat l’exige pour la TVA). Le taux de recouvrement est de l’ordre de 75 %.

La SOMELEC perçoit une redevance pour l’éclairage public (0,72 UM par Kwh). En contrepartie, l’entreprise fournit l’électricité et la maintenance. La redevance perçue est déduite de la dépense réalisée et le solde facturé à l’Etat et aux communes suivant les cas.

Pour compenser un éventuel surcoût de gestion, il pourrait être envisagé d’accorder une ristourne à la société sur les montants reversés. Des garanties de reversement devront symétriquement être données aux communes. En effet, en confiant la perception de la taxe communale à la SOMELEC, les communes s’exposent à un double risque, d’une part d’asymétrie d’information sur les sommes collectées et, d’autre part, de non-reversement intégral des produits après déduction de la ristourne éventuelle accordée à l’entreprise. Les risques sont identiques à ceux rencontrés dans les relations financières avec l’Etat. Toutefois, si l’incertitude actuelle, en principe exclue par les textes mais présente dans les faits, sur les droits des partenaires publics ou privés n’est pas éliminée, la volonté d’amélioration de la capacité de mobilisation fiscale des communes risque de demeurer un vœu pieux.

Une taxe communale sur l’électricité répond aussi à un objectif de justice fiscale. La consommation électrique est en effet, du moins pour une grande partie de la distribution des

35

revenus, assez étroitement corrélée avec les ressources des familles. Certes, la relation ne s’applique pas aux ménages à hauts et très hauts revenus pour qui les dépenses d’énergie électrique représentent une proportion décroissante, malgré une plus forte consommation (notamment de climatisation). Néanmoins, la taxe communale sur l’électricité devrait être grosso modo proportionnelle aux revenus. Les familles les plus modestes habitant dans des logements non raccordés au réseau seraient de facto exonérées.

Toutefois, l’équité relative de la taxe dépend de son mode de calcul. Trois solutions sont envisageables : une taxe forfaitaire, une taxe proportionnelle aux dépenses de consommation électrique hors taxes, un tarif binôme, pour partie forfaitaire, pour partie proportionnelle. La solution la plus satisfaisante consisterait à appliquer une taxation proportionnelle, donc à fixer un taux en proportion des dépenses hors taxes, soit uniforme pour toutes les communes, soit modulable dans un tunnel en taux défini par la loi. Toutefois, dans ce dernier cas, le taux choisi serait probablement dans la plupart des cas, sinon tous, le taux plafond.

La formule du tarif forfaitaire ne paraît pas souhaitable car elle induirait un profil dégressif du prélèvement pour les revenus faibles et moyens et non seulement pour les seuls hauts revenus. Naturellement pour une question d’économies de gestion, la solution qui consisterait à incorporer dans les factures électriques, la taxe d’habitation actuelle fixée par les communes sur la base des barèmes votés et des classements des logements par catégories, alourdirait considérablement les coûts d’administration. Une telle formule imposerait, d’une part, la poursuite du recensement actuel des contribuables à la taxe d’habitation par les communes et donc de jure le maintien de l’impôt, et, d’autre part, à la SOMELEC un appariement compliqué de données dans la mesure où les systèmes d’adressage ne sont pas identiques.

La proposition est donc d’instaurer en remplacement de la taxe d’habitation, une taxe communale sur l’électricité à taux unique (formule la plus commode) sur les dépenses hors taxes de consommation électrique basse tension. Pour éviter, une hausse trop brutale du prix, la nouvelle taxe communale pourrait être introduite graduellement, par exemple en deux ou trois étapes. Un contrat entre la SOMELEC et les communes (individuellement ou collectivement suivant une formule à définir) fixerait les conditions d’information et de reversement (par exemple trimestriel ou semestriel) des sommes prélevées en contrepartie d’une ristourne accordée à la société pour compenser les frais additionnels de gestion induits par la perception de la taxe.

Sur la base des informations partielles recueillies au cours de la mission, une simulation très grossière des caractéristiques d’une possible taxe communale sur l’électricité a été réalisée. Les données utilisées concernent, d’une part, le chiffre d’affaires hors taxes des centres de distribution du pays, à la fois basse tension, qui serait seule concernée, mais aussi moyenne tension qui serait exclue du champ de la taxe, et, d’autre part, les prévisions de rendement de taxe d’habitation des communes, qui ne sont actuellement réalisées en moyenne qu’à 2 ou 3%. A l’évidence, ni l’évaluation de l’assiette (il conviendrait de déduire la moyenne tension), ni le montant attendu de la taxe en substitution de la taxe d’habitation (souvent sous évalué en raison du très mauvais recouvrement) ne sont satisfaisants. En conséquence, si le projet devait être poursuivi, une simulation plus précise et plus détaillée serait nécessaire pour définir le taux d’imposition. Sous réserve des données utilisées, une taxe au taux maximum de 2% sur les dépenses de consommation hors taxes pourrait être envisagée. Le produit brut atteindrait environ 140 millions UM, compte tenu du taux de recouvrement des factures d’électricité. Rappelons, que le produit recouvré de taxe

36

d’habitation en 2002 représentait 24 millions UM et, après déduction des précomptes pour Nouadhibou et Zouératt, seulement 13 millions pour les autres communes étudiées.

3) Réforme du barème de la patente

Le rendement de la patente ne correspond pas au potentiel économique taxable, notamment des deux centres urbains de Nouakchott et de Nouadhibou. Les médiocres performances de l’impôt ne résultent pas uniquement d’une défaillance du recouvrement, à l’instar de la contribution foncière et de la taxe d’habitation, mais aussi de la conception du barème d’imposition en vigueur.

La réforme de 2001, d’une part, a supprimé le droit proportionnel sur les immobilisations, terrains et outillage fixe dans le but de favoriser l’investissement des entreprises et, d’autre part, a modifié le droit fixe par tranche de chiffres d’affaires pour préserver le rendement de l’impôt. Toutefois, le choix d’aménager le barème sur la base d’un produit constant de la patente n’était pas le plus judicieux pour deux raisons. D’une part, la formule entérinait les pertes de rendement de l’impôt accumulées par le passé du fait de la sous-évaluation du droit proportionnel et de la non révision du droit fixe depuis 1982. La patente de ce fait n’avait suivi ni le développement de l’économie, ni la hausse générale des prix et ainsi perdu une grande partie de son pouvoir d’achat. D’autre part, pour répondre aux besoins de financement des communes, la réforme aurait dû explicitement s’inscrire dans une perspective de croissance du produit.

Graphique 5

En outre, en faisant reposer uniquement l’impôt sur un droit fixe par tranche de chiffre

d’affaires, la réforme de 2001 a sous-estimé les implications du barème sur le profil de l’effort fiscal demandé aux contribuables. En effet, un barème par tranche produit inévitablement des effets de seuil lors du passage d’une tranche à l’autre et risque d’induire, si le droit fixe n’est pas correctement ajusté, des inégalités de taxation entre catégories de contribuables non justifiées par des différences de capacités contributives. Le graphique 5 illustre le profil en dents de scie (effets de seuil) et globalement dégressif du barème actuel.

37

Un contribuable est éligible à la patente à partir de 3 millions UM de chiffre d’affaires Le droit fixe est alors de 50 000 UM, soit un prélèvement réel de 1,67 % sur son chiffre d’affaires. S’il ne change pas de tranche mais atteint le plafond (6 millions), le droit restant inchangé, l’effort demandé n’est plus que de 0,83%. En revanche, s’il passe dans la tranche suivante (de 6 à 35 millions UM), le droit fixe s’élève à 100 000 UM et l’effort fiscal bondit brutalement à 1,67% pour diminuer jusqu’à 0,27% lorsqu’il atteint à nouveau le plafond. Le profil en dents de scie mais tendanciellement décroissant du taux d’effort se poursuit de tranche en tranche. Ainsi pour une entreprise dont le chiffre d’affaires est juste inférieur à 600 millions UM, le droit fixe est de 1 million UM et l’effort fiscal demandé de 0,17%. Le fait de passer dans la dernière tranche (plus de 600 millions UM) alourdit le droit à 1,5 million UM et donc l’effort fiscal réel à 0,25%. Au-delà la progression du chiffre d’affaires n’influence plus le droit et le taux effectif décroît alors continuellement pour atteindre 0,1% pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard UM ou encore 0,05% pour un chiffre d’affaires de 3 milliards UM. La dégressivité de l’impôt est donc considérable, en particulier pour les contribuables les plus modestes. Ainsi, l’entrée dans la première tranche (entre 3 et 6 millions UM) impose un effort fiscal près de 7 fois plus important que l’effort fiscal demandé au contribuable entrant dans la dernière (plus de 600 millions UM).

La dégressivité des droits fixes n’induit pas que des inégalités de pression fiscale entre contribuables. Pour une entreprise possédant des établissements localisés dans plusieurs communes, le barème produit aussi d’amples disparités d’imposition suivant les chiffres d’affaires réalisés, par exemple pour la SOMELEC entre 0,02% et 0,77% suivant les centres de distribution, comme l’illustre le graphique ci dessous.

Graphique 6

Pour éliminer d’aussi amples inégalités d’imposition, la solution la plus immédiate

consisterait à taxer directement le chiffre d’affaires à un taux unique. La patente deviendrait une taxe locale proportionnelle sur le chiffre d’affaires. Au plan de la liquidation de l’impôt rien ne s’opposerait à un tel changement d’assiette. En effet, pour appliquer le barème actuel, les services fiscaux doivent disposer du chiffre d’affaires du contribuable pour le classer dans la tranche correspondante. Toutefois, une telle réforme ne paraît pas souhaitable pour deux raisons. D’une part, la patente ne serait plus un impôt direct mais deviendrait une taxe indirecte sur le chiffre d’affaires. Une telle évolution serait incompatible avec le

38

fonctionnement du régime de TVA. En outre, les activités non soumises à la TVA (établissements bancaires, établissements financiers, organismes de crédits, sociétés d’assurance) sont déjà soumises à une taxe sur le chiffre d’affaires perçue par l’Etat (article 188 du CGI). D’autre part, une concentration des prélèvements fiscaux constituerait une forte incitation à minorer le chiffre d’affaires déclaré et encouragerait par conséquent la fraude. Cette solution doit donc être abandonnée.

La solution proposée est de conserver la formule d’un droit fixe par tranche de chiffre d’affaires mais de réviser le barème pour atténuer à la fois les effets de seuils et la dégressivité globale de l’imposition. Toutefois, comme le montrent les simulations suivantes, les deux objectifs sont difficilement conciliables, sauf à multiplier considérablement le nombre de tranches et donc à « linéariser » fortement le barème. Les simulations reposent sur l’hypothèse d’une distribution uniforme des contribuables par tranche. Le chiffre d’affaires maximum est de 1,5 milliard UM. La SNIM, bénéficiant d’une convention fiscale spécifique avec l’Etat, n’est pas prise en compte. La première simulation retient les tranches actuelles et, à titre d’hypothèse de travail, un taux de prélèvement uniforme de 0,7% en moyenne par tranche. Sur la base de ces deux hypothèses, le barème des droits fixes serait modifié comme suit (sans chercher à arrondir les bornes des tranches et des montants).

Tableau 1 Première simulation :

maintien des tranches actuelles et prélèvement moyen de 0,7 % Chiffre d’affaires Droit actuel Droit simulé

Supérieur à 600 000 000 UM 1 500 000 UM 7 353 500 UM De 300 000 000 à 600 000 000 UM 1 000 000 UM 3 150 000UM De 150 000 000 à 300 000 000 UM 700 000 UM 1 575 000 UM De 75 000 000 à 150 000 000 UM 450 000 UM 787 500 UM De 37 500 000 à 75 000 000 UM 300 000 UM 393 750 UM De 6 000 000 à 37 500 000 UM 100 000 UM 152 250 UM Inférieur à 6 000 000 UM 50 000 UM 31 500 UM

Le barème gomme la tendance dégressive globale. La dispersion des taux en proportion du chiffre d’affaires diminue très sensiblement, d’environ les deux tiers, illustrant l’atténuation des inégalités du barème actuel et donc l’évolution vers une meilleure proportionnalité de l’impôt aux capacités contributives des redevables. Sans surprise, la recherche d’une meilleure adaptation du droit fixe conduit à relever très fortement la patente des quatre dernières tranches, de +390% pour la plus élevée (de 1,5 à 7,4 millions UM) puis respectivement de +210% (de 1 à 3,1 millions UM), +125% (de 0,7 à 1,6 million UM) et +75% pour les suivantes. Pour la cinquième tranche, le droit fixe progresse de +31% (de 450 000 à 787 500 UM) et pour la sixième de +52% (de 100 000 à 152 250 UM). Seule évolution en sens inverse, la patente de la tranche la plus basse diminue de –37% (de 50 000 à 31 500 UM).

En revanche, les effets de seuil ne se réduisent pas mais au contraire s’amplifient considérablement. En outre, la réduction du droit fixe pour la première tranche accentue l’écart avec les contribuables assujettis à la taxe communale qui, lorsqu’ils approchent le seuil de 3 millions UM de chiffres d’affaires, acquittent une taxe bien supérieure, de l’ordre de 100 000 UM. L’effet de frontière entre la patente et la taxe communale se trouve ainsi amplifié. Au total, cette première simulation ne débouche donc pas sur une solution satisfaisante.

39

Graphique 7

La deuxième simulation repose sur un dédoublement des tranches actuelles du barème,

dont le nombre passe par conséquent de 7 à 14, dans le but d’atténuer les effets de seuil, tout en conservant un taux moyen uniforme en proportion du chiffre d’affaires (0,7%).

Tableau 2 Deuxième simulation :

dédoublement des tranches actuelles et prélèvement moyen de 0,7 % Chiffre d’affaires Droit actuel Droit simulé

Supérieur à 1 050 000 000 UM 1 500 000 UM 8 928 500 UM De 600 000 000 à 1 050 000 000 UM 1 500 000 UM 5 775 000 UM De 450 000 000 à 600 000 000 UM 1 000 000 UM 3 675 000 UM De 300 000 000 à 450 000 000 UM 1 000 000 UM 2 625 000 UM De 225 000 000 à 300 000 000 UM 700 000 UM 1 837500 UM De 150 000 000 à 225 000 000 UM 700 000 UM 1 312 500 UM De 112 500 000 à 150 000 000 UM 450 000 UM 918 750 UM De 75 000 000 à 112 500 000 UM 450 000 UM 656 250 UM De 56 250 000 à 75 000 000 UM 300 000 UM 459 375 UM De 37 500 000 à 56 250 000 UM 300 000 UM 328 125 UM De 21 750 000 à 37 500 000 UM 100 000 UM 207 375 UM De 6 000 000 à 21 750 000 UM 100 000 UM 97 125 UM De 4 500 000 à 6 000 000 UM 50 000 UM 36 750 UM Inférieur à 4 500 000 UM 50 000 UM 26 250 UM

40

Graphique 8

Logiquement, l’augmentation du nombre de tranches réduit les effets de seuil,

toutefois sans les supprimer. La proportionnalité de l’impôt aux capacités contributives s’améliore encore. Par rapport au barème initial, la dispersion des taux en proportion du chiffre d’affaires est réduite de 80%. Le droit de la première tranche est à nouveau abaissé, amplifiant le problème déjà évoqué d’effet de frontière avec le tarif maximum de la taxe communale.

L’utilisation d’un barème de droits fixes par tranche de chiffre d’affaires ne peut pas concilier parfaitement proportionnalité moyenne de l’effort contributif et absence d’effet de seuil. Toutefois, dans la perspective d’améliorer l’équité de l’impôt, la recherche d’une plus grande proportionnalité moyenne du droit au chiffre d’affaires doit être privilégiée. En conséquence, le nombre de tranches doit être augmenté sensiblement. Les effets de seuil peuvent être gérés par les services fiscaux lors du classement des contribuables dans les tranches, par exemple en redescendant dans la tranche inférieure un contribuable possédant un chiffre d’affaires tout juste supérieur au plancher de la tranche suivante.

L’élaboration du barème suppose deux autres arbitrages, d’une part, le niveau de raccordement avec les tarifs de la taxe communale et, d’autre part, le choix du taux moyen uniforme de pression fiscale. Dans le premier cas, il s’agit d’harmoniser les deux régimes d’imposition, certes complémentaires, mais gérés dans des conditions différentes. S’il ne paraît pas opportun de revenir sur la décentralisation de la taxe communale, liquidée et recouvrée directement par les communes, dont les premiers résultats sont encourageants au plan de la mobilisation des ressources locales, l’effet de frontière des niveaux de prélèvement doit être réduit au maximum. Une solution consisterait à relever le seuil d’éligibilité à la patente de 3 à 6 millions UM pour un droit fixe minimum de 100 000 UM (résultat compatible avec la simulation 2 après arrondi du droit). Il conviendrait alors de s’assurer de la cohérence du nouveau seuil avec la révision envisagée du régime d’imposition des entreprises. Un relèvement encore plus important du seuil est aussi envisageable pour

41

concentrer la patente uniquement sur les grandes entreprises. Naturellement, les contribuables qui ne seraient plus assujettis à la patente le seraient à la taxe communale.

Graphique 9

Dans le deuxième cas, le choix du taux uniforme moyen d’effort fiscal en proportion

du chiffre d’affaires dépend du niveau jugé souhaitable du rendement global de la patente. La solution retenue par la réforme de 2001 de constance du produit fiscal ne doit pas être maintenue pour les raisons évoquées plus haut. La solution proposée est de revoir le barème des droits fixes à niveau constant d’effort fiscal pour les contribuables disposant du chiffre d’affaires le plus faible et donc d’engranger le surplus d’impôt uniquement sur les contribuables les plus importants.

Le taux moyen de 0,7% du chiffre d’affaires, choisi à titre d’hypothèse de travail, répond à cette double contrainte. Après relèvement du seuil minimal à 6 millions UM de chiffre d’affaires, ce taux permet, d’une part, de conserver le droit actuel de la première tranche à 100 000 UM et, d’autre part, d’envisager une progression très significative du produit fiscal apporté par les tranches suivantes. En l’absence de données sur le chiffre d’affaires, les informations communiquées au cours de la mission (rôle des patentés de Nouakchott en 2001) n’ont pas permis d’évaluer l’impact du barème proposé. Si le projet devait être poursuivi, une simulation serait naturellement nécessaire pour apprécier les conséquences des nouveaux droits fixes sur les cotisations des contribuables et plus encore l’opportunité d’augmenter le taux moyen.

L’ampleur du relèvement du barème, nécessaire pour aligner le taux d’effort fiscal de toutes les tranches sur la moyenne de 0,7%, pourrait justifier une introduction graduelle de la réforme, par exemple sur 2 ou 3 ans.

42

4) Instauration d’impôts nationaux partagés sur les terrains agricoles et le bétail

Les communes rurales ne possèdent ni un tissu commercial et artisanal suffisant, ni une assiette immobilière assez conséquente pour obtenir de la taxe communale et de la contribution foncière, sans évoquer la taxe d’habitation, des recettes fiscales adaptées aux besoin de financement des services locaux. L’étroitesse, voire l’inexistence de leur potentiel fiscal résulte de l’absence de prélèvement sur leur seule base économique réelle, l’agriculture d’une part, l’élevage d’autre part. Certes, une taxe sur les terrains agricoles existe mais elle s’avère pratiquement impossible à percevoir localement en raison de la non-résidence des propriétaires dans la commune. En conséquence, sauf à se satisfaire d’un financement quasi exclusif des communes rurales par le Fonds régional de développement, la fiscalité rurale doit être révisée pour répondre à l’incapacité pratique des agents communaux de recouvrement d’atteindre les redevables des taxes, situés en grande partie dans la capitale ou les principaux centres urbains.

Une solution possible consisterait à instaurer un prélèvement national géré par la fédération de l’agriculture qui serait ensuite reversé aux communes agricoles selon une clé de répartition à définir, par exemple la superficie des terrains imposables.

Un mode de gestion identique pourrait être envisagé pour le bétail. Le bétail constitue actuellement une source importante de placement et incidemment d’évasion fiscale. Il conviendrait donc d’envisager un retour à une imposition locale, seule formule susceptible de fournir aux communes pastorales une ressource fiscale un tant soit peu significative.

Le délai imparti à la mission n’a pas permis d’examiner en profondeur les deux propositions. Une étude complémentaire serait donc souhaitable pour apprécier la faisabilité des projets et le produit susceptible d’être obtenu des deux impôts.

5) Révision du partage de la taxe sur le tonnage débarqué

Indépendamment du mode de perception, dont l’intérêt de l’affermage pour la communauté urbaine et les communes de Nouakchott n’est pas apparu au cours de la mission, la pérennité de la taxe sur le tonnage débarqué, instituée à titre provisoire, et son mode de répartition mériteraient d’être réexaminés.

La taxe sur le tonnage débarqué constitue un mode de taxation contestable au plan économique et contesté par les importateurs et les bailleurs. Sa création à titre provisoire traduit son caractère de pis-aller, uniquement justifié par la défaillance des autres canaux de collecte des recettes fiscales communales. En conséquence, l’accroissement des ressources attendu des réformes préconisées de la fiscalité communale devrait permettre d’envisager sa suppression à moyen terme.

A court terme, une révision de la formule de partage serait souhaitable. La taxe sur le tonnage débarqué permet aux collectivités de l’agglomération de Nouakchott, et dans une moindre mesure de Nouadhibou (uniquement sur les poissons débarqués) et sous une forme différente de Rosso, de prélever une recette fiscale sur les acheteurs de produits importés résidant dans les autres communes, sous l’hypothèse la plus probable de translation puis d’incidence de l’impôt dans les prix. Or, un tel mécanisme d’exportation fiscale n’est conforme ni à l’équité, ni à l’efficacité économique en dissociant le territoire de prélèvement du territoire d’incidence de l’impôt.

43

Pour corriger cet effet de débordement géographique, une solution consisterait à affecter la taxe au Fonds intercommunal de solidarité (FIS), dépourvu aujourd’hui de ressources. Certes, avec la montée en puissance du Fonds régional de développement, l’essentiel de la réduction des inégalités territoriales de ressources et de charges est désormais assurée par le concours de l’Etat. Néanmoins, un effort supplémentaire de solidarité financière directe entre collectivités ne serait pas inutile. Une contribution de la commune de Nouadhibou au financement du FIS pourrait aussi se justifier en raison du niveau exceptionnel de son potentiel fiscal.

Une révision du partage de la taxe sur l’exportation des poissons mériterait aussi d’être étudiée.

6) Compensation des exonérations d’impôts locaux accordées par l’Etat

L’Etat accorde des exonérations d’impôts locaux sans compenser les communes des pertes de recettes. Dans les textes, le principe de compensation existe mais il n’est pas appliqué. L’obligation de compensation doit être inscrite dans la loi.

Ainsi, l’abattement de 25% du chiffre d’affaires des distributeurs de produits pétroliers au titre de la patente pourrait être compensé ou plus simplement supprimé.

c) Propositions de révision du partage des concours de l’Etat

Les termes de référence de la consultation ne prévoyaient pas d’étudier les financements externes sous forme de dotations et subventions ou encore d’emprunts. S’il est envisageable de dissocier la question de l’emprunt, comme mode de financement des grandes infrastructures urbaines alternatif à l’aide internationale, il est plus difficile de séparer les concours de l’Etat de la fiscalité communale, en particulier depuis la montée en puissance du Fonds de développement régional de 265 millions UM en 2000 à 1,5 milliard UM en 2004 puis à 2 milliards UM en 2005.

Le temps imparti à la mission n’ayant pas permis de traiter au fond la question, les propositions suivantes portent uniquement sur un programme d’étude de nouvelles modalités de partage du Fonds et ne constituent donc pas des recommandations définitives de révision des critères de répartition. Un préalable : il convient de changer le nom du Fonds régional de développement en Fonds communal de développement pour lever toute ambiguïté sur la destination et l’usage des transferts par les communes et non, comme par le passé, par les services déconcentrés de l’Etat.

Les modalités actuelles de partage du Fonds soulèvent deux interrogations. Tout d’abord, l’obligation d’affectation de près des deux tiers du Fonds (hors part attribuée au Ministère de l’intérieur) au volet équipement est-elle adaptée aux besoins de financement des communes ou faut-il globaliser l’intégralité du transfert ? Ensuite, les modalités de partage sont-elles adaptées aux objectifs de développement, de renforcement des capacités de mobilisation fiscale ou encore de péréquation des ressources entre communes ?

Les élus rencontrés ont unanimement dénoncé l’obligation d’affectation qui, d’une part, ne fournit pas suffisamment de ressources annuelles pour réaliser des projets autonomes d’investissement et, d’autre part, ne permet pas d’orienter les moyens disponibles vers les actions jugées prioritaires, comme le ramassage des ordures ménagères. Si l’objectif de la

44

contrainte est d’éviter de financer uniquement des dépenses d’administration, ne serait-il pas préférable d’imposer une affectation par fonction plutôt qu’une affectation par nature ?

La répartition du Fonds mériterait aussi d’être réexaminée, même si les critères de partage répondent assez bien à l’objectif de péréquation des ressources. Toutefois, ne serait-il pas souhaitable d’exclure Nouadhibou du bénéfice du Fonds ? Que représentent les 32 millions UM prévus pour 2005 au regard des ressources considérables de la commune ? Ne pourraient-ils être affectés plus utilement aux communes les plus démunies, notamment les communes rurales de la wilaya de Dakhlet Nouadhibou ?

Les critères actuels de répartition aboutissent à réduire significativement les inégalités territoriales de ressources. Ainsi, sur la base de l’échantillon de communes étudiées, le partage du Fonds devrait corriger, en 2005, les inégalités intercommunales de recettes de fonctionnement par habitant (sur la base des données de 2002 actualisées) de -47%, y compris Nouadhibou, et de -70% sans Nouadhibou (d’après le coefficient de variation). L’effet péréquateur du Fonds est donc indéniable, du moins pour l’échantillon observé, comme l’illustre le graphique ci dessous.

Graphique 10

Si une évaluation exhaustive de l’impact du Fonds sur l’ensemble des communes

serait souhaitable, il pourrait également être également utile d’étudier de nouvelles modalités de répartition pour optimiser les résultats.

La création d’un indicateur synthétique de potentiel fiscal des communes, en replacement du critère actuel de taux de pauvreté par wilaya, permettrait de mieux ajuster la modulation péréquatrice. L’élaboration d’un indicateur de besoins en équipements et services publics locaux permettrait également d’affiner la répartition. Enfin, il serait aussi utile d’envisager un indicateur de performance de la mobilisation des ressources propres pour éviter de pénaliser les efforts de recouvrement des communes.

45

3. Conclusions et recommandations Le processus de décentralisation engagée en Mauritanie a connu ces dernières années

d’importantes avancées à la fois :

- démocratique, avec le renouvellement des conseils municipaux en 2001,

- fiscale, avec l’implication croissante des communes dans la mobilisation des taxes et impôts locaux,

- et financière, avec la montée en puissance de l’engagement de l’Etat dans le cadre du Fonds régional de développement.

a) Constat et diagnostic

Au plan fiscal, objet de la mission, la réforme introduite par les lois de finances pour 2001 et 2002, en application du sixième axe de la déclaration de politique municipale de 1995 (« mobilisation des ressources pour une mise en œuvre de la fiscalité locale avec une plus grande implication des élus dans l’établissement et le suivi des impôts »), a rapidement porté ses fruits mais inégalement suivant les taxes.

1) Désormais émise et recouvrée directement par les communes, la taxe communale a connu une croissance significative de rendement, démontrant le bien fondé du choix de décentraliser sa gestion. En réévaluant les droits domaniaux, notamment sur les locations de souks, les élus ont également amélioré, parfois fortement, les recettes communales, concrétisant leur volonté d’optimiser les ressources propres de la commune, compte tenu du potentiel économique mobilisable. En quelques années, les nouvelles équipes municipales ont indéniablement renforcé la mobilisation des recettes fiscales et parafiscales liées aux activités économiques.

2) L’évolution du rendement de la patente, émise par les services des impôts et recouvrée par le Trésor, a pâti de la suppression du droit proportionnel en 2001. Le barème du droit fixe appliqué depuis par tranche de chiffre d’affaires induit à la fois une inégalité injustifiée de traitement des contribuables et une perte importante de ressources pour les communes.

3) En revanche, les efforts engagés pour accroître le rendement des impôts et taxes sur la propriété immobilière et l’habitation n’ont pas apporté les résultats espérés. Hors procédure de précompte, les rendements de la contribution foncière et surtout de la taxe d’habitation demeurent très insuffisants et nettement en dessous du potentiel taxable. Si le développement de l’adressage a permis d’améliorer le recensement des bases d’imposition, et ainsi d’afficher des montants d’émission plus sincères et non pas fantaisistes comme par le passé, le recouvrement n’a pas suivi, sauf ponctuellement et épisodiquement. La poursuite des efforts de gestion des émissions, le recours plus systématique à des moyens de coercition n’apporteront pas le surplus attendu de recettes, du moins à hauteur des besoins de financement des budgets communaux.

4) Même si le temps imparti à la mission n’a pas permis d’aborder en profondeur la question, la capacité de mobilisation fiscale des communes rurales apparaît pratiquement

46

nulle en raison de l’absence d’un régime de taxation adapté à leur potentiel économique agropastoral.

5) En doublant pratiquement le montant des ressources locales, le Fonds régional de développement modifie radicalement les perspectives de financement des communes. Si la forte croissance du FRD ne semble pas avoir induit, à court terme, une dé-incitation à l’effort de mobilisation fiscale, du moins pour les chefs-lieux étudiés, les modalités actuelles de répartition ne répondent pas totalement aux enjeux du renforcement souhaité de la décentralisation.

Condition décisive d’amélioration du consentement à l’impôt des populations, aujourd’hui manifestement défaillant, la fourniture préalable de services publics, à la fois régulière et de qualité constante, par les communes ne peut être assurée que par un apport du budget de l’Etat. A court comme à moyen terme, un financement exclusif par la fiscalité locale n’est guère envisageable, sauf pour la commune de Nouadhibou dotée d’un potentiel fiscal exceptionnel, en outre mobilisé efficacement par des formules de précompte. Par ailleurs, la très inégale concentration des ressources en faveur des deux capitales politique et économique du pays appelle un effort de solidarité nationale mais aussi intercommunale.

6) Dans cette perspective, la taxe sur le tonnage débarqué, prélevée par Nouakchott et Nouadhibou, amplifie artificiellement l’inégale distribution territoriale du potentiel économique du pays en imposant un « tribut » à toutes les autres communes.

b) Réformes prioritaires de la fiscalité communale

Du constat précédent découlent les recommandations d’aménagement ou de réforme du système fiscal communal rassemblées dans le tableau synoptique suivant.

Tableau 3

Récapitulation des recommandations

relever le barème du droit fixe pour gommer la dégressivité de l’imposition au détriment des plus petits contribuables et optimiser le rendement

aligner la pression fiscale moyenne sur l’effort moyen exigé actuellement pour la première tranche (0,7%)

introduire graduellement le relèvement du barème

doubler le nombre de tranches (14) pour atténuer les effets de seuil liés au droit fixe

relever le seuil minimum de chiffre d’affaires à 6 millions UM en liaison avec la réforme envisagée du régime de taxation forfaitaire des bénéfices industriels et commerciaux

1) Patente

ajuster en conséquence le plafond de chiffre d’affaires de la taxe communale.

47

créer un impôt foncier synthétique libératoire pour les propriétaires bailleurs au taux de 14% sur les loyers

partagé à égalité entre l’Etat et les communes

pour l’émission, géré par la commission fiscale communale

supprimer tous les autres prélèvements sur les propriétés louées

assurer le recouvrement par précompte

garantir le reversement des sommes recouvrées aux communes, à la fois collectivement et individuellement par identification exacte du lieu des précomptes

créer un impôt foncier synthétique sur les propriétaires occupants au taux fixé par le Conseil municipal entre 3 et 10% et affecté en totalité aux communes

supprimer tous les autres prélèvements sur les propriétés occupées par leur propriétaire

confier l’émission des rôles à la commission fiscale communale

optimiser la procédure d’évaluation des valeurs locatives en séparant le recensement général des propriétés de l’actualisation annuelle des bases

confier le recouvrement au service du Trésor en renforçant les moyens de coercition, par exemple sous forme d’hypothèques sur les propriétés des contribuables récalcitrants

garantir le reversement des sommes recouvrées aux communes

rechercher les moyens de renforcer les capacités de gestion des services déconcentrés du Trésor parallèlement aux appuis déjà apportés aux ordonnateurs communaux

2) Impôt foncier synthétique

étudier la possibilité pour le Trésor public de garantir le versement des cotisations émises et sincèrement évaluées

supprimer la taxe d’habitation et instituer en remplacement une taxe communale sur l’électricité basse tension au taux maximum de 2% sur les consommations hors taxes

4) Taxe communale sur l’électricité

introduire progressivement la taxe pour atténuer l’impact sur la hausse du prix

48

reverser les sommes collectées sur les factures effectivement recouvrées par la SOMELEC

garantir l’exact reversement aux communes, à la fois collectivement et individuellement, après déduction des frais de gestion additionnels supportés par la société

prévoir une étude approfondie de la création d’une fiscalité spécifique pour les communes agropastorales, à la fois sur les terrains agricoles et le bétail

examiner les possibilités de relèvement du taux actuel de 100 UM par hectare de la taxe foncière facultative sur les terrains agricoles

étudier les conditions d’un retour à la taxation du bétail

5) Fiscalité spécifique des communes agropastorales

examiner les possibilités d’organiser le recouvrement par les organismes professionnels

étudier l’opportunité de supprimer, de pérenniser ou encore de réformer le partage territorial de la taxe sur le tonnage débarqué entre les communes d’entrée et les autres pour compenser l’exportation fiscale induite par le prélèvement

étudier l’opportunité de supprimer, de pérenniser ou encore de réformer le partage territorial de la taxe sur l’exportation de poissons

6) Taxe sur le tonnage débarqué et taxe sur l’exportation des poissons

examiner la possibilité d’affecter tout ou partie du produit de la taxe sur le tonnage débarqué et de la taxe sur l’exportation de poissons au Fonds intercommunal de solidarité

7) Droits domaniaux conforter le rendement des droits domaniaux par le recours à des appels d’offre lors de la mise en location des équipements industriels et commerciaux de la commune

changer le nom du Fonds régional de développement en Fonds communal de développement

étudier de nouvelles modalités de répartition entre communes et de partage entre les volets équipement et fonctionnement

créer un indicateur synthétique de potentiel fiscal communal en replacement du critère actuel de taux de pauvreté par wilaya

construire un indicateur de besoins en équipements et services publics locaux

8) Fonds communal de développement

prévoir un indicateur de performance de la mobilisation des ressources propres de fonctionnement

49

examiner la faisabilité d’un changement de l’obligation d’affectation par nature en une obligation d’affectation par fonction

9) Exonérations d’impôts locaux

étudier la mise en place d’une procédure systématique de compensation financière des exonérations d’impôts locaux accordées par l’Etat

Documents consultés

[1] Ministère de l’intérieur, des Postes et Télécommunications (2004) Guide de contrôle de légalité et du conseil aux communes, Programme d’appui à la déconcentration et à la décentralisation en Mauritanie (PADDEM), mai 2004

[2] Jacques Jobin, Cheikhany Jules (2004) Etude relative à l’évaluation des capacités de gestion des communes, Programme d’appui à la mise en œuvre du Programme national de bonne gouvernance (PNBG)

[3] Ministère de l’intérieur, des Postes et Télécommunications (2003) Manuel de gestion communale, Programme d’appui à la déconcentration et à la décentralisation en Mauritanie (PADDEM), décembre 2003

[4] Ministère des finances (2003) Code général des impôts, Direction générale des impôts, mise à jour

[5] Abdi Ould Mohamed Mahoud (2003) Harmonisation des textes législatifs des finances communales, Direction des collectivités locales, projet d’appui à la décentralisation (PAD/GTZ)

[6] Ministère de l’intérieur, des Postes et Télécommunications (2003) Circulaire relative aux nouvelles modalités de répartition du FRD

[7] Direction générale des impôts (2002) « Communication sur la réforme fiscale », Congrès des Maires, Nouakchott, 9 au 11 juillet 2002

[8] Ministère de l’intérieur, des Postes et Télécommunications (2002) Circulaire n° 002/MIPT du 10 juillet 2002 relative à l’administration communale

[9] Yahya Ould Kebd (2002) Eléments pour l’élaboration du volet institutionnel des Programmes régionaux de lutte contre la pauvreté (PRLP) Comité technique de suivi de la régionalisation du CSLP, décembre 2002

[10] Fiduciaire de la Tour (2001) Rapport d’audit des états financiers de la commune de Nouakchott arrêtés au 31 décembre 2000, Agence Mauritanienne d’Exécution de Travaux d’Intérêt Public pour l’Emploi, août 2001

[11] Hamana Ould Mohamed Lemine (1997) « Mobilisation des ressources et fiscalité locale en Mauritanie », Séminaire national des Maires, Nouakchott, 21 au 23 octobre 1997

[12] Yaha Ould Bechir (1997) « Communication relative aux audits municipaux des 13 communes urbaines (1994-1996) », Séminaire national des Maires, Nouakchott, 21 au 23 octobre 1997

50

Annexe statistique