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1 Questions : - Fondement de la responsabilité 1) Dans votre juridiction sur quelles théories juridiques les intermédiaires en ligne peuvent-ils être tenus responsables en cas d'infraction au droit de la propriété intellectuelle et des dispositions sur la concurrence déloyale? Il convient de distinguer dans votre réponse: a) les différents types d'intermédiaires en ligne b) le droit d'auteur, le droit des marques et la concurrence déloyale c) le droit civil et droit pénal d) la responsabilité directe et accessoire 1. La responsabilité des acteurs de l’Internet, et en particulier, des intermédiaires en ligne, peut être recherchée sur la base du droit commun de la responsabilité. Cependant, un régime légal de d’exonération de ces opérateurs a été mis en place par : - la directive n° 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, - La loi du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication - La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). 2. La loi de 2000 limite la mise en cause de la responsabilité civile et pénale du fournisseur d’hébergement à un seul cas (après censure du Conseil constitutionnel des autres possibilités : Cons. Const. Déc. n° 2000-4333 DC, 27 juillet 2000) : celui où, saisi par une autorité judiciaire, l’hébergeur n’aurait pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu litigieux (art. 47-3 à 47-10 de la loi 1 ). 1 « Art. 43-7. - Les personnes physiques ou morales dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée sont tenues, d’une part, d’informer leurs abonnés de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner, d’autre part, de leur proposer au moins un de ces moyens. « Art. 43-8. - Les personnes physiques ou morales qui assurent, à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services, ne sont pénalement ou civilement responsables du fait du contenu de ces services que : « - si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès à ce contenu ; Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 2000-433 DC du 27 juillet 2000. « Art. 43-9. - Les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 sont tenus de détenir et de conserver les données de nature à permettre l’identification de toute personne ayant contribué à la création d’un contenu des

- Fondement de la responsabilité · La LCEN de 2004 a abrogé les dispositions susmentionnées de la loi de 2000 pour y substituer son propre régime de responsabilité. Selon l’article

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1

Questions :

- Fondement de la responsabilité

1) Dans votre juridiction sur quelles théories juridiques les intermédiaires en ligne peuvent-ils être

tenus responsables en cas d'infraction au droit de la propriété intellectuelle et des dispositions sur

la concurrence déloyale? Il convient de distinguer dans votre réponse:

a) les différents types d'intermédiaires en ligne

b) le droit d'auteur, le droit des marques et la concurrence déloyale

c) le droit civil et droit pénal

d) la responsabilité directe et accessoire

1. La responsabilité des acteurs de l’Internet, et en particulier, des intermédiaires en ligne, peut être

recherchée sur la base du droit commun de la responsabilité. Cependant, un régime légal de

d’exonération de ces opérateurs a été mis en place par :

- la directive n° 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des

services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le

marché intérieur,

- La loi du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la

liberté de communication

- La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

2. La loi de 2000 limite la mise en cause de la responsabilité civile et pénale du fournisseur

d’hébergement à un seul cas (après censure du Conseil constitutionnel des autres possibilités :

Cons. Const. Déc. n° 2000-4333 DC, 27 juillet 2000) : celui où, saisi par une autorité judiciaire,

l’hébergeur n’aurait pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu litigieux (art. 47-3 à

47-10 de la loi1).

1 « Art. 43-7. - Les personnes physiques ou morales dont l’activité est d’offrir un accès à des services de

communication en ligne autres que de correspondance privée sont tenues, d’une part, d’informer leurs abonnés

de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner,

d’autre part, de leur proposer au moins un de ces moyens.

« Art. 43-8. - Les personnes physiques ou morales qui assurent, à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et

permanent pour mise à disposition du public de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute

nature accessibles par ces services, ne sont pénalement ou civilement responsables du fait du contenu de ces

services que :

« - si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès à ce

contenu ;

Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 2000-433 DC

du 27 juillet 2000.

« Art. 43-9. - Les prestataires mentionnés aux articles 43-7 et 43-8 sont tenus de détenir et de conserver les

données de nature à permettre l’identification de toute personne ayant contribué à la création d’un contenu des

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3. La LCEN de 2004 a abrogé les dispositions susmentionnées de la loi de 2000 pour y substituer son

propre régime de responsabilité. Selon l’article 6 I 2° et 3° de la loi,

«2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour

mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne,

le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature

fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité

civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un

destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de

leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère

ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi

promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous

l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à

raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si

elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information

illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi

promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous

l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa ».

4. La mise en œuvre de la responsabilité des intermédiaires en ligne pour infraction au droit de la

propriété intellectuelle et au droit de la concurrence est donc envisageable sous conditions.

services dont elles sont prestataires.

« Ils sont également tenus de fournir aux personnes qui éditent un service de communication en ligne autre que

de correspondance privée des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions

d’identification prévues à l’article 43-10.

« Les autorités judiciaires peuvent requérir communication auprès des prestataires mentionnés aux articles 43-7

et 43-8 des données mentionnées au premier alinéa. Les dispositions des articles 226-17, 226-21 et 226-22 du

code pénal sont applicables au traitement de ces données.

« Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés,

définit les données mentionnées au premier alinéa et détermine la durée et les modalités de leur conservation.

« Art. 43-10. - I. - Les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication en ligne autre que de

correspondance privée tiennent à la disposition du public :

« - s’il s’agit de personnes physiques, leurs nom, prénom et domicile ;

« - s’il s’agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social ;

« - le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction

au sens de l’article 93-2 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ;

« - le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse du prestataire mentionné à l’article 43-8.

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5. Il convient de distinguer selon les types d’intermédiaires et de recenser pour chacun d’entre eux

les cas de responsabilité et d’exonération.

Deux grandes catégories peuvent être distinguées : les moteurs de recherche, type Google, et les

plateformes de commerce en ligne.

1. Les moteurs de recherche

6. Google a été sanctionné à de nombreuses reprises dans son activité de fournisseur de liens

commerciaux. Cette technique publicitaire fait apparaître des liens commerciaux en fonction de

mots-clés choisis lors de la recherche. Ces derniers peuvent conduire à l’utilisation de marques en

violation des droits des titulaires. Le statut juridique de Google peut cependant différer selon la

jurisprudence.

7. Une grande majorité des arrêts considère que Google agit dans ce cadre comme une régie

publicitaire (CA Paris, 28 juin 2006 Google France c/ Louis Vuitton Malletier : RDLI 2006/09,

n° 19, note Tardieu Guigues ; CA Paris, 1 er février 2008, Gifam c/ Google ; CA Aix-en-Provence

6 décembre 2007, TWD Industrie c/ Google) et non comme un simple hébergeur. En effet, Google

n’est pas un prestataire purement technique, automatique et passif, ce qui l’exclut des dispositions

protectrices de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

8. Cependant, la CJCE a fait infléchir cette position. Saisie d’une série de questions préjudicielles, la

CJCE a répondu le 23 mars 2010 que, « l‟article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement

européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la

société de l‟information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur

(«directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée

s‟applique au prestataire d‟un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n‟a

pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données

stockées. S‟il n‟a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les

données qu‟il a stockées à la demande d‟un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du

caractère illicite de ces données ou d‟activités de cet annonceur, il n‟ait pas promptement retiré

ou rendu inaccessibles lesdites données ». Or, pour son service de référencement payant Adwords,

« Google procède, à l‟aide des logiciels qu‟elle a développés, à un traitement des données induites

par des annonceurs et qu‟il en résulte un affichage des annonces sous des conditions dont google

a la maîtrise. Ainsi Google détermine l‟ordre d‟affichage en fonction, notamment, de la

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rémunération payée par les annonceurs ». Et la Cour de poursuivre, « il y a lieu de relever que la

seule circonstance que le service de référencement soit payant, que Google fixe les modalités de

rémunération, ou encore qu‟elle donne des renseignements d‟ordre général à ses clients, ne

saurait avoir pour effet de priver Google des dérogations en matière de responsabilité prévues par

la directive 2000/1. De même, la concordance entre le mot clé sélectionné et le terme de recherche

introduit par un internaute ne suffit pas en soi pour considérer que Google a une connaissance ou

un contrôle des données introduites dans son système par les annonceurs et mises en mémoire sur

son serveur. Est en revanche pertinent, dans le cadre de l‟examen visé au point 114 du présent

arrêt, le rôle joué par Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien

promotionnel ou dans l‟établissement ou la sélection des mots clés ».

9. Dans plusieurs arrêts rendus le 13 juillet 2010, la Cour de cassation a pris acte de cette

jurisprudence communautaire. Ainsi dans l’affaire Louis Vuitton Malletier, la Chambre

commerciale a-t-elle censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 28 juin 2006 au visa de l'article

43-8 de la loi du 30 septembre 1986, interprété à la lumière de la directive 2000/31/CE du 8 juin

2000 : « Attendu que pour refuser aux sociétés Google le bénéfice de ce texte, l'arrêt retient

qu'elles ne se bornent pas à stocker des informations publicitaires qui seraient fournies par des

annonceurs mais qu'elles déploient une activité de régie publicitaire, d'abord, en organisant la

rédaction des annonces, en décidant de leur présentation et de leur emplacement, ensuite, en

mettant à la disposition des annonceurs des outils informatiques destinés à modifier la rédaction

de ces annonces ou la sélection des mots clés qui permettront de faire apparaître ces annonces

lors de l'interrogation du moteur de recherche et, enfin, en incitant les annonceurs à augmenter la

redevance publicitaire "coût par clic maximum" pour améliorer la position de l'annonce ; qu'il

ajoute que le service Adwords est présenté sur les différents sites Google sous la rubrique et le

lien hypertexte "publicité", avec le slogan "votre publicité avec Google" et cette précision "le

ciblage à partir de mots clés augmente la pertinence de votre publicité", et que l'activité

publicitaire ainsi déployée constitue l'essentiel du chiffre d'affaires qu'elles réalisent ; Attendu

qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ». Plus récemment,

le TGI de Paris a retenu une position similaire dans un jugement du 8 novembre 2010, Sébastien

D. c. Google.

10. En d’autres termes, la qualité de régie publicitaire est exclue, Google devant être rangé dans la

catégorie des hébergeurs « inactifs » susceptibles de bénéficier du régime dérogatoire de

responsabilité des prestataires d’hébergement.

11. La démarche à suivre a été particulièrement bien détaillée dans les arrêts de la Cour d’appel de

Paris du 14 janvier 2011 mettant en cause Google dans son activité de stockage de vidéo. Dans

les quatre affaires, la Cour souligne que pour déterminer la responsabilité des sociétés Google, il

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convient de rechercher si « le rôle qu‟elles exercent tant au titre de leur activité de stockage de la

vidéo reproduisant le film documentaire « … » fournie par des utilisateurs qu‟au titre de leur

activité de moteur de recherche, est neutre par rapport aux informations qu‟elles traitent ». La

Cour va conclure à cette neutralité :

« Considérant que le fait d‟accompagner le service de mise à disposition de vidéos

à la demande des utilisateurs, par l‟offre à ces derniers d‟une assistance technique

et par la fourniture d‟un lecteur multimédia, des moyens techniques destinés à en

assurer un bon fonctionnement ne caractérise pas, au vu des pièces produites, une

intervention active, au sens des dispositions précitées, sur les contenus stockés ;

Que, de même, la valorisation par les sociétés Google du site Google Vidéo France

par la commercialisation de liens publicitaires dans le cadre d‟un échange

marchand entre leurs interlocuteurs professionnels et les internautes et l‟offre faite

à ceux-ci de participer à l‟évaluation qualitative des œuvres ainsi qu‟à un forum de

discussion par la fonction “commentaires”, dès lors qu‟elles n‟induisent pas une

capacité d‟action du service Google Vidéo sur les contenus mis en ligne, répondent

à l‟exigence de neutralité telle que définie ci-dessus ; qu‟il n‟est en outre justifié

d‟aucune corrélation entre le financement du site par les annonces publicitaires et

la mise en ligne des contenus opérée par les internautes sur lesquels ni les

annonceurs ni les sociétés Google n‟ont d‟influence ;

Que, pas plus, les services complémentaires et informations tels que le calcul des

connexions opérées, les outils de classement des vidéos, notamment par genre,

pour faciliter la recherche de l‟utilisateur, dans la mesure où ils sont générés

automatiquement, ne sont-ils de nature à constituer une intervention active du

service sur les contenus eux-mêmes ;

Qu‟enfin, l‟article 2.2 des conditions d‟utilisation du programme “Google Vidéo

Upload” auquel les intimées font référence pour prétendre à une prise de contrôle

juridique par les sociétés Google des contenus fournis par les internautes et, par

conséquent, à un rôle actif exclusif d‟une simple activité de prestataire technique

de stockage, s‟il prévoit la concession d‟une “licence non exclusive [au profit de la

société Google], sans contrepartie financière, aux fins de copier, héberger,(...),

stocker en mémoire cache ou autrement, (...), transmettre, (...), modifier, adapter,

(...), reformater, réaliser des extraits, (...), communiquer et mettre à disposition

(pour streaming ou téléchargement) le contenu autorisé (...)“, doit s‟interpréter à

la lecture de l‟article 1.3 qui stipule que l‟utilisateur “[doit] être autorisé à utiliser

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toutes les données (personnelles ou autres), images, musiques et tout autre

contenu, quelle qu‟en soit la nature, inclus dans [son] contenu autorisé (...), et être

autorisé à concéder les droits concédés au titre du présent contrat” et de l‟article

3.1 qui dispose que l‟utilisateur est responsable de l‟obtention des autorisations

nécessaires ;

Que, dès lors qu‟il concerne des droits de propriété intellectuelle que l‟utilisateur

est autorisé à concéder en licence, ce programme s‟inscrit dans la relation

contractuelle entre les sociétés Google et l‟utilisateur qui permettra à celles-là

d‟effectuer elles-mêmes les mises en ligne après les modifications éventuellement

apportées aux contenus ; qu‟il est donc étranger au service de stockage qui

suppose que la mise en ligne des contenus a été effectuée directement par

l‟utilisateur, sans intervention des sociétés Google ;

Que, par ailleurs, s‟agissant de l‟activité de moteur de recherche, il convient de

relever que cette fonction permet, grâce à la constitution d‟index à partir

d‟informations qui sont détectées, identifiées, indexées et compilées par un

processus entièrement automatise, sans aucune intervention ou révision par des

personnes humaines, d‟afficher des liens vers le site d‟un opérateur économique

par la sélection de mots-clés ; qu‟en raison de l‟automatisme de cette fonction, le

résultat de la recherche qui conduit aux contenus mis en ligne n‟établit pas pour

autant que le service Google Vidéo a exercé un contrôle actif sur lesdits contenus ;

que, par ailleurs, la rémunération de ce service de référencement est sans

incidence au regard des critères précités ».

12. Il en résulte que Google revêt bien la qualité d’hébergeur.

13. En revanche, Google excède sa fonction d’hébergeur en permettant aux internautes d’accéder

directement sur son site aux vidéos litigieuses :

« la vidéo du film « L‟affaire Clearstream » était disponible sur le site Google

Vidéo France, par un lien indexé provenant, notamment, des sites Dailymotion et

YouTube, et visionnable directement sur la page de résultat du site Google Vidéo

France par un simple clic sur le lien “lecture en continu” ou “regarder cette vidéo

sur dailymotion.com” ou encore “regarder sur YouTube” ;

Qu‟il ressort des pièces précitées que par l‟utilisation de la fonction moteur de

recherche, l„internaute a obtenu l‟apparition de liens vers d‟autres sites mettant à

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disposition la vidéo litigieuse dans des conditions, au demeurant pas

nécessairement illicites, et que les sociétés Google lui offrent la possibilité par un

simple clic, à partir de ces liens, de visionner ledit film sur leur propre site Google

Vidéo grâce à l‟ouverture d‟une fenêtre ;

Que, ce faisant, les sociétés Google ne proposent pas à l‟internaute un accès au

contenu mis en ligne par des utilisateurs, dont elles assurent elles-mêmes le

stockage, mais mettent en œuvre une fonction active qui, s‟ajoutant aux liens

hypertextes, leur permet de s‟accaparer le contenu stocké sur des sites tiers afin

d‟en effectuer la représentation directe sur leurs pages à l‟intention de leurs

propres clients, distincts de ceux des sites tiers qu‟ainsi, elles excèdent, dans leur

service de référencement, les limites de l‟activité d‟hébergement ».

14. Leur responsabilité peut être recherchée sur la base du droit de propriété intellectuelle. Toutefois,

si l’argument d’une violation des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code la propriété intellectuelle

(CPI) a pu prospérer un temps, il semble plus incertain aujourd’hui. La CJCE a en effet jugé le

23 mars 2010 (aff. C-236/08) que « le prestataire d‟un service de référencement sur Internet qui

stocke en tant que mot-clé un signe identique à une marque renommée et organise l‟affichage

d‟annonces à partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe au sens de l‟article 5 § 2 de la

directive 89/104 ou de l‟article 9 § 1 c) du règlement n° 40/94 ». La Cour d’appel de Paris le 28

juin 2006 avait retenu que les sociétés Google Inc et Google France avaient commis des actes de

contrefaçon de marque, « au motif que l'outil générateur de mots clés qu'elle mettent en œuvre fait

usage, reproduit et imite les termes Louis Vuitton, Vuitton et LV, en association avec les mots

copie, imitation, répliques ; qu'en opérant une recherche à partir de la marque Louis Vuitton,

apparaissent, en face de la liste des résultats de la recherche, dans la colonne de droite intitulée

liens commerciaux, plusieurs sites commercialisant ouvertement des contrefaçons ; que la

reproduction et l'usage ainsi opérés par l'intermédiaire de l'outil de suggestion sont en relation

directe avec les produits visés par les marques dont la société Louis Vuitton Malletier est

titulaire ». La Cour de cassation censure l’arrêt le 13 juillet 2010 au motif d’une violation des

articles L. 713-2 et L. 713-3 du CPI et de l’article 9 de la directive précitée.

15. En revanche, la contrefaçon a été admise dans les arrêts du 14 janvier 2011 rendus par la Cour

d’appel de Paris (Art. L. 335-3 et L. 335-4 CPI), Google n’ayant reçu aucune autorisation des

sociétés de production pour diffuser leurs films.

16. Il est encore possible d’engager la responsabilité de Google sur le terrain de la responsabilité civile

délictuelle (art. 1382 Code civil). Ainsi, le TGI de Paris a jugé le 13 février 2007, Laurent C…

c/ Google France, que la responsabilité civile de Google devait être retenue pour avoir fourni une

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marque protégée comme mot-clé à un concurrent sans avoir vérifié si les mots-clés proposés par

son service étaient ou non réservés au titre d’un droit privatif et, le cas échéant, si l’annonceur, en

choisissant ce mot-clé, justifiait de droits sur celui-ci. C’est encore la responsabilité délictuelle

pour concurrence déloyale qui a été invoquée dans l’affaire Cobrason c./ Google, dans laquelle

le Tribunal de Commerce de Paris a considéré le 23 octobre 2008 que Google avait commis

une faute créant un risque de confusion pour le consommateur moyen entre le site du lien

commercial et le site ayant pour nom de domaine le mot-clé litigieux.

17. Enfin, la publicité trompeuse peut être utilisée. Mais là encore, la Cour de cassation est venue en

limiter l’usage. Dans l’affaire Louis Vuitton Malletier, la Cour d’appel de Paris avait estimé que

« les sociétés Google ont réalisé une présentation de publicité de nature à induire en erreur les

internautes sur l'origine et les qualités substantielles des biens ainsi proposés, l'arrêt retient que

la mention "liens commerciaux", sous laquelle sont regroupés les sites litigieux, est trompeuse en

elle-même, dès lors qu'elle laisse entendre que le site, affiché en partie gauche de l'écran,

entretient des rapports commerciaux avec ceux qui apparaissent sous cette rubrique de sorte que,

en l'espèce, le site de la société Louis Vuitton Malletier apparaît être, aux yeux d'un internaute, en

relation commerciale avec les sites litigieux dont le caractère publicitaire n'est pas contestable, de

sorte que ce dernier peut ainsi penser, en s'adressant à une entreprise inscrite sous la rubrique

"lien commercial", que celle-ci dispose de produits authentiques ; qu'il retient encore que le

tribunal a justement jugé que si les sociétés ne participent pas directement à la rédaction des

messages publicitaires, il n'en demeure pas moins qu'elles les font apparaître sous la rubrique

liens commerciaux dont l'intitulé est particulièrement trompeur » (CA Paris, 28 juin 2006). La

Cour de cassation a censuré strictement cette qualification en reprochant aux juges du fond de ne

pas avoir caractérisé « en quoi la prestation de la société Google constituait une publicité relevant

de l‟application » de l’article L. 121-1 du Code de la consommation (Cass. com., 13 juillet 2010,

n° 06-20230). Cette jurisprudence est aujourd’hui à relativiser, puisque depuis 2008 l’article L.

121-1 s’applique désormais non plus seulement à la publicité mais aux pratiques commerciales,

notion par essence plus large qui pourrait englober le comportement litigieux.

2. Les plateformes de commerce en ligne

18. Ebay a également fait l’objet de plusieurs condamnations par les juridictions françaises. Son statut

a été discuté en fonction des activités exercées.

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19. Tantôt, Ebay a été qualifié d’hébergeur pour ses activités de stockage et de mise en ligne

d’annonces. Ainsi, le TGI de Paris a-t-il jugé que « Ebay joue un rôle d‟intermédiation dans le

rapprochement des vendeurs et des acquéreurs mais elle le fait via la mise à disposition de

moyens techniques (logiciels et matériels) sans intervention sur le contenu des offres, les

négociations entre les cocontractanst et l‟exécution du contrat. D‟ailleurs, les conditions

d‟utilisation d‟Ebay indiquent parfaitement aux utilisateurs du site qu‟elle ne procède à aucun

contrôle des annonces et qu‟elle ne prend aucun engagement quant à la bonne fin des

transactions… Les services additionnels offerts par Ebay … sont des outils facultatifs permettant

aux vedneurs d‟améliorer la commercialisation des produits qu‟ils offrent en vente mais sans

incidence sur leur liberté de rédaction des annonces, de mises en ligne, de transaction et de

garantie des acquéreurs. Les sociétés Ebay dans leur activité de stockage et de mise en ligne

d‟annonces ne sauraient non plus être considérées comme exerçant une activité de régie et de

support publicitaire, les annonces n‟assurant aucun promotion des produits mais présentant une

offre en vente de ceux-ci. En conséquence, le tribunal considère que l‟activité de stockage et de

mise en ligne d‟annonces exercée par Ebay doit être qualifiée d‟activité d‟hébergement au sens de

la Directive et de la loi précitées, l‟aide qu‟elle apporte aux vendeurs n‟emportant pas autorité ou

contrôle de celui-ci au sens de l‟article 6 de la loi du 21 juin 2004 » (TGI Paris, 3eme chambre,

13 mai 2009, L’Oréal et autre c/ Ebay France et autres).

20. En revanche, d’autres services d’Ebay conduisent à la qualifier d’éditeur de services, excluant le

régime dérogatoire de responsabilité de l’article 6 de la loi de 2004. Ainsi, dans le même jugement

du TGI de Paris du 13 mai 2009, il a été précisé que « si l‟activité de stockage et de mise en ligne

des annonces relève du régime de l‟hébergement, il n‟en est pas de même pour les moyens de

promotion qu‟elle met en œuvre sur son site pour inciter les internautes à visiter son site, son rôle

n‟étant plus passif ni pour les activités de régies publicitaires qu‟elle exerce également… Ces

activités étant d‟une nature différente et n‟étant pas indispensables à l‟activité d‟hébergement

relèvent du régime de responsabilité de droit commun, le régime aménagé d‟hébergeur ne pouvant

s‟apprécier que restrictivement ». Dans le même sens, la Cour d’appel de Reims a rappelé le 20

juillet 2010 que « l‟hébergeur d‟un site internet ayant notamment pour objet la vente aux

enchères en ligne ne peut revendiquer le bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité tel qu‟il

est défini par l‟article 14 de la directive n° 2000/31/CE du Parlement et du Conseil du 8 juin 2000

et par l‟article 8-I-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l‟économie

numérique, que si son rôle se limite à la mise en œuvre de simples prestations techniques de

stockage à la demande des utilisateurs du service ; la société Hermès International est bien fondée

à faire valoir que la société eBay International AG propose aux vendeurs, en plus des prestations

d‟hébergements d‟autres services qui excèdent ceux prévus par les dispositions susmentionnées et

lui confèrent une connaissance et un contrôle des données stockées de sorte qu‟elle ne peut pas se

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prévaloir du régime exonératoire de responsabilité ; que la société intimée soutient pertinemment

que, lorsque l‟hébergeur crée un service pour tirer profit non du stockage de données, mais de la

valeur attractive de celles-ci, il n‟est plus neutre par rapport à ces données qu‟il exploite et qu‟il

ne se contente pas d‟héberger ; que le régime de responsabilité limitée des hébergeurs est un

régime dérogatoire à celui de droit commun et cette exception doit être interprétée de façon

restrictive ». Et la Cour de Reims de passer en revue les services complémentaires proposés par

Ebay qui lui donnent un rôle actif dans l’initiation, la conclusion et le suivi des transactions , lui

permettant de qualifier Ebay non seulement d’hébergeur mais également pour ces activités

d’éditeur de services.

21. Enfin, la Cour d’appel de Paris a décidé le 3 septembre 2010, Ebay c/ Christian Dior

Couture, de ne pas dissocier « artificiellement » les activités d’Ebay mais de prendre en

considération « l‟ensemble de l‟opération [qu‟elle propose] aux utilisateurs en hébergeant leurs

annonces sur leur site, pour qualifier juridiquement leur prestation ». Cela est sans doute

regrettable car la loi invite à distinguer les activités2. Et la Cour d’appel de souligner « à cet égard

que les appelantes revendiquent hautement que grâce aux services qu‟elles offrent sur leur plate-

forme, "n‟importe qui, n‟importe où et n‟importe quand (peut) offrir, vendre ou acheter

pratiquement tout ce qu‟il ou elle souhaite, selon différents modalités, notamment selon un

système d‟achat immédiat et un système d‟enchères" ; Qu‟elles proposent ainsi aux utilisateurs de

réaliser par leur entremise active caractérisée par leurs conseils, le suivi des annonces, la relance

des opérations et l‟offre des moyens sus-décrits, la vente de tout objet, moyennant le paiement

d‟une commission ; Qu‟il s‟agit d‟une forme de courtage qui se distingue des autres formes de

courtage traditionnelles par une absence d‟intervention d‟un tiers lors de conclusion de la vente

mais par l‟intervention active de ce tiers tout au long des opérations préparatoires à la vente ;

Considérant qu‟il suit que le rôle joué par les sociétés eBay n‟est pas celui d‟un prestataire dont

le comportement serait purement technique, automatique et passif et qui, partant, n‟aurait pas la

connaissance ou le contrôle des données qu‟il stocke, pour reprendre les termes de l‟arrêt de la

CJUE du 23 mars 2010 et du 42° considérant de la directive 2000/31 ; Qu‟en effet l‟appréciation

de l‟existence ou de l‟inexistence du contrôle exercé par le prestataire sur les informations

stockées, n‟est pas fonction du contrôle que ce prestataire fait le choix d‟exercer ou de ne pas

exercer, mais doit être conduite au regard de la nature du service effectivement offert par ce

prestataire ;Qu‟en l‟espèce, la prestation de courtage fournie par les appelantes supposait

qu‟elles vérifient que les marchandises dont elles assuraient la promotion de la vente, étaient ou

non hors commerce en raison de leur caractère contrefaisant ».

2 Un parallèle peut d’ailleurs être fait avec le droit de la concurrence qui distingue au sein d’un même opérateur

les activités d’entreprise relevant du droit de la concurrence et les activités non économique échappant à son

emprise.

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22. Comme pour Google, Ebay peut engager sa responsabilité pour violation du Code de la propriété

intellectuelle (art.L. 713-2). Ainsi, la Cour d’appel de Reims a-t-elle jugé le 20 juillet 2010, Ebay

France et International c/ Hermès International, Cindy F., que Ebay engageait sa responsabilité

« pour ne pas avoir satisfait pleinement à son obligation de veiller à l‟absence d‟utilisation

répréhensible du site Ebay.fr au sens de l‟article L. 713-2 CPI » et d’avoir ainsi permis la vente de

produits contrefaisants.

Le TGI de Paris le 13 mai 2009 dans l’affaire L’Oréal distingue selon l’activité. Concernant la

responsabilité d’hébergeur, le Tribunal, après avoir constaté les difficultés importantes auxquelles

est confrontée la prévention de la contrefaçon sur la plateforme Ebay, propose une coopération

plus étroite entre les protagonistes : « la prévention de la contrefaçon ne sera efficace dans ce

domaine que par une collaboration étroite entre les titulaires des droits de marques et les sociétés

Ebay. Pour atteindre l‟objectif commun de diminution de la contrefaçon et au vu des contraintes

de l‟autre, les parties devront accepter la mise en oeuvre de mesures dont elles partageront dans

des conditions à définir entre elles les frais de prise en charge étant souligné qu‟aucun type de

mesure ne doit être écarté à priori. Afin d‟aider les parties à se mettre d‟accord, le tribunal leur

propose de recourir à une mesure de médiation judiciaire et sursoit à statuer sur le principe de

responsabilité des sociétés Ebay pour les faits relevés dans les constats d‟huissier produits aux

débats ainsi que sur les demandes d‟indemnisation y afférent ». Concernant la responsabilité

d’Ebay du fait de ses activités promotionnelles et publicitaires, le Tribunal rejette le grief de

contrefaçon faute de preuve rapportée par la demanderesse.

23. La responsabilité civile délictuelle peut également être invoquée. Par exemple, L’Oréal avait

reproché à Ebay de ne pas avoir mis en œuvre les moyens techniques qu’il lui appartenait de

prendre afin de limiter ou d’empêcher la diffusion de contrefaçon ou de ventes illicites sur la

plateforme Ebay.fr. Le TGI de Paris (13 mai 2009) a rejeté la demande au motif que « si les

principes de loyauté et de libre concurrence attachés à toute activité commerciale imposent à

toute entreprise intervenante sur le marché de s‟assurer que son activité ne génère pas des actes

illicites au préjudice de tout opérateur tiers, cette obligation n‟est pas de résultat mais de moyens,

la Directive précitée ayant interdit aux états d‟imposer au prestataires de services dont le régime

de responsabilité était limité, une obligation de surveillance à caractère général. En l‟espèce, les

sociétés Ebay justifient avoir mis en œuvre des moyens importants de lutte contre la contrefaçon :

clause contractuelle, message à destination des vendeurs et des acquéreurs, signalement par les

internautes d‟annonces illicites, programme VeRo à destination des titulaires de droits, création

de pages “perso” par ces derniers, personnel dédié, lancement de recherche sur la base de mot-

clé (copie, imitation etc...) ».

24. Aucune décision ne semble faire état d’une responsabilité fondée sur la publicité trompeuse.

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- Moyens de défense et « zone de sécurité »

2) Dans votre pays y a-t-il des moyens de défense spécifiques pour les intermédiaires en ligne qui

leur permettent d’échapper à leur responsabilité en cas de violation des droits de propriété

intellectuelle? Il convient de distinguer dans votre réponse :

a) les différents types d'intermédiaires en ligne

b) le droit d'auteur, le droit des marques et la concurrence déloyale

c) le droit civil et droit pénal

d) la responsabilité directe et accessoire

25. Selon l’article 6 I 2° et 3° de la LCEN,

«2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour

mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne,

le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature

fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité

civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un

destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de

leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère

ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi

promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous

l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à

raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si

elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information

illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi

promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous

l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa ».

26. Deux hypothèses permettent aux opérateurs d’écarter leur responsabilité :

27. L’absence de connaissance du caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître

ce caractère : cela conforte l’idée qu’il n’y a aucune obligation de surveillance générale des

contenus hébergés mise à la charge des intermédiaires3. L’article 6 I 7 de la LCEN le prévoit

d’ailleurs expressément : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une

3 TGI Paris, ord. 8 novembre 2010, Sébastien D. c/ Google France, Google Inc.

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obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une

obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. Le

précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance ciblée et temporaire

demandée par l'autorité judiciaire ». Toutefois, on peut citer quelques décisions faisant état de

« l’obligation de vigilance » de l’intermédiaire. Ainsi, la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3

septembre 2010, Ebay c/ Christian Dior, observe que « les appelantes ne satisfont pas à leur

obligation de vigilance par la rédaction de mises en garde générales à l‟adresse des utilisateurs ni

par la mise en place d‟un système de filtrage dont elles détaillent peu le fonctionnement effectif et

encore moins les résultats qu‟il a pu procurer ». Dans un arrêt de la Cour d’appel de Reims du

20 juillet 2010, Ebay c/ Hermès, les juges soulignent également que, « bien qu‟il ne soit tenu

qu‟à une obligation de moyen de veiller à l‟absence d‟utilisation répréhensible de son site,

l‟éditeur d‟un service en ligne doit, pour s‟assurer de l‟effectivité des moyens à sa disposition,

solliciter des vendeurs les éléments d‟identification de l‟objet vendu et les faire connaître aux

utilisateurs du site ou les informer d‟un défaut de réponse que l‟information complète des

utilisateurs du site ebay.fr imposait à la société eBay International AG de les avertir de manière

très apparente et distincte des conditions générale d‟utilisation, des conséquences des actes de

contrefaçon, des contrôles de l‟authenticité des objets vendus par les titulaires de droits et de la

possibilité d‟une transmission des données personnelles à ces derniers ». Cette obligation revient

à imposer à l’opérateur de prendre tous les moyens utiles pour éviter toute infraction, et confine à

une obligation de surveillance.

28. Son action prompte pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible, dès lors qu’il a

connaissance de leur caractère illicite : Selon l’article 6 I 5 de la LCEN, « la connaissance des

faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu'il leur est notifié les

éléments suivants :

-la date de la notification ;

-si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile,

nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa

forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

-les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa

dénomination et son siège social ;

-la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

-les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des

dispositions légales et des justifications de faits ;

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-la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou

activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou

la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté ».

29. Lorsque l’hébergeur se voit adresser une notification dans les formes, celui-ci est réputé avoir

connaissance des éléments litigieux et doit donc agir promptement. Il faut relever que l’opérateur

conserve toutefois une certaine liberté d’appréciation, consacrée par le Conseil constitutionnel.

Dans sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, celui-ci a décidé que les articles 6 I 2 et 6 I 3

LCEN « ne sauraient avoir pour effet d‟engager la responsabilité d‟un hébergeur qui n‟a pas

retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas

manifestement un tel caractère ou si son retrait n‟a pas été ordonné par un juge ».

30. L’intermédiaire doit agir promptement pour éviter la diffusion ou toute nouvelle diffusion de

contenus contrefaisants. Une nouvelle notification n’est pas nécessaire dès lors que la première

était régulière et que le contenu est identique. Ainsi le TGI de Paris a-t-il jugé le 10 avril 2009,

Zadig Production c/ Dailymotion, que « si elle a promptement – à savoir le jour même dans le

premier cas et deux jours plus tard dans le second – procédé au retrait des contenus litigieux, se

conformant ainsi à ses obligations d‟hébergeur (…), il a cependant été précédemment relevé que

le documentaire intitulé « tranquility bay » a fait l‟objet d‟une deuxième diffusion en mars 2008 et

que le documentaire intitulé « une femme à abattre » a quant à lui fait l‟objet de deux nouvelles

diffusions en août-septembre 2007 et en septembre-octobre 2007. Or attendu que la société

DAILYMOTION ayant été régulièrement informée du caractère illicite des contenus en cause par

la première notification – valablement effectuée dès lors qu‟elle a permis le retrait des contenus

litigieux -, il lui appartenait de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires en vue d‟éviter une

nouvelle diffusion, ce qu‟elle ne démontre pas avoir fait, ses considérations d‟ordre général sur

ses efforts pour la mise en œuvre de solutions à même de rendre l‟accès impossible à des contenus

contrefaisants signalés étant sans portée dans le cadre du présent litige, de tels efforts ayant

d‟ailleurs manifestement échoué en l‟espèce. Que l‟argumentation selon laquelle son obligation

ne peut s‟apprécier qu‟au regard d‟un même contenu mis en ligne par un utilisateur donné ne

saurait en effet prospérer dans la mesure où, si les diffusions successives sont imputables à des

utilisateurs différents, leur contenu, et les droits de propriété intellectuelle y afférents, sont

identiques ; en conséquence, faute pour elle d‟avoir accompli les diligences nécessaires en vue de

rendre impossible une nouvelle mise en ligne des documentaires « tranquility bay » et « une

femme à abattre » déjà signalés comme illicite, la société DAILYMOTION ne peut se prévaloir du

régime instauré par l‟article 6-I-2 LCEN et voit en conséquence sa responsabilité civile engagée

de ce chef dans les termes du droit commun de la contrefaçon, sur le fondement des articles L.

335-3 et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle ».

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31. Sur la base de la responsabilité civile, des moyens de défense peuvent aussi être avancés et sont

d’ailleurs communs avec ceux posés au titre de la LCEN : l’intermédiaire a une obligation de

moyens d’éviter la contrefaçon. L’affaire précitée L’Oréal c/ Ebay témoigne des moyens efficaces.

L’Oréal avait reproché à Ebay de ne pas avoir mis en œuvre les moyens techniques qu’il lui

appartenait de prendre afin de limiter ou d’empêcher la diffusion de contrefaçon ou de ventes

illicites sur la plateforme Ebay.fr. Le TGI de Paris 4a rejeté la demande au motif que « si les

principes de loyauté et de libre concurrence attachés à toute activité commerciale imposent à

toute entreprise intervenante sur le marché de s‟assurer que son activité ne génère pas des actes

illicites au préjudice de tout opérateur tiers, cette obligation n‟est pas de résultat mais de moyens,

la Directive précitée ayant interdit aux états d‟imposer au prestataires de services dont le régime

de responsabilité était limité, une obligation de surveillance à caractère général. En l‟espèce, les

sociétés Ebay justifient avoir mis en œuvre des moyens importants de lutte contre la contrefaçon :

clause contractuelle, message à destination des vendeurs et des acquéreurs, signalement par les

internautes d‟annonces illicites, programme VeRo à destination des titulaires de droits, création

de pages “perso” par ces derniers, personnel dédié, lancement de recherche sur la base de mot-

clé (copie, imitation etc...) ».

4 TGI Paris, 13 mai 2009.

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Mesures correctives

3) Dans votre pays, quel genre de mesures correctives, en particulier les injonctions, peuvent être

ordonnées à l’encontre des intermédiaires en ligne et dans quelles circonstances? Il convient de

distinguer dans votre réponse :

a) les différents types d'intermédiaires en ligne

b) le droit d'auteur, le droit des marques et la concurrence déloyale

c) le droit civil et droit pénal

d) la responsabilité directe et accessoire et les cas pour lesquels aucune responsabilité de

l'intermédiaire ne doit être établie afin d’obtenir une mesure corrective à l’encontre d’un

intermédiaire

I Définition des intermédiaires techniques destinataires des mesures correctives

32. Comme vu précédemment, et après maintes hésitations5, le législateur a finalement entendu

restreindre le régime de responsabilité des prestataires techniques défini par la loi n° 2004-575 du

21 Juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (ci- après dénommée « LCEN ») aux

seuls fournisseurs d’accès et d’hébergement.

33. Cette loi met donc en place un système de responsabilité dérogatoire propre aux fournisseurs

d’accès et d’hébergement qui vise en théorie à protéger les intermédiaires techniques.

Il est donc possible de parler de véritable droit autonome de la responsabilité des intermédiaires

techniques en ligne.

A ce tire, l’article 6- I, 7 de la LCEN prévoit expressément que ces intermédiaires techniques ne

sont soumis à aucune obligation générale de surveillance des informations ou des contenus :

« Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de

surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de

rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».

34. Seule demeure une obligation de surveillance limitée, imposée dans le cadre de certaines

infractions, concourant notamment à la lutte contre l’apologie des crimes contre l’humanité,

l’incitation à la haine raciale, l’apologie des crimes et délits, et la diffusion d’images pédophiles :

« Compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre

l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine, de l'incitation

à la violence, notamment l'incitation aux violences faites aux femmes, ainsi que des atteintes à la

dignité humaine, les personnes mentionnées ci-dessus doivent concourir à la lutte contre la

5 Pour illustration, voir notamment le texte adopté au Sénat, art. 2 bis I, 8 Avril 2004, JO Sénat doc. n° 7, Comm.

Com. électr. Mai 2004, comm. 59.

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17

diffusion des infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29

juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 227-23 et 227-24 du

Code pénal » (article 6- I, 7).

Il convient de noter qu’en vertu de ces dispositions, les intermédiaires techniques en ligne doivent

instaurer des dispositifs permettant à toute personne de porter à leur connaissance des données

relatives à de telles infractions.

Suite au signalement du contenu illicite par un internaute, il appartiendra aux intermédiaires

techniques d’en informer les autorités publiques.

De plus, les intermédiaires techniques devront rendre publics les moyens développés afin de lutter

contres ces activités illicites.

De plus, les intermédiaires techniques devront rendre publics les moyens développés afin de lutter

contres ces activités illicites.

Le manquement à l’une de ces deux obligations est sanctionné par une peine d’un an

d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (art. 6-I, 7 et 6-VI, 1).

Ce dispositif peut être considéré comme mettant en place des mesures préventives. Elles sont

néanmoins d’une portée limitée par rapport aux mesures correctives, de nature à

s’appliquer a posteriori.

II Les mesures correctives pouvant être ordonnées aux intermédiaires techniques

35. La mesure phare est la procédure de référé dit « référé LCEN ».

Dans le cadre de ce référé, le juge dispose d’une latitude plus importante que dans le cadre du

référé de droit commun (article 809, alinéa 1 du Code de Procédure Civile) qui exige la

caractérisation d’un dommage imminent, ou d’un trouble manifestement illicite.

L’article 6-I, 8 de la LCEN prévoit quant à lui que : « L’autorité judiciaire peut prescrire en

référé ou sur requête à toute personne mentionnée au 2 (les prestataires d‟hébergement) ou, à

défaut, à toute personne mentionnée au 1 (les fournisseurs d‟accès), toutes mesures propres à

prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de

communication au public en ligne ».

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36. Par le bais de cette procédure, le juge des référés oblige les intermédiaires techniques à

participer promptement à la lutte contre les activités illicites en ligne sans qu’il soit encore

nécessaire de s’interroger sur leur responsabilité.

Cette procédure a donc été instaurée dans la perspective de mettre rapidement en œuvre des

mesures à caractère provisoire.

Dès lors, le juge dispose d’une latitude relativement importante quant au type de mesures

qu’il estime nécessaires afin de faire cesser tout dommage imputable à un service de

communication au public en ligne.

37. Un important arrêt de la Cour de cassation a affirmé que la prescription de mesures fondées sur

l’article 6-I, 8 de la LCEN n’est pas subordonnée à la mise en cause préalable de la

responsabilité civile délictuelle des fournisseurs d’hébergement6.

En l’espèce, des propos négationnistes avaient été mis en ligne à partir d’un site exploité aux

Etats-Unis mais évidemment accessible depuis la France.

Conformément à l’article 48-2 de la loi du 29 Juillet 1881 sur la liberté de la presse, plusieurs

associations de lutte contre l’antisémitisme et le racisme ont décidé d’agir en justice.

Ces dernières ont saisi le juge des référés de demandes dirigées contre des fournisseurs

d’hébergement étrangers mais aussi contre une dizaine de fournisseurs d’accès Internet afin qu’il

leur soit ordonné de bloquer l’accès au site litigieux et de fournir tous les éléments permettant

d’identifier l’éditeur.

Par deux ordonnances du Tribunal de Grande Instance de Paris l’une du 20 Avril 2005, l’autre du

13 Juin 2005, il a été enjoint aux fournisseurs d’accès « de mettre en œuvre toutes mesures propres

à interrompre l‟accès, à partir du territoire français, au contenu du service ».

Suite à l’appel interjeté par les fournisseurs d’accès, la cour d’appel de Paris7 confirma

l’ordonnance estimant que c’est « pour permettre à l‟autorité judiciaire d‟intervenir (…)

nonobstant l‟inertie des hébergeurs domiciliés à l‟étranger ou leur refus d‟admettre les mesures

de contrainte prononcées contre eux, que le législateur » a prévu les dispositions de l’article 6-I 8

de la LCEN.

Un pourvoi a ensuite été formé par les défendeurs que la Cour de cassation a fermement rejeté en

affirmant que : « la cour d'appel a exactement énoncé que si l'article 6-I.2 de la loi du 21 juin

6 Cass., 1

ère civ., 13 Mars 2007, Bull. civ. 2007, I, n° 117.

7 CA Paris, 24 Novembre 2006, JurisData n° 2006-320903.

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19

2004, conformément à la directive européenne n° 2000/31 qu'elle transpose, fait peser sur les

seuls prestataires d'hébergement une éventuelle responsabilité civile du fait des activités ou

informations stockées qu'ils mettent à la disposition du public en ligne, l'article 6-I.8 prévoit que

l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête à toute personne mentionnée au 2 (les

prestataires d'hébergement) ou à défaut à toute personne mentionnée au 1 (les fournisseurs

d'accès), toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le

contenu d'un service de communication au public en ligne; que la prescription de ces mesures

n'est pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d'hébergement, que c'est à

bon droit que la cour d'appel qui n'a méconnu ni le principe de proportionnalité, ni le caractère

provisoire des mesures précitées a statué comme elle l'a fait ».

38. Cet arrêt démontre bien que l’objet de l’article 6-I, 8 de la LCEN ne se situe pas sur le terrain

de la responsabilité mais se concentre sur les mesures de sauvegarde propres à prévenir ou à

faire cesser le dommage.

Aussi de telles mesures pourront être ordonnées à des intermédiaires techniques alors même

qu’ils n’engagent nullement leur responsabilité civile délictuelle et qu’ils n’ont donc pas à

répondre des conséquences préjudiciables d’un tel dommage.

De plus, cet arrêt met en exergue les difficultés éprouvées par le juge national face à la dimension

internationale d’Internet.

Guidée par un souci de pragmatisme et d’efficacité, la Cour de cassation a alors choisi de

conforter le juge de référés dans sa décision de diriger ses mesures contre les intermédiaires

techniques les plus aisément identifiables et accessibles : les fournisseurs d’accès.

Une telle solution porte donc un tempérament de taille au principe de subsidiarité du rôle

joué par les fournisseurs d’accès dans l’impératif de régulation du réseau.

C’est ainsi que la Cour de cassation a tranché le débat relatif à l’interprétation du terme « à

défaut » employé dans l’article 6-I, 8 de la LCEN.

39. Par ailleurs, si, avisé par un tiers du caractère illicite du site, l'intermédiaire technique

demeure inactif, la victime peut saisir le juge des référés pour l'y enjoindre.

La notification doit être adressée dans les formes de l’article 6 I 5 LCEN. Conformément à la

jurisprudence Wikimédia, une lettre recommandée avec accusé de réception est privilégiée. En

effet, le TGI de Paris a jugé le 29 octobre 2007 que la notification avait été faite par mail « dont

seule se trouve rapportée la preuve de l‟envoi – et non de sa réception, alors qu‟un courrier

adressé par voie postale aurait permis d‟avoir une preuve de sa réception ».

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20

En pratique, et compte tenu de l’urgence, il arrive même parfois au titulaire de droits d’adresser à

l’hébergeur une copie du projet d’assignation et des pièces que l’on s’apprête à faire délivrer.

40. Dans le cadre d’une telle action, le tiers victime peut également demander la condamnation de

l’hébergeur a des dommages-intérêts (plus particulièrement à une provision dans la mesure

ou il s’agit d’une action en référé).

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 20048, a précisé, par une réserve

d'interprétation, que « la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information

dénoncée comme illicite par un tiers » ne peut pas être engagée « si celle-ci ne présente pas

manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par le juge ».

Ainsi, si le juge des référés considère que le contenu dénoncé comme illicite par un tiers est

manifestement illicite, la responsabilité de l’hébergeur pourra être retenue par le juge, qui

pourra condamner ce dernier à des dommages-intérêts.

Dans de telles circonstances, le caractère manifeste de l'illicéité de l'activité concernée

constitue une condition de la mise en œuvre de la responsabilité des intermédiaires

techniques, mais pas nécessairement de l'injonction puisque le juge des référés pourrait

ordonner son retrait alors même que le caractère illicite pouvait n'être pas légitimement

évident pour les intermédiaires techniques.

41. Globalement, lorsque l’injonction s’adressera au fournisseur d’accès, les mesures ordonnées

concerneront le blocage de l’accès aux contenus litigieux essentiellement par le biais de

mesures de filtrage.

Quand l’injonction aura pour destinataire le fournisseur d’hébergement, cela sera principalement

pour lui ordonner de cesser le stockage du contenu litigieux. En pratique, il s’agit de fermer le

site Internet.

42. Afin de se rendre compte plus concrètement de la gamme de mesures correctives que le juge peut

prendre à l’encontre des intermédiaires techniques, il convient de citer deux ordonnances de référé

prises par le Tribunal de commerce de Paris l’une le 26 Juillet 20079, l’autre le 31 Octobre 2007

10.

Dans cette affaire, les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy et la

société Guerlain s’attaquaient à la société Vivastreet, plate-forme hébergeant gratuitement des

petites annonces.

8 Décision du Conseil constitutionnel n° 2004-496 du 10 juin 2004, considérant n° 9.

9 T. com. Paris, réf., 26 Juillet 2007, Kenzo et a. c/ DMIS, www.legalis.net.

10 T. com. Paris, réf., 31 Octobre 2007, Kenzo et a. c/ DMIS, www.legalis.net.

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En l’espèce, les demanderesses s’opposaient à la présence sur ce site d’annonces qui proposaient à

la vente leurs produits en dehors du réseau agréé ou des produits contrefaisants.

Elles ont alors obtenu du Tribunal une injonction enjoignant sous astreinte à la société Vivastreet

de cesser d’héberger des annonces portant atteinte à leurs droits, lui ordonnant de communiquer

les coordonnées des personnes à l’origine de la mise en ligne des annonces litigieuses et enfin

exigeant qu’elle publie un avertissement destiné à prévenir les internautes du caractère

répréhensible des telles activités et lui imposant d’instaurer un dispositif de filtrage afin de mettre

fin à la publication de telles annonces.

III Les mesures correctives propres au droit d’auteur

43. L’article L. 336-1 du Code de propriété intellectuelle prévoit procédure spéciale de référé

concernant les logiciels :

« Lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour la mise à disposition illicite d'œuvres ou

d'objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique , le président du tribunal de

grande instance, statuant en référé, peut ordonner sous astreinte toutes mesures nécessaires à la

protection de ce droit et conformes à l'état de l'art .

Les mesures ainsi ordonnées ne peuvent avoir pour effet de dénaturer les caractéristiques

essentielles ou la destination initiale du logiciel ».

44. Cette disposition a été introduite par la loi du 1er août 2006 n° 2006-961 relative au droit d’auteur

et aux droits voisins dans la société de l’information (dite « loi DADVS I ») afin de créer une

procédure de référé propre à prévenir le téléchargement en ligne illicite d’œuvres protégées

à l’aide de logiciels dit « peer to peer ».

Elle s’analyse comme instaurant une responsabilité civile afférente principalement aux

éditeurs et fournisseurs de logiciels utilisés à des fins d’échanges illicites d’œuvres protégées.

Le juge des référés est ainsi habilité à ordonner toutes mesures nécessaires conformément à

l’article L. 336-1 du Code de la propriété intellectuelle sans avoir à préjuger de la responsabilité

pour faute des éditeurs ou fournisseurs de logiciels.

En pratique, il appartiendra alors au juge des référés de vérifier que le nombre de fichiers illicites

échangés sur la base d’un logiciel est clairement supérieur au nombre de fichiers licites échangés

sur la base de ce logiciel.

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45. Cet article a notamment été instauré dans le but d’inciter les éditeurs et fournisseurs de

logiciels à se doter de mesures techniques de protection afin de lutter efficacement contre le

téléchargement illicite réalisé à partir de leurs logiciels.

A l’instar du « référé LCEN », la procédure de référé de l’article L. 336-1 permet donc au juge

des référés de prendre au plus vite des mesures provisoires dont la nature est laissée à son

appréciation souveraine.

Il convient de souligner que la possibilité de prononcer de telles mesures sous astreinte est

clairement énoncée par l’article L. 336-1 du Code de la propriété intellectuelle à l’inverse de

l’article 6-I, 8 de la LCEN. Il n’en demeure pas moins que dans le cadre de la procédure de référé

prévue par ce dernier article, il est également loisible au juge s’assortir des mesures sous astreinte.

46. La loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur

Internet (dite « loi HADOPI 1 ») a introduit l'article L. 336-2 du Code de la propriété

intellectuelle qui dispose qu’:

« En présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu

d'un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas

échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres

et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits

visées à l'article L. 321-1 ou des organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1,

toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un

droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».

47. Cette disposition spécifique au droit d'auteur et aux droits voisins n'est pas sans rappeler

l'article 6-I, 8 de la loi LCEN.

Elle n’instaure donc pas de grandes nouveautés à l’exclusion d’une singularité consistant à

attribuer qualité à agir à des organismes de défense professionnelle qui ne sont pas titulaires

des droits.

En effet, le Tribunal de Grande Instance peut évidemment être saisi par les titulaires de droits ou

par les ayants droit (y compris les sociétés de gestion collective). Mais il importe de noter qu'il

peut également être saisi par les organismes de défense professionnelle (par exemple les syndicats)

qui, pourtant, ne sont généralement pas titulaires des droits.

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Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel a précisé que pour respecter la liberté d'expression et

de communication, les juridictions saisies sur ce fondement devront veiller à ne prendre que des

« mesures strictement nécessaires à la préservation »11

des droits de propriété intellectuelle.

11

Décision du Conseil constitutionnel n° 2009-580 DC du10 juin 2009, considérant n° 38.

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- Analyse et évaluation

4) En référence à l'état actuel de la législation dans votre juridiction sur le statut des intermédiaires

en ligne au regard des pratiques déloyales commises sur leurs réseaux, et en prenant en compte ce

qui a été dit sans la section consacré aux « Considérations de politique »:

a) Votre droit établit-il un équilibre approprié entre les titulaires de droits, les intermédiaires en

ligne, ceux qui utilisent les moyensproposés par les intermédiaires pour vendre ou fournir des

services, et enfin les consommateurs qui peuvent eux aussi vendre des biens ou fournir des

services. Si tel n’est pas le cas, pourquoi ? Quelles modifications de loi pouvez-vous suggérer

pour atteindre un tel équilibre?

b) Y a-t-il des incohérences dans le traitement ou l'approche (par exemple entre les différents

types d'intermédiaires en ligne, entre les différents infractions : violations du droit d'auteur,

contrefaçons de marque et actes de concurrence déloyale, entre le droit civil et le droit pénal,

et entre la responsabilité directe et accessoire) que vous mettez en cause ou que vous soutenez,

expliquez les raisons de votre point de vue.

I La volonté initiale de la LCEN : instaurer un système de responsabilité équilibré

48. Les intentions du législateur français apparaissent louables en ce qu’il s’est efforcé de

mettre en place un certain équilibre au sein du régime de responsabilité des différents

acteurs du réseau Internet.

En vertu du droit commun de la responsabilité, les auteurs de contenus (éditeurs et

internautes) sont légitimement les premiers visés en tant que responsables directs des

contenus illicites qu’ils ont introduits sur Internet.

Quant à la responsabilité des intermédiaires techniques, les dispositions de la LCEN ont

été réfléchies afin d’éviter de les ériger en véritables « gendarmes de l‟Internet »12

, outre

les cas où ces derniers ont eu connaissance du caractère illicite de certains contenus.

49. Dans ce contexte, la LCEN s’envisage aisément comme traduisant la volonté du

législateur d’introduire une responsabilité propre aux intermédiaires techniques qui

ne peut être engagée que de manière plus subsidiaire.

Cette subsidiarité de l’intervention des intermédiaires techniques participe activement de

l’équilibre recherché par la LCEN qui tend à instaurer une répartition équitable du rôle des

différents intermédiaires techniques dans la lutte contre les activités illicites en ligne. 12

JCP G n° 42, II 10171, note Christine HUGON.

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50. Toutefois, il convient de se demander si le caractère contraignant du régime juridique des

hébergeurs n’est pas insuffisant, lacune que pointait déjà du doigt un rapport

parlementaire d'information de 2008 relatif à la mise en application de la LCEN13.

A cette occasion, il avait été suggéré de confier à une autorité administrative (CNIL ou

ACERP) le soin de veiller à l'application par les hébergeurs de leurs obligations de

« rendre publics les moyens qu'ils consacrent à la lutte contre les activités illicites »

éventuellement menées par les hébergés.

Ce rapport, qui proposait une piste de réflexion relativement intéressante, n'a pas eu de

suite alors qu'avait été évoquée à cette époque la nécessité de mettre en place une LCEN2.

51. Une des questions essentielles reste de déterminer si l’équilibre que tente d’instaurer

la LCEN n’est pas que purement théorique et s’il est capable de résister à l’épreuve

de la pratique.

II La LCEN à l’épreuve de la pratique

52. Comme il a été vu, l’article 6-I, 8 de la LCEN semble constituer un des piliers

fondamentaux de l’équilibre instauré par la loi qui vise en premier lieu les

hébergeurs, le législateur ayant certainement estimé que ces intermédiaires techniques

étaient les plus à mêmes à réagir efficacement face à la diffusion d’informations illicites

en ligne. Il ne paraît faire appel au fournisseur d’accès que de manière plus

secondaire.

Pour autant, la pratique paraît clairement contrarier la théorie dans la mesure où, dès lors

que l’hébergeur est situé hors du territoire national, il devient tout aussi difficile

d’identifier un tel intermédiaire technique, comme en témoigne notamment l’affaire

précitée14

.

53. Devant le résultat incertain de la recherche d’identification de l’hébergeur,

nombreux sont ceux qui sont amenés à reconsidérer la subsidiarité introduite entre

fournisseurs d’hébergement et fournisseurs d’accès.

13

Rapport d’information du 23 Janvier 2008 sur la mise en application de la loi n° 2004-575 du 21 Juin 2004

pour la confiance dans l‟économie numérique. 14

Cass., 1ère

civ., 13 Mars 2007.

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26

Mais est-il réellement justifié de prescrire des mesures contraignantes à un

intermédiaire technique qui dispose finalement que de peu de prise sur les contenus

qu’il concourt à diffuser ?

54. Il serait certainement bénéfique d’encadrer davantage l’articulation entre la

responsabilité des fournisseurs d’hébergement et celle des fournisseurs d’accès. En

l’état actuel, il nous semble que l’article 6-I, 8 de la LCEN se conçoit davantage en

pratique comme proposant une option de responsabilité entre le fournisseur d’accès et le

fournisseur d’hébergement, et bien moins comme instaurant une subsidiarité de

responsabilité.

55. L’apparition de nouveaux acteurs sur Internet tels que les sites UGC (User

Generated Contents) et les plates-formes de vente aux enchères, conduit à

s’interroger sur la détermination de leur responsabilité.

La LCEN n’ayant pas pu anticiper leur apparition, et ce de façon compréhensible, se pose

alors nécessairement la question de la conciliation entre le caractère figé de la loi et

l’évolution constante de la technologie qui révèle constamment de nouveaux acteurs.

56. Habituellement, la jurisprudence permet de combler cette lacune, mais dans cette matière,

elle n’est pour l’instant pas parvenue à maturité, et les divergences sont aujourd’hui

nombreuses d’un cas à l’autre.

Cette absence de cohérence sème ainsi le trouble sur la question de la responsabilité

des différents intermédiaires techniques.

57. Pour s’en convaincre, il suffit de renvoyer aux décisions concernant les divers services

offerts par Google, évoquées plus haut.

Ces problématiques n’ont d’ailleurs fait que s’intensifier avec l'apparition des sites

collaboratifs dits « 2.0 » (Facebook, My Space, Dailymotion...) et des plates-formes de

ventes aux enchères (eBay, PriceMinister...).

58. En effet, les difficultés proviennent du fait que ces opérateurs se situent entre les

hébergeurs et les éditeurs : ils ne sont assimilables ni aux premiers dans la mesure où ils

ne se contentent pas d’un simple hébergement technique, ni aux seconds dans la mesure

où ils n’interviennent pas sur la détermination des contenus qu'ils hébergent.

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Cela conduit à des jurisprudences variées et parfois divergentes quant à l'interprétation de

la LCEN.

59. La délicate question ici sous-tendue consiste à déterminer la frontière faisant

basculer du statut d'hébergeur à celui d'éditeur.

Les avancées technologiques étant en constante évolution, la LCEN n’a naturellement pas

été à même d’appréhender la pluralité d’intermédiaires techniques qui existent à présent.

Dès lors, il est possible de sérieusement s’interroger sur le point de savoir si la

distinction hébergeur/éditeur est aussi pertinente actuellement qu’elle l’était lors de

l’adoption de la LCEN et donc sur l’opportunité d’y introduire une nouvelle

catégorie d’intermédiaires techniques.

60. La nouvelle notion d’« éditeur de services » semble émerger des différents débats

constatés en France.

Un rapport d’information de 2011 préconise d’ailleurs de modifier la directive Commerce

électronique pour faire apparaître, aux côtés de l'hébergeur et de l'éditeur, une troisième

catégorie d'acteurs qualifiés d'« éditeur de services » définie comme « une société qui

retire un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés15

».

Sont par exemple visées les sociétés qui diffusent des publicités à l'occasion de chaque

consultation de contenu, fût-il illicite, ou celles dont la rémunération est proportionnelle

au nombre de « clics » effectués sur le lien hypertexte des annonceurs.

61. L’importante mutabilité inhérente au secteur des services de communication en ligne

semble donc imposer une inévitable réforme de la LCEN.

15

Définition retenue par le Rapport d’information du Sénat du 9 Février 2011 sur l’évaluation de la loi n° 2007-

1544 du 29 Octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.

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Rapporteurs nationaux

Linda Arcelin Lécuyer

Maître de conférences, Faculté de droit de La Rochelle

Ancien rapporteur extérieur au Conseil de la concurrence

Jean-Philippe Arroyo

Avocat associé – JP Karsenty & Associés