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Le Praticien en anesthésie réanimation (2013) 17, 152—156 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com RUBRIQUE PRATIQUE Faut-il faire des tests de grossesse en préopératoire ? Preoperative pregnancy testing: Is it necessary? Mourad Bensalah a,1 , Guillaume Ducarme b , Marie-Pierre Bonnet c , Nathalie Nathan d , Guy Aya e , Hawa Keïta f,,g a Département d’anesthésie-réanimation, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France b Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier départemental, 85000 La-Roche-sur-Yon, France c Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Cochin, AP—HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris, France d Service d’anesthésie-réanimation, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 84042 Limoges cedex, France e Département anesthésie douleur, complexe hospitalo-universitaire Caremeau, place du Professeur-Robert-Debré, 30029 Nîmes cedex 09, France f Service d’anesthésie, CHU Louis-Mourier, AP—HP, 178, rue des Renouillers, 92701 Colombes cedex, France g Université Paris Diderot, Paris-7, 5, rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, France MOTS CLÉS Grossesse ; Hormone chorionique gonadotrope ; Examens biologiques préopératoire Résumé Le nombre d’anesthésies réalisées chez des femmes ayant une grossesse méconnue est estimé entre 0,15 % et 2,2 % de l’ensemble des interventions effectuées chez les femmes en âge de procréer. Une chirurgie réalisée chez une femme enceinte est potentiellement à risque de complications maternelles et/ou embryofœtales. Il est donc important en cas de dépistage d’une grossesse méconnue, d’avoir la possibilité de discuter des risques avec une patiente infor- mée et d’adapter les techniques chirurgicales et anesthésiques le cas échéant. S’il est établi que les agents anesthésiques utilisés aux concentrations cliniques et dans le respect de la phy- siologie maternelle ne sont pas tératogènes, les risques de fausses couche ou d’accouchements prématurés sont augmentés par la chirurgie et l’anesthésie en cours de grossesse. De fait, de nombreuses sociétés savantes y compris la Société franc ¸aise d’anesthésie et de réanima- tion (Sfar) préconisent aujourd’hui un dépistage systématique de la grossesse chez les femmes en âge de procréer avant tout acte nécessitant une anesthésie. Ce dépistage s’appuie dans un premier temps sur un interrogatoire ciblé afin de préciser l’éventualité d’une grossesse. S’il existe un doute, le recours à un dosage plasmatique de la sous-unité de l’hormone Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Keïta). 1 Photo. 1279-7960/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2013.04.010

Faut-il faire des tests de grossesse en préopératoire ?

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e Praticien en anesthésie réanimation (2013) 17, 152—156

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

UBRIQUE PRATIQUE

aut-il faire des tests de grossesse en préopératoire ?

reoperative pregnancy testing: Is it necessary?

Mourad Bensalaha,1, Guillaume Ducarmeb,Marie-Pierre Bonnetc, Nathalie Nathand, Guy Ayae,Hawa Keïta f,∗,g

a Département d’anesthésie-réanimation, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenueHenri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, Franceb Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier départemental, 85000La-Roche-sur-Yon, Francec Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Cochin, AP—HP, 27, rue duFaubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris, Franced Service d’anesthésie-réanimation, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 84042Limoges cedex, Francee Département anesthésie douleur, complexe hospitalo-universitaire Caremeau, place duProfesseur-Robert-Debré, 30029 Nîmes cedex 09, Francef Service d’anesthésie, CHU Louis-Mourier, AP—HP, 178, rue des Renouillers, 92701 Colombescedex, Franceg Université Paris Diderot, Paris-7, 5, rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, France

MOTS CLÉSGrossesse ;Hormone chorioniquegonadotrope ;Examens biologiquespréopératoire

Résumé Le nombre d’anesthésies réalisées chez des femmes ayant une grossesse méconnueest estimé entre 0,15 % et 2,2 % de l’ensemble des interventions effectuées chez les femmes enâge de procréer. Une chirurgie réalisée chez une femme enceinte est potentiellement à risquede complications maternelles et/ou embryofœtales. Il est donc important en cas de dépistaged’une grossesse méconnue, d’avoir la possibilité de discuter des risques avec une patiente infor-mée et d’adapter les techniques chirurgicales et anesthésiques le cas échéant. S’il est établique les agents anesthésiques utilisés aux concentrations cliniques et dans le respect de la phy-siologie maternelle ne sont pas tératogènes, les risques de fausses couche ou d’accouchementsprématurés sont augmentés par la chirurgie et l’anesthésie en cours de grossesse. De fait,

de nombreuses sociétés savantes y compris la Société francaise d’anesthésie et de réanima-tion (Sfar) préconisent aujourd’hui un dépistage systématique de la grossesse chez les femmesen âge de procréer avant tout acte nécessitant une anesthésie. Ce dépistage s’appuie dans un premier temps sur un interrogatoire ciblé afin de préciser l’éventualité d’une grossesse.S’il existe un doute, le recours à un dosage plasmatique de la sous-unité � de l’hormone

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (H. Keïta).

1 Photo.

279-7960/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2013.04.010

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chorionique gonadotrope (test de sensibilité et de spécificité de 100 %) après consentementde la patiente, est recommandé. En cas de confirmation de la grossesse, et en fonction de labalance du bénéfice/risque maternofœtal, le report de l’intervention doit être envisagé chaquefois que possible.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSPregnancy;� human chorionicgonadotrophin (bCG);Preoperative biologictesting

Summary Anaesthetic procedures performed in undiagnosed pregnant women range between0.15 and 2.2% of all procedures performed in potentially breeding women. There is a risk ofmaternal and/or foetal complication in any anaesthetic procedure performed in a pregnantwoman. Diagnosis of pregnancy before anaesthesia is worth performing in women at risk. Therisk of premature delivery or abortion is indeed increase after anaesthesia although foetalteratogenicity of anaesthetic agents is not documented. Several anaesthetic societies includingthe French society of anaesthesia and intensive care recommend a systematic performance ofpregnancy testing in women susceptible to be pregnant before anaesthesia. The diagnosis isbased first on questioning about the opportunity of pregnancy and then after on plasma �HCGmeasurement (100% sensitivity and specificity) after obtaining informed consent. In pregnantwomen, surgery must be cancelled whenever possible.

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© 2013 Elsevier Masson SAS.

La version audio de cet article est disponible en podcast(Annexe 1 en fin d’article).

Introduction

La chirurgie réalisée chez la femme enceinte peut êtreà l’origine de complications maternelles et/ou embryofœ-tales [1—3]. L’objectif du dépistage d’une grossesseméconnue est, en cas de positivité, de pouvoir discuter desrisques avec une patiente informée et d’adapter la conduiteà tenir. Ainsi, l’intervention pourra dans certains cas êtrereportée et les techniques chirurgicales et anesthésiquesadaptées. Si des précautions sont habituellement prisespour diagnostiquer une grossesse chez une patiente asymp-tomatique avant les procédures gynécologiques ou cellesimpliquant des radiations ionisantes, c’est à l’heure actuelletrès rarement le cas pour d’autres procédures. Pourtant,parmi les interventions chirurgicales réalisées chez desfemmes en âge de procréer, l’incidence des interventionsréalisées chez des femmes avec une grossesse méconnue estestimée entre 0,3 % et 2,4 % [4—6]. Il s’agit donc là d’uneréelle problématique de santé publique.

La réalisation en routine des tests de dépistage degrossesse en préopératoire, particulièrement chez les ado-lescentes, fait l’objet de discussions.

Parmi les arguments en faveur des tests systématiques,on retiendra :• l’absence de fiabilité de l’interrogatoire et de l’examen

clinique des patientes pour exclure une grossesse ;• le risque potentiel de complications ou de pertes fœtales ;• les complications maternelles en lien avec les modifica-

tions physiologiques induites par la grossesse ;

• les conséquences médicolégales d’une chirurgie qui aurait

pu être différée.

Les arguments avancés contre sont :

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l’absence de démonstration d’un bénéfice coût/efficacitédes tests de dépistages réalisés en préopératoires ;la possibilité d’embarrasser ou d’irriter les patienteset/ou les parents ;l’absence de lien clair entre une exposition unique auxagents anesthésiques et d’hypothétiques complicationsmaternofœtales ;les aspects éthiques et légaux concernant les tests degrossesse et les consentements, particulièrement chez lespatientes mineures.

Il n’en demeure pas moins que trèsrécemment et à l’instar d’autres sociétés

savantes, la Société francaised’anesthésie-réanimation (Sfar) a recommandé

le dépistage systématique de la grossesse enpréopératoire dans le cadre de recommandation

formalisées d’experts [7—9].

Ce texte discutera brièvement les risques de la chirur-ie et de l’anesthésie au cours de la grossesse et reprendra’argumentaire qui a conduit aux recommandations pour unépistage pré-interventionnel systématique de la grossessehez les femmes en âge de procréer, ainsi que les moyensetenus pour ce dépistage [9].

isques de la chirurgie et de l’anesthésieu cours de la grossesse

l existe très peu de données dans la littérature sur les consé-uences d’actes chirurgicaux réalisés dans le contexte derossesses méconnues et les données sur les aspects juris-rudentiels en la matière sont rares également.

En avril 2010, en Angleterre, le National Patient Safetygency rapportait 42 cas de patientes enceintes ayant eune intervention chirurgicale programmée entre octobre003 et novembre 2009, alors qu’il n’y avait eu aucun

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épistage de la grossesse par quelque moyen que ce soit10]. Trois fausses couches étaient survenues à l’issue dea chirurgie (soit un taux d’environ 7 %) [10,11]. Ce chiffrest à mettre en balance avec le risque de fausses couchespontanées qui est estimé jusqu’à 31 % [12]. Néanmoins, cesonstatations ont conduit le National Health Service à rappe-er les recommandations de dépistage systématique établitar le National Institute for Health and Clinical ExcellenceNICE) en 2003 [7].

Les données sur les risques liés à la chirurgie et à’anesthésie au cours de la grossesse font l’objet de contro-erses dans la littérature [1—3,13]. Néanmoins, la prisen charge de la femme enceinte devra assurer de prin-ipe l’anesthésie la plus sûre pour la mère et l’enfant. Laécurité maternelle passe par une prise en compte des adap-ations physiologiques liées à la grossesse [14]. Celle duœtus passe par une prise en compte des risques térato-ènes, prédominant au premier trimestre de la grossesse,ais également du risque d’hypoxie fœtale et de fausses

ouches ou d’accouchements prématurés.Tous les agents anesthésiques à un degré plus ou moins

mportant affectent les signaux intra et intercellulairest ont des effets démontrés sur la mitose cellulaire eta synthèse de l’ADN [15—17]. Ces systèmes de signa-isation intracellulaires étant largement impliqués dansa différentiation cellulaire et l’organogenèse, les agentsnesthésiques sont donc en théorie tous potentiellementératogènes. Pour autant, le risque tératogène est déter-iné par d’autres paramètres comme la dose administrée, laurée d’administration et le moment de l’administration parapport au terme de la grossesse. Le moment de l’expositionst donc déterminant. Durant les 15 premiers jours de gros-esse, c’est un phénomène de « tout au rien » : soit il survientne perte fœtale, soit le fœtus est préservé et sans atteinte.u moment de l’organogenèse (15e—56e jours), des anoma-

ies structurelles peuvent survenir. Après cette période, desltérations fonctionnelles peuvent être observées alors quees anomalies structurelles sont plus rares [14]. En raisones limites éthiques et également des contraintes méthodo-ogiques secondaires au nombre très important de femmesnceintes à inclure pour déterminer les risques fœtaux de’anesthésie, les études prospectives ne sont pas réalisables.e fait, la plupart des données disponibles proviennent’études animales, de cas ou de petites séries sur des expo-itions accidentelles de femmes enceintes ou encore deegistres. Si la plupart des agents anesthésiques ont étéécrits comme étant tératogènes chez plusieurs espècesnimales, et ce à forte concentration ou après une adminis-ration directe au fœtus, ces agents sont sans risque danses conditions d’utilisation clinique.

Ainsi, il est maintenant bien établit que lesanesthésiques locaux, les anesthésiques volatils,les hypnotiques intraveineux, les myorelaxants

et les opioïdes ne sont pas tératogènes lorsqu’ilssont utilisés aux concentrations cliniques et

lorsque la physiologie maternelle est respectée.

Il faut de plus garder en mémoire l’incidence des mal-ormations congénitales qui est de l’ordre de 3 % dans les

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M. Bensalah et al.

ays industrialisés [17]. Des questions restaient cependantn suspend pour le dioxyde d’azote (N2O) et les benzodia-épines. En effet, sur des modèles animaux, le N2O sembleesponsable de malformations fœtales. Parmi les hypothèsesvancées pour expliquer ce risque, on retiendra le rôleossible du N2O dans l’inactivation de la méthionine synthé-ase via une oxydation de la vitamine B12 (son cofacteur).ela aurait pour conséquence une inhibition de la synthèse’ADN et de la division cellulaire [18]. Chez le rat, uneugmentation des morts fœtales in utero ou de l’incidencee malformations du squelette n’est en fait observée queans le cas d’une administration continue, prolongée de N2Ode 24 heures à plus de sept jours) et à forte concentrationsupérieure à 50 %), situation très peu représentative d’unenesthésie générale chez une femme enceinte [19,20]. Chez’homme, aucune malformation imputable au N2O n’a étéapportée à ce jour, malgré le nombre considérable deatientes exposées.

L’augmentation supposée de l’incidence des fentes pala-ines après administration de benzodiazépines a finalementté remise en question [21].

La prévention de l’hypoxie fœtale pendant la chirurgiest un élément déterminant de la prise en charge pour limi-er le risque fœtal. Pour cela, le maintien d’une oxygénationt d’une hémodynamique maternelles satisfaisantes est uneriorité. La prévention des épisodes d’hypoxie, d’hyper-u d’hypocapnie, d’hypotension maternelle ou d’hypertonietérine en périopératoire est indispensable. Ce point estrès certainement plus important que la problématique dea tératogénicité des agents anesthésiques.

Les fausses couches ou les accouchements prématurésont d’autres risques de la chirurgie au cours de la gros-esse. En effet, ces risques augmentent, surtout après leshirurgies intra-abdominales [1,2,13]. Les manipulations de’utérus doivent être évitées au maximum pour ne pasnduire de contractions. La prévention des contractions uté-ines par les tocolytiques fait l’objet de controverses enaison des risques maternelles de ces agents et de l’absence’efficacité prouvée pour la chirurgie non obstétricale [14].

rgumentaires des recommandationsormalisées d’experts pour le dépistageré-interventionnel de la grossesse

a détection préopératoire systématique de la grossesse’est pas la règle en France et il est difficile de connaître leaux de procédures anesthésiques et chirurgicales réaliséeslors que la patiente présentait une grossesse méconnueors de la procédure. La littérature anglo-saxonne retrouvees taux de détection de grossesses méconnues au momente la chirurgie entre 0 et 5 % des interventions chez lesemmes en âge de procréer [4—6,22—28]. Il est importante noter que lorsqu’une grossesse est dépistée avant la chi-urgie, ce diagnostic conduit à un changement de la prise enharge (annulation ou report) pour 43 à 100 % des patientesn fonction des études [4—6,22—28]. L’impact en termes

’organisation des soins est donc important.

Pour détecter une grossesse, différents moyens sont dis-onibles. Il est possible de recourir à un questionnaire et/oues tests biologiques, urinaires ou sanguins. Le recours à

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des questions (ou à un questionnaire) standardisées sys-tématiques avant toute chirurgie a été retenue dans lesrecommandations anglaises [7]. Les questions posées sont :la date des dernières règles et la possibilité d’être enceinted’après la patiente. En présence d’une possibilité de gros-sesse retrouvée à l’interrogatoire, les recommandationsanglaises sont de réaliser un dépistage biologique avant lachirurgie et ce après avoir obtenu le consentement de lapatiente [7]. D’autres questions peuvent être formulées,comme le fait d’avoir une activité sexuelle et le moyen decontraception utilisé par la patiente [6,26]. Ces deux notionsrejoignent la question de la possibilité de grossesse d’aprèsla patiente.

L’autre possibilité est de réaliser un dosage systématiquede la sous-unité � de l’hormone chorionique gonadotrope(�-HCG) sanguin ou urinaire avant toute intervention chirur-gicale chez une femme en âge de procréer. Cette attitudeest celle retenue par les recommandations américaines édi-tées en 2002 par l’American Society of Anesthesiologists TaskForce qui indiquaient que, devant la faible valeur prédictivede l’interrogatoire et de l’examen clinique, le dépistagebiologique de grossesse devait être réalisé systématique-ment avant toute chirurgie pour toute femme en âge deprocréer [8]. En effet, les séries publiées sur le dépistagepréopératoire de grossesse avec questions préalables, rap-portent qu’aucun des cas de grossesses dépistées dans cesétudes n’avait été suspecté par l’interrogatoire [25—28].En 2003 aux États-Unis, un amendement à visée éthique,préconisait que toutes les femmes en âge de procréer sevoient proposer un test de grossesse avant chirurgie et quece test ne soit réalisé qu’après accord préalable des femmesconcernées [8].

Le test urinaire de grossesse a été la méthode biolo-gique de dépistage utilisée seule ou en association dansla quasi-totalité des études publiées. Ce test a un coûtqui varie entre 7 et 20 D , une spécificité de 99,5 % etune sensibilité de 99,3 % si la concentration urinaire de�HCG est supérieure à 50 mUI/mL. Cependant, le testurinaire peut être négatif pour une grossesse toute débu-tante. Wilcox et al. ont très bien démontré que 10 % desgrossesses cliniques n’étaient pas détectées par un testurinaire, pourtant ultrasensible, si ce test était fait tropprécocement par rapport au retard de règles (moins d’unesemaine après) [29]. Cette étude a été confirmée par Coleet al. qui avaient évalué six tests urinaires de grossesse[30]. Par ailleurs, la mauvaise valeur prédictive positivedu test urinaire (33 %) est également problématique carcela peut induire des annulations et des reports injustifiésd’interventions chirurgicales [6,31]. Pour autant, le dépis-tage urinaire reste dans la plupart des publications (et enpratique courante) la méthode retenue dans le cadre dela chirurgie ambulatoire, car il permet d’obtenir un résul-tat immédiat, mais non idéal, pour dépister une grossesse[32].

La fiabilité d’un test sanguin de grossesse est bien supé-rieure à celle d’un test de grossesse urinaire, avec unesensibilité et une spécificité proches de 100 %, pour un coûtd’environ 20 D . Ce coût plus important fait que son utilisa-tion n’est pas recommandée en cas de politique de dépistage

systématique. Il serait plus intéressant dans le contexte deprescription ciblée chez des femmes rapportant la possibi-lité d’une grossesse éventuelle.

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Les éléments de cet argumentaire ont conduit la Sfar àdicter en 2012 les recommandations suivantes :

• « Il est recommandé de poser la question àtoute femme en âge de procréer sur sa méthodeéventuelle de contraception et s’il existe unepossibilité qu’elle soit enceinte avant tout actenécessitant une anesthésie (Grade 1+).

• Si, à l’interrogatoire, il existe une possibilitéde grossesse, il est recommandé de prescrireun dosage plasmatique des �HCG après avoirobtenu le consentement de la patiente (Grade1+).

• Si le résultat des �HCG plasmatiques estpositif, il est recommandé de reporterl’intervention chaque fois que possible (Grade1+). »

onclusion

e nombre de femme en âge de procréer se présentantour une chirurgie avec une grossesse méconnue sembleon négligeable même s’il n’est pas précisément identifié.ette situation concernerait entre 0,3 % et 2,2 % des inter-entions réalisées chez des femmes en âge de procréer.a chirurgie et l’anesthésie au cours de la grossesse sontotentiellement à risque pour la mère et le fœtus. Danse contexte, un dépistage systématique de la grossesse enréopératoire est recommandé afin d’adapter la prise enharge en cas de positivité. Les recommandations actuellesréconisent dans un premier temps un interrogatoire cibléfin de préciser l’éventualité d’une grossesse. S’il existe unoute, le recours à un dosage plasmatique des � HCG aprèsvoir obtenu le consentement de la patiente est recom-andé. En cas de confirmation de la grossesse, le report de

’intervention sera envisagé chaque fois que possible. Cetteécision devra cependant prendre en compte le bénéfice ete risque maternofœtal.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

nnexe 1. Matériel complémentaire

e matériel complémentaire (version audio de cet articleformat mp3]) accompagnant la version en ligne de cetrticle est disponible sur http://www.sciencedirect.com etttp://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2013.04.010.

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