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Douleurs, 2005, 6, 3 175 FICHES THÉRAPEUTIQUES PRATIQUES Sous la direction de Claude Thurel (photo) Le but de cette rubrique n’est pas de donner une liste « exhaustive » des thérapeutiques qui peuvent être préconisées dans le traitement de certaines entités cliniques, mais de répondre à la question : « Comment je traite… ». MIGRAINES DE L’ADULTE (AVEC OU SANS AURA) Environ 7 % des consultations chez le généraliste sont motivées par un mal de tête et le diagnostic de celui-ci est multiple, la migraine n’en représen- tant qu’environ 1/3. Le diagnostic de migraine, un peu trop galvaudé, ne s’applique qu’aux céphalées répondant aux critères définis par l’International headache society (IHS 1988). Ce n’est que lorsque le diagnostic clinique est clairement éta- bli que les traitements spécifiques pourront et/ou devront être mis en ouvre. Traitements de la crise Traitements non spécifiques : AAS, AINS, Paracétamol. Attention auxmédicaments du niveau II de l’OMS en raison du risque addictif en cas de traitements prolongés ou d’automédication. Anti-nauséeux et anti-émétiques (Meto- clopramide) sont très utiles. Lorsque ces traitements sont suffisamment efficaces il faut savoir s’en contenter. Traitements spécifiques : À l’heure actuelle, si le patient présente des crises sévères la prescription de triptans en première intention est la solution logique. Parmi les triptans disponibles le choix de la molécule (Sumatriptan, Zolmitrip- tan, Eletriptan, Naratriptan, Almotriptan, Rizatriptan) et sa voie d’administration ( per os , pulvérisation nasale, rectale, sous cutanée) est à décider au cas par cas et selon les sou- haits du patient. Tenir compte des contre-indications : coro- nariens, infarctus du myocarde, syndrome de Raynaud, infarctus cérébral, HTA sévère. Depuis l’avènement des triptans les autres traitements spécifiques classiques tels les dérivés de l’ergot de seigle sont logiquement beaucoup moins utilisés. Traitement préventif des crises Il ne saurait être systématique, il est en principe réservé aux patients ayant des crises fréquentes (> 3 ou 4 crises par mois), si les crises sont sévères (> 72 heures), ou si le trai- tement des crises n’est pas suffisamment efficace. Avant d’employer les médicaments il est bon de rechercher et d’éliminer d’éventuels facteurs déclenchants (Alimen- taires, alcool). Quel que soit le produit utilisé : – il faut en augmenter progressivement la posologie ; – savoir que l’efficacité optimale est souvent retardée (4 semaines à 2 mois) ; – la durée du traitement sera en moyenne de 2 à 6 mois ; – prescrire les doses optimales préconisées ; – ne diminuer que très progressivement la posologie. Parmi la liste impressionnante des drogues proposées nous ne retiendrons que celles qui ont (à notre avis) une effica- cité clinique indiscutable et reconnue. C’est ainsi que l’on peut proposer dans l’ordre : – pizotifène (Sanmigran 3 à 6 c/j) ou Oxetorone (Nocertone 2 à 3 c/j) en augmentant très progressivement la posologie. En cas de prise de poids, de somnolence ou d’efficacité insuffisante au delà d’un mois on passera au traitement sui- vant ; – bêtabloquants : ils tendent à être maintenant des anti- migraineux de première ligne. Leur efficacité varie de 50 à 80 % ; – propanolol (Avlocardyl) de 40 à 400 mg/j. La dose moyenne est de 120 mg/j ou 160 mg en fome LP ; – metoprolol (Lopressor) jusqu’à 200 mg/j. ; – atenolol (Tenormine) de 50 à 200 mg/j ; contre-indications en cas d’asthme et de bloc auriculo- ventriculaire. – antidépresseurs tricycliques : ils ont un effet anti-migrai- neux indépendant de leur effet sur l’humeur. Amitryptiline (Laroxyl) Clomipramine (Anafranil) à la posologie progres- sive de 10 à 75 mg/j (parfois plus) ; – methysergide : c’est l’un des antimigraineux les plus efficace. La posologie doit être augmentée de façon très progressive pour atteindre au besoin 3 à 4 c/j. Les effets secondaires sont fréquents et les complications possibles (fibrose rétropéritonéale et pleurale), mais dans les cas sévères il représente souvent la solution idéale. Rappelons que ce traitement doit être arrêté 1 mois tous les 6 mois. Cette drogue ne doit pas être associée à la prise de triptans ; – les anti-épileptiques : Valproate de Sodium (Depakine) pour atteindre la posologie de 1 000 à 1 500 mg/j. D’autres anti épileptiques sont actuellement proposés, Gabapentine, Lamotrogine, Topiramate. Nous pouvons encore citer : Fédération d’Évaluation et de Traitement de la Douleur, Hôpital Lariboisière, Paris.

Fiches thérapeutiques pratiques

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Douleurs, 2005, 6, 3

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F I C H E S T H É R A P E U T I Q U E S P R A T I Q U E S

Sous la direction de Claude Thurel (photo)

Le but de cette rubrique n’est pas de donner une liste « exhaustive » des thérapeutiques qui peuvent être préconisées dansle traitement de certaines entités cliniques, mais de répondre à la question :

« Comment je traite… »

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MIGRAINES DE L’ADULTE (AVEC OU SANS AURA)

Environ 7 % des consultations chez legénéraliste sont motivées par un malde tête et le diagnostic de celui-ci estmultiple, la migraine n’en représen-tant qu’environ 1/3.Le diagnostic de migraine, un peu

trop galvaudé, ne s’applique qu’aux céphalées répondantaux critères définis par l’International headache society(IHS 1988).Ce n’est que lorsque le diagnostic clinique est clairement éta-bli que les traitements spécifiques pourront et/ou devrontêtre mis en ouvre.

Traitements de la crise

Traitements non spécifiques : AAS, AINS, Paracétamol.Attention auxmédicaments du niveau II de l’OMS en raisondu risque addictif en cas de traitements prolongés oud’automédication. Anti-nauséeux et anti-émétiques (Meto-clopramide) sont très utiles. Lorsque ces traitements sontsuffisamment efficaces il faut savoir s’en contenter.Traitements spécifiques : À l’heure actuelle, si le patientprésente des crises sévères la prescription de triptans enpremière intention est la solution logique. Parmi les triptansdisponibles le choix de la molécule (Sumatriptan, Zolmitrip-tan, Eletriptan, Naratriptan, Almotriptan, Rizatriptan) et savoie d’administration (

per os

, pulvérisation nasale, rectale,sous cutanée) est à décider au cas par cas et selon les sou-haits du patient. Tenir compte des contre-indications : coro-nariens, infarctus du myocarde, syndrome de Raynaud,infarctus cérébral, HTA sévère. Depuis l’avènement destriptans les autres traitements spécifiques classiques tels lesdérivés de l’ergot de seigle sont logiquement beaucoupmoins utilisés.

Traitement préventif des crises

Il ne saurait être systématique, il est en principe réservé auxpatients ayant des crises fréquentes (> 3 ou 4 crises parmois), si les crises sont sévères (> 72 heures), ou si le trai-tement des crises n’est pas suffisamment efficace.

Avant d’employer les médicaments il est bon de rechercheret d’éliminer d’éventuels facteurs déclenchants (Alimen-taires, alcool).Quel que soit le produit utilisé : – il faut en augmenter progressivement la posologie ;– savoir que l’efficacité optimale est souvent retardée(4 semaines à 2 mois) ;– la durée du traitement sera en moyenne de 2 à 6 mois ;– prescrire les doses optimales préconisées ;– ne diminuer que très progressivement la posologie.Parmi la liste impressionnante des drogues proposées nousne retiendrons que celles qui ont (à notre avis) une effica-cité clinique indiscutable et reconnue. C’est ainsi que l’onpeut proposer dans l’ordre : – pizotifène (Sanmigran 3 à 6 c/j) ou Oxetorone (Nocertone2 à 3 c/j) en augmentant très progressivement la posologie.En cas de prise de poids, de somnolence ou d’efficacitéinsuffisante au delà d’un mois on passera au traitement sui-vant ;– bêtabloquants : ils tendent à être maintenant des anti-migraineux de première ligne. Leur efficacité varie de 50 à80 % ;– propanolol (Avlocardyl) de 40 à 400 mg/j. La dosemoyenne est de 120 mg/j ou 160 mg en fome LP ;– metoprolol (Lopressor) jusqu’à 200 mg/j. ;– atenolol (Tenormine) de 50 à 200 mg/j ;–

contre-indications en cas d’asthme et de bloc auriculo-ventriculaire.

– antidépresseurs tricycliques : ils ont un effet anti-migrai-neux indépendant de leur effet sur l’humeur. Amitryptiline(Laroxyl) Clomipramine (Anafranil) à la posologie progres-sive de 10 à 75 mg/j (parfois plus) ;– methysergide : c’est l’un des antimigraineux les plusefficace. La posologie doit être augmentée de façon trèsprogressive pour atteindre au besoin 3 à 4 c/j. Les effetssecondaires sont fréquents et les complications possibles(fibrose rétropéritonéale et pleurale), mais dans les cassévères il représente souvent la solution idéale. Rappelonsque ce traitement doit être arrêté 1 mois tous les 6 mois.Cette drogue ne doit pas être associée à la prise de triptans ;– les anti-épileptiques : Valproate de Sodium (Depakine)pour atteindre la posologie de 1 000 à 1 500 mg/j. D’autresanti épileptiques sont actuellement proposés, Gabapentine,Lamotrogine, Topiramate.Nous pouvons encore citer :

Fédération d’Évaluation et de Traitement de la Douleur,Hôpital Lariboisière, Paris.

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– DHE

per os

est très largement prescrite en France bienque son efficacité n’ait jamais été démontrée ;

– alpha-bloquants : Indoramine (Vidora) 2c à 25 mg/j ;

– les inhibiteurs calciques : Flunarizine (Sibelium) 1c à 10 mgau coucher ;

– les IMAO (attention aux associations médicamenteuses+++) ;

– moyens non médicamenteux : thérapies comportementa-les, acupuncture, relaxation, biofeedback.

CÉPHALÉES DE TENSION

Représentant 80 % des céphalées vues en consultation deville, les céphalées de tension se caractérisent par des épi-sodes récurrents de céphalées durant quelques minutes àplusieurs jours. La douleur, à type de pression ou de serre-ment, d’intensité moyenne ou modérée, ne s’aggrave pasavec l’activité physique. Les nausées sont absentes, mais laphotophobie et la phonophobie peuvent être présentes.Enfin il s’agit d’un diagnostic d’élimination, les autres cau-ses de céphalées ayant été éliminées par l’examen cliniqueet au besoin par les examens complémentaires (Scanner,IRM).

Deux approches sont possibles :

1) Thérapeutiques médicamenteuses.

2) Thérapeutiques psychologiques.

Elles sont en fait complémentaires.

1) Thérapeutiques médicamenteuses

Les antalgiques : se méfier de l’automédication très fréquentepouvant aboutir à une véritable toxicomanie et possibilitéd’un syndrome de sevrage (ergotamine, codéine, caféine) oude céphalées de rebond. Bien évidemment les opioïdes forts(palier 3 de l’OMS) sont totalement contre-indiqués bien queparfois (et même trop souvent) prescrits !!!

Les antidépresseurs, en particulier les tricycliques, sont trèssouvent utiles : Amitryptiline (Laroxyl), Maprolitine (Ludio-mil), Clomipramine (Anafranil), Doxepine (Quitaxon).

Les anxiolytiques peuvent être associés aux anti-dépresseurs.

Les bêtabloquants : Propanolol (Avlocardyl), Atenolol, Timo-lol peuvent être utiles en particulier chez les sujets « stressés ».

Les relaxants musculaires, Tetrazepam (Myolastan), sont par-fois prescrits.

2) Thérapeutiques psychologiques

Sans être systématique le recours à la psychothérapie ou aupsychiatre est utile dans de nombreux cas.

Finalement c’est au médecin « de famille » qui connaît bienses patients de décider qu’elle approche thérapeutique estla mieux adapté.

FIBROMYALGIE

La fibromyalgie est un syndrome douloureux à prédomi-nance axiale qui se caractérise cliniquement par l’existencede points douloureux à la pression de sites définis. Motif deconsultation de plus en plus fréquent (5 à 20 % des consul-tations de rhumatologie), cette affection s’observe essen-tiellement chez la femme (75 % des cas), elle débutegénéralement entre 30 et 50 ans et succède souvent à untraumatisme physique ou psychique.

Selon les critères de l’ACR (American college of Rheuma-tology, 1990), l’examen doit retrouver 11 points doulou-reux sur les 18 recherchés aux zones d’insertion tendino-musculaires suivantes : Occiput 2, cervical bas 2, trapèze2, sus-épineux 2, jonction chondro-sternale 2, épicondyles2, rachis lombaire 2, moyen fessier 2, patte d’oie 2. Lereste de l’examen clinique est normal.

Le diagnostic de fibromyalgie est un diagnostic d’éliminationnécessitant la recherche préalable de pathologies ostéo-articulaires, infectieuses, auto-immunes et endocriniennes.

Le traitement est difficile et comporte globalement 3 volets :

Rassurer : il est essentiel de dédramatiser la situation, mêmesi le handicap dont se plaint la patiente est important.

Aménager la vie professionnelle et/ou familiale quand celaest possible.

Être très prudent et économe dans les prescriptions médi-camenteuses chez ces patientes qui le plus souvent ont« mal partout, tout le temps ».

Les antalgiques sont peu ou pas efficaces. Se méfier del’automédication, se méfier des antalgiques du groupe II(opioïdes faibles) qui comportent un risque addictif au longcours, et bien entendu proscrire totalement les opioïdesforts qui sont malheureusement trop souvent prescrits endésespoir de cause et peuvent entraîner une toxicomanieiatrogène. À l’heure actuelle cette « maladie » est une sourcede dépendance et d’addiction non négligeable.

Les AINS, les corticoïdes, les myorelaxants n’ont pas d’effi-cacité durable, leurs prescriptions sont donc inutiles et biensûr dangereuses au long cours.

La prise en charge physique est un des éléments essentielsdu traitement avec réentrainement à l’effort par des pro-grammes d’activité d’intensité progressive. La participationactive et personnelle de la patiente est indispensable. Il fautabsolument combattre la notion trop largement répandueque le repos est nécessaire et bénéfique. En effet, plus lemuscle est entraîné, moins il souffre à l’effort.

Kinésithérapie, massages, balnéothérapie, techniques dethérapies manuelles peuvent être préconisées de façonsponctuelles.

Les traitements à visée psychologiques (antidépresseurs,voire anxiolytiques), les techniques de relaxation médicale,la prise en charge psychothérapique sont, lorsqu’elles sont

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bien comprises et acceptées par les patientes, des élémentsimportants de la thérapeutique.Bien évidemment les traitements à visées symptomatiqueschez ces malades aux plaintes et complaintes multiples(insomnie, colopathie fonctionnelle, fatigue chronique,dépression, céphalées) sont à utiliser avec prudence, defaçon ponctuelle et surtout avec parcimonie.Les fibromyalgiques représentent une population en pleinecroissance dans laquelle, en raison du désarroi des patients etavec la « complicité » des médecins, la iatrogénie commenceà faire des ravages qu’il n’est plus possible d’ignorer.

Tirés à part : C. THUREL,Fédération d’évaluation

et de Traitement de la Douleur,Hôpital Lariboisière,

2, rue ambroise Paré,75475 Paris cedex 10.

CNRDCentre National de Ressources de lutte

contre la DouleurAppel à projets 2005

Douleur provoquée par les soins : Prévention et amélioration

de la prise en charge.Le CNRD a été créé par le Ministère de la Santé, de lafamille et des personnes handicapées dans le cadre du2e Plan Douleur 2002-2005 afin de continuer et depérenniser son engagement dans ce domaine. Une desmissions du CNRD est d’aider au développement de larecherche infirmière et des autres professions paramé-dicales.Dans ce cadre, le CNRD lance un appel à projetsde recherche clinique relatifs à l’amélioration dela prise en charge de la douleur provoquée parles soins. Conditions de présentation d’un projet : • Il doit concerner la douleur aiguë (de préférencecelle liée aux soins) et la prise en charge médica-menteuse et non médicamenteuse de la douleur :méthodes physiques (massage, chaleur…), jeu, dis-traction, méthodes psycho-corporelles (relaxation,hypnose…).• Il doit avoir une hypothèse de travail claire nécessi-tant une vérification par une étude (exemples : queladhésif cutané provoque le moins de douleur lors deson retrait ?, quel est l’intérêt de la relaxation pour lessoins douloureux ?).• Il doit être réalisable en moins de 2 ans.• Il doit impliquer largement au moins un soignantparamédical.• Il doit s’intégrer dans un projet d’équipe. Les de-mandes relatives à l’organisation des soins,l’élaboration de protocoles de soins, les audits,etc. n’entrent pas dans l’appel à projet. Pour cesdémarches, veuillez contacter directement leCNRD par téléphone ou par écrit (courrier oue-mail). Propositions du CNRD :• Une aide méthodologique à l’élaboration du projetde recherche.• Une aide logistique pour le recueil des données etleur analyse.• Une aide pour la communication et la diffusion desrésultats. Le CNRD ne dispose pas de moyens spé-cifiques pour financer les projets. Cependant, lesprojets nécessitant une aide financière seront présen-tés par le CNRD à une Fondation partenaire dont lesdécisions seront prises indépendamment de celles duCNRD. Les décisions seront communiquées dans la2e quinzaine de novembre.

Renseignements :Contacter Madame Pascale Thibault ou le Dr RicardoCarbajal Centre National de Ressources de lutte contre la Dou-leur, Hôpital Armand Trousseau, 26, av du Dr ArnoldNetter, 75012 Paris.Tél. (secrétariat) : 01 44 73 54 [email protected] www.cnrd.fr

Date limite de dépôt des dossiers : 16 septembre 2005.