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Évaluation des politiques de planification régionale et développement durable
François BERTRANDUMR CITERES – MSH Villes et Territoires, TOURS
École thématique CNRS Évaluation et durabilité
‐
20 au 25 octobre 2008 –Cargèse
francois.bertrand@univ‐tours.fr
Plan de la présentation• Introduction• I. L’évaluation des politiques publiques• II. L’évaluation au regard
du développement durable
• III. Enseignements de l’évaluation préalable des CPER et DOCUP 2000‐2006
• IV. Éléments de discussion et pistes pour la recherche
Les trois premiers points de cette présentation s’appuient sur un travail de doctorat soutenu en 2004 :
BERTRAND F. (2004), Planification et développement durable : vers de nouvelles pratiques d'aménagement régional ?
L'exemple de deux Régions françaises, Nord‐Pas‐de‐Calais et Midi‐Pyrénées, Thèse de doctorat en Aménagement de
l'espace et Urbanisme, sous la direction de Mme LARRUE, Université
François Rabelais de Tours, 564 p. + annexes
[manuscrit disponible en ligne
: http://tel.ccsd.cnrs.fr/tel‐00012142]
I. Les origines de l’évaluation des politiques publiques
• Une origine française : la Rationalisation des Choix Budgétaires
(RCB) dans les années 1970, visait
l’amélioration de la mise en œuvre des politiques publiques.• Un objectif : restaurer la confiance.
"La demande d'évaluation croît en même temps que les doutes sur la légitimité
des politiques publiques." (Muller,
1990 : 122) • Un outil technocratique, «
top‐down
»,
qui devient une modalité
privilégiée pour la conception et le pilotage des nouvelles politiques pluri‐acteurs, accompagnant
les transformations de l’action publique (décentralisation, contractualisation…).
MULLER P. (1990), Les politiques publiques, PUF, Que sais‐je ?, Paris, 128 p.
I. L’évaluation des politiques publiques• "Évaluer une politique publique consiste dans le fait
d'apprécier les effets attribuables à
une intervention gouvernementale dans un domaine spécifique de la vie
sociale et de l'environnement physique." (Meny
& Thoenig, 1989 : 289)
• L'évaluation doit à la fois produire des informations
et, sur cette base, émettre un jugement
de la politique selon des
valeurs explicitées (quelle formulation de l’intérêt général ? Quelle
indépendance de l’évaluateur ?).«
Non seulement l’évaluation est un effort qui vise à
rendre
compte de l’action des gouvernants mais elle participe bien d’un mouvement plus général de redéfinition des modes de justification du pouvoir politique dans les démocraties
modernes (…). Il y a dans l’évaluation un double registre de connaissance et de justification.
»
(Duran, 1999 : 169)
MENY Y. & THOENIG J.‐C. (1989), Politiques publiques, coll. Thémis, PUF, 391p.
DURAN P. (1999), Penser l’action publique, L.G.D.J., coll. droit et Société
n°27, Paris, 212 p.
I. Les paradoxes de l’évaluation des politiques publiques
• Le paradoxe de la raison évaluative (Conan, 1996) : l’évaluation repose sur le doute de l’efficacité
des
solutions mises en œuvre (PP) pour répondre à un problème public et
sur une profonde confiance dans la
raison humaine (l’observation scientifique des effets et des moyens mobilisés aboutira à
l’amélioration des
actions en cours ou à venir)
CONAN, M., "L'évaluation constructive", Théorie, principes et éléments de méthodes", CSTB/Plan Urbain, 1996, 239 pp.
I. Les paradoxes de l’évaluation des politiques publiques (2)
• Paradoxe pour les agents administratifs : remise en cause de leur efficacité
et
renforcement de
leur rôle
• Paradoxe pour le personnel politique : perte de souveraineté
sur la décision
démocratique par un renforcement du contrôle technocratique et
production de nouvelles
ressources de légitimité
pour l’action publique
I. L’évaluation des politiques publiques, un long fleuve tranquille ?
Les champs de l’évaluation
selon le ministère de l’environnement, 1997
Une certaine distorsion entre la théorie et les pratiques étudiées…
I. L’évaluation des politiques publiques parée de toutes les vertus
L'évaluation, outil de rationalisation de l'action publique par définition, suscite de
nombreux débats :
elle amènerait la mesure
et la transparence, améliorant ainsi l'efficacité
et le pilotage
des
politiques.
Elle est aussi présentée comme un moyen d'"intelligence politique" et comme une
avancée pour la démocratie.
I. L’évaluation des politiques publiques parée de toutes les vertus ?
• Au niveau national, un constat sévère d'une séparation entre action et connaissance :
«
(…) l'évaluation n'est pas organisée en vue de l'action (…) les dispositifs sont finalement relativement peu accessibles
aux responsables de l'action publique. Leur capacité d'essaimage est limitée. (…) l'évaluation est fondée sur un
modèle dépassé
de l'expertise, une vision finalement très positiviste de connaissance où
l'évaluation apparaît comme
l'ultime avatar du rêve comtien d'une république des savants.
Il n'est guère étonnant que l'évaluation soit accusée
de produire des savoirs peu praticables et des résultats qui arrivent trop tard.
»
(Chanut, 2002 : 19)
CHANUT V. (2002), L'évaluation : affaire d'Etat
ou question d'organisation ?, pp.1‐33 in
Politiques et Management Public, vol. 20, n°4, déc. 02
I. Évaluation et décision : l’impossible rencontre ?
• Les trois temps de l’évaluation : ex ante, in itinere, ex post (aide à la décision, suivi, contrôle)
• Une décision pas si rationnelle…
(multi‐rationnalité, cf. Sfez)
…dans un contexte d’incertitude relative.
• Est‐ce seulement la bonne information qui manque pour obtenir la bonne décision ?
«
Généralement, dans la recherche appliquée aux décisions publiques, les faits sont incertains, les chiffres contestés, les enjeux importants et les décisions
urgentes.
» (Ravetz et Funtowicz, 1991 : 86)
• Les temps de la décision et ceux de l’évaluation ne sont pas les mêmes.
SFEZ, L., "La décision", P.U.F., coll
QSJ?, Paris, 1984
RAVETZ J.R. & FUNTOWICZ S.O. (1991), «
Connaissance Utile, ignorance utile, dissertation sur deux types
de science
», pp.83‐94 in
TYEYS J. (éd.) (1991), Environnement science et politique, Les experts sont formels, Actes du Colloque d'Arc et Senan
de septembre 1989, éd. GERMES, Paris, 676 p.
II. L’évaluation au regard du développement durable
Bien définir : • Entre "évaluation de politiques de développement
durable" et "évaluation au regard du développement durable"
• Idem
entre "évaluation de politiques environnementales "
et "évaluation des impacts environnementaux" des politiques plans et programmes
• 2 niveaux d’évaluation : le projet (EIE) et les politique, plan et programme (EES)
II. Des origines de l’évaluation au regard du développement durable
• L’évaluation des politiques, plans et programmes (rationalisation, efficacité…)
• La prise en compte de l’environnement puis du développement durable
(lois et règlements)
• Des expérimentations locales (volonté
politique ou opportunisme technique)
II. Évaluation + développement durable = solution²
?
• Évaluation et développement durable sont fréquemment associés, la première devant permettre la mise en œuvre effective du
second.
• L'évaluation se retrouve au premier rang des outils mobilisés pour mener la "croisade" de la
sustainability
(De Marchi, 2003).
DE MARCHI (M.) (2003), «
From invisible minds to visible hands…
», communication au Workshop 3 «
Evaluation for Regional Sustainable Development –
Methods and Tools
», REGIONET, université
de Manchester, 11‐13 juin
2003, 11 p. [www.iccr‐international.org/regionet]
II. Des difficultés conceptuelles• L'évaluation de la durabilité
des politiques est à la fin des
années 1990 un challenge nouveau, qui doit croiser, et non simplement superposer, au minimum des évaluations avec des volets économiques, sociaux et environnementaux.
Nécessite de trouver des points d'interconnections entre les facteurs économiques, sociaux et environnementaux.
Les analyses en terme d'exposition aux risques
et de vulnérabilités
ou encore celles centrées sur les inégalités
écologiques constituent des 1ères tentatives.
• Seule «
balise
»
: la pratique des EIE (Évaluation des Impacts sur l’Environnement)
puis de l’EES
(Évaluation Environnementale
Stratégique, directive européenne SEA 2001),
mais la méthodologie n’est pas directement transposable.
II. Des difficultés conceptuelles
• Le développement durable implique une complexification de la question de l’évaluation
qui interroge la finalité
même de l’action : transversalité, interdisciplinarité,
élargissement des préoccupations dans le temps (prise en compte des générations
futures), et dans l’espace
(du territoire local au « reste du monde
»).
II. Des difficultés conceptuelles Comment évaluer les effets
ailleurs et plus tard ?
Grille d’analyse spatio‐temporelle pour l’évaluation des effets et des conséquences des pratiques agricoles
LANDAIS E. (1998), «
Agriculture durable
: les fondements d’un nouveau contrat social
?
»,
Le courrier de l’environnement de l’INRA n°33, avril 1998, pp.5‐22 [www.inra.fr]
II. Des difficultés conceptuelles Comment mettre tout le monde autour de la
table, notamment les « acteurs faibles
»
?
Les acteurs "faibles" et les acteurs "forts" du développement durable
BRODHAG C. (2001), «
Contribution de la communauté
de la recherche au développement durable
», version du 23 août 2001 [www.agora21.org]
III. Évaluation, développement durable, CPER et DOCUP
[CPER : Contrat de Plan Etat-Région / DOCUP : Document Unique de Programmation (politique régionale au titre des fonds européens)]
• Les CPER : politiques multi‐sectorielles, regroupant plusieurs éléments de politiques publiques.
• Un développement récent
en région des procédures d’évaluation (encore plus récent pour le développement
durable).
• Une diffusion en région qui s’est largement effectuée dans le cadre des CPER et des programmes européens, comprenant
un ensemble de pratiques très diverses.
• Une des conséquences pratiques
directement reliées à l'objectif de développement durable édicté
par les niveaux
supra‐régionaux (évaluation obligatoire).
III. Évaluation environnementale des CPER
• Le cadre réglementaire pour la contractualisation 2000‐2006 :
‐
Un renforcement des dimensions environnementales (meilleure connaissance de l’état de l’environnement local et anticipation, prévention, prise en compte des impacts
potentiels sur l’environnement des stratégies de développement envisagées et des politiques associées).
‐
Le contexte juridique, en faisant du développement durable un référentiel obligé, fournit une matérialité et une légitimité
à
cette problématique et participe à
l’imposer comme un objectif des stratégies de développement régional.
III. Une scène de médiation dans le processus de négociation
• Les pratiques évaluatives (évaluation des politiques, définition de référentiels et d'indicateurs de
développement durable) représentent de véritables outils de la négociation entre les différents niveaux institutionnels.
• Dans ce sens, l’évaluation peut apparaître comme un instrument de médiation politico‐technique
permettant de matérialiser et de traduire techniquement les ambitions politiques des différents
niveaux en objectifs pour l’action (objectifs de résultat).
III. Enseignements de l’évaluation préalable des CPER et DOCUP 2000‐2006
• L’évaluation environnementale de la quatrième génération de CPER, un coup d’essai ?
Un calendrier serré, une faible anticipation et des "recyclages administratifs" entre procédures simultanées.
• Une déconnexion des temps de la décision et de l’évaluation mais des influences indirectes possibles
: diffusion,
sensibilisation, légitimation…• Une influence indirecte peut venir des acteurs ayant participés à
ces démarches d’évaluation. Il y a bien des fonctions pédagogiques ou endoformatives
à
attribuer aux démarches
d’évaluation.• «
(...) l'apport de l'évaluation est plus sensible et plus profond au niveau
administratif : comme moyen d'éclaircissement des problèmes, comme reflet élargi
d'une action publique atomisée, comme lieu de confrontation des rationalités
isolées, voire comme moyen d'amorcer une coopération toujours réclamée et
rarement rencontrée. On peut affirmer que chez la plupart des administratifs
impliqués dans l'évaluation domine une impression vivace d'apprentissage et celle
d'une évolution relativement irréversible.
» (Lascoumes & Setbon, 1996
: 61‐62)
LASCOUMES P. & SETBON M. (1996), L'évaluation pluraliste des politiques publiques. Enjeux, pratiques
et produits, Groupe d'Analyse des Politiques
Publiques ‐
C.N.R.S., Commissariat Général du Plan, 182 p.
III. Enseignements de l’évaluation préalable des CPER et DOCUP 2000‐2006
• Cette expérience d’évaluation environnementale aura permis
:– des possibilité
de coopération transversale interservices et
interinstitutions
(création de nouvelles scènes de dialogue),– une visibilité
accrue au niveau politique de problèmes et
d’enjeux environnementaux dont la perception demeure floue, – une reconnaissance
et une légitimation d’action publique en
faveur de problèmes nouvellement identifiés.
• Le développement des procédures d'évaluation environnementale peut permettre de renforcer l'acceptation de la mise en œuvre de politiques d'environnement, en légitimant leur nécessité
(Lascoumes, 1994), notamment par des fonctions de sensibilisation des acteurs impliqués.
LASCOUMES P. (1994), L’éco‐pouvoir, La Découverte, Paris, 317 p.
III. Apports en termes de contenu (+)
• Énonciation d’objectifs de résultat et d’indicateurs de développement durable
• État initial ou état de référence
• Profil Environnemental Régional (PER) puis État de l’environnement en région (IFEN)
• Cadre de référence
III. Apports en termes de contenu (‐)
• Les démarches d’évaluation au regard du développement durable étudiées n'aboutissent
pas à
caractériser directement des formes souhaitables de durabilité
locale.
Le travail d’expression de frontières entre soutenable et insoutenable par le personnel
politique, avec les populations concernées, n’est pas réalisée.
Délicat alors de reporter le travail de définition de seuils sur les systèmes techniques.
III. Apports en termes de processus (+)• L'évaluation apparaît davantage comme processus d'apprentissage que
comme producteur de résultats (les résultats formels d'évaluation sont toujours relatifs, réduits et se périment vite).
Pour les recherches effectuées, le processus apparaît plus riche d'enseignements que ses issues formelles.
• Un des enjeux centraux est alors bien l'appropriation
des systèmes d'évaluation.
«
L’enjeu de l’évaluation ne relève plus d’une normalisation des indicateurs, mais de la
recherche d'une méthode partagée, visant à faire en sorte que les partenaires mobilisés
définissent ensemble leurs objectifs, les impacts attendus et les critères permettant de
vérifier régulièrement l’efficience de leur action et de procéder aux ajustements utiles
(principe de l'évaluation endogène continue).
»
(Combe, 2003 : 4)
• L’organisation de l’évaluation est alors cruciale : certaines approches peuvent stimuler l'apprentissage en ouvrant des espaces de dialogue et
d'ajustement, en permettant la rencontre entre acteurs de la politique à évaluer qui d'ordinaire ne se rencontrent pas, en restituant à ces acteurs un
retour sur leurs propres pratiques. «
(…) il y a là
en termes "d'organisation apprenante" des potentialités qui n'ont pas
encore été
exploitées pour l'évaluation. »
(Chanut, 2002 : 25)
COMBE H. (2003), « Evaluation des politiques publiques au regard du développement durable », communication au Séminaire Interdisciplinaire du Réseau Développement Durable et Territoires, 23 janvier 2003, Lille, 21 p.
CHANUT V. (2002), « L'évaluation : affaire d'Etat ou question d'organisation ? », pp.1-33 in Politiques et Management Public, vol. 20, n°4, décembre 2002
III. Apports en termes de processus (+)
• Un système de management
catalyseur d’innovation institutionnelle et organisationnelle, permettant
l'ouverture de "fenêtres d’opportunité", potentiellement en capacité
de surmonter certains défis posés aux
démarches territoriales de développement durable (transversalité, décloisonnement, acculturation,
responsabilisation…).Mais attention à ne pas "surévaluer" l'évaluation.
• Gains qualitatifs directs qui apparaissent les plus tangibles, les plus concrets
: sensibilisation, endo‐
formation, interactivité, transversalité… L'impact de ces travaux sur les décisions prises apparaît
donc avant tout indirect, via ces gains qualitatifs.
Source : p.388 in BERTRAND F. (2004), Planification et développement durable : vers de nouvelles pratiques d'aménagement régional ? L'exemple de deux Régions françaises, Nord-Pas-de-Calais et Midi-Pyrénées, Thèse de doctorat en Aménagement de l'espace et Urbanisme, sous la direction de Mme LARRUE, Université de Tours
Enseignements des études régionales• Au niveau régional, l’évaluation est présenté
comme un des
outils principaux pour la mise en œuvre du développement durable et elle apparaît bien comme un lieu d’émergence
majeur d’une compréhension régionale de la durabilité.
• Dans les deux situations régionales observées, les expériences d'évaluation constituent les principales scènes
effectives de déclinaison du développement durable dans les programmes. La réflexion sur l'intégration du
développement durable dans les programmes de planification se fait à cette occasion.
• C’est un moment d’expérimentation
(explorations de nouveaux domaines, recherches méthodologiques,
expérimentations et tests sur des politiques spécifiques) et de diffusion de nouvelles pratiques.
« Facteurs de succès »• Processus internalisé
: implication des acteurs en charge
du pilotage des politiques et implication des différents services instructeurs (le travail de définition des
dimensions et des indicateurs pertinents doit être effectué au sein des services)
• Ouvrir le processus : sur les acteurs partenaires, sur les autres collectivités infra‐régionales, sur les territoires
extérieurs…
et vers les populations.• Nécessité
d’un soutien politique, a minima d’un intérêt
favorable.• La présence d’acteurs endossant la fonction d'agent de
médiation, «
à mi‐chemin entre savoir gestionnaire et art de la négociation
»
(Gaudin, 1999).
• L'appui sur des consultants faisant office de "tiers médiateurs et animateurs".
GAUDIN J.‐P. (1999), Gouverner par contrat
‐
l’action publique en question, Presses de sciences politiques, Paris, 233 p.
III. L'évaluation du développement durable, des outils d’apprentissage pour un processus d’apprentissage
• Importance du facteur humain… (formation et culture régionale, d’où
attention sur le
recrutement et la rotation du personnel)• …et des passeurs de relais (consultants) qui peuvent constituer
un tiers animateur par lequel un espace consensuel peut être dégagé, Il remplit en quelque sorte le rôle "d'accoucheur" d'une
compréhension partagée du développement durable. Cf. les travaux sur la place et le rôle de l’expert
• Une relation réciproque de légitimation entre les partenaires de l'expertise, l'expert et son commanditaire :
le triangle formé
par le groupe d'experts en charge de la validation et de la légitimation des démarches pilotes de mesure de la durabilité, les consultants
et les institutions
régionales, peut être vu comme un «
cadre d’interactions productrices de savoirs
» entre les partenaires de l'expertise
(Massardier, 1996)
MASSARDIER G. (1996), Expertise et aménagement du territoire. L’Etat
savant, L’Harmattan, coll. Logiques Politiques, Paris, 285 p.
III. La mise en évaluation de l’action publique
: complexification ou transparence
?
• Paradoxe de l'aménagement à plusieurs : le partenariat est indispensable, la concertation appelée des vœux de tous, mais l'ouverture au public est quasi‐inexistante.
• L’évaluation démocratique reste largement utopique (au niveau des Politiques Plans et Programmes)
• Rapport du Conseil National de l'Évaluation
de 2002. «
La réalité
de la pratique évaluative développée dans les villes,
départements et régions est bien différente. La publicité
des travaux évaluatifs demeure l'exception, se limitant la plupart du temps au seul
cercle des acteurs concernés par la politique évaluée. Au mieux, les résultats évaluatifs font l'objet d'une publication administrative ou sont ‐
très partiellement‐
repris par la presse régionale et locale. Au pire, l'évaluation se limite à un rapport qui pourra éventuellement servir à la
mémoire administrative.
» (Béhar, Boloquy
& Epstein, 2003 : 10)
BEHAR D., BOLOQUY B. & EPSTEIN R. (2003), «
Évaluation et Pays : les enseignements du Pays‐Basque
», 10 p.
in
CONSEIL NATIONAL DE L'EVALUATION (2003), Une évaluation à l'épreuve de son utilité
sociale, rapport d'activités 2000‐2002, La Documentation
française, Paris, février 2003 [www.acadie‐reflex.org]
III. Évaluer le développement durable : différentes finalités…
• Les dispositifs d’évaluation oscillent, notamment suivant le niveau d’agrégation retenu,
entre :
– l’amélioration interne
des systèmes de conception et de pilotage des politiques, sur un
registre majoritairement technique,
– et la communication vers l'extérieur, dans un but de marketing territorial, avec des visées
davantage politiques.
III. Facteurs d’engagement
• L’intérêt des collectivités à s’engager dans des démarches d’évaluation de leurs politiques au regard du
développement durable, outre les demandes formelles des niveaux supérieures, peut être motivé
:
– par des raisons d’ordre politique
(appropriation de cet enjeu par un groupe d’élus)
;
– par des raisons de conjonctures locales
particulièrement difficiles : situations de crises locales écologiques (effet de serre
et pollution atmosphérique en Île de France, gestion de la ressource en eau en Bretagne…) sociales, économiques (régions
en voie désertification par exemple) ou les trois à la fois (régions en reconversion industrielle par exemple comme le
Nord‐Pas‐de‐Calais).– par des raisons de marketing territorial, la communication
autour du développement durable pouvant alors faire utilement office d’un label avantageux de qualité
des territoires.
III. Différents usages
de l’évaluation
• Évaluations institutionnelles (obligations réglementaires, dynamiques
locales…)
• Évaluations contradictoires et indépendantes (agro‐carburant, OGM, nucléaire, TGV Turin…) interrogent les finalités, ouvrent des débats.
cf. lanceurs d’alerte…
IV. Quelle posture de recherche face à l’évaluation de la durabilité
?
Plusieurs approches possibles :• Il y a des critères objectifs
pour le DD. Une fois ceux‐ci
déterminés, l'exercice d'évaluation est organisé
autour d'eux.
• Il n'y a que des critères subjectifs variables
suivant les différents groupes sociaux. L'évaluation est alors perçue
comme un processus de construction, d’expression et de confrontation des préférences de chacun afin d’établir une
vision partagée et balancée.• Le concept de DD est un jeu de pouvoir technocratique en
lui‐même, et son évaluation est alors perçue comme un exercice d'auto‐légitimation, permettant de renouveler les
aires de pouvoir des différentes institutions, services et sous‐services par des gains de légitimité.
IV. Quelle posture de recherche face à l’évaluation de la durabilité
? (2)
• Si le développement durable «
ne peut prendre corps historiquement qu’à
travers l’action et la réflexion sur
l’action
»
(Jollivet, 2001
: 115), les dispositifs locaux d’évaluation constituent des «
dispositifs d’action
»
concrets (Jollivet, 2001) (de l’ordre tout à la fois de la technique, du règlement, de la procédure et de la
négociation) qui permettent d’analyser la conception du développement durable à l’œuvre « à travers les priorités données à la maîtrise de tels ou tels processus ainsi que du choix de tel ou tel moyen pour atteindre les objectifs visés
»
(Jollivet, 2001
: 16)
JOLLIVET M. (2001), « Le développement durable, notion de recherche et catégorie pour l’action. Canevas pour une problématique hybride », pp.97- 116 in JOLLIVET M. (Ed.) (2001), Le développement durable, de l’utopie au concept, éd. Elsevier, coll. environnement NSS, Paris, 288 p.
JOLLIVET M. (2001), « Introduction », pp.9-18 in JOLLIVET M. (Ed.) (2001), Le développement durable, de l’utopie au concept – De nouveaux chantiers pour la recherche, éditions Elsevier, collection environnement NSS, Paris, 288 p.
IV. Quelle posture de recherche face à l’évaluation de la durabilité
? (3)
• Un des intérêts de l’évaluation peut être : ‐
sa capacité
à
éclairer la conception des politiques
publiques, en renseignant précisément sur le processus de construction d’un référentiel territorial,
‐
et à
révéler implicitement les jeux d’acteurs à l'œuvre.
• L'analyse des dispositifs d'évaluation peut constituer un révélateur
du sens et des objectifs attribués à ces
politiques publiques.
• Intérêt pour le chercheur de mettre à jour le fonctionnement de l’évaluation en tant que processus
social d’apprentissage et d’acculturation.
IV. Pistes pour la recherche Des recherches sur les professionnels du
développement durable…
• Le développement durable offre une "nouvelle idéologie professionnelle", en
fournissant à de nombreux acteurs, experts, évaluateurs, administratifs et politiques une nouvelle légitimité
d’action (opportunisme
institutionnel et bénéfices tactiques).
IV. Quelle posture de recherche pour étudier une problématique hybride à la fois scientifique et politique ?
• La nature spécifique de la problématique du développement durable (double nature entre idéal et réalité
et double
positionnement entre le monde scientifique et le monde de l’action) conduit à
l’aborder à la fois comme un objet et un outil
de recherche
: ‐
objet
en tant que contenu renvoyant à des traductions et des
appropriations
localisées dans l’espace, mais aussi, à n’en pas douter, dans le temps (formes historico‐géographiques),
‐
et outil
en tant que "cadre de référence" permettant de lire les processus
à
l’œuvre, donnant à voir l’action publique, sa
conception comme les formes qu’elle se donne.
Élaboration d’une grille de lecture pour appréhender les caractéristiques critiques des situations régionales étudiées
Points d’observation et clefs de lectures des situations régionales
Organisation des acteurs : capacités de coordination et de coopération horizontale et verticale
Association et participation de la population Sensibilisation, apprentissage et appropriation socio-culturelle Modalités d’appropriation (coopérative, fédérative, compétitive…)
Intégration des relations avec l’extérieur et gestion des interfaces
Définition d’une compréhension régionale propre Adaptation et contribution à l’image régionale
Identification et valorisation de ressources spécifiques
Identification d’enjeux critiques à l’échelle régionale
Déclinaison thématique des préoccupations (environnement, transport, agriculture, entreprise, recherche, formation, etc.)
Création d’outils de mesure et de pilotage
Source : p.208 in BERTRAND F. (2004), Planification et développement durable : vers de nouvelles pratiques d'aménagement régional ? L'exemple de deux Régions françaises, Nord-Pas-de-Calais et Midi-Pyrénées, Thèse de doctorat en Aménagement de l'espace et Urbanisme, sous la direction de Mme LARRUE, Université de Tours
Exemples de représentation des tensions dans la problématique du DD comme lignes de lecture
THEYS J. (1993), L’environnement à la recherche d’une définition, Notes de méthodes n°1, IFEN, Paris, 47 p. PASSET R. & THEYS J. (1995), « Le développement durable pour impératif », pp.7-17
in PASSET R. & THEYS J. (Dir.) (1995), Héritiers du futur – Aménagement du territoire, environnement et développement durable, Datar / Edition de l’Aube, 270 p. Source des tableaux : pp.55 & 39 in BERTRAND F. (2004), Planification et développement durable : vers de nouvelles pratiques d'aménagement régional ? L'exemple de deux Régions françaises, Nord-Pas-de-Calais et Midi-Pyrénées, Thèse de doctorat en Aménagement de l'espace et Urbanisme, sous la direction de Mme LARRUE, Univ. de Tours
IV. Questions de recherche : la mesure du DD
• Comment dégager les poids relatifs entre le local et le global dans les pressions anthropiques sur un espace
? (variabilité
selon les « points de vue
»)
• Où
s’arrête le territoire ? (avec où
sans l’aéroport ? Les touristes ? L’alimentation et l’énergie dans son cycle complet ?... Cf. EE, BC, ACV)
• Quelle temporalités ?
(variabilité
des «
gagnants
»
et «
perdants
» dans le temps…)
• Quelles données pour quelles mesures ? (disponibilité, pérennité…
marqueurs historiques ? Bio‐indicateurs ? Etc.)
• Quelle pondération ?
(nécessité
de choisir choix tôt ou tard)
IV. Questions de recherche : les liens entre développement durable et
changement climatique• Le changement climatique :
– Composant du développement durable ?– Alimente et se renforce mutuellement ?– Occulte et réduit la problématique du DD ?Le CC matérialise le développement durable,
«
driving
force
» du DD, mais modifie aussi profondément les clés de lecture « durables ».
Risque actuel d’une
hégémonie de la mesure du carbone
comme nouvelle unité
quantitative
monofactorielle
(recul par rapport à
certaine avancées cognitives liées au DD, syndrome du lampadaire, analyse coûts/avantages)