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Financer l'innovation
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DOSSIERN°62 - JUIN 2013
Financer l'innovationMalgré la variété des possibilités, les entreprises belges sont encore nombreuses à se reposer sur leur partenaire bancaire pour fi nancer tous leurs projets, y compris l'innovation. Or, la crise a rendu l'ouverture des robinets plus diffi cile. Notre dossier explore des voies alternatives pour fi nancer et soutenir l'innovation.
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02 « Le financement est souvent ce qui freine l’innovation » Chacun se fait sa propre défi nition, ce qui rend le concept d’innovation assez impalpable. Une des constantes est la diffi culté de la fi nancer. Analyse avec Sophie Manigart (Vlerick)
05 « Il existe beaucoup de petites sources éparses de financement » Les aides au fi nancement de l’innovation, bourses, mesures fi scales dédiées, subsides et mécanismes régionaux sont légions, pourtant souvent peu connus des entrepreneurs.
10 Comment les entreprises financent et encouragent l'innovation Deux cas d'entreprises: EVS et Cardio3BioSciences. Entretien avec leurs CFO respectifs, Jacques Galloy et Patrick Jeanmart.
14 « Pour aider les femmes, il faut leur dire que c’est possible » La Belgique, dont Bruxelles, n’exploite pas assez le potentiel de croissance économique que représente l'entreprenariat féminin. Or, Bruxelles est un vivier particulièrement riche...
17 « La finance participative s’immisce dans toute l’économie » Encore émergent en Belgique, le crowdfunding a dépassé le phénomène de mode pour devenir une source de fi nancement à part entière.
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Trop d’entreprises se limitent aux banques pour financer l’innovationMot à tiroirs, l’innovation est un terrain de recherche très vaste. Elle est partout et se trouve dans les laboratoires, chez les clients, les centres de recherche, les universités, dans les bureaux, sur le terrain, dans les grandes entreprises, chez les PME ou les start-up qui se lancent. Chaque entreprise l’envisage selon ses besoins et la fi nance à la hauteur de ses moyens et de ses ambitions. Exploration.
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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C hacun se fait sa propre définition, ce qui rend
le concept d’innovation assez impalpable. Une
des constantes est la difficulté de la financer.
Très frileuses en période de crise, les banques
sont rarement favorables à soutenir des projets d’innovation
avec un ROI à long terme, ouvrant ainsi la voie à des mé-
thodes comme le crowdfunding ou à des montages finan-
ciers compliqués associant subsides, fonds propres, venture
capital ou recours à des business angels. En dépit de ces pos-
sibilités, les sociétés belges sont encore trop nombreuses à
se reposer sur leur partenaire bancaire pour financer tous
leurs projets. Le crédit bancaire reste la voie royale pour
beaucoup d’entre elles.
Pour Sophie Manigart, professeur de Corporate Finance à la
Vlerick, il faut d’abord distinguer deux formes d’innovation
dans l’économie: la création de nouveaux produits, de ser-
vices, des nouveaux modes de travail, de consommation ou
d’achat, qui touche directement les clients finaux; et l’amé-
lioration de processus de travail internes dans les organisa-
tions existantes afin de doper leur efficience, qui est moins
ressentie par les utilisateurs finaux, mais peut les concerner
de manière indirecte.
« L’innovation en tant que telle recouvre beaucoup de situa-
tions différentes, explique-t-elle. Il faut, selon moi, distinguer
création d’entreprise et innovation, même si les deux peuvent
parfois se croiser. Certaines organisations qui se créent ne
sont pas du tout innovantes. A l’inverse, beaucoup d’inno-
vations se font dans les entreprises déjà constituées. Leurs
réalités et défis sont différents. Les nouvelles structures sont
centrées sur leurs clients, leurs produits et modes de distribu-
tion, puisqu’elles n’ont, par essence, pas encore de méthodes
à améliorer. Dans les organisations bien établies, on retrouve
les deux formes d’innovation. En Belgique, typiquement, on
constate davantage d’innovation de processus. La manière de
percevoir et de gérer l’innovation est très culturelle, elle varie
fort d’un pays à l’autre. »
Spécifi cité belge, l’épargne atteint des taux record, mais est
pourtant peu réinjectée dans l’économie. « Les Belges font très
peu appel à leurs réseaux pour se fi nancer, ce qui est moins le cas
dans les pays voisins. Historiquement, les banques ont toujours
beaucoup soutenu les entreprises, or ce n’est pas leur rôle pre-
mier. Nos entrepreneurs ont moins l’habitude d’aller chercher de
l’argent ailleurs. Si la banque dit non, beaucoup sont perdus. »
SOUTIEN PUBLICNerf de la guerre, le financement est souvent ce qui freine
l’innovation. Les modes de financement varient selon le
stade et le degré de maturité de l’entreprise. « Les situa-
tions sont très différentes selon qu’il s’agisse d’une grande
entreprise, d’une PME ou d’une université. » Par effet de ri-
cochet, bien souvent, les effets d’une innovation dépasse
le cadre strict d’une entreprise. « Les bénéfices apportés
contaminent généralement d’autres acteurs. Il y a un effet
de spill over qui dépasse les efforts consentis par l’organi-
sation innovante, confirme Sophie Manigart. Une innova-
tion peut donc impacter des concurrents, ce qui explique
que certaines entreprises se montrent assez peureuses en
la matière. »
Sans coup de pouce public, le niveau d’investissements dans
l’innovation serait sans doute beaucoup plus bas. « A l’échelle
macro-économique, on a besoin de plus d’innovation que ce
que les entreprises sont prêtes à réaliser. C’est la raison pour
laquelle, les gouvernements œuvrent à stimuler et subsidier
l’innovation de produits et ce, partout dans le monde. Il y a
un vrai rôle public à très long terme, un peu moins en matière
d’innovation de processus, dont les bénéfi ces sont directement
captés par l’entreprise. »
En matière de subsides, il est souvent difficile pour les entre-
prises de s’y retrouver. Les initiatives régionales sont légion
mais manquent parfois de lisibilité. « Je connais surtout la
situation en Flandre, mais je pense qu’elle est similaire dans
le reste du pays. Une des grandes critiques adressée à la po-
litique d’innovation régionale est le manque de cohérence
globale des initiatives. Les outils sont dispersés et certains
organismes ne collaborent pas entre eux. Il y a également une
certaine concurrence entre les agences. Beaucoup d’entrepre-
neurs ne savent pas où aller. »
GÉRER L’INCERTITUDEUn deuxième frein qui bloque l’innovation est l’incertitude.
En matière de R&D, il y a toujours une chance, pas forcément
mesurable, que les chantiers n’aboutissent pas, ce qui com-
plexifi e leur fi nancement. « C’est un des problèmes majeurs
pour les entreprises. Elles doivent investir sans connaître leur
ROI à l’avance et s’engager à long terme en naviguant à vue. »
La crise aidant, il est aujourd’hui très diffi cile de fi nancer
l’innovation. « Celles qui réussissent à innover sont générale-
ment les grandes structures qui réaffectent une partie de leur
bénéfi ce et disposent de fi nances stables. Même en dehors des
périodes de crise, les banques sont peu intéressées à fi nancer
des projets d’innovation perçus comme assez risqués », appuie
encore Sophie Manigart.
Pour ne pas devoir passer par la case banque, beaucoup
d’entreprises misent sur des fonds propres. « Il faut, encore
une fois, distinguer les entreprises existantes et matures qui
peuvent réinvestir leurs profi ts dans leurs projets, et les nou-
veaux arrivants sur le marché qui comptent généralement
sur des capitaux externes, du capital risque ou des réseaux de
business angels. Ces derniers continuent à investir, ce qui est
« Les Belges font très peu appel à leurs réseaux pour se fi nancer, ce qui est moins le cas dans les pays voisins. »
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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plutôt une bonne nouvelle. Les entrepreneurs peuvent aussi se
tourner vers leurs amis ou leurs familles. »
SOLLICITER SON RÉSEAUD’autres encore essayent le crowdfunding, un mode de
financement participatif et en ligne, qui repose sur un ré-
seau de contributeurs virtuels, même si le cadre légal belge
n’est pas encore adapté. « Quelques idées ont été lancées au
parlement pour encadrer les pratiques, mais il n’y a encore
rien de concret. C’est un phénomène qui est encore em-
bryonnaire chez nous. Ce mode de financement ne concerne
qu’un certain type de projets, généralement B-to-C. Il faut
qu’ils soient concrets, à la portée des internautes et à même
de susciter l’adhésion d’une communauté. Je ne pense pas
que ce soit la réponse ultime aux difficultés de financement
des entreprises, même si le crowdfunding a énormément
de potentiel d’un point de vue marketing. Il permet de faire
connaître les produits. »
On voit émerger une tendance forte, celle de combiner les
sources de financement pour multiplier ses chances. « Je
conseille toujours aux entrepreneurs que je rencontre d’être
créatifs dans leurs modes de financement. Ils doivent aller
au-delà des banques et regarder autour d’eux. Il ne faut pas
hésiter à solliciter son propre réseau. Il y a beaucoup d’épargne
en Belgique. Cet argent dort et ne sert pas à l’économie. Il y
a un double constat à faire: les personnes privées ont peur
d’investir dans les entreprises et les entrepreneurs ont peur de
solliciter leur famille ou leurs collègues. Certains mécanismes
existent pour encadrer les échanges entre particuliers, comme
le win win lening, mais ils sont trop peu utilisés. Je pense que
ça fait écho au manque généralisé de connaissances écono-
miques et financières au sein de la population belge. Il y a un
long trajet à faire, mais il est nécessaire et salutaire. »
DOSSIER DOSSIER
« A l’échelle macro-économique, on a besoin de plus d’innovation
que ce que les entreprises sont prêtes à réaliser. »
Sophie Manigart: « Je conseille toujours aux entrepreneurs que je rencontre d’être créatifs dans leurs modes de fi nancement. Ils doivent aller au-delà des banques et regarder autour d’eux. Il ne faut pas hésiter à solliciter son propre réseau. »
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I ncubateurs, réseaux de business angels, concours de
start-up, exercices de pitch, starters weekends ou coa-
ching se multiplient, créant de nouvelles possibilités de
se distinguer pour les entrepreneurs. Tous les moyens
sont bons pour tester son projet et rencontrer d’autres créateurs
d’entreprise. En étant repérés de la sorte, ils peuvent aussi plus
facilement se faire fi nancer. Le constat est bien connu, pour les
jeunes entreprises, la période la plus délicate est leurs trois pre-
mières années d’existence. En bénéfi ciant d’un accompagne-
ment, elles peuvent parvenir à inverser les statistiques.
« On a rarement raison tout seul, affi rme Jean-Michel Javaux,
président de MeusInvest depuis le mois de mars et lui-même
issu d’une famille d’entrepreneurs. Je suis convaincu que le
succès vient de l’alliance de forces constructives et créatrices.
Il nait de rencontres improbables, de visites sur le terrain et
de mises en réseau. » Plus que jamais, la réponse à la crise se
trouvera dans l’entreprenariat.
PANORAMA COMPLIQUÉPour Azèle Mathieu, experte fi nancière au sein de l’ABE, le plus
diffi cile en matière de coups de pouce institutionnels est de
centraliser l’information. « En matière d’innovation, il y a, à la
fois beaucoup de choses et très peu de synergies. C’est un vrai
puzzle, il existe beaucoup de petites sources éparses de fi nan-
Il existe beaucoup de petites sources éparses de financementLes aides au fi nancement de l’innovation, bourses, mesures fi scales dédiées, subsides et mécanismes régionaux sont légions, pourtant souvent peu connus des entrepreneurs. Dispersés et pas toujours lisibles, ces outils institutionnels ont pourtant un important rôle à jouer pour stimuler l’innovation. S’il est diffi cile de s’en faire un panorama global, des initiatives comme l’Agence bruxelloise pour l’entreprise ou MeusInvest tentent d’apporter des réponses simples aux porteurs de projets.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
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cement, explique-t-elle. La diffi culté est souvent de rassembler
l’offre et la demande, mais aussi de répondre aux asymétries
d’informations, c’est le rôle d’agences comme la nôtre. »
La source de fi nancement à considérer dépend du stade de
l’entreprise: subsides lors de la création de l’activité, co-fi nan-
cement, equity, crédit ou encore crowdfunding dans un stade
plus avancé et plus proche du marché. Un des montages fi -
nanciers type est constitué d’un tiers d’apports propres, d’un
tiers de crédit bancaire et d’un tiers de capital risk.
« Beaucoup d’entreprises que l’on rencontre s’en tiennent en-
core au crédit bancaire, or elles n’ont pas toujours les garanties
requises. Elles ont tout à gagner en faisant jouer les garanties
publiques et les options permises par le co-fi nancement. Il
existe des fonds publics qui permettent de diminuer les risques.
Jean-Michel Javaux: « On a rarement raison tout seul. Le succès vient de l’alliance de forces construc-tives et créatrices. Il nait de rencontres improbables, de visites sur le terrain et de mises en réseau. »
« L’environnement est un domaine en pleine croissance. Il réclame de nouveaux modèles d’organisations. »
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Beaucoup d’entrepreneurs ne choisissent pas les méthodes
adaptées à leurs besoins et sous-estiment le fi nancement dont
ils auront besoin, c’est une des causes d’échec répandues. On
entend souvent que les banques ne font plus leur travail. Mais,
pour moi, leur rôle n’est pas de fi nancer les pertes des entre-
prises la première année, cela devrait être le rôle du capital risk.
C’est typiquement belge de compter d’abord sur le crédit clas-
sique. L’entrepreneur va généralement d’abord voir son ban-
quier, or c’est le dernier qu’il devrait consulter, c’est très diffi cile
de changer cela. Il y a tout un travail de sensibilisation à faire
dans ce domaine. »
ANCRAGE BRUXELLOISCréée en 2003 par le Gouvernement de la Région de
Bruxelles-Capitale, l’ABE veut être le point de contact de tout
entrepreneur bruxellois débutant ou confi rmé. Plateforme de
rencontre, elle clôturait, il y a quelques semaines, sa Brussels
Sustainable Economy Academy, un programme d’accompa-
gnement ciblé destiné aux entreprises durables et fi nancé
par le fond européen FEDER. Pour sa deuxième édition, 25
sociétés ont ainsi été choisies pour la qualité de leurs projets
dans le domaine des énergies renouvelable, des biotechno-
logies vertes, ou encore de l’alimentation durable, ainsi que
pour leur potentiel de création d’emplois dans la région. Huit
start-up ont ensuite été encadrée et coachée par l’agence, qui
leur a aussi ouvert son carnet d’adresse. L’idée est également
de sensibiliser le public aux réalités et diffi cultés de la créa-
tion d’entreprises.
« L’environnement est aujourd’hui un domaine en pleine
croissance. Il réclame de nouveaux modèles d’organisations,
soutient Nathanaël Ackerman, Directeur du département
Innovation à l’ABE, dont le rôle combine notamment mise en
réseau et veille stratégique. C’est une zone d’activité transver-
sale, comme l’IT a pu être avant. C’est un champ incroyable
pour toute type d’innovation. Quatre secteurs à fort potentiel
ont été identifi és comme prioritaires au sein de la région: les
TIC, les technologies liées à la santé, les technologies vertes
« Beaucoup d’entrepreneurs ne choisissent pas les méthodes adaptées à leurs besoins. »
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« La crise actuelle réclame une transformation de l’économie en profondeur et une meilleure complémentarité des acteurs. »
et la construction durable. Ils conditionnent nos travaux. Ce
sont des niches amenées à se développer. En organisant un
concours comme la BSE Academy, nous aidons les entrepre-
neurs à dépasser leurs idées et sortir de leur zone de confi ance
pour passer à la mise en pratique de leurs projets. »
TRAVAIL EN RÉSEAUNé en pleine crise de la sidérurgie, MeusInvest a des racines
profondément implantées en Wallonie. Grâce à différents par-
tenariats notamment avec l’ULg, Sogepa et la Sowalfi n, ses dif-
férentes fi liales accompagnent les entrepreneurs liégeois dans
leurs dossiers de fi nancement depuis plus de vingt-cinq ans.
Depuis sa fondation en 1985, ses moyens et son portfolio de
services ont bien évolué. Pour augmenter sa force de frappe,
l’Invest vient ainsi d’ouvrir son capital à des investisseurs pri-
vés. D’un outil de reconversion industrielle, il sert aujourd’hui
tous les pans de l’économie. Son Président Jean-Michel Javaux
DOSSIER
Brecht Vanhecke, un des fondateurs de Bug’s Food est lauréat
du prix de la BSE. Choisi par un panel d’investisseurs en raison
de la qualité de son business plan et son potentiel de dévelop-
pement, son projet vise à inviter les insectes dans nos assiettes.
Il remporte ainsi différents prix, dont un accompagnement ci-
blé d’un an par l’équipe de l’ABE. Partant du principe que deux
milliards de personnes complètent leur alimentation avec des
insectes, Bug’s Food a fait l’immense pari de convaincre cinq
chefs étoilés qui travailleront sur différents recettes. La start-
up a notamment déjà conçu des barres protéinées.
« Nous avons trois lignes de business: nous fournirons les res-
taurants en insectes non transformés, nous produirons des plats
préparés, et nous organiserons des workshops et dégustations,
précise Brecht Vanhecke. Nous allons d’abord tester le marché
avant de créer un élevage en Belgique. Nous avons encore besoin
de davantage d’études de marché, c’est un produit très nouveau.
Nous devons également reformuler notre business plan. »
D’abord importés des Pays-Bas ou de France, les insectes
seront ensuite élevés dans une ferme installée à Bruxelles.
« Ils nécessitent peu d’entretien et permettront la création
d’emplois peu qualifiés pour les nourrir. » Riches en pro-
téines et minéraux, ces insectes consomment très peu
d’eau et ont besoin de peu d’espace.
L’entrepreneur a choisi de concourir à la BSE pour tester
son idée et bénéficier d’un nouvel éclairage. « L’avantage
d’une plateforme comme la BSE Academy est de bénéfi-
cier d’une vitrine pour son projet, partage-t-il. On y ren-
contre beaucoup de monde. Les entrepreneurs qui ont des
idées ne manquent pas. Les transformer en quelque chose
de commercialisable est beaucoup moins facile. Se faire
aider par un partenaire extérieur permet de challenger
son projet. Je pense que le plus difficile pour nous sera
de favoriser des achats récurrents. Pour cela, nous avons
besoin du bouche à oreilles. »
« NOUS AVONS BESOIN DU BOUCHE À OREILLES »
Brecht Vanhecke: « Les entrepreneurs qui ont des idées ne manquent pas. Les transformer en quelque chose de commercialisable est beaucoup moins facile. »
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s’en réjouit et veut croire qu’il se passe quelque chose en Wal-
lonie, en particulier dans ses villes emblématiques. L’avenir de
la région passera par l’énergie de ses entreprises.
« Nous vivons une période de transition tant sur les plans éco-
nomique et écologique, que technologique et générationnel. Je
suis convaincu qu’un cercle vertueux est en train de se mettre
en place, notamment grâce au plan Marshall, défend-t-il.
Depuis 2006, 31.000 aides ont été accordées aux entreprises,
417.000 heures de formation ont été dispensées, 1.800 re-
cherches fi nancées et 46.000 postes créés. Trente partenariats
internationaux ont été conclus avec des clusters, des fédéra-
tions sectorielles ou encore des parcs technologiques et ce, dans
17 pays. Depuis trois ans, l’économie wallonne commence à se
redresser et les écarts avec la Flandre commencent à se réduire.
Entre 2001 et 2012, le nombre de nouvelles entreprises a aug-
menté de 14,8% dans la région de Bruxelles-Capitale, de 8,8%
en Wallonie et de moins de 3,6% en Flandre. La crise actuelle
réclame une transformation de l’économie en profondeur et
une meilleure complémentarité des acteurs. »
Outil de proximité, MeusInvest est actuellement doté de
261 millions d’euros en moyens d’actions. Elle a investi
120 millions sur cinq ans depuis 2008 pour aider les PME
de sa province à innover et se diversifier. « Différentes
enquêtes s’accordent pour dire que plus de 50% des entre-
prises en faillite le sont pour deux raisons: des capitaux
insuffisants ou un manque de compétences managériales,
conclut Jean-Michel Javaux. Les invests sont nés pour
répondre à ces difficultés. Or ils sont encore trop souvent
méconnus et sous-utilisés. »
Azèle Mathieu: « L’entrepreneur va généralement d’abord voir son banquier, or c’est le dernier qu’il devrait consulter, c’est très diffi cile de changer cela. Il y a tout un travail de sensibilisation à faire dans ce domaine. »
« Les invests sont encore trop souvent méconnus et
sous-utilisés. »
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F ondée à Liège en 1994 par un trio d’entrepre-
neurs – Pierre L’Hoest, Laurent Minguet et Michel
Counson –, EVS s’est progressivement construit
une réputation mondiale dans les systèmes
numériques vidéo de production mobile en direct, en particu-
lier dans le domaine du sport: ralenti, rediffusion instantanée,
enrichissement de contenu par adjonction de métadonnées…
« L’innovation représente plus de la moitié du personnel chez
nous, partage Jacques Galloy, CFO et EVP Corporate Services
chez EVS et depuis 12 ans au sein du groupe. 250 personnes sur
470 s’y consacrent tous les jours. Elle concerne l’IT, l’électronique,
des applications pour la télévision… C’est un processus continu et
international, puisque nous avons différents centres de recherche
dont à Bruxelles, à Liège et en Chine continentale. Notre raison
d’être est d’innover. »
Depuis ses débuts liégeois, le visage du groupe a bien chan-
gé. En 1998, la société entre en Bourse afi n de se développer
et de démarrer à l’international. En 2003, l’entreprise étend
sa palette d’activités en se lançant dans la production télé-
visuelle en studio. Des trois fondateurs, il ne reste plus que
Michel Counson, premier actionnaire qui détient encore 6%
des parts, et qui est en charge de la conception électronique.
BESOINS DU MARCHÉAvec des bureaux répartis sur quatre continents, EVS s’orga-
nise aujourd’hui en quatre grandes familles de solutions:
Sports, Entertainment, News et Media. Le groupe détient
également des parts dans deux fi liales liégeoises: il possède
41,3% de dcinex, leader européen des solutions destinées au
cinéma numérique depuis 2004 et 49,5% de Mecalec, une
entreprise spécialisée dans l’assemblage de composants élec-
triques fondée en 1980.
La R&D s’organise par division de produits. Les nouveautés
se créent généralement en symbiose avec les demandes des
clients. « Notre innovation est au cœur de nos laboratoires.
D’une part, elle nait du dialogue continu avec nos clients. Nos
nouvelles gammes répondent directement à des besoins du mar-
ché. D’autre part, nos ingénieurs, développeurs et architectes
technologiques identifi ent et développent continuellement de
nouvelles plateformes pour les prochaines années. Ces deux
L’innovation est au cœur de nos laboratoiresSuccess Story bien de chez nous, EVS Broadcast Equipment a connu une croissance de ses ventes de 29% l’année passée et des résultats en hausse de 40%. Leader mondial dans son domaine, le groupe investit massivement dans la recherche et la formation de ses équipes. La recette de son succès repose sur une saine gestion de l’innovation, l’utilisation des dernières technologies et le développement continu de nouveaux produits et solutions.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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mouvements se croisent et se complètent. L’innovation émanant
du marché soutient notre innovation interne et vice versa. »
Evoluant dans un secteur mobilisant des hautes technolo-
gies, les équipes d’EVS se doivent d’être toujours à l’affût de
ce qui sort sur le marché. « Notre marché est mondial, nous
menons une forte action de veille. L’innovation peut venir de
toute part. Nous devons suivre ce qui se fait, partout, tout le
temps pour rester à la page, développer et créer de nouvelles
choses. Chez nous, 90% coûts de l’innovation sont la matière
grise et le savoir-faire de nos équipes de développement. Leurs
plans couvrent généralement les 12 à 24 prochains mois. »
BOOM TECHNOLOGIQUEDepuis ses débuts, le spécialiste de la diffusion a connu des
changements technologiques majeurs comme l’usage accru
de la 3D, le passage de la défi nition standard à la haute défi ni-
tion et à l’UltraHD (4K). « Notre portefeuille produits a été mul-
tiplié par 8 en 12 ans. Si je devais défi nir le mot ‘innover’, c’est
jeter un regard neuf sur un besoin existant ou anticiper un mode
opératoire pour des opérations futures, soutient Jacques Galloy.
Innover, c’est renouveler, changer, créer, améliorer, anticiper. »
L’entreprise se fi nance via ses actionnaires et ne bénéfi cie
pas de fonds publics pour alimenter sa recherche, si ce n’est
de la dispense de précomptes professionnels dans le cas de
certains ingénieurs et de subsides européens quand elle
remporte des appels à projets paneuropéens. Comme par
exemple, le projet FINE qui vise à favoriser les collaborations
inter-entreprises entre acteurs spécialisés dans le réseau et la
diffusion de contenus.
« Ce type de projet nécessite beaucoup d’implication de nos
chercheurs, tout en amenant un ROI à long terme, indique-t-
il. C’est ici plutôt un cas de fi gure qui concerne de la recherche
fondamentale, qui est plus minoritaire chez nous. La recherche
appliquée est majoritaire, elle concerne essentiellement des
recherches d’applications et de produits. »
Entre 2011 et 2012, EVS a connu une augmentation de 11,6%
dans sa masse salariale et a triplé ses investissements, notam-
ment suite à son nouveau siège social, se donnant, plus que
jamais, les moyens de lancer de nouvelles solutions. Et Jacques
Galloy de conclure: « Pour résumer, chez EVS, innovation rime avec
quotidien, nous innovons tous les jours, dans les produits mais
aussi dans les méthodes commerciales. Nos évènements sportifs,
par exemple, sont un excellent laboratoire pour tester différentes
technologies et applications. Tout ce qui relève de la recherche ap-
pliquée prend ses racines dans deux endroits: en labo et chez nos
clients. Tout notre modèle est fondé là-dessus. »
Jacques Galloy: « Chez EVS, innovation rime avec quotidien, nous innovons tous les jours, dans les produits mais aussi dans les méthodes commerciales. Nos évènements sportifs, par exemple, sont un excellent laboratoire pour tester différentes techno-logies et applications. »
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S ociété de biotechnologie de pointe spécialisée
dans la découverte et la mise au point de théra-
pies régénératives, protectrices et reconstructives
pour le traitement des maladies cardiaques, l’en-
treprise est, jusqu’à ce jour, la plus avancée dans le traitement de
l’insuffi sance cardiaque. Si les traitements actuels s’attaquent
aux symptômes de la maladie, ils ne savent pas encore en traiter
les causes, ce que le projet de recherche de Cardio3BioSciences
ambitionne de faire. Sa stratégie de fi nancement repose sur un
scénario étape par étape, en fonction des paliers de création de
valeur scientifi que et clinique.
« Notre modèle de financement est clair et transparent, ex-
plique Patrick Jeanmart, CFO de Cardio3Biosciences. A ce
jour, nous avons réuni 60 millions d’euros, dont 41,8 millions
de capitaux propres lors de tours de financement successifs.
Nous avons également obtenu des subventions publiques ré-
gionales non dilutives pour un total de 18,2 millions d’euros.
Le projet avance bien. Nous augmentons la trésorerie à
chaque moment charnière de notre développement, ce qui est
plutôt bon signe. »
Parmi les investisseurs fi nanciers qui représentent 75% des
actionnaires, on retrouve des acteurs comme Tolefi , la SRIW
Techno SA, Umbrela Investments ou encore Sofi pôle SA. Le
président du Conseil d’administration et le management dé-
tiennent 11% des parts, tout comme Mayo et Alost. Au total,
l’entreprise compte 32 actionnaires de toutes tailles.
FINANCEMENT CYCLIQUEL’entreprise a récemment obtenu l’aval d’autorités réglemen-
taires de différents pays européens pour commencer une
étude clinique de phase III afi n d’évaluer le potentiel de son
produit phare C-Cure®. « A chaque étape de recherche, nous
avons besoin de fonds frais et nous devons lever de nouveaux
capitaux. En ce moment, nous avons besoin de réunir 20 mil-
Chaque étape nous rapproche du marchéSociété privée fondée en 2007 et établie à Mont-Saint-Guibert, Cardio3BioSciences détient une plate-forme technologique unique de reprogrammation cellulaire. Financée par une combinaison d’investisseurs privés, de fonds institutionnels et de subventions publiques à hauteur de 60 millions d’euros, elle doit rassembler du nouveau capital à chaque étape de recherche pour poursuivre ses travaux. Le 21 juin dernier, la société annonçait son lancement en Bourse afi n d’accélérer son développement.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
lions d’euros afi n de fi nancer l’essai clinique de phase III euro-
péen. Chaque étape franchie nous rapproche du marché. »
Pour se préparer à chaque nouvelle levée de fond, la première
chose est d’analyser les résultats de l’étape précédente. «
Ce sont eux qui nous permettent d’avancer. Chaque nouvelle
phase nécessite une augmentation de capital pour passer au
niveau supérieur, c’est un mode de fi nancement dit ‘milestone-
based’. Le fi nancement d’une nouvelle étape dépend des résul-
tats accumulés à l’étape précédente. Nous n’avons pas le droit à
l’échec. La fi nalité est toujours de nous amener sur le marché. »
Comme le veut la loi, les actionnaires existants ont un droit
de souscription préférentiel. « Si nous récoltons assez d’argent,
nous ne cherchons pas de nouveaux partenaires. Nous colla-
borons en toute transparence », confi rme Patrick Jeanmart.
Chaque palier réclame une préparation sans faille afi n de ne
pas rater le coche et décevoir les investisseurs. « Si le mana-
gement n’est pas prêt, nous restons au milieu du guet. Il faut
être prêt et avoir des résultats à montrer. Sans crédibilité, nous
n’aurons plus d’argent frais, affi rme-t-il. Nous avons, jusqu’à
présent, toujours délivré en temps et en heures. On peut avoir le
droit à l’erreur au niveau scientifi que, pas au niveau opération-
nel. Nos investisseurs croient en notre projet de recherche, mais
aussi en la société et le potentiel de ses équipes. Nous devons
garder notre leadership et notre avance. C’est le premier sur le
marché qui fi xe les barrières à l’entrée. »
GAGNER DU TEMPSAu total, Cardio3BioSciences compte 52 collaborateurs, cha-
cun ayant un important rôle à jouer dans la réussite du pro-
jet. Le recrutement des profi ls, scientifi ques, techniciens de
contrôle ou qualité, ou encore académiques, pour la plupart,
est une des conditions de son succès. « Nous sommes une
petite structure, chaque personne doit être la pointe le jour J.
Nous avons besoin que notre personnel soit compétent dès sa
mise en fonction. L’entreprise ne peut pas perdre de temps. Ce
sont nos équipes qui nous permettront d’aller plus loin. Seules
six personnes sur les 52 ont une casquette administrative.
Chaque euro que l’on reçoit doit être réinvesti dans la recherche
et le développement. Tout poste créé, y compris le mien, doit
donc être justifi é auprès des actionnaires et faire avancer les
choses de manière signifi cative. »
La jeune société évolue dans un contexte très réglementé et
concurrentiel. Lancer un médicament est une vraie course
contre la montre, puisqu’un laps de dix ans s’écoule généra-
lement entre sa conception et sa mise sur le marché. Si tout
se passe bien, les résultats de la phase III seront connus à la
fi n de l’année 2015. Ensuite, l’Agence européenne du médi-
cament devra, une nouvelle fois, donner son aval. S’il y a des
essais cliniques effectués sur plusieurs pays, chaque minis-
tère devra donner des autorisations nationales.
« L’autorisation pour commercialiser un médicament s’éche-
lonne dans le temps. La validation du dossier, qui fait généra-
lement plusieurs milliers de pages, peut prendre entre 12 et 18
mois. Notre but est d’être sur le marché d’ici quatre ans. L’hori-
zon est connu, mais il est plus facile de voir à court terme, à
deux ou trois ans, pour se concentrer sur l’essentiel. On ne peut
pas bruler les étapes et préparer le dossier avant d’avoir tous les
résultats en main. Nous sommes aujourd’hui les seuls à pouvoir
proposer une thérapie régénérative, mais d’autres y travaillent
aussi. C’est toujours une course, nous voulons être les premiers,
conclut Patrick Jeanmart. On ne se compare à rien, mais les
suivants devront se comparer à nos résultats. La cardiologie est
un marché énorme. Les attentes des malades sont très impor-
tantes. On ne promet pas de solutions miracles, nous devons
être patients. A nous de transformer l’essai maintenant! »
Patrick Jeanmart: « Chaque euro que l’on reçoit doit être réinvesti dans la recherche et le développe-ment. Tout poste créé, y compris le mien, doit donc être justifi é auprès des actionnaires et faire avancer les choses de manière signifi cative. »
« Nous augmentons la trésorerie à chaque
moment charnière de notre développement, ce qui est
plutôt bon signe. »
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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D epuis ses débuts en 2008, la Fédération Pion-
nières a reçu plus de 1800 appels à projet,
soutenu 140 entreprises et accompagné 350
entrepreneuses qui ont suivi le parcours pré-in-
cubation. Grâce à ce soutien personnalisé, 230 sociétés ont pu
être créées à travers le réseau. Appui lors de l’élaboration d’une
l’étude de marché, coaching, aide à la réalisation d’un business
plan réaliste, expertise juridique, la structure fournit toute la
boite à outil nécessaire à la création d’une nouvelle structure.
Fort d’une méthodologie d’accompagnement solide, le réseau a
été certifi é NF et Iso 9001 en 2007. Il travaille également à ren-
forcer la crédibilité des créatrices, souvent peu considérées par
les institutions fi nancières.
« La Belgique, dont Bruxelles, n’exploite pas assez le potentiel de
croissance économique que représente l’entreprenariat fémi-
nin, relève Estelle Bouriez, dirigeante de Bruxelles Pionnières.
Or, Bruxelles est un vivier particulièrement riche puisque la ville
accueille de nombreuses expatriées de longue durée et issues
de différents pays, pouvant produire de la richesse et de l’inno-
vation dans notre Région. »
En effet, seules 2,91% des femmes belges ont lancé une
activité en 2010, ce qui est bien loin de la moyenne euro-
péenne de 7,91 % (source IEFH). En 2009, on dénombrait
seulement 308.000 femmes sur les 916.000 indépendants
que comptait le pays. En Belgique, partant de ce constat,
Bruxelles Pionnières a été initiée par l’asbl Incubateur au
Féminin Bruxelles-Flandre-Wallonie en 2011. Elle est co-
présidée par Evelyn Gessler, directrice de Deciders, Fon-
datrice et Présidente du Club L, et Bruno Wattenbergh,
Directeur Opérationnel de l’ABE, Agence Bruxelloise pour
Pour aider les femmes, il faut leur dire que c’est possibleCréé en 2005, Paris Pionnières, un incubateur de projets 100% féminin, a donné naissance à une Fédération internationale, ainsi qu’à une quinzaine de déclinaisons locales et nationales, dont Bruxelles. Ces relais partagent le souci de donner un coup de pouce à des entrepreneuses pour les aider à concrétiser et professionnaliser leurs idées d’entreprise. Bruxelles Pionnières entend ainsi contribuer à doper la création de projets portés par des femmes dans la région et par là contaminer l’ensemble du pays.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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l’Entreprise. Sa raison d’être est bien de soutenir des
structures innovantes et potentiellement créatrices d’em-
ploi à long terme.
TREMPLIN FÉMININMoins visibles que leurs homologues masculins, les entre-
preneuses ont, néanmoins, des demandes et besoins spé-
cifiques. « Notre ambition première est de stimuler durable-
ment l’entreprenariat en région bruxelloise, explique Estelle
Bouriez. Nous nous adressons aux femmes, car nous sommes
convaincues qu’elles ont un important rôle à jouer pour
faire évoluer le monde économique actuel. Pour cela, elles
ont besoin d’un tremplin pour démarrer et pérenniser leurs
activités. Pour les y aider, nous recherchons continuellement
des financements alternatifs et en dehors des sentiers battus.
Notre rôle est aussi d’encourager l’innovation en favorisant
des solutions qui permettent d’améliorer des produits, ser-
vices ou processus existants ou d’en créer de nouveaux. »
L’innovation envisagée par les Pionnières est aussi bien socié-
tale, managériale que technologique. Depuis sa création, la
jeune structure a accompagné 12 projets prometteurs tant
sur le plan du développement économique, que de la création
d’emplois. Parmi les entrepreneuses, on retrouve à la fois des
demandeuses d’emploi, des jeunes diplômées, des femmes
en réorientation professionnelles ou des salariés qui ont tou-
jours souhaité monter leur propre structure. « D’autres encore
ont élevé leurs enfants et reviennent sur le marché. C’est d’ail-
leurs mon cas », souligne-t-elle.
L’asbl est animée par une équipe opérationnelle de six per-
sonnes aux compétences complémentaires, par cinq coach
certifi és et disposant eux-mêmes d’une expérience entrepre-
neuriale et 12 marraines dotées d’une solide connaissance
du marché belge. Ce premier incubateur au féminin bénéfi cie
aussi du soutien de la Région de Bruxelles Capitale et d’autres
réseaux, comme Beci, l’ABE ou Solvay Entrepreneurs, ainsi que
d’acteurs économiques comme la BNP Paribas Fortis ou la
Spécialisé dans les aides d’états, le jeune cabinet d’avocats
Clayton& Segura, a bénéfi cié de l’appui de Bruxelles Pion-
nières pour se lancer. Ses fondatrices, Marianne Clayton, avo-
cate aux barreaux de Paris et de Bruxelles, et Maria J. Segura
Catalán, avocate aux barreaux de Madrid et de Bruxelles, ont
souhaité suivre ce chemin pour bénéfi cier d’un œil extérieur
et tester leur business plan. Si elles n’ont pas eu besoin d’ex-
pertise en matière de fi nancement, elles ont apprécié d’être
challengées sur leur projet. « Nous avons pu présenter notre
projet à une audience qui ne connaissait pas du tout notre sec-
teur d’activité, partage Marianne Clayton. Avoir un avis neutre,
professionnel et rationnel, et qui ne soit pas celui d’amis ou de
la famille, est très précieux. Travailler avec Bruxelles Pionnières
nous a également permis de structurer notre démarche et prio-
riser notre action. Se faire accompagner est un vrai moteur,
cela donne un coup de boost et beaucoup d’énergie. Même
si on croyait en nous, on passait parfois par des moments de
doutes. Lancer une entreprise est quelque chose d’assez soli-
taire, ça fait du bien de se sentir soutenue. Le plus diffi cile à
gérer est l’incertitude. On sort de sa zone de confi ance et on est
un peu sur des montagnes russes. »
Toutes les deux juristes, les deux fondatrices sont allées
chercher des compétences en gestion qu’elles n’avaient pas
en interne. Leur trajet a duré un an et le cabinet a offi cielle-
ment été lancé en avril dernier. « Tout l’aspect business, com-
mercial et administratif manquait un peu chez nous. Nous
avions des échéances toutes les six semaines, qui nous ont
permis de réfl échir à nos services, les clients prioritaires que
l’on visait etc. Je suis convaincue qu’on ne réussit rien seul, il
ne faut pas hésiter à se faire aider. Se faire un peu bousculer
peut être salutaire, je me suis sentie poussée dans le dos. Nous
avons déjà des dossiers, c’est très bon signe, même si nous ne
gagnons pas encore notre vie », conclut-elle.
« ON NE RÉUSSIT RIEN SEUL, IL NE FAUT PAS HÉSITER À SE FAIRE AIDER »
Marianne Clayton: « Lancer une entreprise est quelque chose d’assez solitaire, ça fait du bien de se sentir sou-tenue. Le plus diffi cile à gérer est l’incertitude. On sort de sa zone de confi ance et on est un peu sur des mon-tagnes russes. »
« Les femmes ont un important rôle à jouer pour faire évoluer le monde économique actuel. »
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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Fondation Banque Degroof. « Nous n’avons qu’un an et demi
d’ancienneté, quand la structure sera plus mature, nous établi-
rons davantage de partenariats en Flandre et en Wallonie. Il y a
beaucoup de synergies à construire. »
REDONNER CONFIANCEParmi les obstacles récurrents chez de nombreuses entre-
preneuses: la diffi culté de concilier vie privée et vie profes-
sionnelle, la peur de prendre des risques et l’image du patron
d’entreprise encore trop souvent perçue comme typiquement
masculine. « Pour aider les femmes, il faut leur dire que c’est
possible. Elles sont généralement plus prudentes et certaines
ont des réticences à se lancer seules, confi rme Estelle Bouriez,
elle-même passée par là. Cependant, quand elles se lancent,
elles le font vraiment. Nous sommes là pour les écouter et ré-
pondre à leurs questions tout au long du cycle de vie de leur
idée. On leur donne confi ance, on les challenge et on les aide
à se surpasser. Le volet humain est au moins aussi important
que l’approche économique. On a beau avoir les compétences,
lancer son entreprise est toujours une prise de risque. »
Pour répondre à ces différentes craintes, l’incubateur conci-
lie coaching individuel, ateliers collectifs et possibilités de
networking avec le réseau de créatrices Pionnières, tout cela
à des prix modiques. Depuis le lancement, le nombre de dos-
siers reçu a progressé de 25%. « Notre accompagnement se
découpe en trois phases: émergence de l’idée et phase d’éva-
luation du potentiel du projet, clarifi cation des objectifs de
l’entrepreneuse. Cette première phase dure entre 1 et 2 mois,
la deuxième signe le début de la pré-incubation qui vise à
mettre en forme le projet et en défi nir les contours. Elle se
prolonge généralement sur 3 à 9 mois. Enfi n, l’incubation est
la dernière ligne droite. Il s’agit de développer la société, de
structurer son capital et d’embaucher les premiers salariés.
On compte habituellement 12 mois de préparation. Certains
projets ne sont pas assez matures et s’arrêtent avant la der-
nière phase. L’environnement personnel de l’entrepreneuse
peut rentrer en ligne de compte ». Un comité d’évaluation
décide si l’entreprise est viable et prête à se lancer.
Au fi l du processus, des ateliers thématiques à la carte
viennent en renfort de l’activité de coaching. On y retrouve des
modules sur la gestion du stress, l’organisation d’évènements,
l’utilisation des réseaux sociaux, ou encore sur la négociation
commerciale. Installée du côté de Tour& Taxis dans les locaux
de l’ABE, l’asbl met aussi ainsi un environnement de travail à
disposition des porteuses de projets. Les entrepreneuses ont
ainsi l’occasion de s’y rencontrer et d’échanger leurs diffi cultés
et trucs et astuces au quotidien, tout en partageant leur carnet
d’adresses. « On estime qu’une société accompagnée avant son
lancement a deux fois plus de chances de réussir qu’une autre.
Nous mettons un point d’honneur à répondre à toutes les por-
teuses de projets, même si parfois nous devons les rediriger vers
d’autres structures », termine Estelle Bouriez.
Estelle Bouriez: « Le volet humain est au moins aussi important que l’approche économique. On a beau avoir les compétences, lancer son entreprise est toujours une prise de risque. »
DOSSIER
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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L e crowdfunding ou fi nance participative en
français a pour but de solliciter la participation
fi nancière et le soutien d’une communauté vir-
tuelle d’investisseurs autour de tout type de
projets. C’est le nombre d’utilisateurs convaincus qui valide
l’initiative et permet de transformer l’essai. « C’est un mode
de fi nancement qui permet au citoyen de devenir acteur des
projets qu’il souhaite développer, introduit Guillaume Des-
clée, Platform Manager et fondateur de MyMicroInvest, une
plateforme de crowdfunding qui cible les entreprises et met
en contact entrepreneurs, particuliers et investisseurs profes-
sionnels. Il sait où va son argent. C’est aussi un mécanisme qui
repose sur l’intelligence collective. Ce principe de rassembler les
ressources de manière communautaire existe depuis toujours,
il n’est pas né avec Internet. »
Actuellement, environ 75% du marché serait américain, 20% se
trouverait en Europe et 5% en Asie. En plein essor, la méthode
fonctionne principalement via trois canaux: dons, prêts et
prises de participations, des principes vieux comme le monde.
« Nous n’avons pas inventé un machine miracle à faire de l’ar-
gent, commente Vincent Ricordeau, un des trois fondateurs de
Kiss Kiss Bank Bank. L’humanité ne s’est pas réveillée un matin
en voulant fi nancer des projets sur le web. Le crowdfunding n’est
qu’un outil de partage qui met les gens ensemble, un système
au service d’une demande. » On est face à une vraie déferlante,
même si la législation n’y est pas toujours préparée.
VIRALISER SON PROJETParmi les précurseurs, l’aventure Kiss Kiss Bank Bank a dé-
marré en 2007. Ses fondateurs la défi nissent comme une
La finance participative s’immisce dans toute l’économieEncore émergent en Belgique, le crowdfunding a dépassé le phénomène de mode pour devenir une source de fi nancement à part entière. Ce mécanisme participatif fi nance aujourd’hui des projets artistiques, défi lés, CD ou fi lms, mais aussi des start-ups, des micro-entreprises ou des associations. 900 plateformes se partagent déjà un marché mondial qui a collecté près de trois milliards d’euros en 2012. On en prévoit six milliards en 2013 et Forbes parle même de 1.000 milliards de dollars en 2010.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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plateforme de fi nancement participatif dédiée à la créativité
et l’innovation. Vincent Ricordeau, revient sur ses débuts.
« Quand nous avons commencé à réfl échir à un tel système,
il n’y avait pas vraiment de modèle pour nous inspirer. Les ré-
seaux sociaux permettaient déjà aux internautes de partager
des photos, du contenu et des idées. Nous étions convaincus de
leur potentiel économique. La suite logique était de leur per-
mettre d’échanger de l’argent et des sources de fi nancement.
Notre motivation était et est toujours de proposer aux entre-
preneurs des outils pour libérer leur créativité. On veut qu’ils
se rencontrent, qu’ils se challengent et qu’ils se dépassent. On
ne peut plus parler d’épiphénomène aujourd’hui. La fi nance
participative s’immisce dans tous les pans de l’économie. En
2013, 20 millions d’euros ont été fi nancés grâce au crowd en
France. A titre de comparaison, les business angels, un méca-
nisme beaucoup plus ancien, en ont fi nancé 40 millions. Nous
ne sommes qu’au début de l’histoire, la machine est en route. »
RÉSEAU D’AMBASSADEURSUne collecte de fonds sur Kiss Kiss Bank Bank se déroule
toujours de la même manière. Il s’agit d’abord de convaincre
sa communauté qui donne naissance à un premier cercle
d’amis et de connaissances, qui deviennent ensuite des am-
bassadeurs, qui permettent, à leur tour, de toucher un cercle
plus étendu et ainsi de suite. « Tout le monde peut propo-
ser son projet au public, ajoute Vincent Ricordeau. C’est un
Encadré par le pôle Green Tech de l’ABE, Domobios est un ex-
cellent exemple de montage fi nancier créatif. Offi ciellement
lancée le 30 janvier dernier, la start-up a combiné plusieurs
sources de fi nancement: crowdfunding, fonds privés, ap-
ports propres, bourses et fi nancement universitaire. L’entre-
prise avait déjà un brevet avant de se lancer sur MyMicroIn-
vest avec acar’up, une méthode innovante d’éradication
des acariens. Success story, le projet a réussi à séduire 97
contributeurs en moins de 25 jours. Ses fondateurs étaient
surtout intéressés par la vitrine offerte par le crowdfunding.
« Avec Anne-Catherine Mailleux, mon associée, nous trou-
vions que c’était un bon moyen de faire connaître notre pro-
duit, explique Pierre Buffet, Managing Directeur de Domo-
bios. L’aspect viral nous plaisait. Nous avons découvert le
fonds d’investissement lié à la plateforme dans un deuxième
temps. Ave le co-fi nancement d’Inventures, au total, le crowd
nous a apporté 301.100 euros. Le reste a été amené par des
fonds privés, notamment par le Fond Roi Baudoin qui soutient
les entreprises innovantes dans le secteur médical et un fond
de l’ULB. Nous sommes allés frapper à plusieurs portes. Nous
voulions conserver une certaine indépendance, mais aussi ga-
rantir une pluralité de compétences et d’expertise dans notre
conseil d’administration. »
Une prochaine levée de fond pourrait avoir lieu dans un an
pour lancer le produit à l’international. D’ici là, la start-up
va se concentrer sur le marché belge, étendre la distribution
d’acar’up, déjà en pharmacie, et développer de nouveaux
produits. « Dans notre cas, faire appel au crowd était une
belle opération de marketing. Nous aurions pu nous lan-
cer sans ce coup de pouce. Cela nous a, avant tout, permis
de fédérer des utilisateurs potentiels autour de notre pro-
jet. C’est un beau succès, nous avons rencontré beaucoup
d’enthousiasme. Je reste convaincu que ce n’est pas un outil
pour toutes les entreprises. Avant de se lancer, il faut s’assurer
que le mécanisme corresponde bien à son produit et trouver
le bon degré d’informations à partager. Sans communiquer,
on ne convainc aucun investisseur. Même si on s’y connaît, se
faire accompagner juridiquement est souvent nécessaire. Il ne
faut pas hésiter à se faire aider par des avocats spécialisés. »
« SANS COMMUNIQUER, ON NE CONVAINC AUCUN INVESTISSEUR »
Pierre Buffet: « Ave le co-fi nancement d’Inventures, au total, le crowd nous a apporté 301.100 euros. Le reste a été amené par des fonds privés. »
DOSSIER
« La nouvelle économie est celle du partage, qu’on parle
de co-working ou de co-production. »
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
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système concentrique. Le crowd permet de viraliser l’existence
de son premier cercle pour en toucher les autres. Une fois le
projet mis en ligne, il faut l’assumer, il devient part de l’espace
public. La plateforme crée du lien et pousse ses utilisateurs à
aller au bout de leurs idées. Si le projet n’est pas crédible, la
communauté ne suivra pas. Plus on a d’ambassadeurs, plus il
va se diffuser et se concrétiser. »
DOUBLE VALIDATIONLe système choisi par la plateforme prévoit, en outre, des
contreparties pour les contributeurs: visites d’un lieu de
shooting, vinyles dédicacé, avant-première… La créativité est
de mise. C’est l’entrepreneur qui décide et choisit la durée de
collecte. Depuis le lancement du prototype en 2009, la plate-
forme française a collecté plus de 5.500.000 euros et fi nancé
près de 3.000 projets issus de 18 secteurs d’activités, allant de
l’édition à la mode, en passant par le journalisme.
Du côté de MyMicroInvest, l’idée est d’accompagner l’orga-
nisation dans tous ses stades de développement. Installé à
Louvain-la-Neuve, le site a déjà levé 1.088.000 € et rassemblé
7374 membres. Son premier projet a été fi nancé en octobre
2012. Le crédo de la plateforme est de permettre aux particu-
liers de sélectionner et d’investir dans des entreprises inno-
vantes aux cotés de professionnels. A partir de 100€, ils béné-
fi cient des mêmes conditions fi nancière.
PREMIER TRILe système choisi repose sur une double sélection et un co-
fi nancement des projets. Unique en son genre, il combine le
potentiel du crowd avec les bénéfi ces du capital risque. C’est
l’entrepreneur qui détermine ses besoins de fi nancement.
« C’est en combinant l’essence des deux que la structure est
optimum, résume Guillaume Desclée. Il faut obtenir deux feus
verts: l’internaute valide le projet pour lequel il croit quand l’in-
vestisseur valide l’aspect fi nancier et les conditions d’investis-
sements. Ce sont ces derniers qui engagent le montant de leur
investissement. Le crowd s’aligne sur les mêmes conditions. En
fonctionnant de la sorte, nous démocratisons le venture capi-
tal. Pour l’entrepreneur, l’intérêt est d’être en contact avec une
première communauté de clients potentiels. Ceux-ci peuvent le
challenger, lui poser des questions et proposer des suggestions
d’amélioration. Leur rôle ne s’éteint pas après l’investissement.
Les internautes deviennent parties prenantes de l’entreprise. »
La démarche se découpe en six étapes: sélection du projet,
validation par la communauté, analyse professionnelle des
opportunités d’investissement, fi nancement, suivi en ligne et
sortie de l’investissement. L’investisseur professionnel qui re-
présente l’ensemble du crowd décide alors du moment où la
plus-value réalisée sera redistribuée au prorata de la partici-
pation. Le contributeur-type investit en moyenne 1.000 euros.
Sur Kiss Kiss Bank Bank, comme sur MyMicroInvest, on pré-
sélectionne d’abord les projets qui se retrouveront en ligne.
On ne se confronte pas au crowd par hasard, il requière un
minimum de préparation en amont. « Trois personnes de
mon équipe s’y consacrent toute la journée. Si une idée est trop
embryonnaire, on le sent tout de suite. Nos critères sont avant
tout liés à la maturité et la crédibilité d’un projet, même si, bien
sûr, cela reste toujours subjectif, admet Vincent Ricordeau. Il
n’a pas de mystère, ceux qui se survendent ne récoltent géné-
ralement pas grand-chose. Une fois choisis, les entrepreneurs
sont encadrés par l’équipe. On les drille sur la qualité de leur
présentation, les objectifs et le nombre de contributeurs à vi-
« On ne donne jamais assez d’informations sur son projet. Avoir peur de se faire voler son idée est une crainte très européenne. »
Vincent Ricordeau: « Nos critères sont avant tout liés à la maturité et la crédibilité d’un projet, même si, bien sûr, cela reste toujours subjectif. Il n’a pas de mystère, ceux qui se sur-vendent ne récoltent généralement pas grand-chose. »
FINANCE MANAGEMENT - N°62 - JUIN 2013
20ser… Ensuite, on leur fournit des outils pour surveiller les contri-
butions en temps réel. Nous jouons un rôle de coach avant et
pendant toute la mise en ligne du projet. »
MyMicroInvest reçoit des centaines de propositions chaque
semaine. L’équipe évalue si l’information fournie par le porteur
de projet est de qualité, fi able et complète et si l’entreprise est
existante. Les entrepreneurs ne sont pas non plus abandonnés
une fois le projet soumis au vote du crowd. « Nous ne sommes
pas là pour juger le concept, c’est le rôle des internautes. Notre
mission est de connecter les gens toute au long du processus,
continue Guillaume Desclée. C’est aussi de prospecter auprès
des business angels et des fonds d’investissement. Nous expli-
quons constamment ce que l’on fait pour sortir des amalgames
sur le crowd. Une fois le principe compris, tout peut aller très vite.
Les transactions moyennes sont dix fois supérieures à celles que
l’on retrouve sur le marché. » Un projet a un mois pour se faire
fi nancer, ensuite il laisse sa place à d’autres, ce qui garantit un
roulement permanent sur la plateforme.
SUSCITER L’INTÉRÊTAvant de se frotter au crowd, il faut réfl échir à ce qu’on veut
montrer de son projet pour capter l’attention de la commu-
nauté. Bien cartographier la force et la taille de son premier
cercle est aussi un facteur de succès. Et Vincent Ricordeau de
conseiller: « Je pense qu’on ne donne jamais assez d’informa-
tions sur son projet. Avoir peur de se faire voler son idée est une
crainte très européenne. La plupart du temps, ce qui importe
c’est sa concrétisation. Le seul risque que l’entrepreneur prenne
c’est l’énergie qu’il y met et le temps qu’il y consacre. Le crowd-
funding est une machine à créer des rêves et à générer de l’en-
thousiasme, mais qui peut être très chronophage. On ne peut
pas s’y lancer à moitié. »
Si le potentiel de croissance du crowdfunding est immense,
les systèmes réglementaires ne sont pas encore prêts partout
à encadrer le phénomène. « En France, le cadre réglemen-
taire est lié au monopole bancaire, qui ne voit pas ce nouveau
concurrent d’un très bon œil. C’est un système disruptif par rap-
port au fi nancement bancaire. Il y a un blocage législatif qui
fait que le crowdfunding ne se développe pas aussi vite qu’il
devrait », défend encore Vincent Ricordeau.
Pour donner un cadre aux investissements consentis par
ses membres, MyMicroInvest a mis en place un système de
memorandum offi ciel qui donne accès à toute l’information
nécessaire en toute transparence. « Nous avons établi un pros-
pectus d’émission dans le cadre d’un appel public à l’épargne,
qui est reconnu par l’autorité de marché, c’est une première
mondiale. Cela permet de donner une crédibilité supplémen-
taire au crowdfunding », confi rme Guillaume Desclée.
Pour Vincent Ricordeau, un autre frein courant est la peur des
gens d’acheter en ligne. « Il y a une crainte répandue chez beau-
coup d’internautes d’acheter sur le web, en particulier au delà de
40 ans. Pourtant, cette économie est basée sur la confi ance et la
transparence. La nouvelle économie est celle du partage, qu’on
parle de co-working, de co-production ou de co-voiturage ». « Le
crowdfunding est fi nalement peu connu, même s’il se développe
très fort, achève Guillaume Desclée. Quand j’ai commencé à m’y
intéresser, il y avait 400.000 résultats sur Google avec ce mot là.
Aujourd’hui, on a dépassé les 9 millions. »
DOSSIER
Guillaume Desclée: « Nous ne sommes pas là pour juger le concept, c’est le rôle des internautes. Notre mission est de connecter les gens toute au long du processus. C’est aussi de prospecter auprès des business angels et des fonds d’investissement. »
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N° 47 - Mai 2011Reporting
N° 48 - Juin 2011Business Intelligence
N° 49 - Septembre 2011DAF en PME
N° 50 - Octobre 2011Les partenaires du CFO
N° 51 - Novembre 2011Finance & HR
N° 52 - Décembre 2011« Glocal » CFO
N° 53 - Février 2012Compliance
N° 54 - Mars 2012Finance & IT
N° 55 - Avril 2012Secteur public
N° 56 - Mai 2012Reinventing Finance
N° 57 - Juin/Juillet 2012Leadership in Finance
N° 58 - Septembre 2012Banques & Assurances
N° 59 - Janvier 2013Cash Management
N° 60 - Mars 2013Sécurité de l'information
N° 61 - Mai 2013Finance Durable
Finance Management vous livre, chaque mois, un état des lieux, des témoignages, des conseils, un partage de bonnes pratiques sur des dossiers clés pour votre gestion fi nancière.
Finance Management une publication périodique destinée aux respon-sables fi nanciers et autres professionnels du secteur fi nancier des entre-prises de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Elle s’adresse également aux dirigeants d’entreprises soucieux d’optimiser la gestion fi nancière de leur société ainsi qu’aux étudiants.
Finance Management – Edité par MRH SPRL7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelleshttp:// www.fi nancemanagement.be
Rédacteur en chef : Christophe Lo Giudice (redaction@fi nancemanagement.be)
Comité de rédaction: Bruno Colmant (Roland Berger Strategy Consultants, Chargé de cours invité à l'UCL et à la Vlerick Leuven Gent Management School), Charles Delloye (Alethea), Denis Dubru (Vice-President Finance, Belgium and Shared Services, GSK Biologicals), Frédéric Mailleux (Directeur Finan-cier-GFA, Ets. Ronveaux), Chris Vroman (HR, Legal et Tax Director chez Ineos), Joël Poilvache (Regional Manager, Robert Half International)
Equipe rédactionnelle : Christophe Lo Giudice, Florence Thibaut
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