15
EN PRATIQUE SOMMAIRE N°36 - AVRIL 2010 Dossier Environnement: contrainte ou opportunité? Pour l’entreprise, la démarche vers le développement durable représente- t-elle une contrainte ou peut-elle se traduire en opportunités? Les deux, en fait: tout dépend de l’attitude retenue. Notre dossier explore des ré- ponses positives.

FM36

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Environnement: contrainte ou opportunité?

Citation preview

EN PRATIQUESOMMAIREN°36 - AVRIL 2010

Dossier

Environnement: contrainte ou opportunité?

Pour l’entreprise, la démarche vers le développement durable représente-t-elle une contrainte ou peut-elle se traduire en opportunités? Les deux, en fait: tout dépend de l’attitude retenue. Notre dossier explore des ré-

ponses positives.

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

20

L’ambition de la Belgique ne peut se limiter à rattraper son retard

L a demande croissante d’énergie et la nécessité

absolue de réduire les émissions de CO2 contrai-

gnent tous les acteurs de la société à passer à la

vitesse supérieure et à agir. « L’effi cacité énergé-

tique est un élément clé de la réponse à apporter et donc un défi

central pour les prochaines décennies, souligne Thomas Leysen,

président de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Les

investissements en effi cacité énergétique ont souvent un intérêt

économique évident mais leur potentiel se voit fréquemment

sous-estimé ou sous-exploité en raison de divers obstacles. »

À la demande de la FEB, McKinsey & Company a étudié la si-

tuation belge et a analysé comment notre pays pourrait de-

venir l’une des économies les plus effi caces en termes d’éner-

gie, d’ici à 2030. Dans de nombreux domaines, la Belgique

est à la traîne par rapport à ses voisins. La consommation

énergétique par mètre carré dans les bâtiments se révèle de

50% à 100% plus élevée, la consommation d’énergie du trafi c

routier est une des plus fortes et les améliorations de l’effi ca-

cité énergétique dans l’industrie sont importantes mais infé-

rieures de 40% à celles des meilleurs pays européens.

Dans son étude, McKinsey & Company ne se contente pas

de calculer les possibilités d’économies d’énergie en Belgique

mais avance aussi quelques pistes concrètes. De nombreu-

« Les entreprises vont devoir affronter des obligations, mais elles vont également rencontrer des opportunités de marché. »

FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS

La combinaison de l’augmentation de la population, de la croissance économique globale et des modes de consommation hypothèque l’avenir de la planète. L’effi cacité énergétique constitue un élément essentiel de la solution à apporter dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. C’est pourquoi la FEB a estimé qu’il était grand temps de se pencher sur la performance énergétique de notre pays… où McKinsey décèle un important potentiel d’amélioration.

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

21

ses entreprises belges ont déjà réalisé des efforts en matière

d’effi cacité énergétique au cours des dernières années. « Tou-

tefois, nous sommes convaincus que presque chaque entreprise

peut encore réaliser des économies d’énergie: rénovation des

bureaux, augmentation de l’effi cacité des transports de mar-

chandises et de personnes, optimalisation des processus indus-

triels… ». Le parc immobilier, le transport routier et l’industrie

représentent ensemble 90% de la consommation d’énergie

primaire totale de la Belgique.

L’étude McKinsey & Company montre que la Belgique pour-

rait réaliser, d’ici à 2030, une économie annuelle de 5,2 mil-

liards d’euros par le biais de mesures ambitieuses visant à

améliorer l’effi cacité énergétique (NB : cette économie sur la

facture énergétique varie en fonction du prix du pétrole entre

3,5 milliards et 10 milliards d’euros d’ici à 2030). La Belgique

pourrait donc diminuer de 29% sa consommation énergéti-

que attendue pour 2030.

Le potentiel d’économie le plus important se situe dans les bâ-

timents (48% de la consommation énergétique attendue en

2030), suivi par l’industrie avec 22% et par le transport routier

avec 21%. Selon les spécialistes de McKinsey, l’amélioration

de l’effi cacité énergétique génère non seulement des écono-

mies mais également d’autres avantages dont l’importance

est cruciale dans le contexte économique actuel: réduction

des émissions de CO2, accélération de la création d’emplois,

Thomas Leysen: « Les investissements en effi cacité énergétique ont souvent un intérêt économique évident mais leur potentiel se voit fréquemment sous-estimé ou sous-exploité en raison de divers obstacles. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

22

nouveaux marchés pour les services et les produits et amé-

lioration de la compétitivité de notre pays.

QUATRE PISTESLe développement durable de notre industrie est un sujet

« chaud » à la FEB. « Les entreprises vont devoir affronter des

obligations, mais elles vont également rencontrer des oppor-

tunités de marché, explique Isabelle Callens, directeur du dé-

partement économique. La FEB met en avant ses industries

éco-innovantes, nous les présentons à chaque mission princière,

comme ce fut très récemment le cas en Inde. Les ‘green tech-

nologies’ constituent un des marchés sur lesquels on observe la

plus haute croissance, avec le secteur pharmaceutique et celui

de la santé. »

Selon Isabelle Callens, chaque entreprise va devoir entrepren-

dre une démarche vers le développement durable. « Pour amé-

liorer spontanément son image car si elle ne le fait pas, elle ris-

que sérieusement de perdre des parts de marché et de subir des

coûts. Les entreprises qui font des efforts vont recevoir un certain

nombre d’exemptions. C’est notamment le cas des entreprises

qui concluent des accords de branche. » L’étude McKinsey mon-

tre donc que le retour sur investissement est bien réel pour le

développement durable. Même s’il faut parfois attendre que

quelques années s’écoulent. Or, des entreprises mise à mal par

la crise et qui rencontrent parfois des diffi cultés à accéder au

crédit ne peuvent se permettre un tel luxe. Aussi, la FEB avance

une série de pistes prioritaires pour la Belgique, en vue d’une

économie plus performante sur le plan énergétique.

Premièrement, créer une « Green Bank » dont la vocation se-

rait de stimuler le fi nancement des projets visant à améliorer

l’effi cacité énergétique dans l’industrie. « Nous arrivons à la

fi n du travail préparatoire. Les différentes banques se montrent

prêtent à accorder un taux réduit pour ce qui touche aux in-

vestissements en matière d’effi cacité énergétique. Mais nous

demandons également aux régions que cette Green Bank puis-

se bénéfi cier de leur garantie, afi n de ne pas ajouter un risque

supplémentaire aux banques et une nouvelle charge aux en-

treprises. Mais le risque pour le gouvernement sera très faible

par rapport aux objectifs que l’on pourrait atteindre en termes

de réduction de CO2 et face aux bénéfi ces à tirer quand on peut

compter sur des entreprises plus saines, etc. »

NOUVELLE MENTALITÉDeuxièmement, les certificats énergétiques existants – qui

ne sont pour le moment obligatoires qu’en cas de vente ou

de location – doivent informer de façon suffisamment claire

non seulement de l’état actuel du bâtiment mais également

des mesures les plus efficaces et rentables pour l’améliorer.

Ils devront en outre indiquer le lien avec les incitants exis-

tants susceptibles d’encourager ce type d’investissements.

Un aperçu clair des économies d’énergie prioritaires peut en

effet inciter l’habitant à investir efficacement et à réduire

sa facture énergétique à terme. Pour atteindre cet objectif,

il convient de former un nombre suffisant d’experts. De

Isabelle Callens: « Les entreprises qui font des efforts vont recevoir un certain nombre d’exemptions. C’est notamment le cas des entreprises qui concluent des accords de branche. »

DOSSIER

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

23

La démarche vers le développement durable pour les entre-

prises est-elle un risque ou une opportunité?

Roland Moreau (directeur général de la Direction générale

de l’environnement au Service public fédéral de la santé

publique, de la sécurité de la chaîne alimentaire et de l’en-

vironnement): « Les deux. Cela dépend en fait de l’attitude

des entreprises, qui répondent en faveur de l’un ou de l’autre

de manière très différente. L’écologie n’est pas une question

de mode. Si on considère la tendance sur le long terme, le

discours de Thomas Leysen, président de la FEB, est le bon:

la pression sur les ressources naturelles est évidente, nous

manquerons un jour de pétrole et le prix des énergies va

immanquablement continuer à grimper. L’entreprise vision-

naire, qui souhaite assurer sa survie et la durabilité de ses

activités à terme, doit absolument anticiper ces évolutions.

Continuer à développer des produits gros consommateurs

d’énergie ou dont les émissions polluantes seraient à la

limite de la norme n’a plus aucun sens. La crise pétrolière

étant passée par là, les entreprises ont commencé se mon-

trer attentive à leur consommation énergétique et essayent

de la réduire en se repositionnant sur le marché avec des

produits plus verts. L’entreprise qui n’a pas vu cette tendan-

ce arriver se retrouve hors-jeu. Souvent, le directeur fi nan-

cier a comme défaut de raisonner à court terme. La fi nance,

c’est fréquemment l’excitation du cours de bourse et des

chiffres quotidiens. Et parfois, le directeur fi nancier oublie

la vision à long terme et favorise le maintien d’une activité

parce que la marge est encore intéressante. Alors que pen-

dant ce temps, la concurrence a peut-être développé un

produit plus effi cace ou moins polluant qui rencontrera ou

encouragera des normes plus sévères. »

Au plus fort de la crise économique et fi nancière, des voix se sont

élevées contre le bien fondé de cette démarche volontariste…

Roland Moreau: « Face à la crise, certaines entreprises se

voient forcées de délaisser temporairement leur horizon

à 5 ou 10 ans pour assurer leur survie pour 2010. Dans ce

contexte, il est naturel que des normes environnementales

qui vont demander quelques investissements ou qui ris-

quent d’amener des pénalités soient vues négativement.

On observe par exemple qu’en France, une grande partie

des mesures du Grenelle de l’environnement, annoncées

exemplaires, sont reportées ou affaiblies. On veut sauver

l’emploi avant tout. Mais ceci ne change rien à la tendance

lourde à long terme et les vainqueurs de demain seront

ceux qui n’auront pas coupé dans leurs programmes d’éco-

innovation. Ce serait bien que les directeurs fi nanciers ap-

puient les services R&D dans ces moments plus diffi ciles. »

Les aides publiques sont malgré tout minimes…

Roland Moreau: « Au niveau fédéral, on note les aides à

la mise en circulation des véhicules faiblement émetteurs

de CO2. En Région fl amande, il existe certaines primes par

rapport à la directive éco-design de la Commission euro-

péenne et des encouragements à l’éco-innovation. Il est

évident que les primes sur les panneaux photovoltaïques

ont permis de développer un nouveau marché. Les certifi -

cats verts ont encouragé largement le développement des

énergies renouvelables, en particulier le parc éolien en Mer

du Nord. Les entreprises qui se sont mises sur ces créneaux

en ont bénéfi cié. Ce soutien à l’innovation ou aux énergies

renouvelables doit être cohérent et s’inscrire dans la durée.

Par contre, réduire soudainement ces primes constitue, à

mes yeux, un message négatif. Les entreprises apprécient

modérément les modifi cations de législation et ces ‘allers-

retours’, en particulier les directeurs fi nanciers qui aiment

pouvoir planifi er. Changer les règles du jeu en cours de route

se révèle très contre-productif: d’une part, on pénalise ceux

qui ont fait l’effort de se lancer dans une nouvelle activité et

d’autre part on décourage ceux qui voudraient tenter une

aventure similaire à l’avenir. »

« LE DIRECTEUR FINANCIER A SOUVENT COMME DÉFAUT DE RAISONNER À COURT TERME »

Roland Moreau: « Ce serait bien que les directeurs fi nanciers appuient les services R&D dans ces moments plus diffi ciles. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

24

plus, les frais liés à ces certificats peuvent être fiscalement

déductibles et des mécanismes de financement sociaux

doivent être prévus.

Troisièmement, inciter les entreprises possédant un parc de

voitures de société à mener une « green car policy » (par exem-

ple: accorder la priorité à l’achat de véhicules moins énergi-

vores, encourager l’écoconduite). Au niveau du parc automo-

bile, d’importants efforts peuvent encore être fournis en vue

de réduire la consommation d’énergie. La fi scalité verte peut

être une solution à cet égard. La FEB est également convaincue

que la Belgique possède les atouts requis pour devenir leader

dans le domaine de l’électrifi cation du parc de véhicules. Une

percée dans ce domaine devrait s’accorder parfaitement avec

des initiatives sectorielles et régionales tournées vers l’avenir.

Une initiative écologique ambitieuse pourrait dès lors fournir

un nouvel élan à notre secteur automobile.

Enfi n, quatrièmement, la Belgique ne pourra mettre à profi t

de manière optimale son énorme potentiel en matière d’effi -

cacité énergétique qu’au prix d’un changement fondamental

des mentalités et des comportements. L’enseignement revêt

un rôle crucial à cet égard. C’est pourquoi la FEB estime que

l’enseignement secondaire doit veiller à une sensibilisation

effi cace et que la formation à l’effi cacité énergétique doit

être rendue obligatoire, tant dans l’enseignement technique

que dans l’enseignement supérieur.

Pour Thomas Leysen, l’ambition de la Belgique ne peut se

limiter à rattraper le retard encouru en matière d’effi cacité

énergétique. « Nous devons placer la barre plus haut et de-

venir l’une des économies les plus performantes sur le plan

énergétique. L’effi cacité énergétique concerne non seulement

les différents niveaux de pouvoir mais est aussi essentielle pour

de nombreux secteurs. Une approche coordonnée est dès lors

absolument nécessaire. » Pour Isabelle Callens, les techno-

logies vertes sont l’avenir de la Belgique et de l’Europe qui

ne peuvent se permettre de rater ce train. « Nous essayons

de sensibiliser les consciences en montrant les bons exemples,

comme Colruyt, qui a signifi cativement investi dans l’effi ca-

cité énergétique avec un ROI très rapide. Face aux objectifs

de Kyoto et post-Kyoto, face à la taxe carbone qui ne saurait

tarder, nous plaidons pour que les entreprises qui usent des

meilleures technologies soient exemptées de taxes, pour éviter

toute délocalisation. »

« Presque chaque entreprise peut encore réaliser des économies d’énergie. »

DOSSIER

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

25

Les choses bougent en Wallonie

E nergy Pooling est un service offert au sein de

chaque Chambre de Commerce et d’Industrie

de Wallonie. Pour toutes les provinces, il est

subventionné par la Région Wallonne (sauf

pour la province de Liège où l’Europe intervient). Energy Pooling

propose donc ses services gratuitement. Son objectif consiste

à aider les entreprises à diminuer leurs factures énergétiques

de manière rationnelle. « Toutes les entreprises wallonnes, acti-

ves dans l’industrie ou le tertiaire, peuvent nous contacter, ex-

plique Samantha Straet, conseillère énergie de la CCI Connect

Namur. Seule obligation: être implanté sur le sol wallon. »

FORMATION ET SUIVIEnergy Pooling est reconnu comme facilitateurs industrie. « Ce

qui signifi e que nous pouvons représenter la Région wallonne

sur cette thématique, en tant qu’experts. Nous respectons donc

une totale neutralité par rapport aux fournisseurs et ne privi-

légions jamais arbitrairement une solution au détriment d’une

autre. Notre travail vise à encourager les organisations hésitan-

tes à entreprendre une démarche d’économie d’énergies. » Pour

y parvenir, Energy Pooling travaille sur trois axes: l’information,

la formation et répondre aux questions qu’une entreprise peut

se poser en termes d’économie d’énergie.

L’information est véhiculée à travers deux canaux. Le premier

concerne des conférences intitulées « Tribunes énergie ». Il s’agit

de conférences techniques portant sur un sujet bien précis, com-

me le froid ou l’éclairage… « En règle générale, durant une demi-

journée, un professionnel vient expliquer le principe de fonctionne-

ment d’une thématique. Ensuite, nous proposons une visite au sein

d’une entreprise qui a réalisé l’investissement dont il est question.

Nous privilégions les débats entre pairs. En d’autres mots: un entre-

preneur qui parle à des collègues. La thématique doit rester compré-

hensible et la visite doit servir d’exemple à suivre. » Les participants

aux Tribunes ne deviendront donc pas des spécialistes en pom-

pes à chaleur ou en éclairage à la fi n de la conférence. « Mais nous

espérons leur donner envie de progresser dans leur réfl exion. »

Le second canal d’information prend la forme de fi ches techni-

ques et de fi ches investissement. Les fi ches techniques abordent

un thème précis en quatre pages. Deux pages sont adressées aux

fi nanciers et deux pages se destinent aux techniciens. Elles re-

prennent les coûts, les retours, les primes disponibles et des trucs

et astuces pour résoudre les problèmes les plus courants. Les

Le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie de Wallonie, en collaboration avec la Région Wallonne, a mis sur pied le projet Energy Pooling Wallonie. Son objectif: soutenir les entreprises dans leurs démarches de maîtrise et de réduction des factures énergétiques, en agissant simultanément sur la production et la consommation rationnelle. Une aide précieuse… et surtout gratuite.

TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

DOSSIER

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

26

Procéder à des économies d’énergie, utiliser ou produire des éner-

gies renouvelables, c’est une bonne chose. Mais pour une entre-

prise, encore faut-il que la démarche prouve sa rentabilité fi nan-

cière, surtout en période de crise! Deli XL, soutenue par Energy

Pooling, en a fait l’heureuse expérience.

Deli XL, entreprise de distribution spécialisée dans le food service,

a vu le jour en 1918. Depuis, la fi rme s’est fortement développée

et propose comme atout principal une offre multi température.

Deli XL compte deux sièges d’exploitation, en Wallonie à Thuin

et en Flandre, à Kruibeke. Plus de 450 personnes y travaillent

pour 4.500 clients, dont les principaux sont actifs dans la cuisine

de collectivité dans les secteurs commercial (parcs de loisirs, hô-

tels, chaîne de restauration rapide…), social (hôpitaux, homes,

écoles…) et privé (grossiste, traiteur…), en Belgique comme au

Grand-duché du Luxembourg.

Le concept logistique de Deli XL s’articule autour de trois axes,

dans un objectif d’effi cacité et de rapidité. Une méthode de

gestion spécifi que, une offre multi température permettant de

ne passer qu’une commande et un transport adapté assurant

une seule et unique livraison. La sécurité alimentaire prend éga-

lement place au cœur des préoccupations de l’entreprise avec

l’obtention de la certifi cation Iso 22.000. Soucieuse de préserver

l’environnement en réduisant ses émissions de CO2, de réduire

ses consommations d’énergie et de diminuer par conséquent

ses factures d’énergie, Deli XL a mis en place, depuis 2008, un

ambitieux programme « Energy Saving » d’utilisation rationnelle

de l’énergie et de protection de l’environnement.

« Il faut savoir que notre empreinte écologique n’est pas négligea-

ble, souligne Philippe Delsaert, Operation Director et respon-

sable du projet ‘Energy Saving’. Notre consommation annuelle

d’électricité s’élève à 6 millions de kWh. Soit l’équivalent de la

consommation électrique annuelle de 2000 ménages. Pour le gaz,

nous dépassons les 150.000 m3, soit la consommation annuelle de

45 ménages. Enfi n, nos 110 camions de transport ont besoin d’un

million de litres de gasoil tous les 12 mois. » Procéder à des écono-

mies d’énergie, utiliser ou produire des énergies renouvelables,

c’est une bonne chose. Mais pour un entrepreneur et pour son

activité, encore faut-il que la démarche prouve sa rentabilité

fi nancière, surtout en période de crise! « Aussi, nous avons fait

appel au service Energy Pooling de la CCIH, afi n de structurer et

faciliter la mise en œuvre de notre programme. »

AUDIT INTERNEDans un premier temps, Philippe Smekens, conseiller énergie à

la CCIH, a fourni toute la documentation nécessaire à l’évalua-

tion des solutions et des incitants fi nanciers concernant l’uti-

lisation rationnelle de l’énergie et l’utilisation des énergies re-

nouvelables pour Deli XL. Il a ensuite rassemblé une équipe de

spécialistes, « partenaires » potentiels (comptabilité énergéti-

que, confi guration et optimalisation de la gestion du froid, bu-

reau de projet, auditeur agréé et spécialiste en formation audit

énergétique, contrôle d’isolation d’enveloppes de bâtiments

par thermographie infrarouge…) du plan « Energy Saving ».

« Energy Pooling nous a aussi proposé de suivre l’évolution de

nos investissements. La première étape du projet, en 2008, a vu

l’analyse de nos factures d’énergie et la comptabilisation des

consommations des postes les plus énergivores: la production

de froid ainsi que l’éclairage et le chauffage de milliers de m2 de

halls. La deuxième étape, en 2009, consistait en la formation à

l’audit énergétique d’un responsable technique de Deli XL, afi n

qu’il puisse non seulement établir le bilan énergétique du site de

Thuin mais aussi établir, réaliser et suivre les pistes de réduction

de consommation d’énergie en connaissance de cause. » Enfi n,

la troisième étape, de 2009 à 2010, a veillé à établir un plan

d’investissement sur base des résultats de la formation (37 pis-

tes d’amélioration URE rentables ont été mises en évidence) et

du retour sur investissement. Quatorze pistes ont été retenues

pour la phase 1, avec un ROI inférieur à 1 an.

100.000 € D’ÉCONOMIECes pistes concernent essentiellement l’amélioration du pro-

cessus de dégivrage des évaporateurs, le contrôle électronique

des éléments motorisés des groupes de froid en fonction de

la demande, la récupération de calorie sur les groupes de froid

(désurchauffe), l’amélioration de l’isolation des accès (50 por-

tes d’embarquement) des halls réfrigérés et l’utilisation ration-

nelle de l’éclairage des halls en fonction de leur activité. Cette

première phase permettra la réduction d’émission de 500 ton-

nes de CO2, la réduction d’un équivalent énergétique de 2,5

millions de kWh et l’économie de plus de 100.000 € par an.

« La quatrième étape verra, en 2010, la réalisation des investis-

sements sous contrôle d’un bureau d’étude et l’évaluation des

résultats. Le bénéfi ce réalisé pourra servir de fonds d’investis-

sement pour la phase 2, à savoir la réalisation des pistes à plus

grand retour sur investissement. Enfi n, un volet complémentaire

de sensibilisation du personnel à l’éco-consommation sera mis

en place dans la phase 1, grâce à un programme de communica-

tion interne. Avec comme but de rendre le personnel d’avantage

conscient et acteur du programme d’économie d’énergie. »

Parallèlement au programme « Energy Saving », des démar-

ches environnementales sont mises en places : participation

au Club Environnement organisé en 2010 par la CCIH; pro-

jet d’utilisation de l’eau de pluie (20.000 m2 de toit) pour les

sanitaires, l’eau de lavage des conteneurs de produits surge-

lés et l’eau de lavage d’une future station de nettoyage des

camions; projet de participation citoyenne à un parc éolien;

projet de valorisation énergétique de déchets, etc. « Deli XL

n’attend pas la relance économique pour investir dans l’éco-

nomie d’énergie et la protection de l’environnement. Ce genre

d’investissement est très rentable! »

« CES INVESTISSEMENT SONT TRÈS RENTABLES »

DOSSIER

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

27

fi ches investissement, quant à elle, compilent, en un recto-verso,

un investissement réalisé par une entreprise. « Elles expliquent le

projet suivi et précisent la durée du retour sur investissement. »

Les formations assurées par Energy Pooling ont pour but d’ap-

prendre à une ressource interne d’une organisation à se doter

d’outils pour réaliser son propre audit énergétique et gérer la

consommation énergétique de son entreprise. « Nous visons plus

particulièrement les entreprises qui ne disposent pas de moyens

fi nanciers nécessaires pour investir dans un audit énergétique tra-

ditionnel. Ces formations industries et audit tertiaire se déroulent

sur cinq demi-journées. Nous enseignons une partie théorique et les

exercices pratiques se basent sur l’entreprise de chaque participant.

De la sorte, à la fi n de la formation, les participants possèdent déjà

une ‘photo’ de leur consommation et des pistes d’amélioration. Ils

ont déjà réalisé l’audit de leur entreprise. »

Enfi n, les entreprises peuvent poser leurs questions à Energy Poo-

ling. Notamment par téléphone si elles touchent aux primes, aux

investissements, etc. « Parallèlement, nous développons de plus

en plus un autre service, appelé ‘pré-check energy’. Nous nous ren-

dons dans une entreprise pour procéder à son diagnostic énergéti-

que. Après cette visite, nous fournissons un rapport qui reprend les

points d’attention, les problèmes décelés, les pistes d’amélioration,

les incitants fi nanciers liés et une estimation du retour sur investis-

sement. Et bien entendu, par après, nous accompagnons les entre-

prises qui le souhaitent. Et si possible, nous parlons de leurs actions

pour montrer que les choses bougent en Wallonie. »

Philippe Delsaert: « Procéder à des économies d’énergie, utiliser ou produire des énergies renouvelables, c’est une bonne chose. Mais pour un entrepreneur et pour son acti-vité, encore faut-il que la démarche prouve sa rentabilité fi nancière, surtout en période de crise! »

Certaines entreprises wallonnes n’hésitent pas à investir

pour réduire leurs factures d’énergie et par conséquent

diminuer leur impact sur l’environnement. A Gilly, l’impri-

merie Bietlot a fait baisser sa consommation d’électricité

de 58% en remplaçant son système d’éclairage intérieur…

Exemple d’une fi che Energy Pooling.

Imprimerie Bietlot : Remplacement du système d’éclairage intérieur

Activité: Imprimerie plano

CA: 13 M €

Effectif: 66 personnes

Nature de l’opération: Amélioration photométrique de l’éclai-

rage et diminution de la puissance installée.

Concrètement, l’entreprise a remplacé 185 luminaires de type T8,

munis chacun de deux lampes de 58W, par 147 luminaires de

type T5, munis de deux tubes de 35W. Avant les travaux, les lu-

minaires industriels étaient dotés de réfl ecteurs laqués blancs. Ils

sont désormais équipés de réfl ecteurs lisses en aluminium poli.

L’entreprise a également procédé au remplacement de ses bal-

lasts ferromagnétiques par des ballasts électroniques. Au fi nal, la

puissance installée après travaux est de 0.94W/m²/100 lux.

Bilan énergétique de l’opération

- Consommation en 2008: 159.590 kWh d’électricité

- Consommation en 2009: 66.679 kWh d’électricité

Gains de l’opération

- Economies d’énergie: 92.000 kWh/an (soit 58% d’écono-

mie d’énergie sur la consommation électrique)

- Réduction des émissions de gaz à effet de serre 37 tonnes

de CO2

/ an

- Impact humain: amélioration de la productivité et de la

sécurité du personnel

Les chiffres clés

- Temps de retour sur investissement: 47 mois

- Temps de retour sur investissement (avec subsides): 35 mois

(L’entreprise a bénéfi cié de la prime du fonds énergie n°22

- Remplacement du système d’éclairage intérieur. La réduc-

tion de ses consommations électriques étant supérieure à

50%, la prime s’est élevée à 30% du montant de la facture

– montant maximal de la prime = 10.000 €. L’imprimerie a

également pu bénéfi cier d’une déduction fi scale équivalant

à 15,5% du montant de la facture.)

58% D’ÉCONOMIE

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

28

Comment réaliser le bilan environnemental d’une organisation?

Marc Bosmans: « Tout dépend du type de secteur concerné.

La réponse à apporter pour une activité administrative se

révèlera totalement différente de celle destinée à une acti-

vité de production industrielle. Les liens avec les fournisseurs

et les clients ne sont pas les mêmes, la taille des structures

varie, etc. La structure de l’organisation est-elle très hiérar-

chisée, avec une communication très rigide? C’est souvent le

cas dans les grandes entreprises. Dans les PME, par contre,

la communication écrite est beaucoup moins fréquente. Tout

se passe à l’oral et dès lors, on travaille davantage par habi-

tude plutôt qu’en suivant des procédures. Et donc, l’approche

du bilan environnemental variera fondamentalement. »

Ce qui signifi e, plus techniquement?

Marc Bosmans: « Il faut d’abord faire la différence entre une

démarche environnementale et le développement durable, au

scope beaucoup plus large, avec notamment le volet respon-

sabilité sociétale qui intervient. En pratique, nous travaillons

essentiellement sur l’environnemental. On distingue principale-

ment trois approches, selon la demande du client. La première,

élémentaire, est une analyse rapide qui permet de comprendre

l’impact d’une entreprise sur l’environnement. Il faut d’abord

mesurer un impact pour ensuite le comprendre et par après es-

sayer de le diminuer. C’est le seul bon chemin à suivre. Il peut

s’agir d’un bilan carbone où on répertorie tous les impacts

environnementaux pour les traduire, pour une grande partie,

en émissions carbone. Le bilan carbone propose l’avantage de

reprendre tous les impacts, directs et indirects, de l’entreprise:

la consommation d’énergie, les transports, les achats, les pro-

ductions de l’entreprises mises sur le marché. Cet outil est très

demandé par les entreprises qui cherchent à communiquer en

interne avec leurs employés ou vers l’extérieur. Techniquement,

la démarche n’est vraiment pas très contraignante. La deuxième

approche est menée pour des organisations qui doivent faire

face à une consommation énergétique très élevée. Les respon-

sables ont généralement déjà fait une première approche et

souhaitent travailler spécifi quement sur les énergies parce que

c’est un levier facile à actionner pour générer un revenu. Nous

nous dirigeons alors directement vers un audit énergétique,

une analyse ‘pure et dure’ d’ingénierie et de gestion d’un bâti-

ment, afi n d’imaginer des pistes d’amélioration. Enfi n, troisième

approche: la mise en place d’un système de management en-

Le bilan environnemental est une approche analytique et systématique qui prend en compte les relations entre les différents éléments, leurs effets réciproques ainsi que les effets de compensation, de synergie et d’antagonisme. Génère-t-il un réel bénéfi ce pour l’entreprise? Peut-être. Mais pas immédiatement. Entretien avec Marc Bosmans, Head of Department Sustainable Organisations chez RDC-Environment.

Mesurer, pour comprendre et agir

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

« Une entreprise certifi ée ISO ou EMAS est garantie de pouvoir compter sur un management environnemental effi cace. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

29

vironnemental. Soit les certifi cations EMAS et ISO 14001 ou le

label Entreprise éco-dynamique, uniquement à Bruxelles. Dans

ce cas, nous allons coacher les entreprises pour les obtenir. Très

important: la démarche doit venir de l’interne car un groupe de-

vra y soutenir le projet. »

Quel retour sur investissement peut-on espérer?

Marc Bosmans: « Deux types de retours sont à calculer. Le pre-

mier concerne l’investissement fondamental que l’entreprise

voudra engager. Ici aussi, il varie fort d’une action à l’autre et

selon les entreprises. Tout dépend de l’effi cacité énergétique

dont peut déjà témoigner l’entreprise quand nous arrivons. Si

elle travaille déjà bien, le ROI peut se révéler rapide et impor-

tant. Si tout est encore à construire, il faudra forcément atten-

dre un peu. La rentabilité de la mise en place d’un système de

management environnemental est délicate à calculer car l’en-

treprise va apprendre à fonctionner autrement. Une série de

gains ne pourront pas forcément être mis en relation directe

avec les actions entreprises. Sur ce premier type de ROI, un

client grand consommateur d’énergie m’a expliqué avoir récu-

péré la somme investie en deux mois. Le second ROI concerne

le conseil que nous donnons en tant que tel. Si nous proposons

de changer de chaudière lors d’un audit énergétique, le ROI

sera immédiat et chiffrable. Soulignons néanmoins que nous

possédons uniquement un rôle de conseil, et non décisionnel.

Il faut donc que l’audit soit suivi d’actes pour mesurer un chan-

gement. Suite à des propositions issues d’un bilan carbone, le

ROI se mesure immédiatement sur les factures. »

Dès lors, quels intérêts des labels pour le responsable fi nancier?

Marc Bosmans: « Un premier type de label concerne les pro-

duits et ‘touche’ plus particulièrement les départements en-

vironnement, design ou marketing. L’intérêt est essentielle-

ment commercial (B2C). Se voir attribuer un label de qualité

biologique ou de commerce équitable touche une part de plus

en plus importante des consommateurs. Concernant l’appro-

che organisationnelle, les certifi cations et labels généraux

se révèlent relativement peu nombreux. EMAS, ISO 14001

et Entreprise éco-dynamique prouvent qu’une entreprise a

mis en place un système de management environnemental.

Cela signifi e que l’entreprise a établi un système pour arriver

d’un problème environnemental à une solution, en s’inscri-

vant dans une démarche d’amélioration continue. Ces labels

sont-ils importants, fi nancièrement parlant? Relativement

peu, hormis dans des secteurs plus spécifi ques où ils sont

exigés pour décrocher un marché, comme par exemple de

plus en plus souvent pour les marchés publics ou européens.

Notons qu’au niveau de l’affi chage du bilan environnemen-

tal des produits, l’approche est différente et ce sont les stan-

dards de la méthode de l’Analyse du Cycle de Vie (ISO 14040 et

14044 :2006) qui doivent être suivis. Cette approche ‘produit’

fait l’objet d’un autre département au sein de RDC qui accom-

pagne les entreprises dans leur démarche d’éco-conception

et de communication sur les impacts de leurs produits. »

Quelles différences entre ces trois certifi cats?

Marc Bosmans: « Le label Entreprise éco-dynamique est de

loin le moins sévère et le moins contraignant. Il ne vise pas

toute la roue de Deming (Plan-Do-Check-Act). Seuls ‘plan’ et

‘do’ sont considérés. Le ROI y est donc beaucoup plus rapide.

Surtout parce que l’investissement humain est relativement

limité. Il faut compter 2,5 jours de consultance pour sa mise

en place, en sachant que 2,5 jours de consultance sont payés

par le Région de Bruxelles-Capitale. EMAS et ISO 14001 exi-

gent de plus gros budgets de certifi cation et d’accompagne-

ment. Rien ne sert de mettre les trois en route et de se doter

de trois systèmes de management. Pour une PME, je dirais que

le label Entreprise éco-dynamique suffi t car mieux adapté. Il

permet d’ailleurs de passer par après vers une certifi cation

ISO ou EMAS. Les audits de contrôle ont lieu tous les trois ans

et ne coûtent presque rien. Les suivis d’ISO 14001 ou d’EMAS,

annuels quant à eux, exigent un audit externe beaucoup plus

poussé. Et la facture sera forcément plus lourde. Mais une en-

treprise certifi ée ISO ou EMAS est garantie de pouvoir comp-

ter sur un management environnemental effi cace. »

Marc Bosmans: « Il faut d’abord mesurer un impact pour en-suite le comprendre et par après essayer de le diminuer. C’est le seul bon chemin à suivre. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

30

Comment met-on en place ce management environnemental?

Marc Bosmans: « Il s’agit en premier lieu de déterminer la direction

souhaitée. Ensuite, nous analysons les impacts directs (consom-

mation énergétique, fl otte automobile, rejets d’eau, émission de

bruit, etc.) et indirects (déplacement domicile-travail, produits mis

sur le marché, fournisseurs, etc.). Sur cette base, nous élaborons

un plan d’action. Celui-ci commence par le contrôle de la législa-

tion environnementale, à savoir est-ce que l’entreprise est en or-

dre avec toutes les obligations de la législation environnementale.

Ce n’est quasiment jamais tout-à-fait le cas. Après, nous mettons

en place le système de management à proprement parler. Cette

étape passe par la rédaction de la politique environnementale, la

défi nition des responsabilités, la mise en place de procédures spé-

cifi ques aux différents métiers de l’organisation, les procédures

en cas d’accidents, le système de documentation, etc. Nous es-

sayons toujours de nous greffer sur les documents déjà existant.

Pour EMAS ou ISO14001, il faut compter de six mois à un an et un

total d’une trentaine de jours, toutes personnes confondues, que

les collaborateurs de l’entreprise devront accorder au consultant

pour que celui-ci puisse mener son travail à bien. » (NDLR: estima-

tion pour une PME, selon la taille de l’entreprise, la durée peut se

révéler sensiblement plus longue).

Le groupe Martin’s Hotels compte onze enseignes en Bel-

gique. Son crédo: une « gestion familiale » créative, atten-

tive au bien-être de chacun et respectueuse du patrimoi-

ne. John C. Martin, propriétaire et créateur du groupe, est

particulièrement sensible au respect de l’environnement.

Aussi, depuis quelques semaines, Martin’s Hotels a décidé

de structurer ses actions par la mise en place d’un manage-

ment environnemental, en se donnant un an pour décro-

cher la certifi cation EMAS. Un groupe de travail comprenant

un représentant de chaque hôtel et des principaux services

centraux a été mis sur pied.

But de l’opération: mettre en place une déclaration envi-

ronnementale qui reprend les différents niveaux où chaque

individu peut agir individuellement et pour la collectivité.

« L’objectif de notre démarche consiste à réduire l’impact en-

vironnemental du groupe mais sans mettre à mal la société

et sans risques pour l’emploi, explique Laurent Stroobants,

general manager du Martin’s Central Park à Bruxelles. Com-

me dans une maison, notre groupe peut agir sur différents

thèmes. Toutefois, nous ne pouvons pas attaquer tous les

fronts simultanément. Mais désormais, les investissements

prennent l’environnement en considération : tri des déchets,

remplacement progressif des ampoules, calcul des émissions

carbone des hôtels et du parc automobile, etc. La consultance

apporte bien entendu des frais mais chaque action entreprise

génère un ROI garanti estimé entre 3 et 6 mois, dans un pre-

mier temps. Soit un investissement tout à fait cohérent, sans

mettre en péril la trésorerie. »

D’autant plus que les gestes simples se cachent parfois là

où on ne les attend pas. Saviez-vous, par exemple, qu’un

mètre de tuyauterie de chauffage non isolée équivaut cha-

que jour, en perte d’énergie, à une ampoule qui brûle durant

24 heures? Instaurer un management environnemental

requiert, naturellement, un vrai volontarisme. « Mais avec

un peu d’information, le personnel se sent très vite impliqué.

Plus le temps passe, plus nous allons réduire notre impact

environnemental et donc faire baisser notre consommation.

Spontanément, nous avons également décidé de compenser

les émissions carbone des séminaires résidentiels au sein de

nos hôtels. Ceci afi n de témoigner de la dynamique générale

qui anime l’entreprise. » Un autre investissement. Mais éga-

lement un excellent produit d’information qui génère une

image de marque.

COMPENSATION CARBONE CHEZ MARTIN’S HOTELS

« La démarche doit venir de l’interne car un groupe devra y soutenir le projet. »

Laurent Stroobants: « La consultance apporte bien en-tendu des frais mais chaque action entreprise génère un ROI garanti estimé entre 3 et 6 mois, dans un pre-mier temps. Soit un investissement tout à fait cohérent, sans mettre en péril la trésorerie. »

DOSSIER

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

Q uand Cameleon quitte l’avenue Georgin, à

Evere, la direction se met à la recherche d’une

nouvelle implantation en Région bruxelloise

afin de faciliter l’accès aux usagers des trans-

ports en commun, cyclistes et piétons, qu’ils soient clients

ou membres du personnel. Cameleon veut également s’im-

prégner dans son quartier et participer à un projet de ville,

entre autres en ouvrant une crèche communale pour 39

enfants et en rendant ses terrasses et cafétéria accessibles

aussi en dehors des jours d’ouverture du magasin. Le terrain

rêvé est déniché avenue Ariane, à Woluwe-Saint-Lambert.

La machine est lancée.

Le nouveau magasin eco-construit de Cameleon à Woluwe fait l’unanimité. Véritable réussite architecturale, cet espace commercial harmonieux prouve, en chiffres, que l’éco-construction peut soutenir le business. Le surcoût « vert » et sociétal du projet est estimé à 16%. Mais, en moins d’un an, le chiffre d’affaires a augmenté de 40%.

Cameleon a réalisé une prouesse de bon sens

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

32

Cameleon veut innover et, surtout, intégrer la dimension

environnementale à chaque étape du travail de conception,

de développement et de réalisation du projet. D’un terrain

vague émergent rapidement 17.000 m², pour un investisse-

ment global de 15 millions d’euros « clé sur porte ». Sur ces

15 millions, Augustin Wigny, administrateur délégué, consi-

dère que 16% sont liés à l’environnement. Soit un « surcoût »

de 2,5 millions d’euros qui éviteront l’émission de 7.250 ton-

nes de CO2 sur une période de 30 ans. Ces 2,5 millions se ré-

partissent en trois « types » d’investissements.

COHÉRENCE ÉCOLOGIQUE Premièrement, des investissements réducteurs de consom-

mation de CO2: isolation optimale, équipements électriques

et chaudières performantes, ventilation naturelle… Ils repré-

sentent environ 50% du surcoût. « Sur base des prix actuels

des énergies, nous considérons un temps de retour de 10 ans,

explique-t-il. In fi ne, cet investissement se révèle donc raison-

nable car on peut estimer que les prix des énergies vont conti-

nuer à augmenter. Nous devrions économiser au minimum

100.000 euros d’énergie chaque année. »

Le deuxième type d’investissement se révèle plus marginal

et concerne les énergies renouvelables: eau chaude solaire et

panneaux photovoltaïques. L’installation de panneaux produit

14.000 kWh, soit l’équivalent de quatre ménages bruxellois et

de 5% à 10% des besoins du bâtiment Cameleon, dépendant

des mois de l’année et des exigences en électricité. « A la base,

le rendement est très largement négatif avec un ROI estimé sur

25 ans. Mais, grâce à l’intervention de l’Etat, avec les certifi cats

verts et les subsides, le ROI tombe à 10 ans. Le photovoltaïque

est raisonnable uniquement avec ces subsides. »

Enfi n, les derniers 50% touchent aux investissements de

« cohérence écologique »: une toiture verte, des ruches, des

moutons, etc. « Nous ne calculons aucun rendement, si ce n’est

un retour marketing et une expérience du client. Aussi, nous

considérons que nous pouvons allouer 0,5% de notre CA à ce

budget. Et sur base du succès du centre commercial, nous es-

timons un ROI entre 8 et 10 ans. Il s’agit d’une dépense à mi-

chemin entre le marketing et la CSR. »

+20% ET +40%En partant d’un terrain vague, Augustin Wigny et son équipe

décident de relever un triple défi : construire un espace com-

mercial sans air conditionné, privilégiant la lumière naturelle

et où la circulation verticale s’effectue essentiellement grâce

à des escaliers. « Nous souhaitions casser le paradigme des cen-

tres commerciaux ‘boites à chaussures’, fermés et noirs, où on

coupe les sens aux clients, avec une lumière et un air contrôlés et

des escalators pour la circulation verticale. Bien sûr, nous étions

un peu effrayés: est-ce que le client allait suivre la démarche? »

Commercialement parlant, les nouvelles sont plutôt ras-

surantes. Le client semble décontracté, il ne reste pas plus

longtemps dans le bâtiment, mais il y dépense davantage.

Le ticket moyen a, en effet, augmenté de 20%. Bien entendu,

de nombreux éléments entrent en considération: l’offre, le

service, la géographie, la zone de chalandise, etc. « Mais il y

a également cette expérience de marché d’où l’on revient tou-

jours en s’étant fait plaisir. L’ambiance détendue semble favo-

riser l’acte d’achat. » Le succès commercial est en tout cas au

rendez-vous puisque Cameleon connaît une forte croissance

depuis son ouverture à Woluwé-Saint-Lambert. En dix mois,

le CA a augmenté de 40%. Et l’enthousiasme général se re-

fl ète également du côté du personnel chez qui on remarque

une baisse de l’absentéisme.

DES PARTICULARITÉS De son aventure, Augustin Wigny retient plusieurs « key lear-

nings ». Dès le début, l’environnement a occupé les débats. « Il

ne s’agissait pas de venir mettre une petite touche verte après

le gros œuvre. Nous avons veillé à l’orientation du bâtiment, à

la hauteur du puits de lumière pour créer un effet de chemi-

née et de tirage afi n d’aérer naturellement le bâtiment… Nous

avons reçu le terrain le 26 mars 2006. La première réunion avec

les architectes a eu lieu le 29 mars. Nous avons ouvert moins

de trois ans plus tard. Prendre l’environnement en considéra-

tion ne ralentit pas un chantier. Mais il faut conserver une co-

hérence dans la démarche. »

FISCALITÉ DOSSIER

Augustin Wigny: « Cet investissement se révèle raisonnable car on peut estimer que les prix des énergies vont continuer à aug-menter. Nous devrions économiser au minimum 100.000 euros d’énergie chaque année. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°36 - AVRIL 2010

33

Par exemple, tous les entrepreneurs ont signé une charte.

« Pourquoi est-ce important? Imaginez qu’un entrepreneur

prenne du retard et commande certaines pièces par avion pour

gagner du temps et éviter les pénalités. Nous ne voulions pas de

matériaux qui suintent le kérosène. C’eut été en totale contradic-

tion avec la philosophie du projet. » Deuxième « key learning »:

du début projet à la fi n de la construction, les acteurs n’ont pas

changé. Cameleon est à la fois développeur du projet et exploi-

tant des surfaces. Il n’y a pas eu de transferts ou de monétisa-

tion du risque, par exemple entre le propriétaire du terrain, le

développeur, le propriétaire du bâtiment et l’exploitant.

« Or, nous avons abordé de nombreuses thématiques. Par

exemple, pour refroidir le bâtiment, l’utilisation de la fraîcheur

de la nuit et d’un courant d’air créé grâce à un système d’ouver-

ture mécanique des fenêtres fait, naturellement, légèrement

bouger les vêtements. Il y a donc un impact sur le système

de sécurité. S’il fallait leaser le bâtiment à un tiers, expliquer

cette particularité amènerait forcément une discussion sur le

prix du loyer. Autre point important: si nous avions demandé à

un tiers de développer le projet pour nous, nous n’aurions sans

doute pas assisté à toutes les réunions. Le résultat ne serait

certainement pas identique. Et par rapport aux projets où plu-

sieurs intervenants négocient simultanément, le regard d’un

seul acteur pour la prise de décision n’engendre pas les mêmes

implications fi nancières ou en termes de risque. »

PEU D’AIDESTroisième « key learning »: Augustin Wigny caractérise sou-

vent le bâtiment éco-construit comme « une prouesse de bon

sens ». « Nous n’avons pas utilisé de technologie révolution-

naire », explique-t-il. L’orientation de la construction a été

étudiée pour optimiser son exposition au soleil, l’éclairage

naturel a été privilégié, etc. « Ces vieilles recettes d’architec-

ture ont prouvé leur effi cacité au fi l des siècles. Néanmoins,

soutenir le bon sens tout au long d’un projet de cette dimen-

sion n’est pas chose aisée. Il faut faire preuve de vigilance pour

casser les points de repère et les paramètres fi xés par le secteur

de la construction. Malgré notre démarche environnementale

permanente, le bâtiment présente un surplus de 30% en puis-

sance électrique. L’ensemble des ingénieurs et des électriciens

ont, en effet, tous pris leur marge de sécurité. Je n’ose imaginer

le surplus pour un bâtiment standard… C’est un véritable gâ-

chis énergétique! »

Cameleon a reçu plusieurs distinctions pour son travail. No-

tamment le Prix Fedis de l’Espace commercial le plus réussi

de Belgique et la récompense bruxelloise du Bâtiment exem-

plaire en énergie et éco-construction. Mais l’écologie appor-

te-t-elle de la valeur à un bâtiment? C’est-à-dire, en termes

immobilier, est-ce qu’un locataire potentiel serait prêt à

payer un loyer plus élevé? « Nous pensons que oui. Car, très

clairement, la consommation énergétique sera bien plus basse.

En outre, les normes de revente et de cession des bâtiments

vont certainement se renforcer. Actuellement les audits éner-

gétiques sont purement informatifs. Mais la transmission du

bâtiment sera certainement bien vite liée à des obligations

énergétiques. Nous avons anticipé ces normes. Enfi n, l’argu-

ment marketing n’est pas négligeable. Le public et les médias

y sont réceptifs. »

Néanmoins, les aides sur lesquelles Augustin Wigny a pu

compter sont plutôt maigres. La Région de Bruxelles-Capitale

a participé à hauteur de 200.000 € pour le bâtiment exem-

plaire et l’investissement écologique. Pour l’installation pho-

tovoltaïque, Cameleon a également pu compter sur un chè-

que de la Région. Soit 40.000 € sur un coût total de 100.000 €.

« Et c’est tout… Les autres aides concernent l’emploi. Donc, sur

un total de 15 millions d’euros, le soutien s’avère plutôt limité.

Mais nous nous félicitons de notre investissement. »