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La Revue des Sciences philosophiques et théologiques est mbü~, ph. ih. 67 (1983) 201-232 /?fll. par les Professeurs aux Facultés de Philosophie et de Théologie 02 Le Saulchoir, Paris. Elle paraît à raison de quatre fascicules par an. " F DES ABONNEMENTS 325,OO F France ; 375,OO F pour tous les autres pays Prix du fascicule des années non encore épuisées : 94 F (port en sus) L'abonnement est annuel et part de janvier. Pour éviter les frais de transferts bancaires, qui s'élèvent à 30,00 F par abonnement et constituent une perte pour la Revue, utilisez de NOTE: préférence I'un des procédés suivants : [GER DE BRABANT "'JER EN 1265 Antoine GAUTHIE 1. i31t ar René 1! Virement postal international ou chèque postal de virement libeud au compte de chèques postaux Librairie Vrin, C.C.P. Pans 196-30 T, L) Chèque bancaire en francs ou en devises, joint A la comde et libellé au nom de la Librairie Vrin, 6, place de la Sorbonne, 75005-PARIS. L'ÉDITEUR ET w DIRECTION. La date de esC, dans la vie et la carrière litteraire ae ùiger de Brabant, une date privilégiée : c'est en effet A la fiIl de 1265 que se situent les événements qui seront l'occasion des premiers documents oh son nom est prononcé, et c'est aussi vers cette date que prend corps sa première Pour tout a qui concerne la rkdaction (en particulier tout envol euvn personnelle, les Quesiiones in fercium de anima1. Qui donc était pour recension OU échange, o k s de manuscrits, etc.), s'adresser B la Siger en 1265 allons le demander successivement iments M. Sc. PH. TH., Le Saulchoir, 43 bis, rue de la Glacière, 75013-PARIS. qui le nommr 'oeuvre qui reflète sa pensée. Pour l'administration, les abonnements, la vente au numéro, etc., s'adresser h la Librairie Vrin, 6, place de la Sorbonne, 75001PARIS Celleci rachkte les numéros épuisés et se charge & reconstituer des série! de la Revue. LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN 6, Place de la Sorbonne - 75005-PARIS Bibliothèque des Textes Philosophiques SAINT THOMAS D'AWIN JESTIONS DISPUT~CES SUR LA I%X.I~ Question XI LE MAITRE - DE MAGISTRO l :TRODUCTION, TEXTE, TRADUCTION ET NOTES ,? Nous : !nt et A 1 aux docu DA' Les historiens de Siger ont mal interprété les documents qui nous font connaître son rôle dans le conflit universitaire de 1265-1266. Sans doute des passions, - contradictoires, - ont-elles contribué h fausser leur J~gement : il fallait donner h S. Thomas un adversaire h sa mesure, à la Flandre médiévale un philosophe digne d'elle : un hkrétique, peut-être, Inais en tout cas un Grand. L'erreur, toutefois, n'a été rendue possible que Par de singuliers manques de méthode : Siger se trouvant impliqué 'Ians un procès, on s'en est tenu, pour tracer son portrait, au réquisitoire 'lu' l'accuse, sans tenir compte du verdict qui, quant A l'essentiel, l'absout ; "" s'est également obstiné à ignorer, même après qu'elle eut été publiée, la plaidoirie qui le défend. Tout est donc A reprendre. ''" septembre ou octobre 1265, un conflit éclata entre la Nation 'ansaise et la Nation picarde, pour qui prirent fait et cause la Nation normande et la Nation anglaise. La principale et la plus connue des pièces l Par des commentaires d r Aristote peuvent être antbrieurs, mais I Bernadette JOLLES ' Ce 'OnL des commentaires litteraux ) nale , goriginalite et sans importance doctri- ; Cf. P. VAN STEENBERGHEN, iv,uLrra ,,&ge~ de Brabant (Philosophes mbdibvaux 1983. Un volume (14 x 22,s) de 128 pages . . . . . . . . .. . . . . . . 75,00 "I)' L"uvain-~oria 1917, p. 100. e Siger sui depourvus 1"..01-- E:

Gauthier Notes Sur Siger de Brabant I. Siger en 1265 RSPT 67 (1983) 201-232

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  • La Revue des Sciences philosophiques et thologiques est m b ~ , ph. ih. 67 (1983) 201-232 /?fll. par les Professeurs aux Facults de Philosophie et de Thologie 02

    Le Saulchoir, Paris. Elle parat raison de quatre fascicules par an. "

    F DES ABONNEMENTS

    325,OO F France ; 375,OO F pour tous les autres pays Prix du fascicule des annes non encore puises : 94 F (port en sus) L'abonnement est annuel et part de janvier.

    Pour viter les frais de transferts bancaires, qui s'lvent 30,00 F par abonnement et constituent une perte pour la Revue, utilisez de NOTE: prfrence I'un des procds suivants :

    [GER DE BRABANT "'JER EN 1265

    Antoine GAUTHIE

    1. i31t

    ar Ren 1! Virement postal international ou chque postal de virement libeud

    au compte de chques postaux Librairie Vrin, C.C.P. Pans 196-30 T, L ) Chque bancaire en francs ou en devises, joint A la c o m d e et

    libell au nom de la Librairie Vrin, 6, place de la Sorbonne, 75005-PARIS.

    L'DITEUR ET w DIRECTION. La date de esC, dans la vie et la carrire litteraire ae iger de Brabant, une date privilgie : c'est en effet A la fiIl de 1265 que se situent les vnements qui seront l'occasion des premiers documents oh son nom est prononc, e t c'est aussi vers cette date que prend corps sa premire

    Pour tout a qui concerne la rkdaction (en particulier tout envol e u v n personnelle, les Quesiiones in fercium de anima1. Qui donc tait pour recension OU change, o k s de manuscrits, etc.), s'adresser B la Siger en 1265 allons le demander successivement iments M. Sc. PH. TH., Le Saulchoir, 43 bis, rue de la Glacire, 75013-PARIS. qui le nommr 'uvre qui reflte sa pense.

    Pour l'administration, les abonnements, la vente au numro, etc., s'adresser h la Librairie Vrin, 6, place de la Sorbonne, 75001PARIS Celleci rachkte les numros puiss et se charge & reconstituer des srie! de la Revue.

    LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN 6, Place de la Sorbonne - 75005-PARIS

    Bibliothque des Textes Philosophiques

    SAINT THOMAS D'AWIN JESTIONS DISPUT~CES SUR LA I % X . I ~

    Question XI LE MAITRE - DE MAGISTRO

    l :TRODUCTION, TEXTE, TRADUCTION ET NOTES

    , ? Nous : !nt et A 1

    aux docu

    DA'

    Les historiens de Siger ont mal interprt les documents qui nous font connatre son rle dans le conflit universitaire de 1265-1266. Sans doute des passions, - contradictoires, - ont-elles contribu h fausser leur J~gement : il fallait donner h S. Thomas un adversaire h sa mesure, la Flandre mdivale un philosophe digne d'elle : un hkrtique, peut-tre, Inais en tout cas un Grand. L'erreur, toutefois, n'a t rendue possible que Par de singuliers manques de mthode : Siger se trouvant impliqu 'Ians un procs, on s'en est tenu, pour tracer son portrait, au rquisitoire 'lu' l'accuse, sans tenir compte du verdict qui, quant A l'essentiel, l'absout ; "" s'est galement obstin ignorer, mme aprs qu'elle eut t publie, la plaidoirie qui le dfend. Tout est donc A reprendre. ''" septembre ou octobre 1265, un conflit clata entre la Nation

    'ansaise et la Nation picarde, pour qui prirent fait e t cause la Nation normande et la Nation anglaise. La principale et la plus connue des pices

    l Par des commentaires d r Aristote peuvent tre antbrieurs, mais

    I Bernadette JOLLES ' Ce 'OnL des commentaires litteraux ) nale , goriginalite e t sans importance doctri-

    ; Cf. P. VAN STEENBERGHEN, iv,uLrra ,,&ge~ de Brabant (Philosophes mbdibvaux 1983. Un volume (14 x 22,s) de 128 pages . . . . . . . . . . . . . . . . 75,00 "I)' L"uvain-~oria 1917, p. 100.

    e Siger sui depourvus 1"..01-- E :

  • 202 R. A. GAUTHIE

    qui nous renseignent sur ce conflit est la sentence arr 27 aot 1266 par laquelle le cardinal-lgat Simon de Brion mit fin au condit : elle a $ souvent publie, notamment en 1899 par Denifle e t Chatelain dans le Chartularium Uiziuersitatis Parisiensis2. La sentence du cardinal est d'ailleurs elle-mme un document complexe, dont il importe de bien distinguer les parties : le cardinal commence en effet par reproduire les deux actes d'accusation, celui qui fut dress par les procureurs de la Nation franaise contre les Picards e t leurs allis (Charf.,I, p. 449-4511, puis celui des procureurs de la Nation picarde contre les Franais (p. 451, 4 du bas, Q 453, 11) ; ce n'est qu'ensuite que le cardinal rend une sentence dment motive (p. 453-457). Cependant, le cardinal n'avait pas jug bon de reproduire tous les documents qu'il avait en mains. Ren Poupardin a publi en 1909, d'aprs le ms. Paris B.N. lat. 9071 (pice I l ) , les deux feuillets (crits seulement au recto) d'une rplique des Picards e t de leurs allis au rquisitoire des Franais, rplique adresse au cardinal qui n'en fait pas mention dans sa sentence, mais qui semble en avoir tenu comptes. Ce document, dont l'intrt est vident, est pass Q peu prs inaper~us.

    C'est dans l'acte d'accusation dress par les procureurs de la Nation franaise, tel qu'il est rapport dans la sentence du lgat, qu'apparat pour la premire fois le nom de Siger de Brabant. A l'origine du conflit, il y avait un problme de dlimitation de territoire : la Nation franaise avait reu en son sein matre Jean d'Ully, de Vlliaco ; Ren Poupardin pense, avec raison, qu' Vlliacum est Ully-Saint-Georges (qu'on crivait A son poque H ~ l l y ) ~ . Ully-Saint-Georges se trouve aujourd'hui sur la Dpartementale 44 Q environ 23 km par la route au sud-est de Beauvais, e t fait partie du diocse de Beauvais ; mais, au civil, le bourg fait partie du canton de Neuilly-en-Thelle, qui relve de l'arrondissement de Senlis, e t il se trouve Q quelque 24 km au nord-ouest de Senlis. Quelle tait la situation du bourg en 1265? La dcision des premiers juges de laisser au roi le soin de trancher de son appartenance e t l'embarras du lgat donnent Q penser qu'Ully prtendait se rattacher au domaine royal. Cependant, le bourg faisait djQ partie du diocse de Beauvais : un Jean d'Ully, e t sans doute le ntre, se retrouvera en 1273 archidiacre de Beauvais6 ; si l'on en croit la r~licrue des Picards, il fut dcid fin

    naires d'Ully feraie de con npte qu'i r tous 1c nts origi

    2. T. Historia

    3. R.

    1, no 409, p. 449-458. Auparavant, voyez par exemple C. E. DU BOfJL"'" Vniuersitafis Parisiensis, t. III, Parisiis 1666, p. 375-381. POUPARDIN, r Documents relatifs su conflit universitaire de 1266 *

    Bulletin de la socit de l'hisioire de Paris et de Z'Zle-de-France, 36 (1909) 57-64. Le tex'r est publie aux p. 59-64 ; on ne trouve y corriger qu'un petit nombre de fautes, 1 exemple : p. 60, 5 et II extiterit td. : extitit cod. ; 60, 7 temptaret Cd. : attempta' cod. ; 60,28 Bisuntini Cd. : ~isunt i (= -tinensis) cod. ; 61, 7 pertinentibus ed. : -tia 'O' 61, 20 devotus d. : deuote cod. ; 62, 10 commissa d. : concessa cod.

    4. Le P. Mandonnet l'a signale dans une note qui contient des remarques dont j tenu compte (cf. plus loin, note I l ) , mais il n'a pas eu l'occasion d'en tirer r8c1lernc parti.

    5. R. POUPARDIN, Documents ... 8 , p. 58, n. 1. 6. DENIFLE et CHATELAIN, Chaif~tarium Univ. Par., t. 1, p. 457, n. 1.

    t soumis :res :

    SUR SIGER DE BRABANT 203

    de la Nation picarde7. Quoi qu'il en soit, les Picards s7indign&rent de voir les Franais incorporer Q leur Nation un matre du diocse de neauvais, qui faisait partie de la Nation picarde. Du coup, deux matres de la Nation picarde, Jean Frtel e t Jean de Huy, enlevrent e t sques- trrent Jean d'Ully : c'est le premier acte de violence du conflit. On choisit bien des arbitres, un normand, Pierre de Grand-Caux, archidiacre de Rouen, e t un franais, Jean, archidiacre de Meaux, qui proposrent,

    nous l'avons dit, de s'en remettre, sur l'appartenance d'ully, au roi de France, mais les violences continurent. Deux matres de la Nation

    Robert de Neuville e t Rnier, enlevrent e t squestrrent un matre franais, Guillaume, chanoine de Toul, neveu de l'archevque de Desaiion. Les procureurs de la Nation franaise demandrent aux

    choisis pour arbitres de chtier svrement ces quatre coupables : les auteurs du premier rapt, Jean Frtel e t Jean de Huy, devraient accomplir un plerinage A Saint-Gilles du Gard e t un plerinage g Saint-Jacques de Compostelle (un meurtre n'tait souvent pas chti plus sCvrement) ; les auteurs du second rapt, R Neuville e t Rnier, devraient aller faire amende honorable Q 1, re parisienne de Guillaume de Toul e t de lQ se rendre Q la dt iarisienne de l'archidiacre de Meaux pour y tre emprisonns 1i sa discrtion.

    Cependant, les procureurs de la Nation franaise rappellent que, dans la deuxime affaire, celle de l'enlvement de Guillaume, outre les deux coupables, il y avait un suspect : ils avaient demand que ce suspect, matre Siger, soi Q la purgation canonique, ixer par les archidiac

    ii captior trium se

    obert de a demeui :meure p

    -. ..

    dans la i

    rum,

  • 204 R. A. GAUTHIER

    Tel est, contre les Picards, le rquisitoire des Franais. La rplique de la Nation picarde est habile : pour mieux dfendre se,

    droits, elle dsavoue les violences de quelques-uns des siens. Elle insiste toutefois, sur le fait que les dlits dnoncs par les Franais ont dj& jugs e t punis : condamns par les archidiacres-arbitres, Jean Fretel et Jean de Huy ont pieusement accompli leur plerinage S a i n t - ~ i l l ~ ~ . Robert de Neuville e t Rnier, devant les quatre Nations runies en 19glis Saint-Julien, se sont dclars prts Q se soumettre A la rparation deman- de : ce sont les Franais qui l'ont alors juge insuffisantee. Condamn par le conservateur des privilges de l'universit, Grard d'Abbeville 15 jours d'exil hors de Paris e t A 2 mois de suspension de sa charge:

    le bedeau Guillot a dvotement accompli sa pnitencelO. nent de n tmoig aume, cf

    la Natio nage en ianoine d

    1~ ~~- -

    n picard1 faveur dc le Toul : 1 , 1

    Cet empresser e A reconnatre ses torts rend plus clatant so: : Siger dans l'affaire de I1enl- vement de Gui11 la Nation fait remarquer que, si la purgation canonique aemanaee par ies Franais n'a pas encore ( lieu, matre Siger n'y est :n ; fort de son innocence, il a toujou t prt e t il est encore e soumettre A cette purgation, dans forme qui sera fixe :

    ; pour ri prt SI

    rister Sig gare se lec conse: *--.- -A - ,

    semper 1 rum quo ; Guillelm

    e ma@ erus nacionis Picardorum paratus fuit et adhuc est pur secundum dictum arbitroi d numquam conscius extitit I nsum cprebuit ut > dictus lus Tullensis canonicus aliquatsiius ~ a ~ e r e t u r P.

    En ce qui concerne la seconde accusation porte contre Siger, celle d'avoir avec Simon de Brabant troubl les Vigiles de Guillaume d'Auxerre, la Nation picarde dcline toute responsabilit dans l'affaire : elle n'a ni ordonnt5 ni ratifi ces dsordres, si dsordres il y eut ; il appartient h la Nation franaise de poursuivre les individus, - ni Siger ni Simon ne sont nomms, - qui auraient fait tort A ses membres, et, s'ils sont, condamns, la Nation picarde fera appliquer le jugement :

    u si aliqua iniuria facta fuerit magistris Gallicane nacionis in vigiliis Pro memoria magistri Guillelmi Autisiodorensis apud PredicatoreS, Il0" numquam nacio Picardorum precepit fieri nec ratum habuit. Vnde naci0 Picardorum libenter super hoc faciet quod de iure debebit eis per i~stl~'"" primitus condempnatis

    NOUS avons ainsi entendu le rquisitoire e t la plaidoirie. Veno"s-ei' maintenant au verdict du cardinal-lgat, Simon de Brion.

    11 est vident que le cardinal a tenu A bien s'informer : le cas du bedeau Guillot est disjoint, toute la lumire n'ayant pu tre faite, un su^^^^^^^^ d'enqute est ordonn e t le jugement remis Q plus tard. D'autre par"

    9. R. POUPARDIN, * Documents ... *, p. 60, 25-36. 10. Ibid., p. 61, 1:-22.

    SUO.' 11. Ibid., P. 60, 36-40. Les mots * prebuit ut ,, qui manquent dans le ms. par

    d'uns dbchirure, ont btb supplb* par P. MANDONNET, dans ~ ~ ~ h . bill. d&. litt. ""

    7 (1932), p. 45, n. 1. 12. Ibid., P. 61-62-

    SUR SIGER DE BRABANT 206 "mb

    le cardinal n'hsite pas A condamner, e t svrement : dans le cas de pr il lot, il se rserve d'ajouter A la pnitence djA dure impose par Grard d'Abbeville une pnitence encore plus dure ; Jean Frtel e t Jean de Huy, reconnus coupables de l'enlvement de Jean d'Ully, ont .. bien accompli le plerinage A Saint-Gilles que leur avaient impos les

    mais non pas le plerinage Saint-Jacques de Compostelle : le lgat ne les tient pas quittes, mme s'il commue le plerinage ii Saint- Jacques en un plerinage A Notre-Dame de Rocamadour, videmment beaucoup moins long ; Robert de Neuville e t Rnier, reconnus coupables de l'enlvement de Guillaume, chanoine de Toul, feront le mme pleri- nage ii Notre-Dame de Rocamadour ; tous quatre A leur retour prsente- ront au procureur de la Nation franaise des lettres testimoniales justi- fiant de la ralit de leur plerinage.

    Or, pour Siger, le cardinal se range A l'avis de la Nation picarde. En ce qui concerne l'affaire de l'enlvement de Guillaume, Siger accep-

    tait de se soumettre Q la purgation canonique dans la forme qui serait prescrite : le cadinal fixe cette forme :

    a supradictus magister Sigerus super captione ipsius magi; ermi torcia manu se purget n (Chart., 1, p. 456, 2, 17-18).

    -

    C'lait la forme la plus douce : le lgat n'impose A Siger que trois tmoins (on avait t jusqu'h 14, pour de grands personnages il est vrai, e t pour de grands crimes). Nul doute que la crmonie n'ait eu lieu : au cas contraire, le lgat avait prescrit l'exclusion du rcalcitrant de la Nation picarde. Donc au jour dit, Siger de Brabant s'est prsent devant la Nation picarde commise A cet effet par le lgat ; il a affirm sous serment qu'il tait totalement innocent du crime dont on le souponnait ; puis trois compurgatores, trois matres s arts de la Nation picarde, ont confirm, galement sous serment, qu'il disait vrai. Il devait ds lors tre dfini- tivement tenu pour innocent. E t c'est ce que nous devons faire : si on l'a admis A la purgation canonique, c'est qu'il n'existait contre lui aucune - preuve, et il est difficile de croire que trois de ses collgues eussent accept de se parjurer en sa faveur.

    Restait l'affaire des Vigiles de Guillaume d'Auxerre. LA encore, le cardinal fait sien l'avis des Picards, il dit mme plus nettement qu'eux qu(: n'a t prouv, tout en laissant la voie ouverte A des poursuites illt.erieures :

    * Quia uero contra nacionem Picardorum super irnpedimento prestito magistris nacionis Gallicane ne legerent in exequiis supradictis et ablatione Iibmrum de manibus eorundem et de predicta iniectione manuum uiolenta,

    SUmcienter inuenimus osse probatum, ipsam ab impeditione dicte n'C1Ol'ls G a l l i ~ ~ ~ m super hoc duximus absoluendam, salua tamen eidem nucioni. Gallicorum omni, que sibi super hoc contra priuatas personas cornpetit' questione 9 (Char!., 1, p. 456-457). La 7 . 'ation picarde, comme telle, est donc relaxe, et, comme elle l'avait 1::ger6, le cardinal laisse A 1, Nation franaise ie dmit de poursuivre - - privees, - Siger e t Simon, mais ils ne sont pas nommhs,

    auraient empcli les Franais de chanter. La Nation franpaise

  • SUR SIGER DE BRABANT 207 . . 206 R. A. GAUTHIER

    a-t-elle us de ce droit? On peut en douter. Autant une aggression dli- bre de la Nation picarde contre la Nation franaise aurait t grave, autant tait menu l'incident, si incident il y avait eu, qui avait pu opposer Siger et Simon Q l'un ou l'autre Franais. Les passions tombes, on a d s'empresser d'oublier ces querelles de lutrin. En tout cas, la plaidoirie des Picards et le verdict qui la consacre interdisent de faire en cette occa- sion de Siger et de Simon des . La solution, pourtant, tait simple : il faut lire :

  • 208 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 209 . . "n*,

    II. De intellectu in suis operationibus 1. De prima operatione (informatiua) Siger, commentateur de la Vetus 2. De secunda operatione (compositio) 3. De tercia operatione (praxis) r,ykditeur des Questiones in tercium de anima, B. Bazhn. incline B les -

    Or, ces questions sur le troisime livre ont t conserves isoibes en deux manuscrits, mais dans un troisime manuscrit elles se lisent A la suite des questions sur le deuxime livre avec qui elles faisaient corpsl5. Rien donc n'interdit de penser que les Questiones de Siger aient fait partie d'un ensemble plus vaste d'o elles ont t extraites A cause de leUr intrt particulier. Et , peut-tre, avons-nous un indice de leur insertion dans cet ensemble : le texte de Siger dans le manuscrit d'Oxford commence en effet par un petit mot :

  • 210 R. A. GAUTHIER

    q', il crit q'; mais t~ la ligne 15 Siger explique

  • 21 2 R. A. GAUTHIER

    Siger (p. 36, 42-43) : a Sicuti 9 Methaphisice scribitur, nihil mouetu, ad aliquid nisi habeat in se aliquid eius ad quod mouetur. , On chercherait en vain ces mots dans la Media e t la Moerbekana : man- quant dans le grec, ils manquent aussi dans les traductions grco-latines,

    Il arrive mme Q Siger de citer sous le nom d'Aristote non pas tant le texte de 1'Arabo-latine que son commentaire par Averros :

    Ar., Met., II, 994a27, a Michaele Scoto transl. (dans Averros 1 [II], t. 7 ; Bd. Darms, p. 64, 9-10 ; Bd. Venise, VIII, f. 31vb M) : @ quemadmodum inter esse et non esse est generatio o ; Averros, 1 [II], comm. 7 (Bd. Darms, p. 66, 57-61 ; Bd. Venise 1562, f. 32rb D-E) : a Deinde dedit exemplum : Addiscens enim etc., id est : uerbi gracia quod sciens dicitur fleri ex addis- cente et non dicimus quod sciens flat ex se nec ex non esse sciencie, set ex medio inter scienciam et ignoranciam, que est priuatio sciencie, et est addiscens.

    Siger (p. 36, 25-28) : a Aristotiles 2 Methaphisice dicit, capitulo de statu causarum, dicit enim quod sciens generatur non ex penitus sciente nec ex penitus nesciente, set ex medio inter scientem et nescientem. v

    Ar., Met., II, 994a27, ab Anonymo transl. = Media (A.L., XXV 2, p. 38, 9-10 ; cf. p. 331b, 4 du bas) : a semper enim est infra (? intra), u t esse et non esse generatio v ; a Guillelmo transl. (Paris B.N. lat. 16584, f. 105va) : (1 Semper enim est medium, ut esse et non esse generatio. s

    Ainsi, l'Aristote de Siger dans ses Quesfiones in fercium de anima est bien l'Aristote des annes 1260-1265 : aprs cette date limite, il aurait t prim. Nous sommes donc bien fonds A regarder Siger comme le dernier de la longue ligne des commentateurs de la Velus.

    Siger, lecteur du commentaire de S. Thomas sur les Sentences

    Lorsqu'on lit les uvres des matres s arts des annes 1235-1250, on est frapp de l'emprise qu'exerce sur leurs esprits une formation thologique dont tout indique qu'elle tait assez approfondiel*. C'est encore vrai du Siger des Questiones in iercium de anima.

    Il est h peine utile de relever les rminiscences bibliques qui trahissent simplement une formation clricale, par exemple (p. 5, 72-75) :

    Qui ergo uoluerit scire utrum intellectus factus sit de nouo uel factus Sit eternus, oportet eum inuestigare formam uoluntatis Primi. Set quis erlt qui eam inuestigabit ? o (cf. Sap., IX 16 : a Que in celis sunt autem quis inuestigauit v [-bit multi] ; Eccli., 1 3 : (( sapienciam Dei precedentem omnia quis inuestigauit v ; XVIII 3 : a Quis enim inuestigabit magnalia eius P). Plus rvlatrice est l'tude des (( autorits )) patristiques (y compris Boce) cites par Siger : il apparat vite que Siger n'a pas lu les auteurs qu'il cite e t qu'il tient toute sa documentation des thologiens de Son temps.

    18. Cf. R . A. GAUTHIER, e Le cours sur 1'Ethica noua d'un martre 6s arts de paris (1235-1240) s, dans Arch. hist. doctr. litt. M . A., 42 (1975) 77-93.

    213 SUR SIGER DE BRABANT . - -

    peut-tre Siger a-t-il lu la Somme du Chancelier Philippe : deux cita- rn Lions groupes le donnent h penser :

    pllilippe (Bd. O. Lottin, Psychologie et morale ..., t. 1, p. 432, 3-7) : a uidetur ci,im quocl (natura angelica) non sit simplex substancia. Sicut enim dicit .

    . . yjoctiu~ in libro De Trinitate : Omne quod est citra Primum est hoc et Item, Post monadem sequitur dyas, secundum Dyonisium. ,

    Siger (p. 19, 37-40) : a Alia uero omnia, que a sua simplicitate recedunt, compositionem aliquam recipiunt, Dicit enim Dyonisius quod monadem sequitur dias. E t Boetius, quod omne quod est citra Primum habct suum quod est . v

    L~ de ces deux (( autorits n, pour tablir une mme thse, , djh son loquence. Mais ce qui est dcisif, c'est que ce sont 18 des , )) djh labores e t qu'on chercherait en vain telles quelles chez les auteurs Q qui elles sont attribues.

    Voyons d'abord l'a autorit s de Denys. L'diteur de Siger renvoie Q L)cnys, De diuinis nominibus, c. IV, 5 21, dans la Patrologie grecque, t, 3, 721 E-D : c'est, bien sr, la source lointaine de la citation, mais il nous faut un texte latin. On se rapprochera en lisant la traduction de ~ c o t rigne dans les Dyonisiaca, t. 1, p. 263, 2 : a monas autem erit

    , - 1

    totius dyadis principium )>, mais c'est encore bien loin de l'adage cit par le Chancelier ... Le Chancelier l'avait-il forg? En tout cas, aprs lui e t sous son influence, il entre dans l'usage. On le lit chez Hugues de Saint- Cher, dans sa question De simplicifafe anime (Ms. Douai 434 1, f. 108va) : a Item Dyonisius : Post monadem sequitur dyas )>, chez Jean de la Rochelle dans sa Summa de anima (d. Dominichelli, p. 119, 6-7) : (( Item beatus

    I ..

    Dyonisius : Post monadem sequitur dyas )>, chez Eudes Rigaud (d. - -. Lottin, Psychologie et morale, 1, p. 447, 6) : a Item. Dyonisius : Post monadem dyas 1).

    Passons Q l'a autorit )) de Boce. De nombreux diteurs l'ont cherche dans les uvres de Boce : aucun ne l'a trouve. Certes, Boce a bien exprim la pense qu'on lui prte, mais en termes trs loigns : (( Reliqua

    4

    enim non sunt id quod sunt : unumquodque enim habet esse suum ex ]lis ex quibus est, id est ex partibus suis ; e t est hoc atque hoc, id est Partes suae coniunctae, sed non hoc uel hoc singulariter )) (De Trin., C. 2 ; P.L. 64, 1250 C) ; ou encore : a Omne simplex esse suum e t id quod est unum habet ; omni composito aliud est esse, aliud ipsum est D (De hebdomadibus ; P.L. 64, 1311 C). Pourtant l'adage strotyp que les thologiens vont citer h l'envie a t form trs tt : il apparat djh veTs 1224 chez Alexandre de Hales, Glosa in I Sent., d. 3 (d. Quaracchi, t. I, P. 64) : (( Boetius, libro De Trinitate, dicit : In omni eo quod est citra Primum differt quod est e t esse it ; vers 1230, Hugues de SainbCher le cite dans son commentaire sur les Sentences (d. Lottin, Psychologie et

    t. 1, p. 430, 6-7) : (( Item. Boetius in libro De Trinitate : Omne I - quod est citra Primum habet quod est e t quo est )>. Mais c'est le Chancelier P h l l l ~ ~ e qui vers 1232 en a fait une autorit classique dans la question I de la simplicit de l'ange ou de l'&me : Hugues de SaintCher le reprend dans sa question De simplicilale anime (Ms. Douai 434 1, f. 108va) : 'BOetius De Trinitate : Omne quod est citra Primum est hoc e t hoc * (cf* ibid., p. 439, 23-24 ; p. MO, 89-90) ; on le retrouve chez Jean

  • 214 R. A. CAUTHIER

    de la Rochelle dans sa Summa de anima (p. 119,2-4), chez Eudes Rigaud Richard Rufus (Lottin p. 447, 3-4 ; p. 458, 131-132), dans la SU^& fratris Alexandri (t. 1, p. 114), chez S. Albert, vers 1241, dans sa Summa de 4 coequeuis, q.21, S.C. (d. Borgnet, t. 34, p. 462a) : (( Dicit Boetius in libro De hebdomadibus quod omne quod est citra Primum est hoc e t hoc )>, enfin chez S. Thomas, I n I Sent., d.8, q.5, a.1, S.C. : , par contfe dans son commentaire sur les Sentences S. Bonaventure est un bon tmoin du processus d'attribution A S. Augustin : il attribue expressment a

    SUR SIGER DE BRABANT 215

    Augustin le texte de Gennade que le Lombard avait cit pour rejeter les contraires A sa formule, e t la formule apparat ainsi comme la suite

    du texte d'a Augustin >> : (( Verumtamen ipse Augustinus hanc ositionem expresse repreliendit in libro De ecclesiasticis dogmatibus,

    Lius auctoritatem Magister ponit in littera ... E t ideo ... anime ... a Deo .,,,tur e t creando infunduntur e t infundendo producuntur D (In II Sent., ,18, a.2, 9.3 ; d. Quaracchi, t. II, p. 453a). Aboutissement de cette Jolution, le texte de S. Thomas offrait A Siger sous une forme ramasse

    , adage et son attribution. sous avons djA vu Siger citer, d'aprs les thologiens, un adage dont

    la source lointaine tait Boce. On lit dans les Quesliones in tercium de ,,lima trois autres citations de Boce : ce sont toutes les trois des adages que Siger r voir emprunts A S. Thomas.

    Tliomas, I n II Sent., d.3, q.1, a.1, arg. 1 (Piana VI 2, f. lova K ; Napoli Naz. VII.B.8, f. 9rb) : u Boetius enim dicit in comment0 Predicamentorum qilod Aristotiles relictis extremis, scilicet materia et forma, agit de medio, id est de composite W.

    Siger (p. 22, 112-113) : u dicit Boetius quod relictis extremis egit Aristotiles de medio o. La source lointaine de cet adage est bien Boce, mais si Boce a fourni la pense, il l'a formule tout autrement ; c'est dans son commentaire sur les Catgories (P.L. 64, 184 A) : (Aristoteles)

  • 216 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 21 7

    a secundum Boetium in V De consolatione Philosophie, Quicquid potest uirtus inferior, potest superior (cf. q.8, a.6, s.c.1 ; a.9, arg.9 ; a.11, s.c.4 ; q.9, a.2, arg.4 ; a.4, s.c.2; q.10, a.5, arg.5).

    Siger (p. 64-65, lignes 12-13) : 4 Boetius in De consolatione dicit : Quicquid potest inferior uirtus, potest et superior. B

    L'diteur de Siger renvoie au De consolaiione Philosophiae, livre V, prose 4. On y trouve assurment une pense analogue (P.L. 64, 849 B ; d. Fortescue, p. 150-151) :

  • 218 R . A. CAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 219

    (< Nobilius est agens patiente, secundum Augustinum in XII De Genesi ad litteram e t secundum Philosophum in I I I De anima. )> Ce qui est sr en tout cas, c'est que Siger n'a pas eu recours directement au texte d'Aristote ; il ne cite pas le texte d'Aristote, De anima, I I I , 430a18-19 :

    Semper enim honorabilius est agens patienti (-te) )> (Vetus ; la Noua n'a rien corrig), il cite l'adage qu'en avaient tir les thologiens.

    Aprs deux autres objections (la deuxime de Siger semble inspire de la troisime de S. Thomas, mais librement), Siger prsente une instance e t y rpond : instance e t rponse sont reprises de S. Thomas :

    Thomas (f. 217va ; Napoli, f. 195va) : u Si dicatur quod hoc ipso anima punitur ab igne quod ignem uidet, u t uidetur dicere Gregorius in IV Dialo- gorum Ic.29 ; P.L. 77, 368 A], contra : Si anima uidet ignem inferni, non potest uidere nisi uisione intellectuali, cum non habeat organa quibus uisio sensitiua uel ymaginaria perficitur ; set uisio intellectualis non qidetur quod possit esse causa tristicie : delectationi enim que est in considerando non est tristicia contrarium secundum Philosophum [Top., 1 15, 106a36-bl, a Boethio transl., A.L., V, p. 22, 18-22] ; ergo ex tali uisione anima non punitur. s

    Siger (p. 31-32, lignes 17-23) : n Si dicas quod anima potest pati ab igne, non quia ipsa secundum suam substanciam comburatur ab igne, set quia uidet se in igne et ide0 quia uidet se esse in igne, ide0 ab igne patitur, contra hoc arguitur : Dicit Aristotiles in Ethicis quod delectatione que est a contemplatione [Eth. Nic., X, 1175a21-281 ; set, cum anima uidet se esse in igne, ipsa non uidet hoc uisione ymaginatiua, set uisione intellectiua ; quare, cum hoc non uideat uisione materiali, ipsa non potest pati passione uel tristitia materiali. a

    Tout en suivant de prs son modle, Siger a voulu raffiner, mais le texte corrompu du manuscrit rend sa pense dificile h suivre. La majeure de son raisonnement se lit en effet dans le ms. sous la forme : (( Dicit Aristotiles in Ethicis quod delectatione que est a contemplatione *. L'diteur a propos de lire : (( Dicit Aristotiles in Ethicis quod delectatio que est a contemplatione r ; mais cette majeure permet seulement de conclure :

    Muckle, 'o.. perse1 .nationibi i-.ri"i." ".il

    Isaac, De diff. (ed. p. 305 ; mss Assisi 663, f. 116vb ; Olomouc 536, f. lova) : u Qui uer uerauerit in impietate sua... sordidabunt eum peccata sua coinqui 1s suis et depriment et grauabunt ipsum ... et remanebit comprehGLLnu, DULJ orbe tristi (scr. : tristis codd, ed.), merens, sine lege reuolutus reuolutionibus orbis in igne magno et flamma cruciatus.

    Albert, In I V Sent., d.44 F, a.38 (Bd. Borgnet, t. 30, p. 595b) : u E t Isaac uidetur uelle quod peccatores deprimentur sub orbe tristi, et grauabunt cos ibi peccata sua. Tristis autem orbis uocatur a philosophis pars orbis sinistra, q iditur supra quartam partem terre que supponitur quarte hat (cf. ibid., p. 663 ; Ethica, 1 ~ I I 17, Bd. Borgnet, t. 7, P. 133a).

    Quelques annes plus tard, vers 1251-1254, Albert va rencontrer la .,- doctrine pythagoricienne de l'enfer e t la mlanger curieusement avec celle d'Isaac. Cette doctrine, il va la lire dans le De ce10 d'Aristote, OU plus exactement dans la traduction Arabo-latine du De ce10 par Grard de Crmone, car, bien entendu, il n'est pas question d'enfer dans le texte d'Aristote. Ce que dit Aristote, c'est que les Pythagoriciens,

    avec l'hypothse gocentrique, avaient mis au centre du monde, pas la terre, mais le feu : la terre e t tous les autres astres tournent

    de ce centre qu'est le feu ; le feu, centre de l'univers, est du mme 'O!P le Garant de son ordre. E t c'est pourquoi les Pythagoriciens appe- laient le feu : G Garde de Zeus B, A i 6 ~ rpu)urxJjv. C'est cette expression qui a embarrass les traducteurs : au lieu de Garde de Zeus )>, le feu est devenu (( Prison de Zeus r (le mot grec rpuhaxJj a les deux sens). E n out-, Garard (OU le traducteur arabe dont il est l'cho) n'avait pas compris la mention de Zeus : c'est Robert Grosseteste qui rtablira son nom.

    Albert dans son De ce10 commente 19Arabo-latine de Grard, mais un manuscrit qui comportait, semble-t-il, des gloses empruntes

  • 220 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 221 .

    A la traduction Grco-latine de l'vque de Lincolnls. Ainsi s'explique son commentaireZ0 :

    Aristote, De caelo, II, 293a20-23, bl-4 A Gerardo transl. (Mss Paris B.N. lat. 6325, f. 7lva-vb ; Vat. Urb. lat.

    206, f. 147r-v) : u Secta autem Pyctagore et qui sunt habitantes in Italia ... dicunt ... quod ignis est locatus in medio et quod terra est una ex stellis e t quod ipsa mouetur super medium et incedit incessu circulari ... E t secta quidem Pyctagore dixit iterum quod propter hanc causam quam nos diximus sit ignis in medio, quod est quia ex illis que oportet conseruari est res nobilis, in mundo autem non est quod sit nobilius eo quod est ignis, medium autem est conseruans res ; quapropter nominauerunt ipsum primi carcerem equalem, scilicet locum pene. n

    A Roberto transl. (Ms. Oxford Balliol College 99, f. 280 ra et va) : (Pythagorici ... in medio quidem enim ignem esse)=' (( dicunt, terram autem unam astrorum existentem circulo latam circa medium et noctem et diem facere ... Adhuc autem quidem Pythagorici et propter maxime conuenire custodiri principalissimum omnis, medium autem esse tale, quod Iouis custodiam nominant idem habens regionem ignem. n

    Albert, De celo, I I IV 1 (d. Cologne, V 1, p. 180, 59-65 ; ms. autographe d'Albert, Wien Nat. 273, f . 119v) : c propter quod etiam (Pythagorici) medium mundi carcerem equaliter undique claudentem uocauerunt. Et hunc locum penarum inferni esse dixerunt, in quo custodiuntur qui custo- diendi sunt sub orbe tristi penas luentes, ut inquit Pythagoras in legibus suis, eo quod ibi est locus ignis in quo cremantur hii qui a Ioue sunt condemnati )).

    19. P. Hossfeld, dans Alberti M caelo et rnundo (Alberti Magni Opera omnia ... curavit Inst. Alberti hlag nse, t. V 1, Monasterii Westl. 1971), Prolegomena, p. VI-VIX, a bien not le fait, mais n'a pas su en rendre compte, d'une part parce que, ignorant la traduction de Grosseteste, il a fait appel B la rvision de Moerbeke, postrieure B l'uvre d'Albert, d'autre part parce qu'il a fait entrer en ligne de compte des rapprochements spcieux avec les leons introduites au xvre aikcle Par les humanistes dans le texte de Moerbeke. Toutes les fois qu'on peut le vrifier, les leons grco-latines lues par Albert viennent de la Translatio Lincolniensis, signalbe en 1950 par D. J. Allan, e Mediaeval Versions of Aristotle, De caelo, and of the Cornmen- tary of Simplicius e, dans Mediaeval and Renaissance Studies, 2 (1950), 82-120. Par exemple : 284a21-22 hiis qui posterius Linc. : 'hiis qui posteriores AIb. ; 284a28 anime... talem uitam Linc. : uita talis anime Alb. ; 289b21-22 siue a casu Linc. : Si uer0.e- " csu AIb.; 297b34 ad... septentrionem ... Linc. (dit par Allan, p. 95) : ad partem septentrionalem AIb. - Dans le texte que nous tudions, en particulier, il est vident que la glose 4 et custodiam Iouis , du ms. r1 (cf. d. Col., p. 150, adn. ad u. 79) vient de la Translatio Lincolniensis.

    20. Albert connaissait aussi I'Arabo-latine de Michel Scot avec le commentaire d1Averro8s, mais il est inutile de la citer ici, car elle ne lui a rien apport pour l'exgSe de ce passage (cl. Aristoielis Opera curn Auerrois comrn., d. Venise 1562, t. V, f . 1 4 ~ " ~ - 147va).

    21. Dans le ms. d'Oxford, seul tmoin de la Translatio Lincolniensis, la traduction des lignes 293a20-21 vav.clw~ - dvat est omise par homotleute ; il serait B la rigueur possible que l'omission soit imputable au ms. grec dont se servait Grosseteste, mais bien plutt est-elle due la ngligence du copiste qui nous a transmis sa t r a d l ~ c t ~ ~ ~ ' je complte les mots indispensables au sens d'aprs la rvision de Moerbeke.

    ,\lbert, De natura loci, 1 12 (kd. Col., V 2, p. 20, 51-56 ; Ms. autographe m. ivien Nat. 273, f . 1 4 8 ~ ) : 4 Propter quod dixit Pythagoras inferius emyspe- ,ium esse I O C U ~ penarum et tartari, uocans dispositionem orbis super inferius emysperlum orbem tristem (cod. : terrestrem perperarn ed.), sub quem deprimunt homines peccata sua, et gemere eos qui ibi sunt sub acIuis infinitic *

    fusionn i Pythag~

    en une

    ore . .. de . GI doctrine

    . Or, il e; Albert a seule doctrine la : de l'enfer

    d'Isaac e t Srard de Crmone st bien vi- dent sont incompatibles : l'enfer d'Isaac, qui se situe quelque

    aux a :s, ne peut tre celui de Pythagore, qui est au centre de ]'univeri iomas l'a bien senti, e t il distingue nettement les deux doctrines :

    Thomas, l n I v Sent., d.44, q.3, a.2, qla 3 (Piana VI1 2, f. 217ra ; Ms. Napoli Naz. VII.B.20, f . 195ra) : u Quidam tamen philosophi [Isaac] posiierunt quod locus inferni erit sub orbe tristi [ed. cod. : terrestri ed. pnrme, ViuZs], tamen supra terre superficiem ex parte opposita nobis... Pictagoras uero posuit locum penarum in spera ignis, quam in medio tociiis orbis esse dicit, ut patet per Philosophum in I I Celi et mundi n. - Cf. In II Sent., d.6, q.un., a.3, ad 2 : u secundum Philosophum in I I Celi et mundi, Pictagoras locum ignis dixit esse carcerem n ; ad 2 : (( Pictagoras aiitem loquitur de igne quem in medio uniuersi ponebat, ut ibidem dicitur, e l hunc nos dicimus esse ignem inferni, qui est horridus et tenebrosus et locus penalis demonum. D

    Nous sommes maintenant en mesure d'apprcier le texte de Siger : Siger (p. 32, 31-35) : c Ipse tamen (Aristotiles) recitat quod Pictagoras

    dixit ignem esse in centro terre, eo quod, cum ignis sit nobilissimum corpus, debet ei respondere nobilissimus locus. E t ideo, cum centrum sit medium, ideo dicebat ignem inclusum in centro terre et illum ignem dixit esse

    - carcerem in quo cremabantur (scr. : cmabantur cod : cruciabantur ed.) a loue condempnati. n

    nas en al le, mais uer la do

    7 , 3

    resque lit sunt con II a lu S

    . .

    Siger a lu le De celo de S. Albert : il en reproduit p hralement une phrase (Albert : (( in quo cremantur hii qui a Ioue demnati )) ; s Siger :

  • 222 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 223 tudinis n, mais non pas . Il tait facile, toutefois, de passer d'une expression h l'autre : Albert l'avait fait (cf. ed. Col., V 1, p. 181, 6, 8, 10, 12).

    Quoi qu'il en soit, la documentation de Siger tait abondante. Il est donc surprenant qu'il ait interprt compltement h contresens la locali- sation pythagoricienne du feu : Aristote le dit clairement, S. Albert et S. Thomas l'avaient parfaitement expliqu, Pythagore place le feu au centre non pas de la terre, mais de l'univers, d'un univers non gocentrique dans lequel la terre comme les autres astres tourne autour du feu central. Or, Siger lui fait dire exactement le contraire : (p. 32,32), (( ignem inclusum in centro terre )) (p. 32,34). Siger a-t-il fait semblant de mal comprendre la localisation pythagoricienne pour exploiter contre les thologiens, favorables h la localisation de l'enfer au centre de la terre, la critique d'Aristote? A d'autres poques e t de la part d'autres adversaires de la thologie, pareille mauvaise foi n'tonne- rait pas, mais rien n'autorise h prter Siger cet excs de perfidie. Bien plutt a-t-il pch par excs de navet : il s'est laiss entraner par le , prestige de l'hypothse gocentrique, ou par l'imagerie populaire de l'enfer, h lire de travers un texte d'Aristote qu'Albert e t Thomas avaient lu correctement.

    Aprs cette digression sur l'enfer pythagoricien, Siger aborde la question au fond et, pour commencer, il passe en revue les diverses solutions qui lui ont t apportes, en montrant l'insuffisance de chacune d'elles : la encore, il suit pas h pas S. Thomas.

    Voici la premire solution, avec sa rfutation : Thomas (Piana, f. 218rb C ; Napoli Naz. VII.B.20, f . 196rb) : a Quidam

    enim dixerunt quod hoc ipsum quod est ignem uidere sit animam ab igne pati.Vnde Gregorius in IV Dialogorum [c.29 ; P.L. 77, 368 A] dicit : Igilem eo ipso patitur anima quo uidet. - Set istud non uidetur sumcere, quia quodlibet uisum ex hoc quod uidetur est perfectio uidentis, unde non potest in eius penam cedere in quantum est uisus ; set quandoque est punitiuum uel contristans per accidens, in quahtum scilicet apprehenditur ut nociuum, undc oportet quod preter hoc quod anima illum ignem uidet, sit aliqua comparatio anime ad ignem secundum quam ignis anime noceat. n

    Siger (p. 33, 49-53) : a dicunt quidam quod anima separata potest pati ab igne, non autem patitur quia comburitur, set quia uidet se in igne esse. -- Contra hoc arguitur : et licet uideat se in igne, non tamen percipit quod ei noceaf ignis ; quare ergo patitur ab igne ? >>

    ue le ms. 5veloppai Voici la

    ne nous it.

    i a conse

    e solutioi

    rv qu'u

    1, avec s:

    Le rsum est brutal e t en fin de compte peu intelligible : on aime h croire 9' :s que Siger dans son cours dc

    n caneva

    i rfutati

    Iilla et ad talem apprehensionem amcitur timore et dolore, ut in eis impleatur quod dicitur : Trepidauerunt timore ubi non erat timor [Ps. XII1 51. Vnde Gregorius in IV Dialogorum [c.29, P.L. 77, 368 A] dicit quod, quia anima cremari se conspicit, crematur. - Set hoc iterum non uidetur sufficere, quia secundum hoc passio anime ab igne non esset secundum reiueritatem, ,,t secundum apparenciam tantum ; quamuis enim possit esse uera passio tristicie uel doloris ex aliqua falsa ymaginatione, u t Augustinus dicit XI I

    Genesi ad litteram [XXXII 60-61 ; P.L. 34, 480-481 ; d. Zycha, CSEL 28, p. 426-4271, non tamen potest dici quod secundum illam passionem uere aciatur a re, set a similifudine rei quam concipit. E t iterum iste modus P . . passronrs magis recederef a reali passione quam ille qui ponitur per ymagi-

    ,-,arias uisiones, cum iste dicatur per ueras ymagines rerum esse quas anima secum defert, iste autem per falsas concepfiones quas anima errans fingit. ~t iterum non est probabile quod anime separate, uel demones qui subtilitate ingenii pollent, putarent ignem corporeum sibi nocere posse si ab eo nullatenus grauerentur. 0

    Siger (p. 32, 54-63) : 6 Propter quod addunt alii quod anima patitur ab igne quia, uidet se esse in igne, uidetur ei quod comburatur ab igne, et ide0 sic patitur ab igne ; sicut sompnians aliquando multum patitur ab igne, quia uidetur sibi per sompnium quod sit in igne et quod comburatur. - Set hoc nichil est. Nam, si anima patitur ab igne quia uidetur ei quod comburatur ab igne, tunc anima non patitur ab igne, set a specie ignis. Item, passio non esset passio, set decepfio, quia uidetur esse falsum ; contra (scr. : .n. 1 cod.) hoc : Aristotiles in hoc 30 dixit quod intellectus ille qui est sine materia non est falsus, set semper uerus [De anima, III, 4301330-311 ; quare, si iste intellectus non decipitur, nec anima separata decipitur.

    deux dei . - c .-..- '

    n n'est j2 a que lq~ us le con >t an tnr*

    rnires rc l . -1 . - ~ - - ? 3

    S. Thom

    LX, mais ' h identif aujourd' " nn.... h:

    Siger a fondu en une iisons de as, e t il a fait appel h Aristote pour rerilorcer la aerniere : il est peu vraisem- blable, disait S. Thomas, que les mes spares e t les dmons, dont l'intelligence est si subtile, se trompent ; ce n'est pas possible, renchrit Siger, et il en appelle h l'autorit d'Aristote. Aristote n'a-t-il pas dit que l'intellect qui est (( sans matire imais fau toujours vrai ?

    ier la citation Un lecteur moderne d'Aristote ie peine de Siger, car Aristote tel que no1 iprenons hui n'a jamais rien dit de tel. filais il l'avait dit, tb ~ ~ i e s exprs, yvur en des lecteurs du moyen ge, en 430b30-31. Aristote vient de consacrer tout un chapitre

    montrer que l'intellection des concepts simples est toujours vraie ; 11 met le point final son expos en disant : la sensation par le sens de Son objet propre est toujours vraie, ef il en va de mme de foutes les choses Sans mafiere : (( e t sic se habent quecunque sine materia sunt )> (Velus) ; Ces choses sans matire, pour les modernes, ce sont les concepts abstraits, les objets de l'intellect ((( cosi avviene per gli oggetti senza materia r, traduit le plus rcent t r a d u ~ t e u r ~ ~ ) : Aristote veut dire que la perception par l'intelligence des concepts abstraits est toujours vraie. Ainsi ont 'galement compris quelques commentateurs de la Veius (par exemple

    I n de anima I I - I I I , hls. Oxford Bodl. Lat. misc. 70, f. 21rb :

    Thomas (ibid.) : a Vnde alii dixerunt quod, quamuis ignis ~0rpore.Us "O" ". Giancarlo MOVIA, Artsrore~e. L'anima. 2 raauzrone, rnlroauzrone e comrnenfo possit animam exurere, tarnen anima apprehendit ipsum ut nociuum s'hi (PilosOfi antichi 7), Napoli 1979, p. 186.

  • 224 R. A. GAUTHIER

    (( id est similiter se habet in intelligibilibus D), mais la plupart ont compris tout autrement : Aristote ne parlerait pas des objets, mais des sujets, non des concepts abstraits, mais des intelligences spares : ainsi le Ps.-Pierre d'Espagne, Expositio in II-III de anima (d. Alonso, Pedro Hispano, Obras filosbficas, I II , Madrid 1952, p. 343,3-15), ainsi S. Albert, De anima (d. Col., p. 210, 61-64) : Quecunque autem sine materia sunt sicut substancie separate intelligunt res per simplices rerum quiditates et ide0 non falsificatur intellectus ipsorum O, ainsi plus tard S. Thomas ( I I I 5, 242-246). Ainsi a compris Siger, qui se rvle donc au courant de l'exgse commune de son temps.

    La troisime opinion est celle de S. Albert dans son commentaire sur le quatrime livre des Sentences (d.44 F, a.37 ; iid. Borgnet, t. 30, p. 592 ; cf. a.40, p. 598). S. Thon me la dveloppe, car S. Albert l'avait seulement esquissi re insuffisante. Siger ne manque pas de le suivre :

    las l'expi e, mais i

    )se, e t mi 1 la dcla

    Thomas (Piana, f. 218r~-va ; i4'apoli, f. 196rb ; je mets en italiques les expressions littkralement reprises d'Albert) : Vnde alii dicunt quod 0p0rtet ponere animam etiam realiter ab igne corporeo pati ; unde etiam Gregorius in IV Dialogorum [c.29 ; P.L. 77, 368 A] dicit : Colligere ex dictis euangelicis possumus quia incendium anima non solum uidendo set etiam experiendo paciatur. Set hoc tali modo fieri ponunt : dicunt enim quod ignis ille corporeus potest considerari dupliciter : uno modo secundum quod est res quedam corporea, et hoc modo non habet quod in animam agere possit ; alio modo secundum quod est instrumentum diuine iusticie uindi- canfis (hoc enim diuine iusticie ordo exigit ut anima que peccando se rcbus corporalibus subdidit, eis etiam in penam subdatur) ; instrumentum autem non S O ~ U ~ agit in uirtute proprie nature, set etiam in uirtute principalis agentis, ut supra d.1 dictum est, et ita non est inconueniens si ignis ille, cum agat in ui spiritualis agentis, in spiritum agat hominis. .. - Set istud etiam non uidetur sumcere, quia omne instrumentum in id circa quod instrumentaliter operatur habet propriam actionem sibi connaturalem .et non S O ~ U ~ actionem secundum quam agit in uirtute principalis agentls, immo exercendo primam actionem oportet quod emciat hanc secundam, sicut ... sera secando lignum perducit ad formam domus ; unde oportet dare igni aliquam actionem in anima que sit ei connaturalis ad hoc quod sit instrumentum diuine iusticie peccata uindicantis. D

    Siger (p. 32, 64-67 et 70-75) : u Aliter dicunt alii quod ignis potest considerari uno modo in se et absolute, et. ab ipso sic considerato non potest anima pati ; alio modo potest considerari in quantum est instrumentum diuine ultionis, et ab eo sic considerato potest anima pati. - (contra) Item, Aristotiles primo huius [407b24-261 dicit quod non quelibet utitur quolibet instrumento, set solum instrumento sibi conuenlcnti (instrumentum enim debet habere aliquam communicationem cum paso) ; set ignis nullam conuenienciam uidetur habere cum anima ; quare, u t uide- tur, non poterit esse instrumentum sue punitionis. D

    On reconnat aisment dans l'objection que Siger fait A la doctrine d'Albert (expose d'aprs S. Thomas), l'objection de S. Thomas !s une chose ne peut servir d'instrument que si elle peut agir sur la matiere transformer ; mais Siger l'a repense e t appuye sur l'autorit d9~ristote: En outre, avant de reprendre l'objection de S. Thomas, il en a i d r e une autre :

    SUR SIGER DE BRABANT 225

    Siger (p. 32, 68-69) : 8 Set mirum uidetur, cum passio magis facta abiciat substancia, qualiter anima pateretur (scr. : pacietur cod. : patiatur ed.) ,tinuo ab igne et non corrumperetur ab igne. D

    prn i re v tre tent de croire que Sii cette fois recoul a Illbistote : ne semble-t-il pas citer le ttnbr; Topiques,

    VI 6, 145a3-4, traduit par Boce (A.L., V, p: 128, 15-16) : (( Omnis enim passio magis facta abicit a substantia )>? Mais quand Siger cite Aristote, il A le faire savoir. Il est donc plus probable qu'il cite ici, sans savoir

    vient d'Aristote, un adage familier aux thologiens (S. Thomas l'avait cit trois fois dans son commentaire des Sentences, I n II Sent., d.19, 4.1, a.3, s.c.1 ; I n III Sent., d.15, q.2, a.1, qla 1, s.c.1 ; I n I V Sent., d.44, q.2, a.1, qla 1, s.c.1). S. Thomas, il est vrai, ne cite pas cet adage quand il se demande si le feu agit sur l'me (il le fera plus tard, Q. de anima, q.21, arg.13 ; d. Robb, p. 266, 25-27), mais S. Bonaventure l'avait cit dans la question parallle : est-ce que le feu de l'enfer consume les corps

    ,s damns ( In I V Sent., d.44, P.11, a.3, q.1, arg.2 ; d. Quaracchi, IV, p. 928-929) : (( omnis passio magis facta abicit a substancia ... ergo e ignis consumit corpora. )> Aprs le recensement des opinions e t la preuve de leur insuffisance,

    vient la sol finitive : Siger fait rsolument sienne la solution de S. Thomas

    Thomas (rlaila, 1. 218va ; Napoli, f. 196va) : 4 E t ideo dicendum quod corpus in spiritum naturaliter agere non potest nec ei aliquo modo obesse uel ipsum grauare, nisi secundum quod aliquo modo corpori unitur... Spiritus autem corpori unitur dupliciter : uno modo, ut forma maferie ..., sic autem spiritus hominis uel demonis igni corporeo non unitur ; alio modo sicut mouens mobili uel sicuf locatum loco, eo modo quo incorporalia sunt in loco [ = per operationem, que effectum aliquem in eo causat, In I Sent., d.37, q.3, a.1 ; Piana, VI 1, f. 116va51, et secundum hoc spiritus incorporei creati loco difiinuntur, ita in uno loco existentes quod non in ali0. Quamuis autem res corporea ex sua natura habeat quod spiritum fncorporeum loco dimniat, non tamen habet ex sua natura quod spiritum lncorporeum loco dimnitum detineat, ut ita alligetur illi loco quod ad d ia diucrtere non possit, cum spiritus non ita sit in loco naturaliter quod ~ O C O "'bdatur. Set hoc superadditur igni corporeo in quantum est insfrumentum dluine iusticie uindicanti quod sic definet spiritum et ita emcitur ei penalis, Pctardniis eum ab executione proprie uoluntatis, ne scilicet possit operari Ubi uult et secundum quod uult.

    Siger (p. 33-34, lignes 74-87) : 4 nisi ab eo cui unitur; , sicut in Principio (tr. : in pr. sicut cod., ed.) anima corpori in suis passionibus unieba- tur, ita post separationem unitur ei (scr. : et cod., ed.) ; ide0 poterit ab eo Pati. Qualiter autem unietur corpori ? Dico quod unietur ei non sicut forma

    set sicut locatum unitur loco, quia operatur in eo ; unietur ergo !'lima igni, quia erit operans in eo. Nunc autem ignis bene potest esse lnSfrumenlurn diuine iusticie quantum ad hoc quod ipse determinat locum SUum ita quod ipsa non possit alibi esse operans, set solum in ipso igne ; anima erg0 ita definefur ab igne, detenta tristatur, et in hoc patitur, cum lPsa anima (scr. : quia cod.) desideret alibi operari et non possit ; dicit enim huer ro~s quod omnis uoluntas est delectabilis [ In Met., V, comm. 6 ;

    Ponzalli, p. 100, 49 ; Bd. Venise 1552, f. 109va71 ; quod ergo impedit

  • 226 R. A. GAUTHIER

    uoluntatem anime ei unite in qua quidem delectaretur si eam compleret, facit eam tristari ; et sic anima patitur ab igne. u

    Le texte de Siger, tel que le donne le ms. d'Oxford, n'offre pas de sens satisfaisant ; l'diteur l'a quelque peu amlior, mais sans parvenir 1, rendre pleinement intelligible. Il semble pourtant qu'on puisse restaurer le texte de Siger en recourant 8 sa source. Nous voyons ainsi que le scribe a d omettre le dbut de la solution, qui donnait la cl de la suite du texte : (< l'me ne peut pas ptir d'un corps, sinon d'un corps A qui elle est unie )> ; il ne s'agit pas ici du corps humain, mais d'un corps, en l'occur- rence le feu ; l'me, dans son tat premier d'union au corps humain, tait unie 8 ce corps qu'est le feu dans les passions qu'elle en prouvait par l'intermdiaire du corps humain ; mais, une fois spare du corps humain, elle sera encore unie au feu, cette fois par l'opration qu'elle y exercera. La dernire phrase du texte est elle aussi corrompue ; l'diteur a crit : (( Quod ergo impedit uoluntatem anime ei unire, in quo quidelil delectaretur, si eam compleret, facit eam tristari n, il a donc compris : Ce qui empche la volont de l'me de s'unir 8 celui en qui elle trouverait

    sa joie )> ; mais cette reconstitution est impossible : le ms. ne donne pas (< unire v , mais (< unite s, e t si l'on corrige in qua )> du ms. en (( in quo )), le fminin (( eam )) qui suit n'a plus de sens. J'ai donc propos de garder le texte du ms. en supplant : ((ab operatione a : Le feu qui empche la volont de l'me qui lui est unie htrodoxe, 1'(( averrosme latin )> dont la thse brincipale est la sparation non seulement de l'intellect agent, mais encore de l'intellect possible? C'est des Questiones in tercium de anima qu'on est en droit d'attendre la rponse.

    Or, il semble bien que les Questiones in tercium de anima excluent la rponse qui vient naturellement 8 l'esprit : ce qui a fait de Siger un , averro~te )) de la deuxime manire, ce n'est pas une lecture plus atten- tive du texte d'Averros, car ce texte, Siger semble le connatre assez mai.

    xous en retiendrons comme preuve la critique que Siger fait, au nom d'Averros, de la doctrine des premiers principes, instruments de l'intel- lect agent. Cette doctrine, Siger l'attribue 8 S. Albert ; or, c'est une doctrine d'Averros lui-mme, et Albert le dit expressment. Siger n'a pas su 13 retrouver dans Averros, ce qui montre qu'il tait peu familiaris avec son texte, et, ce qui est plus grave, il l'a crue en contradiction avec la pense d'Averros, ce qui montre qu'il n'en avait pas pntr les subti- lils.

    Voici les textes (je ne donne que les phrases essentielles de l'expos dS:iverros, qui est trs long) :

    .\verros, In De anima, III 36, 488-552 (d. Crawford, p. 496-498): *intellects... autcm duobus modis fiunt in nobis : aut naturaliter (et sunt prime propositiones, quas nescimus quando extiterunt e t unde et quomodo), 3ut uoluntarie (et sunt intellecta acquisita ex primis propositionibus) ... [Or, les prcmires propositions viennent de l'intellect agent, donc] necesse

    quod intellecta habita a nobis a primis propositionibus sint aliquod racliim congregatum ex propositionibus notis et intellectu agenti ... E t omnis actio facta ex congregato duorum diuersorum, necesse est ut alterum duoriirn illorum sit quasi materia et instrumentum, et aliud sit quasi rorm:r a ~ t agens. Intellectus igitur qui est in nobis componitur ex intellectu qui est in hbitu et intellectu agenti, aut ita quod propositiones sunt quasi "'"teria c l intellectus agens est quasi forma, aut ita quod propositiones

    qqriasi instrumentum et intellectus agens est quasi eficiens ... Set si pos!1(!rlmus quod propositiones sunt quasi instrumentum, continget u t ""lia eterna proveniat a duobus quorum unum est eternum et aliud non 'ternume.. (le mme inconvnient suit s i on pose les premiers principes

    matire) ... Dicamus igitur quod ... (propositiones) assimilantur et instrument0 aliquo modo, non quia est materia uera aut instru-

    mcntum .cru,... , 'Ibert9 Surnrna de homine, q.54 (d. Borgnet, t. 35, p. 451b) : 4 intellectus

    Ibnim in habitu secundum Auicennam et Algarelem nichil aliud est quam h 3 b i L ~ s principiorum, quibus, ut dicit Auerroes, tanquam instrumentis lgens I>os~ibilem educit in actum r ; q.56, a.3 (ibid., p. 481b) : 4 tres sunt vadus intcllectlis possibilis ad scienciam ... Sciencia enim est habitus 'Onstllut~S ex compositione intelligibiliurn ; et propter hoc primus potencie

    ad ipsam est intellect~is humanus hylealis, qui de sua natura est La'is Ut sit sciens ; secundum autem est habitus principiorum, que sunt

  • 228 R. A. GAUTHIER SUR SIGER DE BRABANT 229

    quasi instrumenta ad acquirendam scienciam ; tercius autem habet scien. ciam et potest considerare quando uult. i>

    Thomas, In II Sent., d. 28, q.1, a.5 : a C prima principia sint quasi instrumenta intellectus agentis, ut C itor dicit in III D~ anima ... )) ; cf. De uer., q.9, a.1, ad 2 (d. Lon., p. z80, 254-256) : 6 prima enim principia sunt quasi instrumenta intellel tis, u t dicit Commen- tator in III De animai>; q.lO, a.13, u. 12t . I l , a.3, u. 236-241 ; q.12, a.3, u. 222-223.

    Siger (p. 39, 102-113) : Alii dicunt, et uidetur esse positio Alberti, quod intellectui nostro est innata aliqua cognitio, ut scilicet primorum princi- piorum que neminem latent, sicut : De quolibet affirmatio uel negatio..., et similia [Auerroes, I V Methaphisice ; cf. Siger, p. 36, 37-40] ; non quod ipsa sint intellectus agens, set sunt instrumenta intellectus agentis, per que educit intellectum possibilem ad actum. - Set ista positio non ualet : Si enim intellectus agens habeat instrumentum, hoc uidetur esse intentiones ymaginate magis quam aliud. [et] Licet enim dicat Aristotiles quod intellectus agens est id quo est omnia facere, ut ars ad materiam substituit, differenter tamen agunt intellectus et ars ; nam ars per se suficit ad ponen- dum formam in materia, non sic intellectus, set eget intentionibus ymagina- tis ; hoc dicit Auerroys [III 18, 36-57 ; d. Crawford, p. 438-4391. Quare manifestum quod non ualet quod dicunt.

    um enim :omment;

    - -

    ctus agen 3-132 ; q.

    Siger n'a manifestement pas vu Ci quel texte d'Averros se reportait Albert (et avec lui Thomas). Dans le commentaire 18, qu'invoque Siger, Averros parle de la premire opration de l'esprit : l'intellect agent a besoin des cc intentiones ymaginate 1) pour amener Ci l'acte l'intellect; possible e t produire en lui la simple apprhension. Au contraire, dans le commentaire 36, qu'invoque Albert, Averros parle de la deuxime opration de l'esprit e t de ses dveloppements : l'intellect agent se sert des premiers principes pour mettre en acte l'intellect possible et lui permettre de formuler e t d'ordonner les conclusions dont l'ensemble constitue la science. Loin donc de s'opposer, les commentaires 18 et :3R se compltent : ils affirment la prminence de l'intellect agent, qui prside 8 tout le droulement de l'activit intellectuelle depuis sa premire dmarche dans la saisie du concept simple jusqu'A son achvement dans la science. 11 n'y a donc aucun sens 8 mettre en concurrence, comme le fait Siger, les phantasmes e t les premiers principes : leur intervention ne se situe pas au mme stade de l'activit intellectuelle. 11 est exact pourtant qu'Albert e t Thomas ont pass sous silence la dificult qu'prouve Averros A faire des premiers principes de vrais instruments de l'intellect agent, difficult qui tient A l'essence mme du syst6me averroste, mais difficult qui se retrouve exactement la mme 10rsq~'~l s'agit des u intentiones ymaginate )) : comment faire entrer en compositlo" l'ternel e t le non-ternel? Tout ce que peut rpondre Averros, que l'Intellect agent ne s'unit pas aux premiers principes non-ternels (pas plus qu'aux phantasmes non-ternels) comme A une vraie matire OU 8 de vrais instruments : il n'y a 18 qu'une similitude. Prciser la nature de cette similitude, c'est dire comment l'intellect ternel peut s'un" .' nous e t c'est le problme fondamental de l'averrosme. S'il voulait recti' fier Albert, c'est sur ce point que Siger aurait d faire porter sa critlrIue'

    Ilais, pour cela, il aurait fallu qu'il connaisse Averros mieux que ne le connaissaient Albert e t Thomas. Il le connaissait moins bien, e t il est

    compltement A ct du problme. L,(( averrosme o de Siger n'est donc pas n d'une lecture nouvelle e t

    d'Averros. C'est ce que confirme la conception de l'me intellective qu'on trouve dans les Questiones in fercium de anima. Ds 1939, le P. Salman a montr que la doctrine d'une me intellective spare, telle que la prsente Siger, (c diffre de manire radicale de la doctrine rellement soutenue par Averros. Pour le Commentateur, en

    il n'y a pas une me sparbe, car ce qui est spar n'est ni une, ni me. Le spar, selon l'Arabe, est intellect, e t il est double, car l'intellect agent et l'intellect possible sont deux substances parfaitement distinctes, qui sont l'une e t l'autre spares )P3. En 1977, F. Van Steenberghen a essay de minimiser l'opposition entre la doctrine de Siger e t celle dlXverros : il arrive A Averros de parler d'une me intellective constitue par l'union intime des deux intellectsz4. Certes, il subsiste chez Averros bien des expressions qui font de l'intellect agent e t de l'intellect possible une partie de notre me (c'est ce qui a rendu possible le premier aver- roisrne), mais il s'agit de savoir comment ils en font partie, par une union dans la substance ou par une union dans l'opration. Pourtant, la vraie question n'est pas de savoir si la doctrine de Siger est plus ou moins fidle 8 l'authentique pense d'Averros (que d'ailleurs personne jusqu'ici ne peut se flatter d'avoir bien comprise), elle est de savoir si la lecture d'Averros que reprsente cette doctrine est la lecture person- nelle et originale de Siger. Or, tel n'est assurment pas le cas : la fusion des deux intellects en une me intellective unique, Siger la doit aux matres 6s arts ses prdcesseurs, la sparation de cette me, ce sont les tholo- giens qui, avant lui, l'ont lue chez Averros.

    Lorsque Siger vers 1265 crivit ses Quesfiones in tercium de anima, il y avait quelque trente ans que la fusion des deux intellects en une seule fime tait 8 la facult des arts doctrine courante. A partir du jour OU, "ers 1225, un matre de la facult des arts avait lu dans Averros la doc- .ine de l'intellect agent, puissance de l'me, il y avait dans l'me deux

    La question se posait donc de leur rapport, et, comme on "ait lu chez Averros la doctrine de l'intellect agent puissance de l'me, On lut chez lui la doctrine de I'me intellective : l'intellect agent e t l'intel- lect possible ne constituent qu'une seule me, parce que, identiques en Substance, ils ne diffrent que d'une distinction de raison :

    Ps.-Pierre d'Espagne, E$positio lib. II-III De anima (d. Alonso, Pedro His~ano. Obras fllosdficas, III, Madrid 1952, p. 326, 16-20 et p. 327, 3-41 :

    utrum eadcm intelligencin creata sit intellectus possibilis et agens secun-

    23. D. SALMAN, Compt de Siger de Brabant, Bru2 1937-1939, p. 658.

    .. .

    .e rendu de :elles 1938

    1 F. VAN STEENBERGHEN, Les uvres et la docfrine , dans Bulletin thomiste, t. V, Annees XIV-XVI,

    "4- P. VAN STEENBERCHEN, Maltre Siger de Brabant, p. 340, note 6. 25. Cf. R. A. GAUTHIER, + Le trait6 De anima et de potenciis eius d'un matre 6s

    arts 1225) ,, dans Reu. Sc. ph. th., 66 (1982) 3-55.

  • SUR SIGER DE BRABANT 23 1 230 R. A. GAUTHIER dum esse diuersa, scilicet secundum quod coniungitur corpori sit intellectus possibilis, secundum autem quod in se est substancia creata, sit intellectus agens ... E t dicendum quod non penitus idem secundum substanciam est intellectus possibilis et agens secundum esse diuersa. ,

    Anonyme (maftre 6s arts, vers 1246/47), In de anima 11-111 (ms. Oxford Bodl. Lat. Misc. c.70, f.20va) : n Item nota quod intellectus agens et possi- bilis idem sunt secundum substanciam, differunt tamen, quia in illis possibilis debetur anime a parte suae vnionis curn corpore ..., intellectus agens debetur anime in quantum est hoc aliquid. n

    Anonyme (maftre 6s arts, vers 1246/47), In de anima uef. (Roma NaZ. V.E.828, f. 45vb) : a Commentator uult quod intellectus possibilis corrupti- bilis est secundum eius substanciam, et idem est secundum substanciam curn intellectu agente... est secundum substanciam intellectus agens et possibilis, et uterque est anima tota, set differunt secundum rationem R ; f. 46ra : a Et iterum apparet per Commentatorem qui dicit quod intellectus possibilis separabilis est secundum substanciam, et ponit ipsum idem esse curn intel- lectu age.

    Adam Noscol. de philos., 40, 1937, p. 210) : ;ia intellectus agentis et possi- bilis ... VOIUIIL. aiiiiii quiuaiii... quuu uiia e~ eadem sit substantia utriusque, que quidem secundum quod inclinationem habet ad ymaginationem a qua recipit formas intelligibiles dicatur substantia intellectus possibilis ... eandem tamen substantiam, prout est in se considerata, dicunt esse substantiam intellectus agentis ... Idem etiam per plures rationes potest confirmari, tam secundum Aristotilem quam secundum Commentatorem. r>

    nte. , de Bocfe' n utrum ... 1-.-* --:-

    Id (d. S , una et F " -.-:a--

    alman, ii !adem sit

    - - - - A .

    z Revue . substant -'

    Anonyme (mattre 6s arts, vers 1260), Q. in ires libros de anima (d. Vennebusch, Paderborn 1963, p. 297, 255-258) : a Propter quod tercia uia uidetur esse concedenda, curn Auerroy qui dicit [Il1 20, 219-222; d. Crawford, p. 4511 quod agens et possibile sunt due uirtutes unius anime, quarum una est de genere actiuarum, alia de genere passiuarum ; ut agens et possibile non nominant substanciam anime set duas uirtutes unius anime nobis copulate. r

    Anonyme (matre 6s arts, vers 1260), Q. in II el III de anima (mss Oxford Merton Coll. 272, f. 245rb ; Siena Com. L. 111.21, f. 1811%) : u Quod autem intellectus agens sit aliquid ipsius anime rationalis, muitis auctoritatibus potest confirmari. E t hoc primo demonstratione Aristotilis ... Item, Cornmen- tator dicit quod intellectus agens et possibilis sunt unum in substancia et duo in operationibus tantum. ,

    Siger (p. 45, 62-63) :

  • 2?2 R. A. GAUTHIER f iel! . "a

    connaissance des textes insuffisante, sa facult d'invention nulle (on chercherait en vain chez lui une ide originale) ; mais, une fois qu'il a reu d'un autre une hypothse, il excelle Q en dvelopper jusqu'au bout les consquences. Empressons-nous d'ajouter que Siger n'en restera 14 : peu Q peu, et de par les exigences mmes de son enseignement, il apprendra h lire les textes ; confront la critique, e t notamment Q celle de S. Thomas, il apprendra que la logique n'est pas tout, et qu'elle doit s'incliner devant les leons de l'exprience.

    ( A s u ' ' ivre) Commissio Leonina

    1 Vecchia di Marino, 24 46 Grottaferrata (Italia)

    n ~ s u m & DE L ' A R T L G ~ ~ . - idotes Sur Siger de Brabant. 1. Siger en 1265 (a suivre). L e nom de Siger apparatt pour la premibre fois dans les documents relatifs a u conflit

    universitaire de 1265-1266, et c'est vers cette date que Siger enseigne ses Questiones in I I I De anima. Le plaidoyer des Picards, publid en 1909 par R. Poupardin, mais nglig par les historiens de Siger, amkne rectiper le jugement portd par ces historiens sur le r81e de Siger dans la crise universitaire et sur son caractdre: Siger ne fut n i u n chef ni un violent, mais u n comparse et u n timide. L'dtude des Questiones in I I I De anima entrahe utte rvision d u m6me ordre: en 1265, Siger n'est pas u n penseur personnel, il est encore u n dlbve; il doit l'essentiel de son information et de sa pense a u x uvres des thologiens, nofamment ail Commentaire sur les Sentences de S . Thomas; c'esf des thologiens lient jusqu' sa manibre de lire Averrods, et son originalifd ne dpasse pas le jeu lo9irlile qui consiste d prendre la dfense de la thbse e impossible ,.

    Une seconde partie s'attachera a u x anntes 1272-1275, a u conflit doctrinal d 1' lYniuersir6 de Paris et a u rle qu'y joua Siger.

    SUMMARY. - Notes on Siger of Brabant. 1. Siger en 1265 (to be continued) . Siger's name appears for fhe flrst f ime in documents relating to the 1265-1266 universily

    conflict and it i s around fhat t ime that Siger mas feaching his Questiones in I I I De anima' T h e Picards' argument, published i n 1909 by R. Poupardin, but neglected by siger" hislorians, contributes to amending these historians' judgement o n Siger's part in Ihe uniuersity crisis and on his dispositions: Siger tuas neither a leader nor a violent but a secondary characier and a shy individual. The study of the Questiones in II1 anima entails a similar revision; i n 1265 Siger i s not a n original thinker, he is

    a

    Pupil; he owes most of his information and thought to fhe worlrs of theologians es^^^^^^^^ fo the Commentary of S i Thomas' Sentences; he owes the theologians even hi8 way 01 reading Auerroes and his originality i s no greater than the logical ezercise which consis" i n defending the "impossible" thesis.

    A second part will relate the happenings of the years 1272-1275 the doctrinal Co ut Paris Universify and Siger's part in the euents.

    ph. th.

    DIM LA [ENSION THRAPEUTIQUE DU ACREM MENT DE LA PNITENCE DANS L IOLOGIE ET I RAXIS

    DE L'GLISE GR~CO-ORTHODOXE par Ange10 AMATO

    identale, L ., .

    sinon da ~~ c-:L--

    raxis occ orie, sur -L ..,.-

    Si dans la pi artir du X I I I ~ sicle1, ie sacremen5 ae peIiiLeIie a assuiiie: GL i;ui~ipui LC ~core (( aujourd'hui )> une physionomie fortement juridique, - dans la praxis et dans la thologie grco-orthodoxe il est particulirement conu dans le cadre d'une pdagogie de rtablissement et de gurison spirituelle de cette maladie mortelle pour l'me qu'est le pch.

    Afin d'illustrer cette affirmation, jetons un coup d'il rapide sur les tll6ologiens et pasteurs grco-orthodoxes les plus notoires de ces derniers sicles, en commenant directement aprs la priode du Concile de Trente. En effet, ce fut partir de la fin du X V I ~ sicle que les Orthodoxes, solli- clts par les thologiens luthriens de Tbingen, commencrent a. prciser, d'une faon systmatique e t minutieuse, la comprhension thologique de leur conscience de foi. Le sacrement de pnitence fut un des points les plus en relief dans cette confrontation thologique, non seulement au cours de ce sikcle, mais tout le long de la priode qui suit, jusqu'h nos ]Ours.

    l ' pour les hypothbses d'explication de l'irruption soudaine et de la consbquente anrm"ion exclusive du schbma judiciaire dans le sacrement de pbnitence au XIII*

    Cf- A. *MATO, I pronunciamenli tridentini sulta necessil della confessione Ti:~"lentale nei canoni 6-9 della sessione XIV (25 novembre 1551) . Rorna 1974, P. 237-

    9