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Secteur public Dossier > EN PRATIQUE SOMMAIRE N°55 - AVRIL 2012

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>EN PRATIQUESOMMAIRE

N°55 - AVRIL 2012

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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La frontière entre public et privé est de plus en plus ténue

P our Giuseppe Pagano, chef du Service de Finances

publiques et de Fiscalité au sein de la Faculté Wa-

rocqué de l’Université de Mons, le secteur public

gagne à s’inspirer du privé à la condition qu’on

accepte l’idée que le public puisse aussi lui apporter de bonnes

idées. « La question du rapprochement entre sphères privée et

publique revient souvent. Tout dépend surtout du type d’insti-

tutions à comparer. Ces deux secteurs sont, chacun, très diversi-

fi és. Je ne crois pas qu’on puisse gérer un S.P.F. (NDLR: la nouvelle

appellation des ministères) comme une entreprise, mais on peut

s’inspirer de méthodes issues du privé. Les méthodes de travail de

l’ONEM ou celles du S.P.F Justice, qui n’ont aucun caractère mar-

chand, sont diffi cilement comparables, tout comme le sont celles

d’une banque privée ou d’un site sidérurgique. Les législations qui

s’appliquent sont différentes, le droit administratif d’un côté et le

droit du travail de l’autre, mais public et privé partagent cepen-

dant de nombreux principes de gestion communs. »

Pour Alain Schoon, professeur à l’UCL, des analogies peuvent

être intéressantes si l’on prend garde à ne pas tout mélan-

ger. « Il y a à la fois des rapprochements et des divergences.

Lorsqu’on réalise une dépense publique, on va d’abord se poser

la question de sa légitimité, de son utilité. On vérifi e ensuite

son effi cacité et son effi cience – budget alloué/objectif fi xé. Ces

logiques peuvent aussi avoir un sens dans le monde privé. Toute

entreprise doit se poser la question de la valeur de ses produits

et connaître les besoins de ses clients. Elle bénéfi cie de l’infor-

mation émanant du marché, alors que le secteur public peut

s’inspirer de quasi-marchés. » De son côté, Giuseppe Pagano

insiste aussi sur la diversité des situations: « Bien sûr, il n’existe

pas deux entreprises identiques, deux secteurs totalement si-

milaires, ni deux institutions parfaitement symétriques. »

FINALITÉS DIFFÉRENTESDe plus en plus, entreprises et institutions publiques partagent

l’obligation de faire plus avec moins de moyens, même si leurs

temporalités et leurs objectifs sont différents. « Le premier

objectif pour une entreprise est d’être pérenne pour assurer sa

survie et sa rentabilité. Pour ce faire, elle doit dégager un surplus,

Il pourrait être tentant d’opérer des parallèles entre gestion publique et gestion privée. C’est ainsi qu’on entend de plus en plus souvent parler de S.A. Belgique, comme si le pays pouvait être géré comme une entreprise. Faut-il envisager un tel rapprochement et avec quels effets en matière de gestion fi nancière? Quelles synergies identifi er entre monde marchand et services aux citoyens? Tentative de réponse.

DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

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explique Alain Schoon. Une institution publique va plutôt veiller

à obtenir un profi t et une rentabilité sociaux – qui équivalent

à une approche coûts versus bénéfi ces – et un supplément de

bien-être pour ses utilisateurs. Lors de la construction d’une au-

toroute, par exemple, les coûts peuvent être liés à un réduction

du nombre d’accidents, moins d’admissions dans les hôpitaux ou

encore moins de recours aux pompes funèbres. »

Soulagé de l’obligation de faire du profi t, le secteur non-

marchand ne peut pas pour autant ignorer les économies

d’échelle. Les principes de base de la comptabilité, qu’elle

soit publique ou privée, sont fondamentalement les mêmes.

« « Prenons l’exemple des communes qui sont légalement

obligées de tenir une comptabilité, illustre Giuseppe Pagano.

Les modes de comptabilisation sont les mêmes que dans une

entreprise, si ce n’est qu’une commune ne paie pas d’impôts

des sociétés et est donc moins tentée de masquer des résultats

trop bons. De la même façon que la trésorerie dans une a.s.b.l.

et dans une banque se ressemblent, même si les montants ne

sont pas les mêmes. Le principe de base est de gérer au mieux

les moyens dont on dispose. Une école, par exemple, va devoir

assurer la meilleure formation possible sur base des moyens

qu’elle peut mobiliser: bâtiments, matériel, recherches, etc. »

La gouvernance publique impose également une attention de

plus en plus fi ne aux budgets dépensés. « Bien sûr, les fi nalités

respectives ne sont pas les mêmes. Les institutions publiques

n’ont pas la pression de présenter un rapport positif à leurs ac-

tionnaires. Elles n’ont pas d’objectif de lucre, leur but est plutôt

de servir les citoyens. Elles se doivent de mettre en place une

gestion prudente. Dans les deux cas, il s’agit de gérer au mieux

des ressources par rapport à des missions », complète-t-il.

RECRUTER DES TALENTSPour Alain Schoon, la libéralisation d’entreprises autrefois

entièrement détenues par l’Etat a donné naissance à des mo-

dèles de gestion hybrides. « La gestion publique s’est assouplie

sous la pression de l’internationalisation et des nouvelles tech-

nologies. La RTT, par exemple, anciennement en situation de

monopole, s’est transformée en Belgacom suite à une directive

européenne « traduite » en loi belge 1991. On entre alors dans

une nouvelle logique: l’opérateur historique est confronté à

d’autres acteurs, même si, de par sa taille, il reste l’acteur le plus

important. Belgacom continue aujourd’hui à être majoritaire-

ment détenu par les pouvoirs publics, tout en déployant un

mode de gestion privé. Dans la plupart de ces entreprises nou-

vellement créées, on distingue en outre les fl ux des infrastruc-

tures. Belgacom est ainsi amené à louer son réseau à d’autres.

Un phénomène comparable est à l’œuvre dans le secteur de

l’énergie ou à la SNCB. »

Les deux mondes partagent aussi des préoccupations com-

munes en matière de gestion des ressources humaines:

guerre des talents, engagement et attractivité en tant qu’em-

ployeur sont des enjeux de part et d’autre. « Certains pro-

blèmes de gestion du personnel – recrutement, motivation, etc.

– sont similaires. Les objectifs d’amélioration de la productivité,

d’intégration ou de recrutement de profi ls à haute valeur ajou-

tée, sont présents dans le privé comme dans le public, observe

Giuseppe Pagano. Attirer des profi ls spécialisés est devenu un

des défi s prioritaires. Le contenu technique est allé croissant.

Le secteur public, par exemple, est devenu un gros consomma-

teur de juristes. Suite à la complexifi cation de sa gestion et aux

enjeux budgétaires actuels, le personnel public doit monter en

compétence. Je suis convaincu que la plupart des problèmes

rencontrés dans certaines communes ne sont pas liés qu’à de

la malhonnêteté, mais plutôt à des lacunes de compétences. »

Souvent vu comme pas très sexy, le secteur public doit redou-

bler d’efforts pour se montrer sous un jour plus dynamique.

Très souvent, les jeunes diplômés connaissent mal les métiers

qui y sont à l’œuvre. « Le premier réfl exe d’un jeune diplômé est

encore de se tourner vers le secteur privé. Dans notre faculté de

gestion, beaucoup de nos étudiants sont tentés par les Big Four

ou les multinationales, appuie-t-il. Il y a un attrait normal

Giuseppe Pagano: « Le secteur privé pourrait s’inspirer davantage de la longue tradition de contrôle budgétaire du secteur public. Les grandes banques, quand elles étaient privées, auraient pu apprendre des habitudes du public sur ce volet là. »

« La gestion publique s’est assouplie sous la pression de l’internationalisation et des nouvelles technologies. »

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pour l’entreprise privée et ses perspectives de carrière, de sa-

laires etc. Je constate que les possibilités d’évolution dans le pu-

blic sont souvent peu connues. Il y a, cependant, une tendance

actuelle de certains jeunes passés par le privé, qui se tournent

vers le public après quelques années, notamment séduits par la

stabilité de l’emploi et sa dimension d’utilité sociale. Le besoin

de rechercher du sens au travail commence à devenir un critère.

Il y a beaucoup à faire pour déconstruire les clichés de part et

d’autre. Beaucoup de jeunes se font des illusions sur la qualité

de la rémunération dans le privé…»

La génération qui arrive serait particulièrement sensible à

cet argument, notamment en Wallonie où le chômage est

fortement présent depuis 1974. Les plus de 35 ans ont ain-

si toujours connu un taux de chômage élevé. La carte de la

stabilité peut jouer dans la décision. « Il est certain qu’il y a

une méconnaissance des métiers publics, nos étudiants ont

parfois des ambitions peu réalistes, confi rme Alain Schoon. La

recherche de profi ls techniques est une course des deux côtés,

même si le secteur privé a plus de moyens pour y faire face. Le

secteur public s’est progressivement doté de nouvelles compé-

tences. Il a besoin de plus de profi ls spécialisés. Je défends une

administration plus fl exible, avec moins d’effectifs et des rému-

nérations à la hausse. »

SOURCES D’INSPIRATIONLes deux secteurs ont donc tout à gagner à s’inspirer de leurs

forces respectives. « Le secteur privé pourrait s’inspirer davan-

tage de la longue tradition de contrôle budgétaire du secteur

public, pointe Giuseppe Pagano. Les grandes banques, quand

elles étaient privées, auraient pu apprendre des habitudes du

public sur ce volet là. La Cour des Comptes, par exemple, est

un organe de contrôle particulièrement exigeant et rigoureux.

De la même façon que le souci du bien-être au travail est aus-

si plus répandu dans le public. L’université peut jouer un rôle

d’intermédiaire et encourager les échanges de part et d’autre.

Le Plan Marshall a notamment créé le terreau sur lesquelles des

synergies peuvent s’ancrer en Wallonie. »

Le public gagnerait aussi à observer les méthodes d’audit, de

contrôle, d’évaluation et de management appliquées dans les

entreprises. Au niveau de l’impact de la crise, il y a un certain

décalage public-privé. Il est encore trop tôt pour en mesurer

les effets directs dans la sphère publique. Les programmes

décidés sur plusieurs années n’ont pas encore subi de modifi -

cation de fond. « Le défi d’ici les 15 prochaines années ne sera

pas uniquement de gérer le vieillissement de la population,

mais surtout d’intégrer les populations exclues de l’enseigne-

ment dans nos systèmes scolaires, affi rme encore Giuseppe

Pagano. Nous allons avoir besoin de plus de croissance et de

productivité. Cela nécessitera une main d’œuvre de plus en plus

qualifi ée. Ce ne sera plus la bataille du charbon, mais bien de

l’éducation. On peut soit mieux utiliser les moyens existants,

soit en débloquer d’autres, mais ça doit être une priorité. »

Alain Schoon le rejoint en soulignant le rôle à jouer par l’uni-

versité qui doit former ses étudiants aux réalités du terrain

et stimuler l’envie d’entreprendre. Une frontière hermétique

entre public et privé n’a plus lieu d’être. « Cette distinction est

de plus en plus ténue et diffi cile à observer, conclut-il. Ceci peut

notamment s’expliquer par des raisons idéologiques: on estime

qu’il faut moins d’Etat. Certaines fonctions peuvent être me-

nées par des acteurs privés, etc. On encourage aussi de plus en

plus la collaboration privé-public, qui est déjà fortement pré-

sente dans les pays anglo-saxons. L’idée est bien de gagner en

effi cacité et de réduire les coûts. Coopération et compétition

sont deux moteurs sains. Le pays bénéfi cierait de plus d’ouver-

ture. Cela dit, il faut souligner que les fonctions régaliennes

doivent rester l’apanage de l’Etat. Leur objectif est avant tout

de se rapprocher de l’équité… »

Alain Schoon: « L’objectif pour une entreprise est d’être

pérenne et d’assurer sa rentabilité. Pour ce faire, elle doit

dégager un surplus. Une institution publique va plutôt

veiller à obtenir un profi t et une rentabilité sociaux et un

supplément de bien-être pour ses utilisateurs. »

« Suite à la complexifi cation de la gestion et aux enjeux

budgétaires, le personnel public doit monter en

compétence. »

DOSSIER

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A ssocié chez Ernst & Young Liège et respon-

sable pour la Wallonie, Philippe Pire est quoti-

diennement en contact avec le secteur public

wallon. Premier bureau de consultance à être

entièrement intégré, Ernst & Young a fait le pari de créer une

cellule transversale dédiée au secteur public pour rassembler

toute son expertise acquise sur le terrain. Basée à Bruxelles, elle

coordonne et centralise les différentes missions qui ont lieu au

sein d’institutions publiques et qui sont réalisées par les experts

des différentes disciplines du cabinet. De son côté, Olivier Pee-

ters est Deputy Head of Public Banking chez BNP Paribas Fortis.

Son département compte une quarantaine de collaborateurs et

vise les entités publiques au sens large. A présent détenue à 75%

par BNP Paribas et à 25% par l’Etat belge, la banque a fortement

évolué ces dernières années.

RÉALITÉS DIVERSESAvant toute chose, tous deux insistent sur la diversité des situa-

tions au sein du secteur public, comme c’est le cas dans le privé.

« Le secteur public est particulièrement diversifi é, une grosse ins-

titution publique qui brasse des millions d’euros, suit un business

plan et possède un plan décennal, a plus de points communs avec

une entreprise, qu’avec une petite commune, observe Olivier Pee-

ters. Les compétences des fi nanciers qui y travaillent sont assez

similaires, les responsabilités dans les administrations consé-

quentes sont semblables à celles des entreprises. »

Le secteur public doit être encore mieux géré que le privéLe rôle du CFO, qu’il travaille dans une institution publique ou pour une société privée, est devenu de plus en plus technique. La crise aidant, il doit veiller au cash fl ow de son organisation, tout en s’attachant à explorer des sources de fi nancement alternatives, les banques étant désormais plus sélectives en matière de fi nancement. Y compris vis à vis des entités publiques. Deux experts relèvent les défi s en cours et à venir pour les départements fi nanciers du secteur.

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

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« Quand on parle de secteur public, on peut à la fois faire réfé-

rence à l’Etat fédéral, à une région, à la Fédération Wallonie-

Bruxelles, aux OIP ou encore à un CPAS, complète Philippe Pire.

Les budgets et les activités y sont très différents. Le non-mar-

chand ne veut pas forcément dire qu’il n’y a pas d’argent en jeu,

les montants peuvent y être très importants. »

Parmi les principales différences entre secteur privé et sec-

teur public, il faut souligner la dimension politique liée à

toute initiative. Au niveau bancaire, la principale différence

a trait à la prise de risque, qui doit être proche de zéro pour

les institutions publiques. La gestion y est plus conservatrice.

« Les grandes entreprises tendent aussi à réduire leurs risques.

Les deux secteurs sont en train de se rejoindre à ce niveau-là.

Les produits fi nanciers et les outils que nous proposons sont

fondamentalement les mêmes dans les deux secteurs », note

Olivier Peeters.

GESTION EXEMPLAIRELe secteur public dans son ensemble se doit de montrer

l’exemple. « Même si la recherche du profit n’est pas l’objectif

majeur, le secteur public doit, à mes yeux, être encore mieux

géré que le secteur privé car chaque euro dépensé vient de

la communauté. Cela suppose une gestion exemplaire. Le

moindre écart est perçu comme étant plus choquant. De nom-

breux scandales concernent parfois des montants très faibles,

mais tout écart est perçu comme un manque d’éthique. Des

affaires comme les scandales survenus à Charleroi jettent le

discrédit sur tout le secteur, voire sur toute la Région. On ne

lui pardonne rien », insiste Philippe Pire.

La tendance est à la conscientisation et la concentration de

compétences. Pour se moderniser, la sphère publique devra

aussi soigner son image en tant qu’employeur. Si de nom-

breux CFO rencontrent des diffi cultés à recruter des profi ls

spécialisés, pour Philippe Pire, le code de la fonction publique

limite quelque peu leur marge de manœuvre. « La gestion du

personnel est un des grands problèmes que rencontre l’admi-

nistration. Le code de la fonction publique, qui prévoit, entre

autres, les modes de nomination et les barèmes salariaux,

cadenasse le recrutement et réduit les possibilités de pouvoir

rivaliser avec le secteur privé. Par exemple, de nombreuses ins-

titutions wallonnes ne parviennent pas à recruter et garder des

informaticiens. Certains responsables me confi ent avoir beau-

coup de diffi cultés à licencier des collaborateurs qui constituent

parfois des poids morts pour le reste des équipes. »

Une chose est sûre, le secteur bancaire est devenu plus pru-

dent, il lui arrive de devoir refuser certains projets, privés

comme publics. « Nous sommes peut-être devenus plus sélec-

tifs envers certains projets d’investissement, mais le crédit n’est

certainement pas rationné. Nous continuons à bien soutenir

l’économie et le plan d’adaptation de BNP Paribas Fortis à

Olivier Peeters: « Ces organisations vont devoir travailler avec leur partenaire bancaire pour autre chose que du crédit et envisager la relation de manière glo-bale. Notre rôle n’est pas de juger la qua-lité d’un projet: nous devons déterminer s’il est économiquement viable. »

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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ce nouvel environnement a été conçu de manière à ce qu’il n’y

ait pas de credit crunch, à ce que nous continuions à soutenir

les entreprises privées ou publiques ainsi que les particuliers »,

insiste Olivier Peeters.

Le marché bancaire évolue, le secteur public doit suivre le

mouvement et ne plus compter sur un fi nancement illimi-

té. « Maintenant, le contexte actuel doit encourager les insti-

tutions publiques à étendre leurs champs d’horizon en termes

de fi nancement via des formes de crédits autres que le crédit

bancaire classique. Nous sommes bien évidemment dispo-

nibles pour amener les entités publiques qui le souhaitent vers

ces solutions alternatives de fi nancement », défend-t-il encore.

SYNERGIES BANCAIRESLes banques ne peuvent plus accepter tout ce qu’elles accep-

taient par le passé, à savoir des cahiers de charge très exi-

geants, des délais pour se rétracter trop élevés ou de ne pas

avoir d’informations suffi santes sur l’utilité d’un emprunt.

Elles s’accordent pour faire progresser leur secteur. « Nous

avons besoin de savoir ce que l’on fi nance. Bien sûr, notre rôle

n’est pas de juger la qualité d’un projet, mais nous devons

déterminer s’il est économiquement viable. Avant les banques

collaboraient peu ensemble, nous avons pris conscience de l’im-

portance de créer des synergies », poursuit-il.

« Je constate que l’obligation de réduire ses coûts est bien

ancrée dans les esprits et ce, dans tous les secteurs, confi rme

Philippe Pire. La grande majorité des Etats sont surendettés,

tout le monde a conscience de la rigueur nécessaire. Les bud-

gets sont plus diffi ciles à obtenir, dans le public, comme dans le

privé. La manne fi nancière se réduit, c’est une certitude. Tout ce

qui n’est pas prioritaire sera postposé. »

Les institutions publiques ne sont pas toutes égales face aux

enjeux du fi nancement. Une région, qui constitue presque

une marque, sera plus facilement écoutée par les investis-

seurs internationaux qu’une petite commune. « Certains

acteurs ne se lanceront jamais sur les marchés des capitaux,

pointe Olivier Peeters. Ils n’en ont pas la stature, ni même les

besoins et les compétences nécessaires dans certains cas. Les

investisseurs apprécient de connaître un acteur et sa réputa-

tion pour réinvestir. »

Lors d’un audit financier, les standards de qualité que nous

utilisons sont les mêmes, que cet audit soit réalisé dans

une entreprise privée ou dans une entreprise publique.

Aujourd’hui, la toute grande majorité des institutions pu-

bliques fait l’objet d’un audit. Néanmoins, certaines institu-

tions y échappent encore, comme les communes, les CPAS

ou les provinces par exemple.

CRITÈRES DE QUALITÉ « Nos manières de travailler et nos exigences sont les mêmes

que l’on travaille pour une banque ou pour un OIP, même si

nous gardons à l’esprit que leurs objectifs sont différents, sou-

tient Philippe Pire. Il n’y a pas de divergence fondamentale

dans les exigences de part et d’autre. L’approche comptable

en vigueur dans le secteur public est encore essentiellement

budgétaire, du moins dans certaines institutions. L’objectif

central est de rester dans le cadre du budget. On utilise moins

les règles de provisions ou de prorata comme c’est le cas dans

le privé. » Si, dans le privé, les normes comptables IFRS sont

devenues une réalité pour les plus grandes sociétés, un pro-

jet s’intéresse à l’application des normes IPSAS, rapprochant

encore un peu plus gestion privée et publique.

« Depuis environ cinq ans, je remarque beaucoup de remise en

question au sein du secteur public, cette tendance s’est intensi-

fi ée au cours des derniers mois, affi rme Olivier Peeters. On sent

une nouvelle énergie. » Malgré les efforts entrepris, le secteur

public va encore devoir continuer à faire des efforts en ma-

tière de visibilité et d’image. « Contrairement au secteur privé

qui jouit d’un certain prestige auprès des jeunes candidats, le

secteur public souffre d’un défi cit d’image. Le rôle de fonction-

naire est souvent dévalorisé, c’est pourtant un des rouages es-

sentiel d’un pays, conclut Philippe Pire. L’administration a fait

des efforts considérables en matière d’effi cacité et de service

aux citoyens depuis une dizaine d’années. Contrairement à la

France, nous n’avons pas d’école totalement dédiée à la gestion

publique, c’est une piste à creuser. »

Philippe Pire: « L’approche comptable en vigueur dans le secteur public est encore essentiellement budgétaire, du moins dans cer-taines institutions. L’objectif central est de rester dans le cadre du budget. On utilise moins les règles de provisions ou de prorata comme c’est le cas dans le privé. »

« Chaque euro dépensé vient de la communauté, cela suppose une gestion

exemplaire. »

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Le futur ne sera pas simple pour le secteur public

P récurseur dans le secteur public, il ambitionne

de contribuer à un nouveau monde du travail.

Depuis son déménagement, les ressources hu-

maines ont permis à la plupart de leurs quelques

1.300 collaborateurs de travailler à distance entre un et trois

jours par semaine, réduisant ainsi le nombre de bureaux et l’es-

pace nécessaire. Chacun s’installe où il veut, l’espace est ouvert

et veut encourager les réunions et le partage des tâches.

Le S.P.F Sécurité Sociale a pour missions principales de

mettre une offre de services sociaux de qualité à dispo-

sition des citoyens, d’en assurer la coordination et l’appui

stratégique, ainsi que de lutter contre la fraude sociale. Il

s’organise en six directions: appui stratégique, inspection

sociale, personnes handicapées, politique sociale, indépen-

dants et victimes de la guerre. Celles-ci sont soutenues par

cinq services de support: budget & contrôle de gestion, ICT,

logistique, personnel & organisation et services au Prési-

dent. Hormis le paiement des indemnités aux citoyens

handicapés ou aux victimes de guerre, ce n’est pas lui qui

verse les allocations aux chômeurs. Son rôle n’est pas non

plus de gérer les allocations familiales, ni le rembourse-

ment des soins de santé. Représentant la sécurité sociale

belge à l’étranger, le S.P.F est le garant de notre modèle

de protection sociale, il joue aussi le rôle d’interface entre

l’Etat et les parastataux comme l’Inami ou l’ONSS. Il contri-

bue activement à l’élaboration, la préparation et l’évalua-

tion des politiques sociales.

GARDIENS DU BUDGETPour encadrer sa gestion fi nancière au quotidien, une ving-

taine de personnes travaillent au service Budget & Contrôle

de gestion. Elles sont rejointes dans leurs tâches par les

correspondants budgétaires répartis dans tous les services.

« Dans chaque service, nous avons une ou deux personnes

relais qui sont nos interlocuteurs en matière de gestion fi nan-

cière, explique Renaat Schrooten, directeur du département

depuis 2010. Nous entretenons une sorte de réseau fi nancier

au sein de l’organisation. Cette quarantaine de personnes se

réunit au minimum six fois par an pour discuter des objectifs

globaux. Dans les faits, nous nous rencontrons dès qu’on pro-

blème ou une urgence se pose. Mon équipe est en communica-

tion continue avec les autres services. »

Les responsabilités du service Budget & Contrôle de ges-

tion s’articulent autour de plusieurs piliers. La coordination

et la rédaction du budget annuel constitue le premier volet.

« C’est notre mission la plus importante. Chaque année, l’exer-

cice prend un peu plus de temps. Aujourd’hui, nous vivons des

temps diffi ciles au niveau budgétaire: nous devons donc redou-

bler d’efforts. Outre le budget, notre administration fi nancière

est assez classique, nous analysons les activités de chaque ser-

En 2007, sous la présidence de Franck Van Massenhove, le S.P.F Sécurité Sociale déménageait vers la Tour des Finances. Il occupe à présent six étages du bâtiment et en a profi té pour considérablement réduire ses frais de fonctionnement. Souvent cité en exemple pour son organisation fl exible, le S.P.F a modernisé ses méthodes de travail en profondeur.

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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vice tous les mois », confi e-t-il. Les deux autres piliers sont la

gestion fi nancière quotidienne et le contrôle de gestion, ce

dernier volet étant amené à croître dans les années à venir.

CALENDRIER BUDGÉTAIREMembre d’un projet fédéral visant à implémenter SAP dans

toute l’administration publique, le S.P.F. a fait partie du deu-

xième groupe d’institutions à se lancer dans l’exercice. « 2010

a été une année de transition, explique Renaat Schrooten. Ce

projet SAP nous a permis de repenser nos processus et d’analy-

ser nos systèmes de contrôle interne. Nous sommes dans une

phase de continuité. Le pôle qui sera le plus amené à grandir

sera le contrôle de gestion, soit tout ce qui concerne l’assistance

des services, l’amélioration de nos activités et la modernisation

de nos processus pour gagner en effi cacité. »

Travail de longue haleine, une première proposition de bud-

get est écrite au mois de mai. Pour le rédiger, son service orga-

nise des réunions bilatérales avec tous les services concernés.

Suite aux conclusions obtenues, cette première proposition

de budget est créée et soumise au comité de direction char-

gé de l’approuver. Après son accord, ce premier budget est

envoyé au S.P.F. Budget et Contrôle de gestion, qui travaille

pour le Ministre du Budget. Le document doit s’aligner avec

ceux des autres S.P.F. Fin septembre, le Conseil des Ministres

tranche et approuve les différents budgets. Il revient alors au

Parlement de donner l’approbation fi nale.

En février-mars, il s’agit de l’étape du contrôle budgétaire.

Au cours du mois d’avril, une première circulaire émanant

du S.P.F. Budget et Contrôle de gestion est envoyée à tous les

autres S.P.F. avec des directives et des objectifs communs, ce

document servira de base de travail à la rédaction du prochain

budget. « Réaliser un budget suppose beaucoup de négociations

et de monitoring de notre côté. Nous sommes chaque jour en

contact avec le S.P.F. qui détermine le budget. Il coordonne égale-

ment le projet SAP depuis 2010. Il nous aide pour des questions

techniques ou de gestion des fl ows d’informations. »

SYNERGIES FÉDÉRALESEn 2010, le S.P.F. Sécurité Sociale adopte aussi un nouveau

système de comptabilité en partie double et analytique, plus

proche de ce qui se fait dans les entreprises. « Les outils et les

processus sont fondamentalement les mêmes, même si les envi-

ronnements et les temporalités sont différents. Bien sûr, nous

n’avons pas d’objectif de profi t, mais nous devons faire de plus en

plus d’économies d’échelle et d’efforts budgétaire. D’ici cinq ans, de

nouvelles économies sont à prévoir », ajoute Renaat Schrooten.

Au cours du mois de mars, le S.P.F. a ainsi conclu le plus grand

exercice de réduction budgétaire de son histoire. Il s’est enga-

gé à réduire ses coûts de fonctionnement de 7%, un an plus

tôt que ce que le gouvernement avait exigé. Si le service Bud-

get & Contrôle de gestion est encadré par le S.P.F. correspon-

dant, il possède cependant une certaine latitude. « Un Arrêté

Royal de 2007 fi xe les outils à utiliser et constitue notre base

légale en matière de contrôle interne. Nous avons le projet de

nous aligner à la méthode COSO, un modèle importé du secteur

privé, explique-t-il. L’exercice demandera un certain change-

ment de culture, cela prendra un certain temps pour qu’il soit

intégré dans les processus de chaque S.P.F. »

Issu du secteur privé et ancien journaliste spécialisé dans

le secteur public, Renaat Schrooten, considère que créer

des synergies entre les institutions publiques est essentiel.

« Nous partageons des ambitions et des diffi cultés communes.

Il est déterminant de créer des ponts entre les organisations,

de connaître ses confrères et leurs méthodes. Je suis convaincu

que ces initiatives seront encore plus nombreuses dans le futur

», affi rme-t-il. Outre le Collège des présidents qui rassemble

tous les président des différents S.P.F., les directeurs fi nanciers

se rencontrent également une fois par mois dans le cadre du

Forum des directeurs organisé par le S.P.F. Budget et Contrôle

de gestion. Ils partagent alors best practices et sources d’ins-

piration. Un projet interne de Knowledge Centrer spécialisé

dans le contrôle de gestion et accessible à tous les services

du S.P.F. Sécurité Sociale est également en cours de réfl exion

pour faciliter l’échange de connaissances. « Beaucoup de défi s

attendent le secteur public, le futur ne sera pas simple. Il est

d’autant plus intéressant de créer des synergies entre les ac-

teurs du public », conclut-il.

Renaat Schrooten: « Le pôle qui sera le plus amené à grandir sera le contrôle de gestion, soit tout ce qui concerne l’assistance des services, l’amélioration de nos activités et la modernisation de nos processus pour gagner en effi cacité. »

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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F ondé en 1923 à Laeken, le Centre Hospitalier Uni-

versitaire Brugmann (CHUB) se divise en plusieurs

campus: les sites Victor Horta à Laeken, Paul Brien

à Schaerbeek et Reine Astrid à l’Hôpital Militaire

de Neder-over-Hembeek. Au cœur de la ville, il possède une capa-

cité de 850 lits et emploie quelque 3.000 collaborateurs. Ceux-ci

incarnent une centaine de métiers: médecins, infi rmiers, tech-

nologues, informaticiens… Membre du réseau public IRIS créé en

1996, le CHUB a une longue tradition d’enseignement. Il forme

en ce moment une centaine de médecins stagiaires.

« Un hôpital universitaire est souvent exportateur de talents,

cela fait partie de nos missions, même si notre raison d’être est

d’abord de soigner les patients et de leur assurer la meilleure

prise en charge qu’il soit, souligne Patrick Dominé, son directeur

fi nancier depuis 2008. Un hôpital public a un rôle de neutralité

à jouer face à des questions éthiques ou religieuses. A mes yeux,

c’est aussi le dernier lieu de recours pour les laissés pour compte

de la société. » En offrant aux citoyens des soins de qualité ac-

cessibles à tous, l’hôpital public joue un rôle social avéré.

« Une autre particularité des hôpitaux publics est certainement

aussi le fait que son défi cit est à charge de sa commune de réfé-

rence. Nous avons une obligation de résultats et de qualité :

nous devons gérer les deniers publics en bons pères de famille

afi n de ne pas grever les fi nances de nos communes. Nous ren-

dons chaque année des comptes aux pouvoirs publics. Dans le

réseau privé, les exigences des actionnaires en matière de ren-

tabilité peuvent différer, mais nos missions de base – soigner

les patients – demeurent identiques dans tous les hôpitaux. »

DENIERS PUBLICSLe conseil d’administration du CHUB est composé aux deux

tiers de représentants de la ville de Bruxelles et de son CPAS,

ainsi que d’un tiers de représentants de la commune de

Schaerbeek et de son CPAS. A la tête du département fi nan-

cier, Patrick Dominé encadre septante agents. Précédemment

directeur opérationnel des services fi nanciers des hôpitaux

IRIS-Sud, il a démarré sa carrière au CPAS de Bruxelles après

une licence en sciences commerciales et fi nancières. Passion-

né par le monde hospitalier, il a dû faire face à une situation

économique diffi cile à son arrivée en 2008 au CHU Brugmann.

En 2006, le défi cit était de 14 millions d’euros. Un plan de re-

dressement lancé en 2007 a permis de retrouver l’équilibre en

2011, selon les dernières prévisions fi nancières. Aujourd’hui,

le chiffre d’affaires avoisine les 230 millions d’euros.

Un CFO doit sortir des sentiers battus

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT – PHOTOS : TH. STRICKAERT

Le secteur hospitalier belge compte une centaine d’hôpitaux généraux, dont quinze à Bruxelles, privés comme publics. Quel que soit leur statut, tous les établissements hospitaliers bénéfi cient de fonds publics et sont actifs dans le secteur non marchand. La différence entre ces catégories est assez mince et a surtout trait à l’obligation des hôpitaux publics de soigner tout type de patients, y compris ceux qui sont insolvables ou en diffi culté, non seulement médicale mais aussi sociale.

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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Pour Patrick Dominé ce retour à l’équilibre résulte d’efforts

collectifs. « Certains services restent défi citaires et le seront

probablement encore dans vingt ans. Une solidarité fi nancière

est nécessaire entre tous nos services médicaux. Certaines pra-

tiques sont parfois peu rentables ou nécessitent des équipe-

ments et des technologies onéreuses, mais nous nous devons

de les proposer afi n d’offrir une médecine de pointe et de qua-

lité accessible à tous. Trois représentants des médecins font

partie de notre conseil d’administration, c’est essentiel pour

rester en lien avec notre métier premier. Le Comité de Direction

est également présent à chaque conseil d’administration. Nous

avons mis en place une gouvernance rigoureuse fondée sur des

reporting et des prévisions de résultats trimestriels. »

COMMUNICATIONS CHIFFRÉESLe CHUB a deux sources de financement principales: les

honoraires fixés par les règles de tarification de l’INAMI et

versés par les mutuelles et par les patients, et le budget des

moyens financiers (BMF) qui, lui, est déterminé par le S.P.F.

Santé Publique. C’est le conseil d’administration du CHUB

qui valide son budget. « Dans ce domaine-là, il y a peu de dif-

férences entre les hôpitaux privés et publics et donc le métier

de CFO reste identique que l’hôpital soit privé ou public. La

plupart des patients reçoivent une intervention de leur mu-

tuelle. D’autres sont aidés par les CPAS et pris en charge essen-

tiellement dans les hôpitaux publics. La tarification INAMI est

un pôle très important des activités de mon département »,

poursuit Patrick Dominé.

Lors d’un projet de construction à Bruxelles, chaque insti-

tution hospitalière peut, sous certaines conditions strictes,

recevoir des subsides de la Cocom. Ces subsides impactent

le fi nancement du SPF SP tel un carcan fi nancier. Un des rôles

du directeur fi nancier est donc de garder un œil sur toutes

ces sources de fi nancement, de s’assurer du respect des bud-

gets dont ceux de la construction et, éventuellement, de trou-

ver de nouveaux fi nancements dans la mesure du possible.

Toutes ces matières demandent une surveillance régulière

de la législation et beaucoup de créativité. Une cellule de

contrôle fi nancier composée de quatre jeunes profession-

nels se charge du contrôle de gestion, du suivi du BMF et du

contrôle interne fi nancier. « Les techniques de fi nancement

des hôpitaux sont particulières. Suivre toutes les réglementa-

tions constitue un vrai labyrinthe. Pour avancer, il faut pouvoir

prendre du recul et faire abstraction des contraintes pour se

concentrer sur l’objectif fi nal. »

Parmi les défis du poste de directeur financier dans un hô-

pital, la gestion des communications financières figure en

bonne position. Patrick Dominé, qui compile et présente

les rapports au conseil d’administration, explique: « Notre

communication interne et externe est mûrement réfléchie.

Nous présentons au minimum une fois par an nos résultats et

perspectives d’évolution à nos différents partenaires. Pour

Patrick Dominé: « Très souvent, le CFO doit pouvoir dé-

passer son réfl exe naturel de se focaliser sur les chiffres

et être capable d’examiner dans son ensemble la qualité

d’un projet novateur ou d’extension. »

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

30

cela, nous faisons un travail d’analyse, de vérification et de

vulgarisation conséquent. Suivant nos interlocuteurs, nous

adaptons notre communication pour rester clairs et didac-

tiques. Notre reporting existant est également très exigeant,

l’élaboration du budget est une période assez stressante. En

tant que responsable des comptes, des reportings et des bud-

gets, je veille à intégrer les changements potentiels à venir et,

surtout, ne rien oublier, en évitant les erreurs comptables ou

budgétaires. Une erreur d’un pourcent sur le budget de l’hô-

pital, représente un trou budgétaire de 2,5 millions d’euros.

Cela demande une attention renforcée pendant les périodes

de budget. Il faut parfois pouvoir se montrer créatif face à

l’environnement incertain et très mouvant des soins de santé.

Mes meilleures idées me viennent souvent en dehors de l’hô-

pital, loin du rythme stressant de la journée. C’est un métier

passionnant où il faut en permanence remettre ses connais-

sances en questions. En interaction constante avec les méde-

cins, il s’agit de savoir de quoi on parle. Cette connaissance du

terrain est indispensable. »

Gérer la tarifi cation et la facturation, appelées dans le jar-

gon hospitalier le ‘haut fourneau de l’hôpital’, requiert aussi

beaucoup d’efforts et de vigilance. « Connaître la nomencla-

ture INAMI spécifi que aux différents secteurs médicaux est une

des bases du métier de la Tarifi cation. Maîtriser ces rouages ne

s’improvise pas et ne vient pas du jour au lendemain. Notre rôle

est aussi d’optimiser la qualité et l’exhaustivité des données et

des fl ux de tarifi cation pour obtenir le meilleur fi nancement

possible », complète Patrick Dominé.

CONTRÔLES PUBLICSDes inspecteurs de la Santé publique sont amenés à vérifier

les comptes et données d’activité de l’hôpital à périodicité

variable. En général, les 2 enjeux majeurs de ces inspections

sont le calcul du BMF, fixé chaque 1er juillet, et les révisions

de celui-ci. Le CHU est informé peu de temps à l’avance. Sou-

vent, il ne dispose que d’un mois pour vérifier les résultats

des révisions du BMF d’exercices antérieurs. Il doit donc être

réactif et rassembler dans les meilleurs délais tous les élé-

ments probants: factures d’investissements, charges de per-

sonnel, effectifs présents, données d’activités…

« L’enjeux peut être de quatre ou cinq millions d’euros lors de ces

révisions. C’est un défi , surtout si le contrôle tombe en pleine éla-

boration du budget. Pour être sûrs de nos dossiers, nous vérifi ons

tout en double et nous comparons nos analyses et remarques,

c’est un vrai travail d’équipe », précise-t-il encore. Pour répondre

à ces défi s, un bon CFO doit être disponible pour ses équipes.

« Je pense que ce qui fait un bon CFO lors de ces périodes de

stress, c’est sa capacité à répondre présent au bon moment, ainsi

que son expertise. Sans oublier, son investissement tout au long

de l’année pour former ses collaborateurs. Je m’inscris en faux

par rapport à la conception statique du métier de CFO parfois

vu comme un notaire », achève Patrick Dominé.

« Il lui faut maîtriser techniquement son sujet s’il veut être

respecté en interne comme en externe. Il doit également sor-

tir des sentiers battus pour trouver des fonds, ne pas s’arrêter

aux chiffres, et faire preuve d’ouverture d’esprit lorsqu’on lui

présente des projets. Très souvent, le CFO doit pouvoir dépas-

ser son réflexe naturel de se focaliser sur les chiffres et être

capable d’examiner dans son ensemble la qualité d’un pro-

jet novateur ou d’extension. Un hôpital qui ne prend pas de

risques pour acquérir de nouvelles techniques médicales peut

rater un développement, perdre son attractivité d’hôpital

universitaire, ainsi qu’une partie de son rôle d’hôpital public

offrant une médecine de qualité à tous. »

« Ce qui fait un bon CFO en période de stress, c’est sa capacité à répondre pré-

sent au bon moment ».

FISCALITÉ DOSSIER

Patrick Dominé: « Les techniques de fi nancement des hôpitaux sont particulières. Suivre toutes les réglementations constitue un vrai labyrinthe. Pour avancer, il faut pouvoir prendre du recul et faire abs-traction des contraintes pour se concentrer sur l’objectif fi nal. »

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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F ondé le 27 juillet 1935 par arrêté royal, l’Offi ce

national de placement et de chômage, ancêtre de

l’ONEM, a connu les débuts de la solidarité orga-

nisée dans la mouvance des premiers Bureaux

de Bienfaisance, les actuels CPAS. Organisme public de sécurité

sociale, il a vu ses missions évoluer au fi l du temps pour donner

naissance à l’Offi ce national de l’Emploi en 1961, plus en ligne

avec les réalités économiques du terrain. Chargé par l’Etat de

gérer l’assurance chômage et certaines mesures fédérales pour

l’emploi, l’Offi ce s’occupe aujourd’hui de six piliers: la prévention,

les allocations, la réinsertion et l’insertion, la conciliation de la vie

privée avec la vie professionnelle, l’information et le contrôle.

Amené à réduire ses frais de fonctionnement dans les mois à

venir à l’instar des autres institutions publiques, l’ONEM tra-

vaille avec un budget de 12 milliards d’euros, dont 11,7 sont

alloués à l’exécution de ses missions, le 0,3 milliard d’euros

restant concerne ses frais de fonctionnement. Si l’institution

fait état d’une baisse du chômage dans son rapport annuel,

les défi s qui l’attendent ne manquent pas. En effet, le nombre

de chômeurs complets indemnisés et de prépensionnés

s’élève toujours à 661.000. L’ONEM devra ainsi faire face à

un volume de travail important, sans doute avec moins de

moyens pour y répondre.

RÉSEAU POUR L’EMPLOIInstitution publique décentralisée, l’ONEM se compose d’une

administration centrale basée dans le centre de Bruxelles et

d’une trentaine de bureaux locaux répartis sur tout le terri-

toire belge. Les trente directeurs locaux et la direction cen-

trale se réunissent mensuellement pour débattre de la bonne

exécution des missions à l’aide de tableaux de bord partagés,

ainsi que de différents dossiers réclamant plus d’attention.

Les activités de ces bureaux sont suivies mensuellement. Ils

ont ainsi l’occasion de partager leurs diffi cultés et de faire

jouer la solidarité entre les équipes.

En tout, l’institution compte quelques 4.000 agents (sans

compter le personnel auxiliaire) dont 25% sont de niveaux A

et B (études universitaires et supérieures), et 75% de niveaux

C (avec un diplôme d’études secondaires) et D (sans diplôme

d’études secondaires supérieures). Les métiers de niveau A et

B les plus représentés sont les gradués en sciences sociales,

juristes, économistes et comptables. L’organisation de l’ad-

Une institution publique se doit de poursuivre l’intérêt généralLa sphère des organisations publiques n’est pas épargnée par les réductions budgétaires. Tout comme dans le privé, performance et effi cacité sont devenues des maîtres-mots, avec le défi supplémentaire de les associer à une fi nalité sociale. Partage d’expérience avec l’ONEM.

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT – PHOTO : ONEM

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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ministration centrale se divise en quatre directions générales:

personnel et organisation; réglementations et contentieux;

fi nances et statistiques et support.

« Notre ambition est d’à la fois permettre une protection so-

ciale lors de transitions sur le marché du travail, d’être un par-

tenaire solide d’une politique de l’emploi inclusive, mais égale-

ment d’être un point de référence en matière de bonne gestion

et d’orientation, souligne Georges Carlens, administrateur

général de l’ONEM depuis octobre 2009. Il faut savoir que

toutes nos activités sont suivies et monitorées: notre système

de reporting mensuel est très pointu. 95% des rapports sont

générés automatiquement, ils constituent une base de travail

lors de nos réunions. C’est une discipline que chaque bureau a

désormais intégrée. »

Entièrement responsable des interruptions de carrière et des

crédits-temps, l’institution n’hésite pas à faire appel à diffé-

rents partenaires pour ses autres missions. Elle travaille ainsi

étroitement avec les quatre organismes de paiement des

allocations qui reçoivent les fonds nécessaires de sa part. Les

paiements effectués sont ensuite vérifi és par ses différents

bureaux de chômage. L’ONEM collabore également avec les

sociétés émettrices des titres-services et des chèques ALE et

les agences locales pour l’emploi.

CONTRAT DE GESTION Pour mener à bien toutes ses tâches, l’organisation dispose

d’un contrat d’administration conclu avec l’Etat qui comprend

des droits et devoirs réciproques. Un des points importants

de ce document concerne les attentes de l’Etat par rapport

à l’ONEM quant à l’utilisation des moyens qui lui sont accor-

dés. « Contrairement à une entreprise privée qui a pour objectif

principal de maximiser son profi t, une institution publique se

doit de poursuivre l’intérêt général, rappelle-t-il. Il nous faut

veiller à ce que chaque citoyen ait les mêmes droits et obliga-

tions en matière de revenus de remplacement ou d’emploi. Les

moyens sont rares. Nous devons les affecter de la manière la

plus optimale possible lors de l’exécution de nos missions. »

Chaque année, l’ONEM rédige ainsi un plan d’administration

très précis, reprenant la manière dont l’institution exécutera

à court terme les engagements inscrits dans ce contrat d’ad-

ministration. Le texte met particulièrement l’accent sur les

actions et les projets mis en œuvre pour atteindre les objec-

tifs visés, ainsi que sur les indicateurs utilisés pour mesurer

les résultats et les moyens affectés par l’ONEM. Parmi les

avantages de disposer d’un tel contrat, Georges Carlens sou-

ligne une plus grande transparence et une clarté des engage-

ments pris par son institution.

« Un autre avantage, c’est que les crédits d’investissement non

utilisés peuvent être transférés au budget de l’année suivante

si nécessaire pour exécuter le plan d’investissement. Ce contrat

comprend 97 engagements précis et mesurables que nous

devons respecter. Ce sont des défi s quotidiens: nous devons

constamment réfl échir à des pistes d’amélioration et d’auto-

matisation. Chacune de nos procédures est associée à un coût.

Nous avons calculé combien coûte un contrôle ou de délivrer une

attestation afi n de les optimiser… » Pour gagner en effi cacité,

l’institution veille aussi à avoir une infrastructure informatique

la plus fi able et stable possible. Il lui faut en effet gérer une

base de données de plus de 2.500.000 allocataires sociaux.

GESTIONNAIRE TRANSPARENTLa direction « Services fi nanciers » de l’ONEM emploie 82

agents, dont 17 de niveau A, 28 de niveau B, 30 de niveau C

et 7 de niveau D. Parmi ceux-ci, on compte outre le personnel

de cadre (conseillers, chefs de service et chefs de groupe), des

économistes, des comptables ainsi que du personnel admi-

nistratif exécutant. Ces agents sont recrutés avec l’aide du

Selor. La direction s’organise en deux sections: « missions »

et « gestion ». De manière assez classique, son rôle est avant

tout d’assurer la gestion fi nancière de l’ONEM et d’optimiser

la gestion de ses fl ux fi nanciers vers ses partenaires.

Son rôle peut être déconstruit en sept grands domaines d’ac-

tivité: la rédaction, le suivi du budget et les prévisions de tré-

sorerie; l’exécution des paiements comme les crédits-temps

et les interruptions de carrière; la comptabilité et le calcul

du prix de revient; la redistribution des allocations sociales

et des frais d’administration aux organismes de paiement; le

contrôle comptable des organismes de paiement et des ALE;

FISCALITÉ DOSSIER

Georges Carlens: « Nous sommes très fi ers d’avoir pu mettre en œuvre la plupart des mesures de crise de manière uniforme tout en respectant les moyens mis à notre disposition, ainsi que d’avoir contribué à soutenir plusieurs dispositifs impor-tants du marché du travail. »

FINANCE MANAGEMENT - N°55 - AVRIL 2012

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le contrôle de ses propres dépenses de fonctionnement via

un contrôle interne du paiement des salaires et des bons de

commande; et enfi n le reporting, qu’il s’agisse de rapports

obligatoires ou complémentaires.

« Nous souhaitons être un exemple en étant un gestionnaire

transparent, particulièrement minutieux et strict, poursuit

Georges Carlens. Pour ce faire, nous veillons à l’optimisation

des fl ux fi nanciers qui proviennent et vont dans nos institu-

tions partenaires, et à l’amélioration des applications comp-

tables actuelles. Nous sommes également encouragés à accé-

lérer les réductions de nos frais de fonctionnement. En 2012,

nous devrons encore réduire ces coûts de 3% sur notre budget

total, soit une économie de 9 millions d’euros. »

RÉFORMES MAJEURES Depuis son entrée en fonction en décembre 2011, le gouver-

nement « papillon » a planifi é des réformes majeures, sur les

plans institutionnel et socio-économique. Certaines des me-

sures prévues auront un impact sur les activités quotidiennes

de l’ONEM. La dégressivité des allocations de chômage, par

exemple, risque de complexifi er son travail. Sur le plan ins-

titutionnel, certaines de ses compétences seront progres-

sivement transférées aux régions, même si les modalitéset

le timing n’ont pas encore été dévoilés. Certaines matières,

comme le contrôle de la disponibilité, les mesures d’activa-

tion, les titres-services ou les agences locales pour l’emploi

seront donc progressivement détachées de l’ONEM, ce qui

demandera un travail de préparation conséquent. Ces trans-

ferts devront permettre aux régions de mener leur propre po-

litique dans ces matières en répondant mieux aux spécifi cités

locales de leur marché du travail.

« D’autres mesures socio-économiques prendront également

effet d’ici la fi n 2012. Elles auront notamment trait aux allo-

cations d’attente, devenues allocations d’insertion, à la dégres-

sivité des allocations de chômage, l’accompagnement et le

suivi des chômeurs, les prépensions, l’interruption de carrière

et le crédit-temps. Il s’agit ici de réformes structurelles qui vont

dans le sens des recommandations internationales et qui im-

pacteront aussi notre travail », note encore l’administrateur

général, ajoutant que les perspectives de croissance sont peu

réjouissantes pour 2012.

DÉFI DE GOUVERNANCEEn 2011, l’ONEM a réussi à respecter les 97 engagements

prescrits dans son contrat d’administration, et ce, malgré un

volume de travail élevé, notamment grâce à l’engagement

sans faille de son personnel. « C’est une garantie d’un ser-

vice de qualité, ce dont témoignent également les résultats

des enquêtes de satisfaction menées auprès de nos clients,

poursuit Georges Carlens. Nous sommes très fiers d’avoir pu

mettre en œuvre la plupart des mesures de crise de manière

uniforme tout en respectant les moyens mis à notre dispo-

sition, ainsi que d’avoir contribué à soutenir plusieurs dis-

positifs importants du marché du travail qui ont permis à la

Belgique d’être un bon élève au niveau européen en matière

d’emploi et de chômage. »

Afi n de réduire ses frais de fonctionnement, l’institution avait

déjà diminué l’effectif de son personnel de 6% lors des deux

dernières années. « L’année passée, nous avons aussi poursuivi

nos investissements dans l’informatisation de nos services. En

parallèle, nous avons continué à progresser durablement dans

plusieurs domaines, dont celui de la lutte de plus en plus pré-

ventive contre la fraude ou les abus. Ces efforts seront pour-

suivis en 2012, achève-t-il. Nous allons moderniser encore

davantage notre stratégie afi n de relever les importants défi s

qui nous attendent, afi n d’endosser notre responsabilité socié-

tale et d’apporter notre contribution à la réalisation des objec-

tifs du gouvernement et de la stratégie européenne 2020 pour

l’emploi et la croissance. »

« Toutes nos activités sont suivies et monitorées: notre système de reporting mensuel est très pointu. »