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... VERS UN DROIT À L’EAU POTABLE ? C’est l’un des grands défis du XXI e siècle. Les aménagements hydrauliques pour produire, distribuer et traiter les eaux exigent d’importants moyens financiers qui ont tendance à accroître les inégalités entre les pays, entre les villes et les campagnes, et entre les individus eux-mêmes. Plus on est pauvre, moins l’accès à l’eau est facile et plus l’eau est chère. Rien d’étonnant dès lors que le nombre de personnes dépourvues d’un accès à l’eau soit élevé en Asie et en Afrique – pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a accès à l’eau quand 25 litres par jour et par personne sont accessibles à un point d’eau potable situé dans un rayon de moins de 200 mètres. Rien d’étonnant non plus qu’un certain nombre de grandes villes du Sud fassent appel à de grandes multinationales de l’eau pour assurer les services liés à l’eau, ce qui entraîne souvent une hausse du prix de l’eau et parfois une privatisation de la ressource de plus en plus décriée. Le problème du financement de l’eau est, pour tous, crucial pour les années à venir : il nécessiterait 100 milliards de dollars d’investissement par an. Tout

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VERS UN DROIT À L’EAU POTABLE ?C’est l’un des grands défis du XXIe siècle. Les aménagements hydrauliques pourproduire, distribuer et traiter les eaux exigent d’importants moyens financiers qui onttendance à accroître les inégalités entre les pays, entre les villes et les campagnes, etentre les individus eux-mêmes. Plus on est pauvre, moins l’accès à l’eau est facile etplus l’eau est chère. Rien d’étonnant dès lors que le nombre de personnes dépourvuesd’un accès à l’eau soit élevé en Asie et en Afrique – pour l’Organisation mondiale de lasanté (OMS), il y a accès à l’eau quand 25 litres par jour et par personne sontaccessibles à un point d’eau potable situé dans un rayon de moins de 200 mètres. Riend’étonnant non plus qu’un certain nombre de grandes villes du Sud fassent appel à degrandes multinationales de l’eau pour assurer les services liés à l’eau, ce qui entraînesouvent une hausse du prix de l’eau et parfois une privatisation de la ressource de plusen plus décriée. Le problème du financement de l’eau est, pour tous, crucial pour lesannées à venir : il nécessiterait 100 milliards de dollars d’investissement par an. Tout

reposera sur des choix politiques fondés sur la solidarité nationale et internationale.Mais ces financements ne donneront des résultats que s’ils sont associés à une gestionplus économe (notamment en matière d’irrigation) et plus soucieuse de la protection dela ressource.L’eau, un droit pour tous ? Certains l’affirment en cherchant à mettre en place unegestion sociale de l’eau fondée sur une tarification progressive ou en inscrivant ce droitdans leur Constitution, comme c’est le cas en Afrique du Sud. Mais il n’en demeure pasmoins que, partout, l’eau, parce qu’ elle a un coût et donc un prix, reste une ressourceéconomique.

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L’eau entre tensions et risquesSous l’effet conjugué de la croissance démographique, de l’élévation duniveau de vie et du changement climatique, l’eau pourrait commencer àmanquer dans certaines régions du monde d’ici quelques décennies. Leproblème n’est pas tant lié à la disponibilité de cette ressource qu’à soninégale répartition géographique et sociale, et surtout à sa mauvaise gestionqui concourt à la dégradation de sa qualité. Les futures crises de l’eauseront donc le fruit de la combinaison de facteurs environnementaux,économiques, politiques et sociaux.

L’EAU, SOURCE DE TENSIONS ET DE CONFLITS ?Pour les États, l’enjeu de l’eau est avant tout un problème d’adéquation entre ressourcesdisponibles et besoins, qui induit accessibilité et partage. Dans un contexte de fortecroissance industrielle et de hausse du niveau de vie de sa population, la Chine,puissance démographique de 1,3 milliard d’habitants, s’est ainsi lancée dans degigantesques aménagements afin de pallier les déséquilibres grandissant entreressources disponibles et besoins. Inauguré en 2006, le barrage des Trois-Gorgesconstruit sur le Yangze (troisième fleuve du monde par son débit moyen) vise nonseulement la maîtrise totale des eaux pour faire face aux inondations, et la productiond’énergie hydroélectrique, mais aussi l’alimentation en eau de Pékin et de sa régiongrâce à un système de transfert du sud vers le nord.La mauvaise répartition de l’eau à l’échelle planétaire contraint souvent à un partagedans le cadre de bassins fluviaux, dans une relation entre pays qui est le plus souventvécue comme de la dépendance. Une quarantaine d’États dépendent, pour plus de lamoitié de leurs ressources hydriques, de pays voisins. La position de ces États en avalde bassins fluviaux transfrontaliers est donc déterminante quant à leurapprovisionnement en eau, mais peut être également, à l’occasion, une source detensions ou de conflits, comme dans le cas du Nil, ou du Tigre et de l’Euphrate. Ainsi,l'Irak, dépendante à 53 % des eaux de ces deux fleuves, est à la merci de la Turquie, oùse trouvent leurs sources.Limités aujourd’hui à des tensions, les conflits liés à l’eau ne risquent-ils pas à l’avenirde dégénérer en guerre ? C’est là tout l’enjeu des accords de partage et surtout d’unegestion durable de cette ressource indispensable à l’être humain et ses activités quidevront se mettre en place au cours de la prochaine décennie.

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RISQUE HYDROLOGIQUE OU HYDROPOLITIQUE ?Population et niveau de vie augmentant tous deux, la situation déjà critique dans denombreux bassins versants risque de s’aggraver. En 2025, plus de trente bassinsversants majeurs, totalisant près de la moitié de la population mondiale, seront sous leseuil de stress hydrique, et une dizaine dans un état de pénurie potentielle. Mais la seuleressource brute ne suffit pas à déterminer les futures zones de crises, la prise en compted’autres facteurs restant fondamentale.En combinant aléas climatiques naturels (crue, sécheresse) et vulnérabilité despopulations, on peut ainsi identifier les régions potentiellement soumises aux risqueshydrologiques et hydropolitiques. Les situations les plus tendues sont encore largementdéterminées par les facteurs climatiques : les régions arides et semi-arides, où lavariabilité des précipitations est la plus forte. Mais sécheresses et inondations ne

prendront un caractère catastrophique que là où la capacité d’adaptation despopulations est limitée. La vulnérabilité est ainsi plus forte dans les pays pauvres : labande soudano-sahélienne, qui va du Sénégal au Soudan, et l’Asie occidentale, hormisles pays du Golfe, semblent les plus exposées aux futurs aléas hydrologiques. Dans lespays développés et émergents, les aléas sont aussi présents, mais les moyens mis enœuvre pour réduire la vulnérabilité aussi : multiplication des politiques de prévention(Plan de prévention du risque inondation en France), de mitigation (construction debarrages ou d’aqueducs pour faire face aux sécheresses) et d’intervention rapide lorsd’événements graves. Les techniques de dessalement de l'eau de mer en font partie.Cette solution utilisée pour pallier les pénuries a toutefois un coût énergétique trèsimportant qui en réserve l'usage aux pays développés et États producteursd'hydrocarbures.Deux autres facteurs sont nécessaires à l’apparition d’un « risque hydropolitique » : lafragmentation des bassins versants entre différents États et l’opposition marquée entreun ou plusieurs acteurs. Le risque hydropolitique est le plus élevé dans les bassins duNil (entre Égypte, Soudan et Éthiopie), du Jourdain (entre Israël et Jordanie), du Tigreet de l’Euphrate (entre Turquie, Syrie et Irak). À cela s’ajoutent le Syr-Daria etl’Amou-Daria, qui se jettent dans la mer d’Aral.Même si les guerres de l’eau sont improbables, les tensions hydropolitiques réduisentconsidérablement les perspectives de traitement des risques hydrologiques. Ainsi, dansle bassin de la mer d’Aral, le Kazakhstan a entrepris de sauver la « Petite Aral » situéesur son territoire, ce qui condamne d’autant plus rapidement la « Grande Aral » situéemajoritairement en Ouzbékistan.