Etude évolienne

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    Julius EVOLA

    Ce sur quoi je ne peux rien, ne peut rien sur

    moi.

    Aux soins de Dario Citati

    Brve introduction

    Tout en tant lune des figures les plusintressantes du panorama culturel duvingtime sicle, Julius Evola (Rome, 19 mai1898 - 11 juin 1974), continue dtre snob,mal compris ou ignor par la culture officielleitalienne, plus encore que par celle extrieure.

    Pourtant, la lumire dune analyse attentiveet pondre, exempte de prjugs politico-idologiques, apparat un penseur trs fcond,

    pleinement insr dans le contexte et dans ledbat politique, philosophique et artistiquecontemporain. Son parcours intellectuelmultiforme en est une preuve: pote et peintredadaste dans sa jeunesse, philosophe, aptrede lidalisme magique et de la thorie delIndividu Absolu, spcialiste de culturesarchaques, dethnologie, de sciencessotriques, doctrinaire Traditionaliste,thoricien du Racisme Spirituel , rfrentthorique et guide idologique dau moinsdeux gnrations de la Droite radicaleitalienne de laprs-guerre. Toutefois, sanotorit insuffisante drive duneconnaissance marginale et prjudiciable deson entire production intellectuelle, maisaussi, malheureusement, cause dunchauvinisme exaspr qui sest avr avec le

    temps dans certains milieux politiques; lesdisciples acritiques sont souvent pires que lesennemis les plus intransigeants. Et cest ainsiquest ne la lgende de lEvola fasciste ,de lEvola mauvais matre, de lEvolainspirateur du terrorisme, fausses accusationsauxquelles a amplement rpondu le docteurGianfranco de Turris dans sonloge et

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    dfense de Julius Evola, le Baron et lesTerroristes (ed. Mediterranee, Rome 1997).Trop souvent, la rputation dEvola a tconditionne, en positif et en ngatif, par lefiltre de lidologie et de la rhtorique.

    Dfavorables ce systme dinterprtationmanichen, qui prtendrait identifier en JuliusEvola un monolithe culturel accepter ourefuser en bloc, nous nous proposons ici de

    prsenter de la manire la plus systmatiquepossible un tableau complexe de la vie et desoeuvres du Baron Evola, tant donn que,comme la crit Giovanni Marden:

    ... en contrepoids toutes les critiques,pourtant, le fait demeure quEvola reste un

    gant et a encore beaucoup de choses enseigner, dans ses pages encore dotes duneforte charge suggestive, le relire fait toujoursdu bien, mme sil ne faut pas le considrercomme lunique rfrent en prenant pourargent comptant tout ce quil affirme. Et,chose qui importe le plus, Evola a toujours tun anticonformiste et un homme qui atoujours vcu en cohrence avec les idesquil a professes, [...] Il a toujours vcu

    modestement, sans mendier les plats chaudsdu patron du moment. Ce fut un courageux etauthentique virdans le sens romain du terme.Vanni Sweiler dit: Si Tartuffe revenait aumonde, il serait certainement contreEvola .Et sil existait une tombe dEvola, ilne pourrait y avoirde meilleure pigraphe .

    Julius Evola se configure, philosophiquement,comme un reprsentant de pointe dufameux Traditionalisme intgral, un courant

    qui va bien au-del du traditionalismecatholique (selon la tournure mme dEvola: Qui est catholique, nest qu moititraditionnel ), et qui revendique dans sesfilets des penseurs comme Ren Gunon,Massimo Scaligero, Titus Burkhardt, FritjofSchuon et Ananda Coomaraswamy. Du pointde vue politique, Evola, antiprogressiste,

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    antimatrialiste et antiilluministe, a t unmonarchique, inbranlable dfenseur dunevision de ltat et dune socit fonde sur lesdistinctions, sur le principe classique dusuumcuique tribuere . Mais il a aussi crit des

    oeuvres sur lanthropologie, sur la musique,sur la socit de masse, sur la mythologie, surle monde chevaleresque mdival, sur lart.Importante, enfin, la divulgation de cesinstruments conceptuels (mtapolitiques,existentiels), toujours considrer commevalables pour celui qui a encore en lui, vivant,le principe Traditionnel et cherche se tenirdebout au milieu des ruines , selonlexpression dEvola lui-mme, cest--dire aumilieu du monde moderne avec une fermet,

    une centralit soi-mme et un espritautarcique.

    Vie et oeuvres

    Giulio Cesare Andrea Evola nat Rome, le19 mai 1898: on trouve les premiresinformations sur sa vie dans les pagesdu Chemin de cinabre , louvrage considrcomme son autobiographie intrieure. Dans

    la prime adolescence se dveloppa en moi unintrt naturel et vifpour les expriences dela pense etde lart. Tout jeune garon, justeaprs la priode des romans daventure, jemtais mis en tte de compiler, avec un ami,une histoire de la philosophie basedabrgs. Dautre part, si je mtais djsenti attir pardes crivains comme Wilde etDAnnunzio, mon intrt stenditrapidement, deux toute la littrature et lart plus rcents. Je passais des journes

    entires la bibliothque, dans un rgimesoutenu et libre de lectures. En particulier, larencontre avec des penseurs commeNietzsche, Michelstaedter et Weininger eutpour moi de limportance . Graduellement,il commena sapprocher de la cultureavant-gardiste de cette poque: Marinetti et lefuturisme, Giovanni Papini et son

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    journal Lacerba , Tristan Tzara et ledadasme. De sa correspondance avec le chefdcole Dada, on dduit la profonde paisseurdu jeune Evola, qui sengagea en personnedans lart en peignant des tableaux qui firent

    de lui, effectivement, le plus important artistedada italien. Riccardo Paradisi crit proposdes tableaux de lEvola dadaste: Ce sontdes peintures, celles-ci, dont la gomtriemtaphysique libre une atmosphre commecelle de quelques posies, crites toujoursdans ces annes-l. Une ddicace laube sercite ainsi: A levante ora il cielo si diluisce/ ha dissonanze in roseo / mentre giungonolentamente impolverati i suoni flautati [Aulevant le ciel se dilue il a des dissonaces

    roses tandis que parviennent des sonsflts lentement empoussirs.] Evolaexpose ses tableaux dans les galeries de Romeet Berlin, collabore aux revuesBleu etNoi etcrit un texte thorique important sur lart:ArtAbstrait(1920), dfini par Massimo Cacciaricomme lun des crits philosophiquementles plus prgnants de lavant-gardeeuropenne , et il publie des pomes et

    posies en 1921, dans un volume intitulLes

    paroles obscures du paysage intrieur[enfranais dans le texte, ndt]. Entre temps, en1917, il avait particip la Grande Guerrecomme officier dartillerie: il est assign surdes positions de premire ligne prs dAsiago,l o, probablement, ont dbut sesmditations sur les sommets et les premierssignes de sa conception de la montagnecomme site dexpriences-rveils intrieurs.De retour de guerre, il dcouvre le sentimentde labsurde lgard du monde qui lentoure.Il crit dans le Cinabre : ...aveclaccomplissement de mon dveloppement,saggravrent en moi lintolrance pour la vienormale laquelle jtais retourn, lesentiment de linconsistance et de la vanitdes buts quexigent normalement les activitshumaines. De manire confuse mais intense,

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    se manifestait limpulsion congnitale latranscendance.

    Cest cette priode o il commence faireusage de substances stupfiantes, pour

    chercher apaiser, de quelque manire, safaim dabsolu . Evola ne reniera jamais unetelle exprience, mais il tiendra soulignerque jamais il ne devint esclave desnarcotiques et, la suite de cette priode, ilnen ressentit plus ni le besoin ni le manque.En 1921, il cesse de peindre ; en 1922, ilarrte aussi dcrire des posies: cestlpoque la plus critique de sa vie. Dans unelettre adresse Tristan Tzara et date du2.7.1921, il crit: Je vous prie, cher ami, de

    bien vouloir pardonner mon silence. Je metrouve dans un tel tat de dpossessionintrieure que le seul fait de penser et deprendre la plume, requiert un effortdont je nesuis souvent plus capable. Je vis dans uneatonie, dans un tat de stupeur immobile,dans lequel se glent toute activit et toutevolont. En tout jai la perception trs clairede la dcomposition des choses qui vont seprcipiter en un centre, pourdevenir vent et

    sable. [...] Je vous prie, cher ami, de ne pasvouloir voirde sentiment en tout cela: cestune chose beaucoup plus srieuse, parce queje ne trouve plus la veine de me passer decette aventure, qui constitue la consquencelogique de tout le processus vital etintellectuel qui a commenc avec loriginemme de la conscience de mes facults. [...]Tous comptes faits, je pense avoir faireaujourdhui avec lexpression complte etpremptoire, parce que catgorie vitale, de ce

    qui ne vivait prcdemment que commecatgorie intellectuelle ou compromissiondordre esthtique. [...] Je vous le rpte, jeserais extrmement heureux de pouvoir passerquelques-uns de ces derniers jours de ma vieen votre compagnie [...] . Evola a 23 ans,lge o se suicidrent Weininger etMichelstadter: lextranit soi et au monde,

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    lamne dcider lui aussi de clorelexistence terrestre. Mais il se produitquelque chose: Cette solution futvitegrce une sorte dillumination que jeusaussi en lisant un texte du Bouddhisme des

    origines, qui disait ceci: qui prendlextinction comme une extinction, et ayantpris lextinction comme extinction, pense lextinction, pense sur lextinction, fait unevraie extinction, celui-l, je le dis, ne connatpas une extinction Ce fut pour moi commeune lumire inattendue, et en un tel moment seproduisit en moi un changement, la naissancedune fermet apaise en moi-mme qui merendait capable de rsister nimporte quellecrise .

    Ainsi sachve la phase de sa brve criseexistentielle, et commence la priode de sa

    production la plus purement philosophique: en1917 dj, dans les tranches (!), il avaitcommenc crire Thorie etphnomnologie de lIndividu Absolu , oeuvreacheve en 1924 et publie la maisonddition Bocca, en deux volumes: Thorie delIndividu Absolu , donne aux presses en

    1927, etPhnomnologie de lindividuAbsolu , dite en 1930.

    Dans de telles oeuvres, le penseur romainconjugue la sagesse extrme-orientale,gnostique et asctique, avec la tentative dedpasser lopposition Je/non-Je dans ledomaine de la philosophie idaliste. En 1926,chez les ditions Atanr, parat Lhommecomme puissance , une oeuvre centre sur ladoctrine du tantrisme et sur ses valeurs

    transcendantes et initiatiques. Cest lpoqueo Evola, dsormais connu comme leBaron (un surnom probablement d sonorigine sociale), crit dans lesrevues Ultra ,Ignis ,Bilychins , adhre au Groupe dUr , un cercle de spiritualistes,thosophes, kremmersiens, dont il est lecoordinateur. Le Groupe publie une srie de

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    fascicule que Bocca reproposera en 1955-56,partiellement, dans trois livresintitulsIntroduction la Magie en tant queScience du Je . Dans ces annes le fascismevoit son ascension et sa consolidation

    politique. Le rapport entre Evola et lefascisme peut tre bien compris en lisant ceslignes crites par le philosophe lui-mme:

    ... Puisque, comme on la dit, il manque lItalie un vrai pass traditionnel , il y acelui qui, en cherchant sorganiser contreles coalitions les plus pousses de lasubversion mondiale, pour avoir unequelconque base historique concrte, a faitrfrence aux principes et lexprience dufascisme. Maintenant le principefondamentale suivant devrait rester bienferme: que si des ides fascistes mritentencore dtre dfendues, elles devraient ltre,non pas en tant que fascistes , mais parceque et pour autant quelles ont reprsent uneforme particulire dapparition etdautoaffirmation dides antrieures etsuprieures au fascisme, dides qui ont lecaractre susdit de constantes que lon

    peut dj retrouver comme des partiesintgrantes de toute une grande Traditionpolitique europenne.

    Julius Evola, qui nadhra jamais au PNF, eutdonc avec le rgime mussolinien un rapportambivalent: il en considrait favorablementles aspects justement traditionnels, que lefascisme exprima en partie, en manifestant

    pourtant une dsapprobation radicale lgarddautres de ses caractristiques, comme le

    populisme, les groupes de choc fascistes, unecertaine mentalit bourgeoise et tous leslments qui sopposaient lIdetraditionnelle.

    En 1928, avecImprialisme payen , le Barondonne voix toute sa vigueur antichrtienne,en exhortant les sommets du fascisme

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    rompre le compromis avec le mondecatholique. Loeuvre, lue aussi par AntonioGramsci, en prison, est une critique sur lesdveloppements du fascisme sur la mmelongueur donde que ses interventions

    dans Ltat dmocratique et Le Monde [IlMondo] , journaux auxquels il collabora en1924-25. Les correspondances avec BenedettoCroce et Giovanni Gentile datent de cette

    priode: avec le premier, Evola entretien unrapport pistolaire pour la publication de sesoeuvres philosophiques, auprs de la maisonddition Laterza ; avec le second, la raison delchange se trouve dans la collaboration duBaron lEncyclopdie Treccani. En 1930, ilfonde le priodique La Torre , journal qui ne

    rsiste la censure du rgime que pendantdix numros, jusquau 15 juin de cette anne-l, durant laquelle il avait continu exprimerses positions empreintes du rigorismetraditionnel, non exemptes de critiques lgard du rgime. En 1931, il publie LaTradition Ermtique , un volume dans lequelest tudi fond lsotrisme mdival, danssa forme alchymique-hermtique: lalchymie,

    bien loin dtre une anctre de la chimie

    moderne, est explore dans sa raliteffective, celle de lArs Regia , savoir dunenseignement initiatique, expos en utilisantle symbolisme des mtaux et leurtransmutation. En 1931, il met sous

    presseMasque et visage du spiritualismecontemporain , oeuvre dsacralisante lgard des milieux spiritualistes et des

    profanations rptes des doctrinessotriques. Dans ces annes, il collabore LaVie Italienne de Giovanni Preziosi, maissurtout Le Rgime Fasciste de RobertoFarinacci, o, la rubrique diorama

    philosophique , dans laquelle paraissentgalement des interventions de Ren Gunon,il poursuit sa critique serre vers tous lesaspects antitraditionnels du fascisme(dmagogiques, totalitaires, bourgeois): son

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    combat intellectuel, qui tend vers unearistocratie de lesprit, et qui ressemble autantaux principes du templirisme quil est contreles pseudo-valeurs humanistes, librales,

    petit-bourgeoises, est continue et ne connat

    aucun compromis.

    En 1934, cest lanne de la publicationdeRvolte contre le monde moderne ,loeuvre considre comme la plus importantede toute sa production. En effet,Rvolte estune tape essentielle pour ceux qui veulentsapprocher de Julius Evola. Qui dans ce livre,au sujet duquel le pote Gottfried Bennecrivit: Aprs lavoir lu, on se senttransforms , expose tout le savoir sur le

    monde de la Tradition, et oppose le mondetraditionnel ( comprendre comme une ralitsuprahistorique, un modle rflchi pardiffrentes expriences contingentes) celuimoderne: et cest surtout louverture vers latranscendance qui cre une scission entre lesdeux catgories . Rvolte est une oeuvreunique: pense selon une mthode scientifique , attentive aux diversesacquisitions dans les divers domaines du

    savoir, elle propose en mme temps uneinterprtation mythique et symbolique delhistoire du monde. Pour cette raison, elle apu rsister aux cours des dcennies et peuttre encore valable au Troisime Millnaire.Loeuvre remonte aux causes qui ont produitle monde actuel, elle indique les processus quiont exerc, depuis longtemps dj, une actiondestructrice sur toute valeur, idal etformedorganisation suprieure de lexistence. [...]Avec une tude compare des diffrentes

    civilisations, elle signale ce qui dans lesdomaines de lexistence peut revendiquer uncaractre de normalit dans un senssuprieur: ainsi pour ltat, la loi, laction, laconception de la vie etde la mort, le sacr, lesexe, les articulations sociales, la guerre,etc. (Claudio Ris). Lan 1937 est lanne dela publication de deux oeuvres importantes: la

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    premire est Le Mystre du Graal, oeuvredans laquelle Evola, en se fondant sur tous lestextes originaux de la lgende et des cyclesaffins, prcise le sens rel de la recherche duSaint Calice, mystre qui na pas un caractre

    abstraitement mystique, mais initiatique etroyal, qui se relie une tradition antrieure etprexistante au christianisme et qui estanalys en en dvoilant les symboles, leslments mtaphysiques et les significations

    profondes. Le mythe du sang, dit parHoepli cette anne-l, est au contraire, le

    premier volume doctrinaire important,contenant des tudes dethnologie que leBaron avait entames depuis longtemps. La

    plume du philosophe romain sabattra avec

    vhmence sur les idioties du racismebiologique, dont il est un fier adversaire, etaussi parSynthse de la doctrine de la race ,

    publie en 1941: Evola se base sur uneconception spirituelle et antigalitaire delhomme, qui le mne un diffrencialisme typique du mondetraditionnel, qui se dploie aussi dans unehirarchisation des races humaines; mais lui,mal vu par les sommets de lAllemagne nazie,

    cause de ses thories, rpudie le racismebiologique et lide que la couleur de la peaupuisse tre, en tant que telle, dterminantepour la valeur dun homme. Le racismedEvola, dit racisme de lesprit, a un visagetriple : corps, me et esprit. Ce qui, pourGiorgio Almirante, apparaissait dj en 1942comme un racisme de gourmet , graviteautour de la notion qualitative de Race delEsprit, dont la race du sang, ou du corps,serait un pur symbole, signe ousymptme .

    Une ide diffrencialiste et aristocratique qui,si elle mprise les thories nazies laRosenberg, parce quelles sont naturalistes et

    biologiques, accentue mesure les contenusracistes et voit dans lappartenance ethnique,comprise justement comme une transposition

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    mesurer soi-mme avec une mesuredifficile , prcisment chevaucher letigre , ou dominer les adversits, les btiseset les difficults qui se prsentent lui: qui setient solidement sur le tigre, ne peut pas tre

    dsaronn, et le tigre ne peut pas non plus lefrapper. En 1963, la maison Volpe publie Lefascisme vu de la droite , opuscule danslequel, il met jour une interprtation de basetraditionnelle du Ventennio [les vingt ans dufascisme, ndt]. Et il confirme encore lecaractre seulement partiellement traditionnelde celui-ci. Cest lultime phase de la vie duBaron, celle dans laquelle Almirante ledfinissait comme notre Marcuse,seulement... un peu plus brave , celle

    pendant laquelle il collabore divers titresjournalistiques, parmi lesquelsIl popolodItalia , o il fonde la collectionHorizons delespritpour les ditions Mditerrane, et

    pendant laquelle sa sant commence saggraver. Lanne 1968 marque la premiredcompensation cardiaque aigu, qui serptera en 1970.

    Julius Evola abandonne lexistence terrestre le

    mardi 11 juin 1974: son corps est incinr etses cendres sont inhumes pour une partie enun point indtermin du Mont Rosa, et lesautres parties sont disperses au vent.

    Ainsi se conclut litinraire existentiel dunhomme, dun penseur, dun philosophe, quiil est ncessaire, en partageant ou moins sonengagement, de reconnatre une haute, uneinexpugnable et trs ardente dignit.

    Rsum sur Evola

    Que dit en synthse le philosophe JuliusEvola? Dans quel domaine, dans quel courantde pense doit-il tre insr? Quel est sonmessage politique, social, existentiel?Rpondre des questions comme celles-cisavre extrmement difficile: la complexit

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    lien payen entre royaut et sacerdotalit,lidentification en paix et justice des lmentsfondant la civilisation: tels sont les pointscardinaux de la Tradition. Le Baron Evola, dans ses oeuvres, retrouve la piste des

    manifestations historiques de la Tradition, ilen dvoile les symboles et les significations, ilanalyse les mythes, les lgendes, il fixe le

    profil dune typologie dhomme, dtat et decivilisation suprieurs; il critique de manireserre, prcise et premptoire, le processus dedcadence de lOccident et du monde engnral, ses dgnrescences sociales,existentielles, la perte de rfrentielstranscendants qui le caractrise et le chaosrsultant, engendr par lconomisme, par le

    matrialisme, par lesprit bourgeois, parlexistence animalesque qui contre-distinguelhomme dans lre de la technique et parlinsurrection de linfriorit. videmment,ses paramtres dobservation et dedsacralisation des paramtres traditionnels

    ou, avec un langage qui prte pourtant auxquivoques, sont ractionnaires , si par cemot on comprend la prdominance dunementalit asctique, chevaleresque,

    aristocratique, dans le sens de laristocratie delesprit et non gnriquement antisociale doivent tre circonscrits dans leur domaine:on ne peut pas penser adresser une critique Evola par des mthodes modernes .Lhomme ancien ou traditionnel etlhomme moderne, pour se considrer eux-mmes, considrer le monde ou la socit,chaussent des lunettes diffrentes: selon letype de lunettes, ou de vision du monde silon prfre, on a une perception diffrente durel et une conception diffrente de la vie.Personne ne peut tablir quel type de lunettesest juste: selon son propre engagement [ou

    positionnement, ndt] on arrive des rsultatsdiffrents, et comme il nexiste pas de critres

    pour tablir sil est plus juste au sens absoludtre athes ou religieux, idalistes ou

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    tats dHsiode (Or, Argent, Bronze et Fer,avec une remonte momentane entre latroisime et le quatrime, avec ltat desHros ), qui trouve sa correspondante enOrient dans la doctrine vdique hindouiste :

    Satya-yuga, Treta-yuga, Dvapara-yuga etKali-yuga, sont respectivement les quatre moments de la dcadence, qui a dbutquand lhumanit perd le contact et sloigne

    progressivement de la lumire spirituelle et dela vrit des origines. La priode pr-Rvolution Franaise, donc, est dj attaque

    par la dcadence : ferme doit rester le conceptque les expressions historiques ne sont quedes manifestations temporelles, et partielles,dun idal suprieur. Mais dcouvrons dans

    les paroles du mme Evola la signification dela Tradition. Nous proposons de suite le

    premier chapitre du livreRvolte contre lemonde moderne , dans lequel le philosophedfinit bien le sens de la Tradition : Pourcomprendre aussi bien lesprit traditionnelque la civilisation moderne en tant que sangation, ilfaut partirdun pointfondamental : de la doctrine des deux natures.Il y a un ordre physique et il y a un ordre

    mtaphysique. Il y a la nature mortelle et il ya la nature des immortels. Il y a la raisonsuprieure de ltre et celle infrieure du devenir . Plus en gnral : il y a untangible et un visible et, bien avant lui, il y aun invisible et un non-tangible en tant quesupramonde, principe et vie vraie. Partoutdans le monde de la Tradition, en Orient et enOccident, dans uneforme ou dans une autre,cette connaissance a toujours t prsentecomme un axe inbranlable autourduqueltout le reste tait ordonn. On ditconnaissance et non thorie . Quoiquilsavre difficile aux modernes de laconcevoir, ilfaut partirde lide que lhommetraditionnel connaissait la ralitdune ordrede ltre beaucoup plus vaste que celui qui,aujourdhui, correspondde principe au mot

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    rel . Aujourdhui, en tant que ralit, aufond, on ne conoit rien de plus qui aille au-del du monde des corps dans lespace etdans le temps. Certes, il y a bien celui quiadmet encore quelque chose au-del du

    sensible : mais parce que cest toujours autitre dune hypothse ou dune loi scientifique,dune ide spculative ou dun dogmereligieux quil va admettre ce quelque chose,effectivement, il ne va pas au-del de la ditelimitation. En pratique, cest--dire en tantquexprience directe, quelle que soit aussi ladiscordance de ses croyances matrialistes et spiritualistes , lhommemoderne normal ne se forme son image de laralit quen fonction du monde des corps. Le

    vrai matrialisme accuser chez lesmodernes cest celui-ci : leurs autresmatrialismes, au sens dopinionsphilosophiques et scientifiques, sontdesphnomnes secondaires. Pour le premiermatrialisme, il nestdonc pas question duneopinion ou dune thorie , mais de ltatdefait propre un type humain dontlexprience ne sait plus apprhender que deschoses corporelles. Pour lequel, la grande

    partie des rvoltes intellectuellescontemporaines contre les vues matrialistes appartiennent aux ractionsvaines contre des effets ultimes etpriphriques de causes anciennes etprofondes, qui se sonttablies en bien dautrelieu que dans celui des thories .Lexprience de lhomme traditionnel, commeaujourdhui encore, au titre de rsidu, cellede quelques populations dites primitives ,allait bien au-del dune telle limite. Linvisible y figurait comme un lmentpareillement rel, et mme plus rel, que lesdonnes des sens physiques. Et tout mode devie, que celle soit individuelle ou collective,en tenait compte. Si traditionnellement ce quisappelle aujourdhui ralit ntaitdonc,sinon, quune espce dans un genre bien plus

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    vaste, linvisible ne sidentifiait toutefois pasavec le supranaturel . la notion de nature ne correspondait pas,traditionnellement et simplement, le mondedes corps etdes formes visibles sur lesquels

    sest concentre la science scularise desmodernes, mais aussi, et essentiellement, unepartie de la mme ralit invisible. Lesentimentdun monde infrieur tait vif,peuplde forces obscures et ambigus de toutgenre me dmoniaque de la nature,substrat essentielde toutes les formes etnergies de celle-ci auqueltait oppose laclart suprarationnelle et sidrale dunergion plus haute. Mais en plus, dans la nature rentrait aussi traditionnellement

    tout ce qui nest quhumain, ceci nchappantpas au mme destin de naissance etde mort,dimpermanence, de dpendance etdaltration, propre la rgion infrieure.Pardfinition, lordre de ce-qui-est nepeut avoir faire avec des tats etdesconditions humaines ou temporelles : uneest la race des hommes, une autre celle desdieux quoique lon cont que larfrence lordre suprieur au-del du

    monde, pt orienter cette intgration etpurification de lhomme dans le non-humain,comme on le verra, elle seule constituantlessence et lafin de toute civilisationvraiment traditionnelle. Monde de ltre etmonde du devenir des choses, des dmonsetdes hommes. Dautre part, toutefigurationhypostatique astrale, mythologique,thologique et religieuse de ces deuxrgions renvoyait lhomme traditionnel deuxtats, elle valait comme un symbole rsoudre au sein dune exprience intrieureou dans le pressentimentdune exprienceintrieure. Ainsi dans la tradition hindoue, etspcialementdans le Bouddhisme, lide dusamsara le courant qui domine ettransporte touteforme dans le mondeinfrieur esttroitement associe une

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    condition de la vie comme convoitise aveugle,identification irrationnelle. Pareillementlhellnisme de la nature personnifiasouvent lternelle privation de ce qui,ayant en dehors de soi le principe et lacte

    propre, coule etchappe soi indfiniment ari ronta etdans son devenir accusejustement un abandon originel et radical, undfautdurable de limite (1) . Matire etdevenirdans de telles traditions expriment cequi dun tre est indtermination, ncessitincoercible ou obscure, impuissance saccomplir sous une forme parfaite, sepossder par une loi : anaekion et peirondisaient les Grecs ; adharna disaient lesOrientaux. Et la Scolastique neut pas didestrop dissemblables en reconnaissant commecupiditas et appetitus innatus la racine detoute nature non rachete. Dune faon oudune autre, lhomme de la Traditiondcouvritdonc dans lexprience delidentification avide, qui obscurcit et lseltre, le secretde cette situation, dont ledevenir incessant et linstabilit prenne et lacontingence de la raison infrieure,apparaissent comme une matrialisation

    cosmico-symbolique. Par contre, ensappartenant et en se donnant une forme, dufaitdavoir en soi le principe dune vie quinest plus disperse, en ne se laissant plusabattre ici et l, en recherche de lautre oudautres pour se complter ou se justifier, unevie non plus brise par la ncessit et parleffort irrationnel vers lextrieur et lediffrent en un mot: dans lexprience delascse, on ressentit la voie pour comprendrelautre rgion, le monde de ltatde ltre ,de celui qui nest plus physique, maismtaphysique nature intellectuelleprive de sommeil etdontdes symbolessolaires, des rgions uraniques, tres delumire ou de feu, les et hautes montagnes,furent traditionnellement les figurations.Telles les deux natures . Et la naissance

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    selon lune et selon lautre fut conue, et lepassage de lune lautre, naissance parcequilfutdit: Un homme est un dieu mortel,et un dieu est un homme immortel (2) . Lemonde traditionnel connut ces deux grands

    ples de lexistence et les voies qui de lunmnent lautre. Du reste le monde, dans latotalitde cesformes aussi bien visibles quesouterraines, soit sous-humaines,dmoniaques, connutdonc un supramonde uperkosma lun chute de lautre etlun libration de lautre. Il connut laspiritualit comme ce qui se trouve au-delaussi bien de la vie comme de la mort. Ilconnut que lexistence extrieure, le vivre ,est nant, sinon une approximation vers le

    supramonde, vers le plus que vivre , si lafinalit la plus haute nest pas la participation ce plus que vivre et une libration activedu lien humain. Il sut que toute autorit estfausse, injuste et violente, toute loi, vaine etcaduque, toute institution, quandelles ne sontpas une autorit, des lois etdes institutionsordonnes au principe suprieurde ltre depuis le haut et vers le haut. Le mondetraditionnel connut la Royaut Divine. Il

    connut lacte du passage: lInitiation lesdeux grandes voies de lapproximation:lAction Hroque et la Contemplation lamdiation: le Rite et la Fidlit le grandsoutien: la Loi traditionnelle, la Caste lesymbole terrestre: lEmpereur. Telles sont lesbases de la hirarchie etde la civilisationtraditionnelle, en tout et pour toutdtruitespar la civilisation humaine triomphantedes modernes.

    (1) Expressions caractristiques chez Plotin,nnades, I, VIII 4-7. Chr. Plutarque,De Isis Osiris.

    (2) Cfr. Hraclite (ed. Diels, fr.62) [traductionitalienne: De lorigine, Feltrinelli, Milan 1993] Corpus

    Hermeticum, XII, 1. (Julius Evola:Rvolte contre lemonde moderne Chap. I Le principe .

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    Comme on le remarque dans le texte ci-dessus, ce qui distingue la Tradition delAntitradition (civilisation moderne) cestsurtout un lment: la tendance vers lehaut . Un caractre fondamental de toute

    civilisation traditionnelle est sa basetranscendante, sa construction active autravers de normes qui se projettent au-del delhumain. Cest fondamental de biencomprendre les points suivants, pour ne pascommettre une mauvaise (ou partiale)interprtation:

    a) Le diffrencialisme volien.

    b) Le sens de la transcendance et ses

    rapports avec la religiosit .

    A Avec le terme de diffrencialisme ,se sous-tend lentire conception volienne delhomme. Dans diverses prfaces de sesoeuvres mmes, le philosophe affirme que lalecture de tel ou tel livre peut tre utile untype dhomme diffrenci : pour JuliusEvola, les tres humains sont profondmentdiffrents. Dans le sillage dHraclite ( Un

    seul vaut plus que dix mille pour moi, si cestle meilleur ), de manire non dissemblable la distinction heideggerienne entre hommes et hommes-seigneurs , maisen reprenant encore plus Nietzsche (le

    penseur le plus influent sur Evola), le Baronjette les bases dune vision antidmocratiquede la socit. Un antidmocratisme qui narien voir avec les rgimes totalitaires, letotalitarisme tant condamn par Evola parcequexpression de la socit de masse, mais qui

    se fait propulseur de ltat organique. Lesdiversits existantes entre les hommes ne sont

    pas des diffrences caractre biologiquemais spirituelle: il existe des hommessuprieurs (diffrencis) par personnalit,intelligence, capacit, volont, caractre. Enun mot, par des qualits. En se posant avecune attitude de rpulsion et daversion

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    lgard de toute forme de biologisme et/oudarwinisme, toute pense qui encadre ltrehumain selon des critres zoologiques ,Evola conoit une telle diversit comme descaractristiques innes de lindividu, dont la

    qualit nest jamais acquise mais gntique , hrditaire. Chacun devientce quil est , ce nest pas linfluence delenvironnement extrieur qui dtermine lescaractrisations de chacun, mais ses donsnaturels. Linfluence extrieure peut apaiser,attnuer, dissimuler, de telles caractrisations,elle peut en entraver le dveloppement, mais

    jamais les dterminer ou les produire . Parexemple, un souverain de grande paisseur esttel en tant que tel: si peine n, il tait

    conduit dans un autre environnement diffrentde celui royal, il ne dvelopperait pas sesqualits naturelles cause dempchementsextrieurs et matriels, et ses capacitsresteraient ltat potentiel ou nesaffirmeraient que partiellement. Mais unhomme ordinaire qui aurait grandi dans unenvironnement royal ne russirait pas non

    plus devenir un grand souverain parce queses dons naturels, son potentiel ne le lui

    consentiraient pas. Tout comme un artiste napprend pas peindre, mais sa peintureest le rsultat dun talent naturel (spirituel),les actions et les comportements humains sontdes expressions de caractres inns. Il est clairque si lartiste ntait jamais au contact avecune toile et un pinceau, il ne deviendrait pasartiste, ainsi lhomme, t de la situation quilui est propre, naurait pas la possibilitdexprimer ses dons: mais ce nest pas le

    pinceau qui fait de lartiste un artiste, en effetil est tel par nature , pinceau et toile ntantque des instruments de sa ralisation, et nondes lments qui dterminent sa naturedartiste. Un tel innisme nest pasgnosologique mais ontologique: on ne parle

    pas de connaissances innes, ni non plus demanire simpliste dintelligences

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    quantitativement suprieures ou infrieures.On parle de dispositions, ou mieux de

    prdispositions, dinclinations de lindividuqui ne sont pas acquises mais quiconcident, justement, avec son patrimoine

    inn. Ces concepts aristocratiques etdiffrencialistes sont aussi emprunts aumonde de la Tradition (que lon considre, parexemple, la tripartition de la socit chezPlaton : philosophes, guerriers, ouvriers,suumcuique tribuere , chacun le sien). Une foiscette base bien dfinie, on comprend commentloeuvre volienne ne puisse jamais tredestine une exploitation de masse : ceci estlune des raisons, outre la pseudo-exgse des mauvais disciples et lobstruction de la

    culture officielle, pour laquelle Evola est peulu, encore moins connu, et exclu desencyclopdie philosophiques. Son message esttoujours litaire : on ne doit pas stonner quetout le monde ne soit pas en mesure delaccepter ou pour le moins, de le comprendre. la diffrence des ides de tant dautres

    philosophes, modernes et non-modernes, pourle Baron, il est inconcevable de parler dtrehumain dans le vague, lexpression gnrale

    dtre humain tant une abstraction. On nedoit jamais utiliser le critre quantitatif pour valuer ses crits (si tous faisaientcomme lui le dit ), on ne doit jamais lereprsenter comme un penseur dont limagesoit hisse par les masses, on ne doit jamais leconsidrer comme un rfrentiel thorique de

    partis ou de mouvements politiques. Il estncessaire de penser Evola comme uningnieur de lme, un homme qui fournitles lments et les suggestions pourconstruire, ici sur cette Terre, une fermetdides et desprit, une patrie intrieurequi ne pourra jamais plus tre occupe nidtruite , dans la tentative, non pas desenraciner sur un misonisme nostalgique etrtrograde, mais de transformer le poison enremde , de savoir rester au monde en

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    demeurant soi-mme. Pour le dire avec lesmots de Abd Al-Khaliq : Sois capabledentrer compltement dans la vie du mondeextrieur sans jamais perdre ta libert .

    B Le rapport entre la transcendance etla religiosit , cest--dire la signification dela mtaphysique chez Evola, est uneconsquence directe de sa ptition de principelitaire et diffrencialiste. La spiritualit de laTradition pour laquelle Evola a combattu narien voir avec la superstition, langoisse dela mort, la projection feuerbachienne delhomme qui sagrippe au transcendant en sesentant limit ou avec les veines de lasensiblerie romantique propre lirrationnel :

    elle doit tre interprte du point de vue sotrique , savoir, en distinguantlaspect religieux et dvotionnel, propre lhomme commun, et le domaine de laconnaissance et de la ralisation (domaine

    plus proprement mtaphysique). Les deuxaspects sont traditionnellement reprsentscomme lcorce et le noyau , la premirereprsentant laspect exotrique, le secondlaspect sotrique. Dans le langage arabe de

    la tradition relative lsotrisme islamique,par exemple, lcorce, (en arabe el-Qishr)quivaut la shara, cest--dire la loireligieuse, et correspond tout ce que lemonde illuministe et celui marxiste imputentaux socits non-laques : dvotion, fidisme,soumission irrationnelle, passivit. Le noyau(en arabe el-Lobb) est symboliquement lahaqiqah, et donc la vrit ou la ralitessentielle qui [ ] nest pas la porte detous, mais rserve ceux qui savent la

    dcouvrir et la rejoindre, mme aux traversdes formes extrieures qui la recouvrent, enmme temps quelles la protgent et ladissimulent (Ren Gunon). Lhommetraditionnel, qualitativement diffrenci, estcelui qui se distingue du fait quil sappartientet se donne une forme, quil a en soi le

    principe dune vie non plus disperse, non

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    plus en se dcourageant ici et l dans sarecherche de lautre ou des autres pour secomplter ou se justifier, une vie non plus

    brise par la ncessit et par la conationirrationnelle vers lextrieur ou le diffrent,

    cest--dire exactement le contraire du croyant domin par des forcesirrationnelles. Le noyau concide souvent aveclexprience de lascse : et lascse, la vraieascse, nest pas une forme dauto-mortification (la schopenhaurienne thiquede la souffrance ) et/ou dhumiliation de soi.Elle se prsente au contraire avec descaractristiques viriles, guerrires, solaires : et le monde classique nouslexplique dj aussi bien avec la

    formule apotetenai ( se faire Dieu ) quitrouve aussi dans dautres traditions uneidentit de contenus. lhomme traditionnel,diffrenci, voit dans la transcendance, non

    pas le dogme auquel se soumettre, maislachvement de son tre, la pleine ralisationde soi au travers dune thique autarcique ,qui tend trouver en soi le point autourduquel gravitent toutes les conditionsextrieures, contingentes et temporelles. Mais,

    encore, nous dcouvrons dans les parolesmmes dEvola quel est le sens de laspiritualit chez le type dhomme diffrenci : Aujourdhui, nous avons besoin dhommesqui ont un concept pur et efficace de spiritualit : qui la dtache de tout ce quiestdu domaine du sentiment, de lvasionmystique, etdu prjug humain , qui ne larduisent pas une petite chose du cerveau,du coeur, sinon mme des sens, mais qui laralisent comme un tat, comme une prsencequi sexprime dans des forme suprieuresdaction etde vision, en nexcluant pas avecceci les autres lments non-spirituels de lavie humaine, individuelle et associe, mais enles dirigeant, en les animant et en lesorganisant partirde ce niveau suprieurdeconscience [ ] Le type dhomme diffrenci

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    est celui qui, en tant que personnalit, est enmesure dassumer une attitude active, au lieude passive, face tout ce qui en est lui estinstinctivit, passion, impulsion, affectivit,nature. Cest celui qui, au moins

    partiellement, a en lui ce principe quuneantiquit philosophique appelait egemonikn , le gouvernement intrieur.Pour lui, devrait valoir cette norme : il te seraconcdde faire tout ce quoi tu sais, si tu leveux, pouvoir renoncer. [ ] Ferme dans lesprincipes, inaccessible nimporte quelleconcession, indiffrentface la plbe, auxsuperstitions, aux convulsions, au rythmedesquelles dansent les ultimes gnrations. Le

    tenir-ferme de quelques-uns compte, dont

    la prsence, tels des convives de pierre ,sert crerde nouvelles distances, denouveaux rapports, de nouvelles valeurs ; construire ce ple qui, sil nempchera pas ce monde de dvis etdagits dtre ce quilest, servira pour le moins transmettre quelquun la sensation de la vrit.

    De cela, on dduit que limpulsiontranscendante volienne ou aussi la

    tendance vers le haut , serait banalise etminimise si on la ramenait uniquement lasphre religieuse. Par-del les dogmes et lesaspects typiquement dvotionnels, lamtaphysique chez Evola, avec ses rappelsaux traditions orientales, linitiation, au riteet la loi, prend des connotations toujours

    plus anagogiques, tendant toujours plus lever lhomme de son simple tre-homme, et le reconduire au monde de ltre originel, le rendre souverain de soi et du monde. Enconcluant : les enseignements dEvola ne sont

    jamais divulgables une ralit massifie,mais toujours une ralit oriente sur uncercle restreint ; sa mtaphysique, ladiffrence de celles habituellement connues,tend non pas limiter le type dhomme auquelsadresse sa pense, mais le librer deslimites et le potentialiser. En descendant du

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    je devais nettement le reconnatre par la suite subissaient une rationalisation force,extrinsque [2, 30], en admettant uneconnaissance imparfaite des doctrinessusdites, quil avait voulu interprter dune

    point de vue idaliste ; voire mme en partantde lidalisme, il avait dj voulu aborder lesdoctrines sapientiales, dans la tentative deconjuguer les deux choses. Toutes ces misesau point au sujet du caractre presque illgitime de son laboration

    philosophique, lidalisme magique, nedoivent pas faire penser quune tellelaboration soit prive dintrt pour quitudie la philosophie ; au contraire, cest peut-tre justement en vertu de ce caractre

    htrodoxe quune telle spculation, outre dereprsenter une cheville originale dans cecadre trs vaste de penses et dides questlidalisme, a une ligne de positionnement lui, bien dfinie, qui mne, au travers dethorisations et rfutations, une conclusioneffective. Venons-en donc lanalyse de cetidalisme magique : prsupposs,dveloppements et solutions.

    Le point nodal de la critique de lossaturegnosologique de cet idalisme porte sur lanature relle du Je. Fichte, vrai fondateur delidalisme, postule trois principes danslaDoctrine de la Science dont le premier estcarrment considr comme antrieur au

    principe didentit et de non-contradiction A= A : on affirme quun tel rapport identitaire,une telle base du connatre, certes ne se pose

    pas de manire autonome, mais est pos parun ens . Ladquation qui en drive, cest que

    le premier fondement du connatre est le Jequi sauto-pose et donc sauto-cre. Enacceptant aussi ce raisonnement, qui imprimeau principe didentit et de non-contradictionun caractre de loi, de quelque chose de donn , donc de postul par un alterqui ledfinit, en quoi consiste, lmentairement ceJe ? Fichte lui-mme en donne une explication

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    ambigu : en soutenant que lauto-positionnement concide avec lintuitionintellectuelle, savoir avec le sujet, le Je rel,qui est Autoconscience dans la mesure o il

    prend conscience de soi (Le Je se pose lui-

    mme) et ensuite de lautre que soi (Le Jepose le non-Je) il semble donner un caractrerel, individuel, ce Je ; il se contredit toutseul quand il touche le thme de linfinit duJe, qui nest jamais une situation acheve,mais un but idel du je fini, mais cest ce Jeinfini tre le principe formel et matriel duconnatre. Quel est donc le Je du premier

    principe de la Doctrine ? Est-ce lactivitauto-cratrice et infinie qui se pose et pose lenon-je (et dans ce cas ce nest plus une

    intuition intellectuelle, cette dernire auto-conscience tant lauto-position et lauto-cration, elle concide avec la cognition deSoi) ou bien est-ce le Je rel qui parvient une conscience de soi et ensuite du non-je,existant en tant que connu, en allantncessairement concider avec la raisonhumaine ? Un tel problme nest pas rsolu,mme pas par Hegel, symbole de lidalisme,lequel postule de manire arbitraire, attentif

    quil est dmontrer la rsolution du fini danslinfini, le Sujet Spirituel en devenir,lAbsolu, qui dans une rationalit ncessaireavec lhomme parvient sa manifestation etsa ralisation finale. Evola dveloppe sacritique de manire dcisive justement sur cetaspect, sur le nature du Je. Il saisitinluctablement la scission entre le Je rel ouempirique et le Je absolu ou infini divagu parlidalisme : le caractre de sa thorisation estdlicieusement pratique. Lanalysegnosologique doit avoir comme fin le Je rel,lhomme, sa centralit en face de soi et dumonde (non-je) : ceci est un des lments quiattirent le plus et peuvent susciter lintrt lgard de son systme, qui abhorre lesabstractions et spculations comme des finsen soi et veut se projeter dans la jungle de

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    lexistence. La tentative de dpasser cettegrande limite de lidalisme se tient dans sontournant magique , cest--dire rel (onutilise aussi la tournure Idalisme Rel enrfrence son systme), et ici entre en jeu la

    sagesse traditionnelle relative lautoralisation et la praxis. Cedpassement se produit au travers delexprience, le contact rel du Je avec le non-

    je, ce qui nadvient pas par des thories ou desconcepts abstraits mais ...par un mouvementabsolument concret, avec une transfigurationrelle de lexistence, rsolue dans ladivinit . vident et indniable le rappel

    Novalis, qui clbre la puissance de lhomme,du Je, lgard de la ralit quil a en face de

    lui : La Terre, la cit magique ptrifie dontlhomme est le messie . De la mme faonque celui-ci recherche et professe la volontcratrice de lhomme, sa possibilit dedomination sur les choses en dehors de lui,Evola dveloppe dans un sens autarciquelessence de sa philosophie : le Je rel peutcombler la privation, fille du rapportdisproportionn entre lui et le Je Absolu,grce une parfaite autonomie qui le rend

    Absolu ( savoir Individu Absolu comme onle verra ensuite) grce lexprience des faits(efficace, ndt], une exprience transformatricedans laquelle le sujet connat ce quil parvient raliser en soi. Comment peuvent bien avoirt attribus, des systmes de pense commecelui-ci, des caractres dobscurantisme enrapport avec les philosophies matrialistes et celles plus ou moins humanistes , cela reste

    bien pour nous un mystre. Ici, nousproposerons une srie de pages sur Evola,convaincus que nous sommes que lapprochedirecte avec lauteur est le meilleur moyen dele comprendre. Aux textes susditssuccderont, de temps en temps, descommentaires et des claircissements.

    Seconde sous-section proposition et

    critique de lidalisme

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    1. Le problme fondamental de la philosophiemoderne est le problme gnosologique ou

    problme de la connaissance qui, brivementet sous une forme trs sotrique, peut treformul ainsi : toute exprience est constitue

    par la conjonction dun sujet et dun objet,dun connaissant et dun connu ; donc,comment la relation, qui contraint ces deux

    principes, est-elle possible, et donc, quel est lesens de leur conjonction, dans laquelle sedveloppe lexprience humaine ? Jusququel point ce problme est important et donc,

    jusqu quel point lintrt, que la philosophiemoderne place en lui, est justifi, on peut lecomprendre de la manire suivante. Par laconnaissance, au sens large, saffirme soi laralit dune nature, la ralit dautresconsciences et, aussi, la ralit dun mondespirituel. Donc sans un examen prliminairede la nature de la connaissance, de ses

    prsupposs et de sa validit, on ne peutdonner aucun fondement srieux cesaffirmations ; et tant donn que delles acceptes navement comme des donnes defait, sans aucune critique ou rflexion

    prliminaire partent les sciences de la

    nature, les disciplines morales et sociales, lesreligions et les thories des valeurs, si lon napas un moyen, dans lexamen de laconnaissance, de garantir la certitude de toutce qui est postul comme vrai partir delle,si lon na pas un moyen de dmontrer lesconditions par lesquelles la vrit estimmanente la pense humaine et, enconnexion, de confirmer et de vrifier lavalidit et de dfinir le sens des vrais

    principes fondamentaux, le monde entier, nonseulement celui de la culture, mais aussi celuide la conscience commune elle-mme, doitapparatre comme hypothtique et priv desens : la valeur formelle qui lui conviendraitalors seulement, ne saurait en aucune faonempcher que le scepticisme en dissolvelessence intime. Et ce nest pas tout: si lon

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    devait affirmer srieusement limpuissance dela connaissance se justifier elle-mme, lemme scepticisme savrerait insoutenable: eneffet il ny a aucune certitude, si lon nyrapporte pas une certitude, ce qui contredit le

    contenu du mme principe par lequel on niequun connatre quelconque (et donc celuisceptique compris) puisse avoir une certitude.Il en rsulterait alors que toute lexprience,sinon dans ses formes les plus lumineuses, estune espce de rve incomprhensible, danslequel le Je devrait se laisser aller rver

    passivement puisque, linverse, sil y portaitla rflexion, sur ce rve, il seraitimmdiatement dchir par une contradictioninterne. On ne pourrait jamais insister assez

    sur limportance de cette considration etdonc sur la ncessit du problmegnosologique la base de tout autre,spcialement contre tant de courants qui, parun mouvement dont on ne saurait dire si latmrit prsomptueuse est plus grande que lanavet, prtendent encore aujourdhui, fairevaloir comme vrit absolue les fruits dundogmatisme et dun fantasme dchans, alorsquils sont impuissants expliquer le

    fondement de leurs procdures et le sensmme des paroles et concepts quilsemploient.

    Commentaire: Dans ce bref prambule, Evolaintroduit la rflexion sur llment qui fonde laphilosophie moderne, celui de laconnaissance. Il se fait donc le partisan de lancessit danalyser fond les bases surlesquelles il repose, pour ne pas tomber danslquivoque de considrer comme unecertitude ce qui, la rflexion relle, apparatcomme une postulation arbitraire. Il insistebeaucoup sur ce point parce que, comme ilcrit, cest prcisment de la connaissanceque drivent les sciences, les morales, lesnormes sociales: il savre essentiel de placerdevant le tribunal de lanalyse la nature de laconnaissance elle-mme. Puisque, dans le caso se vrifierait la fracture entre la ralit et la

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    conscience humaine, qui serait alors illusoire,toute affirmation prendrait un caractrechancelant, et se briseraient donc enmorceaux, comme il crit, non seulement lemonde de la culture, mais aussi celui de laconscience commune. Le mme scepticisme

    serait insoutenable: si laffirmation de par elle-mme un caractre fallacieux, parconsquent laffirmation sceptique aussi,affirmation dune non-affirmation et donc dunengation dune affirmation, elle savrerait nonacceptable. Tout comme, dans une faillitehypothtique de la connaissance, touteaffirmation cognitive ne peut pas tresuppose vridique, de quelle manire peuttre attribu aussi un tel caractre de vracit une affirmation qui dnie la valeur delaffirmation mme? Elle scroule parce quelle

    mme est une affirmation. Le caractredlicieusement spculatif de ces observationsnous dmontre de manire trs claire commentsa perspective de dpart est justement cellephilosophique, une tape utilise pour arriver la doctrine de la Tradition. En connexion avectout ce qui a t prcdemment mis en relief,cette mthodologie sera considre parlAuteur lui-mme comme une sorte derreur , puisque un tel type de philosophiesavre dj souiller les connaissancesvraiment traditionnelles.

    2. Donc la solution de la spculation moderneau problme gnosologique est, en principe,lidalisme, ou plus prcisment, dans laconception du monde de lidalisme, on a dreconnatre la conditionnalit par un systmedabsolue certitude. Lidalisme, comme on lesait, consiste dans laffirmation quun mondeextrieur, existant en soi-mme indpendantdu connatre et par consquent du Je, ne peut

    tre affirm de manire cohrente: que donclunivers entier nest quun systme de notreconnatre, cest--dire il nest quen vertu duJe et pour le Je. Cela vaut dexposer ici un

    bref rsum des arguments sur lesquelssappuie une telle thorie. Si lon rflchit un

    peu, il savre clair que dune chose, qui seraitabsolument en dehors de moi, je ne saurais

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    absolument rien et donc que je ne pourraisdaucune faon en affirmer lexistence. Je

    peux affirmer lexistence dune chose, pourautant que et cause du fait que je laconnais, ce qui quivaut dire pour autant et

    cause du fait quelle est comprise lintrieurde la sphre du Je. De cela driveimmdiatement que lunique ralit dont je

    puisse en vrit parler lgard dune chose,est celle qui concide avec le fait quelle est

    perue et que donc elle dpend de monpercevoir, sans lequel elle, pour moi,existerait aussi peu que la lumire sans mafacult de vision. Naturellement ici, deuxobjections surgissent. Avant tout, on feraremarquer que le fait quune chose pour moi

    nexiste pas, nimplique pas quelle, en soi,nexiste pas ; cest--dire que des choses

    peuvent exister ou des aspects des choses quemoi je ne connais point et qui pourtantexistent tout de mme. cela on rpond quesi ces choses ou aspects des choses qui existent tout de mme et ne sont daucunemanire connues de moi, mme pas au traversde raisonnements et mme pas commeventualits dune future exprience, alors

    leur existence ne peut tre quune hypothsegratuite ou une rverie; dans le cas contraireelles sont frappes par largument expos etsont remises dune manire ou dune autredans le Je. La seconde objection est que pourmoi il nexiste pas seulement les choses que je

    perois, mais aussi celles perues par lesautres, et que je ne crois pas la ralitseulement en vertu de mes perceptions ouraisonnements, mais aussi parce que ma

    perception ou mon raisonnement sontconfirms par celle ou celui des autres. Cetteobjection entre cependant dans un cerclevicieux : puisque pour les choses, le mmeraisonnement se rpte pour les autres, cest--dire quil faut se dire que je ne sais rien desautres en dehors de ce que, par perception, ou

    par discours, ou par intuition, ou par tout autre

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    moyen quelconque de mon connatre, et quecependant avec cela, je reconduis la sphrede ma subjectivit. [ ] Un en-dehors queserait vraiment en-dehors, ne pourrait rien tre

    pour ma conscience, par la consquence de

    quoi le en-dehors prsent dans les perceptionsest relatif, et tout se rduit cette situationque, lintrieur de mon exprience, je posecertaines choses comme relativementextrieures moi ou aussi comme existantesen soi. Il en rsulte que toute ralit nestquune dtermination de ma conscience, quele Je, au lieu dtre compris dans lunivers,comprend celui-ci lintrieur de lui-mme,et lther infini qui en sous-tend chaquedtermination et le dveloppement. Ici on peut

    lier linstance de la clbre Critique de laraison pure de Kant. partir dune analyseattentive et applique de lexprience, ilrsulte que le monde, comme il apparat lascience et toute conscience commune, ycompris les caractres dextriorit,dobjectivit, etc., nest pas du tout seulementle donn immdiat de la conscience ; lequelest au contraire un complexe absolumentsubjectif de sensations qui se sont

    transformes de manire dsordonne lunedans lautre et qui, de par lui-mme, na rien faire, ni ne peut donner de justification aucune ce monde spatial, ordonn et objectif, quenous connaissons. Kant, en explorantcomment il est possible une science engnrale, en tant que science, (cest--dire entant quensemble systmatiqueuniversellement valable et absolumentcertain), proposa la solution de la difficultdans la thorie, que ce nest pas laconnaissance qui se rgle sur les choses, maisque les choses se rglent sur la connaissance,dans ce sens que le sujet, qui a en lui desformes universelles et ncessaires (espace,temps, causalit, etc.) et en comprenant lechaos de la sensation en elles, de celui-ci tirele monde objectif et rgl qui est objet de

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    notre connaissance et duquel une science estpossible en gnral. En dautres termes : laconnaissance nest pas, comme lon croitvulgairement, une reproduction, mais unecration de son objet ; le monde, en dpendant

    des formes de connaissance, serait un autre, sile Je tait autrement conform. La difficultdans laquelle tait rest Kant, au sujet delorigine de la matire premire dessensations, fut par la suite rsolue par Fichtequi dmontra comment soit un non-je sedonne (la chose en soi de Kant), sinoncomme un quidpos par le Je et comme lefondement de cette loi, par laquelle un Je poseun non-je, soit en se recherchant dans lemme Je en tant que sujet connaissant. Avec

    cette allusion la philosophie kantienne on aexpos un autre repre de lidalisme : etcelui-ci cest que si lobjet, en gnral, estnant, sil nest pas simplement unedtermination intrieure la conscience, il est nouveau rien, sil est compris comme unesimple modification dune rceptivit passive.Une cire peut bien porter lempreinte dunobjet tranger, mais rien nest dans laconscience si celle-ci ne le prend pas en elle et

    ne linforme pas de rflexion. Conscience, ensoi, signifie mdiation, donc activit,autoconsciente. De cela il sensuit quelentire exprience est quelque chose de tout fait idel, non pas comme un simplespectacle, mais plutt comme une ralit

    pose, cre par le Je selon lactivit absoluede lautoconscienc e.

    Commentaire : Dans le texte ci-dessus, Evolase prpare une analyse sommaire de la

    philosophie idaliste, prsuppos ncessairepour le dpassement de la mme. Sa rflexioncritique tend reporter dans la sphresubjective et personnaliste la ds-individualisante structure gnosologique delidalisme classique : avec laffirmationque tout est en vertu du Je et pour le Je , ilpose le sujet pensant dans une conditiondabsolue centralit par rapport au monde

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    extrieur, connu en tant que sa position. Maisbien avant la dfnestration du Je abstraitaspir par lidalisme, Evola impose desconsidrations importantes au sujet dunegrande quivoque thorique de lidalismemme. Un telle quivoque se tient dans

    lidentification, fallacieuse, entre objet connu etobjet existant : les idalistes soutiennent quepour dfinir lexistence de quelque chose, il estncessaire de le connatre : en le connaissant,le sujet dtermine son existence. Celaseffondre ds que lon ramne le Je delabstraite spculation philosophique sanature empirique, ou bien son tre sujet,homme, raison individuelle : en connaissantlobjet, le Je admet son existence, perue parsa mme conscience, mais ce nestcertainement pas son connatre qui dtermine

    lexistence de lobjet lui-mme. Si jai unbandeau sur les yeux, et donc si je suis privde ma facult de vision, je ne connais pasla chaise qui se trouve devant moi. Celanempche que le meuble se trouve biendevant moi : le moment de la connaissance estseulement une conscience de lexistence dunnon-je, dun autre que soi, et non duneposition (cration) du mme. Evola lexpliquede manire trs simple avec ses deux objections , avant tout quand il dit que le faitquune chose, pour moi, nexiste pas, namnepas en consquence quelle, en soi nexistepas, cest--dire que des choses et aspectspeuvent exister que moi je ne connais pas etqui pourtant existent tout de mme :lquivoque se trouve dans le fait de penserquune dtermination cognitive de laconscience correspond une dterminationeffective de lexistence de lobjet, aboutissantdonc faire concider le connu et lexistant. Ilest aussi vrai, cependant, que si lexistence delobjet nest pas une condition de ma cognition

    de lui, ma connaissance ntant que laconscience que jen ai, postuler lexistencedun objet sans le connatre prend lescaractres et le signalement de lhypothse,incompatibles avec lexigence de certitudethorique, base premire de la spculationidaliste. En second lieu, Evola, en entantdans le champ de lanalyse sur la nature du Je,commence opposer labsolutisme du Je

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    idaliste, une multiplicit de Je (et pour Evolale Je, qui est rel, correspond simplement lhomme individuel, au sujet cogitant) : ilsensuit que les dfinitions de ma consciencedoivent tre mises en corrlation, pour treconfirmes ou dmenties, avec celles dautres

    consciences, les consciences des autres Je. Sinous revenons un bref instant la Doctrinefichtienne de la science, en examinant letroisime principe, celui dans lequel le Jeoppose dans le Je au Je divisible un non-jedivisible (qui reprsente lquivalent de laseconde objection volienne, celles danslaquelle existent divers Je et donc diversesconsciences), nous pouvons remarquercomment ce quest la situation de la raliteffective est vue, en tant le troisime des troisprincipes celui qui a t cit ci-dessus, comme

    une drivation de la dduction absolue du Jecomme principe premier soit du sujet soit delobjet, aussi bien du connaissant, que duconnu. Mais une telle dduction, plus quabsolue , savre tre arbitraire, tantdonn que lon donne des caractristiques auJe qui ne correspondent pas celles du Je rel(et dailleurs le tristement clbre Je delidalisme oscille, comme le dira plus loinEvola, entre le Je rel et le Dieu thiste). Lersultat final, comme le Baron lexplique ci-dessus par les allusions au kantisme et aumme Fichte, cest que lactivit de laconscience (qui est une activitautoconsciente, comme laffirme lidalisme enentrevoyant dans la conscience le fondementde ltre, et dans lautoconscience lefondement de la conscience) se configurecomme le noyau essentiel de la questionthorique, le problme de la nature du Jerestant toutefois irrsolu, de son tre sujetpensant limit face aux caractrisations absolues que lidalisme lui a imposes. Si

    lobjet en gnral nest rien, sil nest passimplement une dtermination intrieure laconscience, il est de nouveau rien, sil estcompris comme une simple modification dunerceptivit passive. Tel est lautre repre delidalisme dduit par la rflexion volienne (unrepre qui est le fils direct du second principefichtien du poser un non-je, savoir, lanalysede lexistence des objets est entirement

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    circonscrire dans le domaine du Je qui les pose ), une rflexion qui dornavant, unefois mises au point les bases de la spculationidaliste, procdera la critique sur la naturedu Je Absolu ou Transcendantal, dont lanature ambigu sera le tremplin pour le

    tournant magique qui correspond lharmonisation de la philosophie partir dundomaine thorico-gnosologique celuiefficace et de la pratique.

    3. Ceci, en quelques mots, est la conceptiondu monde de lidalisme : Le Je au centre duCosmos, crateur de toute ralit et de toutevaleur [ ] Avant daller plus loin, il vaut la

    peine de montrer comment cette thorie, premire vue si paradoxale, concorde la vrit

    intime de deux des attitudes qui semblent lacontredire le plus ouvertement : le senscommun et la science positive. Au sujet dusens commun, que lon note que sa vrit est

    pour lui ce quon peroit immdiatement :comme lobserve Berkeley, il ne sait rien nide causes transcendantales, ni de substances,ni desqualitates occultae : il vit dune sphrede pure subjectivit, et prtendre que lesdterminations quil donne aux choses, et qui

    continuellement se contredisent, appartiennentrellement aux choses elles-mmes, est aussiabsurde que de prtendre que la saveur douceou la douleur dune piqre appartiennentessentiellement au sucre ou lpingle. Or,non seulement lidalisme, mais dj lascience est un scandale du sens commun :quest-ce que peut avoir faire, en effet,lexprience de celui-ci, toute vivante, chaudeet sonore, resplendissante de lumire et decouleur, avec le monde aride et abstrait de la

    science, qui ne connat rien en dehors desvibrations de lther et des jeux datomes ?Pourtant, la science peut dmontrer que lavrit est de son ct et elle condamne lemonde du sens commun comme uneapparence, et cela cause de la subjectivit, savoir et dune certaine faon, de lidalismequi est de lui. Mais si lon dpasse le domaine

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    et que lon va voir en quoi consistelobjectivit que la science oppose lidalisme du sens commun, on la voitsvanouir comme un fantme. Ici aussi,on ne peut queffleurer le sujet. En premier

    lieu, Kant dj, remarqua que lexprience nepeut pas fonder des jugements de ncessit,cest--dire que la science peut delle-mmesavoir que les choses sont ainsi et ont tainsi, aussi dans les cas observs, mais pasquelles sont ncessairement etuniversellement ainsi : il dmontra quchaque fois que la science postule une vritobjective, cest--dire universellementvalable, en cela elle ne peut tre justifie que

    par une thorie idaliste ; et Lachelier ajouta

    que les choses ne vont pas autrement dans lalgitimit du principe dinduction , sans la

    prsupposition duquel la recherche des lois,tout comme le comprend le mme empirismemillnaire, est impossible. Encore : le

    prsuppos fondamental de la science est quela nature peut tre rsolue dans les formes delintellect du Je : telle est la prmisse implicite

    pour ne citer que deux exemples de lagomtrie analytique, quand elle adapte la

    physique la gomtrie et la gomtrie lafonction algbrique ; et des innombrablesapplications mcaniques du calcul diffrentiel,au cas o lon imagine pour la ralit leconcept tout fait thorique de linfinitsimal.Et ceci est du pur idalisme. [ ]Lpistmologie a rcemment montr que lascience, avec son monde, est une vritablecration de lesprit non seulement autonome,mais aussi arbitraire, que la ralit nestaccepte par elle que de manire provisoire etquasiment comme un prtexte, puisquelle lanie tout de suite et la rsout, au moyen ducalcul et de la gomtrie, dans un systmede relation hypothtico-dductif en soisuffisant et indiffrent comme le compritPoincarr dans son principedquivalence , auquel Einstein avec son

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    systme de transformation a donn uncaractre concret la nature varie de cesmmes ralits. Lenseignement paradoxal dela physique actuelle est justement celui-ci :cest lexprience elle-mme qui a impos au

    scientifique de la dpasser dans le systmepurement intellectuel et clos sur lui-mmedun pur mathmatisme, tant donn quilveut sadapter et se rendre compltementcompte delle. [ ]

    Commentaire :Contre certainesinterprtations critiques, qui voudraientidentifier chez lEvola de la priode dejeunesse et plus strictement philosophique, unpenseur moderne tous les effets, le texteprsent offre une importante rfutation dunetelle opinion, mme partielle. Si ses crits decette priode savrent caractriss par deslments non proprement traditionnels, il estvrai de la mme faon que certaines instanceset positions que lon retrouve dans lEvolamature, peuvent tre dpistes ici aussi,quoique dans une phase encore embryonnaire et pas encore parfaitementconsolide. Par exemple, Evola se fait ici leporteur dune attitude antiscientifique : et sicest vrai comme il est vrai que le scientisme

    reprsente lun des points cardinaux de lamodernit, il se trouve en cohrence avec ceque sera sa ligne de positionnement dfinitive(le problme sera diffrent pour ce quiconcerne lvolutionnisme, comme nous leverrons plus loin). Au sujet du fidisme lgard de la science et la technique, le Baronse place dune manire critique en accusantcelles-ci davoir un caractre purementexprimental et jamais rellement notique, savoir cognitif. La science peut dmontrer nonpas lobjectivit de la connaissance, mais

    seulement la mathmaticabilit desphnomnes naturels, cest--dire lasusceptibilit de ceux-ci tre ordonns selondes formules mathmatiques. Effectivement, ilparle dun systme hypothtico-dductif, quisexerce par une unification continue desrelations et qui, en mme temps cependant,prsuppose lenregistrement de certains faitsqui ne sont pas expliqus mais seulement

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    constats comme rels. Benedetto Croce avaitdj dfini comme pseudo-concepts cesconcepts scientifiques, en rfrence leurcaractre exprimental et technique ; ladiffrence de celui-ci, pourtant, Evola dans ceslignes, critique le scientisme pour le relier la

    philosophie idaliste et pour montrer combienvidents sont les liens entre les deuxsystmes. La science, soutient Evola, acomme prsuppos fondamental le fait que lanature peut tre rsolue dans les formes delintellect du Je : telle est la prmisse implicite pour ne citer que deux exemples de lagomtrie analytique, quand elle adapte laphysique la gomtrie et la gomtrie lafonction algbrique ; et des innombrablesapplications mcaniques du calcul diffrentiel,au cas o lon imagine pour la ralit le

    concept tout fait thorique de linfinitsimal.Et ceci est du pur idalisme. Il y a donc unesubstantielle identit de mthode entre laspculation idaliste et la pense scientifique :une telle identit sexerce dans lesprsupposs, arbitraires et instrumentaux auxpostulations successives, qui sont dans lesdeux systmes. Une telle approche est sansdoute originale mais elle pche peut-tre parun certain dterminisme : sil est vrai, comme ille soutient, que la science ne fait rien dautreque de mathmatiser les phnomnes naturelsen les organisant dans un systme de lois etde formules (et donc quelle enregistre quelquechose de dj donn ), il est aussi vrai quilsavre difficile dassimiler la pratiquescientifique la pense idaliste jusqulosmose mthodologique. La raison de celarside justement dans une des limites delidalisme sur laquelle Evola insisteradavantage, mais pas en cette occasion-ci : lecaractre fondamentalement abstrait de cettephilosophie (Je / non-je / autoposition-cration

    / rationalit de lhistoire et des phnomnes,etc.) qui se trouve aux antipodes duconcrtisme scientifique.

    4. On a expos ces dernires considrationsdans le but de donner un appui quelconque laffirmation que lidalisme est uneconception qui simpose invitablement ds

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    que lon approfondit les sujets du connatre[ ] Cest pourquoi il est une positionconquise et consolide et, en aucun cas, ilnest permis de la ngliger ou de lignorer :tout dveloppement ultrieur doit partir delle

    comme dun prsuppos, sous peine que, alorsquon croie aller au-del, en ralit on neparvient qu reculer. Si ce nest que, de fait,lidalisme, tel quil se trouve expos

    jusqualors dans la philosophie, nest qu mi-chemin et ceci est prcisment lunique pointsur lequel on peut aller au-del de lui. Si londemande, en effet, au philosophe quel est ceJe, qui est crateur du monde, de lhistoire etdes cieux, on a pour rponse quil est lefameux Je absolu ou transcendantal .

    Or, ce Je absolu est un quelque chose defurieusement ambigu : il oscille entre le Jerel ( savoir celui que lindividu peutexprimenter immdiatement en lui commetant sa certitude la plus intime et la plus pure,le principe originel par lequel touteexprience est vcue comme sa propreexprience) et le Dieu du thisme. Ce qui lerend si indtermin, cest justement ce dont ila pris naissance la thorie de la

    connaissance : pour celle-ci, en effet, si leconnatre doit tre expliqu et la certitudegarantie, le monde doit savrer pos parlactivit du sujet pensant. Or, il est videntque ce nest pas ma puissance, ni celle dequelque autre conscience, au point volutifactuel, qui peut se reconnatre en fonctionrelle et de libert dune telle pense ; mais sicelle-ci ne peut donc pas se remettre au Jerel, elle ne peut pas non plus se remettre un

    principe cosmique transcendant, lequel seraitle Dieu thiste, parce qualors le connatre nesexplique plus or, au contraire, lidalismeest dautant plus lgitime, quil est un systmequi explique justement notre connatrehumain. lidaliste qui fuit ici avec cet treamphibie quest le Je transcendantale, on peutretourner sa propre arme par le dilemme

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    suivant : ou bien le Je transcendant est le jerel mais cela est faux de fait, parce quelidaliste, comme on le verra dici peu, estimpuissant, ou bien ce nest pas le Je rel et alors il nest rien, ou il nest quune ide ou

    un concept moi, lequel nest rel quen vertudune activit (le philosopher, lintuition, etc.)de ce Je rel, en dehors du centre duquel ilseffondre, en tout cas. Le fait est quenlieu thorique, la question reste indtermine,limmanence thoriquement postule peut treen effet une immanence dans la pratique parceque transcendance, puisque cest un jeustupide de mettre le Je la place de Dieu,quand lui ont dj t donns des attributs telsque moi, je peux effectivement me reconnatre

    en lui aussi peu que dans le Dieu delancienne foi. Il ressort de ceci, savoir, quela vrit ou la fausset de lidalisme etcela, que lon fasse attention, signifie, commeon aura loccasion de le montrer dun peu plus

    prs dans ce qui suit, savoir si lhomme peutou non donner une certitude et un sens savie et son exprience la vrit ou lafausset de lidalisme, donc, ne peut tredmontre de manire thorique : elle peut

    tre dcide non pas par un acte intellectuel,mais par une ralisation concrte.Lidalisme, cest--dire, en un momentabstraitement logique nest ni vrai ni faux : lavrit lui est contingente et peut uniquementlui venir de lactivit, dire vrai,inconditionne en soi, selon laquellelindividu engendre en lui le principe, postulintellectuellement par la philosophietranscendantale, selon une ralit concrte etvivante. [ ] Or cette solution, quand bienmme ft-elle affirme srieusement, ne lest

    pas si bon march quil apparatrait chez unGreen, Caird ou Blondel : puisque si le Dieudans laquelle on a fait passer le Je idaliste estle Dieu de la conscience religieuse vulgaire dessimpliciores et des thologiens il resteun pur tat de lmotivit ou une ide abstraite

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    et, en pratique, il entre fatalement en litigeavec les dterminations positives du Jeempirique [ ] Si donc, par solutionreligieuse, on nentend pas labandon detoutes les positions, la banqueroute de toute

    cohrence et de toute certitude auprs dumaigre stocisme de la foi, il faut quune tellesolution soit mise en rapport avec un

    processus mystique, ou mieux magique, danslequel Dieu nest quun phantasme quand ilest engendr en nous-mmes et non commemots, concepts, imaginations ou beauxsentiments, mais plutt comme unmouvement absolument concret ; dans lequel, savoir, lexistence empirique soit rellementtransfigure et rsolue dans la divinit. Ainsi

    que cela fut distinctement compris par lesOrientaux, il ny a quune manire dedmontrer Dieu, et celle-ci est : se faireDieu, apoteotnai . Sauf quune tellecritique est aussi efficace contre les idalistes,lesquels, sils taient cohrents, devraient plusou moins soutenir que Dieu est le professeurde philosophie universitaire. En fait il savreclair que, si lidalisme doit tre vrai,lindividu empirique doit tre ni, mais

    seulement comme une chose veule et figedans sa limitation fictive, pour tre intgrdans un dveloppement dans lequel, loindtre subordonn et de sen remettre quelque chose en dehors de soi, il reste en lui-mme, dans une autopotentialisation infinie etse rend suffisant ( utarkes ) son principe.Ce nest pas celle-ci, au contraire, la ralitdes idalistes : ils opposent lindividu concret cette abstraction qui est leur Jetranscendantal et, au nom de celui-ci,dissolvent le premier. Lindividu, disent-ilsnest quune illusion, un nant, m n : ce quiest rel, cest linverse lIde (Hegel), Dieu(Royce), lActe pur (Gentile). Si ensuite on vavoir ce que cela reprsente chez eux,

    personnes vivantes, cet Absolu, il faut peu dechose pour sassurer quil nest autre quune

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    ide blafarde, un pur principe explicatif ou, auplus, un lan lyrique, une motion, qui vitdans un recoin de leur empiricit inerte etrigide. [ ] Cest ainsi que le Je, qui sestlev dans la philosophie jusqu crateur

    cosmique, se retrouve par un accidentquelconque dans sa petite humanitdpasse , reconduit parmi les infinies

    contingences de la vie, vis--vis desquelles ilest quasiment aussi impuissant que le paysanqui ne sait rien de telles lvationsmerveilleuses. [ ]

    Commentaire : Avec lidalisme, il faut faireles comptes : on peut le partager ou pas, maison ne peut certainement pas lignorer. Il est

    une tape ncessaire pour nimporte quelleanalyse philosophique, telle est sonimportance et linfluence quil exerce sur touteforme spculative. Cependant, dit Evola, aupoint o il en est rest, il nest qu moiti : ilfaut aller au-del de ce point. La passage quipermet daller au-del est la critique sur lanature relle du Je, qui est effectue dans cetexte dune manire trs spcifique. Evola critque le Je se trouve dans lidalisme, mi-chemin entre le Je rel, lindividu, et le Dieu dela foi. Aucun homme, aucun individu, ne peut

    se reconnatre dans le Je crateur de soi et dumonde, en souffrant de sa situationcontingente, de son impuissance face aumonde lui-mme, de son rapport avec leschoses extrieures qui nest certainement passi dominant comme lidalisme le veut. Si linverse, le Je quivaut Dieu, lentirestructure philosophique scroule, elle qui sefonde sur la ncessit doffrir un systme decertitudes cognitives lhomme en tantque ens cogitans, sujet pensant.

    ce point, la dduction qui en dcoule est quela validit de lidalisme, ne peut rentrer dansla sphre thorique mais dans celle de lapratique : savoir que lidalisme, en lieuabstraitement logique nest ni vrai ni faux : lavrit lui est contingente et elle peut lui veniruniquement de lactivit, dire vraiinconditionne en soi, selon laquelle lindividu

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    gnre en soi le principe postulintellectuellement par la philosophietranscendantale, selon une ralit concrte etvivante. Et nous voici donc au tournant magique de lidalisme, fille de la ncessitde certitude : cest seulement au travers du

    caractre concret de la pratique que lon peutdonner un critre de lgitimit la certitudemme. Ce tournant a un caractre mystique ;mais comme le prcise le mme Evola, il nepeut jamais signifier labandon de toutes lespositions, la banqueroute de toute cohrenceet de toute certitude auprs du maigrestocisme de la foi, et autrement dit unrenoncement ad alterum, mais au contraire, uncheminement persvrant vers labsolutisation,vers linconditionn parfait (en plein accordavec tout ce qui a t exprim dans le

    paragraphe Quest-ce que la Tradition surle rapport entre la transcendance et lareligiosit dans la mtaphysique volienne).Donc, celui dEvola, est un tournant magique par les caractrisationsspiritualistes dont il se fait le porteur ; maisavant tout un tournant pratique parce quelanalyse doit tre toute centre sur la pratiqueconcrte, sur laction empirique, sur lindividurel. Et ici on en arrive laffirmationphilosophique traditionnelle, pour parvenir laquelle Evola a voulu partir de la perspectivedune philosophie moderne. Cela, comme nouslavons vu savrera quasiment comme unedformation aux yeux du mme Evola mature.Une dmonstration de ceci se retrouve dansune phrase, qui saute tout de suite aux yeuxde quiconque a une connaissance du Baronfonde sur ses oeuvres de maturit, et qui dit : ce nest pas ma puissance, ni celle denimporte quelle autre conscience au pointvolutif actuel, [ ] Conscience au pointvolutif actuel : nimporte quel lecteur

    dEvola, lisant ce passage, mettrait la main aufeu quil ne peut pas avoir t crit par lephilosophe romain. Lequel, en effet, servlera, dans les annes suivant la rdactionde ces essais sur lIdalisme Magique, commelun des critiques les plus perspicaces dudarwinisme et de lvolutionnisme, alors queces paroles tmoignent dune adhsion assezexplicite la conception volutionniste. En

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    effet, dans ces annes-l, Evola avait pris despositions de ce genre, quil aurait dfiniescomme antitraditionnelles dans les annes venir. Tout cela rentre dans lintroductionfaite dans Gense de lIdalisme Magique :son positionnement, dans les annes vingt, se

    ressent de linfluence de la culture de sontemps. On na pas besoin den arriver dire,comme on la dj soulign prcdemment,que sa pense est, dans la priodephilosophique, parfaitement moderne pourdevenir ensuite rtrograde avec le passagedes annes. Nous avons vu avant (surlantiscientisme, sur la question du tournantmagique , sur le refus de la spculationabstraite en vertu de la praxis) et nous verronsdans la sous-section qui suit comment lescontenus traditionnels sont prsents, et

    comment ! dans son idalisme magique. Descontenus, cependant, parfois mlangs desprincipes modernes comme, justement ici,celui dvolutionniste.

    Troisime sous-section le tournant

    magique : la puissance et la

    construction de limmortalit

    La voie, en vrit, nexiste pas pour qui ne

    veut pas cheminer

    Une fois quil sest brou du joug de laquestion thorique non conclusive, une foisquil sest purg des dichotomiesgnosologiques dialectiques, de sescontradictions internes et des abstractions duJe Transcendantale, lidalisme peut doncdevenir la praxis pour la transformation delhomme. Comment advient cettetransformation, cette renovatio animi ? Dans

    la thorisation de cet idalisme magiqueconvergent des formes et des doctrinesdiverses, quEvola canalise en un unique filconducteur qui devient la courroie detransmission pour la dlination dundpassement de la condition humaine normaleet une ascse vers un tat suprieur. Danscette conception philosophique, qui se

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    configure comme une proposition dedveloppement absolu de la libert et de la

    puissance du Je, sentremlent les motifs delascse et de la mystique orientale, desdoctrines initiatiques et payennes , de la

    tradition occidentale, mais aussi des reprisesdu mme stocisme, de lpicurisme, deNietzsche et surtout de Novalis et deMichelstadter. Celle-ci est, sans doute, la

    partie la plus intressante (et nous dirionsaussi la plus importante) de la pensevolienne, dont on retrouve un cho fort etenflamm dans tous ses crits successifs, danslesquels cette impulsion sera dterminante

    pour cette potentialisation du Je. Par unesynthse extrme, on peut affirmer quune

    telle doctrine (tant donn, comme on leverra, que plus quune spculationintellectuelle, elle savre tre, justement, unevritable doctrine mystico-existentielle) se

    propose comme fin ultime lautarcie : la prisede conscience de la limite, la phasedconditionnante de libration, la vritable

    puissance. Cette phase de sa philosophie, quitrouvera laccomplissement ultime danslIndividu Absolu, peut avoir une lecture aussi

    bien spiritualiste que laque : videmment, lapremire est plus dans les cordes dun lecteur traditionnel dEvola, mais, comme on leverra, elle manifeste des contenus qui peuventtre traduits en pratique mme par un homme

    parfaitement athe et de positionnementmcanistico-matrialiste (quoiquune telleaffirmation se serait avre hrtique parle mme Evola), de tels contenus tant desrfrentiels, pour lexistence humaine,exempts desprits, de catgories et dabstractions diverses. Lidalismemagique se fonde sur deux points principaux :le concept de puissance, ses signifis et sestranspositions relles ; et la fameuse construction de limmortalit qui serait lasystmatisation doctrinaire de lessence du

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    dveloppement magique au travers des troispreuves .

    Analysons donc cette ultime et dcisive phasede la philosophie dEvola, toujours au travers

    de ses textes mmes. Que lon considrelexprience humaine dans tout son caractreconcret, et alors le problme pos pousse une bien autre solution. Puisquil apparatdabord quun connatre pur est uneabstraction qui na jamais exist, quenimporte quelle dtermination cognitive estlogique, la pense et ses lois ne sont pasquelque chose dimpersonnel, se droulantautomatiquement selon des normes ternelleset indiffrentes lhumain, mais plutt le

    produit dune activit individuelle, mais bientoujours les expressions symboliquesdaffirmations profondes du Je (1) . [ ] Ilsimpose que la certitude et le savoir absolusont vains l o ils ne refltent pas la

    puissance concrte dun Je qui, du haut dunelibert inconditionne, arbitraire, dominelensemble de toutes ces conditions et de sesnergies dans lesquelles se faonne la totalitde son exprience. En bref : je ne peux me

    dire absolument sr que des choses dont jaile principe et les causes lintrieur de moi,comme libert inconditionne, ce qui revient dire, selon une fonction de possession ; dansles autres, seulement ce qui en elle satisfaitcette condition. [ ] Jusqu ce que quelquechose existe, on na pas dabsolue certitude,tant que nexiste pas un monde, en tant quemonde, cest--dire comme un Autre , telun ensemble de puissances impntrables etrsistantes, le Principe de lAbsolu, la

    rigueur, nexiste pas. Mais cette ngation dumonde comme condition de la certitude nedoit pas tre comprise de manire abstraite, savoir comme un anantissement absolu detoute forme, mais comme un nirvana vide etindtermin. Au contraire : elle se relie celuiqui ne cde pas au monde ni non plus ne lefuit, mais plutt se positionne face face avec

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    lui, qui le domine entirement et quen toutedtermination se reconnat alors comme entitde puissance. [ ] En vrit, il nexiste pas dechoses matrielles ou spirituelles, mais pluttune manire, matrielle ou spirituelle, de

    vivre les choses, qui en soi ne sont nimatrielles ni spirituelles, qui dans leur valeursont dtermines seulement partir du plan delibert ou de centralit, ou bien de ncessit etdabsence, dans lequel lindividu se place parrapport lexprience en gnral. [ ] Or le

    point fondamental, la mise en relief dont lemrite revient lune des plus fortes

    personnalits de lpoque contemporaine Carlo Michelstadter est le suivant :lindividu ne doit pas chapper sa propre

    dficience, il ne doit pas, en cdant, pourchapper au poids de la responsabilit, luiconcder une ralit, une raison, et une

    personne, quelle ne peut avoir en aucunefaon comme simple privation et doncdplacer ou remettre la ralit qui fait dfautau Je un autre qui est matire, nature, Dieu,Raison Universelle, Je transcendantal, etc. LeJe doit, linverse, tre suffisant soninsuffisance, il doit lassumer et en supportant

    son poids entier, consister. Il doit comprendreque tout ce qui semble avoir une ralitindpendante de lui nest quune illusion,cause par sa propre dficience ; et celle-ci, ildoit faire en sorte de la combler, au moyendun processus inconditionnel qui instaurelabsolu prsence de soi la totalit de sonactivit puisque alors il aura accompli ensoi labsolue certitude, il aura persuad lemonde , et en cela, il aura rendue la vie laralit dont lidalisme nest parvenu qu enanticiper la forme intellectuelle vide etlabstrait devoir tre . Dans ce processus, qui se propose le terme didalisme concret oumagique, il faut reconnatre la tche dunecivilisation future et donc la solution positivede la crise de lesprit moderne. [ ] De ceci

    procde la distinction ultime, dlinant encore

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    plus le concept de puissance entre action selondsir et action selon autarcie, ouinconditionne. Si lon jette un regard sur lavie que mne habituellement lindividu, non

    pas tant dans lamorphe mdiocrit des

    masses, mais souvent aussi dans les grandeslumires de lhumanit tragique et spirituelle,il apparat le plus souvent que son action nest

    pas affirmer proprement dtermine par lui,comme centre suffisant, mais plutt partir decorrlations dapptits et de motifs vis--visd