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Université Paris-Sorbonne Année universitaire 2016-2017 LEA – Deuxième année de licence Premier semestre Initiation au droit Cours de M. Emmanuel Breen Chargés de TD : Mme Marthe-Elisabeth Oppelt, Me Pascal Trésor et Me David Ramirez Moncada Fiche n° 4 : La Constitution, la loi et le règlement 1/ Les mots du droit · Acte administratif, règlement : les textes émanant de l'Administration et qui ne sont pas votés par le Parlement ont une valeur inférieure à la loi et s'appellent les actes administratifs. Un acte administratif peut être soit de portée individuelle soit, et on parle alors de règlement, de portée générale. · Constitution, constitutionnel, anticonstitutionnel, inconstitutionnel : La Constitution est l'ensemble des règles suprêmes qui fondent un ordre juridique. Est constitutionnel ce qui est relatif à la Constitution. Est anticonstitutionnel, ou inconstitutionnel, ce qui n'est pas conforme à la Constitution. Il n'y a pas de mot spécial pour désigner ce qui est conforme à la Constitution. · Loi, législateur, législation, législatif, légal : La loi est l'œuvre du législateur, autrement dit du Parlement ou du peuple statuant par referendum. La législation est l'ensemble des lois. Est légal ce qui est conforme à la loi, illégal ce qui ne l'est pas, alors qu'on dit licite ce qui, de manière plus générale, est conforme au droit et illicite ce qui ne l'est pas. · Ordre juridique : Un ordre juridique est un ensemble de règles de droit organisées hiérarchiquement. On distingue traditionnellement l'ordre juridique international (les conventions internationales) de l'ordre juridique interne (la Constitution, la loi et les actes administratifs). Evitons les confusions : il y a en droit interne français deux ordres de juridictions, mais un seul ordre juridique. Par contre, à l'ordre juridique interne français se superpose l'ordre juridique international. 2/ Un site internet indispensable pour les juristes français http://www.legifrance.gouv.fr Vous y trouverez : · tous les textes juridiques internes français · la jurisprudence constitutionnelle, administrative et judiciaire · de très nombreuses informations et de très nombreux liens utiles 3 / Pour aller plus loin ... Vous pouvez vous reporter aux passages pertinents des manuels d'introduction au droit cités dans la fiche n°1. V. aussi B. Mathieu, La loi, Dalloz, coll. Connaissance du droit. - Constitution de la République française, Texte intégral présenté par F. Mélin-Soucramanien, Dalloz (2€) - C. Maugüé, J.-H. Stahl, La question prioritaire de constitutionnalité, Dalloz, coll. Connaissance du droit 1

Fiche n° 4 : La Constitution, la loi et le règlement · le respect de plusieurs dispositions de la Charte de l’environnement dans le cadre de l’examen de la constitutionnalité

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Page 1: Fiche n° 4 : La Constitution, la loi et le règlement · le respect de plusieurs dispositions de la Charte de l’environnement dans le cadre de l’examen de la constitutionnalité

Université Paris-SorbonneAnnée universitaire 2016-2017LEA – Deuxième année de licencePremier semestre

Initiation au droitCours de M. Emmanuel Breen

Chargés de TD : Mme Marthe-Elisabeth Oppelt,Me Pascal Trésor et Me David Ramirez Moncada

Fiche n° 4 : La Constitution, la loi et le règlement

1/ Les mots du droit

· Acte administratif, règlement : les textes émanant de l'Administration et qui ne sont pasvotés par le Parlement ont une valeur inférieure à la loi et s'appellent les actesadministratifs. Un acte administratif peut être soit de portée individuelle soit, et on parlealors de règlement, de portée générale.

· Constitution, constitutionnel, anticonstitutionnel, inconstitutionnel : L a Constitutionest l'ensemble des règles suprêmes qui fondent un ordre juridique. Est constitutionnel cequi est relatif à la Constitution. Est anticonstitutionnel, ou inconstitutionnel, ce qui n'estpas conforme à la Constitution. Il n'y a pas de mot spécial pour désigner ce qui estconforme à la Constitution.

· Loi, législateur, législation, législatif, légal : La loi est l'œuvre du législateur, autrementdit du Parlement ou du peuple statuant par referendum. La législation est l'ensemble deslois. Est légal ce qui est conforme à la loi, illégal ce qui ne l'est pas, alors qu'on dit licite cequi, de manière plus générale, est conforme au droit et illicite ce qui ne l'est pas.

· Ordre juridique : Un ordre juridique est un ensemble de règles de droit organiséeshiérarchiquement. On distingue traditionnellement l'ordre juridique international (lesconventions internationales) de l'ordre juridique interne (la Constitution, la loi et les actesadministratifs). Evitons les confusions : il y a en droit interne français deux ordres dejuridictions, mais un seul ordre juridique. Par contre, à l'ordre juridique interne français sesuperpose l'ordre juridique international.

2/ Un site internet indispensable pour les juristes français

http://www.legifrance.gouv.fr

Vous y trouverez :

· tous les textes juridiques internes français· la jurisprudence constitutionnelle, administrative et judiciaire· de très nombreuses informations et de très nombreux liens utiles

3 / Pour aller plus loin ...

Vous pouvez vous reporter aux passages pertinents des manuels d'introduction au droit citésdans la fiche n°1. V. aussi B. Mathieu, La loi, Dalloz, coll. Connaissance du droit. -Constitution de la République française, Texte intégral présenté par F. Mélin-Soucramanien,Dalloz (2€) - C. Maugüé, J.-H. Stahl, La question prioritaire de constitutionnalité, Dalloz, coll.Connaissance du droit

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Document 1 : présentation générale du bloc de constitutionnalité

La Constitution du 4 octobre 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, en définit leur rôle et leurs relations. Elle est lequinzième texte fondamental (ou le vingt-deuxième si l'on compte les textes qui n'ont pas été appliqués) de laFrance depuis la Révolution Française. Norme suprême de l'ordre juridique français, elle a été modifiée àvingt-quatre reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès,soit directement par le peuple à travers l'expression du référendum.

Le préambule de la Constitution, reproduit ci-dessous, renvoie directement et explicitement à trois autrestextes fondamentaux : la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, le Préambule dela Constitution du 27 octobre 1946 (la Constitution de la IVe République) et la Charte de l’environnement.La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, ainsi que le Préambule de la Constitution de 1946(reproduits dans la fiche n°7) ont une valeur constitutionnelle équivalente à la Constitution elle-même. Ondésigne collectivement la Constitution, la Déclaration des droits de l’homme, le Préambule de la Constitutiondu 27 octobre 1946 et la Charte de l'environnement par l’appellation « bloc de constitutionnalité ».

La dernière modification est la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation desinstitutions de la Ve République. Cette réforme a introduit, notamment, le mécanisme de la questionprioritaire de constitutionnalité (QPC).

Document 2 : En 1971, le Conseil constitutionnel opère une véritable « révolution juridique »

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 1er juillet 1971 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution,du texte de la loi, délibérée par l'Assemblée nationale et le Sénat et adoptée par l'Assemblée nationale,complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

Vu la Constitution et notamment son préambule ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre IIdu titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, modifiée ;

Vu la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées ;

1. Considérant que la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel a été soumise au vote des deuxassemblées, dans le respect d'une des procédures prévues par la Constitution, au cours de la session duParlement ouverte le 2 avril 1971 ;

2. Considérant qu'au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République etsolennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la libertéd'association ; que ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative aucontrat d'association ; qu'en vertu de ce principe les associations se constituent librement et peuvent être renduespubliques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesuressusceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alorsmême qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité àl'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ;

3. Considérant que, si rien n'est changé en ce qui concerne la constitution même des associations non déclarées,les dispositions de l'article 3 de la loi dont le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil constitutionnelpour examen de sa conformité à la Constitution, ont pour objet d'instituer une procédure d'après laquellel'acquisition de la capacité juridique des associations déclarées pourra être subordonnée à un contrôle préalablepar l'autorité judiciaire de leur conformité à la loi ; [VOIR SUITE PAGE 3]

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4. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 dela loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel complétant l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ainsi, parvoie de conséquence, que la disposition de la dernière phrase de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi soumise auConseil constitutionnel leur faisant référence ;

5. Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des débats auxquels ladiscussion du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que les dispositions précitées soient inséparables del'ensemble du texte de la loi soumise au Conseil ;

6. Considérant, enfin, que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune disposition de laConstitution ;

Décide :

Article premier : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 de la loi soumise àl'examen du Conseil constitutionnel complétant les dispositions de l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901 ainsi queles dispositions de l'article 1er de la loi soumise au Conseil leur faisant référence.

Article 2 : Les autres dispositions dudit texte de loi sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 3 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

(Conseil constitutionnel, décision du 16 juillet 1971 n°71-44 DC, dite “Liberté d’association”, Journal officiel du 18 juillet 1971, p. 7114)

Document 3 : En 2008, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont consacré la valeurconstitutionnelle de l’ensemble de la Charte de l’environnement

A. Conseil constitutionnel, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, loi relative auxorganismes génétiquement modifiés (commentaire de la décision)

Avec la loi sur les OGM, pour la première fois, le Conseil était saisi de griefs portant à titre principal surle respect de plusieurs dispositions de la Charte de l’environnement dans le cadre de l’examen de laconstitutionnalité d’une loi ayant elle-même un objet environnemental. C’était l’occasion, pour leConseil d’apporter des précisions sur la valeur et la portée juridique de la Charte, ainsi que sur lecontrôle exercé par le Conseil saisi en application de l’article 61 de la Constitution. a) La valeur et la portée juridique de la Charte En faisant référence dans le Préambule de la Constitution « aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 » et en plaçant ainsi cette Charte sur le même plan que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 a nécessairement entendu conférer une valeur constitutionnelle à la Charte. C’est ce que le Conseil constitutionnel a jugé par ses premières décisions précitées et qu’il rappelle solennellement à deux reprises dans la décision du 19 juin 2008, aux considérants 18 et 49 : l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement a valeur constitutionnelle.

Tous les articles de la Charte ne sont pas rédigés de manière identique. Le Conseil avait en l’espèce à seprononcer sur l’article 5, qui est rédigé de manière très précise et ne comporte pas de renvoi à la loi, etsur l’article 7 qui, comme les articles 3 et 4 de la Charte, est rédigé de manière plus générale et renvoie àla loi le soin de définir « les conditions et les limites » de son exercice. Cette invocation devant leConseil de deux articles de la Charte dont un seul, l’article 7, prévoit que le droit qu’il garantit s’exerce «

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dans les conditions et limites fixées par la loi » a conduit le Conseil a préciser la portée de la médiationlégislative ainsi introduite par le constituant. Le Conseil a jugé qu’il ressort des termes mêmes de l’article 7 qu’il n’appartient qu’au législateur depréciser « les conditions et limites » dans lesquelles s’exerce le droit de toute personne à accéder auxinformations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques, précisant que, parconséquent, ne relèvent du pouvoir réglementaire que les mesures d’application des conditions et limitesfixées par le législateur (cons. 49). Au contraire les dispositions de l’article 5 « s’imposent aux pouvoirspublics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs » (cons. 18). Le Conseil constitutionnel a ainsi pleinement mis en œuvre la volonté du constituant qui n’a pas rédigéde manière identique tous les articles de la Charte et a donc introduit des différences de portée juridique.Pour certains de ces articles, le constituant a renforcé le rôle et l’intervention du législateur. Le domainede la loi a aussi été renforcé, au détriment du domaine du règlement, par la modification de l’article 34de la Constitution aux termes duquel, désormais, « la loi détermine les principes fondamentaux… de lapréservation de l’environnement ». Il incombait au Conseil constitutionnel, comme à l’ensemble desautorités administratives et juridictionnelles, d’en tirer toutes les conséquences et de faire respecter ledomaine de la loi ainsi renouvelé. (Commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 25)

B. Conseil d'État, Assemblée, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy (synthèse de l'arrêt)

Par un arrêt d’Assemblée du 3 octobre 2008, le Conseil d'État a consacré la valeur constitutionnelle de« l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement », issue de la révisionconstitutionnelle du 1er mars 2005. Le Conseil d’État a reconnu la valeur constitutionnelle de l’ensemble deses dispositions, dont la méconnaissance peut être invoquée pour contester la légalité des décisionsadministratives. Cette décision est en harmonie avec la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2008sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État a annulé pour incompétence un décret relatif aux grands lacs demontagne, qui sont soumis à la double protection de la loi montagne et de la loi littoral. Ce décret avait étépris en application d’une loi qui visait à réduire cette protection en prévoyant que la loi littoral seraitapplicable uniquement au sein d’un périmètre restreint autour du lac, qui restait à définir selon des modalitésparticulières, et non plus sur l’ensemble du territoire des communes riveraines. Le Conseil d’État a jugé qu’ilrésultait de l’article 7 de la Charte de l’environnement que seul le législateur est compétent pour préciser les« conditions et limites » du droit de participation du public. Il a donc annulé pour incompétence le décret,dont les dispositions concourraient à l’établissement d’une procédure de consultation et de participation dansle silence de la loi, et affirmé le rôle du Parlement en matière environnementale.

(Information tirée de la Lettre de la justice administrative, n°19, novembre 2008)

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Document 4 : En 2008, une nouvelle révolution juridique, la question prioritaire de constitutionnalité

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Document 5

Extrait de :

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Document 6 : La Constitution aura-t-elle protégé Uber Pop ?(Article publié dans le journal Le Point le 16 septembre 2015)

UberPOP plaide sa cause devant le Conseil constitutionnelL'incrimination du service UberPOP est-elle inconstitutionnelle ? Et si oui, qu'en est-il parexemple du covoiturage proposé par BlaBlaCar ? Éclairage.Les dispositions qui interdisent à un opérateur de mettre en relation des passagers avec des chauffeurs qui ne sont nitaxis ni VTC, et qui les transportent moyennant finance, sont-elles conformes à la Constitution ? De cette questionprioritaire de constitutionnalité (QPC), défendue par l'avocat d'Uber France Hugues Calvet devant les sages le 15septembre, dépend le sort d'UberPOP, un service qui a par ailleurs valu à deux de ses dirigeants d'être renvoyés encorrectionnelle le 30 septembre prochain. « Mieux vaut anticiper cette nouvelle révolution industrielle que l'interdire »,a exhorté l'avocat, qui a profité du litige en concurrence déloyale qui l'oppose à trois autres sociétés de VTC auxquellesse sont jointes deux associations de taxis pour présenter sa QPC. Et celle-ci a passé le filtre des trois degrés dejuridiction pour finalement atterrir sur le bureau des sages. Le service qui fait enrager les taxis et les autres VTC a pourl'heure été suspendu dans l'attente des deux décisions à venir.

Atteinte à la liberté d'entreprendre Ce qui fâche Uber, c'est l'article L. 3124-13 du Code des transports que la société de VTC souhaite voir censurer. Cetexte incrimine « le fait d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent auxactivités mentionnées à l'article L. 3120-1 du Code des transports [prendre en charge un client sur la voie publique sansréservation préalable, s'arrêter, stationner ou circuler sur la voie publique en quête de clients […] sans être ni desentreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels […], ni des taxis […], ni des voitures detransport avec chauffeur ». Les contrevenants encourent deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.Pour Me Calvet, le législateur a, au travers de ce texte, entendu lutter contre les taxis clandestins auxquels UberPOP nesaurait être assimilé. La société de VTC a souscrit une assurance couvrant « toutes espèces de dommages » et seschauffeurs peuvent s'inscrire comme autoentrepreneurs. En outre, les usagers réservent leur course via la plateforme demise en relation, a-t-il fait valoir. Et de rappeler que le tribunal correctionnel de Paris a, tout récemment, relaxé deuxchauffeurs UberPOP du chef d'exercice illégal de la profession de taxi. Reste qu'ils sont à ce jour plus nombreux à avoirété condamnés à des peines d'amendes accompagnées le cas échéant de suspensions de permis.

Sanctions disproportionnéesPlus généralement, l'entreprise de VTC californienne dénonce l'atteinte à la liberté d'entreprendre du fait del'interdiction « générale et absolue » posée par le texte. Or, pour Me Maxime de Guillenchmidt qui représente troissociétés de VTC adverses, son contradicteur commet une erreur de perspective. « Le texte n'interdit pas d'offrir uneprestation de transport, il interdit à une société d'organiser un système qui met en relation des chauffeurs qui nerespectent pas le cadre réglementaire - et qui sont donc illégaux - avec des clients. Ce sont les mêmes qui font duracolage aux aéroports ! » a-t-il plaidé.Autre argument avancé par Uber, les sanctions prévues par l'article L. 3124-13 sont disproportionnées au regard del'infraction potentiellement reprochée. « Il est anormal qu'un chauffeur qui perçoit quelques euros en rémunération dutransport risque de la prison ! » avance un porte-parole d'Uber France. Ce à quoi Françoise Thouin-Pala, quireprésente l'Union nationale des taxis, réplique : « Ce n'est pas le petit conducteur mais la centrale de mise en relationqui tire des profits considérables de cette activité qui est visée par la peine, et celle-ci est au contraire beaucoup tropclémente ! »

IDVroum, BlaBlacar, Heetch... tous illégaux ? Uber, faisant feu de toute loi, pointe un autre « bug législatif » qui a des allures de bombe atomique : le fait d'interdiretout transport « à titre onéreux » porterait atteinte au principe de sécurité juridique. « Au regard de la jurisprudence, ilsuffit que la prestation donne lieu à un échange ne serait-ce que d'un centime d'euro pour qu'elle soit juridiquementconsidérée à titre onéreux. Ainsi, un transport en échange d'une simple participation aux frais de transport, comme lepropose par exemple BlaBlacar, serait interdit. Beaucoup d'acteurs tombent potentiellement sous le coup de cette loi »,indique un porte-parole d'Uber France. Et Me Calvet d'énumérer toutes ces plateformes qui « fonctionnent sur leprincipe d'une commission […] : IDVroum de la SNCF, BlaBlacar, Heetch ou encore le service de covoiturage de laRATP... » D'où la « confusion » délétère induite par le texte de loi.« Toutes les activités humaines donnent lieu à des compensations financières ! » a rétorqué Me Piwnica, avocat del'Union nationale des industries du taxi. « Un compagnon de voyage ne devient jamais un client. Dans un cas, on sefacilite la vie ; dans l'autre, on génère des revenus », a pour sa part relevé Me Thouin-Pala. Quant à Me deGuillenchmidt, il a rappelé qu'avec BlaBlacar, le trajet Paris-Lyon revient à 30 ou 40 euros contre environ 425 eurosavec Uber, correspondant au prix du péage et de l'essence, auxquels s'ajoute « celui de la personne qui vous conduit ».Le Commissaire du gouvernement Xavier Pottier bouclera la boucle en rappelant que le covoiturage est organisé "pourle compte du conducteur et non pour celui du passager, lequel n'est pas un client. Il n'implique aucun changement detrajet et ne poursuit aucun but lucratif", a-t-il souligné. D'où le statut particulier dont bénéficie ce mode de transportécologique, encouragé par la loi sur la transition énergétique.Le Conseil constitutionnel s'est donné une semaine pour examiner ces arguments. Il rendra sa décision le 23 septembre2015.

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Document 7

Organigramme des institutions françaises

(extrait de D. Granguillot, Institutions politiques et administratives de la France, Mementos LMD, 2010)

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Document 8 : La hiérarchie des normes en droit français

(extrait de H. Portelli, Droit constitutionnel, Dalloz, 2011)

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Exercice 1 : La question prioritaire de constitutionnalité

Quelles sont les nouveautés introduites par la question prioritaire de constitutionnalité (réformeconstitutionnelle du 23 juillet 2008, article 61-1 de la Constitution)?

Exercice 2 : La Constitution a-t-elle protégé Uber Pop ?

Trouvez sur internet le texte de la décision du Conseil constitutionnel rendue dans l'affaire dont ilest question au document 6 et étudiez-le attentivement : A la suite de quel cheminement dans lesystème judiciaire cette affaire s'est-elle retrouvée devant le Conseil constitutionnel ? Lesarguments des différentes parties sont-ils bien ceux que relate l'article du Point ? Quels argumentsont été acceptés et refusés par le Conseil constitutionel ? Qu'en pensez-vous ?

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