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Evaluation des pratiques de scenarisation de situations
d’apprentissage : une premiere etude
Jean-Philippe Pernin, Valerie Emin
To cite this version:
Jean-Philippe Pernin, Valerie Emin. Evaluation des pratiques de scenarisation de situationsd’apprentissage : une premiere etude. actes en ligne du colloque TICE Mediterranee 2006,2006, France. (13 p.), 2006. <hal-00962077>
HAL Id: hal-00962077
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00962077
Submitted on 25 Mar 2014
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http://isdm.univ-tln.fr
1
EVALUATION DES PRATIQUES DE SCENARISATION DE SITUATIONS
D'APPRENTISSAGE : UNE PREMIERE ETUDE
Jean-Philippe Pernin (*, **),
Maître de conférences
[email protected] + 33 4 72 76 61 94
Valérie Emin (*),
Enseignant associé en Informatique
[email protected] + 33 4 72 76 61 00
Adresse professionnelle
(*) ERTé e-Praxis - Institut national de recherche pédagogique
19 Mail de Fontenay, B.P. 17424 France-69347 Lyon Cedex 07
(**) Laboratoire CLIPS-IMAG
385, rue de la Bibliothèque B.P. 53 France-38041 Grenoble Cedex 9
Résumé : Avec l'essor de la formation à distance, on assiste au niveau international à l'émergence
rapide de langages de modélisation pédagogique tels que la proposition IMS Learning Design. Ces
langages visant à décrire des scénarios d'apprentissage explicitant l'organisation des activités
proposées autour des ressources numériques. Des travaux de recherche récents s'interrogent sur
l'adéquation de ces langages avec les usages, besoins ou représentations des enseignants et ingénieurs
pédagogiques. Cet article présente les premiers résultats obtenus dans le cadre du projet CAUSA
(Collecte et Analyse des Usages de Scénarisation d' Activités) dont l'un des objectifs principaux est
d'évaluer les pratiques existantes de scénarisation d'activité.
Mots clés : langages de modélisation pédagogiques, scénarios d'apprentissage, évaluation,
représentation des praticiens
Abstract : Development of distant learning has induced the recent emergence of educational
modelling languages, such as IMS Learning Design. These solutions aim to describe learning
scenarios in order to define the organization of activities integrating digital resources. Recent research
works wonder about appropriateness of such languages according to the uses, needs and
representations of teachers and instructional designers. This paper presents first results of CAUSA
project (in French stands for Collecting and Analysing Uses of Scenarization of Activities). One main
goal of this project is to evaluate existing practices in this domain.
Keywords: educational modelling languages, learning scenarios, evaluation, practioners needs and
representation
http://isdm.univ-tln.fr
2
EVALUATION DES PRATIQUES DE SCENARISATION DE SITUATIONS
D'APPRENTISSAGE : UNE PREMIERE ETUDE
On assiste aujourd'hui à un accroissement
constant des initiatives visant à compléter ou
substituer les modalités de formation existantes
par la mise à disposition de ressources
numériques ou de moyens de communication
informatiques. Les situations d'apprentissage
visées, qui peuvent concerner aussi bien
l'enseignement académique que les dispositifs
de formation professionnelle, s'appuient sur
des modalités de plus en plus variées, mêlant
apprentissage individuel ou collaboratif,
activités présentielles ou à distance, travail
synchrone ou asynchrone.
Ces phénomènes vont de pair avec une
mutation progressive des métiers de la
formation : il s'agit notamment, pour un
enseignant ou un formateur, de trouver ou
créer les ressources les mieux adaptées à ses
objectifs, de les rendre aisément accessibles
aux apprenants et de les intégrer au travers de
scénarios pertinents.
Il commence à émerger au niveau international
un ensemble de travaux de recherche et
d'initiatives de terrain visant à proposer ou
utiliser des modèles, méthodes et outils pour
concevoir, mettre en place, exploiter et
analyser ces scénarios d'apprentissage. Il s'agit
notamment des travaux effectués autour des
langages de modélisation pédagogique et plus
particulièrement de la proposition IMS
Learning Design (appelée plus simplement
IMS LD dans la suite de cet article).
Cette communication s'inscrit dans ce cadre et
s'articule autour des langages de modélisation
pédagogique, de la scénarisation des situations
d'apprentissage et de leur évaluation. Nous
proposons un premier bilan des actions
réalisées depuis l'automne 2005 par l'Equipe de
Recherche Technologique en éducation
(ERTé) e-Praxis1 dans le cadre du projet
CAUSA (Collecte et Analyse des Usages de
1 L'ERTé e-Praxis regroupe des chercheurs des
laboratoires LIRIS-Lyon 1, ISPEF-Lyon 2, CLIPS-
IMAG-Grenoble et de l'INRP ainsi que des enseignants
associés relevant de l'enseignement primaire, secondaire
ou supérieur.
Scénarisation d’Activités). Ces actions visent à
impliquer les praticiens (enseignants de terrain,
ingénieurs pédagogiques, responsables de
formations) dans la définition de formalismes
correspondant au mieux à leurs besoins, leurs
usages et leurs objectifs en termes de
scénarisation pédagogique.
1 - CARENCES DE LA PROPOSITION IMS LD
Les travaux de recherche sur les langages de
modélisation pédagogique ont été initiés dans
le contexte de l'industrialisation de la
formation à distance. En effet, le déploiement à
large échelle de formations destinées à
atteindre des publics dispersés exige
d'expliciter l'organisation des activités
s'articulant autour des ressources numériques
mises à disposition. C'est un des objectifs de la
proposition IMS LD (Burgos et al. 2005,
Koper & Tattersall 2005, Lejeune 2004) qui
vise à définir un langage de modélisation
pédagogique pouvant être proposé comme
standard. Ces initiatives internationales
voudraient proposer un langage générique
permettant, d'une part aux enseignants de
spécifier le plus large éventail de scénarios
d'apprentissage et d'autre part d'exécuter les
scénarios produits sur des plateformes
technologiques variées.
Des travaux récents ont souligné un certain
nombre de carences de l'approche IMS LD
concernant le manque de précision des
concepts de base manipulés dans les modèles
sous-jacents (Nodenot 2006, Pernin et
Lejeune 2004) ainsi que la complexité de sa
mise en œuvre par des enseignants (Dessus et
Schneider 2006). Il semble en effet nécessaire
d'étudier plus en profondeur la notion de
scénario d'apprentissage afin d'en déterminer
les différentes acceptions et les différents
usages.
La proposition IMS LD présente selon nous
encore de nombreuses ambiguïtés, tant en ce
qui concerne la puissance d'expression du
langage, son aptitude à être automatisée et
http://isdm.univ-tln.fr
3
enfin son accessibilité aux enseignants et
formateurs.
En effet, une des questions-clés (Berggren et
al., 2005) réside dans la capacité du langage à
être manipulé aisément non seulement par des
concepteurs spécialisés mais également par des
praticiens (enseignants, formateurs, tuteurs)
voire par les apprenants eux-mêmes. Cette
meilleure accessibilité vise la simplification du
processus de conception et d'exploitation. Elle
contribuerait aussi à l'élargissement des
situations d'apprentissage décrites pouvant
correspondre à des situations hybrides
(présence, distance, travail individuel, travail
collaboratif, travail de classe, etc.).
Pour résoudre cette question d'accessibilité,
deux stratégies peuvent être envisagées.
La première stratégie consiste à mettre en
place des politiques d'information et de
formation au langage IMS LD. Cette approche
a notamment été mise en œuvre au sein du
projet européen UNFOLD2.
La seconde stratégie s'intéresse à développer
des langages ou formalismes spécialisés. Ces
derniers doivent être adaptés à des
communautés de pratique ou d'intérêt
spécifiques tout en assurant la possibilité de
leur traduction vers un langage standard
permettant l'opérationnalisation des situations
décrites. C'est dans ce cadre que s'inscrit cette
contribution.
Dans cet article, nous entendons par praticiens
les professionnels en charge de l'organisation,
de la conception, de la mise en œuvre et de
l'accompagnement de dispositifs de formation.
Il peut s'agir plus précisément d'enseignants, de
formateurs, d'ingénieurs pédagogiques ou de
responsables de formation.
2 - SCÉNARIOS ET MODELISATION DES SITUATIONS D'APPRENTISSAGE
2.1 – Présentation du projet CAUSA
Le projet CAUSA (Collecte et Analyse des
Usages de Scénarisation d'Activités) se
démarque des initiatives qui tentent de former
les enseignants à la maîtrise de langages
difficilement accessibles. Il repose sur l'idée
que les modalités de description d'un scénario
pédagogique dépendent de multiples facteurs :
2 http://www.unfold-project.net/
stratégies d'apprentissage, approches
disciplinaires, degré d'intégration des
technologies dans les dispositifs, usages
propres à une communauté de formateurs ou
d'enseignants.
Le projet CAUSA, initié à l'automne 2005,
vise à terme à proposer aux praticiens des
modèles et des outils leur permettant de
concevoir, mettre en place, suivre, adapter,
analyser, mutualiser les scénarios qu'ils
souhaitent mettre en œuvre. Le projet CAUSA
se présente comme un lieu d’échanges et de
réflexion sur la scénarisation pédagogique pour
des praticiens qui sont confrontés au quotidien
à une évolution de leur rôle, de leurs outils et
de leurs pratiques. Il s'appuie notamment sur
un groupe d'enseignants associés à l'INRP qui
exercent leur fonction principale
d'enseignement tout en étant impliqués de
façon étroite dans l'orientation et la mise en
œuvre de ce projet de recherche3.
La première phase du projet CAUSA (2005-
2006) s'intéresse à collecter et à identifier
auprès des praticiens les représentations et
usages de scénarisation pédagogique. Les
hypothèses de travail sont les suivantes :
• il apparaît difficile de modéliser un
"praticien idéal". Il existe aujourd'hui toute
une gamme de métiers constitués,
nouveaux ou en émergence au sein
desquels la perception ou les usages de
scénarisation sont différents ;
• les concepts clés (scénarios, plans
d'activités, séquences, situations
d'apprentissage) sont souvent manipulés
dans des acceptions diverses, notamment
au sein de communautés mutualisant leurs
pratiques et leurs savoir-faire en la
matière ;
• il existe un ensemble de critères qui
détermine fortement les usages de
scénarisation. Parmi ces critères, on
pourrait citer la provenance disciplinaire,
le niveau d'enseignement et le public visé,
la formation initiale, les courants
pédagogiques auxquels on se rattache, le
degré d'instrumentation informatique ou
les modalités proposées (en présence, à
distance).
3 La liste des enseignants impliqués dans le projet
CAUSA est indiquée à la fin de cet article.
http://isdm.univ-tln.fr
4
Analyse
Usages et représentations des enseignants et formateurs
Usages et représentations des ingénieurs pédagogiques
Journées d’étude
Enseignants Formateurs
Journées d’étude
Ingénieurs pédagogiques
Journées de formation aux
langages et outils de modélisation
pédagogique
Enseignants et ingénieurs
pédagogiques
Identification de problèmes
Enquête en
Ligne
Enquête large vers
les praticiens
Colloque De
recherche francophone
Intérêts et propositions
des chercheurs
Usages et représentations des enseignants et formateurs
Usages et représentations des ingénieurs pédagogiques
Journées d’étude
Enseignants Formateurs
Journées d’étude
Ingénieurs pédagogiques
Journées de formation aux
langages et outils de modélisation
pédagogique
Enseignants et ingénieurs
pédagogiques
Identification de problèmes
Enquête en
Ligne
Enquête large vers
les praticiens
Colloque De
recherche francophone
Intérêts et propositions
des chercheurs
Collecte
� Meilleure articulation
recherche / terrain
� Glossaire et terminologie
autour des scénarios
� Représentations des
praticiens
� Cartographie des usages
� Banques de scénarios
� Spécification de formalismes
et d’outils adaptés aux
communautés d’utilisateurs
Fig. 1 : une vue d'ensemble des objectifs et des actions du projet CAUSA
2.2 - Présentation de la démarche utilisée
Afin de vérifier les hypothèses précédentes, la
première phase du projet CAUSA s'est
organisée autour d'un ensemble d'actions visant
à associer étroitement chercheurs et praticiens :
• une session de formation/action de trois
jours a été organisée en octobre 2005 pour
un panel-pilote de praticiens, afin de
vérifier l'acceptabilité des formalismes
proposés par IMS LD. Cette première
session d’échanges a mis en évidence
l'utilité de l'approche de modélisation, mais
également les carences des propositions
existantes et la nécessité d'isoler un
ensemble de critères clés illustrant la
variété des approches et des besoins de
formalismes. Elle a également permis de
souligner la divergence des approches
adoptées d'une part par les enseignants et
formateurs et d'autre part par les ingénieurs
pédagogiques et les responsables de
formation ;
• des journées d'études ont été programmées
pour mener une réflexion sur les usages
existants de scénarisation et co-élaborer
avec des praticiens des critères clés
permettant de classer et typer les usages de
scénarisation. Deux sessions différentes,
durant chacune une journée et demie, ont
été organisées. La première session
s'adressait à des enseignants et formateurs
de terrain, alors que la seconde visait plus
spécifiquement ingénieurs pédagogiques et
responsables de formation ;
• en amont de la première session destinée
aux enseignants et formateurs, un
questionnaire a été élaboré pour préciser
leurs pratiques et représentations. Par la
suite, les résultats de ce questionnaire ont
contribué à la mise en place d'une enquête
en ligne destinée à un large panel de
praticiens. Les analyses de cette enquête ne
sont pas présentées dans cette
contribution ;
• enfin, un colloque scientifique a été
organisé en avril 2006 dans le cadre de la
8ème Biennale de l'Education,
manifestation organisée conjointement par
l'APRIEF4 et l'Institut National de
Recherche Pédagogique. Le colloque
Scénariser l'enseignement et
l'apprentissage : une nouvelle compétence
pour le praticien ?5, visait notamment à
mesurer l'adéquation entre d'une part, les
thématiques traitées par les chercheurs et
d'autre part, les besoins, représentations et
attentes exprimées par les praticiens.
Dans le cadre de cette contribution, nous
présentons plus précisément les résultats
obtenus à l'issue des journées d'étude réservées
aux enseignants et formateurs en les croisant
avec les analyses issues du dépouillement du
questionnaire qui leur avait été adressé
auparavant. Puis, nous fournissons quelques
éléments issus de l'analyse des journées
réservées aux ingénieurs pédagogiques et
responsables de formation. Ces éléments
permettent d'identifier les principales
divergences de point de vue entre les deux
types de public. Enfin, nous présentons les
perspectives ouvertes par ces analyses et les
travaux en cours.
4 APRIEF : Association pour la promotion des recherches
et des innovations en éducation et en formation 5 http://www.inrp.fr/biennale/colloques2006/scenario
http://isdm.univ-tln.fr
5
3 - JOURNEES D'ETUDE ENSEIGNANTS ET FORMATEURS
3.1 - Objectifs des journées
L'objectif de ces journées réservées aux
enseignants et formateurs était double :
• il s'agissait en premier lieu de collecter les
représentations spécifiques des différents
participants, notamment au travers des
vocabulaires et terminologies les plus
couramment utilisés ;
• un second objectif consistait à associer les
praticiens à la définition de formalismes
correspondant au mieux à leurs besoins,
leurs usages et leurs objectifs.
3.2. Caractéristiques des participants
La première session, qui s'est déroulée en
janvier 2006 (15 participants), s'est adressée à
des enseignants et formateurs volontaires.
Comme nous le souhaitions, le panel
relativement diversifié permettait de croiser
des regards différents :
• dix participants étaient enseignants au
niveau secondaire (collège et lycée) ;
• les cinq autres étaient enseignants ou
formateurs pour des publics adultes et
relevaient de l'enseignement universitaire
(1), de la formation d'enseignants (3) ou de
la formation à distance (1).
Nous avions volontairement privilégié les
publics, comme ceux de l'enseignement
secondaire, pour lesquels l'intégration des
technologies représente aujourd'hui un enjeu
important et qui bénéficient rarement
d'accompagnement. Nous souhaitions ainsi
détecter quels besoins et quels usages
pouvaient émerger en l'absence d'incitation
institutionnelle forte6.
Nous avions également souhaité une
représentation des différentes disciplines pour
bénéficier de points de vue variés. 3
enseignants relevaient des disciplines littéraires
(lettres ou langues), 7 des sciences sociales
(économie, gestion) et 5 de disciplines
6 Il est à signaler que pour des difficultés d'ordre
organisationnel et malgré nos souhaits, il ne nous a
pas été possible de rassembler lors de cette session
des enseignants relevant de l'enseignement
primaire.
scientifiques ou techniques (mathématiques,
informatique, technologie, sciences de la vie et
de la terre).
3.3. Déroulement des journées
Lors de ces journées d'étude, les échanges se
sont organisés autour des principales questions
suivantes :
• quels sont les objectifs de la
scénarisation ? pourquoi scénarise-t-on ?
que scénarise-t-on ?
• quels sont les principaux critères qui
permettent de différencier les approches de
scénarisation ?
• quel est, en dehors des termes fortement
inscrits dans les différentes pratiques
professionnelles, l'ensemble de concepts
ou de formalismes qui pourraient être
partagés par les participants ? quel
glossaire serait-il être possible de mettre en
commun ?
Il est à noter que les termes de scénario ou de
scénarisation n'ont volontairement pas été
introduits en début de session afin de collecter
les représentations des participants sur ce
concept sans les influencer.
Pour structurer le déroulement des journées et
les échanges entre praticiens, nous avions
auparavant opté pour une démarche fortement
scénarisée et basée sur des activités
essentiellement collaboratives. Nous avions en
effet pour objectif de montrer en fin de session
les avantages mais aussi les limites de la
scénarisation d'activité sur un cas réel et vécu
de formation présentielle.
Cette session s'est organisée autour des trois
temps forts suivants :
Activité d'analyse croisée. Cette première
activité, menée par groupes de trois constitués
volontairement de façon hétérogène, consistait
pour chaque participant à effectuer une analyse
de scénarios "réels" apportés par les deux
autres membres de son groupe. Chaque
participant avait en effet pour consigne
préalable d'apporter un ou plusieurs documents
originaux décrivant de façon plus ou moins
complète et formalisée une situation
d'apprentissage déjà mise en place ou à mettre
en place.
Cette analyse, effectuée à l'aide d'une grille de
lecture fournie, avait pour objectif non
http://isdm.univ-tln.fr
6
seulement d'évaluer la forme et la lisibilité des
documents fournis, mais également de repérer
les motivations et les intentions didactiques ou
pédagogiques des concepteurs du scénario.
Activité d'élaboration de propriétés et critères.
La seconde activité, articulée avec la première,
consistait pour chaque groupe de trois à
élaborer en commun une liste de propriétés et
de critères permettant de caractériser ou de
différencier les trois scénarios analysés. Il
s'agissait également d'identifier les termes de
vocabulaire rencontrés pouvant poser
problème.
Activité d'organisation des concepts.
Une troisième activité, menée avec l'ensemble
des participants, avait pour objet de construire
ensemble une cartographie des critères et des
termes à définir, sur la base des propositions de
chaque groupe. Cette activité a débouché sur la
production d'une carte conceptuelle
commentée dans le paragraphe suivant.
3.4. Première analyse des résultats
Cette analyse de nature qualitative se fonde sur
les activités réalisées durant les journées
décrites ci-dessus ainsi que les résultats du
questionnaire préliminaire qui avait été adressé
aux participants. Nous tenons à souligner le
caractère limité et provisoire des premières
conclusions présentées ici. Ces limitations
tiennent à la fois de la composition spécifique
et du faible effectif du panel retenu, ainsi qu'à
une analyse encore partielle des données
collectées. Nous montrerons en conclusion que
nous mettons actuellement en place des
modalités permettant de renforcer la fiabilité et
la généricité de ces résultats.
Motivation et intentions des auteurs des
scénarios
Il faut en premier lieu souligner que les
scénarios donnés en exemple par les
participants correspondaient à des modalités
différentes de formation. Seuls deux d'entre
eux décrivaient des situations entièrement à
distance alors que les autres se répartissaient
équitablement entre situations de classe
uniquement présentielles et situations hybrides
mêlant activités en présence et à distance. Dans
la très grande majorité des situations de
formation décrites, l'ordinateur était utilisé de
façon fréquente, très fréquente ou exclusive.
Seul un enseignant évoquait une utilisation peu
fréquente de l'informatique.
Les enseignants ont majoritairement exprimé
le fait que la formalisation préalable d'une
situation d'apprentissage7 était motivée par un
souci d'explicitation de leurs propres pratiques
et visait à améliorer la qualité de
l'apprentissage pour les élèves. Il s'agit donc le
plus souvent d'un travail isolé permettant de (a)
mieux préparer les situations de formation, (b)
évaluer les écarts entre l'activité prévue et
l'activité réalisée et (c) réajuster la préparation
en fonction des écarts constatés pour améliorer
la qualité de la formation.
Ce n'est que dans une moindre mesure que
certains praticiens ont souligné la nécessité de
mutualiser ces formalismes afin de pouvoir les
partager au sein d'une communauté de
praticiens. L'accent est davantage mis sur
l'adaptation et la réutilisation des scénarios par
les concepteurs initiaux eux-mêmes. Ce n'est
essentiellement que dans des contextes
d'instrumentation technique (formation à
distance d'adultes ou de lycéens à rythmes
spécifiques, mise en place de banque de
ressources) que ces exigences de mutualisation
ont été évoquées.
Identification des propriétés et des critères
permettant de caractériser les scénarios
Pour cette activité, deux tâches différentes
étaient proposées aux participants des journées
d'étude. Il s'agissait d'identifier les propriétés
communes permettant de caractériser les
scénarios mis en commun et d'élaborer des
critères permettant de distinguer les différentes
approches proposées. Il faut souligner que la
majorité des termes cités ci-dessous émane
d'un consensus établi lors de l'activité
d'organisation des concepts.
La tâche d'identification des propriétés
communes aux scénarios a donné lieu aux
résultats suivants. De façon attendue, les
enseignants et formateurs ont signalé la
nécessité de définir pour chaque scénario son
auteur ainsi que le niveau, le public, le champ
disciplinaire concernés. Ils ont jugé également
nécessaire de préciser le référentiel de
connaissances ou de compétences associé au
scénario. Ils ont insisté sur la nécessité de
7 ce que nous appelons scénario prescriptif dans
[Pernin & Lejeune 2004]
http://isdm.univ-tln.fr
7
préciser le contexte sociotechnique dans lequel
se déroule la situation. Il s'agit en particulier de
décrire la modalité de formation (à distance, en
présence, hybride) et le degré
d'instrumentation informatique (proportion de
l'usage de l'ordinateur par les apprenants).
Fig. 2 : Graphe conceptuel construit sur la base des
propositions des enseignants
La tâche d'élaboration des critères s'est
également avérée très riche. Selon les
enseignants du panel, les différentes approches
de scénarisation dépendent notamment de
l'ensemble de critères décrits ci-dessous (toutes
les propositions de critères énoncées ne sont
pas détaillées dans cet article).
• un premier critère déterminant semble être
le point d'entrée et l'approche
pédagogique retenus. Le point d'entrée
dénote de façon sous-jacente le degré
d'importance de la composante didactique
au sein des scénarios décrits. Le
concepteur du scénario est-il en premier
lieu dirigé par les connaissances mises en
jeu ou bien par une liste de prérequis et
d'activités à réaliser ? Cette question a fait
l'objet de débats et mériterait d'être
approfondie lors d'entretiens spécifiques.
La précision du scénario ou les
formalismes utilisés apparaissent
également très différents selon l'approche
pédagogique retenue : démarche
conductiviste, constructiviste ou
socioconstructiviste ;
• il en est de même du type de
connaissances visées par l'apprentissage,
où l'on peut viser l'acquisition de savoirs
théoriques, de compétences, de savoir faire
ou encore de "savoir être" ;
• un point fréquemment souligné concerne le
type et le statut des ressources mises en
œuvre dans le scénario. Il semble pour les
enseignants exister un lien fort entre le
type de ressources (analogiques,
numériques, multimodales) et les types de
scénarios associés. Ces relations peuvent
traduire des différences de statut des
ressources vis à vis du scénario. Dans
certains cas, la ressource est centrale et il
s'agit d'en scénariser l'utilisation (ex: un
logiciel de manipulation d'équations
algébriques). Dans d'autres cas, la
ressource représente une donnée
interchangeable venant alimenter une ou
plusieurs activités d'apprentissage (ex:
l'utilisation d'un enregistrement d'un
journal d'actualités dans une séance de
compréhension orale en langue anglaise) ;
• la question précédente a également permis
de dégager le critère de réutilisabilité des
ressources. Il est en effet souligné par les
enseignants que la capacité d'une ressource
à être réutilisée par le concepteur ou par
d'autres personnes dans différents
scénarios dépend fortement de sa
"granularisabilité", c'est à dire de sa
capacité à être décomposée en unités de
grain plus fin ;
• un autre critère fréquemment cité concerne
la granularité des situations
d'apprentissage que l'on souhaite décrire (à
ne pas confondre avec la granularité des
ressources). Cette granularité peut varier
depuis la modélisation d'une activité
durant quelques minutes jusqu'à la
description d'un cursus de formation
durant plusieurs années. Il est probable que
les modalités de description doivent être
différentes selon que l'on décrive une tâche
élémentaire ou un processus complet de
formation. On peut relever que dans le
questionnaire initial, la majorité des
participants avait associé le terme de
scénario avec des situations de granularité
moyenne et à des termes tels que séquence
ou séance ;
• les enseignants et formateurs ont beaucoup
insisté sur la nécessité de proposer des
scénarios souples pouvant être modifiés,
enrichis, reconfigurés lors de leur mise en
œuvre. Ce critère de malléabilité (ou
encore adaptabilité ou souplesse) semble
très important pour qualifier les différentes
approches de scénarisation proposées ;
• il est également souligné que le caractère
individuel ou collectif des activités
http://isdm.univ-tln.fr
8
proposées dans les scénarios influe
fortement sur les modalités de description
des situations ;
• la nature générique ou individualisée des
activités proposées dans le scénario est
également considéré comme un critère
important. La généricité semble
s'accommoder plus aisément d'une
scénarisation contraignante alors que
l'individualisation nécessite davantage de
souplesse et de réactivité ;
• un critère important permettant de
distinguer les différents scénarios est
également leur degré de transférabilité ou
de réutilisabilité. Il semble en effet
important de ne pas définir des scénarios
trop contextualisés pour en envisager la
réutilisation par le concepteur initial ou par
d'autres personnes.
Principales propriétés permettant
de décrire un scénario
auteur
niveau
public
champ disciplinaire
référentiel de connaissances ou de compétence
contexte sociotechnique
modalité de formation (distance, présence)
degré d'instrumentation informatique
Principaux critères de différenciation des scénarios
point d'entrée
approche pédagogique
type de connaissances visées
type de ressources utilisées
statut des ressources vis-à-vis du scénario
réutilisabilité des ressources
granularisabilité des ressources
granularité des scénarios
malléabilité, adaptabilité, souplesse
caractère individuel ou collectif des activités
généricité vs individualisation
degré de transférabilité, réutilisabilité
degré de précision
formalismes d'expression
logique d'organisation des activités
Fig. 3 : Synthèse des propriétés et critères élaborés
par le panel d'enseignants et de formateurs
• Enfin, tous les critères énoncés ci-dessus
influent fortement sur les formalismes
d'expression des scénarios. Ces derniers
peuvent être décrits à l'aide de textes, de
schémas, de formulaires ou de formalismes
plus complexes (graphes, réseaux,
tableaux). Un point important pour les
enseignants réside dans le fait que ces
scénarios traduisent une logique
d'organisation des activités qui peut être
différente d'un cas à l'autre. Cette logique
peut être de nature linéaire (un simple
agencement séquentiel d'activités) ou
complexe si elle traduit des relations
temporelles ou structurelles plus
sophistiquées.
Le tableau présenté à la figure 3 résume
l'analyse effectuée et permet d'identifier un
premier ensemble de propriétés et de critères.
4 – CONFRONTATION AVEC LE POINT DE VUE DES INGENIEURS PEDAGOGIQUES
4.1. Objectifs et organisation des journées d'étude "ingénieurs pédagogiques"
Une seconde session de journées d'étude s'est
déroulée en mars 2006 (14 participants), et
s'adressait plus spécifiquement à des
ingénieurs pédagogiques et à des responsables
de formation. Il s'agissait plus précisément de
personnes en charge du déploiement de
formation TICE dans le supérieur (7), dans la
formation d'enseignants ou d'adultes (5) et
dans la formation totalement à distance (2) 8.
L'organisation des activités (c'est à dire notre
propre "scénario") était sensiblement identique
à celle de la session précédente. Ainsi nous
avons proposé les mêmes activités d'analyse
croisée de scénarios, d'élaboration de critères
et d'organisation des concepts.
La principale différence provenait de l'activité
d'organisation des concepts. Il s'agissait pour
les ingénieurs pédagogiques de :
• (a) prendre connaissance de cartes
conceptuelles élaborées par les enseignants
et formateurs
8 Par la suite, nous utilisons de façon générique le terme
"ingénieur pédagogique" pour désigner cette population.
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• (b) identifier les points de divergence
éventuels avec leurs propres propositions
de propriétés, critères et termes
• (c) proposer des interprétations de ces
points de divergence.
Il faut souligner que pour des raisons de délai,
il ne nous a pas été possible de réaliser une
analyse très détaillée des activités conduites
lors de cette seconde session. Nous nous
contenterons donc d'énoncer les principaux
points de divergence.
4.2. Quelques points de divergence notables
Ces points, relevés par les ingénieurs
pédagogiques, peuvent être résumés de la
façon suivante :
• les enseignants éprouvent la nécessité de
mettre en avant les démarches spécifiques
liées à leur discipline (critères "point
d'entrée", "approche pédagogique" et
"type de connaissances visées"). Ces
aspects sont peu pris en compte par les
ingénieurs pédagogiques qui centrent
davantage leur vision sur la description de
l'organisation des activités ;
• les ingénieurs pédagogiques sont
davantage sensibles au concept-même de
scénario. Ils le manipulent plus
fréquemment et éprouvent le besoin
d'expliciter de façon précise le
déroulement a priori des situations
d'apprentissage à mettre en place ;
• lorsque que le terme de scénario est utilisé,
la granularité n'est pas perçue de façon
équivalente. Les exemples de scénarios
fournis par les enseignants se situent
majoritairement au niveau de la séance et
de la séquence. Les ingénieurs
pédagogiques en ont une acception plus
large et peuvent s'intéresser à
l'organisation d'une année ou d'un cursus ;
• si l'on relève l'ensemble des termes utilisés
par les deux publics dans les descriptions
de scénarios proposés, on peut constater
une richesse nettement plus importante
chez les enseignants sur plusieurs points.
Ceci peut concerner aussi bien la diversité
des rôles des acteurs (enseignant, tuteur,
rapporteur, élève), la diversité des activités
collectives proposées (assistance entre
apprenants, collaboration, coopération) que
les différentes possibilités de
personnalisation des scénarios (concepts
d'adaptabilité, de malléabilité, de
souplesse, de différenciation).
4.3. Comment interpréter ces divergences ?
De façon générale, nous pouvons considérer
que ces divergences reposent sur des
représentations différentes des missions de
chacun.
Les représentations des enseignants et
formateurs
D'un côté, les enseignants et formateurs sont
en charge d'une double mission de transfert de
connaissances (pris au sens large) et de
médiation de l'apprentissage. Chacune de ces
missions orientent leur vision.
En premier lieu, un enseignant vise à
l'acquisition par un public donné d'un corpus
de connaissances et de compétences
précisément repéré. En particulier, ces corpus
se présentent dans les cadres institutionnels
sous la forme de programmes ou de
référentiels d'objectifs. Ceci implique une
vision en premier lieu centrée sur les
connaissances et les compétences qui doivent
être évaluées ou certifiées. Le concept
d'activité semble sous-jacent et servir
l'acquisition de ces connaissances ou
compétences.
La seconde mission des enseignants et
formateurs ou des tuteurs consiste à être
confrontés aux apprenants. Les différents types
d'interaction, qui ont essentiellement lieu en
présence pour le panel considéré, peuvent
également être médiés par un outil numérique
(mail, chat, forum, FAQ, etc.). Dans tous les
cas, les enseignants reconnaissent la
complexité de la régulation d'une situation
d'apprentissage. Ils insistent en particulier sur
le fait que, quelle qu'en soit la qualité et la
précision, l'organisation préalable d'une
situation d'apprentissage ne peut être
modélisée qu'à titre indicatif. Le vocabulaire
abondant collecté sur cet aspect (adaptabilité,
flexibilité, malléabilité des scénarios)
témoigne de cette relative prudence.
Il apparaît que l'introduction des technologies
numériques dans les situations d'apprentissage
amène naturellement les enseignants à
augmenter le degré de formalisation et de
précision de la description de leurs scénarios.
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Cette plus grande rigueur tient, à notre sens, à
plusieurs facteurs.
Le premier facteur relève de la diversification
des modalités de formation. En effet, la mise
en place de dispositifs d'apprentissage hybrides
(Charlier et al. 2006), mêlant situations en
présence et à distance, activités individuelles
ou collectives, un recours plus ou moins
intensif aux technologies numériques,
conduisent les enseignants à "préparer" de
façon plus importante leur cours. Au moment
de la formation elle-même, cette complexité
les incite à fournir aux apprenants et aux
accompagnateurs des "guides" leur permettant
de mieux planifier et situer leurs activités
respectives.
Un second facteur réside dans l'évolution du
rôle des ressources d'apprentissage fournies.
En effet, on peut assister à un accroissement
notable des situations d'apprentissage en
autonomie durant lesquelles un apprenant est
amené à interagir avec un ensemble complexe
de documents ou d'applications numériques.
Ces situations exigent une précision plus
grande dans la description des tâches à
effectuer en l'absence physique d'un référent
(traditionnellement l'enseignant).
Enfin, ces nouvelles situations impliquent une
reconfiguration des relations traditionnelles
entre enseignants, apprenants et les artefacts
pour l'apprentissage. En particulier, la mise à
disposition de nouveaux outils de
communication (courriel, forum, chats, foires
aux questions, etc.) incite les enseignants à
essayer de les intégrer dans des scénarios
pertinents pouvant en particulier pallier les
limitations des situations de face-à-face. Il faut
également souligner que ces nouvelles
situations amènent les enseignants à
s'interroger sur les mutations profondes en
cours de leurs missions traditionnelles.
En résumé, nos premières analyses des
représentations des enseignants permettent de
mettre en évidence :
• une vision centrée prioritairement sur les
connaissances à acquérir, davantage que
sur les activités à mettre en place ;
• une sensibilité forte au point de vue de
l'apprenant et à la nécessaire régulation des
situations d'apprentissage ;
• une relative prudence concernant une
planification trop stricte des activités ;
• un intérêt particulier porté aux interactions
entre apprenants et enseignants ;
• des interrogations sur leur métier et son
évolution.
Les représentations des ingénieurs
pédagogiques
Si la fonction de responsable de formation est
reconnue, celle d'ingénieur pédagogique est
récente et reflète des réalités beaucoup plus
variées. Diverses définitions peuvent être
trouvées dans la littérature (Paquette et
al. 1997, Godinet et Caron 2003). Pour le
public concerné par cette seconde session de
journées d'étude, les caractéristiques les plus
marquantes sont les suivantes :
• les ingénieurs pédagogiques travaillent
majoritairement dans les domaines de
l'enseignement à distance, de
l'enseignement supérieur ou de la
formation continue des adultes. Ils sont
souvent amenés à concilier des
compétences d'organisation pédagogique
et une maîtrise des solutions techniques
permettant la mise en place de formations
utilisant l'outil informatique ;
• ils appartiennent à des structures (cellules
TICE, structures d'appui aux enseignants,
etc.) créées le plus souvent récemment et
sous l'impulsion de politiques
institutionnelles volontaristes. Les
missions confiées à ces structures peuvent
être exploratoires (que peuvent apporter
les TIC dans un domaine précis de
formation ?) ou bien encore "rentabilistes"
(comment organiser et rationaliser le
remplacement ou l'extension de dispositifs
de formation existants par un recours plus
ou moins systématisé aux technologies
numériques ?) ;
• les tâches qui leur sont confiées sont
principalement des tâches de conception,
de développement et de mise en œuvre de
nouveaux dispositifs de formation. A ce
titre, ils sont appelés à coopérer
étroitement avec des enseignants ou des
formateurs, particulièrement au stade de la
conception.
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• il faut également souligner qu'une partie
importante des ingénieurs pédagogiques
relève au niveau professionnel d'un statut
précaire et sont évalués sur des critères
aussi bien quantitatifs (par exemple le
nombre d'heures de formation proposées à
distance, le taux de fréquentation d'un
portail de formation) que qualitatifs
(satisfaction des apprenants, réussite aux
examens, attractivité des formations
proposées, etc.).
Toutes ces caractéristiques influent
naturellement sur les représentations
concernant la scénarisation et ses avantages.
Les ingénieurs pédagogiques considèrent les
dispositifs de formation avec davantage de
recul que les enseignants et formateurs.
Comme pour tout processus d'ingénierie visant
un certain degré de rationalisation, ils sont
conduits à formaliser les processus et les
acteurs associés, les étapes à respecter ainsi
que les résultats intermédiaires à obtenir.
Ainsi, ils distinguent de façon beaucoup plus
claire que leurs homologues enseignants les
différents niveaux auxquels peut s'appliquer la
démarche de scénarisation : cursus, année,
module, session, activité, etc.
Le souci d'efficacité les conduit à développer
et proposer des méthodes et des outils
techniques visant à rationaliser non seulement
la création mais également la réutilisation de
scénarios, par exemple sous la forme de
banques de scénarios.
Cette rationalisation s'appuie souvent sur des
formalismes permettant de décrire des routines
(Dessus et Schneider 2006) pouvant être
utilisées de façon répétitive par des
enseignants. En règle générale, on peut relever
que ces gabarits de scénarios à compléter par
les enseignants se préoccupent essentiellement
de la prescription des activités à réaliser, sans
prendre en compte les aspects dynamiques liés
à la régulation.
Il est également à noter que les missions
d'ordre technique qui leur sont confiées les
amènent souvent à privilégier l'efficacité à la
richesse pédagogique. A titre d'exemple, la
maîtrise experte des fonctionnalités d'un
environnement numérique de travail peut
conduire à proposer des scénarios aisés à
mettre en place, au détriment d'une analyse
fine des besoins didactiques ou pédagogiques.
Une autre préoccupation exprimée par les
ingénieurs pédagogiques concerne le relatif
manque d'implication des enseignants dans la
mise en place de nouveaux dispositifs. Ils
déplorent fréquemment une absence de
réactivité ou d'adhésion aux méthodes
proposées, et ce, malgré des efforts importants
de sensibilisation et de formation. Cette
préoccupation peut se traduire dans les faits
par la mise en place de processus collaboratifs
impliquant enseignants et ingénieurs
pédagogiques dès la conception initiale des
dispositifs.
En résumé, concernant les représentations des
ingénieurs pédagogiques et responsables de
formation, nous pouvons mettre en évidence
les points suivants :
• ils disposent généralement de davantage de
recul sur les dispositifs de formation et
possèdent une meilleure vision d'ensemble
des processus à mettre en place ;
• leur fonction les pousse naturellement à
adopter un point de vue rationaliste et à
proposer des solutions plutôt génériques et
économiquement viables. Ces solutions ne
correspondent pas nécessairement de façon
précise et contextualisée aux attentes et
besoins de enseignants, des formateurs ou
des apprenants ;
• leur fréquente double compétence,
organisationnelle et technique, peut les
inciter à privilégier la faisabilité technique
au détriment de la richesse des interactions
didactiques et pédagogiques ;
• ils expriment de façon forte un besoin de
communication accru avec les enseignants
pour construire les solutions à mettre en
place.
5 – CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Au terme de cette étude, nous pouvons dégager
des premiers résultats qui viennent conforter
les hypothèses que nous avions énoncées au
début de cette contribution.
5.1. Une forte variété de points de vue et d'attentes
Il apparaît effectivement difficile de modéliser
un "praticien idéal". En particulier, les
représentations des enseignants et formateurs
d'un côté et des ingénieurs pédagogiques et
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responsables de formation de l'autre, semblent
diverger sur de nombreux points. Cette
diversité, qui tient notamment à des contextes
professionnels différents, doit être analysée
plus en profondeur afin de proposer (a) un
cadre commun permettant la mise en place
d'une nécessaire collaboration entre les
différents types de praticiens et (b) des
formalismes et des outils spécifiques aux
exigences et aux besoins de chaque
communauté.
5.2. Un cadre terminologique mouvant
Lors des deux sessions de journées d'étude
présentées dans cet article, nous avons pu
relever de très fortes différences dans les
définitions données par chacun, y compris pour
des termes identiques. Par exemple, les termes
utilisées pour décrire la granularité des
situations d'apprentissage (tâche, activité,
séquence, séance) ont des acceptions
différentes voire contradictoires. Les échanges
ont cependant permis de clarifier les concepts
sous-jacents et de dégager un relatif consensus.
Cette exigence de consensus autour d'un
glossaire commun semble aujourd'hui
nécessaire si l'on veut viser un plus grand
partage et une amélioration des pratiques
concernant la scénarisation d'activités
5.3. Une richesse de critères de différenciation
L'analyse des journées d'étude a effectivement
permis de dégager un ensemble de critères qui
détermine fortement les usages de
scénarisation.
Une première ébauche de ces concepts (cf.
figure 3 présentée plus haut), produite par le
groupe des enseignants et formateurs, a été
proposée dans cet article. Partiellement validée
et complétée par le public d'ingénieurs
pédagogiques, elle demande à être confortée
par une analyse à plus grande échelle.
5.4. Quelles suites à ces travaux ?
Les informations issues de ces journées d'étude
apparaissent comme très riches. Après cette
première étude, nous poursuivons actuellement
le dépouillement des données recueillies,
notamment pour constituer un corpus commun
de termes et de critères, conciliant les
différents points de vue.
Nous avons également entamé d'autres actions
permettant de compléter ces premières actions.
En particulier, nous avons organisé en avril
2006 le colloque "Scénariser l'enseignement et
l'apprentissage : une nouvelle compétence
pour le praticien ?". Ce colloque a rassemblé
une partie importante des chercheurs du monde
francophone s'intéressant au thème de la
scénarisation. Les actes de ce colloque (Pernin
et Godinet 2006) permettent d'apprécier
quelles sont les problématiques actuellement
abordées par les chercheurs et leur relation
avec les préoccupations d'accessibilité par les
praticiens présentées dans cet article.
Enfin, nous avons souligné dans cet article la
portée limitée des résultats présentés, due au
panel spécifique de praticiens concernés. Nous
avons donc élaboré une enquête en ligne
relativement détaillée permettant de collecter à
une échelle plus large les représentations, les
usages et les attentes.
Cette enquête a été mise en ligne en mars
2006, et a permis de recueillir en 6 semaines
près de 150 réponses émanant de publics variés
issus de différentes disciplines et de différents
contextes institutionnels (secondaire,
supérieur, formation d’adultes, formation de
formateurs).
Une première analyse des résultats de cette
enquête sera disponible dès le milieu de l'année
2006.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier l'équipe d'enseignants
associés au projet CAUSA pour la préparation
du travail présenté dans cet article. Cette
équipe est composée de Valérie EMIN,
Jean-Michel JULLIEN, Bruno LEBRAT et
Emmanuelle VILLIOT-LECLERCQ. Nous
voulons également remercier Valérie
FONTANIEU, statisticienne à l'INRP, qui a
contribué à la mise en place du questionnaire et
à son dépouillement.
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