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Nous nous étions arrêtés à Comment aborder une œuvre pour l’enseigner ? DIA Je vais aujourd’hui poursuivre cette piste, introductive, qui nous sert de clef, puis je déroulerai lors des séances suivantes une petite histoire des arts, en remontant, à titre d’exemple, au XIX è Siècle pour aller jusqu’aux années 70 du 20 ème siècle. Finalement au-delà des sentiments esthétiques qui varient selon chaque individu, des normes et règles que les artistes ne cessent de transgresser, de la thèse erronée demandant à l’art d’imiter la nature, notre variation sur Mona Lisa nous a bien montré qu’à chaque fois l’artiste, par sa technique (le sfumato, la sérigraphie, etc), par sa façon de voir, de « mordre dans le réel » (jacometti) nous transmet une interrogation, une question qu’il se pose dans le contexte de son époque. Par exemple, mettre au premier plan un humain prototypique chez Léonard, c’est l’humanisme de la Renaissance, nous l’avons vu. Pour une période proche, je souhaite citer un autre exemple Pieter Brueghel dit l’ancien, les mendiants 1568 P. A. Orlandi, Abecedario pittorico, 1719 : « [..] Il ne peignit que des choses burlesques et ridicules, non pas tant par la couleur et le dessin qui étaient nobles et dignes d'un maître, que par la matière et l'invention. »;

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Nous nous étions arrêtés àComment aborder une œuvre pour l’enseigner ? DIA

Je vais aujourd’hui poursuivre cette piste, introductive, qui nous sert de clef, puis je déroulerai lors des séances suivantes une petite histoire des arts, en remontant, à titre d’exemple, au XIX è Siècle pour aller jusqu’aux années 70 du 20ème siècle.

Finalement au-delà des sentiments esthétiques qui varient selon chaque individu, des normes et règles que les artistes ne cessent de transgresser, de la thèse erronée demandant à l’art d’imiter la nature, notre variation sur Mona Lisa nous a bien montré qu’à chaque fois l’artiste, par sa technique (le sfumato, la sérigraphie, etc), par sa façon de voir, de « mordre dans le réel » (jacometti) nous transmet une interrogation, une question qu’il se pose dans le contexte de son époque.

Par exemple, mettre au premier plan un humain prototypique chez Léonard, c’est l’humanisme de la Renaissance, nous l’avons vu.

Pour une période proche, je souhaite citer un autre exemplePieter Brueghel dit l’ancien, les mendiants 1568

P. A. Orlandi, Abecedario pittorico, 1719 : « [..] Il ne peignit que des choses burlesques et ridicules, non pas tant par la couleur et le dessin qui étaient nobles et dignes d'un maître, que par la matière et l'invention. » ;

Mais pourquoi ce burlesque chez un peintre dont le dessin est « noble ». Brueghel traduit une interrogation de son temps, si Dieu est parfait, s’il a fait l’homme à son image, pourquoi des êtres difformes ? Soit on ignore ces derniers, on leur tourner le dos, si on veut rester fidèle au dogme de la perfection humaine à l’image de Dieu, notre monde est tragiquement burlesque.A moins de rappeler que l’homme est imparfait, et que ce sera lui qui aura à se prendre en charge pour se parfaire, et l’on retrouve ici Pic de La Mirandole précédemment évoqué.

Ces interrogations nous les avons vues dans nos exemples : la critique de la société des objets de consommation des années 60 avec AW, un clin d’œil à Benjamin ; critique de l’œuvre académique et transfiguration du banal, thèse de Danto, chez Duchamp. Surréalisme, rêve et inconscient Freudien chez Dali ou Magritte.

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A chaque fois l’oeuvre (peinture, musique, poésie) pose une question qui renvoie à une interrogation, à une Idée de son temps. On pourrait dire qu’elle ressemble beaucoup à la philo, qu’elle participe d’un même projet critique : nous interroger. Cette parenté a été soulignée par de nombreux philosophes. Par exemple Adorno : les œuvres d’art sont des énigmes, non des mystères. Comme dans un roman policier, on se met en quête d’une réponse à l’énigme, tandis qu’on se résout au mystère. « Les œuvres parlent comme les fées dans les contes : tu veux l’absolu, tu l’auras, mais il te sera inaccessible ». On pourra évoquer aussi J.F. Lyotard qui, dans les années 80 organise une expo, « les immatériaux » qui met en scène, en art, sa philosophie, ou philo et artiste partagent exactement la même chose.

Les artistes, les créateurs seraient-ils philosophes. Arrêtons-nous sur un autre exemple.

On pourrait réagir sur ce tableau :

L’école d’Athènes, 1510 , par Raphaël - Sur les personnages : les philosophes de l’antiquité

personnages : 1 : Zénon de Cition ou Zénon d'Élée – 2 : Épicure – 3 : Frédéric II de Mantoue – 4 : Boèce ou Anaximandre ou Empédocle de Milet – 5 : Averroès – 6 : Pythagore – 7 : Alcibiade ou Alexandre le Grand – 8 : Antisthène ou Xénophon – 9 : Francesco Maria Ier della Rovere (?) – 10 : Eschine ou Xénophon – 11 : Parménide – 12 : Socrate – 13 : Héraclite– 14 : Platon tenant le Timée,– 15 : Aristote tenant l’Éthique – 16 : Diogène de Sinope – 17 : Plotin – 18 : Euclide ou Archimède entouré d'étudiants – 19 : Strabon ou Zoroastre – 20 : Ptolémée – Apelle – 21 : Le Sodoma Quentin Augustine (Le Protogène)

Au centre : Au centre deux personnages :

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Platon qui désigne le ciel, les Idées en tenant son Timée

Et Aristote, qui tenant en ses mains l’Ethique, désigne la terre.

Et devant tous les philosophes qui fondent le savoir humain.

Sur la composition : toutes les lignes convergent vers le centre, de façon symétrique entre le haut et le bas :

Le principe est celui de la perspective. Arrêtons-nous sur ce principe, lié à la Renaissance et la théorisation la plus connue en peinture a été fixée par Alberti.

Perspective d’Alberti.

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Pour commenter ce qui s’opère alors, comparons avec l’iconographie médiévale pour laquelle je reprends une image déjà commentée .

Les Très Riches Heures du duc de Berry vers 1440

Le monde est Un et à l’artiste d’imiter Dieu, de le faire pressentir au travers de son regard qu’il épouse-puisque Dieu est aussi dans l’artiste- , mais comment est-ce possible, puisque Dieu est inconnaissable ? C’est bien ceci que va rompre la Renaissance florentine. 35 ans après la précédente image :

La Cité idéale 1475 Piero della Francesca ? Luciano Laurana ? Francesco di Giorgio Martini ?

On mesure toute la mutation introduite par le XVème siècle florentin, avec l’arrivée de la perspective, du moins avec l’usage privilégié de la perspective. Cette dernière est connue depuis l’antiquité, et parfois critiquée au titre d’un art du trompe l’œil qui ne fait que mentir selon Platon. Mais elle va alors faire l’objet d’une codification systématique, comme pour mettre en avant un autre point de vue que celui de Dieu, planant légèrement au-dessus des choses et des êtres.

En effet, le monde n’est plus vu depuis l’oeil de Dieu, mais depuis, selon la règle d’Alberti, l’œil humain qui regarde une scène de théâtre ou qui regarde par une fenêtre. On met au centre le sujet humain qui regarde la nature, les objets, et qui peut analyser et mesurer la nature.

Filippo Brunelleschi, orfèvre, horloger, architecte, est reconnu comme le père des principes de la perspective florentine en inventant une technique de mesure et de figuration de l’espace qui préfigure la camera obscura. Mais horloger, notre homme faisait aussi des machines pour compter le temps.

Pratiquement dans le même contexte, Galilée père, puis plus tard Zarlino, s’intéressent aux calculs des vibrations sonores sur les cordes tendues pour préfigurer les lois de l’harmonie musicale moderne.

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Et ainsi de suite : l’homme est alors au centre (et non plus dieu), et mesure le monde, la nature, l’espace, les sons, le temps, les espèces vivantes. C’est là le début de la science et, corrélativement de l’humanisme. On voit ici en effet se préfigurer la science moderne, telle qu’elle va voir le jour après le renaissance, on dira vers le XVII siècle. En effet, celle-ci procède en découpant, en classant le réel selon des grandes catégorisations, ce qu’on nomme les grandes taxinomies, qui vont fonder les disciplines scientifiques comme la botanique, la zoologie, la géologie… c’est alors que commencent les premières collections, comme les fossiles, les plantes, les animaux…

Pour revenir à la perspective florentine en peinture, n’oublions pas que le maître mot utilisée par Alberti dans son livre de référence, De Pictura ou par Piero della Francesca dans De prospectiva Pingendi (La perspective de la peinture) est celui de "comensuratio", à savoir la juste proportion. Celle-ci est à chercher empiriquement dans la multiplicité des différents espaces de la nature, visuelle, sonore, spatiale ou temporelle. Et cette recherche de la juste mesure, que ce soit en physique, en biologie, en philo, brefs dans les divers domaines que l’homme explore alors, n’est pas autre chose que ce qu’on nomme le savoir, les savoirs.

On comprend mieux l’allégorie de L’Ecole d’Athènes, Nous sommes au centre, nous humains, et nous regardons les autres humains-philosophes (savants) qui mettent à notre disposition les Savoirs, d’ailleurs hiérarchisés, au centre la métaphysique et l’éthique, Platon et Aristote.

Ces savoirs, que l’homme produit en mesurant la nature (le monde), en y cherchant les proportions, dans chaque domaine, au lieu de s’en remettre à Dieu, permettent de schématiser le nouveau champ qui se présente ainsi à l’homme de la Renaissance, avec l’invention de la perspective :

Nature

diverses proportions

de l’espace visuel de l’espace sonore des étoiles du temps MONDE FINI

↑ ↑ ↑ ↑ ET MESURABLE

Sujet humain

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Le divin n’a pas disparu, il est relayé par sa création : la nature que l’homme peut alors mesurer. Il ne s’agit plus d’imiter directement l’autre divin, mais de poser une instance médiatrice entre dieu et les hommes : la nature que l’humain peut alors « objectivement » analyser, mesurer. Si la nature est multiple, si elle relève d’un monde

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qui apparaît fini et composé de particularités autonomes, derrière se tient le créateur de ce monde, qui lui, reste inaccessible. On ne peut connaître que les phénomènes de la nature. La nature, objective, analysable, devient la médiatrice d’un autre divin qui, lui, restera à tout jamais inaccessible. Bref le fini connaissable par l’entendement humain laisse supposer que derrière se tient un infini dont l’homme peut avoir une idée, mais qu’il ne pourra jamais directement connaître, ou représenter, du moins sur le mode qu’il utilise pour mesurer et analyser la nature.

La nature que l’homme peut ainsi regarder et mesurer est bien l’œuvre de Dieu, au-dessus. Il faut regarder ce qui est en rouge. Et là, dans ce monde au-dessus de la nature physique, autrement dans ce monde métaphysique, nous sommes dans le domaine de l’infini.

Dieu

↓ MONDE INFINI

Nature

diverses proportions

de l’espace visuel de l’espace sonore des étoiles du temps MONDE FINI

↑ ↑ ↑ ↑ ET MESURABLE

Sujet humain

Aussi, toute la perspective se construit selon un système de lignes qui a un terme, qui est fini. La limite entre le fini et l’infini n’est rien d’autre que le terme de la perspective, le point où se focalisent et convergent les lignes de composition.

La limite entre le fini et l’infini n’est rien d’autre que le terme de la perspective, le point où se focalisent et convergent les lignes de de composition, et où, derrière le monde connaissable, se tient l’infini divin qui fonde ce dernier.

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Dieu

↓ MONDE INFINI

Nature terme de la perspective

diverses proportions

de l’espace visuel de l’espace sonore des étoiles du temps MONDE FINI

↑ ↑ ↑ ↑ ET MESURABLE

Sujet humain

Ce principe du fini annoncé, délimité dans le tableau par le point de perspective, fait du même coup ressentir qu’il y a un autre infini, au-delà. Il y a toujours la profondeur infinie de Dieu, derrière la limite de la finitude où se tient l’humain. Celui-ci est au centre, mais loin d’une sorte de valorisation narcissique, il est limité, en état d’incomplétude, d’inachèvement. L’homme n’est plus l’image fidèle de Dieu, l’Un, mais au contraire un être faible, demandant précisément l’éducation et les savoirs pour se parfaire. A lui de faire le travail par le savoir, qui toutefois sera toujours limité par rapport à l’infini divin, derrière. On pense d’ailleurs, pour cette limitation, aux thèses de Pic de la Mirandole que j’évoquais auparavant.

Derrière, au-delà, le point de perspective s’achève là où commence l’infini, Dieu, où commence ce que dont nous devons nous rapprocher, mais que nous ne pourrons jamais connaître, ou mesurer, même par les plus grands penseurs, les plus fondateurs comme Platon et Aristote.

On dira qu’ici, Raphaël a voulu mettre en peinture de façon allégorique non pas la philo grecque, mais celle de la renaissance, époque où l’on redécouvre la pensée grecque. Et les interrogations que pose Raphaël au travers du traitement par la perspective sont celles de la pensée humaniste de son époque. Le peintre s’est-il fait philosophe ? Un philosophe qui certes ne communique pas avec des concepts verbaux, mais par des images, par une composition imagée.

Alors nous retrouvons la thématique de l’œuvre comme transmission d’une interrogation. Le peintre comme philo ? L’artiste devenu philosophe, et non plus un simple artisan ? Tel est aussi ce que nous dit le tableau, car les grands philosophes que peint Raphael, sont en fait les portraits des peintres florentins contemporains de R.

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Léonard, son maître et Michel-Ange (deux fois)

Ou Raphaël lui-même…

Façon de dire que la relève de la philo grecque c’est le peintre qui l’assure.

Mais l’œuvre pose une question, et si elle rejoint ainsi la philo, que signifie se poser une question ? en voilà une vraie question. Et c’est une question fondamentale dans le travail de l’enseignant. Deleuze disait que le monde n’est composé que des signes qui renvoient à d’autres signes, et à l’infini, un peu comme un jeu de miroirs confrontés. Apprendre, ou penser, ou se questionner c’est « faire voyager la pensée ». Ce qui veut dire dépasser l’impression première et les fausses certitudes. Nous avons vu que la Joconde n’est pas que le portrait de mme lisa, qu’elle renvoie à une vraie recherche : qu’est ce que l’humain ? question aussi éminemment infinie que philosophique. Dépasser les certitudes, les « ceci est », c’est dans notre monde de signes qui renvoient à l’infini à d’autres sgnes, se mettre en abyme. Heidegger disait que l’oeuvre d’art nous transporte toujours ailleurs que là où nous avons l’habitude d’être. C’est ce déplacement, ce voyage, ce dépassement de toute certitude qui est au centre du questionnement de l’oeuvre. C’est un travail philo.

Un autre exemple, après Mona Lisa, sur l’un des tableaux les plus commentés et énigmatqiue : les Ménines de Vélasquez, 1659

Les Ménines, Vélasquez, 1659

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Alors on dira :

« il était une fois une petite fille avec son chien, son nain, ses servantes »

« non, il était une fois l’infante marguerite d’Espagne, à côté d’un peintre »

« non, il était une fois Velasquez qui peignit le roi d’Espagne vu de l’œil du monarque en train de se faire peindre alors que l’infante lui rendit visite »

Marguerite, philippe, Maribarbola

C’est toute la question de la re-présentation qui est au centre : l’immortel monarque que représente Vélasquez n’est pas le papa que regarde la sa petite fille, le peinte se représente au travers du regard royal de celui qu’il est en train de représenter et ainsi de suite… Et, on est loin d’avoir épuisé l’énigme des Ménines, leur jeu de renvois multiples, infinis, exprimée dans la forme finie de l’oeuvre…

Alors, l’art serait-il une philo ?

D’ailleurs, on sait qu’à un moment où au niveau européen on parle de plus en plus de philo pour enfants, plusieurs collègues de SE se tournent sur l’art comme lieu de déploiement d’une pensée philo. Par ailleurs, on retrouvera là le projet d’une « didactique critique » soulevé par BA Gaillot en AP : que faut-il évaluer, quelle norme impossible ? Pour Gaillot, ce qui importe, c’est déjà susciter et organiser une capacité de questionnement, des débats en classe, par les oeuvres d’art. on est dans ce que michel fabre et m meyer nomment un savoir des questions et no plus des réponses.

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Bien évidemment, dans le contexte de l’école, il ne s’agit pas de faire des arts pour la philosophie, mais de l’art pour l’art. Il ne s’agit pas non plus de prétendre faire un cours de philo, et de demander aux profs d’enseigner la psychanalyse via magritte et dali, ou pic de la mirandole via léonard. Tout simplement, notre interrogation était : en eac, ou ailleurs, d’où partir pour enseigner les œuvres, comment aborder une œuvre ? Solution : des questions (ou idées) que pose toujours une oeuvre d’art. C’est peut-être la différence entre l’œuvre et le design. Et l’on sait que les élèves apprennent lorsqu’ils se confrontent à un problème, à un obstacle, à une question qu’on leur donne à découvrir.

Mais donner à découvrir, ceci ne signifie pas que se limiter à présenter une œuvre à des élèves en pensant que ceci va magiquement générer chez eux une mise en interrogation. Ceci ne signifie pas, à l’inverse de ce qui est parfois naïvement avancé, que face à une œuvre, l’élève va éprouver des émotions, des sensations, une expérience esthétique, qu’il va ensuite réfléchir, mettre en mots, conceptualiser dans un questionnement transcendantal. Non, c’est aussi parce qu’on va introduire un questionnement, une réflexion, que l’élève va regarder l’œuvre, et qu’il va la regarder et l’éprouver, sensiblement, autrement. C’est parce que l’on peut regarder la tête de st jean baptiste par léonard autrement, en se demandant si on n’a pas la trace d’un morphing avec mme lisa, que l’on ressent des émotions différentes. On ne va jamais du sensible au conceptuel, non , le deux se co-construisent conjointement à partir d’un milieu où on s’interroge. Où l’on est surpris, étonné. ²

Or ce questionnement, il se prépare, et c’est le travail de l’enseignant. ¨Partir de l’énigme de l’oeuvre, suppose que l’enseignant l’ait déjà repérée. Ceci suppose qu’il se soit lui-même posé des questions, et qu’il soit allé plus loin dans son propre questionnement que ce qu’il compte viser auprès de ses élèves. Telle est la condition pour qu’un cours fonctionne. Il faut déjà partir de la question, de l’énigme, que pose une œuvre. Aborder les œuvres de leur point de vue énigmatique, questionnant : c’est la pierre angulaire des enseignements des œuvres, et cette pierre angulaire est de nature philo. Telle est la perspective de ce cours. Il ne s’agit pas d’un cours de philo, mais d’un cours qui prend en compte une petite histoire des arts, de certaines œuvres, histoire qui interagit avec les questions du contexte, bref avec la philo (et leur fille les sciences humaines)C’est bien le propre de la culture : il n’y a pas de disciplines parallèles, mais des supports (science, arts, philo) qui ne cessent de se croiser et d’interagir. D’ailleurs on a souvent dit qu’une culture meurt lorsque meurent ses langues verbales, rationnelles, conceptuelles, mais force est de constater qu’une culture meurt aussi lorsque meurent ses langages artistiques et ses œuvres.

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Ainsi, ferons-nous, en nous centrant sur l’époque dite de la modernité (renaissance au XX siècle) un petit parcours en « histoire croisée », où nous confronterons des œuvres (musique, peinture) et des pensées issues de la philo, des sciences humaines, leur étant contemporaines. Bref des questions. C’est de là qu’il faut partir en éducation, des questions, et certainement pas des réponses toutes faites.

nuance : pas art popu Quelques œuvres et quelques idéesPonctuer ; comment préparer un cours

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