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bio-reportage | pratique 15 OptionBio | Lundi 8 février 2010 | n° 430 C’ est en 2001 qu’est apparu sur le marché le premier test de dosage des chaînes légères libres (CLL) 1 , après une confir- mation de l’intérêt validée par la Mayo Clinic, qui avait notamment montré que tous les myélomes à chaînes légères libres étaient dépistés par ce test. Puis, ont été explorés les myélomes non sécré- tants, avec là encore des résultats fort intéres- sants puisque 82 % d’entre eux étaient détectés par le test, alors même que l’électrophorèse des protides et l’immunofixation étaient négatives 2 . En 2004, a été établie une stratification du risque de progression des MGUS (monoclonal gammo- pathy of undetermined significance) distinguant les gammapathies progressant rapidement vers une hémopathie maligne et celles évoluant len- tement ; les CLL trouvaient également leur place comme paramètre discriminant puisqu’un rapport anormal des CLL sériques kappa/lambda (R kl) est un facteur de risque indépendant et impor- tant d’évolution des MGUS en myélome ou autre hémopathie maligne 3,4 . En 2005, paraissait un consensus international sur les amyloses dans lequel était précisé l’intérêt du dosage des CLL 5 . En 2006, les critères de réponse pour l’évalua- tion des traitements du myélome multiple ont été redéfinis : la normalisation du R kl fait désor- mais partie des critères de « réponse complète stringente », associée à une maladie résiduelle extrêmement faible, chez tous les patients atteints de myélome multiple 6 . En 2007, était établie la valeur pronostique des CLL dans le myélome 7,8 . Puis, en 2008 étaient publiées les recommanda- tions de l’IMWG (International Myeloma Working Group), intégrant le dosage des CLL dans la prise en charge des patients atteints de myélome 9 , confirmant l’élimination de la recherche des protéines de Bence-Jones dans l’algorithme du dépistage 10 . En quelques années, les CLL sériques se sont imposées dans le panel des examens biologiques explorant les dyscrasies plasmocytaires, notam- ment le myélome multiple. Largement prescrit par les hématologues, ce dosage intéresse aujourd’hui également les néphrologues : de nouvelles valeurs normales ont été établies chez les patients insuf- fisants rénaux et doivent désormais être utilisées pour optimiser le dépistage des gammapathies monoclonales 11 . Chaînes légères libres : définition Les immunoglobulines sont des glycoprotéines produites par les plasmocytes, présentes dans le sérum, les liquides extravasculaires, les sécré- tions, et douées d’une activité anticorps. Elles sont caractérisées par leur grande hétéro- généité en dépit d’une structure fondamentale commune. Elles sont constituées de deux types de chaînes polypeptidiques associées entre elles par un ou des ponts disulfure : la chaîne lourde, qui définit la classe de l’Ig (A, D, E, G et M) et la chaîne légère de type kappa ou lambda (k ou l). On appelle immunoglobuline monoclonale (Ig mc) le produit de sécrétion qui résulte de l’expansion d’un clone de cellules de la lignée B. Une Ig mc est constituée de deux mêmes chaînes lourdes et de deux mêmes chaînes légères. Parfois, il existe une synthèse accrue de chaînes légères par rapport à la synthèse de chaînes lourdes. L’excès de chaînes légères libres (non liées à des chaînes lourdes) monoclonales constitue la protéine de Bence-Jones. Dans d’autres cas, il peut y avoir une synthèse isolée de chaînes légères libres monoclonales, sans synthèse de chaîne lourde. Les CLL monoclonales sont retrouvées dans le sérum et les urines – lorsque le seuil de réabsorp- tion du rein est dépassé – de patients atteints de pathologies lymphoprolifératives de la lignée B, incluant le myélome multiple. Leur dosage sérique permet notamment d’en faciliter le diagnostic et la surveillance. Dosage des CLL sériques (Test Freelite™ – The Binding Site ® ) Principe du test Grâce à des étapes de tolérisation, l’immunisa- tion de moutons permet l’obtention d’anticorps polyclonaux dirigés contre des molécules kappa et des molécules lambda purifiées à partir d’uri- nes contenant des protéines de Bence-Jones. Les antisérums obtenus sont adsorbés sur des gels de sépharose contenant, soit des protéines Freelite™ : chronologie et dernières mises à jour Le dosage sérique des chaînes légères libres (CLL) connaît de nombreuses applications en hématologie. Il intervient dans la recherche d’une dyscrasie plasmocytaire et la prise en charge des myélomes multiples et celle des amyloses AL. Le dosage des CLL est également effectué pour le diagnostic et le suivi des atteintes rénales du myélome.

Freelite™ : chronologie et dernières mises à jour mise a jour... · Pour la prise en charge de l’amylose AL • Au diagnostic, la sensibilité des tests est pré - ... Rapport

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bio-reportage | pratique

15OptionBio | Lundi 8 février 2010 | n° 430

C’est en 2001 qu’est apparu sur le marché le premier test de dosage des chaînes légères libres (CLL)1, après une confir-

mation de l’intérêt validée par la Mayo Clinic, qui avait notamment montré que tous les myélomes à chaînes légères libres étaient dépistés par ce test. Puis, ont été explorés les myélomes non sécré-tants, avec là encore des résultats fort intéres-sants puisque 82 % d’entre eux étaient détectés par le test, alors même que l’électrophorèse des protides et l’immunofixation étaient négatives2. En 2004, a été établie une stratification du risque de progression des MGUS (monoclonal gammo-pathy of undetermined significance) distinguant les gammapathies progressant rapidement vers une hémopathie maligne et celles évoluant len-tement ; les CLL trouvaient également leur place comme paramètre discriminant puisqu’un rapport anormal des CLL sériques kappa/lambda (R kl) est un facteur de risque indépendant et impor-tant d’évolution des MGUS en myélome ou autre hémopathie maligne3,4.En 2005, paraissait un consensus international sur les amyloses dans lequel était précisé l’intérêt du dosage des CLL5.En 2006, les critères de réponse pour l’évalua-tion des traitements du myélome multiple ont été redéfinis : la normalisation du R kl fait désor-mais partie des critères de « réponse complète stringente », associée à une maladie résiduelle extrêmement faible, chez tous les patients atteints de myélome multiple6. En 2007, était établie la valeur pronostique des CLL dans le myélome7,8. Puis, en 2008 étaient publiées les recommanda-tions de l’IMWG (International Myeloma Working Group), intégrant le dosage des CLL dans la prise en charge des patients atteints de myélome9, confirmant l’élimination de la recherche des protéines de Bence-Jones dans l’algorithme du dépistage10.En quelques années, les CLL sériques se sont imposées dans le panel des examens biologiques explorant les dyscrasies plasmocytaires, notam-ment le myélome multiple. Largement prescrit par

les hématologues, ce dosage intéresse aujourd’hui également les néphrologues : de nouvelles valeurs normales ont été établies chez les patients insuf-fisants rénaux et doivent désormais être utilisées pour optimiser le dépistage des gammapathies monoclonales11.

Chaînes légères libres : définitionLes immunoglobulines sont des glycoprotéines produites par les plasmocytes, présentes dans le sérum, les liquides extravasculaires, les sécré-tions, et douées d’une activité anticorps.Elles sont caractérisées par leur grande hétéro-généité en dépit d’une structure fondamentale commune. Elles sont constituées de deux types de chaînes polypeptidiques associées entre elles par un ou des ponts disulfure : la chaîne lourde, qui définit la classe de l’Ig (A, D, E, G et M) et la chaîne légère de type kappa ou lambda (k ou l).On appelle immunoglobuline monoclonale (Ig mc) le produit de sécrétion qui résulte de l’expansion d’un clone de cellules de la lignée B. Une Ig mc est constituée de deux mêmes chaînes lourdes et de deux mêmes chaînes légères. Parfois, il existe une synthèse accrue de chaînes légères

par rapport à la synthèse de chaînes lourdes. L’excès de chaînes légères libres (non liées à des chaînes lourdes) monoclonales constitue la protéine de Bence-Jones. Dans d’autres cas, il peut y avoir une synthèse isolée de chaînes légères libres monoclonales, sans synthèse de chaîne lourde.Les CLL monoclonales sont retrouvées dans le sérum et les urines – lorsque le seuil de réabsorp-tion du rein est dépassé – de patients atteints de pathologies lymphoprolifératives de la lignée B, incluant le myélome multiple. Leur dosage sérique permet notamment d’en faciliter le diagnostic et la surveillance.

Dosage des CLL sériques (Test Freelite™ – The Binding Site®)Principe du testGrâce à des étapes de tolérisation, l’immunisa-tion de moutons permet l’obtention d’anticorps polyclonaux dirigés contre des molécules kappa et des molécules lambda purifiées à partir d’uri-nes contenant des protéines de Bence-Jones. Les antisérums obtenus sont adsorbés sur des gels de sépharose contenant, soit des protéines

Freelite™ : chronologie et dernières mises à jour

Le dosage sérique des chaînes légères libres (CLL) connaît de nombreuses applications en hématologie. Il intervient dans la recherche d’une dyscrasie plasmocytaire et la prise en charge des myélomes multiples et celle des amyloses AL. Le dosage des CLL est également effectué pour le diagnostic et le suivi des atteintes rénales du myélome.

Rappel sur le métabolisme des chaînes légères libres (CLL) sériques

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monoclonales purifiées IgG, IgA et IgM, soit des chaînes légères libres k ou l.Les antisérums requièrent plusieurs cycles d’ad-sorption et ils doivent répondre à des critères très stricts avant d’être conditionnés en kit.Les valeurs attendues ont été établies sur 292 patients12 (tableau I). Toute anomalie des valeurs peut être interprétée13 (tableau II).

Intérêt du dosage des CLL sériquesPour la recherche d’une dyscrasie plasmocytaire• Toutes dyscrasies plasmocytaires confondues (amyloses AL, myélomes multiples [MM], maladie de Waldenström [MW], MGUS, POEMS, plasmocy-tomes, maladie de dépôt des chaînes légères libres [MDCLL]), le dosage des CLL sériques présente une excellente sensibilité14 (tableau III) : couplé à l’électrophorèse des protéines sériques, il permet de détecter 100 % des pathologies à masse tumo-rale importante (MM, MW).• Sensibilité par pathologiePour le dépistage du myélome multiple et de la maladie de Waldenström, l’électrophorèse (EP) sérique et le R kl ont une excellente sensibilité (100 %) et sont suffisants (figure 1). Les experts s’accordent à dire qu’il n’est plus actuellement utile de réaliser d’emblée une immunofixation ou une recherche de protéine de Bence-Jones, hormis dans certains cas particuliers. L’immunofixation (IFE) sera prescrite en seconde intention pour typer l’Ig mc. Cette démarche, bien qu’optimale pour le dépistage, est, en outre, plus économique.

Pour la prise en charge du myélome multiple• Au diagnostic, le R kl est anormal dans 68 % des myélomes non sécrétants, dans 100 % des myélomes à chaînes légères et dans 96 % des myélomes à Ig intactes. Il est important de l’établir

à T0 (au diagnostic), pour avoir une valeur de base permettant le suivi évolutif de la maladie.• Pour l’évaluation pronostique, le R kl est indé-pendant des facteurs de risque du score de l’ISS (International Staging System) fondé sur l’albumine et la bêta2-microglobuline (b2M). Il a été proposé, pour améliorer la sensibilité pronostique, d’utiliser un score prenant en compte l’albumine (< 35 g/L), la b2M (> 3,5 mg/L) et le R kl < 0,03 ou R kl > 32. L’utilisation de ce score avec 3 paramètres permet d’estimer la médiane de survie15 (tableau IV).

Pour le suivi évolutif du myélome multiple• L’évaluation de la réponse au traitement par le R kl est difficile, car ce rapport peut être faussé ou varier avec l’altération de la fonction rénale. Il est recommandé d’utiliser le taux des CLL et de tenir compte des variations < 90 % ou > 50 % entre deux analyses. Dans le cas des myélomes à chaînes légères, le dosage des CLL ne remplace pas actuellement la protéinurie des 24 heures qui reste nécessaire pour rechercher une atteinte glo-mérulaire6. Il est néanmoins complémentaire et de nombreux cliniciens le prescrivent pour le suivi du patient, après chaque cure de chimiothérapie.

• Pour identifier les rechutes précoces : en cas de suspicion de rechute, il est recommandé de pres-crire un dosage des CLL si l’EP et l’IF sériques sont négatives, car il permet de dépister plus tôt l’appari-tion d’une anomalie ou d’une rechute en CLL exclu-sivement – ce qui semble de plus en plus fréquent avec les nouveaux agents thérapeutiques16.Au total, dans le myélome multiple, le dosage des CLL sériques est devenu indispensable car il est très sensible au diagnostic, et permet l’évaluation pronostique de la maladie.

Pour la prise en charge de l’amylose AL• Au diagnostic, la sensibilité des tests est pré-cisée dans le tableau V14.• Pour le pronostic. Un taux de CLL élevé au diag nostic est corrélé à une diminution de la survie, à une augmentation de la fréquence des atteintes organiques et à une concentration plas-matique de troponine plus élevée.Pour le suivi évolutif et l’évaluation de la réponse à la chimiothérapie : l’évolution du taux de CLL est associée à la survie à 5 ans évaluée à :– 88 % pour les patients ayant un taux de CLL diminué de plus de 50 % ;

Détection parElectrophorèse Sérique + Freelite

100 % 100 % 82 % 98 %89 % 86 %

MM à Ig entière MM à CLLMM

non sécrétants

CLL Kappa

CLL Lambda

Plasmocyte

GM designificationindéterminée(MGUS)

Ig entière

Amylose AL PlasmocytomeSolitaire

Tableau I. CLL sériques : valeurs normalesParamètres CLL k CLL l Rapport kl (R kl)

Normes 3,3 à 19,4 mg/L 5,7 à 26,3 mg/L 0,26 à 1,65

Tableau II. Interprétation des anomalies de valeurs des CCL sériques

Si R kl normal avec augmentation des CLL k et augmentation des CLL l

Augmentation polyclonale ou insuffisance rénale

Si R kl augmenté Présence d’une CLL k monoclonale

Si R kl diminué Présence d’une CLL l monoclonaleTableau III. Sensibilité des analyses toutes pathologies confondues*

Analyses SensibilitéÉlectrophorèse (EP) sérique 79 %

Immunoélectrofixation (IFE) sérique 87 %

Rapport kl (R kl) sérique 74,3 %

EP sérique + IFE sérique 94,3 %

EP sérique + IFE sérique + R kl sérique 97,4 %EP sérique et urinaire+ IFE sérique et urinaire + R kl sérique 98,6 %*Amyloses AL, myélomes multiples, maladie de Waldenström, MGUS, POEMS, plasmocytomes, MDCLL.

Tableau IV. Médiane de survie des patients atteints de MM en fonction des critères de mauvais pronostic

Médiane de surviePatient avec 0 facteur de mauvais pronostic 51 mois

Patient avec 1 facteur de mauvais pronostic 39 mois

Patient avec 2 facteurs de mauvais pronostic 30 mois

Patient avec 3 facteurs de mauvais pronostic 22 mois

Figure 1. Pourcentage de détection par électrophorèse sérique + Freelite™. |

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17OptionBio | Lundi 8 février 2010 | n° 430

Chaîne Légère Libre kappa (mg/L)

chaîne

Légère

Librelambd

a(m

g/L)

0.1 1,000100.1

1,000

10

GammapathieMonoclonale à

GammapathieMonoclonale à

Patients sansGammapthie monoclonale

Hutchison BMC Nephrology 2008

Rapport / chez les Insuffisants Rénaux

Ratio normal /0.26 – 1.65

Ratio normal / pour IR0.37 – 3.10

Ratio normal / pour IR0.37 – 3.10

– 39 % pour les patients ayant un taux de CLL diminué de moins de 50 % (p < 0,0001)17.Le dosage des CLL sériques est recommandé au niveau international dans cette indication pour le diagnostic et le suivi9.

Dans les MGUSDans les MGUS (gammapathies monoclonales de signification indéterminée), il faut prendre en compte l’isotype du composant monoclonal, son taux, et le rapport kl. La surveillance des MGUS peut ainsi être adaptée en fonction du risque de progression. L’étude réalisée à la Mayo Clinic montre que près de 50 % des patients peuvent être rassurés18.

Dans les myélomes multiples asymptomatiquesLe R kl est anormal chez 90 % des patients. Le risque relatif de progression vers un myélome symptomatique est de 2,3 si le R kl est < 0,125 ou > 8, alors qu’il est de 1 si le R kl est compris entre 0,125 et 8.Le modèle prédictif pour cette pathologie com-prend donc le taux du composant monoclonal (seuil 30 g/L), la plasmocytose médullaire (seuil 10 %) et le R kl (seuils 0,125 et 8)9.

Dans le plasmocytome osseux solitaireLe R kl est anormal au diagnostic chez 47 % des patients. Le risque d’évolution vers un myé-lome multiple est de 44 % si le R kl est anor-mal au diagnostic versus 26 % s’il est normal au diagnostic.

Recommandations d’utilisation du dosage des CLL en pratique cliniqueLe groupe international du myélome multiple a émis quelques réserves quant à ce dosage en raison des limites techniques, puisqu’un excès d’antigène peut conduire à une sous-évaluation du taux de CLL par néphélémétrie et que la poly-mérisation des CLL peut engendrer une suresti-mation du taux des CLL. Toutefois, l’intérêt de ce

dosage est unanimement reconnu par les experts internationaux en raison notamment, de sa grande sensibilité. Bien entendu, il doit être interprété en tenant compte de la clinique et des autres mar-queurs biologiques (albuminémie, bêta2-microglo-buline, etc.).

Dans la recherche d’une dyscrasie plasmocytaireLes recommandations pour le diagnostic sont de combiner une EP et une IF sériques avec le dosage des CLL en tenant compte de la fonc-tion rénale. Les explorations urinaires (EP et IF urinaires) ne sont pas nécessaires. En France, de nombreux experts préconisent une EP et un dosage des CLL sériques au diagnostic de myé-lome, puis une IF en deuxième intention, pour typer l’Ig mc14.Lorsqu’une dyscrasie plasmocytaire est diagnosti-quée, les explorations urinaires (EP et IF urinaires) doivent être effectuées.

Dosage des CLL à visée pronostiquePour l’établissement du pronostic, le dosage des CLL sériques est recommandé au diagnostic du myélome et de l’amylose AL (T0). Il peut être réalisé en cas de MGUS, de myélome multiple

asymptomatique ou de plasmocytome osseux solitaire9.Pour le suivi évolutif et l’évaluation de la réponse au traitement, le Groupe international du myé-lome fixe comme objectif, chez les patients ayant au diagnostic un myélome peu ou pas sécrétant, une immunoglobuline monoclonale sérique inférieure à 10 g/L ou une protéinurie inférieure à 200 mg/24 heures. Le R kl est utilisé pour rechercher les critères de rémission complète stricte (en raison de sa meilleure sensibilité à détecter la maladie résiduelle).Dans l’amylose AL, le dosage des CLL est recom-mandé pour le suivi des patients5.Au total, les connaissances et les applications du dosage des CLL sériques ne cessent d’évoluer, imposant d’adapter les recommandations pour que le test Freelite™ soit utilisé à bon escient et qu’après prescription, son interprétation soit optimisée.

Intérêt du dosage des CLL dans la prise en charge des atteintes rénales du myélomeDe nouvelles normes du R kl ont été établies pour les patients ayant une insuffisance rénale (tableau VI). Le R kl permet ainsi de diagnostiquer

Tableau V. Sensibilité des tests dans l’amylose ALSensibilité

EP sérique 65,9 %

IFE sérique 73,8 %

Taux de CLL 88,3 %

EP sérique + taux de CLL 96,2 %EP sérique + IFE sérique + taux de CLL 97,1 %EP sérique + EP urinaire + IFE sérique + IFE urinaire + taux de CLL 98,1 %

Tableau VI. Spécificité de détection pour les patients avec insuffisance rénale suivant les normes utilisées

Pathologies Normes R kl SpécificitéSans insuffisance rénale 0,26-1,65 93 %

Avec insuffisance rénale 0,3-3,1 99 %

Figure 2. Rapport | k/l chez les insuffisants rénaux

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18 OptionBio | Lundi 8 février 2010 | n° 430

aisément un myélome y compris en cas d’insuffi-sance rénale11(figure 2).Les CLL sont responsables de l’atteinte rénale du myélome multiple : 40 % des patients ont une insuffisance rénale au moment du diagnostic, qui peut être réversible ; 10 % vont nécessiter une dialyse.Les causes de l’atteinte rénale du myélome mul-tiple sont, d’une part, la tubulopathie myéloma-teuse, liée à la présence de CLL dans les urines : la réabsorption tubulaire proximale des CLL entraîne un stress oxydatif qui induit une cascade de signa-lisation avec production d’agents chimiotactiques et de protéines pro-inflammatoires, cette réaction favorisant l’apparition de lésions fibreuses inters-titielles. D’autre part, les CLL co-précipitent avec la protéine de Tamm-Horsfall, ce qui concourt à la formation de cylindres dans les tubules distaux entraînant une obstruction. Cette co-précipitation est influencée par des facteurs parfois réversibles (hydratation, concentration des deux protéines du score de l’ISS...).L’atteinte rénale est un facteur de mauvais pronos-tic au cours des désordres lymphoplasmocytaires : une insuffisance rénale au diagnostic du myélome diminue significativement la médiane de survie et est associée à une moins bonne réponse au traitement. La récupération de la fonction rénale

augmente significativement la médiane de survie d’un patient atteint de myélome.

De la chaîne légère à la toxicité rénaleLa diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG) entraîne une augmentation des CLL séri-ques k et l par le biais de l’augmentation de leur demi-vie jusqu’à 2 à 3 jours.• Chez les sujets à fonction rénale normale, les CLL k sont produites 2 fois plus, mais leur élimination est environ 3 fois plus rapide que celle des CLL l. De fait, le ratio R kl est de 2/3 environ, soit 0,66.• Chez les patients à fonction rénale altérée, l’augmentation des CCL k est plus importante car leur élimination est moindre. De fait, le ratio R kl augmente au-delà de 1 (valeurs moyennes de l’ordre de 1,8).

Retentissement de la fonction rénale sur le taux de CLLAspect quantitatifLes CLL sériques s’accumulent dès que le DFG s’abaisse au-dessous de 60 mL/min et elles augmentent de façon exponentielle au fur et à mesure que se dégrade la fonction rénale. Cette accumulation des CLL est corrélée avec la créa-tinine et la clairance de la créatinine estimée par la formule de Cockcroft ou le MDRD. Toutefois,

la corrélation la meilleure est observée entre le taux de CLL et la fonction rénale estimée par la cystatine C.Quel que soit l’âge, l’augmentation des CLL reste liée à la dégradation de la fonction rénale.

Aspect qualitatifIl y a perte de la clairance sélective des CLL k. De fait, le ratio kl augmente avec la dégra-dation de la fonction rénale. C’est pourquoi la valeur “normale” du R kl voisine de 0,66 chez les sujets à fonction rénale normale n’est pas valable pour le diagnostic de myélome chez les sujets à fonction rénale altérée (risque de faux positifs). Il convient alors d’utiliser les valeurs adaptées pour l’insuffisance rénale chronique (0,3 à 3,3 ; moyenne = 1,8, voir tableau VI), qui améliorent la spécificité sans perte de sensibilité du test lors du dépistage du myélome multiple.

Exploration des chaînes légères libres en transplantationLa prévalence des gammapathies est d’environ 13 % chez les transplantés rénaux : 50 % sont des gammapathies monoclonales y compris des MGUS, dont 60 à 80 % à IgG k20.Par ailleurs, la prévalence des syndromes lympho-prolifératifs post-transplantation est de 1,18 %, celle des myélomes de 0,24 % et la survie à 10 ans n’est que de 26 %21.La connaissance de la fonction rénale est indis-pensable à l’interprétation des CLL tant aux plans qualitatif que quantitatif21.

Comment apprécier la fonction rénale dans le cadre d’un syndrome plasmocytaire ?Ceci est d’autant plus difficile qu’il s’agit de sujets souvent âgés, en hypercatabolisme. La créatinine est souvent utilisée : certes, elle reflète la fonction rénale, mais sa valeur dépend aussi de facteurs extrarénaux, en particulier de la masse muscu-laire, d’une éventuelle inflammation, des apports alimentaires...

La cystatine C est-elle un marqueur alternatif ?La cystatine C est une protéine non glycosylée, inhibiteur de protéases (PM = 13 250 Da). Elle est produite par toutes les cellules nucléées de l’organisme à un débit constant (après 3 mois de vie) et est librement filtrée par le glomérule rénal. Elle est ensuite réabsorbée et cataboli-sée par les cellules tubulaires proximales. Sa concentration sérique (de 0,50 à 0,98 mg/L) ne

L’épuration des CLL est-elle possible ?

Bibliographie

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19OptionBio | Lundi 8 février 2010 | n° 430

dépend que du DFG ; contrairement à la créati-nine, elle n’est pas influencée par le sexe, l’âge entre 3 mois et 70 ans (avant 3 mois, elle est plus élevée ; après 70 ans, elle augmente avec le déclin du DFG), la masse musculaire ou le régime alimentaire.De fait, elle s’avère un marqueur intéressant pour évaluer la fonction rénale, notamment chez les patients ayant un syndrome plasmocytaire.Toutefois, elle a aussi des limites22-24. En effet, elle varie en fonction de facteurs extrarénaux : âge au-delà de 70 ans, prise de stéroïdes à forte dose, dysthyroïdie, inflammation... et la question de la standardisation des dosages n’est pas com-plètement résolue.

Le taux de cystatine C est-il lié à la fonction rénale ou à l’activité du myélome ?Chez les patients ayant un myélome, l’expression du gène codant la cystatine C est multipliée par 5025. Il existe donc une sécrétion de cystatine C liée à la masse plasmocytaire. Sa concentra-tion sérique est-elle liée à la fonction rénale ou à l’activité du myélome ? Cette question reste débattue. Toutefois, la cystatine C est corrélée à la créatinine et est certainement un bon marqueur de filtration glomérulaire dans le myélome.

La cystatine C : une aide au pronostic du myélome ?Nous savons que la dégradation de la fonction rénale (et donc l’augmentation de la cystatine C)

est un facteur de mauvais pronostic du myélome. De plus, une valeur élevée de cystatine C est aussi un facteur péjoratif sur la survie, comme la b2M, la clairance de la créatinine, l’albumine ou la LDH. Mais en analyse multivariée, les seuls facteurs influençant de manière négative la survie restent la cystatine C et les LDH26.Au total, pour apprécier la fonction rénale au cours des désordres plasmocytaires, la cystatine C est utile car elle est bien corrélée à la dégradation du DFG et aux lésions osseuses dans le myélome.Elle apparaît donc comme prometteuse, au diag-nostic, pour évaluer la fonction rénale et elle est un marqueur pronostique.

Un nouveau test biologique (Test Hevylite™ – The Binding Site®)Sachant que les Ig intactes ont des épitopes uniques dans la région de jonction entre les

régions constantes des chaînes lourdes et légè-res, l’idée princeps du test Hevylite™ (figure 3)est de mesurer chacune des classes d’Ig en tenant compte de la CLL : IgG k, IgG l, IgA k, IgA l, IgM k, IgM l. Ainsi, les immunoglobu-lines sont mesurées par paires kappa/lambda pour obtenir un ratio Igk/Igl. De fait, ce test serait utile pour quantifier le pic monoclonal. Des études sont actuellement en cours pour préciser son intérêt dans la prise en charge des patients atteints de myélome27. |

Carole Émile

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

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Bibliographie

NOUVEAU TEST : HevyliteTM

Épitope cible

IgG IgG IgA IgA IgM IgM

disponibledébut 2010 début 2010

Figure 3. Nouveau test : Hevylite™. |

SourceCommunications de C. Cognot, L. Patrier et JP Cristol, lors d’un atelier parrainé par The Binding Site, lors du 38e CNBH, Montpellier, octobre 2009.