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  • MOOC Philosophie et mode de vie : De Socrate P. Hadot et M. Foucault. Sance 3 : Le Cynisme, une voie anti-philosophique ? , par O. RENAUT

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    TEXTES CITES

    1. DIOGENE LARCE, Vies et doctrines des philosophes illustres, dit par Marie-Odile

    GOULET-CAZ, Librairie gnrale franaise, 1999 (ci-aprs DL) VI, 13. Il (Antisthne) discourait au gymnase de Cynosarges, non loin des Portes. Do vient, selon certains, lorigine du nom de lcole cynique. Lui-mme avait pour surnom Vrai Chien . Il fut le premier plier en deux son manteau lim, ce que dit Diocls, et ctait l son unique vtement. Il prit aussi un bton et une besace.

    2. DL VI, 24. [Diogne] savait aussi fort bien manifester envers autrui de larrogance.

    Lcole () dEuclide, il lappelait bile () ; le cours () de Platon perte de temps () ; les concours en lhonneur de Dionysos, il les appelait des grands spectacles pour les fous , et les dmagogues des valets de la populace .

    3. DL VI, 54. Comme on avait demand ( Platon) : Selon toi, quelle sorte dhomme

    est Diogne ? , il rpondit : Un Socrate devenu fou .

    4. DL VI 69. Il avait lhabitude de tout faire en public, aussi bien les uvres de Dmter que celles dAphrodite, et il formulait des raisonnements par interrogation du style : Sil ny a rien de dplac djeuner, il ny a rien de dplac non plus le faire sur la place publique. Or, djeuner nest pas dplac, dont il nest pas dplac non plus de djeuner sur la place publique. Il se masturbait constamment en public et disait : ah ! Si seulement en se frottant aussi le ventre, on pouvait calmer sa faim ! .

    5. Philodme, Sur les stociens, 7. (PHerc. 155 e 339)

    (7) Maintenant ajoutons au dossier les belles thories de ces hommes, de faon perdre le moins de temps possible avec leurs penses. Eh bien donc, il plat ces saints personnages-l de revtir la vie des chiens ; dutiliser ouvertement tous les mots sans les dulcorer ; de se masturber en public ; de revtir un manteau double ; dabuser des mles qui seraient pris et de violenter ceux qui ne sabandonneraient pas avec joie leurs avances () que les enfants soient communs tous () sil use de violence ; davoir commerce avec leurs propres surs, leurs mres, les membres de leur famille, et mme leurs frres et leurs fils ; de ne reculer devant rien pour parvenir la relation sexuelle, pas mme sil faut recourir la force ; que les femmes assaillent les hommes et ensuite les sduisent avec art afin quils sunissent elles et, si elles ne trouvent personne, quelles se rendent sur la place publique auprs des gens disposs offrir leurs services ; quon y ait des rapports avec tous et toutes, au hasard des rencontres ; que les hommes maris aient des rapports avec leurs propres servantes ; que les pouses partent avec les personnes de leur choix en abandonnant leurs maris ; que les femmes revtent le mme costume que les hommes et partagent les mmes occupations et ceci compltement, sans quil soit une seule fois fait de diffrence ; en outre, quant la course et aux exercices du corps () quelles soient nues, se dvtant entirement devant tout le monde et sexerant en compagnie des hommes sans rien dissimuler ()

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    6. DL, VI, 72 Il se gaussait de la noblesse de naissance, de la gloire et de toutes les choses du mme ordre, les traitant de parures du vice . La seule vraie citoyennet est celle qui sexerce dans lunivers.

    7. Lettres XXX. (Les cyniques grecs, lettres de Diogne et Crats, trad. G. ROMBI et D.

    DELEULE, Paris, Actes sud, Babel, 1998.). Arriv Athnes, mon pre, et apprenant que le disciple de Socrate enseignait le bonheur, je me rendis chez lui. Il tait alors en train de sexpliquer sur les voies qui y mnent, et il disait quil y en avait deux et pas davantage, lune courte et lautre longue : il tait donc loisible chacun demprunter celle quil voulait. ces mots, je gardai le silence ; mais le lendemain, quand nous fmes revenus chez lui, je lui demandai de nous donner des claircissements sur ces deux voies, et lui, promptement lev, nous mena la ville et, en la traversant, tout droit lacropole. Quand nous en fmes proches, il nous montre deux chemins qui y montent, lun court, escarp, difficile, lautre long, peu inclin et facile. Voici, dit-il au mme instant, les chemins qui mnent lacropole, et ceux du bonheur leur ressemblent ; choisissez chacun celui que vous voulez, et cest moi qui vous servirai de guide . Alors les autres, terrifis par la difficult et laspect escarp du chemin, savourent vaincus et linvitrent nous conduire par celui qui tait long et en pente douce, tandis que moi, qui suis au-dessus des difficults, je lui demandai le chemin abrupt et difficile : en effet, qui aspire ardemment au bonheur doit marcher mme travers du feu ou des pes .

    8. DL VI, 31 : Ces enfants retenaient par cur maints passages de potes, de prosateurs

    et des ouvrages de Diogne lui-mme ; il les faisait sexercer tout procd permettant de se souvenir vite et bien. A la maison, il leur apprenait se servir eux-mmes, prendre une nourriture fugale et boire de leau ; son instigation, ils avaient les cheveux tondus au ras de la tte, ils allaient sans coquetterie, sans tunique, pieds nus et gardant le silence, marchant les yeux baisss dans la rue. Il les emmenait galement la chasse.

    9. DL VI, 61 : Alors quil djeunait sur la place publique, les gens qui faisaient cercle

    autour de lui narrtaient pas de lui dire : Chien . Mais lui rtorquait : Cest vous qui tes des chiens, puisque vous faites cercle autour de moi pendant que je mange .

    10. DL VI, 38 : Alors quil prenait le soleil au Cranion, Alexandre survint qui lui

    dit Demande-moi ce que tu veux . Et lui de dire : Cesse de me faire de lombre rpliqua Diogne.

    11. DL VI, 70-72. [70] Lascse, disait Diogne, est double, lascse psychique dune

    part, et dautre part cette ascse corporelle, au cours de laquelle des reprsentations, qui se produisent dans un exercice constant, donnent de la facilit pour les uvres de la vertu. Mais lune est incomplte sans lautre, car vigueur et force sont au nombre des qualits quil convient de rechercher tout autant pour le corps que pour lme. Et il avanait des preuves de ce quil est facile partir de lexercice de stablir dans la vertu : il voyait en effet, que, dans les arts manuels et les autres, les artisans possdent, grce la pratique, une habilet manuelle hors du commun, combien aussi les joueurs de flte et les athltes, grce au labeur appropri et constant, excellent dans leur domaine respectif, et comment, sils avaient report leur ascse aussi sur leur me, la peine quils prennent ne serait ni inutile ni incomplte.

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    [71] Rien, absolument rien, disait-il, ne russit dans la vie sans ascse ; celle-ci est capable, en revanche, de triompher de tout. Par consquent, alors quils devraient vivre heureux en ayant choisi, au lieu des labeurs inutiles ceux qui sont conformes la nature, les gens, cause de leur folie, sont malheureux. Et de fait, du plaisir lui-mme le mpris est des plus doux, condition de sy tre exerc au pralable. Tout comme les gens qui se sont accoutums une vie de plaisir trouvent dplaisant de passer au style de vie oppos, de mme ceux qui se sont exercs au style de vie oppos, prouvent mpriser les plaisirs un plaisir plus grand que ces plaisirs eux-mmes. Tel tait le langage que tenait Diogne et de toute vidence, il y conformait ses actes, falsifiant rellement la monnaie, naccordant point du tout la mme valeur aux prescriptions de la loi qu celles de la nature, disant quil menait prcisment le mme genre de vie quHracls, en mettant la libert au-dessus de tout.

    12. FOUCAULT, M., Le Courage de la vrit. Le gouvernement de soi et des autres II.

    Cours au Collge de France, 1984, Paris, Le Seuil, 1999. ct de cela, le cynisme et aussi, il faut le dire, jusqu un certain point lpicurisme a pratiqu ce quon pourrait appeler non pas une traditionalit de doctrine, mais une traditionalit dexistence. Et la traditionalit dexistence se fixe pour objectif, non pas de ractualiser un noyau de pense primitif, mais de remmorer des lments et des pisodes de vies de la vie de quelquun qui a exist rellement ou qui a exist mythiquement sans que cela ait au fond aucune importance , lments et pisodes quil sagit maintenant dimiter, auxquels il faut redonner existence, non parce quils auraient t oublis comme dans la traditionalit doctrinale, mais parce que nous ne serions plus, maintenant, aujourdhui, la hauteur de ces exemples, parce quune dchance, un affaiblissement, une dcadence ont fait perdre la possibilit den faire autant. Disons, dune faon schmatique, que la traditionalit doctrinale permet de maintenir ou de retenir un sens par-del loubli. La traditionalit dexistence permet, en revanche, de restituer la force dune conduite par-del un affaiblissement moral. (p. 194).

    13. Ibid., Avec le cynisme, on a une troisime forme de courage de la vrit, distincte de

    la bravoure politique, distincte aussi de lironie socratique. Le courage cynique de la vrit consiste en ceci que lon arrive faire condamner, rejeter, mpriser, insulter par les gens la manifestation mme de ce quils admettent ou prtendent admettre au niveau des principes. Il sagit daffronter leur colre en leur donnant limage de ce que, tout la fois, ils admettent et valorisent en pense, et rejettent et mprisent dans leur vie mme. Cest cela le scandale cynique. Aprs la bravoure politique, aprs lironie socratique, on aurait, si vous voulez, le scandale cynique. Dans les deux premiers cas, le courage de la vrit consiste risquer sa vie en disant la vrit, risquer sa vie pour dire la vrit, risquer sa vie parce quon la dit. Dans le cas du scandale cynique cest l ce qui me parat important et mrite dtre retenu, isol on risque sa vie, non pas simplement en disant la vrit, pour la dire, mais par la manire mme dont on vit. Dans tous les sens du mot franais, on expose sa vie. Cest--dire quon la montre et on la risque. On la risque en la montrant, et cest par ce quon la montre quon la risque. On expose sa vie, non pas par ses discours, mais par sa vie elle-mme. (p. 215-216).