Gauthier Mesure Du Chaos

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1 La mesure du chaosYvon Gauthier

0. Introduction

L'un des objets priviligis de la science contemporaine se nomme chaos. Si la mode s'en est empare rcemment, il y a longtemps que la philosophie et la science en ont fait un thme important, quand ce n'est pas une thse ou un thorme original. La question du dterminisme s'y trouve circonscrite et sa solution pourrait se rsumer en une formule: c'est le chaos qui est dterministe et le dsordre le destin le plus probable d'un monde ordonn. Sous le paradoxe de la formule se profile pourtant une science, celle des systmes dynamiques ou systmes physiques volution temporelle et c'est cette science qui me servira de point de dpart.

La thorie des systmes dynamiques est ne de la mcanique statistique de l'quilibre - la thorie du non-quilibre n'existe encore que dans les voeux pieux ou philosophiques. La mcanique statistique de Boltzmann et Gibbs est

essentiellement une thorie de la mesure de la chaleur; ce phnomne qui semblait chapper la physique classique, c'est--dire la mcanique

newtonienne, avait une science lui tout seul, la thermodynamique. Le concept d'entropie, la seconde loi de la thermodynamique, avait t conu pour mesurer la perte de chaleur, un processus irrversible. On a bien voulu, avec le concept d'entropie ngative ou ngentropie, remonter le cours de l'entropie dans les systmes biologiques, mais le concept est demeur mtaphorique. Remarquons que l'irrversibilit n'est pas lie ici une quelconque flche du temps. La mcanique statistique qui est une science atomique ne comporte que des

2processus symtriques. L'entropie crot dans certains systmes et c'est une mesure du dsordre, puisqu'il y a dperdition d'nergie. On a une premire mesure de l'entropie

S S = k log W

pour

W le nombre de complexions ou configurations atomiques probables du k la constante universelle de Boltzmann pour un gaz. Dj la

systme et

probabilit fait son entre et on connat le sort que la thorie de l'information de Shannon rservait l'entropie devenue quantit de l'information

I = k log Mo

M est le nombre de messages probables (en termes de bits). Un autre

paradoxe apparent surgit ici: si l'tat d'quilibre thermodynamique, l'tat le plus probable, est le dsordre, l'tat le plus probable de l'information est le bruit.

Revenons la thermodynamique. Le rapport de l'nergie

E l'entropie

est la loi fondamentale de la thermodynamique qu'on crit simplement

T=

1 E k S

et cette formule dfinit la temprature absolue

T . La temprature absolue (273,15

degrs Kelvin 0,01 degrs Celsius) est un concept exact qui couvre aussi bien les gaz parfaits que les trous noirs qui sont troublants de rayonnement magntique - parce qu'ils sont brlants de temprature!

Ce qui s'est insinu dans la mcanique statistique et la thorie des systmes dynamiques, c'est la notion de probabilit objective. Hasard est le nom qu'on donne cette probabilit, il vient d'un mot arabe signifiant coup de ds. Quand Mallarm crit Jamais un coup de ds n'abolira le hasard

3il sait sans doute qu'un coup de ds ne peut qu'accrotre le hasard, mais il ignore peut-tre que la somme de tous les coups de ds l'puise dans sa limite: "aussi loin qu'un endroit fusionne avec au-del" [19].

La

premire

thorie

mathmatique

des

probabilits

est

fonde

essentiellement sur la loi des grands nombres (ou thorme de Bernoulli) qui est en ralit une loi des moyennes ou des frquences pour des variables alatoires

yn = ( x1 +... + xn ) nLa probabilit pour un vnement la proportion

A dans n essais ou preuves est comparable

m n d'occurrences n de A . on a alorsn

lim

Pr( m n p < ) = 1 .

Le thorme de Tchebitcheff reprend cette notion du point de vue de la statistique: si

fi est la moyenne d'un chantillon ai alatoire de i items dans une

population donne, la probabilit que la moyenne de l'chantillon diverge de la moyenne de la population par plus de

(pour tout ) tend vers zro quand la

taille des chantillons tend vers l'infini. La notion de dviation standard est donne par

=pour des variables alatoires

(xi=1

n

1

x) n

x et x la moyenne (la variance est 2 ). L'ide de

moyenne est primordiale et on peut se rendre jusqu'au thorme de la limite centrale qui dit qu'une somme de variables alatoires indpendantes s'approche d'une distribution normale quand

xi =1

n

i

n tend vers l'infini, la distribution(ou densit) normale

normale correspondant la fonction de frquence reprsente concrtement par la courbe de Gauss+

f ( x ) dx = 1.

4C'est donc le concept de moyenne ou de frquence qui est au coeur de la thorie des probabilits. Dans ce contexte, l'esprance est mathmatique et s'exprime simplement par

(x) = x =

+

xf (x)dx a

Encore ici on peut remplacer la limite infinie par un entier non standard qui est "a peu prs" gal probabilits. 1. Thorie ergodique

pour obtenir une version finitaire de la thorie des

Comment nommer la science du chaos, chaologie, chaotique ou quoi encore? Si l'on pense que

cavo" signifiait pour les Grecs l'espace entre le ciel et

la terre, on pourrait proposer chaomtrie entre cosmomtrie et gomtrie et si l'on voulait pousser plus loin l'analogie, on pourrait qualifier la gomtrie de science du circulaire, la cosmomtrie de science de l'elliptique et la chaomtrie de science de l'hyperbolique, entendant par hyperbolique la figure gnrale du dsordre, par elliptique celle de la quasi-priodicit et par circulaire, la science des figures parfaites ou idales. C'est pour avoir confondu les deux ordres du circulaire et de l'elliptique que les Grecs n'ont pu concevoir la thorie du chaos. L'ellipse apparat bien sr dans les sections coniques et est connue dj chez les lves de Platon, mais Aristote ne l'utilise pas. Pour Platon, le modle reste celui de la sphre "armillaire" de cercles concentriques. C'est la

cwvra, le lieu , l'espace cwvra

qui est la matrice du monde, la nourrice du devenir (Time, 49 a). Mais la

ne peut tre apprhende directement, on l'aperoit comme dans un rve (Time 52 b)1. Il n'est pas faux d'imaginer la chaomtrie comme l'analyse de ce rve. C'est en effet la mcanique cleste, avec la thorie de la turbulence, qui est l'origine de la thorie contemporaine du chaos comme des thories de la quasipriodicit des orbites et la classification priodique, quasi-priodique et

5apriodique (ou non priodique) caractrise assez justement la famille trinitaire circulaire, elliptique et hyperbolique que nous avons dfinie plus haut.

On le voit l'vidence, le concept central est ici celui de trajectoire (= priode) et les modifications qu'on a d lui apporter expliquent en grande partie l'volution de la thorie des systmes dynamiques. Un systme dynamique temps continu, par exemple, est un flot (champ de vecteurs) dfini par une famille de transformations diffrentiables f, i.e. diffomorphismes qui ont la proprit d'un groupe additif

f s +t = f s o f to

s et t sont des temps distincts. Un flot godsique sur une varit

riemannienne V reprsente le mouvement sans friction d'une masse ponctuelle sur l'ensemble des points du fibr tangent (ensemble des directions - vecteurs sur ces points); ces points sont ceux d'un plan hyperbolique -x x

disjoints du cercle unitaire (z : |z| = 1)2. Ainsi, pour une varit riemannienne V courbure ngative (tudie par Hadamard) on a un flot d'Ansonov. Les trajectoires sont des orbites dans le cas des phnomnes priodiques et la mcanique cleste a pour objet, entre autres, la dtermination des orbites des plantes dont Kepler a donn les premires lois. Newton, Lagrange, Laplace, Le Verrier ont t proccups par le problme de la stabilit du systme solaire, mais c'est Poincar qui montrera que le problme des trois corps (e.g. Soleil Terre- Lune) n'a pas de solutions analytiques exactes (convergentes) en vertu

6des petits diviseurs de Le Verrier, mais le thorme de KAM (pour Kolmogorov, Arnold et Moser) trouve des solutions quasi-priodiques pour les petites

perturbations des conditions initiales et sur cette lance, Arnold a rsolu le problme des trois corps et l'a gnralis au cas de n corps en 1963. Les petites perturbations suffisaient pourtant rendre le systme hyperbolique

(chaotique) mais les termes temporels (ou "ingalits sculaires" d'aprs le terme de Laplace) ont un effet extrmement long, de sorte qu'on ne peut craindre court terme (quelques milliards d'annes, ramenes quelques 100 millions d'annes) que la course excentrique de la Terre ne nous ramne en son foyer elliptique, le Soleil. Ce n'est pas l'histoire du chaos que je veux faire dans les pages qui suivent, mais plutt essayer de dfinir la logique interne de la chaomtrie. L'histoire rcente du chaos passe par la mcanique statistique (ou

thermodynamique) (cf. [13]) et la thorie ergodique et, aussi bien, par la thorie (topologique) de la mesure et la thorie des probabilits. Avant de tirer des conclusions pistmologiques et de prendre la mesure de la thorie du chaos, nous reviendrons sur quelques exemples historiques pour interroger la

dialectique entrecroise de l'ordre et du dsordre dans le discours scientifique sans pour autant nous attarder au dbat philosophique sur le dterminisme, ou la croissance de la complexit, qui dans sa dsutude nous apparat plutt strile3.

Le thorme ergodique dit, en premire approximation, que la moyenne temporelle (le long d'une trajectoire) est en gnral gale la moyenne spatiale sur l'ensemble de la trajectoire; il s'agit ici d'une moyenne d'observations statistiques (sur des ensembles de points). Pour les systmes dynamiques

classique ou conservatifs, par oppos au systmes dissipatifs, la moyenne

7temporelle est dfinie sur l'espace de phase, i.e. sur l'ensemble de tous les tats possibles du systme physiqueT

1 T

0

f (x s ) ds

o x est la position d'un point, ou micro-tat, l'instant s et cette moyenne a une limite quand on laisse le temps T tendre l'infini T Cette moyenne vaut pour les systmes stationnaires ou non ergodiques. Si l'on suppose que notre microtat est dcrit par coordonnes gnralises de position et de vitesse d'une masse ponctuelle dans un systme mcanique (hamiltonien) 4 , l'nergie totale d'un systme hamiltonien est un invariant, i.e. est une constante. Les moyennes temporelles sont un autre invariant des systmes stationnaires. Un systme ergodique est un systme instable, o il y a mlange (interaction) des

composantes du systme; le systme doit parcourir toutes les trajectoires de son espace. La gnralisation du thorme ergodique va permettre d'obtenir avec Birkhoff (1931) l'ensemble des invariantsn n1

lim

1 n

( f x)k k=0

pour une fonctionnelle intgrable et f

une application mesurable. Une pas de

mesure de probabilit invariante est dite ergodique si elle n'a dcomposition triviale

= 1 + (1 )2pour

0 ou 1 et 1 2

5.

Ce n'est pas seulement une thorie des invariants dynamiques, mais la naissance du chaos dterministe qu'on doit la thorie de la mesure. En effet, la thorie gnrale des systmes dynamiques englobe aussi bien des systmes dterministes que des systmes probabilistes, puisque les donnes (X, m, ) d'un espace (topologique) X, d'une mesure m sur cet espace et une transformation qui prserve la mesure suffit pour dfinir un vaste ensemble de systmes

8isomorphes. Le thorme ergodique implique que l'on puisse dcomposer une mesure de probabilit invariante en sous-ensembles, dont certains sont

ngligeables (de mesure ou probabilit nulle) et la dcomposition spectrale permet de passer des ensembles aux espaces fonctionnels, par exemple, l'espace de Banach. Ainsi, la dcomposition spectrale de Smale6 fournit une mesure finie - union finie de sous-ensembles disjoints - pour le flot godsique dfini plus haut; par le thorme ergodique, on montre que ce flot est ergodique7. De mme, le thorme de rcurrence de Poincar stipule que l'tat futur d'un systme mcanique isol reviendra arbitrairement prs de son tat initial quelques tats initiaux prs (de mesure ou probabilit nulle).

Il faut noter que le thorme ergodique est en ralit une hypothse physique et qu'il relve de l'appareil analytique. L'approche topologique

reprsente une thorie de la mesure idale, ce qui ne signifie pas qu'elle ne soit pas constructivisable en bonne mesure 8, comme l'est la thorie des

probabilits 9. Mais au-del ou en de de cette constructivisation, l'application aux systmes dynamiques octroie la thorie un statut concret, dans la mesure o ce sont des thories physiques qui sont en jeu et la thorie des probabilits pour les systmes dynamiques produit en quelque sorte une dfinition physique du hasard ou de l'alatoire par le recours aux notions d'instabilit et de sensibilit aux conditions initiales, que nous allons maintenant voir.

92. Bifurcations, turbulences et attracteurs

On sait dj que la thermodynamique classique est devenue une thorie mcanique en devenant statistique. La thorie de la mesure suggre, par

exemple, que l'entropie est une mesure du contenu alatoire dans la description d'un systme; c'est aussi un invariant de la mesure. On peut noter que Kolmogorov et Chaitin en ont tir une dfinition de la complexit algorithmique: une suite alatoire est incompressible si l'algorithme de sa dfinition est irrductible, i.e. sa complexit est minimale ou ne peut tre rduite par un autre algorithme, sa preuve par exemple. La longueur de la dfinition minimale est la mesure de sa complexit algorithmique ou de son contenu alatoire. Un phnomne alatoire est, par l, imprdictible10. Le concept d'entropie est donc apparu dans la thorie de la chaleur pour ensuite passer la thorie de l'information et revenir la thorie probabilitaire des systmes dynamiques (ergodiques).

On peut

ainsi

tablir

une

correspondance

entre

l'information

et

invariants; il n'y a pas d'information disponible

en dehors du systme des

invariants qui couvre l'ensemble des positions et des vitesses d'un systme dynamique dans son volution temporelle (cf. von Plato [28]). C'est l la notion mme de systme ergodique qui doit parcourir tous les tats possibles de l'espace des phases. Toute cette problmatique soulve la question de la thorie de la mesure comme contrle de l'information.

Des phnomnes comme la bifurcation et la turbulence ne semblent pas se prter facilement un contrle. Comme le disent Berg et Dubois ([7] chap. 6), c'est lorsqu'on fait varier progressivement un paramtre de contrle qu'un

10systme va "bifurquer" de l'tat rgulier (priodique ou quasi-priodique) l'tat chaotique. Il existe trois modes de bifurcation: les intermittences o un signal passe par une priode rgulire lente (dite aussi "laminaire") pour draper dans une "bouffe" turbulente, le doublement du produit par une bifurcation o la priode de base est multiplie par deux et l'interaction non linaire de 2 (ou 3) oscillateurs (out

vibrateurs) 11.

Du

point

de

vue

mathmatique, un systme dynamique

f qui a un paramtre de bifurcation

(une variable relle) change qualitativement 0 , le point de bifurcation 12. Avant de bifurquer, le systme est structurellement stable, c'est--dire qu'il y a un homomorphisme (transformation continue) entre deux points suffisamment rapprochs qui prserve l'ordre des points sur leurs trajectoires (orbites des flots). Les points de bifurcation forment un ensemble de points qui ne sont pas structurellement stables et c'est en entrant dans cet ensemble qu'un systme dynamique bifurque. Pour assurer la stabilit structurelle, il faut encore des points rcurrents - la rcurrence dynamique de Poincar - et des points non errants, i.e. qui ne s'cartent pas du voisinage immdiat de la trajectoire; les points fixes et les points priodiques sont donc des points non errants qui rendent possibles les mesures de probabilit invariantes.

La gnricit est une autre notion d'origine mathmatique utile dans la caractrisation des systmes dynamiques; en fait, la gnricit sert restreindre la classe des systmes dynamiques structurellement stables un sous-ensemble rsiduel R, c'est--dire une intersection dnombrable d'ouverts denses E de l'espace D des systmes dynamiques. La densit signifie ici que chaque point de D est un point de R ou un point limite de R R est ferm dans D.

11Ces restrictions sont le signe que la stabilit structurelle est un concept quelque peu instable et que la bifurcation est un phnomne gnral. C'est d'ailleurs partir des bifurcations que Landau et Hopf dans les annes quarante ont voulu expliquer la turbulence en supposant que la turbulence survenait par une suite de bifurcations quasi-priodiques (i.e. une cascade). Ruelle et Tackens ont repris ce programme en 1971 et ont introduit la notion d'attracteur trange. Mais la reprise ici signifie une correction majeure, puisque l'attracteur trange fait littralement s'vanouir les "modes" de la thorie de Landau, sorte de modulations ou oscillations de priode qui devraient se superposer pour produire l'effet de turbulence. L'attracteur trange simplifie la situation en lui procurant un lieu ensembliste, une topologie, celle de la thorie de la mesure. Le fait qu'un attracteur trange ait une dimension fractale, i.e. non entire, est secondaire; l'important c'est qu'il symbolise le chaos dterministe, c'est--dire la

dpendance sensitive des conditions initiales.

Attracteurs et bassins d'attraction ont des dfinitions ensemblistes simples en termes d'ensembles ferms de points (fixes ou critiques) et de voisinage fondamental - un ouvert dfini dans une application inverse

( f t )1 sur le

voisinage fondamental est un bassin d'attraction. Les attracteurs tranges sont gnrs par des fluctuations ou des perturbations arbitrairement petites

d'orbites quasi-priodiques (dcrites sur des tores). La petite perturbation crot exponentiellement avec le temps et donne naissance au chaos dterministe avec sensibilit aux conditions initiales(ou encore, dpendance sensitive des

conditions initiales).

Je ne m'attarderai pas l'analyse philosophique du chaos dterministe, sur son caractre imprvisible malgr sa description dterministe et sur les

12ramifications de la mtaphore chaotique dans les systmes dynamiques

dissipatifs. Le premier attracteur trange, celui de Lorenz, est un modle de la convection atmosphrique qui montrait que les mtorologues ne pouvaient prdire le temps long terme. On peut aussi traduire la postdiction contraire dans le sens d'une perte de mmoire (chez les archologues et les historiens!). Le chaos dterministe en est venu disputer la faveur populaire la

thermodynamique du non-quilibre, qui est encore au purgatoire des ides entre le temps et l'ternit 13, et il vaut mieux s'interroger sur les fondements pistmologiques de la chaomtrie, si une telle appellation a un sens14.

3. Probabilits et systmes dynamiques

La thorie des processus stochastiques ou alatoires est une thorie statistique des systmes dynamiques et les probabilits qui s'y jouent sont empiriques; les seules proprits a priori appartiennent au domaine subjectif des thories de la dcision ou des attitudes pistmiques... ou encore la thorie mathmatique des probabilits. Une telle dclaration de principes pourrait laisser croire que les proprits empiriques possdent un caractre objectif inalinable et qu'elles sont les seules jouir d'un statut ontologique, l'instar des propensits de Popper ou des ensembles virtuels de Gibbs. Mais la thorie frquentiste nous a appris que les moyennes ou les valeurs moyennes de la frquence avec leur poids relatifs sont fondes sur le calcul ou les observations rptes. La thorie statistique est une thorie des probabilits applique et on peut la formuler dans un cadre finitaire qui ne fait appel qu' des espaces de probabilit finis (voir Nelson [20]). En recourant aux infinitsimaux de l'analyse non standard, on limine les ensembles infinis de la mme manire qu'on

13limine les termes infinis dans une thorie physique renormalise. La thorie des systmes dynamiques est-elle renormalisable? Si l'on pense que la thorie des systmes dynamiques dbouche ultimement sur la thorie quantique des champs par la mcanique statistique quantique o les systmes ont des degrs de libert infinis et o les thormes de la limite abondent (limite

thermodynamique et conditions la limite), on est en droit de se demander si l'appareil analytique est rductible. Le formalisme des systmes dynamiques est sparable en partie finie et partie infinie selon la technique employe par F. Dyson [8] pour la matrice S de dispersion. La thorie de la matrice S a pour point de dpart l'amplitude

S ( )qui dcrit la transition de phase de l'tat l'tat d'un systme de fonctions d'ondes et (pour les particules lourdes, savoir les hadrons). Puisque la matrice S est finie, la sparation des parties finies et des parties infinies dans les expressions intgrales est presque automatique, comme le remarque Dyson qui ajoute que le formalisme hamiltonien est dpourvu de signification physique immdiate. Il y a donc deux descriptions possibles que Dyson dfinit comme celles de l'observateur idal et celle de l'observateur rel, le premier tant capable d'une prcision infinie et le second se contentant du fini. Nous appelons ce dernier observateur, l'observateur local. Cet observateur observe l'instabilit locale et par itration le phnomne global, il mesure alors le mouvement dynamique par l'espace total ou hamiltonien universel Hu en le partitionnant en sous-espaces de phases de dimension dcroissante. Les invariants de mesure sont ainsi dcomposables et on obtient un homomorphisme entre l'appareil

analytique et le systme physique. Il y a encore homomorphisme entre le systme physique et la thorie des probabilits. On doit ajouter ici

l'indpendance des vnements qui correspond au mlange (l'observateur local

14est le "mlangeur"). Or l'espace topologique sous-jacent n'est pas de nature ensembliste, la logique et la thorie des probabilits qui l'articulent sont nonboolennes.

L'espace de l'hamiltonien

est un

espace symplectique avec produit

extrieur (ou vectoriel) pour la forme diffrentiable extrieure

=i pj

ij

dxi dx j

de degr 2. Les coordonnes gnralises de l'hamiltonien ont alors la forme

= dpi dgii=1

n

Un espace symplectique est non riemannien ou non symtrique (cf.[10]). Le produit vectoriel antisymtrique introduit une structure singulire sur le champ de vecteurs (gradient). La logique interne des structures symplectiques est celle de l'interaction et de l'interpntration (entrelacs). Elle diffre

essentiellement d'une logique des espaces (situations) symtriques finis qui, elle, pourrait bien tre boolenne. C'est la logique des structures ponctuelles qui est en cause. Mais il nous faut faire un retour sur l'histoire pour taler davantage notre motif central.

4. Aristote et la thorie du ciel parfait

L'espace du ciel chez Aristote est parfait, parce qu'il est circulaire et que le cercle est une chose parfaite (De Caelo, 269 a). Le corps du ciel, qui est un cinquime lment, est donc anim d'un mouvement circulaire ternel et les tres qui habitent le ciel, les astres, sont des vivants immortels15. Cette

gomtrie qu'Euclide axiomatisera est bien une mesure de la terre et elle ne s'applique au ciel que par analogie et si on nomme le ciel "ther" c'est que sa course est ternelle " ajei;

qei'n" (270 b). La gomtrie plane traite des figures

15rectilignes et curvilignes, mais le cercle est une figure parfaite, c'est la premire des figures; de mme la sphre est-elle le premier des solides - ce qu'est le cercle parmi les surfaces, la sphre l'est parmi les solides (286 b). Audel du ciel, il n'y a ni vide ni lieu "tovpo"" et le ciel est ncessairement sphrique (287 a).

La physique du ciel, l'astrophysique d'Aristote, est d'abord une physique terrestre perfectionne, anoblie, pourrait-on dire (" timiwtevra" 288 a), et la cosmologie dductiviste d'Aristote est aussi bien une thologie naturelle. Le ciel est parfait, son mouvement parfaitement rgulier et ternel. Aucune des imperfections terrestres ne saurait lui tre attribue et la "via negativa" pourra dcliner les noms divins de l'incorruptible ciel sans quitter le domaine de la science de la nature, selon Aristote. Laplace se fera l'cho d'Aristote quand il crira [18], p. 478: Ce fut dans l'antiquit une opinion gnrale que le mouvement uniforme et circulaire, comme le plus parfait devait tre celui des astres.

La science de la nature ("

JH peri; fuvsew" ejpisthvmh") est dpasse, mais on

peut en retrouver le motif par-del Copernic chez Kepler (l'harmonie des sphres) et dans la cosmologie moderne jusqu' Einstein.

5. Einstein et la sphre du monde

Einstein nous dit en effet que Du point de vue pistmologique, il est plus satisfaisant de penser que les proprits mcaniques de l'espace sont

16compltement dtermines par la matire, et ce n'est le cas que dans un univers clos. Einstein, on le sait, privilgiait un modle sphrique de l'univers et il a introduit la constante cosmologique pour en assurer le caractre statique. Einstein pensait que ce qu'il avait baptis "le principe de Mach" l'obligeait adopter un modle sphrique, plus simple que le modle infini quasi-euclidien dans lequel l'nergie moyenne de la matire devrait tre nulle. Ces raisons sont d'origine purement spculative. Le principe de Mach stipule que la masse inertielle d'un corps dpend de l'action des corps avoisinants et non de quelque systme de rfrence absolu, l'espace absolu, que Newton avait postul dans son exprience du seau. Or le principe de Mach ne s'intgre pas facilement la cosmologie relativiste et si Einstein voulait qu'il soit comme inscrit dans les quations du champ 17, c'est encore une "hypothse pistmologique" plutt qu'une

drivation relativiste. Einstein part de l'quation du champ gravitationnel

R 1 2 g R = kTo le terme

18

g n'apparat pas. Les drives sont celles du tenseur mtrique

g , du tenseur de courbure R et du tenseur d'nergie-impulsion T ; le deuximeterme de l'quation s'crit gnralement

8 G T pour G (ou k ) la constante

gravitationnelle. Einstein drive de l'quation du champ

a=pour

Mk 4 2

a le rayon de l'univers et M sa masse totale afin de montrer "la complte

dpendance des proprits gomtriques par rapport aux proprits physiques". Mais dans cette dduction Einstein doit supposer une pression ngative dont la valeur est

g p

p = pour la densit moyenne de l'univers: c'est 2 g . C'est l le

prcisment cette pression ngative que reprsente le terme

point de vue d'Einstein en 1921 et dans la seconde dition de son texte (1945), il reconnatra que le modle de Friedmann (1922) d'un univers expansif fait

17l'conomie "logique" de la constante cosmologique. Einstein confesse que la constante cosmologique devenait inutile aprs l'expansion de Hubble - la relation entre le dcalage vers le rouge et la vitesse de rcession des galaxies comme effet Doppler. Il dira plus tard que l'introduction du terme cosmologique aura t la plus grande erreur de sa vie.

En ralit, l'attitude d'Einstein physicien obit l'injonction du gomtre Riemann: diverses mtriques sont possibles et il faut chercher la structure du champ dans les interactions physiques qu'il gnre. C'est la physique qui doit dcider, mais la physique n'est pas moins dductive que la gomtrie quand elle produit une quation du champ qui n'est pas canonique, i.e. dont tous les modles ne sont pas isomorphes. L'pistmologie "aprioriste" d'un Einstein ne doit pas nous alarmer cependant, puisqu'il faut reconnatre la priorit

thorique de la physique mathmatique, c'est--dire de l'appareil analytique sur le contenu purement physique, observationnel, de la thorie physique. Le formalisme logico-mathmatique impose une structure au rel physique qui est rvisable parce qu'elle n'est jamais la copie isomorphe d'un donn

exprimental. Cet enseignement, on peut le retrouver aussi chez Kant.

6. Le ciel infini chez Kant

La thorie du ciel (1755) de Kant est une dfense de la mcanique newtonienne et aussi une cosmologie rationnelle qui voit l'infinit et l'ternit du monde comme une suite logique de la cration divine. Bien entendu, un univers infini a t imagin avant Kant. Koyr a retrac l'histoire de l'ide dans son texte clbre Du monde clos l'univers infini 16, de Nicolas de Cues

18Giordano Bruno. M. Jammer a remont bien plus loin que Koyr et mme si Aristote s'oppose l'ide d'une tendue infinie dans son De Caelo, l'infinitude de l'univers n'est pas un concept tranger la pense antique (Melissos de Samos) ou aux traditions juive et islamique avant l'mergence du noplatonisme.

Le chapitre VII de [14] s'intitule "De la cration dans l'tendue totale de son infinit spatiale autant que temporelle". Le systme solaire n'est qu'un exemplaire de la pluralit des mondes et les toiles fixes sont autant de copies de notre Soleil au centre d'innombrables systmes solaires. La conception de ces univers-les avec la thorie nbulaire des systmes solaires (hypothse de KantLaplace) est le trait marquant de la cosmologie kantienne. Lambert pourtant, dans ses Cosmologische Briefe (voir [17]), s'opposera, pour les mmes raisons tlologiques que Kant, invoquait l'infinitude de l'univers mme s'il admet qu'il peut tre ternel. Le systme du monde a une extension indfinie, parce que la structure hirarchique de l'univers suppose un modle sphrique, peuttre lgrement aplati (Lettre X). C'est sans doute la figure d'un anneau sphrique ou d'un ellipsode que Lambert drive du disque le la Voie lacte dont il a dfini la forme aprs Kant. Lambert s'appuie vraisemblablement sur des motifs (au deux sens du mot) d'ordre gomtrique pour rejeter la thse de l'infinit, la manire d'Aristote, mme s'il ne trouve pas d'argument probant dans ses Lettres cosmologiques. Kant n'a pas les scrupules du gomtre et sa thse infinitaire tient davantage de la tlologie d'une puissance cratrice

inexhaustible. La cration est infinie, parce que son Crateur l'est. On retrouve le mme argument chez Leibniz ou Spinoza pour qui la "natura naturata" doit participer la "natura naturans". Cantor s'en souviendra quand il voudra justifier sa thorie des nombres transfinis. Kant, pour sa part, revendique pour l'univers l'infinit spatiale tout autant que temporelle, puisque l'ternit du

19monde est une suite infinie d'instants. Lambert, plus mathmaticien que Kant, soutient que la suite s'approche de l'infini sans l'atteindre. L'architectonique cleste de Kant culmine dans l'apothose ... le champ de la manifestation des proprits divines est aussi infini que ces dernires. L'ternit ne suffirait pas contenir les tmoignages de l'Etre suprme si elle n'tait pas lie l'infinit de l'espace.19 Et c'est dans la posie que s'achve cette thophanie de l'infini. Comme le chante von Haller, le plus sublime des potes allemands selon Kant, dans son "pome inachev sur l'ternit" (1736) Infinit, qui pourrait te mesurer?

D'autres potes ont chant l'infinit du ciel, comme Lamartine dans "l'Infini dans les cieux"

Et que l'esprit de Dieu, sous ses ailes fcondes De son ombre de feu couve au berceau des mondes... Poe, dans son pome Eurka, ira plus loin puisque la pluralit des mondes est lie un polythisme proche de l'astrothologie d'Aristote ... je me suis port imaginer une succession illimit d'univers, plus ou moins semblables... chacun existe part et indpendant, dans le sein de son Dieu propre et particulier.20 Kant s'en remet encore von Haller dans sa cosmothologie d'un monde infini et ternel: Quand un second nant enterrera ce monde, Quand du Tout lui-mme ne demeurera que le Lieu... Ici c'est Mallarm qui semble prendre la relve dans son "Coup de ds" [19] Rien n'aura eu lieu que le Lieu

20

7. Conclusion

La perfection du cosmos chez Aristote et Kant et la simplicit du modle ferm de l'univers chez Einstein sont des arguments dterministes dont le caractre tlologique est manifeste. La simplicit pourrait n'tre qu'un

ornement esthtique, mais quand elle est leve au rang d'un principe logique ou pistmologique, elle impose des contraintes formelles l'appareil

analytique, e.g. quations diffrentielles partielles dans la thorie relativiste du champ non symtrique 21 qui postulent un dterminisme inhrent un principe variationnel et aux conditions la limite. Ce dterminisme cach est l'oeuvre, on le sait, dans le rejet de la mcanique quantique chez Einstein et dans sa demande d'une thorie complte, isomorphe au rel physique. Kant, de son ct, suppose un centre de l'univers et loin du chaos et de la dispersion .

C'est la thorie qui est dterministe, et le rel n'est dtermin que par nos constructions qui sont autant de dterminations d'un indtermin originaire l' de la terminologie hglienne. Une thorie des probabilits peut tre dterministe en son fond et on connat assez la thse laplacienne des probabilits a priori et leur dterminisme causal concomitant que le thorme de Bayes sur les probabilits conditionnelles ne fait que formaliser. La question est alors celle de la nature objective ou subjective des probabilits. La probabilit est-elle une mesure de l'ignorance ou une mesure de l'information? On le voit, il arrive que les deux faces de cette mdaille soient confondues. Il se peut, en effet, qu'ignorance et information partielle aient une intersection nulle et que leur union redonne le savoir total o le hasard s'vanouit. Mais on ne poussera pas plus loin ces jeux du hasard et de la loi. La loi

21est la loi des moyennes d'une suite de variables alatoires dcrite par le thorme de Bernoulli ou loi des grands nombresn

lim Pr( m n p) < = 1 < 0

pour

m n la frquence de p , le cas le plus probable d'un vnement dans un n d'essais. Les statistiques de l'esprance semblent donner un air

nombre

subjectif la probabilit, mais il s'agit en ralit d'une valeur moyenne de la frquence par le thorme de la limite centrale o des variables indpendantes s'approchent par une limiten n

lim Xn = x11

d'une distribution normale; c'est une fonction de frquence

(ou densit)

normale reprsente par la courbe ou la cloche de Gauss Nelson donne une preuve finitaire ou lmentaire du thorme de la limite centrale dans [20], chap. 18.

Distributions, moyennes, frquences constituent une thorie objective des probabilits et la thorie de la mesure avec les notions de limite qui lui sont affrentes est rductible une thorie finitaire, comme nous l'avons vu plus haut. Leur utilisation en statistiques est donc justifie fondationnellement, aprs que la pratique leur eut dj "tribus" finies occupent alatoire donn un sens concret: les populations et les espaces de se probabilit rapproche aussi finis et

des

l'chantillonnage

du statisticien

de l'observateur

"mlangeur" capable seulement d'un nombre fini d'oprations automorphes (mixages ou mlanges) ou de choix alatoires. La thorie des erreurs est en mme temps une thorie des fluctuations soumise la mme logique

probabilitaire

que la thorie du chaos. Le

"randomiseur" -

de l'anglais

que l'on traduit par randomisation ou probabilisation - prend la relve ici du "mlangeur". Probabilits et statistiques se voient donc rconcilies

22dans une thorie constructiviste et de nouveau le calcul triomphe et le complexe se simplifie.

La thorie de la complexit se rsume ici la notion de la complexit d'un algorithme (de calcul). La thorie de la complexit algorithmique comporte deux temps polynomiaux, l'un dterministe (P) et l'autre non dterministe (NP). Le temps est polynomial pour un algorithme (ou programme d'une machine de Turing) s'il existe des entiers longueur

a et k tels que pour un instant (input) de

n , le calcul est dtermin en an k tapes. Les algorithmes qui n'ont pas

le temps polynomial ont un temps exponentiel. La programmation linaire est la thorie mathmatique de la minimisation (e.g. des cots et des risques) et de la maximisation (e.g. des profits). La linarit ici est rticulaire puisqu'il s'agit de construire un rseau ou treillis (sur un graphe ou polydre convexe) des stratgies optimales. La programmation linaire est le pendant objectif d'une thorie de la dcision dont le versant subjectif fait les choux gras des baysiens et non baysiens en thorie (philosophique) des probabilits. La inductive ou logique de la croyance (degrs de croyance) logique

et la logique

probabilitaire sont en gnral loignes de la thorie mathmatique des probabilits et les notions de probabilit ontologiques comme la propensit de Popper sont dsutes. La logique de la croyance et la thorie de la dcision apparaissent ds lors moins comme une dfense de la thse de l'ignorance que comme la contrepartie de la thorie de la mesure de l'information et plutt que de parler de probabilits objectives et subjectives, il vaudrait sans doute mieux dfinir d'abord la thorie (mathmatique) des probabilits comme mesure de l'information et la thorie philosophique de la dcision comme son complment. Le fait que la thorie de la mesure classique soit une thorie de l'information complte ou idale rend compte de sa nature boolenne. Dans le mme sens, la

23logique probabilitaire propose une thorie complte de l'information, d'o sa boolanit. Mais le calcul boolen suppose la symtrisation et mme dans les cas finis, l'information incomplte et son complment ne sont pas symtrisables. La logique interne de la thorie des probabilits que nous avons rebaptise thorie de la mesure de l'information se rvle ainsi plus proche d'une logique constructive des ngations locales27.

Je veux, pour finir, donner un exemple de la thorie des probabilits, celui d'une marche alatoire, c'est--dire une marche o chaque pas peut tre gauche ou droite d'une direction donne (une martingale ou la mthode de Monte Carlo comportent des marches alatoires). Appelons cette marche la dmarche du philosophe titubant. Le problme suivant est bien connu, c'est celui des philosophes table - j'introduis une variation ou note personnelle. Il y a k philosophes autour d'une table ronde et chacun a une bire sa droite et sa gauche (donc k bires). Pour en boire une, il doit tenir l'autre. Il s'agit de dfinir un protocole (un programme) P de telle sorte que si chaque philosophe lui obit, un philosophe particulier aura ventuellement deux bires boire. Si le protocole est dterministe, il y a des cas o tous les philosophes n'auront rien boire. Mais si chacun, avant de prendre une bire, joue pile ou face et qu'il prenne la bire de gauche s'il obtient pile et celle de droite s'il obtient face, on peut dmontrer (avec probabilit 1) que les philosophes seront dsaltrs, qu'ils auront deux bires, chacun son tour, i.e. que la marche alatoire de

l'algorithme entranera la dmarche titubante des philosophes. La morale qu'on peut tirer de cette histoire, c'est que le hasard mne la certitude; d'autres

diraient que l'ordre nat du chaos. Je dirai simplement que la mesure en toute chose a bien meilleur got!

24

Notes

251. Pour ces passages, voir [6] dont nous avons rendu compte critiquement dans Philosophiques, vol. XIX, no.1 (1992), pp. 150-155.

2.

Cf. [26]

3.

On consultera

cependant

avec

intrt

l'ouvrage

de

Kojve

[15],

surprenant par l'actualit de son propos l'poque (1932) et par l'excentricit de ses proccupations eu gard la trajectoire future de l'auteur. Plus prs de nous, le texte d'A. Boutot [5] est une introduction gnrale la question, mais on dplorera la minceur de la conclusion qui ne russit pas prendre la mesure des enjeux pistmologiques de la thorie du chaos en limitant le dbat au positivisme (comtien). On mesurera le peu de progrs (philosophique) sur la question depuis Kojve en consultant La querelle du dterminisme , Gallimard, Paris, 1990, ou encore la minceur du propos philosophique dans Les thories de la complexit, Seuil, Paris, 1991. Parmi les ouvrages populaires, dits de vulgarisation, qui sont presque toujours "dformateurs", on consultera l'essai d'un spcialiste, David Ruelle Hasard et chaos [27]. L'auteur est un des crateurs de la thorie du chaos, mais on ne se fiera pas ses spculations "cahoteuses" sur la logique et les fondements des

mathmatiques.

4.

Cf., [11] et [27] pour la formulation hamiltonienne avec des coordonnes gnralises de position

qi =

H pi

pi et de vitesse qi H , pi = , i = 1,2,..., n qi

pour des quations diffrentielles du premier ordre (pour l'volution temporelle du systme).

26

5.

Cf. [26]. Remarquons que les gnralisations utiles pour les mlanges et le processus lastique d'un temps de relaxation vers l'quilibre sont dues au physicien russe N.S. Krylov. Voir [7], chap. 12.

6.

Voir [26].

7.

Voir [7], chap. 2, le texte de J.C. Yoccoz.

8.

Je pense la thorie de la mesure de Bishop dans [3].

9.

Ici, c'est la thorie des probabilits de Nelson que je renvoie [20].

10.

Cf. le texte de S. Diner, chap. 12 de [7].

11.

Remarquons qu'on

distingue trois types

d'intermittence que

nous

n'analyserons pas ici.

12.

Cf. [26], chap. 1. Voir aussi pour la question de la turbulence l'excellent [2]. Les phnomnes critiques ne se limitent pas la turbulence. part les phnomnes de convection, on peut penser, par exemple, la percolation filtration ou infiltration d'un liquide ou d'un fluide

visqueux la supraconductivit, aux changements de phase dans les phnomnes quantiques.

13.

Voir pour cette question [11].

2714. On peut voir cette section comme une correction et une amplification des remarques de [12], pp. 25 et 124.

15.

Sur cette question, voir l'analyse de R. Bods [4].

16.

Voir [9], From the standpoint of epistemology it is more satisfying to have the mechanical properties of space completely determined by matter, and this is the case only in a closed universe (p.108). Voir aussi pour cette question [11].

17.

Cf. [9], p.107.

18.

Cf. [9], p. 84.

19.

Cf. [14], pp. 309-310: ... ist das Feld der Offenbarung gottlicher Eigenschaften eben so unendlich, als diese selber sind. Die Ewigkeit ist nicht hinfnglich, die Zeugnisse des hchsten Wesens zu fassen, wo sie nicht mit der Unendlichkeit des Raumes verbunden wird.

20.

Voir [22], p. 780.

21.

Voir [9], appendice II.

22.

Sur la thorie des probabilits non boolennes ou pseudo-boolennes en mcanique quantique (et en logique quantique) et dans les thories

28physiques en gnral, nous renvoyons [12], chapitres III, IV, VI et appendice A.

Rfrences

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3015. Kojve, A., L'ide du dterminisme dans la physique classique et dans la physique contemporaine, "Le livre de poche", Librairie Gnrale Franaise, Paris, 1990. 16. 17. Koyr, A., Du monde clos l'univers infini, Gallimard, Paris, 1973. Lambert, J.H., Cosmological Letters on the Arrangement of the WorldEdifice, trad. de S.L. Jaki, Science History Publications, New-York, 1976. 18. Laplace, P.S. de, Exposition du systme du monde, ed. 1835, Fayard, Paris, 1984. 19. 20. Mallarm, S., Oeuvres compltes, "La Pliade", Gallimard, Paris, 1965. Nelson, E. Radically Elementary Probability Theory, Princeton University Press, Princeton, N.J., 1987. 21. Paty, M., Einstein philosophe , P.U.F. Coll. Philosophie d'aujourd'hui, Paris, 1993. 22. Poe, E.A., Oeuvres en prose, trad. de C. Baudelaire, "La Pliade", Gallimard, Paris, 1951. 23. 24. Ruelle, D. Statistical Mechanics, W.A. Benjamin Inc., Amsterdam, 1969. Ruelle, D. et Takens, F., "On the Nature of Turbulence", Comm. in Math. Phys., 20 (1971), pp.167-192. 25. Ruelle, D., Thermodynamic Formalism, Encyclopedia of Mathematics and its Applications, Addison-Wesley, Reading, Mass. 1978. 26. Ruelle, D., Elements of Differentiable Dynamics and Bifurcation Theory, Academic Press Inc. New-York, 1989. 27. 28. Ruelle, D., Hasard et chaos , Coll. "Points", Odile Jacob, Paris, 1991. Von Plato, Jan, "Probability in Dynamical Systems", in J.E. Fenstad et al. eds., Logic, Methodology and Philosophy of science VIII, North-Holland, Amsterdam, 1989, pp. 427-443.