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EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1970 à 1975) PERSONNES EDOUARD VIEUJEAN, PROFESSEUR ORDINAIRE À LA F AOULTÉ DE DROIT DE LIÈGE, PREMIÈRE PARTIE ÉTAT ET CAPACITÉ SOMMAIRE I. - NOM, PRÉNOM ET TITRE DE NOBLESSE l. Nom de l'enfant naturel reconnu par son père. 2. Nom de l'enfant adopté par une veuve. 3. Titre de noblesse. -Transmission à l'enfant légitimé par adoption et mention obligatoire dans les actes de l'état civil. 4. Choix, changement, rectification et traduction de prénom. II. - DOMICILE 5. Unité du domicile. - Principe applicable au commerçant qu'il habite. 6. Domicile << judiciaire >> et domicile civil. - Registres de la population. 7. Changement de domicile, registres de la population et théorie du dernier domicile. III.- SEXE 8. Pseudo-hermaphrodisme et transsexualisme.

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EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1970 à 1975)

PERSONNES

EDOUARD VIEUJEAN,

PROFESSEUR ORDINAIRE

À LA F AOULTÉ DE DROIT DE LIÈGE,

PREMIÈRE PARTIE ÉTAT ET CAPACITÉ

SOMMAIRE

I. - NOM, PRÉNOM ET TITRE DE NOBLESSE

l. Nom de l'enfant naturel reconnu par son père. 2. Nom de l'enfant adopté par une veuve. 3. Titre de noblesse. -Transmission à l'enfant légitimé par adoption

et mention obligatoire dans les actes de l'état civil. 4. Choix, changement, rectification et traduction de prénom.

II. - DOMICILE

5. Unité du domicile. - Principe applicable au commerçant où qu'il habite.

6. Domicile << judiciaire >> et domicile civil. - Registres de la population. 7. Changement de domicile, registres de la population et théorie du

dernier domicile.

III.- SEXE

8. Pseudo-hermaphrodisme et transsexualisme.

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500 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

IV. -ACTES DE L'ÉTAT CIVIL

9. Force probante. -Indication du sexe dans l'acte de naissance. -Jour et heure du décès et mention que le défunt est veuf ou qu'il est <<mort pour la Belgique)}.

10. Rectification des actes de naissance et des actes de décès. Il. Distinction entre la rectification ·de l'acte de naissance et la réclama­

tion d'état. 12. Constitution judiciaire d'un acte de naissance et rectification consé­

cutive de l'acte reproduisant le dispositif du jugement qui homologue la légitimation par adoption. ""

V. - CAPACITÉ

A. -Mineur non émancipé

1° Organisation, pouvoirs et fonctionnement du conseil de famille

13. Education du pupille. -Droit de visite des proches. -Intérêt de l'enfant.

14. Absence de pouvoir d'initiative dans la gestion tutélaire. 15. Homologation des délibérations du conseil de famille. - Pouvoir

du tribunal.

2° Fonction, pouvoirs et responsabilité du tuteur

16. Education du pupille. -Droit de visite des proches. -Intérêt de l'enfant.

17. Actes interdits au tuteur. - Recours en matière d'engagement militaire et consentement à une aliénation régie par l'article 918 du Code civil.

18. Transaction. -Accord sur la réparation d'tm dommage. - Objet de 1 'homologation.

19. Partage judiciaire. - Rôle du juge de paix. 20. Partage amiable et licitation.- Attribution d'une soulte au mineur. 21. Partage amiable et licitation. - Celle-ci n'est pas soumise aux

formes de celui-là. 22. Licitation demandée à la fois par les mineurs et leurs consorts

majeurs.- Opposition d'intérêts entre pupille et tuteur ou subrogé tuteur dans les partages et licitations.

23. Vente d'immeuble et licitation. - Enchères publiques ou vente de gré à gré?

24. Vente d'immeuble. - Expropriation pom· cause d'utilité publique. 25. Vente d'immeuble. - Exécution d'une promesse consentie par

l'auteur de l'incapable. 26. Vente de meubles.- Objets d'art et de collection.- Vente publique

à l'étranger.

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 501

27. Actions mobilières. 28. Recouvrement de capitaux << non exigibles >>. 29. Hypothèque légale. - Dispense d'inscription. 30. Compte de tutelle. - Tuteurs successifs. - Prescription.

3o Etendue et sanction de l'incapacité du mineur non émancipé

31. Emprunt et lettre de change. 32. Emprunt. - Commodat et prêt de consommation. 33. Achat. 34. Assurance. - Conclusion du contrat et résiliation par l'assureur. 35. Engagement militaire et recours ou actions qui s'y rapportent. 36. Louage de services : licenciement du mineur et action de celui-ci

contre le patron. 37. Louage de services : renonciation ou transaction consentie par l'em­

ployé mineur. 38. Sécurité sociale : notifications en matière d'assurance contre la

maladie et l'invalidité, notifications et recours en matière de chômage.

B. -Mineur émancipé

39. Conditions de l'émancipation. 40. Capacité limitée à la pure administration : assurance individuelle

contre les accidents corporels. 41. Achat d'un immeuble. 42. Emprunt et constitution d'hypothèque : formalités requises. 43. Formalités requises pour que le mari commun en biens et mineur

autorise valablement l'épouse à aliéner un propre. 44. Lettre de change.

C. - 1 nfirmités mentales

l o << Démence >> et consentement

45. Annulation demandée par les héritiers du<< dément>>.- Interdiction provoquée mais non prononcée avant le décès.

2o Aliénés internés ou séquestrés

46. L'admission dans les établissements d'aliénés. 47. Demande en divorce contre l'infirme. -Administration provisoire,

libération à l'essai et traitement en <<service ouvert>>.

3o Minorité prolongée

48. Déclaration de minorité prolongée. - Requête de l'un des père et mère divorcés. - Condition de fond.

49. Substitution de la tutelle à .la puissance parentale.

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502 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

4° Interdiction et conseil judiciaire

50. Procédure. 51. Actes antérieurs à l'interdiction. - Notoriété de la démence. 52. Validité et paiement des achats du prodigue.

* * *

1. - Nom, prénom et titre de noblesse.

1. NoM DE L'ENFANT NATUREL RECONNU P.AR SON PÈRE.

Cet enfant porte le nom de son père, celui-ci l'eût-il reconnu ~près la mère. Ainsi le veut l'usage {1), et l'on fait valoir aussi que<< c'est la solution la plus avantageuse pour l'enfant naturel, en ce qu'elle ne fait pas ressortir de différence extérieure entre un enfant légitime et lui>> (2).

S'en tenant à la seconde raison, le tribunal de Liège décide par jugement du 22 mars 1974 (3) qu'un enfant adultérin dés­avoué portera le nom de sa mère bjen qu'un amant de celle-ci l'ait reconnu grâce au <<privilège>> institué par les articles 331 et 335 nouveaux (4). <<Il échet>>, suivant les motifs, <<de noter que l'enfant vit auprès de sa mère, n'est connu que sous le nom de celle-ci et qu'il n'a quasi pas de contact avec son père; que surtout il n'a été connu - d'abord - et ne l'est sans doute encore aujourd'hui que sous le nom de sa mère>>. Enfin,<' aucune raison sérieuse ... (n'existe) pas ou plus de faire prévaloir le nom du père sur celui de la mère>>.

Quoique ces considérations smnblent judicieuses, on hésite à croire qu'elles dispensent de la coutume que le nom se transmet par les mâles.

2. NoM DE L'ENFANT ADOPTÉ PAR UNE VEUVE. - Alléguant que la femme n'a pas en principe le droit de disposer du nom

1. - (1) Liège, 28 juillet 1920, Pas., 1920, II, 165; Anvers, 6 janvier 1921, Pas., 1923, III, 31.

(2) COLIN et ÜAPITANT, Gours élémentaire, 4e éd., p. 356;- adde DE PAGE, Tmité élémentaire, t. Jer, 3e éd., n° 277.

(3) Jur. Liège, 1974-1975, 219. (4) La filiation maternelle de l'enfant adultérin a matre reste en tout cas établie

par l'acte de naissance pourvu que celui-ci mentionne - comme en l'espèce - le nom de la mère (cette Revue, 1971, p. 262 à. 271, nos 67 à. 69). Elle avait donc été légalement constatée avant la filiation paternelle. Le tribunal ne manque pas de le relever. Mais il n'en tire, semble-t-il, aucun argument en faveur du nom de la mère.

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 503

de son mari, qu'elle ne le porte dans son veuvage que par l'effet d'une tolérance et que l'article 358, § 4, est une exception exclusivement destinée à<< favoriser l'intégration de l'adopté dans sa nouvelle famille>>, le tribunal de Bruxelles refuse de joindre le nom de Maeterlinck au patronyme de l'enfant adopté par la veuve de Maurice Maeterlinck (1). Mais le jugement est réformé, attendu notamment que<< feu Maeterlinck a constamment montré de l'intérêt envers l'adopté que sa femme et lui avaient l'un et l'autre tenu sur les fonts baptismaux, qu'il lui témoignait une réelle affection; . . . que l'illustre écrivain est mort . . . à une époque où l'adoption ... n'était pas encore entrée dans nos mœurs comme elle l'est actuellement; ... que, pour que le vœu commun de l'adoptante et de l'adopté ne soit pas exaucé, il faudrait qu'il apparaisse, soit que le but poursuivi par les requérants n'est pas légitime, soit que l'adopté est indigne de porter le nom du mari de l'adoptante, soit que les membres de la famille de ce défunt ont des motifs sérieux et légitimes de critiquer l'adjonction sollicitée; ... que si ... l'adopté a souhaité faire apparaître publiquement les liens d'affection qui ont existé entre un écrivain célèbre et lui-même, un tel désir est parfaite­ment légitime; ... que l'adopté appartient à une famille honorable et que sa propre réputation est irréprochable; ... qu'en deman­dant l'adjonction et non pas la substitution au sien du nom de Maeterlinck, l'appelant ne pourrait - ce qui, à la rigueur, serait de nature à porter justement ombrage aux neveux et nièces de l'écrivain- usurper l'apparente qualité de fils légitime de celui-ci et se faire passer pour leur cousin>> (2).

3. TITRE DE NOBLESSE. - TRANSMISSION À L'ENFANT LÉGI­

TIMÉ PAR ADOPTION ET MENTION OBLIGATOIRE DANS L:ElS ACTES

DE L'ÉTAT CIVIL. - Les effets de la légitimation par adoption sont <<aussi semblables que possible à ceux de la légitimation prévue par les articles 331 à 333 du Code civil>> (1), et l'article 359, § 2, ne dispose que pour l'adoption. <<Il est donc établi>>, juge le tribunal de Gand, << aussi bien de manière exégétique que téléo-

2. - (1) 2 octobre 1970, Journ. tdb., 1970, 651, Rev. prat. not., 1970, 447. (2) Bruxelles, 17 mai 1971, Pas., 1971, II, 268, Journ. trib., 1972, 152, Rev. not.

belge, 1972, 248.

3. - {1) Rapport au sénat sur le projet adopté dans la loi du 21 mars 1969, Doc., 1966-1967, 358, p. 40.

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504 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

logique que la légitimation par adoption opère en principe la transmission des droits nobiliaires au légitimé par adoption>> (2).

On sait d'ailleurs que les titres de noblesse doivent figurer dans les actes de l'état civil (3). Aussi le tribunal de Liège ordonne-t-il par jugement du 10 novembre 1972 la rectification d'un acte de naissance qui n'indiquait pas le titre de l'enfant (4).

4. ÜHOIX, CHANGEMENT, RECTIFICATION ET TRADUCTION DE

PRÉNOM. - On sait que le choix appartient aux père et mère ou, s'ils s'en désintéressent, à la personne qui déclare la nais­sance ( l) et que peuvent seuls être reçus << les noms en usage dans les différents calendriers et ceux des personnages connus de l'histoire ancienne>> (2). C'est en se fondant sur ces principes que le tribunal et la cour de Liège refusent de substituer<< Suzanne>> à<< Philomène>> malgré la<< névrose obsessionnelle>> alléguée par la requérante (3). Heureusement, la loi du 2 juillet 1974 aura permis à celle-ci de se guérir à peu de frais : elle avait évidem­ment <<quelque raison>> de changer de prénom, et il ne lui en aura coûté que 600 francs de droits d'enregistrement (4).

Acte de volonté, le choix est susceptible d'être vicié notam­ment par l'erreur (5), et un jugement ordonne que<< Sébastien>>, prénom attribué ab irato par la mère, soit rectifié en<< Mehdi >>, qui en est la version arabe et dont les parents étaient convenus avant la naissance (6). Au reste, les motifs soulignent gue la décision du mari, Tunisien en l'espèce, doit l'e1nporter dès lors qu'elle n'est pas infirmée par le tribunal de la jeunesse. Mais on sait qu'il n'en est plus ainsi depuis la loi du l er juillet 1974, et d'ailleurs, la procédure administrative du changement de prénom aurait offert aux parties un remède plus commode et

(2) 23 juin 1972, Journ. trib., 1973, 131; - adde les références citées dans cette décision.

(3) Cette Revue, 1957, p. 56, n° 2, 1961, p. 467, no 3, et 1970, p. 393, n° l. (4) J~tr. Liège, 1972-1973, 268 : le respect de la circulaire du ministre de la justice

(administration de la législation, état civil, litt. E.C., n° 9503/Pr. du 28 février 1962) aux procureurs généraux a, dit le tribunal, constitué une coutume non contraire à la loi.

4. - (1) Cette Revue, 1970, p. 399 à 403, no 4. (2) Cette Revue, 1970, p. 395 à 399, n° 3 .. (3) Civ. Liège, 10 novembre 1972, Jur. Liège, 1973-1974, 69, Mouv. comm., 1974,

50, confirmé par Liège, 28 février 1973, Journ. trib., 1973, 313. (4) C. enr., art. 249, modifié par l'art. 3, § 4, de la loi du 2 juillet 1974. (5) Cette Revue, 1970, p. 397, no 3. (6) Civ. Liège, 9 février 1973, Jur. Liège, 1972-1973, 220.

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 505

moins coûteux que l'action en rectification si elles avaient réglé leur affaire sous l'empire de la loi du 2 juillet 1974.

Qu'il s'agisse du choix initial ou d'un changement demandé au Roi, on s'en tiendra aux nomenclatures de l'histoire ancienne et des calendriers. Mais il est permis de les traduire en une langue étrangère (7), et sont a fortiori réguliers les prénoms que les immigrés ont légalement reçus dans leur pays (8). Reprenant une opinion critiquée dans une précédente chronique, le tribunal de Bruxelles ordonne même la rectification d'un acte dans lequel l'officier de l'état civil avait refusé d'inscrire les prénoms<< Dana Dyonisia >> : il n'est pas prouvé, dit-il, que le choix du père soit régulier, mais il n'a <<rien de ridicule ni d'inconvenant>> (9).

Il. - Domicile.

5. UNITÉ DU DOMICILE. - PRINCIPE APPLICABLE AU COM­MERÇANT où QU'IL HABITE. -Docile à l'enseignement de DE PAGE (1), le conseil de prud'hommes d'appel de Bruxelles avait jugé qu' <<il faut reconnaître deux domiciles au commerçant ou à l'industiellorsque le centre de leurs affaires est distinct du lieu où ils habitent>>. Mais la sentence est cassée par le motif qu'elle <<a contrevenu à l'article 102 du Code civil>> {2).

6. DOMICILE << JUDICIAIRE >> ET DOMICILE CIVIL. - REGISTRES DE LA POPULATION. - Inscrit dans les registres de Leuze­lez-Dhuy, un défendeur décline la compétence du tribunal de Namur sous prétexte qu'il a son principal établissement au Zaïre. Mais la cour de Liège répond à juste titre que l'article 36 du Code judiciaire devrait être respecté même si l'inscription n'était pas conforme à l'article 102 du Code civil (1). Aussi bien

(7) Civ. Liège, 9 février 1973, précité. (8) Civ. Liège, 24 décembre 1971, Jur. Liège, 1971-1972, 293, qui refuse de rectifier

le prénom tchèque <<Jan>> en << Yvan >>, qui en est la traduction française; Bruges, 7 janvier 1975, motifs, Journ. trib., 1975, 640, R.W., 1974-1975, 2143;- adde cette Revue, 1961, p. 468, n° 4, et 1970, p. 396 à 399, n° 3.

(9) 7 janvier 1975 précité; - contra cette Revue, 1970, p. 396 à 399, n° 3.

5. - (l) Traité élémentaire, t. rer, 3C éd., n° 313bis;- adde VAN RYN, P1·incipes de droit commercial, Bruxelles, 1954, t. rer, n° 135.

(2) Cass., 30 octobre 1969, Pas., 1970, I, 187.

6. - (1) 20 juin 1973, Journ. trib., 1974, lOO;- adde cette Revue, 1970, p. 408 à 412, no 10, spécialement p. 409.

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les registres de la population sont régis par l'arrêté royal du 1er avril 1960, lequel se réfère à la résidence habituelle et non au principal établissement, et l'on ne peut d'ailleurs soutenir qu'ils déterminent le domicile (2), ni, par suite, que l'administra­tion connaît d'une affaire civile au mépris de l'article 92 de la Constitution lorsqu'elle inscrit ou radie contre le gré de l'in­téressé : il s'agit d'une <<décision administrative qui comporte, au premier chef, des effets de droit public et de droit administra­tif>> et qui << laisse entier le pouvoir des cours et des tribunaux de déterminer quel est en droit, au sens des articles 102 et suivants du Code civil, le domicile de l'intéressé en tant qu'élément de son statut personnel>>; quant à l'article 36 du Code judiciaire, il<< ne vaut qu'en droit judiciaire, et il ne modifie pas davantage les articles 102 et suivants du Code civil>> (3).

Encore faut-il que le droit judiciaire ne s'en remette pas au droit civil. Les litiges successoraux, par exemple~ appartiennent au juge du lieu où le défunt avait son principal établissement ou, le cas échéant, son domicile légal (4). Nous affirmions le contraire dans la chronique précédente (5). Mais c'était une erreur. L'article 627, 3°, du Code judiciaire indique le <<lieu de l'ouverture de la succession>> et non le domicile du défunt; c'est un renvoi à l'article 110 et, par suite, aux articles 102 à 109 du Code civil.

7. CHANGEMENT DE DOMICILE, REGISTRES DE LA POPULATION ET THÉORIE DU DERNIER DOMICILE.- Sous réserve de l'article 36 du Code judiciaire (1), les mentions des registres de la population sont- ni plus ni moins- l'une des circonstances que le juge du fond appr~cie souverainement pour déterminer le lieu du principal établissement (2). Il est d'ailleurs fréquent que l'in­scription ·dans une commune soit formellement demandée par l'intéressé, et, pour distincte que cette demande soit de la déclaration prévue dans l'article 104 (3), elle n'en est pas moins

(2) Cette Revue, 1970, p. 408 à 412, n° 10, spécialement p. 409. (3) Cons. d'Etat, 9 octobre 1973, Arr. et av., 1973, n° 16042, p. 750, R.J.D.A.,

1974, 83. (4) Huy, 8 novembre 1972, Jur. Liège, 1972-1973, 83. (5) Cette Revue, 1970, p. 408 à 412, n° 10, spécialement p. 409.

7. - (1) Supra, no 6. (2) Cette Revue, 1950, p. 151, n° 3, 1953, p. 134, n° -4:, 1957, p. 59 et 60, n° 8, 1961,

p. 474, no 10, 1965, p. 428 et 429, n° 4, et 1970, p. 408 à 412, n° 10. (3) Cette Revue, 1970, p. 412.

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 507

propre à établir l'intention requise par l'article 103, voire le changement de domicile ( 4).

La cour de Bruxelles juge en revanche que la radiation d'office<< est une simple mesure administrative, sans effet pour opérer le transfert de domicile et qui n'exerce aucune influence sur la théorie de droit civil du (domicile présumé conservé'>>. Au reste, poursuit l'arrêt, il n'importe que l'intimé allègue d'autres faits pour prouver son changement de domicile et, par suite, l'irrégularité d'un commandement signifié par l'Etat à la requête du ministre des finances, dès lors que ces faits <<n'ont été révélés qu'en cours d'instance et étaient totalement ignorés de l'appelant à la date du commandem_ent >> : dans son << état d'ignorance légitime ... , l'appelant était fondé à se pré­valoir de la présomption de conservation du domicile ancien>> (5).

III.- Sexe.

8. PsEUDO-HERMAPHRODISME ET TRANSSEXUALISME.- Garçon selon l'état civil, fille affectée de pseudo-hermaphrodisme selon les médecins,<< Pascal-Dominic>>, enfant de 9 mois, aura un acte de naissance rectifié grâce à un jugement que le tribunal de Liège rend le 9 février 1973 sur la requête du procureur du Roi (1). C'est une satisfaction que la cour de Bruxelles et le tribunal de Malines refusent respectivement à une femme et à un homme qui avaient<< changé de sexe>> à la faveur de traite­ments hormonaux et chirurgicaux (2).

Dès le premier jour et à jamais, tout être humain est néces­sairement homme ou femme au regard de la loi comme dans l'ordre de la nature, et il n'y a, par conséquent, matière à rec­tification que si le sexe indiqué dans l'acte de naissance n'est pas effectivement celui du nouveau-né. Tels sont les principes sur lesquels s'appuient les deux dernières décisions. Le rapport

(4) Cass., 2 mars 1971, Pas., 1971, I, 595. (5) Bruxelles, 28 juin 1967, Bull. contr., 1972, n° 2141, p. 885, et rejet du pourvoi

par casa., 29 mai 1969, Bull. contr., 1972, n° 2142, p. 888.

8. - (1) Jur. Liège, 1972-1973, 283. (2) Bruxelles, 7 mai 1974, Journ. trib., 1974, 713, Rev. not. belge, 1975, 137, note

KLUGER et MAEs, Pas., 1975, II, 15; Malines, 17 juin 1975, R. W., 1975-1976, 870, note PAUWELS; - adde Paris, 18 janvier 1974, D.-8., 1974, J., 196, avis GRANJON, Rev. trim. civ., 1974, p. 801,no 3, obs. NERSON; -comp. Paris, 31 mai 1966 et 8 décembre 1967, J.O.P., 1966, II, 14723, et 1968, II, 15518biB.

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histologique, relève le tribunal de Malines, établit sans équivoque que le requérant est né homme, qu'il n'y a donc aucune erreur dans l'acte de naissance et gue le cas ne peut être confondu avec l'intersexualité, anomalie que le chirurgien peut corriger en améliorant ce qui appartient au sexe originel et en effaçant ce qui le contredit. <<Il n'est pas contesté>>, observe la cour de Bruxelles,<< que l'acte de naissance concordait, quant à ce, avec les éléments physiologiques, dépourvus de toute ambivalence, alors décelables >>, de sorte que << les interventions chirurgicales précitées n'ont pas eu une portée 1'évélatrice d'un sexe autre que celui que mentionne l'acte de naissance>>.

Ainsi la cour de Bruxelles et le tribunal de Malines auraient vraisemblablement adopté la même solution que le tribunal de Liège s'ils avaient dû, comme lui, régler un cas de pseudo­hermaphrodisme. Il n'est pas certain toutefois que les vues soient identiques. Ne s'attachant qu'au sexe <<vrai>>, les deux premiers s'en tiennent à la biologie, tandis que, citant notam­ment Messieurs DECOURT et GuiNET (3), le troisième souligne que l'enfant a moins d'un an, après avoir observé : <<Les auteurs qui, de manière générale, ont étudié le cas de l'hermaphrodisme ou d'un pseudo-hermaphrodisme, insistent sur la nécessité de rectifier, le plus tôt possible, l'acte d'état civil qui contiendrait une eerreur' quant au sexe de l'enfant>>.

Ne faut-il pas entendre que, pour important qu'il soit (4), le physiologique n'est pas tout, qu'il le cède, selon les cas, au psychique et que l'état civil doit, comme le médecin (5), ~ssigner

(3) Les états intersexuels, Paris, 1962, p. 159 : <<L'impératif thérapeutique dans ]'aphrodisme est d'assurer au sujet un sexe conforme à ses aspirations et à ses possibi­lités. - Pour le premier point, il est démontré que le conditionnement psychologique est réalisé très précocement, en liaison étroite avec le sexe choisi à la naissance et le mode de vie qui en découle. MoNEY et HAMPSON cpnsidèrent que la période critique se situe lors des acquisitions du langage, de 18 mois à 2 ans, et que, passé ce stade, l'empreinte est indélébile. La partie se joue donc dans le tout jeune âge et il en résulte que chez les nouveau-nés porteurs d'ambiguïté sexuelle, on devra attacher la plus haute importance à la déclaration d'état civil, sachant que la décision ne devra plus êt1·e remise en cause. - Pour la même raison, on se montrera très réservé à l'égard des changements de sexe ultérieurs, ceux-ci ne devant être envisagés que _durant la première année ou sur demande expresse du sujet. adulte l).

(4) Loin de le négliger, le tribunal de Liège relève que, suivant les experts, ]e sexe chromosomique est féminin et que les examens cliniques et radiologiques permettent également de conclure que l'enfant est du sexe féminin.

(5) Voy., par exemple : ERNOULD et STEENEBRUGGEN, <<Un cas de pseudo­hermaphrodisme mâle : faut-il l'orienter dans le sens féminin ou masculin? l), Rev. méd. Liège, 1957, XII, 74 : choix du sexe féminin; J. J. LEGROS, V AN CAUWENBERGHE, LAMBOTTE, BAUDUIN, FRANOIDMONT et J. LEGROS, <<Problèmes psycho-endocriniens

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à l'hermaphrodite ou pseudo-hermaphrodite le sexe convenable plutôt que le sexe << véritable >> ?

La divergence, si elle existe, porte à la fois sur la fin de la rectification et sur la définition du sexe.

La rectification proprement dite ( 6) ne se conçoit-elle - ainsi que le veulent le tribunal de Malines et la cour de Bruxelles -que si ia requête dénonce une erreur ou une irrégularité dans la rédaction même de l'acte ou bien permet-elle également d'ajuster celui-ci au gré des transformations subies par l'état? On a déjà rencontré la question dans une chronique précédente (7), et il ne faut pas, croyons-nous, changer la réponse, quoique le con­texte soit différent : l~~it!'~_I_l_(j pet~.tê~r~--~~~Jm_J1l~b1~_91!~- ce ~1_~- do_!~-~~()nsta~~r (8). Au reste, s'aviserait-on de répondre autrement si, par impossible, la médecine réussissait demain à métamorphoser le sexe dans tous ses éléments ?

C'est, par conséquent, la définition du sexe qui constitue le nœud du problème. La loi s'en tient, selon le tribunal de Malines, aux caractères externes. C'est à peu près le langage que la cour de cassation de France tenait en 1903 (9). Mais la loi ne l'impose pas, car on ne peut prêter aux auteurs du Code civil la volonté de figer le concept de sexe, qui n'est pas spécifiquement juridique, en lui assignant à jamais la compréhension que lui reconnaissait la science de l'époque (10). Au reste, il semble que les termes

posés par un cas d'hyperplasie surrénalienne congénitale reconnu tardivement >>, Rev. méd. Liège, 1974, XXIX, 73 : pseudo-hermaphrodisme féminin et choix du sexe masculin; - adde ci-dessus, note 3.

(6) Par opposition à la reconstitution d'actes ou de registres, que certains auteurs, tel DE PAGE (Traité élémentaire, t. rer, 3e éd., n°8 455 à 461), rangent dans la rectification sensu lato.

(7) Cette Revue, 1970, p. 406 et 407, n° 8. (8) En ce sens, PAUWELS, note sous Malines, 17 juin 1975, R. W., 1975-1976, 873 à 888,

spécialement n° 14, col. 883;- comp. PETIT,<< L'ambiguïté du droit face au syndrome transsexuel >>, Rev. trim. civ., 1976, p. 263 à 296, spécialement p. 283, texte et note 92. Sans prendre parti, cet auteur signale d'autre part (p. 281, 2, a) que, suivant certains, le transsexualisme serait matière à une action d'état et non à une simple rectification. C'est l'opinion de M. NERSON, qui parle d'<< action en réclamation de sexe>> (Chronique de jurisprudence, Rev. trim. civ., 1966, p. 74 à 77, n° 5, et 1974, p. 801 et 802, n° 3;­adde Paris, 31 mai 1966, J.O.P., 1966, II, 14723; - comp. Paris, 18 janvier 1974, D.-S., 1974, J., 196, avis GRANJON). Mais la discussion est née de l'article 99 du Code civil français, aux termes duquel <<la rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal >>. Elle n'aurait pas de sens en Belgique eu égard aux articles 83, § 2, 92, §1er, 1°, et 1383 à 1385 du Code judiciaire.

(9) Civ., 6 avril1903, D.P., 1904, I, 395, avis BAUDOUIN, S., 1904, I, 273, note WAHL; civ. Liège, 7 mars 1949, motifs, Pas., 1949, III, 116.

(10) PAUWELS, note précitée, n° 6; PETIT, op. oit., p. 285 à 287.

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du jugement dépassent la pensée du tribunal, car celui-ci fait état du rapport histologique.

Quant à la cour de Bruxelles, loin de s'en tenir à la mor­phologie, elle relève avec soin : <<Il n'est pas prétendu que sur le plan chromosomique, hormonal, génétique ou gonadique, quelque doute soit apparu ... sur le sexe véritable>>. Les médecins ne parlent pas autrement, à ceci près qu'ils citent en outre le << sexe psychologique >> (Il). Mais la différence est capitale pour le transsexualisme, trouble des personnes qui appartiennent à un sexe par le corps et qui se sentent de l'autre par l'âme. Aussi les auteurs qui embrassent le parti de ces malheureux font-ils prévaloir le psychisme. Décisif dans l'intersexualité, il doit, à leur avis, l'emporter pareillement dans le transsexualisme, d'au­tant que celui-ci ne serait, à tout prendre, qu'une variété de celle-là (12). D'ailleurs, ajoute l'un d'eux, le tribunal de Bruxelles a refusé de condamner les médecins qui avaient opéré un<< trans­sexuel>> (13). Or la jurisprudence peut-elle approuver l'interven­tion sans en admettre les conséquences en matière d'état (14) ~

Une hirondelle ne fait pas le printemps, et un jugement ne fait pas la jurisprudence, fût-il propre à <<faire jurisprudence>>. De plus, l'acquittement prononcé par le tribunal de Bruxelles n'est pas, à vrai dire, une approbation (15). Enfin, autre chose est de juger que l'acte d'un médecin ne constitue pas un délit de coups ou blessures, et autre chose d'associer en quelque sorte le droit au traitement du patient. Il n'est pas surprenant, d'autre part, que les magistrats hésitent à donner la prépon­dérance à l'élément psychologique - forcément le plus incertain de ceux que retient la science moderne - lorsque les autres sont dépourvus d'ambiguïté. Pareil divorce entre le corps et l'esprit ne laisse-t-il pas au moins planer un doute~ Or celui-ci

(11) Voy. notamment FERIN, «La détermination du sexe et l'aptitude au mariage à la lumière des acquisitions récentes en biologie de la reproduction humaine &, Ann. de d1·oit, 1965, p. 137 à 143.

(12) PAUWELS, op. cit., n°8 6 à 11;- comp. PETIT, op. cit., p. 267 à 269, 286 et 287. (13) Corr. Bruxelles, 27 septembre 1969, Joum. t1·ib., 1969, 635. (14) PAUWELS, op. cit., no 10. (15) Il repose sur ce motif, qui résume la décision : <c Le ministère public ne rapporte

pas la preuve qu'en réalisant l'intervention sur la personne de W. ou en coopérant à son exécution les prévenus, s'écartant délibérément et illicitement des règles fondamen­tales relatives à l'exercice de leur art, auraient volontairement préconisé et institué un traitement mutilant, destiné à a.valiser le mal dont leur patient souffrait plutôt qu'à le soigner ou à. le guérir)),

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ne peut être que fatal, car la charge de la preuve incombe au requérant.

Quant à la force probante, on affirme dans l'Examen de 1965 qu'il est impossible de faire corriger l'indication du sexe dans l'acte de naissance sans s'inscrire en faux (16). A la réflexion, cela nous paraît excessif non en raison de la délégation que l'of­ficier de l'état civil donne à une sage-femme ou à un médecin (17}, mais parce que- comme l'observe le tribunal de Liège -ledit officier <1 n'est pas à même de constater et de vérifier lui-même le sexe d'un enfant, fût-il aidé par un médecin ou une accou­cheuse>>.

IV. - Actes de l'état civil.

9. FORCE PROBANTE. - INDICATION DU SEXE DANS L'ACTE

DE NAISSANCE. - JOUR ET HEURE DU DÉCÈS ET MENTION QUE

LE DÉFUNT EST VEUF OU QU'IL EST << MORT POUR LA BELGIQUE >).

-L'officier de l'état civil ne peut insérer dans les actes que les mentions requises par la loi, et l'article 79 du Code civil ne prescrit pas d'indiquer le moment de la mort. L'usage est pourtant de le préciser dans l'acte de décès. Mais, quelle que soit son utilité, cette énonciation<< n'a aucune valeur probante et ne vaut qu'à titre de simple renseignement>> (1). Aussi bien on distingue trois sortes de mentions : << 1° celles qui font foi jusqu'à inscription de faux, à savoir celles qui ont trait à des faits dont l'officier de l'état civil a pu (ou aurait dû) constater lui-même la réalité, ex propriis sensibus, de visu aut auditu, ou qu'il a personnellement accomplis en vertu de la mission que la loi lui a confiée; 2° celles qui font foi, en principe, jusqu'à preuve contraire, à savoir les énonciations se rapportant à des faits qui ont été déclarés à l'officier de l'état civil par les corn­parants et qu'il s'est borné à inscrire d'après leurs déclarations; ... 30 les énonciations irrégulières, non prescrites- à tort ou à raison- par la loi et qui n'ont aucune force probante spéciale

(16) Cette Revue, 1965, p. 428, n° 3. (17) C'est le motif allégué par Mme PETIT (op. cit., p. 283). Mais l'auteur perd de vue

que la loi belge ignore cette pratique et que l'officier de l'état civil assume la respon­sabilité des constatations faites par son délégué.

9. - (1) Civ. Liège, 14 février 1975, Jur. Liège, 1974-1975, 218.

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et en tout cas· n'ont pas pour effet légal de modifier la charge de la preuve>> (2).

N'est-il pas dès lors établi que le mari a survécu à sa femme si leurs actes de décès, dressés le même jour, les qualifient respectivement de <<veuf>> et d' << épouse >> ~ Cette déduction, répond le tribunal de Liège, <<aboutirait à légaliser en quelque sorte les mentions relatives au jour et à l'heure du décès, mentions non prescrites par la loi; ... la mention cveuf de ... ', tout comme celle de cépoux de ... ', dont fait état l'article 79 du Code civil, ne peut s'interpréter que comme portant sur l'identification de la personne décédée ... ; ainsi entendue, la mention en cause ne peut, en l'espèce, avoir tout au plus que le poids d'une simple présomption humaine>> (3).

Quant à l'apostille<< mort pour la Belgique>> inscrite à la suite d'une notification du ministre de la défense nationale, le conseil d'Etat lui dénie la<< force probante qui est propre aux actes de l'état civil>> : la commission compétente a donc pu refuser la qualité d'ayant droit de prisonnier politique sans méconnaître <da force probante d'un acte authentique>> (4).

Enfin, l'indication du sexe dans l'acte de naissance ne fait pas foi jusqu'à inscription de faux (5).

10. RECTIFICATION DES ACTES DE NAISSANCE ET DES ACTES

DE DÉCÈS. - Si l'acte de naissance doit être rectifié lorsqu'il est inexact sur le prénom (1), le titre de noblesse (2) ou le sexe (3) de l'enfant, les articles 1383 à 1385 du Code judiciaire ne per­mettent pas de le traduire quand il a été dressé à Bruxelles et que, sans se plaindre d'aucune erreur, omission ou inexactitude, les parents allèguent que la maladie a empêché le père de se conformer à l'article 56 du Code civil et <<qu'en raison d'un malentendu ou d'une confusion commise par les services admi-

(2) Civ. Liège, 30 avril1971, Jou1·n. t1·ib., 1971, 737, Rev. not. belge, 1971, 592, Mouv. comm., 1972, 42; - comp. Cons. Etat, 20 février 1974, Ar1·. et av., 1974, n° 16254, p. 153, qui se borne à dire : <<La force probante exceptionnelle des actes de l'état civil n'est attachée qu'aux mentions relatives aux faits que l'officier de l'état civil a constatés personnellement dans les limites de sa compétence)),

(3) Civ. Liège, 30 avril 1971 précité (note 2). (4) 20 février 1974, précité (note 2). (5) Supra, n° 8, texte et note 17.

10. - (1) Supra, no 4. (2) Supra, no 3. (3) Supra, no 8.

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nistratifs de la maternité, la déclaration de naissance fut faite en néerlandais bien que la mère eût exprimé le désir que cette formalité fût faite en français, langue usuelle des époux>> (4).

N'est pas davantage recevable la requête en rectification d'un acte de décès dans lequel la date de la mort n'a pu être indiquée, fût-ce approximativement, parce que le cadavre a été trouvé longtemps après : <<Les énonciations non prévues par la loi>>, dit le tribunal de Liège, <<n'ont aucune force probante et, en conséquence, elles ne peuvent faire l'objet d'une quelconque rectification d'acte d'état civil>> (5). Mais le motif est discutable. En réalité, les mentions non requises par la loi sont susceptibles de rectification en ce sens qu'elles doivent être supprimées {6), et si l'usage permet que l'on n'en use pas ainsi quant au jour et à l'heure du décès (7), du moins faut-il reconnaître qu'il n'ap­partient pas aux tribunaux de les faire indiquer dans l'acte sous couleur de rectification.

11. DISTINCTION ENTRE LA RECTIFICATION DE L'ACTE DE

NAISSANCE ET LA RÉCLAMATION D'ÉTAT - Quand on prétend qu'un enfant est issu d'une femme mariée à un moment quel­conque de la gestation, la filiation maternelle ne peut être légale­ment établie que par l'acte de naissance, par la possession d'état ou par un jugement rendu sur le pied des articles 323 et 324, et l'existence de l'un de ces titres suffit à faire attribuer la pater­nité au mari en vertu du principe pater is est quem nuptiae demonstrant (1). Par suite, la réclamation d'état est de rigueur lorsque l'acte de naissance, dressé en France, n'indique pas le nom de la mère et que la possession d'état fait défaut (2). Il est notamment impossible de s'en dispenser à la faveur d'une action en rectification, le mari eût-il <<reconnu>> l'enfant au lieu de la

(4) Bruxelles, 24 octobre 1969, Pas., 1970, II, 15. (5) 14 février 1975, qui déclare, à vrai dire, la demande recevable mais non fondée,

Jur. Liège, 1974-1975, 218, et supra, n° 9, texte et note 1. (6) DE PAGE, t. rer, 36 éd., no 461, 2o. (7) Supra, no 9.

11. ~ (1) Cette Revue, 1971, p. 262 à 271, nos 67 à 69; -sur l'établissement de la filiation en général, voy. l'excellente synthèse de Mme MEULDERS-KLEIN, «Le secret de la maternité ll, Journ. trib., 1976, p. 417 à 423 et 433 à 443.

(2) Cette Revue, 1971, p. 270, no 69; MEULDERS-KLEIN, op. cit., nos 40, 41 et 56. Réclamation d'état ou<< revendication d'enfant & si l'on permet aux parents d'exercer l'action de l'art. 323. Sur cette question, voy. cette Revue, 1971, p. 265 à 267, n° 68, et MEULDERS-KLEIN, op. cit., n°8 57 à 61.

Revue Critique 1977, 3 - 33

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naissance (3). C'est ce que dit en substance le tribunal de Liège pour repousser une requête dans laquelle le procureur ·du Roi demandait qu'un acte transcrit dans le registre des actes sup­plétifs de cette ville soit complété par l'indication du << vrai >> nom et de la filiation : <<On ne peut>>, porte le jugement,<< essayer­aussi nobles soient les raisons de le faire- d'éluder les conditions d'intentement de l'action d'état par !e moyen de l'action en rectification d'état civil>> ( 4).

12. CoNSTITUTION JUDIOIAffiE D'UN AOTE DE NAISSANCE ET RECTIFICATION OONSÉOUTIVE DE L' AOTE REPRODUISANT LE PIS­POSITIF DU JUGEMENT QUI HOMOLOGUE LA LÉGITIMATION PAR ADOPTION. - Un couple belge légitime par adoption une petite Coréenne,. enfant trouvée et qui passait pour âgée de 2 ans et 10 mois lors de son arrivée en Belgique. Mais cette estimation était le fait d'une << personne non qualifiée >>, et un << test osseux >> donnait à croire que celle-ci avait exagéré d'un an et demi environ.

Constatant que l'enfant n'a pas d'acte de naissance,. ni en Corée ni ailleurs, le tribunal de Liège ordonne qu'il lui en soit dressé un,<< attendu qu'une interprétation extensive de l'article 46 du Code civil permet la constitution d'un acte de naissance, l'existence des actes de l'état civil tenant par ailleurs aux lois de police et de sûreté et l'enfant dont il s'agit étant, par le statut qu'il a acquis, destiné à vivre en Belgique>>. Quant à l'âge, le jugement retient la conclusion du médecin, encore qu~ l'examen des os n'ait pas <<une valeur probante absolument certaine>>, et il prescrit par conséquent la rectification de l'acte reproduisant le dispositif de la décision qui avait homologué la légitimation par adoption (1).

(3) Le fait était, semble-t-il, douteux en l'espèce. Mais, quoi qu'il en soit, la recon­naissance n'est propre à établir ni la paternité ni la maternité si la mère a été mariée à un moment quelconque de la gestation (MEULDERS-KLEIN, op. cit., nos 21 et 56;­adde, quant à la reconnaissance de maternité; cette Revue, 1971, p. 262 à 265, n°1 67 et 68),

(4) Civ. Liège, 28 mai 1971, Rev. not. belge, 1971, 482, note P. M.

12. - (1) Civ. Liège, 27 juin 1975, Jur. Liège, 1975-1976, 7 •.

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V .. -. Capacité.

A. -Mineur non émancipé.

1° Organisation, pouvoirs et fonctionnement du conseil de famille.

13. EDUCATION DU PUPILLE. - DROIT DE VISITE DES PROCHES.

- INTÉRÊT DE L'ENFANT. ----'-- Une orpheline de 9 ans a pour tuteur un oncle maternel et pour subrogée tutrice la tante paternelle qui l'élève depuis sa naissance et chez laquelle le conseil de famille permet qu'elle demeure jusqu'à la fin de l'école primaire. Cet arrangement ayant suscité des différends, une nouvelle délibération confie intégralement la garde au tuteur, et à quelques mois de là, la subrogée tutrice et son mari, privés de toute relation avec l'enfant, demandent que le conseil de famille se réunisse et leur reconnaisse le droit de visite. Mais le juge de paix refuse de convoquer l'assemblée : bien qu'il appartienne à celle-ci de diriger et de surveiller l'éducation et même de soustraire temporairement le pupille - si son intérêt l'exige - à la garde du tuteur, ce dernier a seul le <<pouvoir de decider quelles sont les personnes avec gui l'enfant peut se voir (sic), et si le conseil de famille devait être convoqué, ce serait pour délibérer non sur l'éventuel droit de visite auquel les requérants prétendent, mais uniquement sur ce qu'exige l'intérêt ~ctuel de l'enfant>> (1).

Au lieu d'interjeter appel de cette ordonnance (2), les requé­rants assignent le tuteur devant le tribunal de Namur, lequel commet un psychologue pour examiner l'enfant et ceux qui se le disputent. Le tuteur plaide en appel que, par leur demande, les intimés méconnaissent à .la fois ses prérogatives, celles du conseil de famille, la dernière décision prise par celui-ci et

13. - (1) Eghezée, 17 juin 1969, J.J.P., 1970, 143. (2) Les parents et alliés ont le droit de faire convoquer le conseil pour les questions

de garde et d'éducation (DE PAGE, Traité élémentaire, t. rer, 3e éd., n° ll7), et l'ordon­nance qui refuse la convocation à ceux qui ont le droit de la demander est susceptible d'appel (voy., à propos de la destitution du tuteur : civ., 18 juillet 1933, Gaz. pal., 1933, II, 660; LAGARDE, Chron., Rev. trim. civ., 1933, p. ll66, n° 2; PLANIOL, RIPERT, R. et J. SAVATIER, Traité pratique, t. rer, 2e éd., n° 454, p. 525, note 1). Les termes des articles 616, 1031 et 1050 du Code judiciaire et l'atténuation que les différences entre juridiction gracieuse et juridiction contentieuse subissent dans ce Code ne peuvent que confirmer la seconde solution.

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516 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

l'autorité de la chose jugée dans l'ordonnance du juge de paix : il y a donc incompétence et irrecevabilité. Mais la cour répond que <<les tribunaux sont compétents pour trancher les conflits de droits civils ou relatifs à l'exercice de ces droits>>, que l'or­donnance du juge de paix n'a pas en l'espèce l'autorité de la chose jugée au sens de l'article 23 du Code judiciaire et que, la tutelle étant tout entière vouée à l'intérêt du mineu~, les prérogatives du tuteur et du conseil ne sont pas absolues au point que les tribunaux ne puissent les tempérer; <<le droit du pupille à la protection de sa personne a pour corollaire n~cessaire celui des membres de sa famille et singulièrement du subrogé tuteur, de veiller à cette protection et, s'ils l'estiment compro­mise, de recourir à justice>>. L'arrêt concède toutefois que les juges <<ne peuvent statuer sur le droit de visite, ni en fixer les éventuelles modalités d'exercice qu'après avoir consulté la famille>>; partant la cause ne sera en état qu'après une nouvelle délibération du conseil de famille, lequel sera convoqué<< sur la réquisition de la partie la plus diligente et à l'intervention du juge de paix>> (3).

Le pourvoi du tuteur reproche à l'arrêt : 1° de confondre la compétence des tribunaux en général et celle de chacun d'eux en particulier et de méconnaître qu'en la matière, le tribunal de première instance n'est compétent <<que sur recours dirigé contre une décision du conseil de famille>>; ~0 de porter atteinte au pouvoir du tuteur puisque<< ni les collatéraux ni le subrogé tuteur n'ont de droit aux relations personnelles avec le mineur sous tutelle>>. Mais le pourvoi est rejeté. D'une part,<< la tutelle est instituée dans le seul intérêt du mineur, et s'il s'élève quelque contestation touchant l'exercice d'un droit de visite, la con­naissance de cette contestation relève du pouvoir de juridiction attribué aux tribunaux par l'article 92 de la Constitution>>. D'autre part, <<l'article 450 du Code civil ... ne permet pas au tuteur, sans aucune restriction ni réserve, de régler à son gré les relations du mineur avec les membres de sa famille; un droit de visite peut être reconnu à un tiers contre l'avis du tuteur lorsque l'intérêt du mineur le justifie>> (4).

(3) Liège, 31 mars 1971, Jur. Liège, 1970-1971, 281, Rev. not. belge, 1971, 294; - oomp.: civ. Bruxelles, 15 novembre 1968, cette Revue, 1971, p. 327 et 328, n° 97; Bruxelles, 14 janvier 1957, cette Revue, 1962, p. 157 et 158, n° 92.

(4) Ce.ss., 11 janvier 1973, Pas., 1973, 1, 467.

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14. ABSENCE DE POUVOIR D'INITIATIVE DANS LA GESTION TUTÉLAIRE.- Il est bien connu que le conseil accorde ou refuse les autorisations prescrites par la loi lorsqu'il en est requis, mais qu'il ne peut en principe s'immiscer dans la gestion des biens : il ne lui appartient ni d'enjoindre ni de défendre quoi que ce soit au tuteur (1 ). Doit donc être annulée la délibération qui interdit à celui-ci de poursuivre une action mobilière intentée par l'auteur du pupille (2).

15. HOMOLOGATION DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL DE FAMILLE. - POUVOIR DU TRIBUNAL. - Il n'appartient pas au tribunal de réformer la décision du conseil : il accorde ou il refuse l'homologation. Mais on admet de longue date que celle-ci soit partielle (1) ou même conditionnelle (2), pourvu que le juge <<ne substitue pas une autre mesure à celle qui a fait l'objet de la délibération>> (3). Ainsi l'homologation peut-elle être subor­donnée à la suppression d'une clause illégale ou préjudiciable au mineur bien que le conseil de famille ait autorisé l'acte sans réserve ( 4).

20 Fonction, pouvoirs et responsabilité du tuteur.

16. EDUCATION DU PUPILLE. - DROIT DE VISITE DES PROCHES. -INTÉRÊT DE L'ENFANT.- La question est examinée à propos des pouvoirs du conseil de famille, ci-dessus, n° 13.

17. ACTES INTERDITS AU TUTEUR. -RECOURS EN MATIÈRE D'ENGAGEMENT MILITAIRE ET CONSENTEMENT À UNE ALIÉNATION RÉGIE PAR L'ARTICLE 918 DU CoDE CIVIL. -Un père donne à

14. - (1) Voy. notamment et comp. : PLANIOL, RIPERT, R. et J. SAVATIER, Traité pratique, t. Ier, 2e éd., no 544; DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 3e éd., n° 108.

(2) Marche-en-Famenne, 4 février 1971, Jur. Liège, 1970-1971, 221.

15. - (1) Civ., 30 janvier 1924, D.P., 1924, I, 49, note SAVATIER. (2) Voy. notamment : SAVATIER, note précitée; GAUDEMET, Chronique, Rev. trim;

civ., 1924, p. 338 à 340, n° 6; PLANIOL, RIPERT, R. et J. SAVATIER, Traité pratique, t. Jer, 20 éd., no 519; DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 3e éd., n° 128.

(3) Civ., 30 janvier 1924 précit~; - adde Paris, 23 décembre 1939, D.O., 1941, 45, note RIPERT.

(4) Courtrai, 29 septembre 1970, Ann. not.· et enr., 1970, 425, note DEOHAMPS, Rec. gén. enr. et not., 1975, n° 21917, p. 177, note anonyme, R.W., 1974-1975, 1390, note KOKELENBERG : ouverture de crédit dans laquelle les crédités renonçaient à l'application de l'article 1563 du Code judiciaire, clause que le tribunal déclare contraire à l'ordre publio.

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son fils des actions en nue propriété, et les autres<< successibles en ligne directe>>, dont deux mineurs représentés par leur tutrice, interviennent à l'acte pour renoncer << conformément à l'ar­ticle 918 du Code civil à demander soit l'imputation, soit la portion disponible, soit le rapport des biens donnés, lors du règlement ultérieur de la succession du donateur>>. Mais, juge la cour· de Bruxelles, <<pareil consentement, donné au nom et pour les mineurs prénommés, était sans valeur; la tutrice était dépourvue de pouvoir à ce sujet>> {1).

La solution s'impose si l'assentiment permis par la finale de l'article 918 rend la donation irréductible et exclut le bien donné de la masse définie par l'article 922 {2). Car les renonciations à titre gratuit sont absolument interdites au· tuteur : ce sont des actes auxquels aucune autorisation ne peut le rendre habile. On justifie ordinairement la règle. en observant qu'il<< n'a jamais pour mission que de conserver, de faire fructifier et d'augmenter le patrimoine de son pupille >> et que<< tout acte qui, par lui-même, ne tend pas à ce but, et ne pourrait y tendre en raison de sa structure propre, est un acte interdit, même si les textes ne le condamnent pas expressément>> (3). Il convient d'ajouter que les actes à titre gratuit sont trop personnels pour que la volonté de l'incapable y soit suppléée par celle du représentant légal.

C'est de même le caractère personnel des obligations de milice et de l'engagement militaire qui interdit ·par exemple au tuteur et aux parents de poursuivre au nom du mineùr l'annulation d'une décision prise par le président de la commission médicale d'appel pour l'aptitude au service aérien (4).

17. - (1) Bruxelles, 13 avril 1972, Rec. gén. enr. ·et not;, 1974, n" 21787, p. 154, Pas., 1972, II, 130, Journ. trib., 1972, 731.

(2) C'est l'interprétation de l'arrêt rapporté;- comp.: Gand, 25 juin 1971, R.W., 1973-1974, note DE WuLF; RAXHON, <<L'article 918 du Code civil et la loi interprétative du 4 janvier 1960 >>, Ann. droit Liège, 1960, p. 347 à 373, spécialement p. 351, 353, 354 et 369; V ANQUIOKENBORNE et DEKKERS, Examen de jurisprudence, cette Revue, 1975, p. 152 et 153, no 89. La solution serait-elle identique si le tuteur avait consenti à une vente à fonds perdus ou avec réserve· d'usufruit ? Le consentement des cohéritiers présomptifs peut n'être alors que la reconniûssance d'un fait, la sincérité de l'acte (PLANIOL, RIPERT, TRASBOT et LOUSSOUARN, Traité pratique, t. V, 2e éd., n° 71; DE PAGE, Traité élémentaire, t. VIII, no 1462; B). Pareille reconnaissance est-elle interdite au tuteur?

(3) DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, n° 213; - adde PLANIOL, RIPERT, R. et J. SAVATIER, Traité pratique, t. rer, 2e éd., n° 588.

(4) Cons. Etat, 10 février 1972, Naveau, Ar1·. et av., 1972; n° 15167, p. 113; -adde : Cons. Etat, 28 janvier 1953, 20 mai 1953 et 13 août 1953, Carrette, Arr. et av., 1953, n°8 2144, 2476 et 2724; FALYS, La 1·ecevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruxelles, 1975, no 292; -voy. en outre ci-dessous, n° 35.

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18. TRANSACTION. - ACCORD SUR LA RÉPARATION D'UN DOMMAGE. - OBJET DE L'HOMOLOGATION. -Un arrêt de la cour de Gand rappelle aux assureurs que la stipulation <<pour solde de: tout compte >> n'est pas de tout repos quand l'indemnité est due à un mineur. Aussi bien elle peut, suivant les circons­tances, sceller une transaction et, par suite, être sans valeur si l'on ne s'est pas conformé à l'article 467 {1). C'est d'ailleurs la transaction même et non la délibération du conseil de famille qui doit être homologuée par le tribu~al (2).

19. pARTAGE JUDICIAIRE. - RÔLE DU JUGE DE PAIX. -L'article 838 du Code civil porte que si l'un des copartageants est mineur, le partage doit être fait dans les formes prévues par Varticle 1206 du Code judiciaire. Mais, juge la cour de Liège, cela n'a trait qu'au partage amiable, et l'on ne peut en tirer prétexte pour exiger l'approbation du juge de paix dans le partage . judiciaire; la présence de ce magistrat n'y est requise que pour le tirage au sort ( 1).

20. PARTAGE AMIABLE ET LICITATION.- ATTRIBUTION D'UNE SOULTE AU MINEUR. - L'incapable peut-il n'avoir qu'une <<simple soulte>> alors que ses copartageants sont allotis en meubles ou en immeubles 1 Licitation sous couleur de partage, disent les uns, pareil acte doit être rejeté par le juge de paix lo~squ'illui est soumis en vertu de l'article 1206 du Code judi­ciaire : << La vente devant se faire selon les modalités prescrites par les articles 1186 à 1193 du Code judiciairepour les immeubles et par les articles 1194 à 1204 pour les meubles, la licitation judiciaire est obligatoire sous peine de contrevenir au système légal de protection spéciale instauré par ce · Code, et en con­séquence d'ordre public>> (1). Mais, citant le Rapport sur la

18. - (1) Gand, 15 mai 1969, R.G.A.R., 1969, 8334, R. W., 1969-1970, 270; -sur les conditions requises pour qu'il y ait transaction, voy. notamment DE GAVRE,

Le contrat de transaction en droit civil et en droit judiciaire privé, t. Ier, nos 109 et 110, 2o. (2) Civ. Bruxelles, 9 septembre 1969, Pas., 1970, III, 98; - adde cette Revue,

1971, p. 330 et 331, n° 98, d.

19. :...._ (1) Liège, 14 juin 1973, Jur. Liège, 1973-1974, 129; - comp. LURQUIN, • Des ventes publiques d'immeubles et des partages en présence du juge de paix &,

Jur. Niv., 1971, p. 131 à 195, spécialement n° 108.

20. - (1) Andenne, 15 janvier 1970, J.J.P., 1971, 9; LURQUIN, op. cit. (n° 19, note 1), n° 62, et «La représentation des aliénés dans les ventes d'immeubles et les partages», J.J.P., 1971, p. 161 à 169, spécialement p. 167.

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réforme judiciaire (2), les autres répondent que c'est ressusciter la querelle que le législateur a voulu clore en confirmant for­mellement que l'incapacité n'interdit pas le partage amiable et que << les lots des mineurs peuvent être composés en partie et même pour le tout, de simples soultes>> (3). Quel serait le sens de cette disposition- laquelle ne comporte aucune distinction selon que l'indivision comprend des immeubles ou non - si les biens ne pouvaient être attribués aux consorts de l'incapable contre une soulte que suivant les règles des articles 1187 à 1204 du Code judiciaire ~

21. PARTAGE AMIABLE ET LICITATION. -CELLE-CI N'EST PAS SOUMISE AUX FORMES DE CELUI-LÀ. - Ün n'abusera pas non plus de l'article 1206 du Code judiciaire. Un tribunal ayant refusé d'autoriser une licitation sous prétexte que <<la vente d'un immeuble dépendant d'une succession est nécessairement une opération de partage pour laquelle, au vu de l'article 838 du Code civil, la procédure doit être faite dans les formes pres­crites par les articles 1206 et suivants du Code judiciaire>>, la cour de Liège réforme l'ordonnance (1). Il appartient certes au juge saisi en vertu de l'article 1187 du Code judiciaire de vérifier si la licitation ne risque pas de léser l'incapable en le privant du partage en nature (2). Mais il se gardera pour le surplus de con­fondre vente et partage. Ces actes sont différents au regard de l'article 838 et d'autres dispositions du Code civil comme dans le Code judiciaire, où ils sont respectivement l'objet de deux chapitres distincts. <<Vente publique d'un bien indivis aux enchères>>, la licitation n'est pas le partage, l'adjudicataire fût-il

(2) VAN REEPINGHEN, Rapport sur la 1'éjo1·me fudiciaire, Moniteur belge, t. Ier, p. 423, texte et note 401, dont les références précisent quelle controverse le législateur avait en vue.

(3) Brasschaat, 24 mars 1972, Rec. gén. enr. et not., 1973, n° 21662 (trad.), Tifds. not., 1972, 182, R. W., 1972-1973, 1687; j. de p. Verviers, 21 mars 1974, Jur. Liège, 1973-1974, 239, qui reproduit en grande partie les motifs de la décision précédente; DE VROE, << Minnelijke verdeling met minderjarigen •>, Tifds. not., 1972, p. 177 à 182.

21. - (1) Liège, 18 mai 1971, Jow·n. t1·ib., 1971, 424, avis CHARLIER, Rev. not, belge, 1971, 441, avis CHARLIER, Rec. gén. en1·. et not., 1972, n° 21537;- adde: Namur: 5 mai 1971, Rev. not. belge, 1971, 436, note LAINÉ; DoNNAY,<< Ventes judiciaires volon­taires d'immeubles •>, Rec. gén, enr. et not., 1972, n° 21536, p. 5 à 29, spécialement n° l.

(2) Namur, 5 mai 1971 précité; Liège, 18 mai 1971 précité et 29 février 1972, Rec. gén. enr. et not., 1972, n° 21642, Rev. not. belge, 1972, 468; Arlon, 8 octobre 1971, Jur. Liège, 1972-1973, 76, qui repousse les objections du subrogé tuteur en constatant que l'immeuble n'est pas commodément partageable, que. la mineure y a une faible part et que le bien n'est plus habité depuis un certain temps.

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un colicitant, car dans ce cas même, la fiction consacrée par l'article 883 du Code civil<< n'empêche pas que>> la vente <<ait été (faite pour compte de la masse et que la créance du prix entre . . . dans l'actif à partager pour être soumise' - alors seulement- (aux règles ordinaires du partage'>>. Par suite, rien n'interdit de demander la licitation d'un bien non partageable en dehors de tout partage et sans se conformer aux articles 1206 et suivants du Code judiciaire (3).

22. LICITATION DEMANDÉE À LA FOIS PAR LES MINEURS ET

LEURS CONSORTS MAJEURS. - ÛPPOSITION D'INTÉRÊTS ENTRE

PUPILLE ET TUTEUR OU SUBROGÉ TUTEUR DANS LES PARTAGES

ET LICITATIONS. - Les articles 457, 464 et 465 du Code civil ne concernent évidemment pas les demandes fondées sur l'ar­ticle 1187 du Code judiciaire. En est-il ainsi même quand la requête est soumise au tribunal tant par l'incapable que par ses consorts 1 Il a été jugé que pareille demande est irrecevable si le tuteur ne s'est pas fait habiliter à disposer de l'immeuble. Mais l'ordonnance a été réformée par le motif qu'il faut s'en tenir à l'article 1187 du Code judiciaire quand les copropriétaires majeurs exigent la licitation, et l'arrêt conteste d'autre part qu'il y ait opposition d'intérêts entre les mineurs, nus pro­priétaires chacun pour 1/192, la tutrice, usufruitière à con­currence d'1/96, et le subrogé tuteur, titulaire d'1/48 en pro­priété (1).

Un autre arrêt porte que les intérêts d'une fille et de sa mère concordent quand celle-ci répond à une demande en partage tant pour elle que comme tutrice mais non lorsqu'elle se prévaut de la loi du 16 mai 1900 ou d'un testament pour exiger que les autres héritiers, y compris sa pupille, lui abandonnent la maison familiale, demande à laquelle le subrogé tuteur ne pourrait d'ailleurs acquiescer sans l'autorisation du conseil de famille (2). Au reste, on sait que, suivant l'article 1206 du Code judiciaire, l'opposition d'intérêts ne nécessite pas le remplacement du sub-

(3) Liège, 18 mai 1971 précité, qui reproduit une phrase de cass., 19 février 1953, Pas., 1953, I, 473; - adde Namur, 5 mai 1971, précité.

22. - (1) Liège, 29 février 1972 précité (n° 21, note 2). (2) Bruxelles, 11 septembre 1973, TiJ"ds. not., 1974, 49. Mais peut-on qualifier d'ac­

quiescement le simple fait de reconnaître dans les conclusions que la veuve est fondée à réclamer l'attribution préférentielle?

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rogé tuteur. Il faut donc nommer un tuteur ad hoc mais non un subrogé tuteur ad hoc quand le tuteur et le subrogé tuteur ont l'un et l'autre des intérêts opposés à ceux de l'incapable (3). La cour de Bruxelles étend même cette solution à la licitation demandée en vertu de l'article 1187 du Code judiciaire (4). ·

23. V ENTE D'IMMEUBLE ET LICITATION. - ENCHÈRES PU­

BLIQUES OU VENTE DE GRÉ À GRÉ?- C'est larévolte des juge13! Substituant leur appréciation à celle du législateur, ils autorisent la vente de gré à gré quand ils l'estiment profitable au mineur voire quand les formes réglées par les articles 1186 à 1204 du Code judiciaire leur paraissent simplement inutiles (1). D'ailleurs, ils ne s'embarrassent pas de raisonnements<< en ~oit>>; l'<< intérêt de l'incapable >> leur suffit, et aucun des rebelles ne s'avise de discuter. sérieusement le caractère impératif des règles qu'il enfreint (2).

Dans quatre cas, le tribunal souligne que les requérants n'ont négocié de gré à gré qu'après avoir fait en vain les frais d'enchères publiques (3)~ Voilà qui ne surprendra personne. Il est bien connu que la vente à l'encan ne convient pas à tout bien, ni en tout temps, ni en tout lieu, qu'elle est, par exemple, inconciliable avec le lotissement de terrains à bâtir (4), <<aléatoire>> dans la cession des commerces (5) et peu propice aux majorations que

(3) Brasschaat, 24 mars 1972 précité (no 20, note 3). (4) Bruxelles, 8 février 1971, R. W., 1970-1971, 1380, réformant civ. Anvers, 12 juin

1970, R. W., 1970-1971, 1388.

23. - (1) Voy. et comp. : Bruxelles, 23 novembre 1970, Rec. gén. enr. et not., 1971, nO 21442 (traduction), R. w., 1970-1971, 763 (comp. ci-dessous, note 19), réfor­mant civ. Anvers, 18 juin 1970, R. W., 1970-1971, 764; J. P. Tournai, 5 mai 1971, J.J.P., 1972, 141 (voy. ci-dessous, note 18); Charleroi, 4novembre 1971, Rev. not. belge, 1972, 51; J. P. Anvers, 2 mars 1972, J.J.P., 1975, 74; civ. Anvers, 15 juin 1972, Rev. not. belge, 1973, 316 (traduction), R. W., 1973-1974, 916; J. P. Mons, 21 novembre 1972, J.J.P., 1973, 219; J. P. Namur-nord, 3 avril1974, Jur. Liège, 1974-1975, 39; Nivelles, 10 juillet 1974, Rec. gén. enr. et not., 1975, n° 21984, Rev. not. belge, 1974, 509; Bruxelles, 23 août 1974 (fonds de commerce vendu de gré à gré au mépris des articles ll94 et suiv. du Code judiciaire), Rev. not. belge, 1974, 507; Malines, 4 avril et 26 novembre 1974, T#d8. not., 1975, 244 et 246; civ. Bruxelles, 23 décembre 1974, Rev. not. belge, 1975, 153.

(2) Certains même protestent de leur soumission cependant qu'ils désobéissent ou incitent d'autres à le faire; à preuve ce procès-verbal qui constate tout ensemble l'audace d'un conseil de famille et la pusillanimité de son président : considérant, références à l'appui, que la jurisprudence y est favorable, le premier autorise à vendre un immeuble de gré à gré, mais le second s'abstient dans le vote <c chaque fois qu'une décision prise n'est pas conforme à la loi l), J. P. Namur-nord, 3 avril1974, précité (note 1).

(3) Civ. Anvers, 15 juin 1972, Nivelles, 10 juillet 1974, Malines, 4 avril 1974, et civ. Bruxelles, 23 décembre 1974, précités (note 1).

(4) J. P. Mons, 21 novembre 1972, précité (note 1). (5) Bruxelles, 23 août 1974, précité (note 1).

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d'habiles tractations peuvent arracher à certains amateurs, tels les voisins (6). Parfois, il est vrai, ceux-ci s'engageront ferme dès avant la séance. Mais, comme on l'a observé familièrement, <<cela ne marche pas toujours>> (7).

Bref, le procès de la jurisprudence doit, semble-t-il, faire condamner la loi, et sans circonstances atténuantes, car le législateur connaissait les inconvénients que l'on vient de rappeler (8). Néanmoins~ les tribunaux ont tort dans leur rébel­lion, dût-on admettre que la justice se montre pragmatique, que nécessité fait loi et que le droit prétorien est parfois un remède indispensable contre l'incurie du parlement. Car il faut, dans cette perspective même, s'interroger d'abord sur la validité des ventes d'immeubles que les tuteurs concluent de gré à gré avec la bénédiction des juges. Or aucun doute n'est permis : ces actes sont annulables malgré l'autorisation du conseil et l'homo­logation du tribunal (9); œuvre de juridiction gracieuse par son caractère administratif (10), cette dernière, n'ayant pas l'autorité de la chose jugée (11), serait impuissante à couvrir le vice tenant à la méconnaissance des articles 1186 à 1204 du Code judiciaire quand bien même elle suivrait la vente au lieu de la précéder. ·C'est ce que l'on a constamment décidé pour l'adoption avant la loi du 21 mars 1969 (12), et la cour de cassation de France a pareillement reconnu Il:) nullité de transactions homologuées mais sans que l'on eût régulièrement pris l'avis de trois juris-

(6) Bruxelles, 23 novembre 1970, Charleroi, 4 novembre 1971, et J. P. Namur-nord, 3 avril 1974, précités (note 1).

(7) DE NYs et PIRET, « Les ventes de biens appartenant à des incapables ou à des personnes y assimilées 1>, J.J.P., 1972, p. 41 à 50, spécialement p. 46. Ces auteurs brossent d'ailleurs un tableau complet des inconvénients du système légal.

(8) Rapport au sénàt sur le projet de Code judiciaire, Doc., 1964-1965, 170, p. 176. Il s'agit des arguments invoqués pour permettre la suppression de la surenchère. MM. DE NYs et PIRET, qui reproduisent le passage (op. cit., p. 46 et 47), remarquent judicieuse­ment que ces raisons auraient dû décider le sénat à permettre la vente de gré à gré au moins dans certains cas.

(9) VAN DEN BRANDE,« Verkoping van onroerende goederen waarin minderjarigen gerechtigd zijn 1>, Tijds. not., 1975, p. 241 à 244, spécialement p. 243. L'auteur propose, il est vrai, un système ingénieux pour éluder l'article 1187 : partage partiel dans lequel le mineur ne reçoit qu'une soulte (à ce sujet, voy. ci-dessus, n° 20) et ensuite vente de gré à gré par les copartageants majeurs. Mais c'est un bel exemple de fraude, et le principe fraus omnia corrumpit permettra au mineur de faire annuler la vente s'il prouve que l'on a partagé de la sorte dans le dessein d'éviter les enchères publiques.

(10) MoREL, Traité élémentaire de procédure civile, 28 éd., n° 79;- comp. DE PAGE, Traité élémentaire; t. II, 3e éd., n° 129, selon lequel le caractère gracieux dépend des circonstances et non de la nature de la décision.

(11) Voy. notamment MoREL, op. cit., nos 79 et 602. (12) Voy. notamment cette Revue, 1962, p. 145 à 147, n° 82, et 1966, p. 214, n° 43, d.

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consultes (13); elle a même admis qu'un notaire fût déclaré responsable par le motif que << le jugement d'homologation, loin de le dispenser de réclamer les garanties prescrites par la loi, dans l'intérêt des mineurs, lui en faisait, au contraire, une obligation>> (14).

Comme l'acte est <<nul en la forme>>, point n'est besoin de prouver la lésion (15). Mais, dira-t-on, la nullité est relative, et il ne serait pas avantageux pour le mineur de l'obtenir à charge de rendre un prix par hypothèse supérieur à la valeur vénale. Il faut toutefois compter avec l'érosion monétaire et se souvenir que l'action n'est prescrite que dix ans après la majorité (16). On vend aujourd'hui pour deux millions un immeuble qui en vaut un. Le mineur a 3 ans. Quelle sera la valeur du bien lorsqu'il aura 30 ans? Qui oserait parier qu'elle ne dépassera pas sensible­ment deux millions et qu'une forte plus-value n'étouffera pas les scrupules de l'ex-mineur (17)?

Voilà qui devrait faire réfléchir ceux qui se dispensent des articles 1186 à 1204 du Code judiciaire. Mieux vaudrait qu'ils s'emploient à convaincre le législateur que la vie n'est plus en 1977 ce qu'elle était en 1816.

Au reste, les conditions des articles 457 et 458 du Code civil sont nécessaires et suffisantes quand le tuteur cède amiablement au comité d'acquisition un immeuble exproprié pour cause d'utilité publique {18) ·ou lorsqu'il constitue une servitude (19), et aucune autorisation n'est requise pour passer acte en exécution d'une promesse de vente consentie par l'auteur de l'incapable(20).

(13) Civ., 13 mars 1922, S., 1923, I, 132; civ., 2 juin 1955, J.O.P., 1955, II, 8798; - adde : Fort-de-France, 13 avrill950 (motifs), J.O.P., 1951, II, 5989, et note RoDIÈRE,

n° I; DE GAVRE, Le contrat de transaction en droit civil et en droit judiciaire privé, t. Jer, Bruxelles, 1967, n° 111, p. 165.

(14) Civ., 13 mars 1922, précité (note 13);- adde les références citées sous cet arrêt, notes 7 à 9.

(15) Sur cette distinction, voy. notamment cette Revue, 1971, p. 333, n° 99. (16) Code civil, art. 1304, al. 3. (17) Exemplaire est à cet égard l'espèce de Fort-de-France, 13 avril 1950, précité

(note 13). (18) Cette Revue, 1966, p. 224 et 225, n° 50, b; Namur, 4 mars 1970, Jur. Liège,

1970-1971, 93; Liège, 17 février 1972, Rec. gén. enr. et not., -1972, n° 21590, Journ. trib., 1972, 341, Res et jura imm., 1972, 177. Peut-être est-il possible d'assimiler à ce cas l'espèce de J. P. Tournai, 5 mai 1971 précité (note 1), compte tenu des articles 15 et 17 de la loi du 10 mars 1925 sur les distributions d'énergie électrique.

(19) DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 3e éd., nO 197, 1°. Peut-être peut-on assimiler à ce cas l'espèce de Bruxelles1 23 novembre 1970, précité (note 1) : cession à un voisin d'une bande de terrain enclavée et de 22 m. sur 0,54 m.

(20) Civ. Anvers, 15 octobre 1970, R. W., 1970-1971, 516 : promesse bilatérale

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 525

24. VENTE D'IMMEUBLE. - EXPROPRIATION POUR CAUSE

D'UTILITÉ PUBLIQUE. - La question est examinée ci""dessus, no 23, texte et note 18.

25. VENTE D'IMMEUBLE. - ExÉCUTION D'UNE PROMESSE

CONSENTIE PAR L'AUTEUR DE L'INCAPABLE. -La question est examinée ci-dessus, n° 23, texte et note 20.

26. VENTE DE MEUBLES.- ÛBJETS D'ART ET DE COLLECTION.

-VENTE PUBLIQUE À L'ÉTRANGER. -L'article 1195 du Code judiciaire permet au président d'ordonner toute mesure propre à améliorer le résultat de la vente. On en trouve une intéressante application dans un arrêt qui prescrit de vendre des objets d'art et de collection aux enchères et en présence elu subrogé tuteur mais dans les villes étrangères où ils peuvent atteindre les plus hauts prix et en se conformant aux règles et usages locaux (1).

27. AcTIONS MOBILIÈRES.- Un jugement subordonne à l'au­torisation du conseil de famille la recevabilité de l'action mobi­lière intentée par un tuteur au nom du pupille. << Le premier juge>>, dit la cour, <<a ainsi fait ce qu'il ne pouvait pas faire légalement; il a réduit la capacité du mineur normalement représenté, au-delà de ce que le Code civil prévoit, c'est-à-dire en limitant la liberté du tuteur d'introduire une action mobilière ou de s'y défendre, a fortiori d'y intervenir volontairement (art. 457 et suiv. et notamment l'article 464 et l'argument a contrario qu'il y a lieu d'en tirer)>> (1). Mais cette affirmation est inconciliable avec la doctrine consacrée par l'arrêt de rejet du 6 mai 1943 (2), car celle-ci est toute générale, de sorte qu'il ne convient pas de traiter différemment les actions mobilières et les aliénations de meubles : en dépit du silence de la loi, le tuteur n'est, dans l'un et l'autre cas, dispensé d'habilitation que pour ce qui relève de l'administration.

consentie par les parents du pupille avant le décès de son père. Mais les motifs sont identiques quand la promesse est unilatérale : il s'agit de payer une obligation (Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2192, 2232 et 2232bis).

26. - (1) Bruxelles, 19 octobre 1970, Ann. not. et enr., 1970, 421.

27. - (1) Liège, 17 janvier 1972, Ju1·. Liège, 1971-1972, 209; - adde motifs de Marche-en-Famenne, 4 février 1971, précité (n° 14, note 2).

(2) Pas., 1943, 1, 157, avis JANsSENS DE BISTHOVEN, cette Revue, 1947, 181, note VAN HECKE.

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526 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

28. RECOUVREMENT DE CAPITAUX<< NON EXIGIBLES>>. -Une indemnité est adjugée à un pupille pour un dommage subi après l'ouverture de la tutelle. Le paiement est régi par l'article 61 de la loi hypothécaire même si le tuteur est l'un des père et mère. Certains juges s'autorisent néanmoins du 5e alinéa de l'article 389 du Code civil ( 1) pour << fixer les conditions d'utilisation des sommes dues>> (2). Ainsi en use la cour de Gand dans un arrêt inédit du 22 avril 1970 malgré les protestations du tuteur, bien que le conseil de famille ait régulièrement ordonné un autre placement et par le simple motif qu'il paraît opportun d'inscrire les sommes accordées sur un livret de la Caisse générale d'épargne et de retraite. Mais l'arrêt est cassé pour n'avoir pas répondu aux conclusions du tuteur et parce qu'il <<ne permet pas de discerner si le juge d'appel estime que, malgré la mesure ordonnée par le conseil de famille, il y a néanmoins danger que les fonds soient détournés de leur destination, ou bien que, sans que ce danger n'existe, la mesure ordonnée constitue un meilleur place­ment, ou encore que la décision du conseil de famille n'a aucun rapport avec les dommages et intérêts alloués, de sorte qu'il y a lieu de prendre une nouvelle décision>> (3).

29. HYPOTHÈQUE LÉGALE. - DISPENSE D'INSCRIPTION. -

<<Le conseil de famille pourra, d'après les circonstances, déclarer qu'il ne sera pris aucune inscription sur les biens du tuteur>>. Mais l'article 49 de la loi hypothécaire ne lui reconnaît cette faculté que dans l'intérêt du pupille (1). Il ne suffit donc pas d'alléguer que <<la situation morale et financière du tuteur est au-dessus de toute critique et suspicion>> ni que l'inscription nuirait à son crédit, et il n'importe d'ailleurs que la pupille soit en indivision avec des sœurs ou frères utérins et que ceux-ci aient un autre tuteur sans lequel le sien ne peut agir : la garantie qui découler~it de cette situation particulière est << de peu de

28. - (1) 4e alinéa avant la loi du }er juillet 1974. (2) Voy. par exemple civ. Bruxelles, 16 avril 1971, Pas., 1971, III, 39 : indemnité

due par l'auteur d'une reconnaissance mensongère de paternité. Cette reconnaissance étant annulée, l'enfant se trouvait nécessairement sous la tutelle de sa mère; - adde, quant à l'application de l'article 389 au profit d'un mineur en tutelle, cette Revue, 1971, p. 323, no 92, in fine, et p. 331, n° 98, e. .

(3) Cass., 6 avril 1971, Pas., 1971, I, 714.

29. - (1) Voy. notamment Rép. prat. droit belge, v 0 Hypothèques et privilèges immobiliers, nos 1651 à 1656;- comp. DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 36 éd., n° 160.

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consistance>> et <<d'autant plus aléatoire qu'il peut être m.is fin à tout moment à l'indivision>> (2).

30. COMPTE DE TUTELLE. - TUTEURS SUCCESSIFS. - PRES- . CRIPTION. - Peut-on, 9 ans et 364 jours après sa majorité, poursuivre en reddition de compte un tuteur dont la fonction a pris fin 18 ans plus tôt et qui avait obtenu décharge de son successeur 1 L'action n'est pas prescrite, car le délai court à compter de la majorité {1). Mais, rappelle le tribunal de Bruxelles, c'est en principe le dernier tuteur qui doit rendre compte au pupille tant de son administration que de celle de son prédéces­seur, lequel ne peut plus être poursuivi que s'il n'a pas été valablement déclaré quitte par son successeur. Aucune forme particulière n'étant requise, le jugement tient cette décharge pour établie, encore que le défendeur n'ait produit qu'une<< cor­respondance fragmentaire>> ou, pour mieux dire, peu explicite : cet élément de preuve était confirmé par fe fait que le dernier tuteur - censé particulièrement attentif pour avoir assumé la tutelle officieuse -n'avait ensuite<< formulé aucune observation ou critique>> et avait lui-même été déchargé sans réserve par la pupille lorsqu'il lui avait soumis le compte définitif de la tutelle (2).

30 Etendue et sanction de l'incapacité du mineur non émancipé.

31. EMPRUNT ET LETTRE DE CHANGE. -Un mineur et son père empruntent de l'argent à une société de financement, et le premier accepte une traite que le second avalise. Il n'importe en l'espèce que le fils soit assiRté ou représenté ni que la repré­sentation soit peu vraisemblable dans le cas de la lettre de change, où la qualité d'avaliseur semble exclure celle de repré­sentant : les formalités requises par les articles 457 et 458 du Code civil, d'une part, et par l'article 4 du Code de commerce, d'autre part, étant omises, les deux actes sont <<nuls en la

(2) Civ. Bruxelles, 20 mars 1970, Journ. trib., 1970, 344, Rev. prat. not., 1970, 236.

•~ 30. - (1) Code civil, art. 475; civ. Bruxelles, 27 juin 1971, Journ. trib., 1971, 646, avis VAN DE WALLE, Rev. not. belge, 1971, 627, avis VAN DE WALLE, Rec. g~n. enr. et not., 1972, 427.

(2) Civ. Bruxelles, 27 juin, 1971, précité.

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forme>> quant au mineur, de sorte que le juge doit les annuler à la demande de celui-ci en l'absence même de lésion (1).

32. EMPRUNT. - ÜOMMODAT ET PRÊT DE CONSOMMATION. -

Pilote d'essai avec la bénédiction de son père, un mineur démolit par sa faute la voiture qu'un garage lui avait confiée. Il prétend qu'elle lui était prêtée, que le prêt était nul à cause de son incapacité et qu'il n'est donc pas tenu de restituer par équivalent. Mais le tribunal de Bruxelles répond que le << prêt à usage ne rentre pas dans la catégorie des actes nuls en la forme >>; il est <<uniquement rescindable>>, et en l'espèce, l'engagement<< n'était pas hors de proportion avec la situation de fortune et le rang social du mineur >> ( 1).

Le commodataire n'est-il pas en quelque sorte un locataire dispensé de loyer~ De nombreux auteurs en concluent que si les personnes capables d'administrer sont habiles à prendre une chose en location, elles peuvent a fortiori l'emprunter (2); il faut, en d'autres termes, distinguer le prêt de consommation, soumis aux articles 457 et 458, et le commodat, qui appartient à l'ad­ministration. Pourtant, les mêmes auteurs enseignent qu'étant incapable de devenir commodataire, le mineur non émancipé ne répond que de son dol et de sa faute lourde : son engagement serait nul, mais l'article 1310 lui interdirait de s'exonérer totalement (3).

31. - (1) Liège, 6 octobre 1970, Jur. Liège, 1970-1971, 249, qui fonde en outre l'annulation de l'emprunt sur l'opposition d'intérêts entre les cosignataires, encore que le fait d'emprunter ensemble soit également propre à traduire la convergence des intérêts. Quant à la distinction entre assistance et représentation dans les actes signés à la fois du mineur et de l'un des père et mère ou du tuteur, voy. cette Revue, 1971, p. 331, no 98, f. Quant à la distinction des actes<< nuls en la forme>> et des actes simplement rescindables, voy. cette Revue, 1971, p. 333 à 335, n° 99. Quant à la sanction de l'acceptation d'une traite par le mineur, voy. notamment cette Revue, 1971, p. 334 et 335, n° 99.

32. - (1) Civ. Bruxelles, 24 décembre 1970, Pas., 1971, III, 26. (2) Voy. notamment : TROPLONG, Du prBt, nos 55 à 57; GmLLOUARD, Traité du prêt,

no 19; BAUDRY-LAOANTINERIE et WAHL, Traité théorique et pratique, ge éd., t. XXIII, no 618; Rép. prat. droit belge, v 0 Prêt, nos 35 à 37; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, 2e éd., t. XI, Prêt, par SAVATIER, no ll29; AuBRY, RAU, ESMEIN, PONSARD et DEJEAN DE LA BATIE, Droit civ~l français, t. VI, 78 éd., § 391, n° 110.

(3) Voy. notamment et comp. : TROPLONG, op. cit., nos 49 à 54; GuiLLOUARD, op. cit., no 18; BAUDRY-LAOANTINERIE et WAHL, op. cit., nos 618 et 618bis; Rép. prat. droit belge, v 0 cit., nos 37 et 38bis;- adde LAURENT, Principes, n° 459. Mais l'article lalO n'est pas limité aux fautes les plus graves; il cite le quasi-délit. D'autre part, ces auteurs reconnaissent, à l'exception de LAURENT, que le mineur émancipé peut devenir com­modataire, le commodat étant un acte d'administration.

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N'est-ce pas oublier que les actes du mineur sont nuls de droit ou simplement rescindables selon que les pouvoirs du tuteur dépendent ou non de formalités habilitantes (4), c'est­à-dire, dans le silence des textes, suivant qu'il s'agit de la dis­position ou de l'administration (5) 1 Si l'emprunt à usage relève de celle-ci, l'article 1305 obligeait le tribunal de Bruxelles à déclarer l'acte <<uniquement rescindable>> et à vérifier si l'en­gagement était proportionné aux ressources du mineur. Aussi bien la lésion intrinsèque - préjudice résultant de l'inégalité des prestations - est par définition inconcevable dans le cas du commodataire. D'ailleurs, la lésion extrinsèque ne se conçoit pas davantage si eUe ne peut tenir à la responsabilité que le mineur encourrait en commettant une faute dans l'exécution du contrat (6).

Le jugmnent relève d'autre part que l'acte <<rentrait dans l'activité professionnelle>> du mineur, <<qu'il lui permettait d'exercer normalement sa profession de pilote d'essai et de gagner ainsi sa vie>>. Cela suggère non seulement que les parties avaient mal qualifié le contrat (7) mais encore que le caractère professionnel de celui-ci suffisait peut-être à le valider.

L'article 1308 porte que le mineur artisan n'est point resti­tuable contre les engagements qu'il a pris en raison de son art. Les ouvrages contemporains n'en traitent plus, il est vrai, et les exégètes en réservent strictement le bénéfice à <<celui qui exerce un art mécanique par lui-même et pour son propre compte>> (8); ils vont jusqu'à exclure le fabricant, par exemple (9).

(4) Voy. notamment ci-dessus, n° 31, texte et note 1. (5) Voy. notamment Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2130, 2252 et 2319. (6) En ce sens, Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2472 et 2473. Rescindera-t-on la

prise en location d'une modeste chambre d'étudiant (absence de lésion extrinsèque) pour un loyer normal (absence de lésion intrinsèque) sous prétexte que la maison est grande et que le mineur devrait une forte indemnité s'il provoquait un incendie par sa faute? Au reste, il importe peu que la faute soit commise ou simplement éventuelle.

(7) Le commodat est gratuit par essence. Or le pilote d'essai ne s'engage-t-il qu'à restituer - comme un emprunteur - ou bien promet-il en outre, fût-ce implicitement et par référence aux usages, des services tels que publication de comptes-rendus, avis sur la mise au point de la mécanique, etc. ? Pareille promesse exclut la qualification de commodat; le <<prêt •> devient un contrat innomé.

(8) BAUDRY-LACANTINEBIE, Précis de droit civil, 9e éd. t. II, no 400;- adde notam­ment LAROMBIÈRE, Obligations, t. IV, p. 140, art. 1308, nos 1 à 3, éd. belge, t. II, p. 462. Les « arts mécaniques ~ sont << ceux qui exigent surtout le travail de la. main •> (LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française, v 0 Art, 2o).

(9) BAUDBY-LACANTINERIE, loc. cit., et Traité théorique et pratique, 36 éd., t. XIV, par BARDE, no 1961;- comp. LAURENT, Principes, t. XVIII, n° 548. Le« fabricant &

est (1 celui qui fabrique ou fait fabriquer *• et «fabriquer • c'est «faire certains ouvrages par des procédés mécaniques •> (LITTRÉ, op. oit., v° Fabricant, 1°, et· vo Fabriquer).

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Pourtant, les nécessités sont identiques dans les deux cas, et il est d'ailleurs probable qu'en citant l'artisan à côté du com­merçant et du banquier,· le législateur entendait reconnaître la capacité voulue à tout mineur dont la profession suppose une activité juridique trop spéciale ou trop continuelle pour qu~ l'on puisse exiger l'intervention du père ou du tuteur. Ne faut-il pas en déduire que, tout étranger qu'il soit à l'artisanat, le métier de pilote d'essai habilite le mineur à conclure seul les contrats qui lui procurent des mécaniques à éprouver ?

33. AcHAT.- Faut-il traiter différemment les actes de l'infans et ceux du mineur parvenu à l'âge du discernement? Le juge de paix de Deurne opte pour l'affirmative (1). Mais la distinction est contestable, quoique reçue par de bons auteurs; simple vestige de la théorie des actes inexistants, elle ne trouve aucun appui dans le Code civil et elle méconnaît la fonction du procédé technique de l'incapacité : pour ceux que le droit déclare inca­pables, la condition du consentement s'efface au profit des règles particulières auxquelles ils sont soumis ou, si l'on préfère, elle ne peut être envisagée et sanctionnée que selon ces règles, de sorte que<< le régime légal des incapacités est uniforme quel que soit l'âge du mineur ou le degré de folie de l'interdit>> (2).

La question est d'ailleurs théorique quant aux achats de · quelque importance; ils ne sont jamais le fait d'infantes. Ainsi le juge de Deurne était-il saisi par une mineure qui regrettait d'avoir acheté à 18 ans des meubles en vue de son mariage : le fiancé avait rompu trois mois plus tard. Plaçant d'emblée le débat sur le terrain de la rescision (3), le jugement répond qu'aux termes de l'article 1306, le mineur n'est pas restituable pour cause de lésion, lorsqu'elle ne résulte que d'un événement casuel et imprévu.

Est en revanche lésé l'étudiant << sans ressources personnelles >> auquel on vend, fût-ce à un prix normal,<< une voiture d'une puis­sance et d'une dimension nettement supérieures à la moyenne>>, et le vendeur alléguerait vainement qu'il a été abusé quant aux moyens du mineur, lequel possédait déjà une autre voiture et

33. - {l) Deurne; 29 décembre 1972, J.J.P., 1973, 287. (2) VIEUJEAN, <<La minorité prolongée l), Ann. droit Liège, 1977, p. 15 à 71, spé­

cialementn08 21 à 23, citant Hourn, <<Les incapacités l), Rev. trim. civ., 1947, p. 383 à 405, spécialement p. 388.

{3) Comp. cette Revue, 1966, p. 229 et 230, no 52, d, et 1971, p. 333 à 335, n° 99.

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offrait un acompte important : << Il était dès lors tout indiqué ... de se mettre en rapport avec les parents ... pour vérifier s'ils étaient prêts à (financer' l'achat>> (4).

Moins pertinente encore serait l'objection que le vendeur a reçu des deniers dérobés à un tiers. Un jugement l'accueille pourtant sous prétexte que, l'incapable ayant volé dans le dessein d'acheter, le contrat ne peut être dissocié de l'infraction ni, par conséquent, soustrait au principe de l'article 1310 (5). Mauvais prétexte s'il en fut, car cette règle n'a trait qu'à l'obliga­tion de réparer le dommage causé par un délit ou quasi-délit, et le vendeur ne pouvait en aucune manière se prétendre victime du vol (6). Aussi le juge est-il mieux inspiré lorsqu'il ajoute que la lésion n'est pas prouvée : rien n'indiquait que le prix fût excessif, et la moto achetée convenait au mineur, qui était ouvrier dans un garage.

34. AssuRANCE.- CoNCLUSION DU coNTRAT ET RÉSILIATION PAR L'ASSUREUR. -Un mineur assure sa responsabilité d'auto­mobiliste, et son père contresigne sous la mention : <<bon pour autorisation paternelle et garantie de paiement>>. Le risque étant mauvais, l'assureur résilie le contrat après un sinistre, ainsi que l'y autorise l'article 30, 5, de la police type, mais la lettre recom­mandée est adressée à l'incapable, les circonstances - non­présence à l'heure de la distribution et perte de la carte ~'iden­tité ---- empêchent qu'elle lui soit remise, et il blesse plusieurs personnes trois jours après la date de la résiliation. La compagnie d'assurances est-elle exonérée 1

La signature du père, dit la cour de Liège, <<ne peut s'inter­préter comme l'expression d'une volonté certaine de représenta­tion d'un mineur de plus de 18 ans, ni d'une acceptation de toutes les conditions de la police>>; elle <<n'avait d'autre but, et d'autre effet, que celui d'un cautionnement pour garantir le paieme~t des primes>>, d'autant que seul le fils <<est désigné au contrat comme étant le preneur>>. L'assurance est néanmoins valable, car elle n'a pas lésé le mineur. D'autre part, <<rien n'imposait que la notification de la résiliation soit faite au père>> : il n'avait pas représenté son fils, et <<l'exécution de la clause

(4) Civ. Bruxelles, 13 janvier 1973, Rev. not. belge, 1974, 90, note P. M. (5) Kontich, 5 février 1974, R. W., 1974·1975, 952, note CAENEPEEL.

(6) CAENEPEEL, note précitée.

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prévue à l'article 30, 5°, de la police ... ne porte en soi aucun effet lésionnaire>>. Mais cela n'est expliqué qu'<< à titre suréro­gatoire>>, et l'assureur est condamné parce que l'assuré n'avait pas connu la volonté de résiliation et que cette ignorance n'était pas fautive ( l).

La décision est cassée : l'article 36 des conditions générales de la police y recevait <<une interprétation inconciliable avec ses termes>>, et la cassation est<< étendue aux dispositifs déclarant que le père ... n'est pas intervenu comme représentant légal ... et que la résiliation pouvait être valablement notifiée>> au seul mineur (2).

Juridiction de renvoi, la cour de Bruxelles juge : 10 acte d'administration non lésionnaire, l'assurance est valable, et l'in­capable a qualité de preneur; 2° le contre-seing du père avait pour fin de remédier à l'incapacité du fils; << cette intervention, pour avoir quelque effet, doit s'entendre comme ayant lieu au titre de représentant légal du mineur>>, et<< il importe peu que pour manifester son intention, ledit représentant légal ait utilisé des termes inadéquats >>; 3° le preneur était mineur non émancipé lorsque la résiliation lui fut notifiée, et cet acte, <<qui était de nature à a voir des conséquences patrimoniales importantes >> pour lui,<< devait, pour être valable, être à tout le moins notifié au père, représentant légal >>; 4° l'assureur <<soutient vainement que la mention ~pour autorisation paternelle' comporte impli­citement l'autorisation ... de notifier au mineur seul la résiliation intervenue; serait-il établi, ce qui ne résulte pas des termes du contrat ... , que telle fut l'intention du père ... , encore faudrait-il admettre qu'une telle autorisation serait sans effet>>, car <<il ne peut être dérogé, au moyen de conventions particulières, aux règles sur la capacité des personnes, qui sont d'ordre public>> (3).

L'assureur plaide en cassation : l o <<en déclarant que la con­vention d'assurance, régulièrement conclue, ne sortit cependant pas d'effets dans ses stipulations relatives à la résiliation, aux-

34. - (1) Liège, 10 janvier 1967, Bull. ass., 1967, 1098, note R. V. G. (2) Cass., 25 septembre 1967, Pas., 1968, I, 106, Bull. ass., 1967, II04, noteR. V. G.

Aux termes dudit article 36, les notifications destinées au preneur sont valablement faites à l'adresse indiquée par celui-ci dans le contrat. La cour de cassation en conclut que la seule présentation à l'adresse du preneur suffit. D'autre part, l'extension de la cassation est justifiée par le fait que les dispositifs mentionnés ci-dessus «ne pouvaient faire l'objet d'un pourvoi recevable d'aucune des parties à l'instance en cassation».

(3) Bruxelles, 31 janvier 1969, Bull. ass., 1971, 49, noteR. V. G.

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quelles la demanderesse s'est conformée, le juge se contredit et, en tout cas, méconnaît la force obligatoire de ces stipulations>>; 2° <<l'incapacité du mineur, parvenu à l'âge du discernement, n'est une cause de nullité que s'il est établi qu'un acte, en l'oc­currence un acte notifié, lui a été préjudiciable, circonstance que l'arrêt attaqué ne constate pas et qui, au demeurant, ne résulte point du seul fait que la résiliation ... pouvait avoir des con­séquences patrimoniales importantes pour l'assuré>>.

Le juge du fond, répond la cour, <<décide qu'en l'espèce et par la volonté commune des parties>>, le mineur,<< bien qu'étant signataire du contrat, y est légalement représenté par son père, ·qui, comme preneur, a signé avec lui; il s'ensuit : 1° qu'en constatant (que W. B. était mineur d'âge non émancipé lorsque la résiliation du contrat lui fut notifiée' et en décidant (que ladite résiliation devait, pour être valable, être à tout le moins notifiée au père, représentant légal de celui-ci', l'arrêt déduit de la décision ci-avant précisée une conséquence qui en découle nécessairement et qui ne contredit pas la première décision que le contrat est valable et que W. B. est le preneur d'assurance; 2° en relevant, en outre, à l'appui de sa décision que la résiliation n'a pas été valablement notifiée, qu'elle (était de nature à avoir des conséquences patrimoniales importantes' pour le mineur, l'arrêt énonce un motif surabondant; partant, en sa première branche le moyen manque en fait et en sa seconde branche il est non recevable à défaut d'intérêt>> (4).

Passe encore de dire qu'u.n père signe comme preneur une assurance dans laquelle il représente son fils : la phrase peut signifier qu'il a cette qualité au nom et pour le compte de l'in­capable. Mais comment la constatation qu'un jeune homme était mineur au moment d'une résiliation pourrait-elle être <<une conséquence qui découle nécessairement >> de la décision qu'il a été représenté dans la conclusion du contrat résilié~

Ce qui se conçoit bien ... La cour conçoit-elle mieux la raison qui commandait de notifier la résiliation au père ~ Elle y voit aussi << une conséquence qui découle nécessairement de la décision qu'il avait représenté son fils en signant la police. Faut-il com­prendre que la résiliation d'une assurance de responsabilité ne

(4) Casa., 15 décembre 1969, Pas., 1970, I, 343, Bull. ass., 1971, 54, noteR. V. G.

Revue Critique 1977, 3 - 34*

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doit· être notifiée au représentant légal du mineur que s'il est intervenu en cette qualité dans la conclusion du contrat ~

C'est, semble-t-il, l'opinion de la cour de Liège dans ses motifs surérogatoires (5). Mais on en cherche en vain le fondement. Est-ce parce qu'aux termes de la police, la résiliation doit être notifiée au preneur? Cette qualité appartient au mineur, que l'assurance soit conclue par lui ou par son représentant légal. Il n'importait donc en l'espèce, du moins quant à la notifica­tion (6), que le père eût contresigné la police pour représenter son fils, comme l'admet la cour de Bruxelles, ou seulement pour le cautionner, ainsi que la cour de Liège le soutient; la nécessité de s'adresser au représentant légal ne pouvait avoir d'autre cause que l'incapacité du preneur, et, par suite, la cour de Bruxelles a raison de contester au contrat la vertu d'en dispenser la compagnie.

Acte unilatéral, la résiliation prévue dans l'article 30, 5, de la police type n'a pas à être acceptée; la volonté de l'assureur suffit. Encore faut-il qu'elle soit manifestée et, comme elle tend à porter directement atteinte au droit du preneur (7), la mani­festation doit être dirigée vers celui-ci : elle est << réceptice >> (8), à l'exemple du congé dans le bail (9), de la mise en demeure et de la citation en justice. C'est la notification au preneur qui parfait la résiliation voulue par l'assureur, et la cour de Liège a incontestablement raison. sur le plan des principes lorsqu'elle affirme que la volonté de celui-ci n'est rien tant qu'elle n'est pas connue de celui-là : la notification perdrait en quelque sorte sa raison d'être si l'acte réceptice opérait sans que le destinataire

(5) Non sans ambiguïté puisque l'arrêt porte aussi que la résiliation n'est pas lésion­naire, motif qui repose sur l'idée d'incapacité indépendamment du rôle joué par le père dans le contrat. La décision de la cour de Bruxelles n'est pas moins ambiguë, car elle repose à la fois sur la constatation que le père a représenté le fils et sur celle que le second était mineur au moment de la notification. Mais l'idée d'incapacité semble l'emporter, car la cour ajoute que l'ordre public interdisait de convenir que la résiliation serait notifiée au mineur.

(6) Le fait peut être décisif au contraire lorsqu'on apprécie la validité du contrat (cf. infra).

(7) Sur ce critère, voy. MARTIN DE LA MouTTE, L'acte juridique unilatéral, Paris, 1951, n° 187.

(8) Sur cette notion, voy. notamment : DEMOGUE, Traité des obligations, Sources, t. II, Paris, 1923, nos 540bia et 540ter; DuRMA, La notification de la volonté, Paris, 1930, nos 78 et suiv.; MARTIN DE LA MoUTTE, op. cit. (note 7), nos 178 et suiv.

(9) CHEMINADE, <<Une question toujours actuelle : la nature juridique du congé en matière de louage de choses et de services 1>, Rev. trim. civ., 1972, p. 307 à 333, spé­_cialement nos 18 à 20.

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soit informé (10). Mais en pratique, les difficultés de la preuve et l'impossibilité de s'en remettre au bon vouloir du destinataire (11) font présumer que lettre reçue est lettre lue (12), et le contrat, qui pourrait dispenser de la notification (13), peut a fortiori aggraver la présomption, la rendre irréfragable, par exemple (14), de même que les lois de procédure consacrent le système de la réception, allant jusqu'à permettre que la copie de l'acte signifié soit remise à un parent, allié, préposé ou serviteur (15). Ainsi la présentation de la lettre à l'adresse du preneur suffit-elle suivant l'article 36 de la police type.

Même en pareil cas, le but de la notification est d'instruire le destinataire, et elle n'est pas valable si elle est impropre à le faire. Or il est impossible qu'une personne soit instruite si elle n'est pas apte à comprendre, et le mineur non émancipé est, aux yeux de la loi, inapte tant à comprendre qu'à vouloir, eût-il en fait le discernement d'un majeur : c'est au représentant légal qu'il appartient de comprendre comme de vouloir pour lui; c'est donc au représentant légal que l'on doit adresser les notifica­tions destinées à l'incapable (16).

Ainsi l'assureur ne pouvait-il reprocher à la cour de Bruxelles d'avoir méconnu l'article 36 de la police type en décidant que la résiliation devait <<être à tout le moins notifiée au père>>. Au reste, son autre grief n'était pas mieux fondé. L'article 1305 du Code civil se rapporte aux actes du mineur. Or la résiliation notifiée à celui-ci est l'acte d'autrui. Le juge n'a donc pas à vérifier s'il en résulte une lésion.

(10) MARTIN DE LA MouTTE, op. cit. (note 7), n° 202;- adde DURMA, op, cit. (note 8), nos 385 et 395.

(11) Voy. notamment et comp. : DuRMA, op. cit. (note 8), nos 388 à 394; MARTIN DE LA MOUTTE, op. cit. (note 7), n° 202; R. V. G., note précitée (note 1), sous Liège, 10 janvier 1967, spécialement p. 1113, 30,

(12) DURMA, op. cit. (note 8), n° 417; MARTIN DE LA MouTTE, op. cit. (note 7), n° 204. (13) DuRMA, op. cit. (note 8), n° 198. (14) DuRMA, op. cit. (note 8), n° 415. (15) DURMA, op. cit. (note 8), no 408; MARTIN DE LA MouTTE, op. cit. (note 7), nos 201

et 204. (16) Comp. : DEMOGUE, op. cit. (note 8), n° 540tet•; DuRMA, op. cit. (note 8), nos 295,

337, 345, 384, 448 et 449. Selon le système de ces auteurs, il convient de distinguer la direction que l'on doit donner à la notification et la perception de l'information notifiée. Le mineur est incapable de percevoir, et son représentant légal doit le faire pour lui. Toutefois, la notification peut être adressée au premier, pourvu qu'elle par­vienne finalement au second, et la transmission de l'un à l'autre devrait d'ailleurs être présumée, au moins juris tantum, si l'incapable jouit en fait du discernement nécessaire. Mais cette théorie subtile ne nous paraît ni pratique ni conciliable avec la technique légale de l'incapacité, car celle-ci vise précisément à bannir les incertitudes que comporte celle-là..

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Il n'avait pas davantage à s'interroger sur la validité de l'assurance. La nullité étant relative et d'ordre privé, la question appartenait au seul mine'ur, et il s'était gardé de la poser puisque le contrat lui était profitable. Les deux cours d'appel s'appliquent néanmoins à relever que l'absence de lésion rend la police inattaquable. Le motif est pertinent dans la version de la cour de Liège mais non dans celle de la cour de Bruxelles, car la première nie, et la seconde affirme que le père a représenté le fils {17). Or, l'article 1305 y étant étranger, il importe peu que les actes accomplis par le représentant légal lèsent l'incapable : ils ne comportent pas d'autre sanction que la nullité de droit, laquelle suppose l'omission des formalités habilitantes dans une matière relevant de la disposition (18).

Les deux cours d'appel admettent que l'assurance était en l'espèce un acte d'administration. lY.Iais l'arrêt de Liège ne l'ex­plicite pas, et celui de Bruxelles ne contient qu'une affirmation. Aussi bien la chose paraît aller de soi, indépendamment même de la loi du 1er juillet 1956, car l'assurance doit certes être considérée comme une mise en valeur normale du patrimoine (19) quand elle garantit contre un risque grave et probable.

Il s'en faut toutefois que les juges examinent toujours la question dans cette perspective. Ainsi le tribunal de Nivelles range dans la disposition un contrat qui couvre les frais de défense en justice parce que <<loin de protéger, d'administrer, de faire fructifier le patrimoine du défendeur alors qu'il était mineur>>, la police <<n'a rien administré du tout, ce mineur n'ayant en fait qu'un patrimoine démuni de biens à adminis­trer>> (20). On ne peut mieux confondre patrimoine et biens qui en constituent l'actif! Le juge ajoute, il est vrai, que l'engage­ment<< ne ferait que grever>> le défendeur et que celui-ci avait 20 ans quand le contrat fut conclu pour dix ans et stipulé prorogeable d'autant par tacite reconduction. Mais si l'argument

· · ( 17) La version de la cour de Bruxelles est d'ailleurs plus plausible que celle de la cour de Liège. Voy. à ce sujet Novelles, Droit civil, t, IV-1, nos 2449 à 2454, et cette Revue, 1971, p. 331, no 98, f,

(18) Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2431, 2432 et 2434; cette Revue, 1971, p. 333, n° 99.

(19) Sur ce critère et, plus généralement, sur la notion d'acte d'administration, voy. Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2336 et suiv., spécialement nos 2367 à 2384; -adde cette Revue, 1971, p. 332 et 333, no 98, f; '--- comp. ci-dessous, n° 40.

(20) Nivelles, 23 septembre 1970, Bull. ass., 1971, 64, note R. V. G.

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déduit de la durée excessive n'est pas sans pertinence (21), l'autre prouve trop, toute assurance ne. pouvant, par définition, que grever le preneur tant qu'il ne survient pas de sinistre.

35. ENGAGEMENT MILITAIRE ET RECOURS OU ACTIONS QUI S'Y RAPPORTENT. - Il ressort de l'article 77 des lois coordonnées sur la milice que les jeunes gens de 19 ans sont habiles à s'engager eux-mêmes et sans assistance. <<Il s'ensuit>>, juge le conseil d'Etat,<< que, dès lors qu'il a atteint l'âge de 19 ans, le mineur est juridiquement capable d'accomplir, sans l'intervention de la personne qui exerce la puissance paternelle, tous actes qui sont requis pour contracter un engagement volontaire; ce mineur doit aussi être réputé avoir le plein exercice de sa capacité juridique quant aux actions en rapport avec les contestations que ces actes auraient suscitées>> (1), actions qui <<revêtent un caractère personnel >> et qui ne peuvent donc être exercées par le représentant légal (2).

36. LOUAGE DE SERVICES : LICENCIEMENT DU MINEUR ET ACTION DE CELUI-CI CONTRE LE PATRON.- Non moins personnel est le louage de services, et le régime de l'assistance y est substitué à celui de la représentation, de sorte que ni les parents ni le tuteur ne puissent contraindre le mineur. On peut dès lors soutenir que celui-ci est habile à résilier le contrat sans assistance (1). Certains jugements admettent aussi que le patron notifie le congé ou le préavis au seul mineur (2). Il s'en faut pourtant que l'on puisse

(21) Voy. et comp. Novelles, Droit civil, t. IV-1, n°8 2349 à 2352, et ci-dessous, n° 40.

35. - (1) 10 février 1972, Naveau, Arr. et av., 1972, n° 15167, p. 113; ~ adde supra, n° 17, texte et note 4.

(2) Supra, n° 17, texte et note 4.

36. - (1) Cette Revue, 1966, p. 227 à 229, n° 52, c;- contra : PAPIER-JAMOULLE,

Complément au Rép. prat. droit belge, t. III, v° Contrat de tmvail et contrat d'emploi, nO 171; TAQUET et WANTIEZ, Congé, préavis, indemnité, Bruxelles, 1975, t. rer, p. 188 et 189. L'opinion de ces auteurs est que le mineur doit être .assisté de ses père et mère ou de son tuteur. Mme JAMOULLE, loc. cit., ajoute : <<Un recours devant le tribunal de la jeunesse serait organisé, afin de suppléer au défaut d'autorisation>>. Voy. d'autre part trav. Bruxelles, 4 février 1971, Pas., 1971, III, 58, dans lequel le tribunal tient compte .d'une lettre de résiliation écrite par une employée mineure non assistée.

(2) Trav. Mons, 15 octobre 1973, Rev. droit soc., 1974, 296, qui présente la solution comme<< la conséquence logique du droit de ce mineur d'engager son travail moyennant l'autorisation prévue par l'article 34 >l de la loi du 10 mars 1900. Trav. Huy, 18 septembre 1974, Jur. Liège, 1974-1975, 61, Journ. trib. trav., 1975, 77 : <<Le mineur d'âge a le droit d'engager son travail avec le consentement tacite de ses parents; il faut dès lors admettre avec l'ensemble de la jurisprudence qùe le préavis peut être notifié au mineur>>.

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asseoir la deuxième solution sur la raison qui commande la première. La liberté de l'incapable n'est nullement amoindrie si la notification doit être adressée tant à son protecteur qu'à lui-même. Par suite, la dérogation que nous préconisons à propos de la résiliation voulue par le mineur ne convient pas à celle qu'il subit.

Le licenciement d'un ouvrier ou d'un employé est donc, comme la résiliation de l'assurance par l'assureur (3), soumis au régime ordinaire des actes unilatéraux<< receptices >> (4). Il y a toutefois une différence entre les deux cas : dans le louage de services, la loi substitue l'assistance à la représentation. Or <<pour les personnes à capacité limitée qui ne sont pas repré­sentées; mais assistées, la notification doit être faite à l'incapable aussi bien qu'à ceux qui l'assistent>> (5). Ainsi faut-il adresser à la fois le congé ou le préavis au mineur et au père, à la mère ou au tuteur.

En pratique, la solution a l'avantage de garantir l'information des personnes habiles à poursuivre le patron au nom de l'inca­pable. Le tribunal du travail de Huy observe, il est vrai, que la nullité n'est que relative si le représentant légàl n'est pas à la cause ( 6), et il est en effet de doctrine et de jurisprudence que l'annulation de la procédure irrégulièrement suivie par le mineur ne peut être ni demandée par son adversaire ni prononcée d'office par le juge (7). Encore faut-il se souvenir que l'article 41 de la loi du 10 mars 1900 permet à celui-ci de nommer un tuteur ad hoc et que l'on reconnaît à celui-là le droit de soulever une exception dilatoire (8).

(

37. LOUAGE DE SERVICES : RENONCIATION OU TRANSACTION CONSENTIE PAR L'EMPLOYÉ MINEUR. - Son contrat résilié<< de

(3) Supra, no 34. (4) DURMA, La notification de la volonté, Paris, 1930, n° 95; MARTIN DE LA MouTTE,

L'acte juridique unilatéral, Paris, 1951, n° 181; CHEMINADE, <<Une question toujours actuelle :. la nature juridique du congé en matière de louage de choses ou de services », Rev. trim. civ., 1972, p. 307 à 333, spécialement n° 20.

(5) DURMA, op. oit. (note 4), n° 450. (6) 18 septembre 1974, précité (note 2); - comp. trav. Namur, 10 octobre 1972,

ci-dessous, n° 38. (7) DE PAGE, Traité élémentaire, t. Jer, 3e éd., no Bibis, et t. II, 3e éd., no 7bis;

FETTWEIS, Droit judiciaire privé, 4e éd., Liège, 1976, t. rer, nO 183;- comp. NORMAND, Le juge et le litige, Paris, 1965, no 227, note 17, et n° 251, qui conteste la cohérence des solutions généralement reçues .en la matière.

(8) Voy. les références de la note 7.

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commun accord >>, une employée mineure renonce au solde de ses appointements et paie 1. 000 francs à titre de dédommage­ment. Mais, juge le tribunal du travail de Bruxelles, << si les mineurs d'âge peuvent valablement, dans le cadre de l'article 31 des lois coordonnées sur le contrat d'emploi ... , engager leurs services et percevoir leurs rémunérations, ils n'ont cependant pas la capacité de transiger valablement ni de renoncer à leurs droits en passant des actes qui entraîneraient une lésion de leurs intérêts >> ( 1).

Les derniers mots sont de trop : le tuteur ne peut transiger qu'en se conformant à l'article 467 du Code civil; il y a donc <<nullité en la forme>>, c'est-à-dire nullité de droit (2), que l'acte irrégulier soit accompli par le représentant légal ou par le mineur lui-même (3), et il n'importe, par conséquent, que celui-ci subisse ou non une lésion.

38. SÉCURITÉ SOCIALE : NOTIFICATIONS EN MATIÈRE D'AS­

SURANCE CONTRE LA MALADIE :Jl)T L'INVALIDITÉ, NOTIFICATIONS

ET RECOURS EN MATIÈRE DE CHÔMAGE. - Une mineure est déclarée apte à reprendre le travail, et la décision est notifiée à la jeune fille et non à son représentant légal. La notification serait nulle (1), juge le tribunal du travail de Huy (2), n'était l'article 10 de la loi du 23 juin 1894 sur les sociétés mutualistes : ce texte <<implique que le mineur peut valablement s'engager dans une société mutualiste reconnue et dès lors y accomplir et y recevoir tous les actes découlant de cet engagement >>.

Le tribunal du travail de Namur admet de même que l'office national de l'emploi notifie un refus d'allocation au seul mineur : aucun règlement n'enjoint d'adresser la décision au représentant légal, et l'incapable avait<< qualité pour introduire une demande d'allocation de chômage>> puisqu'il a <<le droit de percevoir la rémunération découlant de son activité ou les indemnités éven­tuelles qui s'y substituent>>. En revanche, l'action du mineur

37. - (1) Tra.v. Bruxelles, 4 février 1971, Pas., 1971, III, 58;- adde et comp. : DE GAVRE, Le contrat de transaction, t. Ier, Bruxelles, 1967, nos 99, 103, Ill, b, 1°, et 116; PAPIER-JAMOULLE, Complément au Rép. prat. droit belge, t. III, v° Contrat de travail et contrat d'emploi, n° 174.

(2) DE GAVRE, op. cit. (note 1), nos Ill, b, et 116. (3) Supra, no 31, et cette Revue, 1971, p. 333 et 334, n° 99, et les références citées.

38. - (I) Ra.ppr. ci-dessus, nos 34 et 36. (2) Tra.v. Huy, 6 février 1974, Jur. Liège, 1973-1974, 206.

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est. jugée irrecevable : il aurait dû être représenté par ses père et mère (3) ou par son tuteur (4). Mais le motif de la première solution est un peu court, et la seconde est contraire au sentiment commun : l'irrégularité de la procédure suivie par l'incapable ne peut être ni dénoncée par son adversaire - sous la seule réserve de l'exception dilatoire reconnue à celui-ci- ni constatée d'office par le juge (5).

B. - Mineur émancipé.

39. CoNDITIONS DE L'ÉMANCIPATION. - Moins severe que d'autres juges (1), le tribunal de la jeunesse de Nivelles pose en principe que l'émancipation << constitue un attribut de la puis­sance paternelle >> et qu'il ne peut s'y opposer que si elle est nuisible au mineur. Conclusion : pourvu que l'enfant soit assez mûr, il faut accueillir la demande d'un veuf auquel, <<par suite d'incompatibilité>>, il n'est<< plus possible de vivre sous le même toit que son fils>> (2).

40. CAPACITÉ LIMITÉE À LA PURE ADMINISTRATION ASSURANCE INDIVIDUELLE CONTRE LES ACCIDENTS CORPORELS. -Qu'une mineure émancipée, coiffeuse de son état, prenne pareille assurance, rien de plus sage : c'est une utile précaution, et la prime se paie aisément à l'aide des revenus. Pourtant, le tribunal de Huy conteste que l'acte, étranger au négoce de l'intimée, ressortisse à la pure administration : <<L'objet ... est in fine de recevoir des capitaux, opération qui est précisément soumise au régime de l'assistance en vertu de l'article 482 du Code civil>> (1). Mais autre chose est la signature d'une police, autre chose le règ~ement d'un sinistre. On peut dire aussi que l'objet de l'as­surance contre l'incendie<< est in fine de recevoir des capitaux>>; or nul ne s'avisera d'en tirer prétexte pour l'exclure de l'ad­ministration, voire de la pure administration, et l'on n'imagine-

(3) Par l'un d'eux depuis la loi du 1er juillet 1974 sur la puissance parentale. (4) Trav. Namur, 10 octobre 1972, Pas., 1972, III, 92. (5) Supra, n° 36, texte et notes 7 et 8.

39. - (1) Voy. cette Revue, 1971, p. 326 et 327, n° 94. (2) .Jeun. Nivelles, 14 octobre 1970, Jur. Nivelles, 1971, 94.

40. - (1) Huy, 12 décembre 1973, Jur. Liège, 1973-1974, 148; -comp. ci-dessus, n° 34, texte et note 19, et Novelles; Droit civil, t. IV-1, n°8 2453 et 2454.

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rait pas da van tage de dispenser l'émancipé de l'article 482 lorsqu'il perçoit un capital - telle une forte indemnité -auquel un acte de pure administration- un bail de 9 ans, par exemple -lui donne droit. Dans les trois cas, les actes successifs sont distincts, quoique liés comme la cause et l'effet, et il faut donc traiter chacun d'eux suivant les conditions de capacité qui lui sont propres.

Plus sérieux paraît l'argument déduit par les juges du fait que le contrat était conclu pour 10 ans. On peut soutenir en effet que la durée est l'un des traits qui sépare administration et disposition. PLANIOL enseignait même que <<les actes d'admi­nistration ont pour caractère propre de n'engager l'avenir que pour un temps fort court et d'être par suite fréquemment renouvelables>> (2). Aussi bien les articles 481, 595 et 1429 du Code civil (3) classent les baux selon qu'ils excèdent 9 ans ou non. Mais n'est-ce pas que tel était, dès le XVIIIe siècle, le terme que l'usage assignait normalement (4) à ces contrats, ainsi que PoTRIER l'observe à propos des procurations générales (5) 1 Ce rapprochement n'est pas sans intérêt si l'on songe que d'habitude, l'assurance individuelle contre les accidents corporels est conclue pour 10 ans.

41. AcHAT D'UN IMMEUBLE. -Une épouse mineure obtient de son conseil de famille l'autorisation d'acheter un immeuble avec son mari. Requis d'homologuer la délibération, le tribunal de Termonde déclare la demande sans objet : relevant de la pure administration si le prix est prélevé sur les revenus ou sur l'épargne qui en provient, l'acte ne nécessite que l'assistance du curateur dans les autres cas (1) (2).

42. EMPRUNT ET CONSTITUTION D'HYPOTHÈQUE FORMALITÉS REQUISES. - S'il est orphelin, écrit un auteur, l'émancipé se

(2) Traité élémentaire de droit civil, ge éd., t. Jer, Paris, 1904, n° 2gg8; - comp. Novelles, Droit civil, t. IV-1, n°8 2g49 à 2g52.

(g) Les articles 481 et 595 depuis la loi du 14 juillet 1976 sur les droits et devoirs respectifs des époux et sur les régimes matrimoniaux.

( 4) Sur l'idée de normalité dans la distinction de l'administration et de la disposition voy. notamment : TRASBOT, L'acte d'administration en droit privé français, Bordeaux, 1921, spécialement p. 164 à 17g; Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2365 à 2371.

(5) Œuvres, éd. BUGNET, Paris, 1847, t. V, Traité du contrat de mandat, n° 148, p. 233.

41. - (1) Termonde, 13 août 197g, Rec. gén. enr. not., 1974, n° 21777, p. 117, note anonyme, Tijds. not., 197g, 270.

(2) Voy. notamment DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, ge éd., nos 284 et 286.

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conforme aux articles 457 et 458; sinon, ses parents l'habilitent après s'y être fait autoriser par justice (1). Aussi bien l'article 484 lui impose <<les formes prescrites au mineur non émancipé)), sàvoir celles de l'administration légale, qui ne comportent pas l'autorisation du conseil de famille, ou celles de la tutelle, selon que les père et mère sont en vie ou non, et l'analogie permet d'asseoir aussi la distinction, sur l'article 1186 du Code judiciaire, lequel <<établit ... la différence entre les mineurs sous tutelle et les mineurs sous la puissance paternelle ... et prévoit que pour ces derniers la requête aux fins de procéder à l'aliénation d'im­meubles qui leur appartiennent en tout ou en partie, ... est adressée par les père et mère ensemble au tribunal de première instance)), Certes, l'article 483 du Code civil exige indistincte­ment << une délibération du conseil de famille, homologuée par le tribunal de première instance)), Mais, ainsi que le reconnaît la doctrine, l'article 484, auquel il ne déroge pas, le rend inutile.

Reçu dans quelques décisions (2), le système est condamné par les cours de Bruxelles et de Liège (3), lesquelles tiennent à juste titre que, s'il agit lui-même (4), étant en quelque sorte son propre tuteur, l'émancipé doit respecter les formes de la tutelle dans tout acte de disposition pour lequel la loi ne se contente pas de l'assistance du curateur.

42. - (1) BAUGNmT, note sous civ. Liège, 17 mai 1971, Rev. not. belge, 1971, p. 533 à 535.

(2) J. P. Wavre, 25 juin 1970, motifs, Jur. Nivelles, 1971, 120, J.J.P., 1972, 74 : le juge convoque et préside le conseil de famille <<pour autant que de besoin 1>, car, à son avis, il appartient aux parents de saisir immédiatement le tribunal de première instance; civ. Liège, 17 mai 1971 précité (note 1), qui refuse d'homologuer la délibération du conseil de famille; civ. Mons, 15 octobre 1973, Reo. gén. enr. et not., 1974, n° 21778, p. 121, observations anonymes : saisi par les parents et par le mari de la mineure, le tribunal autorise l'emprunt hypothécaire.

(3) Liège, 13 juillet 1971, Rev. not. belge, 1971, 536, arrêt qui réforme civ. Liège, 17 mai 1971, précité (notes 1 et 2); Bruxelles, 29 novembre 1973, Reo. gén. enr. et not., 1974, n° 21819, p. 278, Rev. not. belge, 1974, 264, note R. D., Pas., 1974, II, 55, arrêt qui confirme Nivelles, 18 septembre 1973, Reo. gén. enr. et not., 1974, n° 21819, p. 277; - adde :Courtrai, 29 septembre 1970, Reo. gén, enr. et not., 1975, n° 21917, p. 177 (tra­duction), R. W., 1974-1975, 1390, supra, n° 15, texte et note 4; Beringen, 2 avril 1971, Tijds. not., 1971, 219; Bruges, 9 mai 1972, R. W., 1974-1975, 1389; Termonde, 13 août 1973, Reo. gén. enr. et not., 1974, n° 21777, p. 117 (traduction), observations anonymea, Tijds. not., 1973, 270, jugement qui rejette la théorie èondamnée par les cours de Bruxelles et de Liège, mais par le motif que la. mineure était émancipée par le mariage; DE BusscHERE, << Verkopen, aankopen, leningen en hypotheekstellingen door ont­voogde minderjarigen l>, R. W., 1974-1975, 1365 à 1380, spécialement n°8 2 à 6; PIRET, «Les autorisations d'emprunts à contracter pour des mineurs 1>, Jur. Liège, 1974-1975, p. 9 et 10; BAETEMAN, DELVA et BAx, « Overzicht van rechtspraak 1>, Tijàs. priv., 1976, p. 510, n° 510.

(4) Beringen, 2 avril 1971, précité (note 3).

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A juste titre, dit-on, car s'il est vrai que de bons auteurs réputent l'article 483 inutile, encore est-ce parce qu'ils y voient une application pure et simple de l'article 484 (5). En réalité, les deux textes s'expliquent l'un par l'autre, et le second renvoie aussi sûrement aux articles 457 à 467 que le premier aux articles 457 et 458 : il s'agit en tout cas des<< formes de la tutelle>>. D'ailleurs, comment le législateur aurait-il pu se référer aux <<formes de l'administration légale>>, qui sont une création pré­torienne 1 On comprend dès lors que, passant de l'émancipation­où il oppose le mineur en tutelle aux autres- à ses suites, Berlier déclare : <<Si l'attention se porte sur les effets de l'émancipation, on verra qu'ils sont les mêmes pour tous les émancipés>> (6).

Quant à l'article 1186, alinéa 3, du Code judiciaire, il concerne les mineurs qui<< se trouvent sous la puissance paternelle>>. Or tel est précisément le premier effet de l'émancipation : affranchir de la puissance paternelle. Au reste, la théorie critiquée n'est pas moins contraire au principe que l'émancipation met un terme à la représentation légale, puisque ses partisans font saisir le tribunal par les père et mère.

On notera enfin que le tribunal de Bruges refuse d'homologuer l'autorisation d'un conseil de famille parce qu'elle ne désigne pas de curateur pour assurer l'émancipé dans l'emprunt (7). Mais cette assistance est superflue aux yeux d'autres juges (8). Le système de la loi n'est-il pas en effet qu'au-delà de la <<pure administration>>, l'émancipé agit soit avec un curateur, soit en observant les formes de la tutelle 1 Dans les observations sur l'article 484, le tribunat proposait de cumuler les deux pré­cautions. Mais le conseil d'Etat a retranché les mots qui impo­saient l'assistance du curateur (9), et celle-ci n'ajouterait rien à la protection réglée par les articles 457 à 467. Ces arguments paraissent décisifs (10). Encore faut-il que l'acte ne soit pas régi à la fois par l'article 483 ou 484 et par l'article 482. N'est-ce pas

(5) Voy. notamment les auteurs mentionnés par M. BAUGNIET, op. cit. (note 1), p. 533, savoir : DEMOLOMBE, OourB de Code civil, Bruxelles, 1852, t. IV-2, n° 319; LAURENT, PrincipeB, t. V, no 232; l,lép. prat. droit belge, v 0 Minorité, tutelle, émancipa­tion, no 1731. M. Baugniet cite aussi PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, t. Ier, n° 655, et DE PAGE, t. II, no 288. Mais ces auteurs, loc. cit., ne disent rien de tel.

(6) Présentation au corps législatif et exposé des motifs, FENET, t. X, p. 647. (7) Bruges, 9 mai 1972, précité (note 3). (8) Courtrai, 29 septembre 1970, précité (note 3). (9) FENET, t. X, p. 620 et 636, (10) Voy. et comp. DE BussoHERE, op; cit. (note 3), n°1 7 à. 11.

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précisément le cas de l'emprunt? En le passant, l'émancipé reçoit un capital mobilier, et, loin d'être inutile, l'assistance du curateur l'oblige à employer les fonds comme l'ont prescrit le conseil de famille et le tribunal.

43. FORMALITÉS REQUISES POUR QU:m LE MARI COMMUN. EN BIENS ET MINEUR AUTORISE VALABLEMENT L'ÉPOUSE MAJEURE À ALIÉN:mR UN PROPRE.- La femme commune en biens ne peut, suivant le Code Napoléon, disposer de ses propres en pleine propriété sans l'autorisation maritale (1), et le mari mineur ne peut accorder celle-ci sans y être lui-même habilité conformé­ment aux articles 457, 458 et 484 du Code civil (2).

44. LETTRE DE CHANGE. - Ainsi que le juge le tribunal de commerce de Bruges ( 1), la lettre de change est nulle si l'émancipé ne s'est pas conformé à l'article 4 du Code de commerce (2).

C. - 1 nfirmités mentales.

1 o << Démence >> et consentement.

45. ANNULATION DEMANDÉE PAR LES HÉRITIERS DU<< DÉMENT>>. - INTERDICTION PROVOQUÉE MAIS NON PRONONCÉE AVANT LE DÉCÈS. - Règle toute générale, l'article 504 régit les actes judiciaires comme les actes extra-judiciaires, et les héritiers du <<dément>> dont l'interdiction n'a été ni prononcée ni provoquée ne seraient recevables à suivre l'action dont leur auteur s'est désisté que si la preuve de la démence résultait du désistement même (1).

Quant à l'article 503, les héritiers ne peuvent l'invoquer que

43. - (1) Voy. et comp. cette Revue, 1965, p. 463 à 468, n° 23, et 1970, p. 487 et 488, n° 38, d.

(2) J. P. Namur, 30 octobre 1973, Pas., 1973, III, 94, Rec. gén. enr. et not., 1974, n° 21841, p. 342, Jur. Liège, 1973-1974, 192, Rev. not. belge, 1975, 525, ordonnance dans laquelle le juge ne s'exprime pas correctement lorsqu'il écrit que la femme doit être autorisée par le conseil de famille du mari; - comp. : DELVA, <c Over de hande­lingsbekwaamheid en de bevoegdheid oro de ·huwelijksvermogens te verbinden van echtgenoten van wie een minderjarig is )), Tijds. not., 1966, p. 2 à 8; DE BussCHERE, op. cit. (n° 42, note 3), no 14.

44. - (1) 8 mars 1973, R. W., 1974-1975, 1401. (2) Rappr. ci-dessus, no 31.

45. - (1) Bruxelles, 20 avril 1972, R._.W., 1973~1974, 544.

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si l'interdiction avait été prononcée - et non seulement pro­voquée - avant le décès de leur auteur (2).

2° Aliénés internés ou ·séquestrés.

· 46. L'ADMISSION DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ALIÉNÉS. Il n'est pas douteux, dit la cour de Bruxelles, qu'est<< personne intéressée>> au sens de l'article 7, 5°, de la loi sur les aliénés, le notaire chargé par la famille de liquider une succession à laquelle est appelé un aliéné : il répond de la régularité des opérations et il agit pour le compte des parents les plus proches. Par suite, le médecin qui lui décrit l'état du malade ne viole pas le secret professionnel : il livre une révélation prescrite par l'article 8 de la loi susdite ( 1).

Il est d'ailleurs certain que le certificat peut être délivré par le médecin traitant, car la loi n'exclut que les médecins (1 attachés à l'établissement>>. Son auteur doit certes avoir examiné et interrogé le malade. Mais<< aucun texte n'exige que cet examen ait lieu le jour de la collocation>> (2).

Il n'appartient pas au conseil d'Etat d'apprécier l'état mental du malade <<colloqué>> en vertu des articles 7, 3°, des lois du 18 juin 1850 et du 28 décembre 1873 et 95 de la loi communale, fût-ce pour vérifier s'il était <<insensé>> ou <<furieux>>, car << c'est le président du tribunal qui est juge des décisions relatives au contrôle de l'état mental d'une personne placée dans un établisse­ment d'aliénés>>. Quant au collège des bourgmestre et échevins, rien ne l'oblige à constater lui-même que l'infirme est<< insensé>> ou <<furieux>> au sens dudit article 95 (3).

47. DEMANDE EN DIVORCE CONTRE L'INFIRME. - ADMI­NISTRATION PROVISOIRE, LIBÉRATION À L'ESSAI ET TRAITEMENT EN <<SERVICE ouvERT>>. - La présomption juris tantum de démence établie par l'article 34 de la loi sur les aliénés n'a pas seulement trait à l'annulation des actes patrimoniaux; elle interdit également de poursuivre contre l'infirme les procédures

(2) Marche-en-Famenne, 8 août 1974, Jur.. Liège, 1974-1975, 36; Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2791 à 2798.

46. - (1) Bruxelles, 3 janvier 1972, Pas., 1972, II, 56. (2) Cons. Etat, 10 février 1972, Fincken, Ar1·. et av., 1972, n° 15158, p. 100. (3) Cons. Etat, 10 février 1972, précité.

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qui, telle l'action en divorce, supposent que le défendeur est en fait apte à manifester sa volonté (1).

Quant aux pouvoirs de l'administrateur p~·ovisoire, ils ne cessent ni quand l'infirme <<sort à l'essai>> (2) ni quand il est soigné <<en service ouvert>> (3). Aussi bien <<la présomption de démence résultant de la collocation n'est anéantie que par la constatation administrative ou judiciaire qu'il y a guérison ou qu'il n'y a pas d'aliénation mentale>> (4).

3° Minorité prolongée.

48. DÉCLARATION D]j MINORITÉ PROLONGÉE. - REQUÊTE D]j

L'UN DES PÈRE ET MÈRE DIVORCÉS. - CONDITION DE FOND. -

L'article 487ter porte que la requête relative au mineur peut être signée des père et mère ou de l'un d'eux, et puisqu'il ne fait aucune distinction, la règle s'applique aux parents naturels comme aux légitimes, à ceux qui sont divor,cés comme à ceux qui sont mariés, aux époux séparés de corps ou séparés de fait comme à ceux qui ne le sont pas ( 1). Doit donc être reçue la demande d'une mère divorcée et gardienne de l'arriéré; elle serait recevable même si la garde était confiée au père (2).

Jugé d'ailleurs que doit être déclaré mineur prolongé un jeune homme de 20 ans dont le niveau mental ne dépasse pas celui d'un enfant de quelques années, qui est atteint ((d'une oligophrénie assez marquée>> et auqule le certificat d'un psy­chiatre attribue le Q.I. 41 (3).

49. SUBSTITUTION DE LA TUTELLE À LA PUISSANCE PARENTALE.

- Elle sera demandée en même temps que la minorité prolongée ou ultérieurement, et il n'importe d'ailleurs que l'infirme ait

47. - (1) Gand, 14 février 1974, R. W., 1973-1974, 2442; -contra, quant à cette condition, cette Revue, 1962, p. 87 à 91, n° 44.

(2) Civ. Bruxelles, 22 septembre 1971, Journ. trib., 1972, 156. (3) Bruges, ll mars 1975, R. W., 1974-1975, 2600, note RuYs. (4) Civ. Bruxelles, 22 septembre 1971, précité (note 2);- comp., quant à la nomina­

tion d'un administrateur provisoire pendant la période de libération à l'essai, civ. Bruxelles, 21 février 1964, cette Revue, 1971, p. 343, n° 103.

48. - (1) VIEUJEAN, <<La minorité prolongée 1>, Ann. droit Liège, 1977, p. 15 à 71, n° 4.

(2) Civ. Liège, ll janvier 1974, Jur. Liège, 1973-1974, 195 : le certificat du médecin est établi suivant une formule rédigée par le tribunal et dont le jugement reproduit le texte.

(3) Civ. Liège, ll janvier 1974, précité.

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moins de 21 ans ou qu'il ait perdu l'un de ses père et mère ( 1). Aussi bien l'histoire de l'article 487quater montre que le complé­ment circonstantiel - << du vivant des père et mère >> - par lequel débute la première phrase est sans rapport avec la seconde, et la mesure n'est pas sans portée à l'égard du survivant : elle le prive à la fois de sa tutelle légale et de l'autorité que l'article 373 lui accordait sur la personne du prolongé (2).

4° Interdiction et conseil judiciaire.

50. PRocÉDURE. - On enseigne généralement que, <<l'inter­diction étant, dans notre droit, surtout justifiée pour sauvegarder le patrimoine de l'interdit, qui doit revenir à sa famille, il y a lieu de limiter le droit d'agir au quatrième degré, le droit de succession n'existant plus au-delà>> (1). Prenant le motif à la lettre, une femme se prétend habile à faire interdire un parent au cinquième degré : elle représente feu son père ici comme en matière de succession. La cour de Bruxelles répond que le droit de provoquer l'interdiction est << strictement personnel >>, qu' << il ne se conçoit pas d'introduire, en une matière intéressant au premier chef l'état des personnes, une technique prévue en matière de dévolution successorale>> et que, l'appelant étant marié et vivant avec son épouse, <<l'intimée ne justifie p~s, à suffisance de. droit, d'un intérêt moral ou patrimonial l'autorisant à agir>> (2).

L'affaire suscitait une autre difficulté : la procédure en était encore au stade de l'article 1242 du Code judiciaire, et l'appelant n'était pas à la cause. L'appel est néanmoins jugé recevable. Mais l'arrêt est cassé : c'est seulement <<à partir du dépôt du rapport psychiatrique >> que<< celui dont on demande l'interdiction devient défendeur à l'action>> et que<< la voie de l'appel lui est ... ouverte>>; il ne disposait donc en l'espèce que de la tierce opposi­tion (3).

49. - (1) Sur ce dernier point, voy. Bruxelles, 28 mai 1974, Journ. trib., 1974, 516, note MAssoN, Pas., 1975, II, 28, avis BASOH, Rev. not. belge, 1974, 581.

(2) VIEUJEAN, op. cit. (n° 48, note 1), n° 32 et les références citées.

50. - (1) DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 36 éd., n° 319. (2) Bruxelles, 29 mai 1970, Pas., 1971, II, 10. (3) Casa., 2 mars 1972, Pas., 1972, I, 599, Journ. trib., 1972, 518, R. W., 1972-1973,

.303;- adde DUPoNT,« Nouveaux aspects de la procédure de l'interdiction judiciaire •·

.Journ. lrib., 1970, p. 21 à. 25, spécialement n° 24.

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Si le requérant demande d'emblée la nomination d'un conseil judiciaire, il ressort de l'article 514 nouveau du Code civil que la procédure ne comporte pas d'examen psychiatrique dans sa première phase. Mais quand elle devient contradictoire, le tribunal peut, conformément au droit commun, ordonner, même d'office, une expertise (4).

Quant à la sanction de l'article 1243, alinéa 2, du Code judi;. ciaire, le tribunal de Bruxelles << tient pour nulle >> la délibération d'un conseil de famille parce que l'épouse du défendeur avait pris part au vote malgré sa qualité de demanderesse; << il n'y a dès lors pas lieu>>, dit-il, <<de donner suite actuellement à la requête ... tendant à la désignation d'un ou de plusieurs médecins neuro-psyohiatres >> (5).

Enfin, la cour de Bruxelles annule une ordonnance <<prononcée, suivant ses énonciations, en chambre du conseil>> et dans laquelle le premier juge refusait la mainlevée d'une mise sous conseil judiciaire : <<Dans le domaine de ces procédures particulières, on distingue les règles formulées d'une manière impérative et celles formulées d'une manière facultative>>; or l'obligation éta­blie par l'article 1249 du Code judiciaire <<appartient aux pre­mières et doit d'autant plus être considérée comme prescrite à peine de nullité qu'elle applique le principe constitutionnel de la publicité des jugements>> (6).

51. AcTES ANTÉRIEURS À L'INTERDICTION. - NoTORIÉTÉ DE

LA DÉMENCE. - Suivant un arrêt de rejet du 28 janvier 1972, l'état d'imbécillité ou de démence est notoire au sens de l'ar­ticle 503 quand il est<< connu dans le milieu auquel appartient la personne intéressée >> ( 1). Le pourvoi soutenait que le trouble doit être<< connu de tous, et donc du public>> (2) et non seulement

(4) Civ. Liège, 14 juin 1974, Jur. Liège, 1974-1975, 234 : la défenderesse faisait défaut et il avait été impossible de l'interroger,

{5) Civ. Bruxelles, 7 mars 1969, Pas., 1969, III, 86, Journ. t1·ib., 1970, 208, note anonyme, dont l'auteur conclut que le juge <<bloque)) la procédure mais n'annule pas la délibération. Où est la différence ? La nullité est la sanction qui rend inefficace l'acte irrégulier. Or en l'espèce, la délibération est privée de tout effet, et le juge affirme d'ailleurs qu'il importe de la<< tenir pour nulle)>; - comp., au sujet de la sanction, l'article 860 du Code judiciaire et cette Revue, 1971, p. 339, n° lOI, c.

(6) Bruxelles, 24 mai 1972, Pas., 1972, II, 153, citant, à propos de la distinction ainsi faite, DELARAYE, <<Le conseil judiciaire suivant le Code judiciaire)), Ann. not. el enr., 1970, p. 197 à 214, spécialement n°· 8.

·51. - {l) Cass., 28 janvier 1972, Pas., 1972, I, 515, Rev. not. belge, 1974, 274. (2) Voy. et comp. : DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 3e éd., n° 363, 2°; Novellea,

Droit civil, t, IV-1, n° 2781; cette Revue, 1966, p. 235, :Ù0 54, et 1971; p. 341, n° 102.

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de la famille et que pareille connaissance ne peut être su:ffisam­ment établie par le fait que des proches ont placé le malade dans un établissement psychiatrique. Mais la cour de cassation répond: <<En déduisant le caractère notoire de l'état mental de M.S. de son placement dan~ un établissement psychiatrique, l'arrêt constate que, dans l'opinion de la cour d'appel, cette situation était connue de son milieu>>.

52. VALIDITÉ ET PAIEMENT DES ACHATS DU PRODIGUE. -

Une prodigue ayant acheté un <<frigidaire>> et un aspirateur, le tribunal de Bruxelles juge que l'acte est valable mais que la défenderesse ne sera poursuivie que sur ses revenus. Aussi bien, dit-il, le prodigue<< ne pouvant aliéner son capital, la seule manière de concilier son engagement avec le principe de la non-aliénabilité de son capital consiste à l'obliger à payer à l'aide de ses revenus, l'article 7 de la loi hypothécaire ne visant que les personnes entièrement capables et aptes à disposer de leurs biens >> ( 1).

L'erreur est grossière, et l'on a observé de longue date que <<limiter l'exécution forcée aux revenus serait non seulement illégal, mais injustifiable>> (2). L'incapacité est une inaptitude légale à consentir et non une immunité contre les obligations régulièrement nées. Partant, le juge n'avait qu'une question à se poser : la défenderesse était-elle légalement apte à conclure les achats contestés ? Le jugement répond notamment que << frigidaire >> et aspirateur sont << destinés par définition à de la conservation>>. C'est peut-être un jeu de mots spirituel, mais sûrement pas un bon motif, et le tribunal est mieux inspiré lorsqu'il ajoute que les engagements de la défenderesse relèvent de l'administration, <<compte tenu de son rang social, de son train de vie, de sa fortune>> (3).

(A suivre)

52. - (1) Civ. Bruxelles, 24 décembre 1970, Journ. trib., 1971, 169. (2) DE PAGE, Traité élémentaire, t. II, 3e éd., n° 436;- adde notamment Novelles,

Droit civil, t. IV-1, nos 2945 à 2950. (3) Voy. et comp. : DE PAGE, op. cit., n° 420; Novelles, Droit civil, t. IV-1, nos 2913 à.

2922.

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