12
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007 1 EN PRATIQUE > SOMMAIRE N°09 JUILLET 2007 Dossier Financières de talent En Belgique, les femmes en nance ne manquent pas. A commencer dans les auditoires, dont elles représentent la moitié de la population, mais largement plus de cette moitié au moment de la distribution des diplômes. Mais après? Elles deviennent plus rares, surtout dans les comités de direction. Un tort, c'est sûr, à découvrir les trois nancières de talent que Finance Management a rencontrées.

FM09

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Financières de talent

Citation preview

Page 1: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

1

EN PRATIQUE> SOMMAIREN°09 JUILLET 2007

Dossier

Financières de talentEn Belgique, les femmes en fi nance ne manquent pas. A commencer dans les auditoires, dont elles représentent la moitié de la population, mais largement plus de cette moitié au moment de la distribution des diplômes. Mais après? Elles deviennent plus rares, surtout dans les comités de direction. Un tort, c'est sûr, à découvrir les trois fi nancières de talent que Finance Management a rencontrées.

Page 2: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

2

Financières de talent

E lles sont canadiennes, elles sont plus de 600. Six

cent femmes actives en fi nance et qui revendi-

quent des réalisations impressionnantes dans un

large éventail de secteurs. Leur compétence à sié-

ger au sein de conseils de direction ou d’administration se refl ète

dans leur démarche volontariste. Elles existent et le font savoir. Elles

se sont structurées en association et représentent la plus impor-

tante fi liale de la Financial Women’s Association de New-York, ré-

seau de plus de 2.300 fi nancières du monde entier. Chez nous aussi,

elles existent. Mais restent fort discrètes. Trop discrètes?

Les femmes et les fi nances: couple maudit? Que dire de nos voi-

sins français, qui viennent de nommer Christine Lagarde, première

femme promue en France à la tête du ministère de l'Economie

et des Finances. La preuve vivante qu’une femme d'affaires peut

réussir en politique. L’an dernier, le magazine Forbes l’a classée au

30ème rang des femmes les plus puissantes du monde, liste où sa

compatriote Anne Lauvergeon, présidente d’Areva, apparaissait à la

huitième place.

ANTICHAMBRE DU POUVOIR Et chez nous? Et chez nous, les femmes de talent sont là aussi. A

commencer dans les auditoires, dont elles représentent la moitié

de la population, mais largement plus de cette moitié au moment

de la distribution des diplômes. Mais après? La fi nance mène à tout,

y compris à de très belles carrières dans des fonctions fi nancières.

Tous les oracles du business le certifi ent: demain, plus aucun poste

dans l'entreprise n'échappera aux femmes, ni la com', ni le cash. Les

hommes n’ont qu'à bien se tenir! Selon une étude récemment pu-

bliée en France, il y a près de quatre fois plus de femmes chez les

directeurs de la communication que chez les directeurs commer-

ciaux. Elles tracent leur route chez les marketeers… mais piétinent à

l’entrée de la tribu des fi nanciers. Pourquoi? Et jusqu'à quand? Chez

nos voisins, elles ne sont que 12% à décrocher des postes de direc-

tion en fi nance, administration et gestion.

Chez nous, pas de statistiques, mais une réaction unanime du côté

des recruteurs et des chasseurs de tête. Ainsi, Gilles Klass, Deputy

General Manager de Mercuri Urval BeLux: « Du côté fl amand ou

francophone, c’est une des rares fonctions pour lesquelles il n’existe

aucune tendance préventive ou curative des clients pour recruter ou

pas une femme. Au feeling, j’ai même l’impression qu’une candida-

ture féminine est considérée comme un atout, au regard des qua-

lités qu’on leur reconnaît. »

Même son de cloche de l’ensemble du secteur: « Les raisons sont

ailleurs, probablement historiques. Ce n’est pas un poste à problème,

mais le trajet pose peut-être problème. » Les avis sont plus partagés

lorsqu’on cherche à mettre dans la balance la fonction, très ration-

nelle, et les personnalités féminines, plus émotionnelles. Dans les

métiers du haut de bilan, il y a très peu de femmes car elles seraient

à l'écart du capital, peut-on lire à droite ou à gauche. Le capital ap-

partient aux hommes. Mais aujourd'hui, les femmes sont accep-

tées dans le milieu car les facultés qui font d'elles d'excellentes DRH

pourraient aussi être utiles dans une transaction fi nancière. La maî-

trise de la parole aiderait à être dure en négociation.

Alors, encore une conséquence du fameux plafond de verre? Pro-

bablement. « Et conditionnée par les dix premières années de car-

rière », note Gilles Klass. Des plafonds de verre en plexiglas, car dès

que le pouvoir est en jeu, les femmes se feraient plus rares. Et, à

bien y regarder, l'entreprise serait peut-être aussi un des derniers

lieux de pouvoir pour les hommes. Or la direction fi nancière, c'est

l'antichambre du pouvoir et de la direction générale. Les femmes

pourraient donc renoncer à cette trajectoire.

Caricature? Dans la planète fi nance, les femmes excellent dans

les back offi ces où leur méticulosité fait, paraît-il, merveille. Pen-

dant ce temps, en front offi ce, les hommes règnent en maîtres.

« Le pouvoir se gagne par la prise de risque », commente Marlaine

Cacouault-Bitaud, chercheuse en sociologie à Paris V. Comme si

l’argent n'était pas un territoire naturellement féminin. Dans

notre imaginaire, les hommes font tourner l'argent, les femmes

le dépensent. A la maison, ce sont elles qui gèrent les achats, qui

prennent les décisions fi nancières importantes, choisissent les

destinations de vacances ou l'orientation des enfants. Mais les

faits sont là. Statistiquement, l’actuelle majorité de diplômées va

se retrouver de facto plus représentée dans la fi nance au cours

des 20-30 prochaines années. Ce ne serait donc plus qu’une ques-

tion de temps et d’évolution naturelle: à terme, les femmes sont

donc bien placées pour rafl er la mise!

DOSSIER

TEXTE : YVES-ETIENNE MASSART

Page 3: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

3

S obriété faite de bois clair, espaces très lumineux,

salle de réunion sans luxe démonstratif: les bu-

reaux de BST sont à l’image du cabinet et de l’une

de ses fondatrices, un savant dosage d’élégance

et de discrétion. Une question de personnalité, une question de

tradition également. Ingénieur commercial diplômée de l’ULB,

Pascale Tytgat a fondé son propre cabinet: « Un cabinet de taille

moyenne, ce qui signifi e que cela nous positionne en dessous des

Big Four. C’est le résultat de dix-sept années de travail, car ce cabi-

net nous l’avons créé à trois en 1991. Nous étions dans un autre

cabinet et nous avons décidé de nous lancer à notre propre comp-

te. Une aventure que je n’ai regrettée à aucun moment. »

Aujourd’hui, BST s’affi che comme indépendant, ce qui signifi e

qu’il n’est clairement intégré dans aucun réseau international.

« Un choix qui a ses avantages et ses inconvénients. Mais, à titre

personnel, je suis très heureuse de cette indépendance. Car elle

est synonyme de liberté: liberté d’accepter ou de refuser un client,

une mission, de conclure positivement ou négativement. Et ça, je

ne m’en cache pas: ça me plait! Lorsqu’on exerce une profession

libérale, cette liberté est importante pour ne pas dire cruciale. Ce

qui me fait dire que des personnalités sont davantage faites que

d’autres pour des métiers comme ceux-là et que quelque chose

devait m’y prédestiner. »

Pascale Tytgat revendique aussi une structure un peu atypique

dans le paysage du révisorat. « Nous sommes aujourd’hui

cinq associés et la moitié de notre chiffre d’affaires consiste

en l’exercice d’environ 200 mandats de commissaire, des man-

« Pascale Tytgat: une personnalité hors du commun! »: assurément un compliment sous la plume de Bruno Colmant. Co-fondatrice et réviseur associée du bureau BST, dont elle a fait un des cabinets réputés de la place, cette dynamique quadra nourrit une vraie passion pour son métier. Ses mos-clés: liberté, indépendance et éthique. Des valeurs féminines?

Rigueur etliberté...

« L’enjeu primordial, c’est de trouver les talents, avant même de trouver des clients, et de recruter des gens meilleurs que soi. »

Page 4: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

4

dats d’audit annuel légal qui sont donc synonymes de missions

récurrentes pour une durée de trois ans. Un travail classique

destiné à délivrer une opinion sur les comptes annuels, que ce

soit auprès de sociétés fermées ou cotées. »

Dans un métier où confiance et confidentialité vont souvent

de pair, le bouche-à-oreille fait office de publicité, débou-

chant involontairement sur des créneaux un peu plus poin-

tus comme les grosses familles bien fermées, qu’elles soient

historiquement actives dans l’industrie, le commerce ou la

finance. « Les Big Four ont leur créneau. Nous avons réussi à

développer le nôtre, sur les sociétés un peu moins grosses, mais

qui constituent l’essentiel du tissu économique du pays. »

La seconde moitié du chiffre d’affaires, Pascale Tytgat et

ses associés l’ont développé dans le cadre de missions lé-

gales et contractuelles. Parmi les domaines de prédilec-

tion de la cofondatrice, l’audit d’acquisition, l’évaluation,

les expertises non-judiciaires et le support aux clients

dans le cadre de transactions ou de contentieux, où le

bureau apporte alors une expertise indépendante. « Je

trouve particulièrement précieuse cette ventilation, car

elle permet de jouer sur les deux tableaux et de passer d’un

domaine à l’autre. C’est très stimulant intellectuellement:

on y apprend énormément. »

DURE ET FROIDE?Pascale Tytgat a une vie professionnelle débordante, mais cela

ne l’empêche pas de trouver le temps de s’intéresser à une

multitude de choses et de s’adonner à la lecture. A la question

de savoir pourquoi aussi peu de femmes seraient présentes

dans les hautes fonctions fi nancières, elle évoque Françoise

Giroud qui déclarait qu’au cours des trente dernières années,

les femmes avaient déclenché une révolution qui affectait

profondément leurs relations avec les hommes, mais égale-

ment avec leur travail. Elle disait également qu'« elle aimait

bien qu’elles puissent être dures et froides comme des pierres,

avec des barbelés dans le cœur. »

Pascale Tytgat n’est toutefois pas sûre qu’il soit nécessaire

d’être dure et froide dans une fonction fi nancière, voire dans

une fonction d’ordre public. « Mais la nature des missions im-

pose une approche particulière. Et je crois que les femmes ont

cette faculté de pouvoir affi cher une rigueur souriante qui leur

permet de bien passer dans les métiers du chiffre. »

Ce n’est pas un mystère: on reconnaît à la femme de nombreuses

qualités, dont celles de la minutie, de la précision, de l’effi cacité.

Pas de secret, voilà qui est plus que compatible avec des fonc-

tions fi nancières… Et Pascale Tytgat de préciser aussi qu’avant

d’accepter toute mission, un réviseur doit respecter deux choses

fondamentales: « valider sa compétence par rapport à la mis-

sion, car nous sommes avant tout des techniciens spécialisés dans

toute une série de problématiques. Et puis, veiller au respect de

son indépendance, afi n d’éviter de se retrouver dans des situations

d’où pourraient naître des confl its d’intérêts. »

FORCE DE CARACTÈRE Une notion centrale, car tout confl it d’intérêts ou même tout

risque de confl it d’intérêts enlève tout sens à la mission, car

c’est tout simplement la crédibilité qui s’en retrouve mise en

question. « L’indépendance est un concept éminemment per-

sonnel, qui est lié à la personnalité, mais aussi à la compétence,

au caractère, à la compréhension du rôle social que le réviseur

d’entreprise est amené à jouer. Et qu’est-ce qui fait que l’on est

indépendant ou pas, si ce n’est la force de caractère? »

Et d’enchaîner sur la déontologie: « Dans nos métiers, la déon-

tologie est un ensemble de règles explicites, codifi ées. Au-des-

sus, je place encore l’éthique qui, elle, est implicite, non codifi ée.

C’est une notion plus large, davantage liée à un comportement

volontariste qui dépend de la force de caractère de chaque in-

dividu. En tant que femme, je sais que tout cela colle parfai-

tement à ma personnalité. Les femmes peuvent d’ailleurs tirer

parti de cette exigence. »

Un réviseur d’entreprises doit avoir la force de caractère né-

cessaire pour décider d’accepter ou de refuser une mission,

pour lui permettre d’exprimer son désaccord, de motiver un

avis négatif et de l’annoncer, « voire même de démissionner si

aucun accord n’est possible ou si les conditions d’une relation

de confi ance n’existent plus. Or, elles sont la base de notre mé-

tier. Par nature, les femmes possèdent le plus souvent la délica-

tesse qui doit leur permettre de trouver la juste mesure entre

la relation de confi ance et le maintien d’une certaine distance

– pour ne pas dire d’une distance certaine – avec le client. Voilà

qui nous renvoie implicitement à l’indépendance. Il faut aussi

éviter que le client se sente agressé, car cela pourrait bien évi-

demment nuire aussi à la relation de confi ance. Et donc, je crois

que dans ce type de cas de fi gure délicats, le sens de la diploma-

tie toute féminine peut clairement être un atout. »

HAUT NIVEAU DE VIGILANCE Tout ceci se refl ète de manière plus fondamentale dans la

culture d’un cabinet. « Et dans le monde des professions libé-

rales, le capital, ce sont les ressources humaines: on est une so-

ciété de services. Il est donc important de veiller à la qualité de

celui-ci, que ce soit au travers de la disponibilité, de la rapidité

et de l’effi cacité. Le client doit sentir l’organisation et être ras-

suré sur la qualité d l’information qui lui est fournie. En tant

que co-gérante, mon niveau de vigilance est poussé à un haut

niveau, par rapport à la qualité du travail, mais également par

rapport à la qualité de l’équipe. L’enjeu primordial, c’est de trou-

DOSSIER

« Dans ce métier, tout est question de réglage fi n et je ne

dois pas me forcer pour dire que c’est taillé sur mesure

pour les femmes. »

Page 5: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

5

ver les talents, avant même de trouver des clients. »

Pascale Tytgat prend donc un soin tout particulier à recruter

soigneusement, en se différenciant: « Nous avons et nous

cherchons des profi ls un peu mixtes, c'est-à-dire de bons tech-

niciens, mais qui ont aussi complété leur formation de base en

s’intéressant à la fi scalité ou à l’analyse fi nancière. On ne peut

pas se tromper sur un point particulier: nos collaborateurs doi-

vent être de gens équilibrés, car le stress est une composante

importante de notre métier. Il est bon qu’ils aient donc d’autres

préoccupations dans la vie que leur métier, afi n de pouvoir sor-

tir des chiffres. Je crois avoir un bon feeling sur ces paramètres.

Et le faible taux de rotation aurait tendance à me faire dire que

nous devons être dans le bon. »

Pascale Tytgat se dit convaincue que « le plus important, c’est

de recruter des gens qui sont meilleurs que soi! » Elle considère

que son rôle est d’ouvrir un maximum de portes à ses col-

laborateurs, de les emmener systématiquement en réunion

avec elle pour s’entourer de techniciens pointus, mais aussi

pour les aider à grandir, les responsabiliser, les rendre auto-

nomes. « Je leur dis toujours que lorsque le client les appelle en

direct, c’est gagné! »

DU RECUL Son recrutement ne fait pas de distinction de genre, seule

prime la compétence. « je suis consciente que le plus impor-

tant pour une femme, c’est de trouver le bon rythme d’être bien

organisée – on le devient par la force des choses – et d’avoir une

bonne santé, d’une part parce qu’on est fort sollicité et, d’autre

part, parce que les horaires sont très variables. »

Son regard sur le métier? Pas facile: « On rentre dans l’inti-

mité de l’entreprise, avec comme garde-fou notre secret profes-

sionnel, cela exige de nous une confi dentialité totale. Tout est

question de réglage fi n et je ne dois pas me forcer pour dire que

c’est taillé sur mesure pour les femmes. » Un métier qu’elle a

découvert au fi l de son parcours. A la sortie de ses humanités,

elle ne se sent poussée par aucune vocation. Ni médecin, ni

enseignants: elle ne se projette pas encore dans la vie profes-

sionnelle. Son choix est donc de mener les études offrant le

spectre le plus large possible, avec une préférence: poursuivre

des maths, de la chimie et de la physique.

« Mon intérêt pour la fi scalité, la comptabilité et des questions

de droit ont fait le reste: ce sera ingénieur commercial. A la sor-

tie, c’était la grande époque, puisque dès le dernier semestre de

la dernière année d’études, la plupart d’entre nous pouvaient

choisir entre deux ou trois offres fermes de contrat. » Elle opte

alors pour l’audit, prolongement naturel des études, enrichi

d’une forte dose de pratique sur le terrain. Toujours ce besoin

d’apprendre! « Une formation excellente, comme celle d’ana-

lyste crédit dans une banque. » Pascale Tytgat quittera un

moment l’audit pour y revenir plus tard. Pendant quelques

années, elle s’investira dans une charge académique par plai-

sir de rédiger, de formaliser ses savoirs et d’expliquer. Bref,

prendre du recul. Encore et toujours…

- La constitution remonte à tout juste 16 ans, puisque la société a été constituée le 18 juillet 1991.

- Le bureau se compose de sept Réviseurs d’Entreprises et de dix Réviseurs d’Entreprises stagiaires, auxquels il faut encore

ajouter cinq candidats stagiaires, ce qui signifi e qu’ils n’ont pas encore démarré le stage légal de trois années.

- La clientèle se compose de sociétés de taille moyenne, certaines étant propriété de groupes familiaux ou d’autres grosses

sociétés. Mais les activités d’audit portent également sur des sociétés faisant partie de groupes internationaux ou de sociétés

multinationales cotées en bourse, voire même de holdings belges propriétaires de groupes étrangers.

- Les activités peuvent être regroupées en trois catégories: les mandats de commissaire aux comptes, statuaires ou consolidés,

les missions légales effectuées conformément aux dispositions du Code des sociétés et, enfi n, d’autres missions contractuel-

les (évaluations, audits d’acquisition, évaluation des systèmes de contrôle interne, expertises, consultance, conseils fi scaux,

fusions et acquisitions, contrôle de comptabilité, certifi cations diverses, etc.)

- Les secteurs d’activité: du génie civil au textile en passant par l’immobilier, l’hôtellerie, l’agroalimentaire, les biotechnologies,

l’IT, le luxe, les fonds de pension, des sociétés d’intérêt public, etc.

BST Réviseurs d’Entreprises en Bref

« Les femmes ont cette faculté de pouvoir affi cher une rigueur souriante qui leur permet de bien passer dans les métiers du chiffre. »

Page 6: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

6

DOSSIER

Madame,le risque, c’est vous!

« «

Cela sonne comme un constat, voire comme un compliment. Pas comme un reproche. Patricia Vancraenbroeck sait tout de son entreprise. Elle en est la mémoire. En matière d’analyse de risque, la Financial Manager de Dentsu Brussels Group est donc perçue en interne comme irremplaçable…

P atricia Vancraenbroeck ne s’est jamais vrai-

ment émue de la question de la présence des

femmes dans les hautes fonctions fi nancières,

mais elle le concède: « On est plus que proba-

blement moins nombreuses que les hommes, mais nous avons

certainement beaucoup moins de visibilité qu’eux à l’extérieur.

Toutefois, c’était bien pire lorsque j’ai pris mes fonctions en

1984. » Et que dire alors lorsqu’elle était sur les bancs de l’Eco-

le de Commerce Solvay. « A l’époque, seules dix jeunes femmes

étaient inscrites en première candi, sur un total de 180 étu-

diants! Ceci dit, sur les dix, huit étaient toujours ensemble pour

recevoir leur diplôme sur un total de 57 diplômés. En termes de

proportion, on pouvait diffi cilement nous égaler… »

Aujourd’hui, le fi ls de Patricia Vancraenbroeck marche sur les

Page 7: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

7

traces de sa maman. « Lui et un de ses cousins sont aussi ins-

crits à Solvay et il n’y a pas photo: la tendance s’est plus que

fortement inversée. C’est du cinquante /cinquante, soit 300

jeunes fi lles et 300 garçons sur un total de 600 étudiants. Et

mon impression est que depuis une dizaine d’années, le mouve-

ment ne fait que s’accélérer. » Cela devrait, à terme et en toute

logique, se répercuter sur les recrutements et les entrées en

fonction, puis logiquement remonter vers le haut, mais pour

arriver jusqu’aux positions de haut management, cela devrait

prendre le temps que prend une carrière.

« C’est vrai que cela va prendre du temps. Si je regarde autour de

moi lorsque je participe à des séminaires de l’Ordre des experts-

comptables ou des réviseurs d’entreprises, c’est mieux qu’à mes

débuts. Mais les équilibres ne sont pas encore ceux que l’on en-

registre au niveau des inscriptions universitaires: dans ce type

d’assemblées, je côtoie régulièrement un petit tiers de femmes

pour deux tiers d’hommes… sans connaître d’ailleurs la forma-

tion de chacun. » Autre point de repère: l’association de fem-

mes universitaires dont elle fait partie: elle n’y retrouve pas

beaucoup de directrices fi nancières…

FORME DE FLEXIBILITÉ La fonction qu’elle occupe aujourd’hui au sein de Dentsu Brus-

sels Group, Patricia Vancraenbroeck y est arrivée par l’audit et

cinq années passées chez Arthur Andersen. C’est comme cela

qu’elle entre en contact avec le groupe qu’elle n’a plus quitté

depuis. Son job de Financial Manager, elle le voit comme « une

fonction aux multiples responsabilités: budget, résultats, ges-

tion de cash, investissements et bien d’autres classiques de la

fonction. L’avantage que j’ai par rapport à d’autres femmes de

la société, c’est que rien ne m’empêche, à un moment donné, de

reprendre mon ordinateur portable à la maison et d’y travailler.

Si je pense aux commerciales ou aux personnes en charge du

marketing, c’est un plus, clairement. La société ne s’arrête pas

de tourner et mon équipe est peu infl uencée par cette forme de

fl exibilité. Mais cet avantage est lié au contenu de la fonction,

pas au fait que je suis une femme. Un homme pourrait tout

aussi bien en tirer les mêmes avantages. Tout ceci pour dire

qu’une femme à la direction fi nancière, c’est fi nalement peut-

être plus facile qu’à d’autres postes de direction. »

L’image véhiculée par la fonction est pleine de stéréotypes et ce

n’est pas nouveau. « Au moment de démarrer mes études, puis de

faire mes débuts dans la vie professionnelle active, la fonction n’était

clairement pas connotée ‘femme’. Pourtant, on nous reconnaît des

qualités d’organisation, de structure: c’est donc une fonction qui

nous convient particulièrement bien. » Voilà probablement ce qui

l’a décidé à choisir, à l’époque, la fi lière de formation fi nancière

plutôt que l’option marketing.

Une fois le diplôme en poche, la ligne est tracée. Pour Patricia

Vancraenbroeck, ce sera donc d’abord l’audit: « Pour voir tous

les types de sociétés: dans l’industrie, les services,… Jusqu’au

jour où l’opportunité s’est présentée de rejoindre l’équipe ici.

J’y suis depuis 22 ans, et nous avons connu pas mal de chan-

gements. Je sais maintenant avoir été retenue à l’époque pour

mon esprit de raisonnement dans les matières légales et fi s-

cales. Il le fallait car les premiers mois n’ont pas été de tout

repos, j’ai dû directement plonger dans les chiffres car la société

avait un calendrier: audit fi scal, purchasing, audit fi nancier,

audit legal. Bref: la totale! Je peux vous assurer que comme

entrée en matière, le menu était copieux! »

EQUIPE TRÈS FÉMININEPlongée dans le bain de cette manière-là, Patricia Vancraenbroeck

a probablement aussi gagné du temps. Pour pouvoir répondre

aux auditeurs, elle a dû connaître tout de la société en un strict

minimum de temps. Son avantage: venir de l’audit, elle connais-

sait donc les attentes, les méthodes et elle a pu anticiper. « Il faut

dire que j’avais été à bonne école: la formation reçue chez Arthur

Andersen était de grande qualité. Moins théorique qu’à l’université,

mais organisée au travers de séminaires, de pratique de terrain.

Bref: de quoi développer ses facultés d’adaptation. »

Et, des facultés d’adaptation, elle en a eu bien besoin au cours de

ces vingt-deux dernières années. « Nous avons changé quatre-cinq

fois d’actionnaires, passant, en cascade, de mains américaines à des

franco-américaines, puis françaises, pour fi nalement intégrer un

géant mondial basé au Japon, Dentsu. A chaque fois, je me suis bien

évidemment retrouvée au cœur même, au centre névralgique de la

société dont je dois être une des ‘mémoires’. »

Son équipe comptable est très féminine, le fruit du hasard selon

elle, car il n’y a eu aucune intention de départ. Elle chapeaute

une directrice des ressources humaines et deux comptables.

Seul le chef-comptable fait exception. La principale diffi culté

pour la constitution de l’équipe: « avoir trouvé une bonne comp-

table anglophone, quelque chose d’essentiel au vu de nos acti-

vités qui dépassent les frontières et de notre position au niveau

européen pour le groupe. Une comptable et pas un comptable,

car j’ai l’intuition que les femmes ont l’esprit comptable, sont plus

structurées que les hommes, plus consciencieuses peut-être aussi.

Mais il faut relativiser: c’est une femme qui le dit, parce que c’est ce

qu’elle vit et constate au quotidien dans sa réalité professionnelle.

Est-ce pour autant objectif? »

BEAUCOUP D’AUTONOMIE Patricia Vancraenbroeck et son équipe ont aussi dû s’adapter à

des exigences différentes et à des niveaux d’exigence différents

en fonction des actionnaires successifs. « Une charge de travail,

oui, mais aussi autant de défi s nouveaux: stimulants sur le plan

« J’ai l’intuition que les femmes ont l’esprit comptable, sont plus structurées, plus consciencieuses peut-être aussi. »

Page 8: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

8

intellectuel et professionnel. Lorsque nous étions sous bannière

américaine, le reporting était lourd. Rien d’étonnant à cela puisque

la société mère était cotée à la Bourse de New-York. En termes de

contraintes de temps, cela signifi ait qu’il fallait que les chiffres re-

montent jusqu’au siège central dans les dix-douze jours ouvrables.

Avec les Français, on est passé à une récolte des chiffres plus ciblée:

de douze pages, nos rapports n’en ont plus fait que trois. Et tout

devait être disponible pour le 20 du mois. »

Avec les actuels actionnaires japonais, qui ont racheté en 1992,

il y a quinze ans, nouveau coup de balancier pour les mêmes rai-

sons: une cotation en bourse, à celle de Tokyo cette fois. Consé-

quence: « Les choses se sont vite structurées et les deadlines se

sont méchamment raccourcies, mais par étapes: onze jours, puis

dix, puis neuf… pour en arriver aujourd’hui à huit. Huit jours

pour, en fait, transmettre nos chiffres en Angleterre. C’est là que

s’opère la consolidation européenne avant l’envoi au Japon. Les

points-clés qui nous sont demandés: détail des résultats, rentabi-

lité par clients – répartie entre clients japonais et non-japonais –,

cash-fl ow et détail des lignes de crédit. On réalise donc une clô-

ture mensuelle et ce n’est pas exagérément lourd. » C’est le siège

qui a voulu cette organisation, avec l’envoi de deux personnes à

Londres. Ils y récoltent les chiffres de toutes les agences locales,

mais ils n’occupent pas pour autant la position de CFO euro-

péens. « Ils ne gèrent pas de société, ils consolident. »

Ceci dit, Patricia Vancraenbroeck n’a jamais eu autant d’auto-

nomie que depuis le dernier changement d’actionnaire. « Tra-

vailler pour et avec des Japonais est vraiment une expérience

à partager avec d’autres managers. Ce qui est clair, c’est qu’ils

ont du mal à se faire à la culture européenne et ils nous lais-

sent donc beaucoup d’autonomie. Ils respectent beaucoup no-

tre travail et il y a donc peu d’ingérence. Ils posent beaucoup

de questions, prioritairement sur les clients japonais plutôt que

sur les autres, car ils veulent absolument être en phase avec

leurs clients ‘historiques’. Au moment de cadrer le reporting, on

s’est donc mis d’accord ensemble sur les besoins et attentes. »

VITESSE PHÉNOMÉNALE Patricia Vancraenbroeck ne le dira pas, mais la réputation de

Bruxelles ne serait plus à faire chez Dentsu. Le maître mot

serait « avec les Belges, jamais de problème! » Quand on sait

que le groupe a aussi des implantations dans d’autres pays

européens, on peut s’imaginer que tous ne marchent pas à la

baguette et que le délai de huit jours pour faire remonter les

infos fi nancières ne doit pas convenir à tout le monde.

Pour un ou une CFO, travailler dans le monde de la publicité est un

défi permanent. Les clients fonctionnent sur des contrats d’une à

plusieurs années. Il faut donc tout dimensionner en fonction des

évolutions du portefeuille clients et faire les ajustements néces-

saires. Et puis, il faut aussi suivre le marché, qui évolue à une vi-

tesse phénoménale, notamment sur le plan technologique.

« On ne crée pas comme cela, en deux coups de cuillère à pot,

un département animation. Pour valider les investissements, il

faut donc que je connaisse bien le marché et ses attentes et

que je suive aussi les nouveaux développements, les nouveaux

outils. Rien qu’en nouvelles technologies, nous sommes en train

d’investir un petit 400.000 euros! Après réfl exion, il est vite

apparu qu’une seule voie s’imposait pour le fi nancement: le

leasing! L’informatique évolue trop vite, les capacités de calcul

des machines aussi. Autant de raisons qui nous poussent à ne

pas investir là en fonds propres. »

IMMERSION COMPLÈTEAutre approche, peut-être à contre-courant, en matière de

parc automobile. Sans option d’achat, le leasing auto ne se-

rait pas une bonne solution! C’est en tout cas la conclusion

à laquelle est arrivée Patricia Vancraenbroeck au terme d’une

DOSSIER

Patricia Vancraenbroeck: « Je dois tempérer parfois l’enthousiasme des commerciaux et des créatifs. Mon approche est analytique, par client, par projet, par cam-pagne, avec un suivi du temps pour rester en contrôle. »

« Travailler pour et avec des Japonais est vraiment une expérience à partager avec

d’autres managers. »

Page 9: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

9

analyse fi nancière serrée. « On fi nance l’achat de la voiture,

mais le coût mensuel est quasiment identique à la mensua-

lité du leasing. La différence, c’est qu’à la fi n des quatre ans, on

reste propriétaire de la voiture, qu’on s’empresse de conserver

une cinquième année. Et puis, on la revend, ce qui nous per-

met d’en retirer, en fonction des modèles, de 4.500 à 13.000

euros. C’est ce qui représente mon profi t. Un bénéfi ce que je ne

retrouve pas dans le leasing. En IT, par contre, on ne doit pas

s’occuper de ce que devient notre équipement à l’échéance du

contrat. Et heureusement, quand on sait à quelle vitesse tout

cela se déprécie. »

La souplesse, la société la cherche aussi sur le plan immobi-

lier. « C’est logique car comme je l’ai déjà expliqué, nos effec-

tifs jouent à l’accordéon en fonction des contrats signés avec

des clients. La formule la plus souple est la location, car elle

nous permet éventuellement de déménager. Ceci dit, le fait

qu’on soit ici depuis une dizaine d’années est plutôt bon signe.

Et même si on engage pour le moment parce que nous avons

remporté deux-trois compétitions entre agences, notre surface

nous permet d’absorber cet affl ux de nouveaux talents. »

La charge salariale est le nerf de la guerre, car elle repré-

sente ici 65 % de la marge brute. Et la société est une agence

paneuropéenne, ce qui est synonyme de budgets très im-

portants. « Mais qui dit gros budgets, dit aussi clients fidè-

les. » Tout se joue au moment de l’offre car il ne faut pas se

tromper. « Je dois tempérer parfois l’enthousiasme des com-

merciaux et des créatifs, mais comme je suis en immersion

complète dans le secteur, je peux les orienter de manière cré-

dible sur leurs estimations. Mon approche est analytique, par

client, par projet, par campagne, avec un suivi du temps pour

rester en contrôle. Nous avons même mis en place une série

de signaux d’alerte pour recadrer les choses bien à temps. Et

tout le monde est impliqué: tout le département comptable

bien évidemment, dont le chef-comptable fait de la gestion,

du contrôle de gestion même. Mais les commerciaux sont les

premiers à être responsabilisés. » Pour le suivi en « routine »:

une réunion financière par mois et une réunion budgétaire

par trimestre.

DÉFI D’ORGANISATION L’agence belge s’apprête à devoir modifier ses batteries en

matière d’analyse de risque. Et Patricia Vancraenbroeck de

préciser: « On va devoir beaucoup documenter, le ‘compliance

digest’ est exigeant. Tout a été dimensionné pour une société

de 6.000 personnes et, ici, nous ne sommes que 45 avec une

filiale qui occupe 35 personnes et quelques freelances. Quand

vous voyez que le groupe s’est organisé en cinq départements

et bénéficie d’auditeurs internes, vous pouvez imaginer l’ef-

fort que nous avons dû faire pour satisfaire au même niveau

d’exigence! »

Les réunions financières ne faisaient pas l’objet de procès-

verbaux, c’est devenu le cas. Idem pour les procédures de

contrôle. « On est quatre dans l’équipe, on doit faire cela

pour nos deux sociétés et nos quatre centres de profit. Notre

manuel de procédure n’est pas aussi lourd que pour les 6.000

personnes, mais ce n’est pas rien non plus. C’est plus un défi

d’organisation et de procédure que de finance. »

Patricia Vancraenbroeck s’en voudrait de ne pas aborder tout

l’aspect administratif de la fonction de CFO. Une dimension

qui est parfois occultée, bien involontairement. « Mais qui

s’occupe de la gestion quotidienne du bâtiment, sinon mon

équipe? Le facility management, c’est chez moi. La raison en

est fort simple: dans toute entreprise, on considère que s’il y a

bien un service qui assure une sorte de permanence, c’est bien

la comptabilité. La compta est toujours là! »

A l’autre bout du monde, son homologue japonais doit

vivre une toute autre réalité. Et peut-être se dire qu’il est

bien difficile de comprendre ces Belges-là. Sur cette manière

de fonctionner et sur d’autres, dont la plus emblématique

doit être la fiscalité. « Au Japon, ils n’ont aucune expérience

fiscale: ils paient 17% et c’est tout. Ils n’ont donc pas cette

approche que peuvent avoir les Américains ou les Européens.

Et que dire alors des Belges dont les dispositifs fiscaux sont

d’une complexité à toute épreuve. Je rencontre parfois des dif-

ficultés pour sensibiliser aux mécanismes qui permettent de

substantielles économies, sur les droits d’enregistrement par

exemple. Parfois, ils n’en veulent tout simplement pas. » Sur

un dossier récent, le montant à économiser était pourtant

assez rondelet: 1,7 million d’euros…

« Dans toute entreprise, on considère que s’il y a bien un service qui assure une sorte de permanence, c’est bien la comptabilité. »

Dentsu Brussels Group est basé à Ixelles. Agence paneuro-

péenne, elle est organisée en quatre entités:

* Dentsu Brussels

* Dentsu Production Concepts

* Dentsu Live

* Dentsu Digital

Créée en 1961, elle a enregistré en 2006 un revenu brut de

7.835.060 € sur un chiffre d’affaires de 19.436.181 €. Avec

une septantaine de collaborateurs, elle gère un portefeuille

clients actifs dans le non food, le food, les services et les

équipements industriels.

Page 10: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

10

DOSSIER

Nos trains font du 300 à l’heure. Les finances aussi!

« «

Une chose est certaine: ce n’est pas chez Thalys International qu’il faut chercher une victime du plafond de verre dans les hautes fonctions fi nancières. En janvier 2005, Ingrid Nuelant, 31 ans, accédait à la direction fi nancière de la société. Deux ans plus tard, elle vient d’ajouter à sa casquette de CFO celle de Deputy CEO. C’était il y a quelques jours, le 1er juillet…

L e monde du transport, souvent connoté au mas-

culin. Et pourtant: Ingrid Nuelant y réalise le par-

cours parfait. Néerlandophone, mais excellente

trilingue, évoluant dans un environnement fran-

cophone et entourée de partenaires internationaux, cette licen-

ciée en Sciences commerciales de l’EHSAL à Bruxelles a débuté

sa carrière chez NRG Services-Nashuatec, avant de passer chez

Prodeli-Profi en tant que Business Analyst. En 2001, elle décide

de rejoindre la SNCB. Un retour aux sources, puisque c’est au

sein de cette entreprise publique qu’elle avait effectué un stage

au cours de ses études universitaires. Au point d’y laisser un bon

souvenir, puisqu’on est venu lui suggérer de postuler.

C’est là que se dessine la carrière qu’elle embrasse pour le mo-

ment: d’abord conseiller au service Stratégie & Développement,

puis conseiller à la division Contrôle de Gestion de la Direction

Finance, elle entre alors en contact avec le réseau à grande vi-

tesse. Eurostar, ICE, TGV et Thalys deviennent son quotidien. Dé-

tachée pour prendre en charge la direction fi nancière de Thalys

International, elle assiste au développement de l’entreprise, du

réseau, des produits. Aujourd’hui, Thalys, c’est déjà plus de 55

Page 11: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

11

millions de voyageurs transportés entre Paris, Bruxelles, Amster-

dam et Cologne. Et ce n’est pas fi ni: en 2008, Thalys devrait vous

emmener en environ 1 heure 30 de Bruxelles à Amsterdam et de

Bruxelles à Cologne et en environ 3 heures de Paris à Amsterdam

et de Paris à Cologne.

PRODUIT DYNAMIQUE Un rêve, le monde du transport, une passion pour les trains? Pas

vraiment, selon Ingrid Nuelant. Mais ce qu’elle a bien trouvé chez

Thalys, ce sont différents aspects qui font partie de son rêve: un

contexte international et, ce qui a toujours eu sa préférence, les

chiffres. Une préférence stimulée dès son parcours scolaire: l’op-

tion scientifi que A, c’est tout de même neuf heures de math.

« J’avais ce feeling pour les chiffres et il n’a fait que se renforcer. On

m’a appris à aller au fond du sujet et à voir ce qu’il y avait derrière les

chiffres et à bien analyser. » Cela n’empêche pas Ingrid Nuelant de

se voir à un moment en diplomate: « Habiter à l’étranger, essayer

de travailler pour les Nations Unies, bref revenir sur les pas d’une vi-

site qui m’avait marquée, au siège des Nations Unies à New-York. »

Mais l’international et les chiffres auront raison de ses ambitions

diplomatiques. L’image qu’elle se fait de Thalys et qui l’attire: un

produit dynamique. Mais, au départ, son spectre est plus large,

puisqu’elle fonctionne d’abord, au sein de la SNCB, en tant que chef

de projet sur la plupart des projets ‘train à grande vitesse’ comme

Jupiter pour Eurostar. Elle y étudie les projets de nouvelles lignes

et de nouveaux trains. « C’est la base de ma carrière: j’y ai rencon-

tré énormément de gens. Je me suis intégrée dans un réseau et j’ai

accumulé beaucoup d’expérience sur des matières et des projets de

pointe. Ce qui m’a ouvert les portes d’une opportunité, en marge

de la SNCB: la responsabilité fi nancière de Thalys. J’y fonctionne

aujourd’hui en détachement de la compagnie nationale. »

Dans ses bureaux bruxellois, on se retrouve au cœur de Thalys.

C’est là que s’opère le management de l’ensemble de la structure

internationale qui œuvre derrière le produit Thalys. On y croise des

personnes détachées par les sociétés de chemin de fer nationales,

mais de plus en plus – elles sont d’ailleurs devenus une majorité –

des personnes engagées contractuellement, en direct par Thalys

International. L’avantage de cette structure: elle est jeune. « C’est

d’autant plus motivant que le produit est de haute technologie et

que le contexte est très international. En tant que belge et dans un

partenariat avec de grands pays, notre réputation en matière de re-

cherche de compromis est un atout. » Mais il n’y a pas que la socié-

té qui est jeune: la moyenne d’âge du personnel est extrêmement

basse, puisqu’elle se situe autour des 35 ans.

VISION COMPLÈTE Autre dimension de sa fonction: son rôle de coordination entre les

quatre réseaux nationaux, où clairement elle ne représente pas

les intérêts de la SNCB, mais ceux de la société. « On attend de

moi de l’objectivité, de la neutralité. Je dois faire passer l’idée que

l’intérêt de Thalys, c’est celui des réseaux des pays partenaires.

Avec mon équipe de la Direction Administration et Finances,

nous sommes de plus en plus au cœur des grands enjeux, dont

celui, majeur, de la libéralisation du trafi c ferroviaire internatio-

nal. L’accent est mis sur la rentabilité, donc sur les fi nances. Nous

sommes là en support des autres services. »

Tout projet est important, car il nécessite un calcul très fi n de

retour sur investissement. « On est donc très proches de l’exploi-

tation et on doit en connaître et en comprendre toutes les ar-

canes, tous les enjeux. Ceci dit, cette vison très large est partagée

par pratiquement tout le monde, ici à Bruxelles, car c’est le cœur

du management du produit. » Avec une équipe d’une petite

centaine de personnes, on y génère un chiffre d’affaires supé-

rieur à 360 millions d’euros, en touchant aussi bien aux sillons

« En tant que Belge et dans un partenariat avec de grands pays, notre réputation en matière de recherche de compromis est un atout. »

- Un trafi c global en hausse de 6,5% en 2006, l’année de

son dixième anniversaire.

Soit… plus de 6,5 millions de voyageurs: la meilleure

croissance en trafi c depuis 1999, date à laquelle le ré-

seau Thalys a fi ni de se déployer.

- Un chiffre d’affaires de 363 millions d’euros en 2006, ce

qui représente une croissance de 21% en 3 ans.

- La progression du chiffre d’affaires en Belgique montre

un taux de croissance tout à fait comparable pour les

voyages vers les trois destinations Thalys: +9,4% pour

Paris, +10% pour Amsterdam et +9,8% pour Cologne.

- Décembre 2006 a vu la diminution du temps de par-

cours à 1h22 du trajet entre Paris et Bruxelles. La ligne

Bruxelles-Paris continue d’ailleurs à squatter la première

place: elle représente 51,3% du chiffre d’affaires.

- Les lignes reliant Paris aux Pays-Bas et Paris à l’Allema-

gne représentent, pour leur part, respectivement 20% et

11, 5% du chiffre d’affaires. Quant à la dorsale wallonne,

elle a enregistré une progression de 12,1% de son chiffre

d’affaires en 2006.

- Moyen de locomotion privilégié par les businessmen,

Thalys a atteint en 2006 un taux record de ponctualité

de 95% sur la ligne Bruxelles-Paris (retards inférieurs à 15

minutes – norme internationale).

Thalys en chiffres:

Page 12: FM09

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°09 - JUILLET 2007

12

(les slots horaires) qu’aux programmes « frequent travellers ».

Une vision complète qui motive le personnel. Ingrid Nuelant ne

fait bien évidemment pas exception. « Cela donne à la fonction de

CFO un rôle différent de celui que j’aurais dans une grosse boîte car,

ici, je suis pratiquement associée à toutes les décisions qui touchent

l’entreprise. C’est le cas encore aujourd’hui, où nous planchons déjà

sur la stratégie 2010: notamment à travers des études de rentabi-

lité par rapport au choix des horaires. Or, 2010 sera un moment clé

pour les chemins de fer au niveau du trafi c voyageur international.

On se prépare à cela et l’aspect rentabilité n’en deviendra que tou-

jours plus important. »

TOUT CONCILIER Un défi fi nancier, commercial, mais aussi technique. Une matière

qui ne rebute pas cette jeune femme décidée. Il faut dire qu’elle

n’a jamais ressenti un traitement différencié du fait qu’elle était

une femme dans un environnement traditionnellement très

masculin. C’était le cas à la SNCB, ce ne l’est d’ailleurs pas du tout

chez Thalys International, où les femmes sont majoritaires par

rapport aux hommes.

Ceci dit, en tant que femme et autant en tant que jeune, elle s’est

sentie testée. « A la SNCB, je peux très bien imaginer qu’au début,

certains faisaient preuve de scepticisme mais, fi nalement, je crois

qu’on fi nit par s’imposer naturellement si les résultats suivent,

homme ou femme, jeune ou vieux. Et là, je ne vous cache pas que

j’y ai travaillé durement! » Ingrid Nuelant ne nie pas que cela a un

impact non négligeable sur la vie privée.

« Le fait d’être célibataire m’a permis de m’investir totalement, ce

qui n’aurait pas été possible dans de telles proportions si j’avais eu

une famille. Je ne m’étonne donc pas de voir peu de femmes à de

hautes fonctions fi nancières. Leurs compétences ne sont pas remi-

ses en cause, mais ce type de fonction exige un tel niveau d’impli-

cation et de disponibilité que ce n‘est pas facile de tout concilier. »

D’autant plus que vu le caractère multinational de la société, elle

voit son agenda balisé de réunions, autant à Bruxelles qu’au siège

des compagnies partenaires.

La passion des chiffres avait, au départ, orienté Ingrid Nuelant

vers le contrôle de gestion. C’était même son dada, car cette posi-

tion permet, au départ des chiffres, d’avoir la vision du business

dans sa totalité. « Avec la comptabilité qui donne la situation ac-

tuelle comme base, l’intérêt du management control est de donner

une vision future, sur base de business cases. C’est ce que je retrouve

aujourd’hui dans ma fonction. Et le fait d’être impliquée dans la

stratégie est une superbe opportunité. Imaginez: on détermine au-

jourd’hui, en fonction de toute une série de paramètres et de notre

analyse, le futur succès du produit et de la société… ».

Dimension plus pratique, bien évidemment: l’information des

actionnaires. Au niveau comptabilité, le reporting qui était des-

tiné jusqu’ici aux seuls deux actionnaires, la SNCB et la SNCF, est

aujourd’hui élargi depuis peu à la Deutsche Bahn. « Un reporting

très précis, sur base de la comptabilité belge, puisque la société, une

SCRL, est belge. La demande est claire: présenter un reporting glo-

bal, accompagné de demandes très spécifi ques de chaque réseau.

Par exemple, les Néerlandais demandent une analyse très fouillée

de leur axe Paris-Amsterdam. Car cela infl uence leurs propres comp-

tes. Et puis, de manière plus large, vous imaginez bien que lorsque

nous évaluons un retour sur investissement sur la mise en place

d’un programme ‘frequent traveller’, cela intéresse tout le monde,

car c’est bon pour tous les partenaires. »

En matière d’investissements et de mises aux normes techni-

ques, les dossiers à préparer sont beaucoup plus lourds. Comme

l’international n’est pas le premier cœur de métier de certaines

des compagnies voisines gigantesques, certains processus de dé-

cision sont parfois un peu plus longs: il y a davantage de procé-

dures codifi ées, comme le fait qu’en matière d’investissement il

est nécessaire de passer par le board de chaque compagnie. « Cela

exige un gros travail de préparation, un reporting très pointu car les

exigences sont parfois différentes. La SNCF et la Deutsche Bahn, par

exemple, ont mis en place des boards spécifi ques pour tout ce qui

touche aux investissements, au-delà d’un certain seuil. »

Ce mode de fonctionnement est souvent qualifi é autant de diffi -

culté que de challenge, mais c’est la raison d’être de Thalys Inter-

national. Une situation qui est un atout en matière d’autonomie.

Nous sommes au service du réseau et notre rôle de coordination a

de réelles plus-values, notamment lorsqu’un travail de recherche

est mené ici, on fait gagner du temps, de l’énergie et donc de l’ar-

gent à l’ensemble des structures.

DOSSIER

A l’issue de l’Assemblée Générale Extraordinaire du vendredi 15 juin 2007, la Deutsche Bahn AG est devenue, à hauteur de

10%, nouvel actionnaire de Thalys International SCRL (société de droit belge en charge des services Thalys). Le reste du capital

social de Thalys International (dont le montant n’a pas été modifi é à cette occasion) est réparti entre la SNCB (28%) et la SNCF

(62%). Thalys a été lancé en 1996 grâce à la coopération entre la SNCF (France), la SNCB (Belgique), la DB AG (Allemagne) et les

NS (Pays-Bas). En décembre 2007, Thalys fêtera les dix ans de la relation Paris – Aachen – Köln, sur laquelle plus de cinq millions

de voyageurs ont déjà été transportés.

La Deutsche Bahn est depuis un mois actionnaire de Thalys International