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La terre cultivable : une ressource de plus en plus rare et stratégique Depuis les années 1970, les superficies des terres cultivées ont très peu augmenté. Entre 1980 et 2011, elles n’ont progressé que de 3,2 %, alors que la population mondiale faisait un bond de 45 %. Cette très faible progression est accentuée par des étalements urbains souvent mal contrôlés. Les terres agricoles devenant des ressources stratégiques, des États, directement ou à travers des sociétés publiques et des fonds souverains, cherchent à mieux assurer leur sécurité alimentaire, en acquérant ou louant des terres à l’étranger. DES SUPERFICIES CULTIVÉES EN TRÈS FAIBLE PROGRESSION Les terres cultivées couvrent un peu plus de 1 500 millions d’hectares, soit 10 % des terres émergées. Elles portent des cultures annuelles et 140 millions d’hectares de cultures permanentes : plantations de palmiers à huile, de caféiers, de cacaoyers, etc., du monde tropical ou parcelles de vignes et vergers des latitudes tempérées. Leur faible progression, de 4,5 % en un quart de siècle, s’explique par un ralentissement des défrichements, en raison des politiques de préservation des forêts tropicales et du recul des terres agricoles. Ce recul, de l’ordre de 8 à 9 millions d’hectares par an, est dû à l’érosion des sols, provoquée par le vent ou les eaux de ruissellement (érosion qui touche les régions semi-arides de la planète, ainsi que celles du monde tropical), à la salinisation des terres irriguées, qui affecte de façon sévère de 15 à 20 % de celles-ci, et à l’épuisement des terres par perte de matières organiques et/ou d’éléments fertilisants non renouvelés. À ces phénomènes s’ajoutent les effets d’un étalement urbain qui mange chaque année des millions d’hectares de terres, souvent de très bonne qualité. Quant aux 3 400 millions d’hectares de pâtures, ils sont le plus souvent utilisés de façon très extensive. Les principales « réserves » de terres agricoles se situent dans le monde tropical : en Amérique latine (Brésil, Argentine, Bolivie, Pérou, Colombie), en Asie du Sud-Es (Indonésie, péninsule indochinoise, Papouasie) et en Afrique subsaharienne (Congo, Angola, Soudan). Toutefois, des terres anciennement défrichées des latitudes tempérées, comme celles des régions méridionales de l’ex-URSS, pourraient porter des récoltes

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Grand Atlas 2015_Parte28

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La terre cultivable : une ressource de plus

en plus rare et stratégiqueDepuis les années 1970, les superficies des terres cultivées ont très peuaugmenté. Entre 1980 et 2011, elles n’ont progressé que de 3,2 %, alorsque la population mondiale faisait un bond de 45 %. Cette très faibleprogression est accentuée par des étalements urbains souvent malcontrôlés. Les terres agricoles devenant des ressources stratégiques, desÉtats, directement ou à travers des sociétés publiques et des fondssouverains, cherchent à mieux assurer leur sécurité alimentaire, enacquérant ou louant des terres à l’étranger.

DES SUPERFICIES CULTIVÉES EN TRÈS FAIBLE PROGRESSIONLes terres cultivées couvrent un peu plus de 1 500 millions d’hectares, soit 10 % desterres émergées. Elles portent des cultures annuelles et 140 millions d’hectares decultures permanentes : plantations de palmiers à huile, de caféiers, de cacaoyers, etc.,du monde tropical ou parcelles de vignes et vergers des latitudes tempérées.Leur faible progression, de 4,5 % en un quart de siècle, s’explique par unralentissement des défrichements, en raison des politiques de préservation des forêtstropicales et du recul des terres agricoles. Ce recul, de l’ordre de 8 à 9 millionsd’hectares par an, est dû à l’érosion des sols, provoquée par le vent ou les eaux deruissellement (érosion qui touche les régions semi-arides de la planète, ainsi que cellesdu monde tropical), à la salinisation des terres irriguées, qui affecte de façon sévère de15 à 20 % de celles-ci, et à l’épuisement des terres par perte de matières organiqueset/ou d’éléments fertilisants non renouvelés. À ces phénomènes s’ajoutent les effetsd’un étalement urbain qui mange chaque année des millions d’hectares de terres,souvent de très bonne qualité. Quant aux 3 400 millions d’hectares de pâtures, ils sontle plus souvent utilisés de façon très extensive.Les principales « réserves » de terres agricoles se situent dans le monde tropical : enAmérique latine (Brésil, Argentine, Bolivie, Pérou, Colombie), en Asie du Sud-Est(Indonésie, péninsule indochinoise, Papouasie) et en Afrique subsaharienne (Congo,Angola, Soudan). Toutefois, des terres anciennement défrichées des latitudes tempérées,comme celles des régions méridionales de l’ex-URSS, pourraient porter des récoltes

beaucoup plus abondantes.

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MAIN BASSE SUR UNE RESSOURCE STRATÉGIQUEDepuis 2006-2007, les ventes ou locations de terres agricoles à des étrangers auraientporté sur une vingtaine de millions d’hectares. Les pays d’accueil, au Sud, sont partout :Pakistan, Cambodge, Argentine, Brésil, République démocratique du Congo, Ouganda,Sénégal ; ou encore Madagascar, dont les sociétés de droit malgache permettent decontourner l’interdiction de ventes de terres agricoles à des étrangers. Cesinvestissements étrangers sont-ils une forme de néocolonialisme ou des opportunitéspour des États pauvres d’accéder à des technologies modernes ? Se pose en tout cas laquestion de la perte de maîtrise du foncier par les sociétés locales, qui risquent d’êtrevictimes de ces opérations.Les acquéreurs sont des agents économiques publics et privés. Les groupes privésvisent essentiellement des profits liés à la vente de produits agricoles, comme le groupebritannique Landkom ou le suédois Black Earth Companies qui contrôlent aujourd’huides centaines de milliers d’hectares en Russie et en Ukraine. Dans ces pays sont aussi

présents le groupe américain Morgan Stanley et le français Agrogénération.Quant aux États, ils recherchent un moyen de mieux assurer la sécurité alimentaire deleur population, ce qui met en évidence le rôle géostratégique majeur qu’ils accordentau contrôle de terres cultivables. Les États acheteurs et/ou loueurs de terres agricoles àl’étranger sont regroupés dans deux aires géographiques assez bien délimitées : d’unepart les pays d’Asie du Nord (Chine, Japon, Corée du Sud) ; d’autre part, les Étatspétroliers du golfe Persique et quelques États d’Afrique du Nord. Dans ce groupe, lesinvestissements dans d’autres pays musulmans sont souvent privilégiés. Ces deux airessont les plus déficitaires en grains de la planète et sont, de surcroît, appelées à ledevenir de plus en plus

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L’eau douce, ressource économique ?En raison de la très forte hausse de la demande et des coûts de plus en plusélevés pour la capter, la distribuer et l’épurer, l’eau douce, bien universelet public par excellence, est devenue un bien marchand. Si son rôle estessentiel en agriculture, l’eau est aussi une matière première pourl’industrie et un bien vital pour l’homme, rendant d’autant plus injustes lesfortes disparités enregistrées à l’échelle mondiale. La ressource est en outrede plus en plus menacée par la dégradation incontrôlée qu’elle subit tantau Nord qu’au Sud.

LE POIDS DE L’AGRICULTURE ET DE L’IRRIGATIONLiquide à 71 %, notre planète se compose à 97,5 % de l’eau salée qui forme les océans.L’eau douce est donc rare, sachant que près des trois quarts sont piégés dans les glacesde l’Antarctique et du Groenland. En raison du cycle de l’eau, la répartition desressources est inégale, une dizaine de pays se partageant 60 % des ressources avec entête de liste le Canada (86 177 m³ d’eau par habitant et par an). En revanche, la plupartdes États du Moyen-Orient, du Maghreb et d’Asie centrale sont en « stress hydrique »,avec moins de 1 700 m³ par an.À l’échelle mondiale, les deux tiers des prélèvements d’eau douce (destinés à un usagesocial ou économique) sont destinés à l’agriculture, 20 % à l’industrie, 10 % aux usagesdomestiques, 4 % s’évaporant des réservoirs. En termes de consommation (quicorrespond aux prélèvements moins les rejets après usages), le poids de l’agricultureest encore plus prégnant : il dépasse les 90 %. L’évolution depuis 1900 desprélèvements et de la consommation en eau par chacun des trois grands secteurs sembleconfirmer cette tendance jusqu’à l’horizon 2025.Entre 1900 et 2000, les prélèvements ont été multipliés par sept – passant de 580 à 3980 km³ –, la population par 3,8 – de 1,6 à 6,2 milliards d’habitants. En l’espace d’unsiècle, les prélèvements en eau douce par habitant sont ainsi passés de 975 à 1 762litres par jour : nous devenons beaucoup plus « aquavores ».Le volume d’eau prélevé par l’agriculture serait aujourd’hui de 3 830 km3 (571m3/habitant/an). Près de 75 % de ce volume sert à l’irrigation des cultures, et celaaugmente : on est passé de 8 millions d’hectares en 1800 à 40 en 1900 et à 250 en 2000,soit 17 % de la surface cultivée et 40 % de la production agricole ; les prévisions pour2030 tablent sur 295 millions d’hectares. 60 % des terres irriguées se concentrent dans

cinq États dont quatre asiatiques (la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, le Pakistan et lesÉtats-Unis) où il faudra continuer à accroître la production pour faire face àl’augmentation de la population et du niveau de vie.