Francisco Candido Xavier Fr Série André Luiz 08 Entre La Terre Et Le Ciel Yjsp

Embed Size (px)

DESCRIPTION

C’est un documentaire d’un style romancé, qui nous offre des nouvelles sur la relation existante entre les activités de l’Esprit dans les deux plans de vie , le matériel et le spirituel. Renouvellant son intérêt pour notre apprentissage intime, André Luiz , nous relate les émouvants événements de ses existences antérieures, depuis la guerre du Paraguay, jusqu’aux jours de l’antique Rio de Janeiro. Dans sa préface, Emmanuel nous assure que les ‘cadres fondamentaux de la narration nous sont intimement familiers’, comme les épreuves du foyer, les afflictions du Cœur, les tourments de la jalousie, les luttes quotidiennes pour l’acquisition du progrès moral. Il nous alerte sur la valorisation des recours que le monde nous offre pour la restructuration de notre destin.

Citation preview

Entre la Terre et le Ciel (French Edition)

8

francisco candido xavier

ENTRE LE CIEL ET LA TERRE

PAR LESPRIT ANDRE LUIZPAR LESPRIT ANDRE LUIZ

Francisco Candido Xavier

ENTRE LE CIEL ET LA TERRE

Srie Andr Luiz (Collection: La Vie dans le Monde Spirituel)Tome 8

Cest un documentaire dun style romanc, qui nous offre des nouvelles sur la relation existante entre les activits de lEsprit dans les deux plans de vie , le matriel et le spirituel. Renouvellant son intrt pour notre apprentissage intime, Andr Luiz , nous relate les mouvants vnements de ses existences antrieures, depuis la guerre du Paraguay, jusquaux jours de lantique Rio de Janeiro.

Dans sa prface, Emmanuel nous assure que les cadres fondamentaux de la narration nous sont intimement familiers, comme les preuves du foyer, les afflictions du Cur, les tourments de la jalousie, les luttes quotidiennes pour lacquisition du progrs moral. Il nous alerte sur la valorisation des recours que le monde nous offre pour la restructuration de notre destin.

Lorsque llve est prt, le matre apparat.

Edition brsilienne originale

francisco candido xavier

Srie Andr Luiz (Collection: La Vie dans le Monde Spirituel)Tome no 8

Nosso Lar, la Vie dans le Monde Spirituel, Les MessagersMissionnaires de la Lumire Ouvriers de la Vie Eternelle Dans le Monde Suprieur Agenda Chrtien (en cours de traduction)Libration, par l'esprit Andr Luiz Entre le Ciel et la Terre Dans les Domaines de la Mdiumnit Action et Raction Evolution entre deux MondesMcanismes de la MdiumnitEt la Vie Continue

Srie Andr Luiz (Collection: La Vie dans le Monde Spirituel)Livres complmentaires

Conduite spirite (en cours de traduction)Sexe et destin Dsobsession

OUVRAGES DEJA TRADUITS EN FRANAIS

Srie: Andr Luiz (Collection La vie dans le monde Spirituel) 1-16Nosso Lar, la Vie dans le Monde Spirituel, Les MessagersMissionnaires de la Lumire Ouvriers de la Vie Eternelle Dans le Monde Suprieur Agenda Chrtien Libration, par l'esprit Andr Luiz Entre le Ciel et la Terre Dans les Domaines de la Mdiumnit Action et Raction Evolution entre deux MondesMcanismes de la MdiumnitEt la Vie ContinueConduite spirite Sexe et destin Dsobsession

Srie: Emmanuel Les Romans de lhistoire Il y a deux mille ans50 ans plus tardAv ChristPaul et EtienneRenoncement

Srie: Source ViveChemin, Vrit et Vie. Notre PainLa Vigne de LumireSource de Vie

DiversArgentChoses de ce Monde (Rincarnation Loi des Causes et Effets)Chronique de lAu-delContes SpirituelsDirectivesIdal SpiriteJsus chez VousJustice DivineLe ConsolateurLettres de lautre mondeLumire ClesteMatriel de constructionMomentNousReligions des EspritsSignal vertVers la lumire

TABLES DES MATIERES

Avant-propos8A propos des nologismes et du sens des mots9Lexique10Entre le Ciel et la Terre11

Rnovation13Dans le dcor terrestre16Obsession20Chemin dpreuves24Rflexions profitables28Dans un foyer chrtien32Conscience en dsquilibre37Dlicieuse excursion42Dans le Lar da Bno (1)46Prcieuse Conversation50Nouvelles rflexions54Toujours tudier58Analyse mentale62Mise au point66Au-del du rve71Nouvelles expriences76En remontant dans le temps81Confession85Douleur et surprise88Conflits de lme93Conversation difiante98Sur Clara101Appel maternel106Tendresse rparatrice111Rconciliation116Mre et fils121Prparation du retour126Retour131Face la rincarnation135Lutte pour renatre140Nouvelle lutte145Recommencement152Apprentissage158Dans un travail de secours165Redressement moral172Curs rnovs177Rquilibre183Un mariage heureux188Rflexions192En prire196

Srie Andr Luiz: Prsentation de chaque livre (1-16)201-206Bibliographie de Francisco Candido Xavier209Listes des ouvrages en brsilien212

(1) Demeure de la bndiction.

AVANT-PROPOS

Ce livre fait partie d'une srie de treize ouvrages qui seront traduits en franais au fil du temps. Ils ont tous t psychographis , c'est--dire reu par criture automatique voir ce sujet Allan Kardec, Le Livre des Mdiums sujet 157 , par le plus connu des mdiums brsiliens, Francisco Cndido Xavier galement connu sous le surnom de Chico Xavier.

Chico est n au Brsil, dans la ville de Pedro Leopoldo, tat du Minas Grais, en 1910. Trs tt il travailla au dveloppement de sa mdiumnit. Durant toute sa vie, ce n'est pas moins de 437 ouvrages qu'il crira sous la dicte de divers Esprits, dont Emmanuel, son guide spirituel, et Andr Luiz, mdecin de son vivant qui vcut au Brsil o il exerait sa profession.

Andr vcut sa vie sans s'inquiter des choses spirituelles jusqu' ce que vienne sa dsincamation. Cette tape est conte dans le premier livre de la srie, le plus vendu ce jour, Nosso Lar : La vie dans une colonie spirituelle . On y dcouvre l'arrive du mdecin dans l'au-del aprs qu'il ait quitt son corps physique. Mdecin sur la Terre, perdu dans l'ternit, on le voit voluer, se questionner, remettre ses croyances en question et grandir spirituellement. Il nous raconte son histoire tel qu'il l'a vcue et ressentie.

Cette srie a pour but de montrer aux incarns que nous sommes, que rien ne s'arrte la mort du corps physique, loin de l.

Ces lectures pourront certainement surprendre de par l'aspect extraordinaire des rcits. Pourtant, celui qui a lu ou lira Le Livre des Esprits, coordonn par Allan Kardec, avec attention, pourra y voir la concrtisation des prceptes et des fondements de la doctrine dlivre par les Esprits.

La vie existe des degrs que nous ne souponnons mme pas, et nos frres de l'invisible sont l pour nous clairer, nous guider, pour nous redonner un peu de confiance et de srnit face aux grands questionnements de la vie et de la mort.

Chacun de ces treize ouvrages aborde un thme li au Spiritisme, la vie des Esprits dans leurs relations quotidiennes entre eux mais aussi avec les incarns travers la mdiumnit.

Ainsi, c'est une porte que nous voudrions ouvrir, aux lecteurs de langue francophone, sur un univers grandiose, tel qu'il est, dans toute son immensit, toute sa splendeur ; l'Univers qui nous entoure.

LE TRADUCTEUR

A PROPOS DES NEOLOGISMES

Allan Kardec, lui-mme, disait dans Introduction l'tude de la doctrine spirite du Livre des Esprits que pour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux .

Le Spiritisme est une doctrine nouvelle qui explore des domaines nouveaux. Ainsi, afin de pouvoir en parler clairement, nous avons besoin d'un vocabulaire limpide, parlant.

De plus, dans le respect des livres originaux, ces traductions ont eu besoin de l'emploi de mots n'existant pas dans la langue franaise pourtant si riche. D'autres termes, d'autres expressions ont, quant eux, un sens un peu diffrent de celui gnralement attribu.

Tout cela se trouve expliqu dans le court lexique qui suit.

LEXIQUE

Ce petit lexique a pour but d'expliquer les nologismes employs et le sens de certains mots dans leur acception spirite.

DSOBSESSION : Travail d'assistance mdiumnique durant lequel une discussion s'tablie entre l'Esprit obsesseur et une personne charge de l'orientation spirituelle. Nologisme.

OBSESSEUR: Esprit, incarn ou dsincarn, se livrant l'obsession d'une autre personne, elle-mme incarne ou dsincarne. Nologisme.

ORIENTATION SPIRITUELLE : discussion visant aider et clairer un Esprit souffrant sur sa condition et sur les opportunits d'amlioration de son tat. Se pratique lors des sances de dsobsession , par des orienteurs incarns ou dsincarns.

OBSESSION : Acte par lequel un Esprit exerce un joug sur un autre Esprit (voir ce sujet Le Livre des Mdiums, ch. 23 - De l'obsession).

PSYCHOGRAPHIE : Du grec psufch (me) et graphia (criture) ; fait d'crire sous la dicte d'un Esprit. Type de mdiumnit. Nologisme. psychographier

PSYCHOPHONIE : Du grec psufch (me) et phnia (voix) ; fait de parler sous l'influence d'un Esprit. Mdiumnit d'incorporation. Nologisme.

PRISPRIT : Enveloppe semi-matrielle de l'Esprit. Chez les incarns, il sert de lien ou d'intermdiaire entre l'Esprit et la matire ; chez les Esprits errants, il constitue le corps fluidique de l'Esprit. (Le Livre des Mdiums, chapitre 32 - Vocabulaire Spirite)

prispritique : qui est relatif au prisprit. Nologisme.

VAMPIRE : les vampires, dans le Spiritisme, sont des tres qui absorbent l'nergie et les sensations des personnes. Il ne s'agit plus de buveurs de sang mais de buveurs de fluides qui sont, en ralit, des Esprits ignorants, encore trs attachs aux sensations et la matire.

VOLITION : Exercice de la volont dans une exprience parapsychologique. (Petit Robert) Acte par lequel les Esprits se dplacent au moyen de leur volont. Ils flottent pour ainsi dire dans l'air, et glissent sur la terre.

voliter

Entre la terre et le ciel

De cette histoire, recueillie par Andr Luiz entre la Terre et le Ciel, ressortent les obligations du respect quil nous revient de consacrer au corps physique ainsi que lobligation du culte incessant au service du bien, afin que nous retirions du plerinage terrestre les plus grands profits pour la vie imprissable.

Dans ce livre, nous ne faisons face aucune situation spectaculaire, pas plus qu des hros incarnant des vertus difficilement accessibles ou des anges inabordables.

chaque chapitre, nous nous retrouvons face nous-mmes, avec nos vieux problmes damour et de haine, de sympathie et dantipathie, travers la cristallisation mentale qui se produisit lors de certaines phases du chemin, dans la pnombre de nos rves imprcis ou dans lombre des passions qui, parfois, nous entranent dans de profonds prcipices.

Au cours de pratiquement toutes ces pages, nous avons la simple vie des mes qui aspirent la victoire sur elles-mmes, en se servant des trsors du temps pour acqurir la lumire rnovatrice.

Ici, les situations fondamentales du rcit nous sont intimement familires...

Le cur afflig absorb dans la prire.

Lesprit paralys dans lillusion et la douleur.

Le foyer balay par les preuves.

Le sentier assailli de luttes.

Le dlire de la jalousie.

La tromperie de la possession.

Les heurts de la pense.

Les conflits des motions.

Et sur le contexte des faits purs et simples plane, en guise denseignement central, la ncessit de la valorisation des moyens que le monde nous offre pour restructuration de notre destin.

En de nombreuses occasions, nous sommes conduits fixer limmensit cleste en incorporant lnergie pour conqurir le futur; cependant, nous sommes bien souvent contraints observer le sentier terrestre afin de comprendre le pass auquel notre prsent doit son origine.

Dans ce livre, nous sommes forcs de nous contempler de lintrieur, sur le sol de nos expriences et de nos possibilits, pour que lquilibre du voyage rdempteur ne nous fasse pas dfaut, en chemin vers lavenir.

Et de cet avenir surgit la voix inarticule du Plan Divin qui nous exhorte sans paroles:

La Loi est vivante et la Justice jamais ne faillit! Oublies le mal pour toujours et chaque jour, sme le bien!... Aide ceux qui tentourent en taidant toi-mme! Le temps ne sarrte pas et, si maintenant tu trouves ton hier, noublie pas que ton aujourdhui sera la lumire ou les tnbres de ton demain!...

Emmanuel

Pedro Leopoldo, le 23 janvier 1954.

1

Rnovation

Dans le Temple du Secours[1], le Ministre Clarencio commentait la sublimit de la prire, et nous lcoutions avec la plus grande attention.

Tout dsir, disait-il avec conviction, est source de pouvoir. La plante qui slve vers les hauteurs, transformant sa propre nergie en fruits qui alimentent la vie, est un tre qui a ardemment dsir se multiplier Mais toute requte ncessite quelquun qui lentende, intervint un des compagnons. Qui se sera occup des demandes sans paroles de la plante?

Tranquillement, le vnrable orienteur rpondit:

La Loi, en tant que reprsentation de notre Pre Cleste, se manifeste auprs de tout et de tous, travers les multiples agents qui la servent. Dans le cas auquel nous nous rfrons, le Soleil a nourri le vgtal en lui transmettant les moyens datteindre les objectifs quil se proposait datteindre. Et imprimant une significative intonation sa voix, il continua:

Au nom de Dieu, les cratures, autant que possible, rpondent aux cratures. Comme nous possdons en lectricit les transformateurs dnergie pour lutilisation adquate de la force, nous avons galement dans tous les domaines de lUnivers les transformateurs de la bndiction, du secours, de lclaircissement Les courants centraux de la vie partent du Tout-puissant et descendent en flux transsubstantis de manire infinie. De la lumire suprme aux tnbres totales, et vice-versa, nous avons le flux et le reflux du souffle du Crateur, travers les tres innombrables chelonns dans tous les degrs de linstinct, de lintelligence, de la raison, de lhumanit et de ltat anglique, qui modifient lnergie divine, en accord avec la graduation du travail volutif dans le milieu o ils se trouvent. Chaque degr de la vie se trouve surcharg de millions de cratures Le chemin de lascension spirituelle est bien cet escalier miraculeux de la vision de Jacob, qui passait par la Terre et se perdait dans les cieux Quelle quelle soit, la prire est une action qui provoque la raction qui lui correspond. Conformment sa nature, elle plane dans la rgion o elle a t mise ou elle slve, plus ou moins, en recevant une rponse immdiate ou tardive, selon les finalits auxquelles elle se destine. Les dsirs banals trouvent leur ralisation prs de la propre sphre o ils surgissent. Des impulsions aux expressions plus nobles sont protges par les mes qui sennoblirent. Les idaux et demandes la profonde signification dans limmortalit remontent vers les hauteurs

Le gnreux mentor fit une petite pause, comme sil souhaitait nous laisser le temps de rflchir, et ajouta:

Chaque prire, comme chaque mission de force, se caractrise par un potentiel dtermin de frquence et nous sommes tous entours par des Intelligences capables de se syntoniser avec notre appel, de la mme faon que des stations rceptrices. Nous savons que lHumanit Universelle, dans les mondes infinis de la grandeur cosmique, est constitue par les cratures de Dieu, divers ges et situations Dans le Royaume Spirituel, il nous faut galement considrer les principes de lhritage. Chaque conscience, au fur et mesure quelle se perfectionne et se sanctifie, pure en elle les qualits du Pre Cleste en sharmonisant graduellement avec la Loi. Plus le pourcentage de ces qualits est lev dans un esprit, plus ample est son pouvoir de coopration dans lexcution du Plan Divin quand il 1 Note de lAuteur spirituel: Institution de la ville spirituelle o se trouve lAuteur. rpond aux sollicitations de la vie, au nom de Dieu qui tous nous cra pour lAmour Infini et pour la Sagesse Infinie

Rompant le silence qui stait naturellement tabli pour notre rflexion, le frre Hilario demanda:

Cependant, comment interprter lenseignement quand nous nous trouvons face des intentions malignes? Un homme dsireux de commettre un crime sera-t-il aussi au service de la prire?

Abstenons-nous demployer le mot prire quand il est question de dsquilibre, rpondit Clarencio. Disons invocation.

Et il ajouta:

Quand quelquun nourrit le dsir de perptrer une faute, il se trouve en train dinvoquer les forces infrieures et de mobiliser des ressources pour lesquelles il sera tenu responsable. travers les impulsions malheureuses de notre me, nous descendons bien souvent dans les vibrations dlirantes de la colre ou du vice et, partir dune telle position, il nous est facile de sombrer dans le puits boueux du crime, dans les cavernes o nous nous lions immdiatement certains esprits en stagnation dans lignorance, qui se font les instruments de nos basses idalisations ou desquels nous devenons les regrettables jouets dans lombre. Toutes nos aspirations dplacent des nergies pour le bien ou pour le mal. Pour cela mme, leur direction demeure affecte notre responsabilit. Analysons avec attention notre choix, dans tout problme ou situation du chemin qui nous est donn de parcourir, puisque notre pense volera devant nous, attirant et formant la ralisation que nous nous proposons datteindre et, en nimporte quel secteur de lexistence, la vie rpond selon notre sollicitation. Nous serons ses dbiteurs parce que nous aurons reu.

Le Ministre sourit, bienveillant, et rappela:

Mais soyons convaincus que le mal est toujours un cercle ferm sur lui-mme qui retient temporairement ceux qui le crent, comme sil tait un abcs qui mettrait plus ou moins de temps se rsorber finalement dans le bien infini, au fur et mesure que les Intelligences qui sy agglutinent et sy perfectionnent se rduquent. Le Seigneur tolre la disharmonie afin que par son intermdiaire seffectue le rajustement moral des esprits qui lalimentent, tant donn que le mal ragit sur ceux qui le pratiquent en les aidant comprendre lexcellence et limmortalit du bien qui est un fondement inamovible de la Loi. Nous sommes tous seigneurs de nos crations, et en mme temps, nous en sommes les infortuns esclaves ou les heureux protgs. Demandons et nous obtiendrons, mais nous paierons pour toutes les acquisitions. La responsabilit est un principe divin que personne ne pourra fuir.

cet instant, une jeune femme au visage calme pntra dans les lieux et, sadressant notre orienteur, elle dit avec une pointe daffliction:

Frre Clarencio, une de nos pupilles du groupe de rincarnation qui se trouve sous votre direction demande secours avec insistance

Est-ce un appel individuel urgent, demanda le Ministre, proccup?

Le sujet est inquitant, mais il sagit dune prire rfracte.

Linstructeur serviable nous invita laccompagner et nous le suivmes attentivement. [1] Note de lAuter spirituel: Instituion de la ville spirituelle o se trouve lAuteur.

2

Dans le dcor terrestre

Dans une vaste salle o de nombreuses entits travaillaient avec diligence, Clarencio reut de la jeune femme un petit graphique quil se mit examiner soigneusement. Ensuite, il commenta spontanment:

Nous tions en train de parler jusqu prsent de responsabilit. Voici un fait qui vient illustrer les concepts.

Et montrant le document quil tenait entre ses mains, il expliqua:

Nous avons ici une mouvante prire qui a dpass les lignes vibratoires communes du plan de la matire la plus dense. Elle mane dune personne dvoue au service qui sest absente de notre cit spirituelle il y a prcisment quinze annes terrestres, pour des tches prcises dans la rincarnation. Mais elle nest pas partie sans assistance. Elle se trouve sous notre orientation. La naissance et la renaissance dans le monde, du point de vue de la vie physique, se trouvent confies des lois biologiques dont lexcution revient des Intelligences spcialises; mais dans leurs caractristiques morales, elles sont subordonnes certains ascendants de lesprit.

Le Ministre se maintint en silence durant quelques instants afin dexaminer la petite fiche aux donnes compliques. Toutefois, comme sil eut cherch provoquer la continuit de la leon que nous avions reue, mon compagnon fit la considration suivante: Mais indiscutablement, il y a un programme de service raliser dans la rincarnation Oui, bien entendu, expliqua linstructeur. Plus grands sont les recours spirituels de celui qui retourne la chair, plus complexe est le plan de travail qui doit tre suivi. Venant du pass, nous avons presque tous un montant de dbits expressif qui doit tre rachet, et nous sommes tous dfis par les acquisitions faire. L se trouve le programme, qui en luimme reprsente une espce de fatalit relative au cercle dexpriences, et dont la charge nous revient; cela dit, la conduite est toujours ntre et en elle, nous pouvons crer des circonstances qui sont en notre faveur ou en notre dfaveur. Ainsi, nous reconnaissons que le libre arbitre, galement relatif, est une ralit incontestable dans toutes les sphres dvolution de la conscience. Cependant, nous ne pouvons oublier quen tous les plans, nous marchons dans une vritable interdpendance. Dans les lignes de lexistence physique, jusqu un certain point, les enfants ont besoin des parents, les malades ont besoin des mdecins et les jeunes gens ne peuvent se passer de lavis des plus anciens. Ici, lhabilitation dpend des ducateurs, la protection efficace ncessite quelquun sachant la distribuer, et le transfert de domicile pour le travail qui ennoblit, quand il sagit dEsprits sans mrite absolu, a besoin de la caution dautorits comptentes.

Mais quest-ce quune prire rfracte finalement? demanda mon collgue, assailli par la curiosit.

Hilario avait galement t un mdecin dans le monde et, tout comme moi, il demeurait dans des tches lies la responsabilit de Clarencio, acqurant ainsi des connaissances spcialises. La prire rfracte est la prire dont limpulsion lumineuse a vu sa trajectoire dvie, en sorientant vers un autre objectif. Nous tions disposs poser de nouvelles questions, mais lorienteur nous calma en expliquant:

Attendez. Vous reconnatrez avec moi que nous sommes tous aimants les uns aux autres. Ensuite, il sadressa la jeune femme qui lobservait avec respect: Appelle notre sur Eulalia. Quelques instants scoulrent rapidement puis la coopratrice mentionne apparut, irradiant la bont et la sympathie.

Sur, dit Clarencio, prcis, ce graphique contient le douloureux appel dEvelina dont le retour lapprentissage dans la chair a t garanti par notre organisation. La pauvre petite me semble en prise dextrmes difficults

Oui, reconnut-elle, malgr la fragilit de son nouveau corps, Evelina doit assumer une immense lutte morale. Surcharg de questions intimes, son pre a sa sant dclinante et sa belle-mre souffre dune perscution obstine de la part de notre malheureuse Odila. La mre dEvelina? Oui, elle-mme. Elle ne sest pas encore rsigne perdre la primaut fminine au sein du foyer. Voil deux ans que jemploie nergie et bonne volont pour la dissuader. Mais elle vit enroule dans les liens obscurs de la jalousie et ne nous entend pas. Lgosme dbordant la rend oublieuse des engagements quelle prit. Zulmira, la seconde pouse dAmaro, est pour sa part tombe dans un profond abattement depuis la mort du petit Julio. Comme nous le savons, le petit sest dsincarn par la noyade, en accord avec les preuves dont il tait redevable. Mais la belle-mre qui en arriva dsirer sa disparition pour ne pas laimer, se trouvant sous le coup des suggestions de la femme qui lavait prcd dans les attentions du mari, se crut coupable Aprs avoir perdu son petit frre au cours de tragiques circonstances, Evelina se trouve dsoriente entre un pre afflig et une seconde mre en proie au dsespoir Hier encore, jai pu la voir. mouvante, elle pleurait devant la photographie de sa mre dsincarne tout en suppliant sa protection. Mais Odila, enveloppe dans les toiles de ses propres crations mentales, se rvle incapable de rpondre la confiance et la tendresse de la petite. Cela dit, elle a insist avec tant de vigueur pour lobtention de secours spirituels, que ses demandes, chappant leur direction initiale, arrivent jusquici de cette manire...

Nous observions le petit graphique en silence.

Mettant un terme la longue pause qui stait tablie, le Ministre fixa Hilario et demanda:

Comprenez-vous prsent ce quest une prire rfracte? Evelina recourt lesprit maternel qui ne se trouve pas dans les conditions lui permettant de lentendre, mais la demande ne se perd pas Lance sur une frquence leve, la supplique de notre petite sur traverse les cercles infrieurs et recherche lappui qui ne lui fera pas dfaut.

Puis, promenant un regard trs lucide sur nous deux, il conclut:

Souhaiteriez-vous cooprer avec nous dans cette tche dassistance?

Sans lombre dun doute, le cas fascinait notre attention.

Cependant, lorienteur nous recommanda dattendre deux jours. Il souhait prendre connaissance, seul, de tous les faits, afin de nous instruire avec scurit quand nous bnficierions de sa compagnie.

Notre excursion fut toutefois marque, et le moment venu, nous nous trouvions notre poste.

Aprs avoir voyag sans perte de temps, Clarencio, Eulalia, Hilario et moi, faisions face une rsidence modeste, mais confortable, situe dans un des quartiers de Rio de Janeiro.

Une pendule indiquait prcisment vingt et une heures.

Nous entrmes. Dans une troite pice qui faisait office de cabinet de travail et de bibliothque, un homme denviron trente-cinq ans lisait, avec des signaux de proccupation bien visibles, un manuel de mcanique.

Sur le simple bureau stalaient diverses publications qui rvlaient ses tudes.

Assumant de droit le rle de mentor de notre groupe, Clarencio nous expliqua gentiment:

Voici Amaro, le chef de famille. Il a, dans un proche pass, des engagements compliqus. En de nombreuses occasions, il a recouru des projectiles et des lames de mtal perptrant le mal. Aujourdhui, il est un ouvrier spcialis dans une gare...

Ensuite, nous passmes dans une jolie chambre qui se trouvait ct. Une adolescente enchanteresse y brodait des initiales sur un drap de lin.

Maigre et triste, elle semblait concentrer sa pense dans ses yeux grands et sereins. Elle ne perut pas notre prsence, mais au contact des mains spirituelles du Ministre, elle rvla un indfinissable contentement intrieur. Instinctivement, elle dtourna son regard du tissu blanc et le posa sur un portrait de femme suspendu au mur. Ravie, elle sourit, comme si elle conversait avec limage pendant que Clarencio nous disait:

Il sagit de notre Evelina, dont nous avons organis la rincarnation voil quelques annes. La photographie est un souvenir de sa mre qui est dj partie. Evelina est lie ses parents travers un immense amour, depuis de lointains sicles. Elle est venue la rencontre de cratures et de situations dont elle a besoin pour la garantie de sa propre ascension, mais elle apporte galement avec elle la tche daider ses parents. Actuellement, elle se croit soutenue par sa mre, mais par le mrite quelle a dj accumul dans la vie spirituelle, cest elle qui continue secourir le cur maternel encore en lutte

Avec motion, je pris dans mes bras la jeune fille extatique qui gardait un halo lumineux de tranquillit et, pendant quelques instants, je mditai sur la grandeur de lamour et la sublimit de la prire.

3

Obsession

Nous pntrmes dans la pice la plus spacieuse de la maison o une femme lapparence juvnile se reposait, abattue et sans sommeil.

Cette jeune femme dapproximativement vingt-cinq ans nous montrait dans son visage tortur une beaut harmonieuse. Dlicat, il paraissait tre sorti dun tableau prcieux, mais la douceur des lignes de sa physionomie contrastaient linquitude et leffroi des yeux sombres et labandon des cheveux emmls.

ses cts, une autre femme se reposait, sans son vhicule physique.

Appuye sur un oreiller aux grandes dimensions, elle donnait limpression de protger la jeune femme indiscutablement infirme, mais son regard vague et le halo obscur qui lentourait ne laissaient pas planer le moindre doute quant sa position de dsquilibre intrieur. Elle maintenait sa main droite sur la moelle pinire allonge de la femme vaincue et malade, comme si elle eut voulu contrler ses impressions nerveuses, et des fils gris qui schappaient de sa tte, la manire de tentacules dune pieuvre, enveloppaient son centre coronaire, effaant peu peu ses centres de force.

Toutes deux indiffrentes notre prsence, il fut possible de les observer attentivement, ce qui permit didentifier les positions de bourreau et de victime. Nous arrachant lexamen silencieux dans lequel nous tions engags, Clarencio expliqua: La jeune femme est Zulmira, la seconde orienteuse du foyer, et la sur dsincarne qui vampirise actuellement son corps nest autre quOdila, la premire pouse dAmaro et mre dEvelina, douloureusement dfigure par la jalousie dans laquelle elle sest abandonne. Engage combattre celle quelle considre comme son ennemi, elle saimante elle par lintermdiaire du vhicule prisprital, dans la rgion crbrale en dominant son rseau compliqu de stimulus nerveux et en influenant les centres mtaboliques, ce qui altre profondment son paysage organique.

Mais pourquoi la perscute ne ragit-elle pas? demandai-je, perplexe.

Parce que Zulmira, notre amie incarne, est tombe dans le mme niveau vibratoire, expliqua linstructeur. Elle sest galement dvoue son mari avec un gosme avilissant. Amaro a toujours t un pre grandement affectueux. Le prcdent mariage lui a laiss un garon et une fille, mais le petit Julio, bel enfant g de huit ans, perdit la vie en mer. La seconde femme na jamais support, sans peine, la tendresse du pre envers les deux petits orphelins de mre. Elle se rvoltait, pleurnichait et se plaignait constamment, face aux moindres manifestations de douceur paternelle, sentrelaant, par cela mme, avec les nergies dlirantes de la compagne rvolte dAmaro emporte par la mort. Dans ses proccupations maladives, Zulmira en est arrive souhaiter le dcs dun des deux enfants. Elle voulait possder le cur de lhomme aim avec un exclusivisme absolu. Et parce que les attentions dAmaro se concentraient particulirement sur le petit, elle a bien souvent nourri le souhait de le voir se noyer la plage o ils se baignaient. Une certaine matine, alors quelle gardait ses beaux-enfants, elle spara Evelina de son frre, permettant ainsi au petit de pntrer plus en avant dans les eaux. Lobjectif fut atteint. Une vague rapide surprit le petit nageur et lentrana vers le fond. Incapable de reprendre pied, le corps de Julio remonta sans vie la surface de leau. La souffrance familiale fut norme. Le cheminot se sentit loign psychiquement de sa seconde pouse, la jugeant inattentive et cruelle envers ses enfants. De son ct, Zulmira, accable par lvnement et gardant en elle la responsabilit indirecte pour le dsastre survenu, tomba sous le coup dune obsession devant linfluence pernicieuse de sa rivale qui la subjuguait depuis le plan spirituel.

Clarencio fit une lgre pause avant de reprendre:

Le sentiment de culpabilit est toujours un choc de la conscience et, travers lui, de sombres forces sinsinuent Par le remords destructeur, Zulmira est tombe au mme niveau motionnel quOdila et toutes deux luttent dans un conflit mortel, inaccessible aux yeux communs. Cest un cas dans lequel la mdecine terrestre ne parviendra pas interfrer.

Le Ministre se tut.

Comme si elle percevait notre prsence de manire intuitive, Odila sagita et, saccrochant la pauvre femme, cria avec force:

Personne ne la librera! Je suis une malheureuse mre spolie Je ferai justice par mes propres mains!...

Et contemplant linfirme avec une expression terrible, elle ajouta: Meurtrire! Meurtrire!... Tu as tu mon fils! Tu mourras aussi!... La malade ouvrit dmesurment les yeux.

Une pleur extrme recouvrait son visage. Elle navait pas entendu les paroles de son adversaire qui lui tait invisible, mais, enveloppe par londe magntique qui lenlaait, elle se sentait mourir.

Clarencio lui effleura le front et, calmement, dit:

Pauvre jeune fille!...

Instinctivement, Hilario et moi, nous approchmes dOdila afin de lloigner le plus rapidement possible, mais le gnreux instructeur nous reteint dun geste en nous mettant en garde:

La violence naide pas. Elles se trouvent toutes deux relies lune lautre. Les sparer de force serait un dchirement aux consquences imprvisibles. Lexaspration de la femme dsincarne pserait trop sur les centres crbraux de Zulmira, et la lipothymie pourrait entraner une paralysie voire la mort.

Mais alors, comment dtruire cette union indue? clama Hilario, gn. Ne serait-il pas normal dcarter le bourreau de la victime?

Clarencio sourit et dit:

Ici, la situation est diffrente. Dans la sphre matrielle, la capsule physique est un isolant prcieux des nergies dsquilibres de notre esprit. Cependant, dans notre plan daction, dans le problme que nous observons, ces forces dbordent, menaantes, sur la malheureuse femme dont le corps peut tre compar une lampe de faible rceptivit sur laquelle il serait dangereux denvoyer un courant suprieur la capacit de rsistance qui est sienne. Lobjet serait rendu compltement inutile. Que pourrions-nous faire? demanda Hilario, dsappoint. Nous avons besoin dagir dans llaboration des penses de linfortune sur qui a pris linitiative de la perscution. Il est important de donner une nouvelle direction sa volont en dplaant son centre de proccupation mental et en lui confrant dautres intrts et des aspirations diffrentes. Et ne pouvons-nous pas commencer en lexhortant?

Sans modifier son comportement, le Ministre reconnut:

Peut-tre qu ce moment nous ne pourrions ou ne saurions pas le faire. La prparation est indispensable. Il ne cote rien de se livrer une conversation de mise en garde allgua mon compagnon, surpris.

Oui, une orientation spirituelle pure et simple serait valable, mais nous ne pouvons perdre de vue que lorganisme crbral de la victime demeure excessivement martel. Notre intervention dans le camp spirituel dOdila doit tre enveloppante et sre afin dviter des chocs et contre-chocs qui se rpercuteraient dsastreusement sur Zulmira. Ni la douceur nuisible, ni lnergie agressive Linstructeur adressa un regard plein de piti aux deux femmes et poursuivit:

La question, dans cette maison, apparat rellement dlicate. Il est ncessaire de chercher quelquun qui a dj amass suffisamment damour et de comprhension dans son me afin de converser avec le pouvoir crateur de la rnovation. Il rflchit quelques instants et dit: Nous comptons sur nos relations avec Sur Clara. Nous demanderons son concours. Elle fera changer Odila par son verbe crateur de lumire, lincitant au service de sa propre conversion. Pour lheure, il ne nous est possible que de dispenser un certain soulagement, et rien de plus. Il recommanda Eulalia dassister Evelina dans le rtablissement psychique dont elle avait besoin, et ensuite, il appliqua des aides magntiques sur Zulmira travers des passes calmantes longitudinales.

Comme si elle avait t doucement anesthsie, linfirme passa de lirritation la srnit et parut dormir aux yeux de son poux qui venait darriver discrtement, arrangeant ses oreillers.

4

Chemin dpreuves

Zulmira sabsenta de son corps, mais elle ne jouissait pas de la paix qui rgnait sur son masque physique. Enlace par Odila, face son regard dominateur devant lequel elle sinclinait, soumise, elle ne perut pas notre prsence.

Avec dvidents signes de terreurs, elle coutait les objurgations de sa rivale qui laccusait en sexclamant:

Quas-tu fait de mon petit garon? Meurtrire! Meurtrire! Tu paieras trs cher ton infiltration dans ce foyer qui nest qu moi!... Je ravagerai ta vie, tu ne me voleras pas laffection dAmaro Je dresserai le cur dEvelina contre toi!... Non, non!... rpondait la victime. Je ne lai pas tu! Ce nest pas moi qui lai tu!... Hypocrite! Jai accompagn tes penses, tes dsirs, tes voeux

Zulmira se dbarrassa soudainement des bras qui lenveloppaient et sortit en courant, suivie dOdila.

Bienveillant, dans le but de nous clairer, Clarencio fit observer:

Quand la pauvre parvient calmer le corps, elle sombre dans un cauchemar agit. Accompagnons-les. Elles se dirigent vers la plage o se produisit la mort du petit. Presse par lassaut de notre sur dsquilibre, Zulmira ne sest pas encore libre des douloureux souvenirs dont elle se trouve envahie. Nous prmes la direction de la mer, les prcdant sur le trajet. Et pendant que nous nous cartions, la conversation se fit plus active. Je ne parviens pas comprendre pourquoi la malheureuse sest dclare innocente commenta Hilario, pensif.

Pourquoi une telle provocation si elle nest pas lauteur du crime? demandai-je mon tour. Mais le Ministre nous informa, clairement: Selon les annotations que nous avons pu avoir auprs de notre sur Eulalia, Zulmira nest pas proprement parler lauteur du crime, mais avec sa folle jalousie de son mari, elle a ardemment dsir la mort de lenfant, en arrivant mme la rendre possible. Pour ne pas rpter des explications auxquelles nous nous sommes dj rfrs, nous ferons une courte rtrospective, aussi minutieuse que possible, en examinant le douloureux problme du couple.

Aprs une brve pause, il poursuivit:

Amaro ressentait une immense dvotion affective pour son petit garon. Quand Julio tombait malade, il se dvouait au chevet du petit avec une infinie douceur. Le sachant sans tendresse maternelle et sachant que sa belle-mre ne brillait pas par son amour envers ses beaux-enfants, il se mettait dormir auprs du petit dernier en le cajolant. Tous les jours, quand il rentrait la maison, il se livrait de longues conversations avec son fils, lui lisait des histoires ou coutait, attentif, ses rcits denfant. Ils ressemblaient deux vieux amis qui se suffisaient lun lautre. De ce fait, Zulmira, ronge par le dpit, se mit voir dans le petit un adversaire de sa flicit conjugale. Le dvouement dEvelina envers son pre ne la faisait pas autant souffrir. La fille, plus ge, tait plus douce et plus rserve. Mesure dans sa manire dtre, elle savait diviser ses gentillesses sans oublier sa seconde mre dans son culte de lamiti. La belle-mre ne ressentait rien contre elle, mais le petit lexasprait. Dans son extrme attachement son pre, Julio avait pris lhabitude dexagrer dans les espigleries et les caprices quAmaro excusait toujours dun sourire bienveillant. Peu peu, Zulmira permit que la haine occupt son cur et elle laissa la jalousie laveugler au point de soupirer aprs la disparition de lallgre petit garon. Elle ngligeait intentionnellement de lui prter lassistance quelle devait, et elle labandonnait aux extravagances, caractristiques de son ge, en alimentant le secret dsir dassister sa fin. Elle en arrivait mme stimuler en lui de dangereuses incursions sur la voie publique en imaginant quun vhicule pourrait faire ce quelle navait pas le courage de raliser de ses propres mains Cest dans cette disposition desprit quelle accompagna la famille la baignade matinale, lors dune claire matine dominicale. Emports par le contentement de lexcursion, Amaro et sa jeune fille sloignrent un peu sur une petite embarcation, pendant que Zulmira se chargeait de la garde du garon. Cest alors que le cerveau de la jeune femme laissa natre dobscures divagations. Ntait-ce pas le moment opportun pour raliser la vieille intention? Et si elle laissait le petit livr lui-mme? Julio, dans sa curiosit enfantine, ne rsisterait srement pas lattraction quexerceraient sur lui les profondeurs des eaux Personne ne pourrait laccuser, elle. Elle passa du projet laction et elle prit ses distances en un instant. Se voyant tout seul, le petit dernier dAmaro sintressa plus vivement aux coquillages multicolores qui se multipliaient sur le sable, les suivant, enchant, jusque dans la mer, jusquau moment o une vague rapide frappa son corps fragile, lobligeant plonger. Lenfant cria, appelant laide Rellement, elle aurait pu faire quelques pas en arrire, le sauvant, mais vaincue par les sinistres penses qui dominaient son esprit, elle attendit que la mer et termin lhorrible travail quelle navait pas eu le courage dexcuter. Quand elle observa que son beau-fils avait disparu, elle commena appeler les secours, lme soudainement assaillie par le remords, mais il tait trop tard... Amaro accourut prcipitamment et, avec laide de compagnons, il retira hors de leau le petit corps inerte. Tortur, il pleura amrement la perte de son petit garon et rcrimina contre sa femme. Cest alors que, domine par le repentir et tourmente par la notion de culpabilit, Zulmira descendit, en esprit, au niveau vibratoire dOdila qui la suivait en silence, rvolte. Tant quelle se trouvait avec sa conscience en paix, elle se dfendait naturellement contre la perscution invisible, comme si elle eut habit dans un chteau fortifi. Mais se condamnant elle-mme, elle a gliss dans une regrettable perturbation, la manire de quelquun qui aurait dsert une maison illumine pour senfoncer dans une fort dombre. Le Ministre fit une courte pause de repos et poursuivit:

Depuis ce jour, la pauvre femme perdit le bonheur familial et sa tranquillit. Elle et son mari respirent prsent sous le mme toit comme sils taient des trangers lun pour lautre.

Mais devant la Loi, Zulmira est-elle coupable? demandai-je avec intrt.

Le sage mentor sourit significativement et considra:

Non, dans le sens rel de la Loi, Zulmira nest pas coupable.

Toutefois, nous adressant un regard plus expressif que de coutume, il continua:

Cela dit, qui parmi nous ne sera pas responsable pour les ides quil met? Nos intentions sont attnuantes ou aggravantes lors des fautes que nous commettons. Nos dsirs sont des forces mentales coagulantes qui matrialisent nos actions, constituant, au fond, le vritable domaine o notre vie se dveloppe. Les fruits parlent par les arbres qui les produisent. Nos uvres, dans la sphre vivante de notre conscience, sont lexpression criante de notre propre tre. La forme de notre pense donne son apparence notre destin. Avec Hilario, nous coutions, extasis, sans broncher.

Mais conservant une intuition claire du travail accomplir, Clarencio, afin de ne pas stendre en digressions philosophiques, revint au fil central du sujet en expliquant: Julio portait en lui la mort prmature dans le cadre de ses preuves. Il tait un suicid rincarn Mais la seconde pouse dAmaro souffre du rsultat des malheureuses dlibrations quelle abrita dans son esprit. Elle souffre le retour des vibrations empoisonnes quelle a lances en direction du petit. Par la jalousie, elle a cr autour delle une atmosphre pestilentielle o ses propres penses malignes parvinrent prosprer, limage dun fruit pourri qui dveloppe en son sein les vers qui le dvorent.

Se croyant responsable de la mort de lenfant du fait quelle ait nourri le dlictueux plan auquel nous nous sommes rfrs, Zulmira sabandonna au mal quelle portait en elle, saimantant en plus au mal dont son adversaire est porteuse, et pour tout cela, elle est devenue infirme et dmente. Et le petit, dans toute cette histoire? demandai-je, surpris. Julio a t conduit dans une rgion qui lui est propre.

Mais Odila ne peut-elle pas le voir, prenant connaissance de toute la vrit?

Malheureusement, expliqua le vnrable instructeur, linfortune crature a son centre gnsique compltement incontrl et cela lui rend impossible une vision plus ample. Elle ne parvient pas vouloir autre chose que son mari en raison de lattachement affolant aux liens du sexe, que la passion ne fait que dnaturer. Odila possde dadmirables qualits morales qui se trouvent, pour le moment, clipses Elle sest dsincarne dans la pleine vigueur de son idalisme fminin, sans foi religieuse capable de rduquer ses impulsions, la surexcitation dans laquelle elle se trouve tant de ce fait justifie. Mais un tel tat est transitoire et nous attendons quelle se soumette, de bonne volont, au traitement de rajustement qui lui sera dispens sous peu. Une fois sa situation amliore, je crois que le problme trouvera une solution immdiate et constructive.

Jallais nouveau demander quelque chose, mais nous atteignmes la plage, et Clarencio demanda ce que nous nous mettions observer.

5

Rflexions profitables

Nous arrivmes en bordure de mer, en pleine nuit. Le mouvement de la vie spirituelle tait ici trs intense.

Des dsincarns aux diverses provenances retrouvaient des amis qui se trouvaient encore sur la Terre, momentanment dlis du corps par lanesthsie du sommeil. Mais parmi eux, un grand nombre dinfirmes tait particulirement visible. Des vieillards, des femmes et des enfants, revtant de nombreux aspects diffrents, comparaissaient ici, soutenus par les bras dun grand nombre dentits qui les assistaient. Conversations difiantes et lamentations douloureuses parvenaient jusqu nous. Des travaux magntiques de secours urgents taient improviss ici et l Et effectivement, lair, compar celui que nous respirions en ville, tait bien diffrent.

Une brise rafrachissante soufflait de loin, apportant des principes rgnrateurs et insufflant en nous un dlicieux bien-tre.

Locan est un rservoir de forces miraculeux, expliqua Clarencio, de manire expressive. De nombreux compagnons de notre plan apportent jusquici les frres malades qui se trouvent encore lis au corps de la Terre, de manire ce quils reoivent rtablissement et repos. Des infirmiers et des amis dsincarns se ddient la reconstitution des nergies de leurs protgs. Comme cela se produit dans la montagne boise, latmosphre marine demeure imprgne de ressources de vitalit infinies appartenant la Nature. Loxygne sans impuret, alli aux manations de la plante, se transforme en prcieux aliment de notre organisme spirituel, principalement quand nous nous trouvons directement ou indirectement associs aux fluides de la matire plus dense.

Nous passions prsent proximit dune dame extrmement abattue, se tenant pratiquement en dcubitus dorsal face aux eaux, afin de recueillir laide magntique dun bienfaiteur qui silluminait dans le service et dans la prire. Clarencio nous laissa un moment, conversa quelques instants avec un ami, non loin, et revint en nous expliquant:

Il sagit dune sur de notre cercle personnel assige par le cancer. Elle a t retire du vhicule physique au moyen de lhypnose, afin dobtenir lassistance qui lui est ncessaire.

Mais, objectai-je, curieux, ce type de traitement peut stopper le dsquilibre des cellules organiques? La malade parviendra-t-elle gurir, de manire positive?

Le Ministre sourit et clarifia:

Rellement, laccomplissement de merveilles est possible, dans luvre dassistance des esprits amis qui interfrent sur les tissus subtils de lme, quand la crature se dtache partiellement de la chair. En agissant sur les centres du prisprit, nous effectuons parfois de profondes modifications de ltat de sant des patients, modifications qui se fixent dans le corps somatique de manire graduelle. De grands maux sont ainsi corrigs, dnormes rnovations sont ainsi ralises. La tche de secours produit de vritables miracles, surtout quand nous trouvons la pratique de la prire dans lesprit enrichi par la foi transformatrice, facilitant de la sorte notre intervention par la passivit constructrice dans le domaine o nous devons oprer. Le corps physique est maintenu par le corps spirituel aux formes duquel il sajuste et, de cette faon, linfluence pratique sur lorganisme subtil est dcisive pour lenveloppe de chair par laquelle lesprit se manifeste. Mais ce moment des explications, le Ministre secoua la tte et ajouta: Cependant, notre action est subordonne la loi qui nous rgit. Dans le problme de notre sur, le concours de notre plan ne pourra que lui apporter du rconfort. En raison des preuves qui marquent son chemin personnel, la maladie a atteint une tendue irrversible. Voulez-vous dire qu prsent, elle ne peut que recevoir une mort calme? demanda Hilario, prvenant.

Exactement, confirma lorienteur. Avec la coopration en cours, elle se rveillera dans le corps mourant plus sereine et plus rconforte. En renouvelant les excursions jusquici, nuit aprs nuit, elle shabituera, avec la comprhension suprieure, lide du dpart, transmettant ses proches rsignation et courage pour la transe de sparation; elle apprendra contribuer par son effort soulager leurs afflictions par lhumilit quelle difiera lintrieur delle-mme peu peu; elle se dtachera de la chair malade en accentuant la lumire intrieure de sa propre conscience afin de se sparer du milieu qui lui est cher, comme une personne qui trouverait dans la mort physique une prcieuse libration conduisant un service plus ennobli. Et ainsi, en quelques semaines, elle se montrera admirablement prpare pour faire face au nouveau chemin

Clarencio demeura silencieux.

Le sujet minvitait de nouvelles observations.

Dans ce cas commenai-je dire, hsitant.

Mais le Ministre sourit avec comprhension et me coupa en expliquant:

Je connais dj ta conclusion. Cest cela mme. La longue infirmit est une bndiction mconnue des hommes. Elle constitue un prcieux cours prparatoire de lme pour la grande libration. Sans la maladie tendue dans le temps, le succs rapide dans le travail de la mort est trs difficile atteindre. Cependant, Zulmira et Odila arrivrent la plage ce moment, non loin de nous.

Clarencio nous recommanda dtre attentifs.

Nous nous empressmes de les entourer, comme sil stait agi de surs infirmes.

Pas plus lune que lautre ne percevaient notre prsence. Elles paraissaient bien peu intresses par le mouvement de ce lieu public.

La premire pouse dAmaro concentrait son regard sur sa proie pendant que la victime rvlait travers son expression faciale lintraduisible terreur de ceux qui sapprochent de lextrme dsquilibre.

Zulmira esquissa un mouvement comme laurait fait une personne se disposant rentrer prcipitamment la maison, mais retenue par sa compagne, elle avanait entre laffliction et leffroi. Et rptant les mmes accusations que nous avions dj entendues, Odila martelait le cerveau de lautre femme tout en rptant, sans piti:

Souviens-toi du crime, malheureuse! Souviens-toi de cette horrible matine o tu tes faite meurtrire! Quas-tu fait de mon fils? Pourquoi as-tu noy un innocent?

Non, non! criait la pauvre dmente. Ce nest pas moi! Je jure que ce nest pas moi! Julio a t emport par les vagues

Et pourquoi nas-tu pas veill sur lenfant que mon mari plaa tort entre tes mains infidles? Ta conscience ne taccuserait-elle pas? O places-tu linstinct maternel? Tu me paieras un prix lev pour ce relchement dlictueux Je ne permettrai pas quAmaro taime, jalimenterai son antipathie contre toi, je tourmenterai les personnes qui dsireront te venir en aide, je dtruirai la propre maison dont tu as pris possession et qui mappartient!... Imposteur! Imposteur!...

Oui, oui reconnut Zulmira, terrifie, je ne lai pas tu mais je nai pas fait ce quil me revenait de faire pour le sauver! Pardonne-moi! Pardonne-moi! Je promets de mengager dans la reconstruction de la paix de chacun Je serai une esclave de ton mari et je le rendrai tes bras; je me transformerai en servante de ta petite fille dont jorienterai les pas vers le bien, mais par piti, laisse-moi vivre! Libre-moi! Aie piti de moi!...

Jamais! Jamais! gronda son interlocutrice, froidement. Ta faute est impardonnable. Tu as commis un meurtre! Tu dois confesser le dlit perptr, la police!... Je te ferai tincliner! Tu seras recueillie dans un pnitencier afin que tu te mlanges aux dlinquants de ton espce!...

Non! Non! suppliait Zulmira, avec dmouvants signes dangoisse.

Si tu nas pas limin mon fils, scria lautre avec cruaut, rends-le mes bras! Rends-le! Rends-le!

ce moment, elles se retrouvrent toutes les deux en un endroit bien dtermin de la plage.

Les yeux de la pauvre obsde acquirent un trange clat.

Ctait ici! rugit la perscutrice, rudement. Cest ici que tu mis excution le sinistre plan dextinction de notre flicit

Comme si elle tait anime de secrtes impulsions, la seconde femme dAmaro se dgagea des bras qui la retenaient et, pntrant dans les eaux, elle se mit clamer, prise daffliction:

Julio! Julio!...

Mais, perturbe et folle, Odila se mit la suivre.

La sentant sapprocher, Zulmira fit demi-tour et rentra en un clair chez elle. Nous les accompagnmes dans la comptition laquelle elles se livraient, sans les perdre de vue.

Revenant immdiatement la maison, laissant penser que le corps endormi tait un puissant aimant qui lattirait, Zulmira se rveilla, tremp de sueur, en conservant dans son cerveau de chair limpression quelle avait flott dans un terrible cauchemar. Elle tenta de crier, mais sans y parvenir.

Les forces lui manquaient suite un collapsus nerveux, impossible empcher. La dyspne la frappait avec violence pendant que les coronaires se rvlaient tre enfles.

Clarencio sapprocha et lui appliqua des fluides salutaires et reposants.

Son cur se calma, et le domaine circulatoire reprit une apparence normale tout doucement. Cest alors que la malheureuse femme parvint gmir en appelant laide.

6

Dans un foyer chrtien

Nous nous proposions de suivre le cas de Zulmira, non seulement pour cooprer, au profit de lamlioration de sa situation, mais galement pour relever tous les enseignements possibles et, sollicitant le concours de Clarencio, nous entendmes de judicieuses rflexions sortir de ses lvres.

Oui, dit-il, pour aider dans un processus de cette nature, il est ncessaire de marcher en avant, mais, pour comprendre le service qui nous revient et avancer avec assurance, il est ncessaire de revenir dans larrire-garde, sarmant de leons qui nous clairent.

Nous ne savions pas comment interprter ses paroles, mais il vint lui-mme notre aide en expliquant, aprs une courte pause:

Afin de raliser une tude gnrale de la situation, il faut tablir un contact avec dautres personnes qui appartiennent au drame qui se droule. Pour cela, il serait intressant que nous rendions une visite au petit Julio, au domicile spirituel o il rside.

Oh! ce serait un plaisir! mexclamai-je, content. Pourrions-nous y aller maintenant? demanda Hilario, enchant. Le Ministre rflchit quelques secondes et fit observer: Dans les responsabilits que nous pousons, il nest pas bon de questionner pour questionner. Cherchons lobjectif, lutilit et la collaboration dans le bien. Nous ne nous trouvons pas en vacances, mais dans un travail actif.

Il pensa, pensa et dit:

Je sais que demain soir, Eulalia doit accompagner deux de nos surs incarnes lors de la visite de leurs petits enfants qui les prcdrent dans le grand voyage de la mort et qui se trouvent dans le mme lieu o Julio se trouve abrit. Nous pourrions remplacer notre coopratrice dans le travail accomplir. Nous irons sa place. Nous prterons assistance nos amies et nous examinerons la situation de lenfant.

Relevant la prcieuse leon de travail que ces rflexions contenaient, nous attendmes la nuit suivante avec une relle impatience.

lheure prvue, nous descendmes en direction de la matire dense, la recherche des surs qui viendraient avec nous.

Le Ministre nous laissa dans une simple petite maison dune rgion suburbaine loigne, aprs nous avoir informs: Cest ici que rside notre sur Antonina, avec trois des quatre enfants que le Seigneur lui a confis. Incapable de vaincre les tentations de sa propre nature, son mari labandonna voil quatre ans, pour sengager dans de dlictueuses aventures. Mais la propritaire des lieux ne se dsespra pas. Elle travaille avec diligence dans une fabrique de tissus, et elle duque les enfants de la maison avec un amour pur pour lvangile de Notre Seigneur Jsus. Elle a su payer avec profit les dettes quelle rapportait dun proche pass. Il y a quelques mois, elle perdit le petit Marcos, g de huit ans, attaqu par une pneumonie mortelle, et cest avec lui quelle se retrouvera aprs la prire quelle prononcera avec les petits. Jamnerai avec moi lautre compagne de notre voyage. Quant vous, orientez Antonina dans les prires et les tudes, jusqu ce que je revienne, de manire ce que nous partions tous ensembles.

Hilario et moi entrmes dans le salon sans ornement et troit.

Une femme, encore jeune, mais extrmement abattue, se trouvait debout auprs de trois beaux enfants, deux petits garons entre onze et douze ans, et une petite fille blonde, certainement la plus jeune de la famille, qui posait sur sa mre ses tendres yeux bleus.

Un triste vieillard dsincarn se tenait dans un coin de lhumble pice, comme sil se tenait lcoute.

Dona Antonina plaa sur une nappe dune grande blancheur deux verres emplis dune eau pure, puis elle prit un exemplaire du Nouveau Testament et sassit.

Peu aprs, elle dit avec douceur:

Si ma mmoire ne me joue pas de tour, je crois que la prire daujourdhui doit tre faite par Lisbela.

La petite fille porta ses minuscules mains son visage, appuya dlicatement les coudes sur la table et, fermant les yeux, rcita: Notre Pre qui est aux Cieux, que ton nom soit sanctifi, que ton rgne vienne, que ta volont soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourdhui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi ceux qui nous ont offenss. Et ne nous laisse pas succomber la tentation, mais dlivre-nous du Mal. Amen.

Lisbela rouvrit nouveau les yeux et chercha silencieusement lapprobation maternelle.

Antonina sourit, satisfaite, et sexclama:

Tu as trs bien pri, ma fille.

Et partageant prsent son attention entre les deux garons, elle donna lvangile lun deux en linvitant:

Ouvre-le, Henrique. Voyons quel sera le message chrtien pour nos tudes de ce soir.

Le petit garon choisit le texte au hasard et rendit le livre aux mains maternelles.

mue, la mre lut les versets vingt et un et vingt-deux du chapitre dix-huit des annotations de laptre Mathieu: Alors Pierre, savanant, lui dit: Seigneur, combien de fois mon frre pourra-t-il pcher contre moi et devrai-je lui pardonner? Irai-je jusqu sept fois? Jsus lui dit: Je ne te dis pas jusqu sept fois, mais jusqu soixante-dix-sept fois sept fois.

limage dune personne qui attendait la manifestation de la curiosit des jeunes apprentis, Antonina se tut. Le petit Henrique, ouvrant la conversation, demanda avec simplicit: Maman, pourquoi Jsus conseille un pardon aussi important?

Dmontrant une grande habitude de lvangile, la mre rpliqua:

Nous sommes conduits croire, mon fils, que le Matre Divin, quand il nous enseigne pardonner toutes les fautes de notre prochain, nous dirigeait vers la meilleure manire de vivre en paix. Qui ne sait pas se dtacher des dsagrments de la vie ne peut pas se sparer du mal. Une personne qui serait arrte dans des souvenirs dsagrables avance toujours en tant en proie une irritation permanente. Imaginez-vous tous, lcole. Si vous ne parvenez pas oublier les petits agacements lis aux tudes, vous ne pourrez pas profiter des leons. Aujourdhui, cest un camarade qui se montre moins amical alors quil prpare une plaisanterie regrettable, demain, ce sera une incorrection du surveillant en raison dun malentendu. Si vous immobilisez la pense dans limpatience et la rvolte, vous pourrez commettre des choses pires, en peinant le professeur, en dmoralisant lcole et en faisant du tort votre nom et votre sant. Une personne qui ne sait pas pardonner vit communment isole. Personne napprcie la compagnie de ceux qui ne savent que verser le vinaigre de la plainte ou de la censure.

cette hauteur des enseignements, Antonina fixa lan et lui demanda:

Toi, Haroldo, quand tu as soif, prfres-tu boire leau trouble dune cruche remplie de boue?

Ah! a non, rpliqua le jeune garon, trs srieux, je choisirai de leau pure, cristalline

Nous voulons la mme chose en ce qui concerne nos ncessits spirituelles. Lme qui ne pardonne pas, retenant le mal en elle, ressemble un vase plein de boue et de fiel. Ce nest pas un cur qui peut rconforter le ntre. Ce nest pas quelquun qui peut nous aider vaincre les difficults de la vie. Si nous faisons part de notre peine un tel compagnon, elle deviendra pratiquement toujours plus importante. Cest pour cette raison que Jsus nous conseille de pardonner infiniment, afin que lamour, en notre esprit, soit comme le Soleil brillant dans une maison propre.

Une pause expressive se fut observe.

Le jeune Haroldo, le visage inquiet, intervint en demandant:

Mais maman, crois-tu que nous devrions toujours pardonner?

Pourquoi ne le devrions-nous pas, mon enfant?

Mme quand loffense est la pire de toutes?

Mme ainsi.

Et alors quelle lobservait, surprise, Antonina ajouta:

Pourquoi parles-tu de ce sujet avec une telle proccupation?

Je pensais papa, dit le petit avec une pointe de tristesse. Il nous a abandonns quand nous avions le plus besoin de lui. Serait-il juste doublier le mal quil nous a fait? Oh! mon enfant! commenta la noble femme. Ne tenferme pas dans ce problme. Pourquoi alimenter de la rancur contre lhomme qui ta donn la vie? Comment le condamner si nous ne savons pas tout ce qui lui est arriv? Ce serait rellement mieux pour notre bien-tre sil tait avec nous, mais si nous devons supporter son absence, que nos meilleures penses puissent laccompagner. Ton pre, mon enfant, ta donn, avec la permission du Ciel, le corps dans lequel tu apprends servir Dieu. Il est pour cela crditeur de ta plus grande affection. Il y a des services que nous ne pouvons payer autrement quavec lamour. Notre dette envers les parents est de cette nature...

Peut-tre parce quelle se souvint que la famille se trouvait dans un cours de formation chrtien, la matresse de maison ajouta:

Un jour, quand Mose, le grand prophte se rendit sur la montagne pour recevoir la rvlation divine, un des ordres les plus importants quil entendit du Ciel a t celui que lternelle Bont nous recommande: Honore ton pre et ta mre. La Loi envoye au monde ntablit pas que nous devions analyser le genre de personne que sont nos parents, mais que lobligation de les honorer par notre respect plein damour, nous revient, peu importe comment ils sont. La petite assemble reut les explications les yeux heureux et illumins. Haroldo se montra rsign, mais il dit encore: Je comprends ce que tu veux dire maman. Mais si papa tait avec nous, peut-tre que Marcos ne serait pas mort. Nous aurions eu suffisamment dargent pour le faire soigner.

Dun mouvement rapide, Antonina essuya les larmes quelle laissa spontanment schapper, face lvocation de son petit, et elle dit:

Ce serait une erreur de permettre la chute de notre confiance en notre Pre Cleste. Marcos est parti la rencontre de Jsus parce que Jsus la appel. Rien ne lui a manqu. Je vous demande que nous ne laissions pas se manifester la moindre ide triste en ce qui concerne lange qui nous a prcds. Nos penses accompagnent ceux que nous aimons dans lAu-del.

cet instant de la conversation, Lisbela demanda avec charme:

Maman, Marcos nous voit?

Oui, ma fille, expliqua Antonina alors mue. Il nous aide en esprit en demandant Jsus des forces et bndictions pour nous. De notre ct, nous devons laider par nos prires et nos meilleurs souvenirs.

Cependant, Antonina parut asphyxie par les grandes sensations lies labsence.

Pendant que les enfants commentaient avec intrt les enseignements de la soire, elle se trouvait absorbe dans la concentration mentale de limage du petit. Quand lhorloge marqua la fin de ltude, elle demanda Henrique de faire la prire de clture.

Le garonnet rpta la prire dominicale en demandant au Seigneur de bnir leur mre, et le travail se termina.

La matresse de maison remit aux petits des verres emplis dune eau cristalline quHilario et moi avions magntise, et peu aprs, pensive et nostalgique, elle se retira avec ses enfants dans la chambre o ils se couchrent tous ensemble.

7

Conscience en dsquilibre

Conformment aux recommandations que nous avions reues, nous attendions Antonina dans la pice troite o stait droule ltude familiale.

prsent, nous parvenions observer le vieillard dsincarn avec plus dattention.

Conservant tous les restants de la vie physique, abattu et tremblant, il semblait inquiet, dment Nous tentmes une approche en vain.

Il ne nous voyait pas.

Je rappelai mon compagnon que nous pourrions rendre notre vhicule prisprital plus dense, par la concentration de la volont, et nous nous empressmes de mettre cette mesure excution.

Peu de temps aprs, laissant penser que nous tions des nouveaux venus, nous attirions son attention.

Le vieil homme se prcipita vers nous en sexclamant:

tes-vous des officiers ou des soldats? tes-vous pour ou contre?

Ce regard hagard tait effectivement celui dun fou.

Hilario et moi changemes nos impressions charges de curiosit et de surprise.

Et avant que nous ayons pu nous prononcer, il commena pleurer convulsivement en insistant:

Qui a apport ici lide de pardonner? O est-ce que je me situerai dans cette question? Je dois tre pardonn ou pardonner? Je ne comprends pas le besoin de discuter propos dun sujet comme celui-ci au milieu de femmes faibles et de trois enfants Les commentaires de cette nature doivent tre rservs aux personnes affliges comme moi, qui ont un volcan lintrieur de leur crne

Ce disant, lapparence de sa physionomie se modifia. Il nous semblait plus loign de la ralit, plus inconscient. Presque criant, il poursuivit: Tout aurait t diffrent sils mavaient permis de rencontrer le nouveau Gnral en chef Son Altesse aurait compris ma situation. Le Marchal avait dans lide de me prendre son service exclusif, mais par linfluence de mon misrable perscuteur, jai souffert dun injuste transfert Notre inattendu ami balaya les recoins de la pice du regard, comme sil eut craint la prsence dun quelconque tmoin invisible, et il continua:

Mais coutez ce que je vous dis! Non seulement il prtendait mcarter des faveurs du Marchal malade, mais il projetait de me voler ma femme Lola Ibarruri! Comment naurais-je pas pu la dsirer avec la passion quelle minspirait? Pourquoi est-ce que jaurais d men aller pour Fecho dos Morros? Leur volont de me prjudicier tait vidente. Il ne fait aucun doute que jai t oblig partir, mais je ne suis pas all au-del de Tacuaral. Le Gnral Polidoro ne mabandonnerait pas Je devais revenir Luque, et jy suis retourn...

Mais linfme Esteves avait agi sans trve en plus de stre attaqu mes droits dinfirmier dans le Quartier Gnral, il avait dtourn lattention de Lola La douce Ibarruri ne mappartenait plus; elle stait livre lami dloyal Notre petite ferme dorangers et notre jardin taient oublis Qui a dit que je ne mtais pas sacrifi dans lacquisition de lenchanteresse petite maison que javais confie cette femme perfide? Durant un mois, long et terrible, je soupirais aprs le retour de sa tendresse Quand je revins au foyer, par cette nuit toile de mai, je la trouvai dans les bras du tratre Lola tenta de sexcuser, mais je les avais surpris ensembles Je voulus me venger, sur le champ et lempaler sur mon poignard. Cependant, les troupes quittaient la ville trois jours plus tard, et mon ennemi qui stait faufil dans les ombres avant mon approche, sempressa de voyager pour son travail, en direction dItaugua La haine me domina alors, me rendant aveugle Je le retrouverai o quil se trouve, et je le prendrai dans mes bras avec la mme cordialit feinte avec laquelle il mavait lui-mme pris dans ses bras la premire fois, et je lui arracherai la vie Cest ainsi que je fis Jai laiss croire que jignorais la ralit et je suis all le voir, souriant et, souriant, je lai empoisonn Mais vous croyez que je me suis adonn un tel acte parce quil tait impudent, libertin et cruel Il maurait assassin si je navais pas eu le courage de le liquider

Il fit une brve pause et, ensuite, sagenouillant face nous, il se mit clamer de nouveau voix haute:

Oh!... pour moi, je suis convaincu davoir pratiqu la justice, mais il est vrai que cet homme ne mabandonne pas! Jai tellement lutt!... Je me suis mari et jai construit une grande famille!... Je me suis dvou la religion, jai bnfici des bienfaits des saints sacrements et j ai pens que tout avait t largement rgl, mais aprs mtre retir du corps physique suite lobligation de la vieillesse et de linfirmit, loin de trouver le ciel qui semble chaque fois sloigner un peu plus de moi, je reconnais que cet homme continue me perscuter de lintrieur!... Cela fait de nombreuses annes que jai quitt mes os fragiles et que je dambule, afflig et malheureux, en portant lenfer lintrieur de moi!... Au commencement, je me suis rendu jusqu ma tombe dans lespoir de relever mes restes et, my dissimulant, je cherchais oublier oublier Mais comprenant que mon dsir naboutirait pas, jai fui pour toujours le lieu qui abritait ma dpouille et jarpente depuis les rues et les places la recherche dautorits qui puissent me venir en aide

Aprs avoir pass ses mains sur son visage, essuyant ses larmes, il continua:

Messieurs, en vertu de ce que vous reprsentez!... mme si mon erreur a t aussi grande que cela, autant de temps vivre avec ce monstre qui me fixe, imperturbable, ne suffirait-il pas lexpiation qui correspond mon rachat? Si javais confess le crime et si javais pass un temps plus court que cela en prison, naurai-je pas t quitte devant les tribunaux?

Percevant quil nous revenait de dire quelque chose en guise de consolation, je caressai sa tte aux cheveux blanchis, et je dis en essayant de me montrer aimable: Calme-toi, mon frre. Qui parmi nous peut se vanter de ne stre jamais tromp sur le chemin de la vie? Ta douleur nest pas unique Nous aussi avons notre esprit charg de souvenirs douloureux. Les larmes de dsespoir naident pas lme, au contraire...

En raison des propos que nous avions entendus, je compris que notre interlocuteur se rfrait au temps de la Guerre du Paraguay et, cherchant pntrer le labyrinthe de ses paroles qui tablissaient un lien du pass avec le prsent, je lui demandai: quel nouveau Gnral en chef te rfres-tu?

Ah! Vous lignorez?

Nous laissant penser quil vivait profondment attach aux dtails du pass, il dit:

Je me souviens avec prcision Oui, sa proclamation tait le seize avril Le Prince D. Gasto de Orlees tait le nouveau commandant en chef, mais lloignement du Marchal me pesait beaucoup Lequel dentre eux? demandai-je en ravivant sa mmoire. Le Marchal Guilherme Xavier de Souza. Ctait mon ami, mon protecteur Malade, fatigu, il avait besoin de moi mais ils mloignrent de lui Esteves, le chien infidle Mais cet instant, sa voix steignit dans sa gorge. Ses yeux se brouillrent et comme sil tait tourment intrieurement par des forces terribles, insondables notre observation, il commena se plaindre, dsespr: Ah! Je ne peux pas continuer!... Lui, encore lui qui grandit en moi! Il mobserve avec dgot et jentends encore ses dernires paroles dans le rle de la mort Non! Non! grondait-il, maintenant, avec dvidents signes dangoisse. Je veux men librer! Je veux men librer! Jai la foi!... Je mapprochai avec motion du pauvre malheureux et je dis: Oui, mon ami, la foi reprsente le miraculeux sauveteur de tous les naufrags. As-tu pri? As-tu demand Jsus protection et assistance?

Oui, oui

Et aucun signe de secours cleste ne test parvenu? Le malheureux fixa sur moi son regard inquiet et minforma:

Voil quelques jours, jai t lglise du Rosaire, en me souvenant, comme toujours, de la visite que jy avais faite la veille de mon dpart pour la guerre, et jai tellement pri que jai eu la joie de voir le Marchal qui soudainement mapparut Il tait plus jeune et quelque chose dincomprhensible paraissait avoir en lui chang Je lui ai demand protection, et il me rpondit en mexpliquant que mon cas serait pris en considration, que je devais me reposer car bien que mes erreurs fussent importantes, plus grande est la compassion de Dieu qui nabandonne jamais personne

Et dans un geste de profond abattement, il ajouta:

Mais jusqu prsent, je nai pas eu le moindre signe de rnovation du chemin

Je caressai sa chevelure neigeuse et mu, je dis:

Sois cependant assur que la bont de Jsus ne nous fera jamais dfaut. Promettez-moi de maider! Ayez piti de moi! cria le malheureux.

Le cur profondment touch par un tel appel, je mengageai collaborer au retour de sa paix et son redressement.

Alors que le pauvre vieillard cherchait me prendre dans ses bras, Clarencio arriva en guidant une autre de ses pupilles qui nous accompagnait tout au long de lexcursion.

Sympathique et humble, elle se maintint distance aprs nous avoir salus. Le mentor comprit en un clair ce qui se passait. Nous le vmes se concentrer durant quelques instants afin de se densifier pour aider plus promptement.

Salu par le vieil homme dont il effleura le front, il nous avisa:

Il se trouve alin. Son esprit sest fix dans des souvenirs qui lobsdent. Plus expriment que nous, il le garda dans ses bras avec une tendresse paternelle, gagnant sa confiance, et lui demanda:

Que cherches-tu, mon frre?

Je viens implorer laide dAntonina, ma petite fille. Elle est la seule personne qui se souvienne encore de moi avec amour Parmi les nombreux membres de ma famille, il ny a quelle qui moffre lasile en son cur

Et parce quil recommenait tenir des propos plaintifs, le Ministre plaa sa main droite sur la tte de notre interlocuteur, comme sil cherchait le sonder intrieurement en dtail, puis il dit:

Nous avons ici notre frre Leonardo Pires, dsincarn voil peu prs vingt ans Dans sa jeunesse, il a t au service du Marchal Guilherme Xavier de Souza et aujourdhui, il conserve son esprit attach un crime dempoisonnement qui remonte lpoque o il faisait partie des forces brsiliennes cantonnes Piraju, au Paraguay. Nous pouvons prendre connaissance du dlit dans ses dtails, sur lcran des souvenirs qui le tourmentent Cest un dimanche de fte, la campagne Le 11 juillet 1869 La messe est clbre en plein air par un frre capucin Le Comte dEu, avec lclatante officialit de son Quartier Gnral, est prsent Encore trs jeune, notre ami apparat dans le corps dinfanterie. Mais il ne savre pas intress par les mises en garde du frre, dans lacte religieux, pas plus quil ne se montre intress par lardent et patriotique appel du Gnral en chef, qui prononce une allocution brillante et inspire destine aux troupes Il fixe avec impertinence un compagnon rcemment arriv dItaugua, un infirmier en service spcial Cest Jos Esteves, turbulent brsilien aux yeux sombres et intelligents, au port lgant, avec ses trente ans bien faits Il partage avec notre ami laffection dune jolie femme divorce, qui abandonna son mari et un enfant pour le plaisir de laventure Pires, le frre que nous observons, ne pouvant se rsoudre accepter les faveurs que ltre aim accordait cet lgant individu quil hassait, feignit dignorer la situation et sinfiltra, courtois et gentil La fte termine, il invita Esteves prendre part un repas plus priv Et ensembles, ils commentent avec enthousiasme les soires de Rio, impatients de revenir aux sductions de larrire-garde... Esteves partage les impressions de Leonardo, il lui fait confiance et converse, loquace, jusqu ce que le collgue vengeur, dans la premire taverne quils avaient trouv, lui offre un verre de vin contenant le poison fatal Le compagnon boit. Il ressent dtranges vertiges et meurt en profrant des maldictions Le fait est peru avec tonnement Un mdecin argentin est appel se prononcer et il vrifie lempoisonnement. Mais les autorits jugent le silence plus appropri Les troupes devaient poursuivre leur chemin en direction de Paraguari et laffaire tait classe sans plus grande investigation Leonardo accompagne larme dans lavant-garde et essaye doublier les faits Il vit encore quelques temps avec la femme dsire, mais de retour sa terre natale, il sen dsintresse et se marie au Brsil en laissant plusieurs descendants Il dcde, maladif; cependant, sur son lit de mort, il reconnat que le souvenir du crime flagelle son monde intrieur Il oublie presque tous les autres pisodes de son existence pour se focaliser sur celui-ci Jos Esteves sest dj rincarn, se trouvant prsent en dautres secteurs de lutte, mais Leonardo Pires vit avec limage de la victime qui se rgnre, chaque jour, dans sa mmoire, sous linflux des suggestions de sa propre conscience qui se considre coupable Comme nous le voyons, il sagit de laccomplissement naturel de la Loi de causalit

Cependant, cet instant, Antonina surgit dans son vhicule subtil la porte de la chambre o dormait son corps, en venant notre rencontre.

8

Dlicieuse excursion

Le vieillard dsincarn rvlait une absolue indiffrence face la description de notre orienteur, mais, comme si la prsence de la noble femme rveillait en lui un nouvel intrt, il la fixa de ses yeux subitement illumins et scria:

Antonina! Antonina!... Aide-moi. Jai peur! Trs peur!...

Antonina qui, hors de son corps dense, se rvlait bien plus dlicate et bien plus belle, le fixa, attriste, et lui demanda avec le visage emprunt de douleur:

Grand-pre, que fais-tu?

Le vieillard se pencha et implora:

Aide-moi! Tous les membres de notre famille mont oubli, lexception de toi. Ne mabandonne pas!... Mon ennemi enrag me torture de lintrieur. Il ressemble un dmon qui habiterait ma conscience Il essayait prsent de lenlacer, afflig, mais Clarencio intervint en nous indiquant: coute, ami! Nos frres ont promis de te protger et, de fait, ils tiendront parole. Notre dvoue Antonina, pour le moment, a besoin de sabsenter en notre compagnie pour quelques heures.

Et le prenant paternellement dans ses bras, il lui recommanda:

Tu peux aussi laider. Garde la maison pendant que les petits se reposent. Demain, tu recevras ton tour laide dont tu as besoin. Le vieil homme sourit, rsign, et se calma. Le laissant tout seul dans la petite pice, nous sortmes la rencontre de la nuit.

Entrelaant nos mains et maintenant nos surs dans le cercle ferm de nos forces, nous entreprmes lagrable voyage.

Qui sur Terre pourrait imaginer les dlicieuses sensations de lme libre?

Voyageant la vitesse de la pense, nous avancions au-devant de lombre nocturne, laissant en derrire les premires lueurs de laurore dans un pont du jour color et chantant

Alors que nous arrivions un magnifique paysage baign dune douce lumire, o un parc impressionnant et accueillant stendait, je fixai le visage de nos compagnes qui se rvlaient extatiques et heureuses.

Se tenant Clarencio comme une fille sappuyant sur les bras paternels, elle demanda, merveille:

Pourquoi ne pas transformer cette excursion en transfert dfinitif? Le corps me pse la manire dune insupportable croix de chair quand nous parvenons sentir la Terre de loin

Cest vrai, reconnut lautre sur, qui saidait de notre prsence, pourquoi ne nous est-il pas donn de demeurer ici et doublier les tristesses et les dboires du monde? Nous comprenons, rpondit le Ministre, gnreux, nous comprenons toute linquitude qui blesse lesprit rincarn, principalement quand il sveille la beaut de la vie suprieure. Cependant, il est indispensable que nous sachions louer lopportunit de servir sans jamais la dmriter. Nous nous trouvons encore loin de la rdemption totale et chacun dentre nous, avec des alternatives plus ou moins longues, devra embrasser la lutte dans la chair de manire rgler avec dignit ses vieux engagements. Nous sommes des voyageurs dans les millnaires sans fin. Hier, nous avons t aids; aujourdhui, il nous revient daider.

Au fur et mesure de notre progression, des vagues de parfum se faisaient sentir autour de nous, revigorant nos nergies et nous invitant respirer plein poumons. Des fleurs la texture dlicate pendaient abondamment des arbres vigoureux, embaumant les lgres brises qui susurraient denchanteresses mlodies

Son buste semblant enguirland de lumire, Clarencio souriait, bienveillant. Sa voix stait tue.

Nous nous sentions tous magntiss et mus par la beaut du paysage qui suscitait notre admiration. Mais Antonina, comme si elle irradiait une insoutenable curiosit mle dallgresse reprit la parole pour sexclamer: Ah! Si nous mourrions aujourdhui!... Si la chair ne nous pesait plus!...

Cependant, imprimant une plus grave intonation sa voix sans toutefois perdre la douceur qui lui tait particulire, le Ministre dit sur le champ:

Si vous abandonniez le vhicule de matire dense aujourdhui, qui dit que vous seriez heureuses? Qui parmi nous obtiendra le bonheur suprme sans la parfaite sublimation personnelle? Et fixant Antonina avec un mlange de bont et de compassion, il dit:

Maintenant, vous allez rendre visite aux petits enfants bnits que la mort a temporairement ravis votre vie terrestre. Vous vous sentez comme dans un palais dor, au milieu dun paradis damour, mais que faites-vous des enfants qui restent? Y aura-t-il un Ciel sans la prsence de ceux que nous aimons? Aurons-nous une paix sans allgresse pour ceux qui habitent dans notre cur? Imaginons que les chanes de la prison physique se rompent maintenant Le foyer humain tourment grandirait prodigieusement dans la douleur de labsence qui vous prendrait dassaut Le souvenir des enfants emprisonns sur la Plante vous enchanerait au monde corporel limage des racines vigoureuses qui retiennent larbre dans le sol obscur. Les appels et les gmissements, les luttes et les preuves des rejetons moins heureux de lexistence parleraient votre esprit plus imprieusement que les cantiques bienheureux des enfants chanceux et, naturellement, vous descendriez du Ciel vers la Terre, prfrant la position dune servante invisible angoisse, changeant la gloire resplendissante de la libert contre les douloureuses souffrances de la prison du fait que le plus grand bonheur de celui qui aime se trouve dans lacte de donner de soi-mme en faveur des tres aims

Les deux femmes coutrent les rflexions senses sans mot dire.

Aprs une courte pause, linstructeur continua:

Nous sommes dbiteurs les uns des autres!... Mille liens unissent nos curs. Pour le moment, il ny a pas de paradis parfait pour celui qui revient de la Terre comme il nexiste pas de purgatoire intgral pour qui sen retourne labme humain! Lamour est une force divine qui nous alimente dans tous les secteurs de la vie et notre meilleur patrimoine est le travail par lequel il nous revient de nous aider mutuellement. Dans le paysage baign de lumire, je ressentis une grande vnration pour la Nature qui, dans toutes les sphres, est toujours un livre rvlateur de lternelle Sagesse

Touches par une jubilation inexprimable, nos surs mapparurent comme de belles madones de rve ayant soudainement pris vie devant nous.

Cest par le travail, poursuivit lorienteur, que nous nous dpouillons peu peu de nos imperfections. La Terre, dans sa vieille expression physique, nest rien dautre que de lnergie condense en une poque immmoriale, agite et transforme par le travail incessant, et nous, les cratures de Dieu, dans les plus divers degrs de lchelle volutive, nous perfectionnons des facults et nous grandissons en connaissance et en sublimation travers le service Le ver qui se trane travail au bnfice du sol et de lui-mme; le vgtal qui respire et donne des fruits aide latmosphre tout en saidant lui-mme. Lanimal en perptuelle lutte est utile la terre o il se dveloppe, acqurant des expriences qui lui sont prcieuses, et notre me, en constantes prgrinations, travers diffrentes formes, conquiert les valeurs indispensables lascension sublime Nous sommes fils de lternit en mouvement vers la gloire de la vritable vie et ce nest que par le travail, adapt la Loi Divine, que nous atteindrons le vritable objectif de notre marche!

Sous leffet de la contemplation du sublime paysage qui nous entourait, Antonina, qui semblait plus veille que sa compagne, demanda avec enchantement:

Pourquoi ne gardons-nous pas un souvenir net de nos existences antrieures? Les retrouvailles avec ceux que nous aimons le plus ne seraient-elles pas une flicit bnite?!... Oui, oui confirma Clarencio pendant que notre dlicieuse excursion se poursuivait rapidement. Mais dans la condition spirituelle o nous nous situons encore, nous ne savons pas orienter nos dsirs vers le meilleur. Notre amour nest encore quune insignifiante miette de lumire enterre dans les tnbres de notre gosme tel lor qui se trouve dans le sol en dinfinitsimales quantits, au milieu dun gigantesque corps de scories. Ainsi, comme les fibres du cerveau sont les dernires se consolider dans le vhicule physique o nous nous rincarnons sur Terre, la mmoire parfaite est le dernier autel que nous installons, en dfinitive, dans le temple de notre me qui, sur la Plante, se trouve encore dans les phases initiales de dveloppement. Cest pour cette raison que nos souvenirs sont fragmentaires Cependant, dexistence en existence, dascension en ascension, notre mmoire se convertit graduellement en vision imprissable au service de notre esprit immortel

Mais si nous pouvions reconnatre nos anciens proches dans le monde, si nous pouvions revoir les visages amis dautres res, en les identifiant aventura Antonina, avec respect.

Reprendre le contact avec les meilleurs reviendrait rcuprer galement les pires, coupa Clarencio, bienveillant, et, indiscutablement, nous ne possdons pas, jusqu prsent, lamour quilibr et pur qui se consacre aux desseins suprieurs sans passion. Nous ne savons pas encore vouloir sans ngliger, protger sans desservir. Pour lheure, notre affectivit souffre de dplorables penchants. Sans les oublis transitoires, nous ne saurions pas recevoir en notre cur ladversaire dhier afin de nous rgnrer en le rgnrant. La Loi est sage. Mais de toute manire, noublions pas que notre esprit marque tous les pas du voyage qui est sien en archivant en lui-mme tous les vnements de la vie pour former avec eux la carte du destin, en accord avec les principes de cause et deffet qui gouvernent notre route. Mais cest seulement plus tard, quand lamour et la sagesse sublimeront la chimie de nos penses, que nous conquerrons la souveraine srnit capable dembrasser le pass dans sa totalit

Le Ministre fit une courte pause, sourit paternellement dans notre direction et conclut:

Cela dit, la Loi est invariablement la Loi. Nous vivrons en nimporte quel endroit avec les rsultats de nos actions de la mme manire que larbre, en nimporte quel endroit du sol, produira en conformit avec lespce dont il dpend. Le firmament semblait rpondre aux suggestions de ladmirable discours. Des voles doiseaux se posaient dans les branchages qui se trouvaient non loin de nous. Le Soleil laissait apparatre des rayons diffrents, jusqualors inconnus lapprciation commune de la Terre, en provoquant dindfinissables combinaisons de couleur et de lumire.

Sous lapparence dune ruche bnite et color, un harmonieux pt de maisons apparut notre regard.

Des centaines denfants gazouillant jouaient entre les fontaines et les fleurs dun merveilleux jardin.

9

Dans le Lar da Bno[1]

De sa main droite, Clarencio nous indiqua la sublime scne qui se droulait sous nos yeux.

Une douce mlodie quaccompagnait un grand ensemble de petits garons qui chantaient un hymne dlicat dexaltation damour maternel vibrait dans lair.

Ici et l, assises sur des touffes de vgtation dun vert clair, de nombreuses femmes tenaient dans leurs bras de jolis enfants.

Voici le Lar da Bno, expliqua linstructeur, satisfait. En ce moment, de nombreuses surs de la Terre viennent rendre visite leurs enfants dsincarns. Nous avons ici une importante colonie ducative, mlange dcole pour les mres et de domicile pour les petits qui reviennent de la sphre corporelle.

Mais le Ministre sinterrompit subitement.

Nos compagnes semblaient prsent saisies dune affliction teinte de joie.

Nous les vmes soudainement sloigner, comme si elles eussent t attires par des forces irrsistibles, en se prcipitant vers les petits anges qui chantonnaient allgrement. Pendant que la femme que nous connaissions le moins enlaait un petit garon aux cheveux blonds, avec un infini contentement qui sexprimait par des larmes, Antonina embrassait un autre enfant au beau visage, en criant, heureuse:

Marcos! Marcos!...

Maman! Maman! rpondit lenfant en se blottissant contre la poitrine maternelle.

Clarencio fit un signe en direction des surs surveillantes qui taient responsables pour les divertissements dans le parc, comme sil leur demandait leur protection et leur affection pour accompagnantes de notre excursion, et il dit ensuite:

Le petit Julio ne se trouve pas dans le groupe. Il souffre encore danomalies qui ne lui permettent pas de vivre avec les enfants heureux. Il se trouve dans le foyer de la sur Blandine. Allons-y.

Quelques minutes nous furent ncessaires pour arriver devant un petit chteau trs blanc o se dtachaient des ogives bleues couronnes de plantes grimpantes en fleur.

Nous traversmes un grand jardin embaum de senteurs aromatiques. Une profusion de roses opalines inconnues sur Terre mlanges dautres fleurs avait clos.

La sur Blandine nous reut en souriant, nous prsentant une sympathique femme qui avait t sa grand-mre sur Terre.

Mariana, notre nouvelle amie, nous salua avec bienveillance.

Les premiers changes usuels passs, Clarencio aborda directement le sujet qui lavait amen ici.

Nous souhaitions aviser le petit Julio quil stait dsincarn par noyade.

Blandine, qui malgr sa jeunesse avait dans ses yeux les caractristiques dune sublime maturit de lesprit, rpondit avec gentillesse:

Ah! avec grand plaisir!

Et nous conduisant ju