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Les diasporas grecques du VIIIème siècle à la fin du IIIème siècle avant J.-C. (bassin méditerranéen, Proche-Orient) Sujet élargi : l'espace concerné va de l'Ibérie à l'Indus. En gros on intègre les royaumes hellénistiques. Edit : en fait c'est seulement pour l'agrégation que l'on va jusqu'à l'Indus. La question couvre la période du VIIIe au IIIe siècle : Période archaïque, classique et début hellénistique. Les concepteurs du sujet précisent qu'il ne faut pas découper par période ces 5 siècles. Néanmoins, pour des raisons très pédagogiques et pratiques, on va ce semestre traiter la question des VIIIe aux VIe siècle, en M2 la période classique et le IIIe siècle. Programme des TD : TD 1 : Textes d'Homère (fascicule) TD 2 : exposés : p.18 Alphabets et inscriptions et historique de la colonisation selon Thucydide p.42-44 TD 3 : exposé : Archiloque de Paros (p.36) et les Phocéens TD 4 : les fondateurs de Cyrène + Hérodote TD 5 : Massalia et Epidamne Problématique introductive : Diaspora pas seulement colonisation : dissémination, éparpillement, déplacement de population sans forcément création de nouvelles cités. Le mot essentiel qui est sous-jacent dans la question est le mot mobilité. Mobilité voulue, souhaitée, commandée ou subie ? moyens de bouger ?Pourquoi ? Enrichissement ? Ont-ils réussi dans cette diaspora ? Idée de bilan.

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Les diasporas grecques

du VIIIème siècle à la fin du IIIème siècle avant J.-C. (bassin méditerranéen, Proche-Orient)

Sujet élargi : l'espace concerné va de l'Ibérie à l'Indus. En gros on intègre les royaumes hellénistiques. Edit : en fait c'est seulement pour l'agrégation que l'on va jusqu'à l'Indus.

La question couvre la période du VIIIe au IIIe siècle : Période archaïque, classique et début hellénistique.

Les concepteurs du sujet précisent qu'il ne faut pas découper par période ces 5 siècles. Néanmoins, pour des raisons très pédagogiques et pratiques, on va ce semestre traiter la question des VIIIe aux VIe siècle, en M2 la période classique et le IIIe siècle.

Programme des TD : TD 1 : Textes d'Homère (fascicule)TD 2 : exposés : p.18 Alphabets et inscriptions et historique de la colonisation selon Thucydide p.42-44TD 3 : exposé : Archiloque de Paros (p.36) et les PhocéensTD 4 : les fondateurs de Cyrène + HérodoteTD 5 : Massalia et Epidamne

Problématique introductive : Diaspora pas seulement colonisation : dissémination, éparpillement, déplacement de population sans forcément création de nouvelles cités.

Le mot essentiel qui est sous-jacent dans la question est le mot mobilité.

Mobilité voulue, souhaitée, commandée ou subie ? moyens de bouger ?Pourquoi ? Enrichissement ? Ont-ils réussi dans cette diaspora ? Idée de bilan.

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Chapitre I : Présentation de la question

I) Sources

Il est nécessaire si on veut avoir une idée sérieuse de la question de croiser les sources. Si elles sont prises isolément, elles se révèlent insuffisantes, partiales, voire trompeuses.

Par exemple, ce n'est pas parce qu'on a trouvé un tesson de poterie grecque en Italie qu'on peut en déduire une présence grecque (échange).

On a pas de traces sur la marine phénicienne, peu de sources sur les navigations ou installations phéniciennes. Ceci risque de fausser notre perspective moderne. On va considérer trop hâtivement que les grecs étaient plus présent que les phéniciens.

Les différentes sources :

* Sources littéraires, sources textuelles : Jean Bérard,  La colonisation grecque de l'Italie méridionale et de la Sicile dans l'antiquité :

vieil ouvrage classique qui énumère les sources littéraires pour l'époque archaïque. Sources de 400/600 ans après, sources tardives, donc fiables en partie. Par exemple, texte de

Diodore de Sicile, Strabon, Pausanias. Il faut connaître ces sources mais voir qui a inspiré ces trois hommes.

On a parfois la chance de trouver des auteurs témoins voire acteur de la colonisation. Parmi ces auteurs, Archiloque de Paros. On peut admettre que son père a été le premier colonisateur, autrement dit l'oikiste, de Thasos, v. 680. D'autres poètes sont témoins de cette colonisation : Alcée ou encore Hipponax.

Il (qui donc ??) a passé son enfance a Thourioi, colonie hellénique fondée dans le talon de la grande Grèce au milieu du Ve.

On a aussi des textes extrêmement fantaisistes ou propagandistes. C'est le cas de Démarate, qui a fait souche dans le Latium. C'est une façon pour cette tradition qui la valorise de célébrer les origines grecques pour Rome.

Toutes ces sources peuvent faire la part belle au mythe. Par exemple, la fondation de Marseille : l'immigré Troyen qui rencontre la belle princesse et va faire souche ensuite a Marseille dans le meilleur des mondes relève sans doute en partie du mythe et non pas d'une vérité historique. Même chose pour Tarente, fondé par des bâtards.

On a dans 80/90% des cas des récits de diaspora réussies. Ce qui peut donner l'idée que la diaspora fonctionnait de façon idéale. Or, on sait qu'il y a eu des échecs. Par exemple une population de Cnide en Asie mineure a voulu en 680 a voulu s'installer en Sicile, au Cap Lilybée. Région assez hostile car il y a des populations locales jalouses de leur territoires.

* Sources épigraphiques. Pour la période archaïque, on a que quelques documents. On a trouvé également des inscriptions sur plaques de bronze posées dans le sanctuaire de Zeus a Dodone, situé au nord/nord-ouest de la Grèce. Sur ces tablettes de plomb étaient gravées des questions posées aux dieux a propos des risques et des chances de telle ou telle expédition outre mer. Mais on a pas grande chose sur le plan épigraphique.

* Sources archéologiques, terrestres maritimes/sous marine:l'archéologie nous renseigne sur l'urbanisation, le développement artistique, la vie quotidienne, les armes. Il y a des corpus regroupant ça. Corpus de John Beazley par exemple.

La céramique progresse beaucoup. Elle est intéressante car si bien étudiée elle renseigne sur les parcours empruntés par les grecs ou les produits grecs. L'argile, la terre même dont elle est faite, les motifs, la forme, tout cela permet d'avoir une idée précise sur le lieu de fabrication et sa date. On estime aujourd'hui à une dizaine d'année la marge d'erreur, 25 ans pour les moins optimistes. Pendant longtemps, on a pu étudier pour savoir si une céramique a été importée de Grèce ou fabriquée sur place. Si importée, réseau, sinon installation d'artisans grecques ou copie par des indigènes de modèles grecques. Les archéologues sont capables de dire si la terre est une terre locale ou de Grèce.

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Autre élément pour les archéologues, la statuaire et l'architecture.Autre type de source, les sources numismatiques, à partir du VIe siècle, et qui mettent un

certain temps à circuler.

II) La chronologie des diaspora archaïques, comptoirs et colonies

Deux termes : emporion : comptoir de commerceapoikia : installation outre-mer avec fondation d'une cité, qui peut être une colonise marchande.

A) Les premières explorations et les premières migrations :

Il faut remonter très haut, au IIIe/IIe millénaire. Il y avait déjà en méditerranée des échanges et déplacements par voie maritime dans cet espace. Au XIII/XII, les Mycéniens/achéens colonisent certaines régions orientales Cette colonisation s’amplifie. Des régions du sud/sud est de la Turquie sont occupées par des grecs continentaux dès le XIe. On a souvent dit que les populations de la Grèce continentales ont été chassés par les peuples venus du nord les doriens. L'invasion des Doriens n'est pas une véritable invasion mais sans doute une espèce de migration des peuples du nord descendant vers le sud et s'installant dans le Péloponnèse au sud de la Grèce. Une partie des autochtone a migré vers l'est en Asie mineure. Ce sont les Ioniens.

Autre phénomène de migration qui peut expliquer ces migrations, les fameux peuples de la mer, descendus du nord de la mer Égée le long des côtés grecques, en Crète, en Égypte ,et s'attaquant aussi à l'Orient.

Les diasporas les migrations archaïques ont été précédées d'un mouvement qu'on appelle bêtement pré-colonial ou plus subtilement para-colonial.

Les diasporas, dans le sens d'échange commerciaux, de déplacements, de migrations, ont pu précéder, accompagner voire suivre les grandes phases de colonisations. Ces grands mouvements ne sont donc pas forcément PRE-coloniaux.

Parmi les premières régions occupées ou visées par les grecs, en Orient le comptoir de commerce Al-Mina et en occident l'île de Pithécusses ; situé tout prêt des côtes de l'Italie.Peut être au X/IXe siècle on a ces installations qui ne sont pas des colonies, par les Érétriens et Chalcidiens.

Enfin, il faut rapprocher la colonisation grecque des autres mouvements, étrusques et phéniciens : par exemple, Carthage est une colonie de Tyr est fondée selon la tradition en 814.

Il est difficile de dater la colonisation précisément. On a souvent des conjectures loin d'être vérifiées si l'on sait que les cités ont eu tendance dans l'histoire à reculer le plus possible la date de fondation de leur colonie. Par exemple Corinthe prétend avoir fondé telle colonie non pas en 650 mais en 700.

Pour des raisons de prestige, plus une cité est ancienne, plus elle est prestigieuse. Pour des raisons de territorialité et de propriété aussi (le ius primi occupantis des romains)

On a de cette manière un certain flottement dans la date de fondation de telle ou telle cité. Par exemple, Sinope au nord de l'Anatolie, selon les sources littéraires divergentes et les archéologues, a été fondées soit en 756, soit en 631.

On a des difficultés avec la chronologie dans l'antiquité, qui est une chronologie relative. On date généralement les événements selon les olympiades. Mais quand a lieu la première ? 776 ? on est plus très sur.

Il y a aussi des tentatives de créer des chronologies de l'antiquité, par des groupes de chronographes dont fait partie Ératosthène. Il y a une date que l'on connaît bien qui n'est pas relative

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mais absolue, c'est la date de l’éclipse du 3 août 431.

Autre question pour la chronologie. Qu'appelle-t-on la date de l'apoikia ou de la diaspora ? La date du départ des grecs de chez eux ou la date de leur arrivée sur un territoire outre-mer, voire de la fondation de la colonie.

B) Le mouvement de la colonisation.

A l'époque archaïque, elle s'étend sur un peu moins de 200 ans, entre 770 et 580. Ces deux siècles appartiennent à un vaste mouvement d'expansion, de disséminations grecques, un mouvement marqué d'abord par une phase à caractère migratoire mais pas organisé, et qui va jusqu'à 750. Avant ou en même temps que les débuts de cette colonisation, o na des mouvements de personnes en méditerranées, mais tout cela est informel. Le phénomène de colonisation, on emploie le terme de globalisant mais aussi paradoxalement de particulier. La colonisation grecques est à la fois global et particulier.

Phénomène global : tout l'espace méditerranéen, plutôt la rive nord quand même. En même temps, c'est un mouvement particulier car c'est un phénomène qui intéresse au

départ un certain nombre d'individus. 200 ou 300 personnes sont envoyées par cités. Phénomène particulier aussi car chaque établissement grec d'outre mer est particulier :

environnement, populations locales, ressources. Il n'y a pas UNE diaspora avec un modèle valable pour toute la méditerranée. D’où le sujet LES diasporaS grecqueS. Dans ces deux siècles de colonisation, on distingue deux grandes phases, ou plutôt on a distingué deux grandes phases archaïques, avec des dates variant selon les écoles.

Par exemple, pour l'historien de Lyon 2 Jean-Luc Lamboley : phase 1 de 770 à 675 ; phase 2 de 675 à 500 (et non pas 580).

Pour d'autres historiens, Claude Baurain par exemple, phase 1 de 750 à 625, avec dans cette période 1 un paroxysme entre 750 et 700 (explosion de la diaspora) ; phase 2, 625 à 510.

Lors de la deuxième phase, on assiste à un élargissement de la zone de colonisation. On s'intéresse davantage à des régions comme la mer noire, la gaule, l'Espagne. Lors de cette deuxième phase, il y a beaucoup plus de cités qui envoient outre mer des ressortissants. Ce qui fait débat dans l'historiographie n'est pas tellement le découpage entre ces deux phases c'est surtout la spécificité de chacune de ces deux phases. Sont-elles distinctes ?

Pendant longtemps on a distingué une phase 1 plutôt agraire et démographique. Cette phase 1, jusque vers 675 voire 650, était marquée par des paysans qui prennent la mer pour redevenir paysan outre mer avec plus de terres. Deuxième phase serait de caractère commercial : on ne cherche plus des terres mais on chercher à s'implanter pour négocier, faire du commerce.

Aujourd'hui on combat cette vision trop artificielle : une colonie dans l'esprit d'un grec doit pouvoir satisfaire à tous ces besoins : c'est l'idéal grec d'autarcie.

Il vaut mieux appréhender les établissements grecs d'outre-mers comme des implantations complexes, qui peuvent être majoritairement agricoles ou commerciales, mais pas seulement.

CF. Michel Casevitz, qui a étudié Le vocabulaire de la colonisation en Grec Ancien, 1985. Pour définir les grecs d'outre mer, les termes ont le plus souvent un caractère agricole.

C) Pourquoi le VIIIe siècle ?

Ce siècle est qualifié de siècle de la renaissance grec. Évidemment, il faut en finir avec l'idée qu'entre le XIe et le IXe c'est le chaos et ensuite c'est la renaissance. Malgré tout, il est vrai que le VIIIe siècle est celui de l'expansion, du renouveau. Exemple, l'écriture, avec la coupe de Nestor.C'est le développement des flottes, des progrès, des bateaux, qui font du VIIe, du VIe, des siècles d'échanges commerciaux et de migrations.

Formule de Platon (Phédon) : les grecs sont logés tout autour de la mer comme des fourmis ou des grenouilles autour d'un marais.

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Platon a envisagé la colonisation dans son dernier ouvrage, Les Lois, vers 347.Les zones concernées sont d'abord la Sicile et la Grande Grèce. Ce sont les Eubéens, d'Eretris et Chalcis, qui se sont opposés à la fin du VIIIe ou au début du VII siècle, lors de la guerre Lélantine. Parmi les créations des Eubéens, on a Pithécusses (775) Cumes, Naxos (Sicile, 734) Catane, Léontinoi. Corinthe fonde Syracuse (lune des plus grande colonie grecque d'Occident) à la fin du VIII en 733. Sparte fonde Tarente. Milet fonde Sybaris.

III) Problématique

Il faut voir les conséquences de la colonisation, voir si ça ne provoque pas des mouvement à l’intérieur des terres. A partir de l'époque classique et surtout hellénistiques ce sont des territoires entiers qui sont concernés.

Questions posées :

* Première question : les diasporas, à travers le cas de Démarate, aristocrate de Cortinhe, qui a du fuir sa cité à cause de conflits politiques internes, a migré vers l'ouest en suivant, au VIIe siècle, les routes des marchands et colons. Il s'installe en Étrurie, la région située au nord de Rome, dans une localité du Latium, à Tarquinia. Arrivé dans cette région, il épouse une femme indigène étrusque, prospère grâce au commerce, a une fils qui s'appelle Tarquin. Ce fils épouse Tanaquil, une étrusque et quitte sa ville natale pour s'installer à Rome ou il devient sans doute en 616 le premier roi étrusque de Rome (Tarquin l'Ancien). C'est par le biais de ces artisans ou commerçant que le nouvel alphabet grec ce répand sur le continent en Italie. Il est tout à fait probable que cette histoire soit une fable : c'est la réussite de l'exilé qui épouse une fille de bonne famille et dont le fils devient roi.

Cette histoire nous est rapportée par des historiens tardifs : par exemple Polybe, 400 ans après les événements ou par Pline l'Ancien, I A.C. Ce sont donc des auteurs qui, selon une tradition bien établie, ont tendance faire de Rome une cité de culture grecque.

Si les choses sont enjolivées, elles ne sont cependant pas complètement fausses : ce récit illustre la réalité de la mobilité à la fois géographique et sociale dans le monde méditerranéen. Mobilité horizontale (espace) et verticale (hiérarchie sociale). L'immigré qui a fuit son pays gravit les échelons et fait de son fils le roi. C'est bien une possibilité qui correspond à une promotion individuelle, et sans doute une promotion collective dans la mesure ou les artisans grecs ont prospéré.

Pour confirmer ce genre de mobilité, on a des arguments épigraphiques. On a trouvé tout prêt de Tarquinia des inscriptions dont l'une porte un nom, Rutile Hipukrate. Ce sont deux mots qui ont toute chance d'être un prénom et un nom. Le prénom serait indigène (rutilus = latin) alors que l'autre est un gentilis qui serait grec. Culture mixte donc. Hippokrates est un nom typiquement aristocrate (hippos = cheval). Donc un aristocrate qui quitte sa cité de Corinthe et fait souche en Italie, et donc la descendance a pris comme prénom un terme local. Ces deux mots illustrent parfaitement la mixité, la fusion, l'acculturation entre grecs et latins. Si cela est vérifié, est ça l'est car Carmine Ampolo a trouvé d'autres inscriptions, on a la preuve que l'installation outre mer a réussi mais a aussi perduré : on a des familles qui se sont crées sur place et qui ont adoptés des noms indigènes : l'onomastique retrace cette évolution migratoire.

Cet exemple de Démarate regroupe différents éléments récurrents et relatifs à la diaspora : ces éléments récurrents sont d'abord un départ contraint, une activité marchande, l'intégration dans un pays indigène avec mariage local. C'est ensuite la descendance et la réussite sociale, verticale et puis la transformation culturelle. Le changement culturel qui s'opère, visible dans l'onomastique.

* Deuxième question : Qu'est-ce que la Grèce, puisqu'on parle de diaspora grecques ?. Il n'y a pas a l'époque archaïque UNE Grèce. Il faut attendre Hérodote pour que se développe cette idée (même sang, langue, pratique, culture, etc.). A l'époque archaïque, il y a différents peuples : ioniens, dorien, achéens, éoliens (danéens), qui vivent dans la Grèce actuelle mais pas seulement. Il y a cependant quelques occurrences d'un terme Panhellenès, le rassemblement des grecs. Ce sentiment du panhellénisme signifie qu'on a conscience d'appartenir à une même culture. Ceci se traduit par exemple avec les jeux olympiques. Les occurrences de panhellenès se trouve aussi chez Hésiode (travaux et les jours) et chez Archiloque de Paros.

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Pour dire la Grèce, on dit Hellas. Ce mot est déjà utilisé par Homère mais dans un sens très étroit. La Grèce ou Hellas pour Homère est simplement la partie centrale de la Grèce, qui ne comprend pas le Péloponnèse. Ce n'est que très progressivement que le mot Hellas prend un sens plus large géographiquement. C'est au début de la période classique, au début des guerres médiques, qu'on a le sentiment d'appartenir une Grèce, d'être Grec, par opposition aux Perses, aux barbares.

* Troisième question : la mobilité des personnes et des biens. Différence entre voyage et migrations. Ces dernières obéissent à des considérations individuelles ou liées à des causes comme les guerres (mercenaires, fuite). Il est difficile pour cette question de savoir qui voyageait ou migrait. Il est possible et même probable que ce sont les artisans, les démiurges, qui deviennent des artistes après le VIIe siècle, qui vont soit enseigner leur art à l'étranger, soit s'installer. Ce sont aussi des savants, Pythagore par exemple, qui a vécu au VIe siècle, qui a voyagé en orient, en Phénicie, en Syrie, à Naucratis, en Crète ou il a épousé d'ailleurs l'une de ses disciples, Théano. Il s'installe ensuite au sud de l'Italie, à Crotone, à l'âge de 40 ans.

Les populations locales sont-elles attirées ou au contraire repoussées par les Grecs ?

* Quatrième question : sur la colonie. Qu'est ce qu'une colonie à l'époque ? Y a-t-il une ou plusieurs colonie ? Pourquoi plusieurs phases ? Quel est le statut des colons ? Le rapport entre colons et colonisés ? Hostile ? Si oui, pourquoi ? Différents culturels, économiques ou territoriaux ? Accords ? Acculturation ? Intégration ? Hellénisation ?

Qu'est-ce qui peut expliquer la « réussite » des grecs dans leur diasporas ultramarines ? Ne serait-ce pas l'organisation politique des grecs, leur cohésion et leur culture qui les aurait conduit à dominer les populations locales et surtout à perdurer dans leur diaspora outremer ?

Quel est le rapport entre diaspora grecque et colonisation moderne ? Il ne faut surtout pas projeter des comportements et pensées modernes. Dans l'Antiquité, les rapports entre la colonie et sa métropole peuvent être très lâche, beaucoup plus qu'à l'époque moderne. Sur le plan des institutions, une colonie grecque archaïque peut fonctionner différemment de sa métropole et constituer une sorte de laboratoire ou les bases de l'égalité civique ou de la démocratie sont posées, ce qui n'est pas le cas forcément dans la métropole.

Le mot colonie, il faut s'en méfier car il renvoie beaucoup plus à une réalité hellénistique/romaine et à une réalité occidentale moderne qu'à ce qui a pu se passer au VIIIe/VIe siècle. Il vaut mieux utiliser le terme technique d'apoikia. L'apoikia signifie la séparation, on insiste ainsi sur l'éloignement par rapport à la métropole. Le mot de colonie insiste sur le point d'arrivé, sur l'établissement nouveau.

Colonie vient de Coloeia, cultum, de la racine indo-européenne quem qui signifie circuler autour de quelque chose. Cela signifie fréquenter un endroit une personne, donc habiter. (habitant = incola, l'habitant d'une terre = agricola). Il n'y a donc pas l'idée d'un départ, de s'éloigner. Le mot colonie est donc un peu hors-sujet, c'est l'aboutissement de la diaspora, pas la diaspora en cours.

Autre sens dérivé, le mot colo signifie non seulement fréquenter mais aussi vénérer (la terre qui produit). Par extension, cela signifie qu'on vénère les gens avec qui ont vit et les dieux qui nous protègent. D’où le mot dérivé de colo, le culte.

Dernière évolution, le mot français cultivé (intellectuel) dérive de là. Il y a une installation sur une terre, culte rendu à des dieux reconnus par une communauté, ce qui crée une civilisation d'êtres cultivés.

La diaspora grecque peut elle être synonyme d'impérialisme à un moment ou un autre ? La colonie est le territoire qu'un colon cultive. Le colon va prendre différents sens. C'est celui qui est le propriétaire, celui qui cultive une terre pour un propriétaire et enfin celui qui habite une colonie. En Grèce archaïque, le colon a un autre sens : c'est un citoyen établi sur un site crée par les Grecs.

La colonie est « un établissement fondé par une nation appartenant à un groupe dominant dans un pays étranger à ce groupe, moins développé, et placé sous la dépendance et la souveraineté du pays occupant dans l'intérêt de ce dernier » (Petit Robert). Cette définition vaut pour les colonies modernes. En Grèce archaïque, l'idée de nation n'existe pas. Ensuite, les colonies ne vivent pas forcément dans l'intérêt de leur métropole. Ces colonies peuvent fonder elles mêmes des colonies, comme s'il y avait des intérêts propres à la colonie qui ignorent ou dépassent les intérêts de la métropole. Enfin on ne peut pas dire que lorsqu'un grec s'installe dans une région, il le fasse pour dominer une population moins civilisé.

Le colonialisme signifie aussi un système politique préconisant l'exploitation et la mise en valeur d'un territoire dans l’intérêt du pays colonisateur. Cette définition ne s'applique pas à la première phase de colonisation archaïque mais peut s'appliquer à la diaspora grecque à partir du

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V/IVe siècle et plus encore avec Alexandre.On pense également au schéma des colonisés qui subissent les colons. Dans l'antiquité, plus

complexe : liens étroits avec indigènes, qu'ils s'agisse de liens entre aristocrates (xénia, hospitalité), de mariages mixtes ou d'acculturation.

En outre, les Grecs colonisaient des terres, pas des hommes. Il est donc très rare que l'on s'en prenne aux populations ou qu'on les asservisse systématiquement. L'esclavage de masse arrivera, mais au cours du VIe siècle.

* Cinquième question : comptoirs et colonies ?

La création d'une emporia signifie une diaspora et un passage par la mer. Il ne faut pas confondre Emporia et apoikia, quoique parfois la distinction est très artificielle.

Apoikia va de paire avec le verbe ktizo, fonder, qu'on retrouve dans oikiste.Les emporia, eux, signalent avant tout la traversée maritime à but commercial. Il y a d'autres

mots à relier à la diaspora : enoikismos : l'établissement. Ou bien, naustathmon, l'escale (base navale qui sert à protéger les ressortissants grecs lorsqu'ils naviguent). On note aussi le limen, le port, l'epineion, le mouillage ou l’entrepôt maritime.

Il n'est pas certain que l'apoikia soit sur le plan chronologique la suite de l'emporion. Pendant longtemps on a cru que les Grecs avaient d'abord crée des comptoirs de commerce, qui s'étaient transformés ensuite en colonie. Or, cette thèse est aujourd'hui combattu. La question a été soulevé par Jean-Luc Lamboley, de Lyon 2, dans son ouvrage Les Grecs d'Occident. On lit aujourd'hui que selon les archéologues et les historiens, les Grecs ont fondé des comptoirs qui entrent dans un processus para-colonial. Il apparaît grâce aux fouilles que des comptoirs on pu être fondé en même temps que les colonies, voir après. Par exemple, les Grecs fondent une colonie en Grande Grèce, qui génère une certaine activité artisanale et commerciale : autour de la colonie, on peut voir surgir des comptoirs de commerce.

Au final, pour distinguer le plus prudemment possible, l'apoikia est politique, pas l'emporion.

On a vu que la colonisation est un phénomène durable avec cependant des périodes plus actives que d'autres. Ce phénomène revêt plusieurs aspects. Il ne faut pas confondre les réseaux grecs de commerce et de troc, qui fonctionnent par comptoirs de commerce, et la création d'une cité qui est un acte foncièrement politique. Ceci n'est toutefois vrai que pour la période archaïque.

Chapitre II : Rappel historique de la Grèce archaïque.

Introduction : Sources : déjà présentées.

L'époque archaïque = Entre IXe/VIIIe et fin VI/tout début Ve.Cette période archaïque se caractérise par toute sortes de changements culturels et militaires.

C'est au cours de cette période qu'apparaît la polis. C'est au tout début de l'archaïsme que les Grecs redécouvrent l'écriture, mais sous une forme nouvelle. On crée la phalange hoplitique, avec un débat : la tradition la fait remonter au VIIe siècle, certains considèrent qu'on a déjà des traces dans le monde mycénien. C'est aussi l'invention de la monnaie.

Cette période est traversée par des crises politiques. C'est non pas la disparition mais la raréfaction des royautés. C'est l'essor des aristocraties locales. C'est l'épisode des tyrannies. La mise en place, pas partout, des structures ou institutions démocratiques.

Ces changements sont en liens avec les diasporas, ils en sont la cause et la conséquence.

Bibliographie : Polignac, La naissance de la cité grecque.Jean-Claude Poursat, La Grèce préclassique, des origines à la fin du VIe siècleAnthony Snodgrass, Dark Ages of Greece (popularise l'expression Dark Ages)Oswyn Murray, La Grèce à l'époque archaïque

I) Chronologie

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A) Naissance de la cité

1/ Apparition de la cité

Au risque de schématiser, on a après le monde mycénien des âges obscurs entre le XIe et le IXe, puis à la fin du IXe et au VIIIe, la Renaissance, avec l'émergence de la cité. A partir de ce moment, la polis va devenir l'organisation politique la plus fréquente du monde grec classique. On compte la formation d'environ 400 ou 600 cités uniquement pour la mer Égée durant la période archaïque.

Il y a un renouveau démographique, la reprise des échanges commerciaux. Bien sur, le échanges existaient encore, mais ils se sont de nouveau intensifiés.

Les anciens ont fixé une date pour la création de la polis. On a associé l'apparition de la polis à la création des jeux olympiques, donc 776. C'est commode mais historiquement ça ne correspond pas à grand chose. Il faut savoir ce qu'on entend par cité, par polis.

La polis apparaît dans l'Odyssée à travers la description de Schérie, l'île de Nausicaa, avec les éléments nécessaires à la définition de la polis : la présence d'un rempart, l'édification de maisons ordonnées le long de rues, la présence de sanctuaires et le partage des champs.

Chez Homère, le mot polis figure mais il n'a pas tout le sens politique qu'il pourra revêtir à partir du VIIe siècle. Le mot désigne plutôt l'acropole, la partir haute d'un établissement, d'un site. Il a le sens également de citadelles, souvent installées à la place des anciennes citadelles mycéniennes.

Progressivement, la cité prend un sens moins militaire et peut être traduit par bourgade. On a dans l’Iliade l'énumération de différents peuples qui habitent des bourgades : l'énumération des vaisseaux, chant II. Ces bourgades doivent répondre à un idéal d'autarcie, donc fusion entre un centre qui va s'organiser et une chôra qui va servir à nourrir la population.

Le troisième élément qui apparaît dans la définition géographique de la cité est le littoral. Il est très rare qu'une cité ne donne pas sur la mer.

Autre élément constitutif de la cité, la présence d'une agora, qui a plusieurs fonctions. Quand on fonde une colonie, on laisse un espace vide qui sera l'agora. Elle a plusieurs fonctions : religieuse (rendre cultes, construire un autel) et puis une fonction politique : c'est sur l'agora que les Grecs discutent de la cité. Toujours dans Homère, dans le Chant VI de l'Odyssée, les Phéaciens (habitants de Schérie) ont là une agora autour du beau temple de Poséidon. C'est au IXe/VIIIe que le mot polis perd son sens de citadelle pour prendre celui de bourgade organisée.

2/ L'espace de la cité et l'urbanisation

Dès le VIIIe siècle, ou même avant, prend naissance le sentiment de l'espace politique, qui va devenir un espace civique, avec le développement de la conscience d'une unité et d'une identité de la population : il n'y a pas de polis s'il n'y a pas visualisation d'un espace qui sera un espace politique. Comment se dessine cet espace ?

C'est une espace qui est circonscrit derrière des remparts. Qui dit remparts dit caractère sédentaire : passage de l'élevage à l'agriculture, qui continue à exister dans la chôra. Durant la guerre du Péloponnèse, la population de la chora d'Athènes est appelé à se replier à l'intérieur des remparts, à abandonner ses terres qui sera pillé par les spartiates.

Cette sédentarisation s'accompagne d'un accroissement de la population. Anthony Snodgrass a étudié autant que possible la courbe de la population grecque du VIIIe siècle d'après les tombes. Il estime qu'à partir de 770, nous somme dans un mouvement démographique ascendant.

S'il y a sédentarisation et visualisation d'un espace politique, il y a notion d'un état territorial. Les premières murailles datent de la fin du VIIIe début IXe et se seraient celles de Smyrne ;:

ce n'est pas un hasard si certains prétendent qu'Homère est natif de Smyrne.

La tendance est donc à l'exclusion de l'étranger. Les cités-états grecs archaïques sont très exiguës. La Grèce est parsemée de petites cités. Ce qu'on cherche à faire (Hésiode) est utiliser tout l'espace disponible, et cela va déboucher à la fois sur des guerres d'exclusion, et en même temps sur

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des apoikia. Exemple de guerre d'exclusion à motif territorial, la fameuse guerre Lélantine. On ne sait pas si elle oppose Chalchis à Eretrie ou à Lefkandi. On note aussi une simultanéité de l’apparition de la cité et de l'esclavage étranger. L'argument est celui de Chios. C'est la première cité à utiliser les esclaves comme marchandise. De fait, c'est la première cité à évoluer dans la démocratie.

L'organisation de l'espace est lié à l'urbanisation qui est développée surtout voire exclusivement dans le cadre des colonies, avec établissement de cadastres à visée égalitaire.

Enfin se constituent très tôt des espaces sacrés : à l'intérieur des cités, les enceintes sacrées vont délimiter des Téménè. Les temples apparaissent également au milieu du VIIIe siècle, vers 750. Ce sont d'abord des temples en bois et en brique, sur le modèle du megaron. Ces temples ont tendance à ne pas durer. Lorsque les citées et colonies prospèrent, les temples sont reconstruit en pierre, voir en marbre, de façon à afficher non seulement l'amour du dieu mais aussi la réussite de la colonie. Les populations indigènes et des autres cités grecques aux alentours ont sous les yeux avec les temples de marbre la preuve que les grecs d'outre-mer réussissent.

Il y a aussi des espaces réservés aux dieux mais à l'extérieur de ces cités naissantes, ce qui va contribuer à mettre en place des réseaux entre grecs. Quelque centres religieux se créent en Grèce : Delphes, Délos, Olympie dans le nord/NW du Péloponnèse, et, dans une région très concernée par la colonisation, au NW de la Grèce, le site de Dodone. Ces centres existent sans doutent depuis le Xe siècle.

Les rues des premières cités ne répondaient à aucun plan préconçus, épousaient les contraintes du terrain. Après le VIIIe siècle, des axes se dégagent, d'abord N/S puis E/W. La colonisation va travailler sur ce schéma orthogonal, le plan en damier. Ce plan de Dodone sera repris à l'époque classique par un philosophe architecte Hippodamos de Milet. A tort, on parle de plan hippodamien, comme si c'est lui qui l'avait inventé.

B) Les crises et les évolution de la cité.

Les crises se multiplient au cours des VIIIe et VIIe siècle, liés en parti à l'appauvrissement des paysans mis à contribution par l'aristocratie : les sizenier

1/ Aristocratie et peuples

Les aristocrates portent différents noms : eupatrides à Athènes, gnorimoi (notables) : ceux qui possèdent un lopin de terre. Ailleurs, comme à Chalcis, on a les hippobotes (chevaux).Ils détiennent des pouvoirs religieux, économiques, etc. Ils sont les successeurs de ces rois mycéniens et homériques.

Parmi le peuple on distingue de petits paysans, les marchands, des artisans.Les petits paysans étaient soumis aux propriétaires terriens qui en échange devaient les protéger. Il faut plutôt considérer que les paysans étaient à l'origine des citoyens ou des colons endettés pour plusieurs raisons : climatiques, démographiques (quand un père de famille a beaucoup d'enfants, les enfants se partagent la terre à égalité...).

Il y a également au VIIIe siècle un changement de pratiques agricoles dues au contact que les grecs ont avec des populations orientales ou méridionales : l'essor de la vigne et de l'olivier. Pour cultiver la vigne et l'olivier, il faut disposer de grandes terres. Pour s’en sortir, il faut posséder des terres et seule les grandes familles peuvent le faire, les autres doivent s'endetter auprès des aristocrates.

Ceci va amener soit à la mise en place de législateurs, soit à des tyrans : cf. Les travaux et les jours, d'Hésiode.

Ces paysans endettés sont des sizoniers ou des hectémores. Cela signifie qu'ils versaient aux maîtres 1/6 de la récolte. Selon certaines interprétations beaucoup plus dures, ils ne gardaient qu'un 1/6. S'ils ne le faisaient pas, ces grecs étaient vendus à l'étranger. Selon Plutarque (tardif) ces sizoniers n'étaient pas seulement des paysans endettés mais aussi des citadins qui pour une raison ou un autre avaient du emprunter des biens à l'aristocratie locale.

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L'artisanat s'implante un peu partout, ce qui va contre l'idée de l'apoikia : il ne devient plus nécessaire de pratiquer des échanges de produit artisanaux car on produit et on consomme sur place. Les artisans prospèrent, la céramique est en nette progression car il y a plus de Grecs outre mer. Parmi les cités qui sont les premières à fonder des comptoirs ou des colonies d'outre mer, Corinthe, cité leader de la céramique, puis Athènes qui toute deux exportent soient céramiques, soit artisans, en occident.

Apparaissent des groupes d'artisans dans des quartiers spécifiques, si bien que les villes qui surgissent vont avoir des quartiers spécialisés dans la céramique ou la métallurgie (comptoir de Pithécusses). A Athènes, tout un quartier va être occupé par des potiers, c'est un quartier situé au N/NW de la ville d'Athènes. Ce quartier est celui du Dipylon (cimetière militaire d’Athènes) aussi appelé quartier du céramique (du nom d'un héros, Chéramos => poterie = céramique).

Incidences sociales et politiques des artisans : ils s'enrichissent et donc prétendent devoir jouer un rôle dans les affaires politiques de la cité. Autrement dit, jusqu'au VIIe/VIe siècle il y a une aristocratie qui se légitime par la propriété foncière ou l'élevage de chevaux. Apparaît une « bourgeoisie » qui est celle des grands négociants qui vont travailler avec l'outre mer, soit l'orient soit l'occident. C'est l'apparition de ce que Claude Mossé appelle les « Princes marchands ». C'est une nouvelle forme d'aristocratie qui entre avec une aristocratie plus ancienne terrienne. Cette dernière s'oppose d'autant plus à la nouvelle qu'il y a une attitude antibanausique, qui consiste à dénigrer le travail du banausos, de l’artisan, du travailleur manuel.

L'aristocratie foncière ancienne ne se désintéresse pas cependant des échanges avec l'outre mer. Mais quand elle y recourt, elle le fait par le biais d'intermédiaires, pas elle même. On a pas mal de sources de conflits à l'intérieur de ces cités naissantes et pour les résoudre apparaissent des législateurs.

2/ Les premiers législateurs

Ils suivent ou précèdent ou sont contemporains des tyrans classiques. Parmi les législateurs, deux à connaître à Athènes : Dracon, fin du VIIe siècle et Solon, début du VIe. Dracon, vers 620, établit des lois extrêmement dures. Solon règle la question des dettes en partie. Il a introduit un principe qui va durer. Jusqu'à Solon, un sizonier qui ne pouvait pas s'acquitter de ses dettes était vendu comme esclave ou alors quittait la cité pour un emporion/colonie. Avec Solon, on ne peut plus se saisir de la personne de son débiteur pour l'asservir. Solon a classé la population en 4 catégories sociaux-économiques : les plus riches, les cavaliers, les zeugites et ceux qui n'ont rien, les thètes.

3/ Les tyrans

Ils sont nombreux au VIe siècle, dans à peu près toutes les régions habitées par des Grecs, aussi bien dans les métropoles que dans les colonies. Ce phénomène essaime au même rythme que la diaspora, soit par contagion, soit par imitation : quand une tyrannie fonctionne bien, on est tenté d'en établir une chez soi.

La tyrannie archaïque n'a pas forcément un sens négatif, ce qu'elle aura au IVe siècle. Ainsi, Denys à Syracuse fait devenir sa cité la vitrine de la cité grecque face aux barbares carthaginois

II) Ecriture, réforme hoplitique et monnaie

A) Ecriture

Il est admis que l'écriture a disparu entre le XIIe et le XIe siècle, lorsque le monde mycénien disparaît avec les palais. Quelques prises de positions dans le sens inverses, mais minoritaires.

Au VIIIe siècle, nouvelle écriture qui prend forme, emprunté au phénicien, écriture dont le système est à la fois syllabique et consonantique. Dans cette écriture sémitique, il n'y a pas de voyelle, sauf le a initial. Les grecs transforment certaines consonne ou certaine semi-consonnes en voyelle, ce qui donnera l'alphabet grec classique. On crée un alphabet grec qui reprend l'ordre même de l'alphabet phénicien.

Cet alphabet s'est formé, si on en croit le mythe, grâce à un personnage Cadmos, prince phénicien de Tyr et qui a donné cet alphabet aux Grecs. On fait le lien avec la forteresse de Thèbes,

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la Cadmée. La version historique : cet alphabet a sans doute été produit, crée, dans un comptoirs de

commerce oriental, celui d'Al-Mina, tout au nord de la Syrie. C'est un comptoir de population mixte avec des Grecs et des Phéniciens.

Dans la fascicule, p.12 et 13, coupe de Nestor. Coupe à boire, trouvée dans une tombe à crémation, dans une nécropole de Pithécusses. Elle date de 740/710. Elle était dans la tombe d'un jeune garçon de 10 ans. Ce garçon incinéré appartenait sans doute à une grande famille aristocratique de Pithécusses, quasi-sûr d'origine levantine. Ainsi, bc de petits vases en parfum levantins y ont été trouvé.

Inscription très fragmentaire de 3 lignes, pas faite au moment de la décoration mais gravée ensuite par un grec, sans doute au moment d'un banquet. Cette inscription présente un trimètre et dessous deux hexamètres dactyliques. Cette inscription archaïque est normalement rédigée en rétrograde (droite vers la gauche). L'alphabet qui figure sur cette coupe est Eubéen. La présence d'Eubéens à Pithécusses est quasi-assurée. Ou bien la coupe a fait escale depuis Rhodes en Eubée, a été gravée, puis s'est retrouvé à Pithécusses... peu probable car il y a plus d'échanges entre Al-Mina et Pithécusses.

Cette inscription est à connaître : Nestoros :[..]i => [Eim]i : je suiseupoton : poterion

Je suis la coupe bonne à boire de Nestor

Cette retranscription est tout à fait probable, car il y a des « objets parlants », légendés, qui se désignent. Ou alors le propriétaire écrit son nom pour qu'on ne lui vole pas. Ici, c'est une coupe en terre cuite qui n'a aucune valeur qui prétend être la coupe de Nestor, extrêmement précieuse dans l’Iliade. Décalage humoristique.

La suite dit : mais celui qui boira à cette coupe sera immédiatement pris du désir d'aphrodite.

Nous sommes dans un contexte symposiaque, de banquet arrosé avec présence féminine. Ça n'a rien à voir avec un contexte mortuaire. La famille qui a placé cette coupe l'a fait sans remarqué qu'elle était gravée ou alors sans lire le grec eubéen ? Possible. En tout cas décalage entre inscription et le contexte funéraire.

D'autres épigraphistes ne sont pas d'accord : ils ne restituent pas eimi mais eason (le | serait la dernière hampe du N est pas un I) :

Ne pense pas à la coupe de Nestor, mais intéresse toi à celle là, et si tu la bois, tu seras pris du désir d'aphrodite.

L'intérêt historique de cette coupe est qu'elle atteste de la présence d'une culture grecque en occident à la fin du VIIIe sur l'île d'Ischia (Pithécusses) et peut prouver que vers 740/710, les poème d'Homère étaient connus en Occident par les grecs car on a dans les deux dernières lignes de la coupe la reprise d'éléments homériques.

C'est un marqueur de la pénétration grecque et de sa culture en occident. Elle renseigne sur la diffusion de l'écriture grecque en occident par l'écriture eubéenne (Chalcis) qui se retrouve au VIIIe siècle => donc diaspora d'Eubéens en occident

Les historiens ont du coup cru pouvoir fixer la date de composition de l’Iliade. Comme cette coupe fait référence à Nestor et reprend une thématique homérique, on s'est dit que l’Iliade avait été composé avant 730, la coupe fournissant un terminus post-quem. Or on en est moins certain car « Homère » a très bien pu s'inspirer de légendes d'un personnage mythique nommé Nestor pioché dans un fonds mythique grecque.

Autre document, tablette d'écolier (p.18 du fascicule).Elle porte à son sommet un alphabet grec archaïque qui ne correspond pas entièrement à ce

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que sera l'alphabet classique et a été trouvée en Italie près de Cumes et daterait d'environ 700.On considère d'après ça que l'écriture est une pratique relativement courante dans le monde

méditerranéen à partir de 750-fin VIIIe. D'ailleurs on voit surgir des poètes : Archiloque, inventeur de la poésie lyrique.

A la fin du VIe siècle/tout début du Ve, des cités comme Athènes mettent en place l'ostracisme : un individu est privé de ses droits civiques pour 10 ans et pour le désigner on doit inscrire son nom sur un tesson de poterie => le peuple sait manier l'écriture.

L'écriture est donc une pratique accessible et plus seulement réservée à des fins religieuses ou à des fins administratives comme l'écriture des inventaires.

Dans le domaine législatif, le premier code retrouvé est celui de Dréros en Crète vers 650/600.

Attention, le peuple grec reste un peuple de l'oralité.

B) La réforme hoplitique.

Elle touche à l'hoplite, au soldat lourdement armé, étudié notamment par Victor Davis Hanson. Cette réforme daterait du milieu du VIIe siècle, vers 650, dans une période de tension à l'intérieur des cités.

Avec l'essor de la métallurgie, le prix du métal baisse et les armes sont donc plus nombreuses : on passe du bronze au fer, plus accessible.

L'ensemble de l'armement comprend une partie défensive une partie offensive et défensive :III) le pectoral (thorax)IV) le casque (kranos). Le casque corinthien, avec protège joue, serait selon Hérodote de type

oriental... les Grecs qui avaient migré vers l'orient, notamment en Carie, auraient été influencé par les techniques et formes mêmes de ces orientaux. Selon les archéologues, ils seraient typiquement corinthiens et n'auraient que quelque ressemblances avec les casques cariens.

V) les cnémides (protège jambes)VI) le bouclier (aspis/hoplon) rond en bois avec deux poignées de façon qu'ils tiennent bien au

soldat. VII) La lance (dory)VIII) épée courte (xiphos)

Voir le vase de Chigi de 650 pour voir la tenue de l'hoplite.

Les hoplites se battent en 4 ou 8 rangs extrêmement solidaires. Le soldat porte son bouclier au bras gauche pour protéger son flanc gauche et le flanc droit de son camarade. On est plus du tout dans la conception agonistique du combattant solitaire.

Polignac n'est pas d'accord : la phalange peut être beaucoup plus grande et massive que 4 ou 8 rangs : jusqu'à 50 rangs de profondeur ; Elle n'a pas été inventé au VIIe mais remonterait à la fin du mycénien car on a retrouvé un vase de 1150 surnommé le « vase au guerriers de Mycènes » qui serait une préfiguration de la phalange archaïque. Argos au sud de Mycènes => on a retrouvé la tombe du guerrier d'Argos et dans cette tombe, on a retrouvé un armement très proche de celui de l'hoplite du VIIe siècle. Quand au fer, il est connu des Doriens, qui s'installent en Grèce au XIIe siècle.

Pour Paul Faure, « la nation remplace le héros ». L'évolution est plus au niveau des mentalités que de l'armement.

La guerre de Lélante, en Eubée, entre Chalcis et Érétrie (ou Lefkandi) serait la dernière guerre historique du type agonal. On avait convenu de ne pas utiliser d'arme de trait (javelot). C'est une guerre qui a pu inspirer Homère pour la guerre de Troie, comme on l'estime de plus en plus.

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Pratique de la cavalerie : on ne sait rien sur l'utilisation des chevaux ou des chars chez Homère. (?????). En revanche, on croit savoir que les grecs auraient emprunté à l'orient la pratique de la cavalerie de guerre.

Ainsi, les Assyriens étaient célèbres pour leurs cavaliers, qui montaient avec des étriers, tout comme les peuples des scythes et des cimmériens (pas le peuple légendaire d'Homère, mais le peuple d'Hérodote, du sud de la Russie, qui va descendre au cours du VIIe siècle en Asie mineure).

Ces cavaliers descendent au niveau du royaume mède, puis perse achéménide, et attaquent l'une des capitales, Sarde, en 652, qui tombe en 644. Comme il y avait des grecs ayant migré dans ces régions d'Asie mineure au contact de Sarde, il est légitime de penser que ceux ci ont été influencé par ces techniques militaires barbares et qu'ils ont développés chez eux ces cavalerie.

C) La monnaie : vers 640-630.

1/ Les origines

Selon Hérodote, la monnaie n'est pas une invention des grecs continentaux mais des Lydiens. C'est même un certain Ardys, fils du tyran Gygès, qui aurait inventé la monnaie. C'est une monnaie faite d'électron, alliage d'or et d'argent (¼ – ¾) qui se trouve dans le Pactole ou dans des mines de la région. On a avec cette origine géographique orientale, on a peut être une origine du mythe de la toison d'or.

La monnaie n'est pas fixée au départ et fluctue selon le poids du métal. Elle est copiée par les Grecs qui ont circulé dans cette région de Lydie. Cette monnaie est développée en Grèce au début du VIe siècle : tout près d'Athènes, à Egines, une monnaie représente une tortue. Tout le monde grec n'a pas suivi cet usage de la monnaie, Sparte n'en a pas avant le IIIe siècle.

A l'origine, les pièces sont informes. Puis progressivement, les morceaux de métal ont été gravés d'abord sur la face inférieure : le coin droit/fixe, le coin d'enclume, le côté face. Le coin de revers/mobile/pile, sera travaillé ensuite.

Cette gravure est la marque du poinçon de la cité. Les deux faces sont gravés avec au droit la représentation d'une divinité et au revers un personnage ou une scène. En Grande Grèce, vers 540/500, les pièces pouvaient être incuses, même motif gravé en creux d'un côté, en relief de l'autre.

Au départ la monnaie n'a de valeur que celle de son poids effectif. Puis, quand les cités décident d’attribuer une valeur a telle ou telle monnaie on observe parfois un écart entre le poids réelle et la valeur affichées : une monnaie fourrée.

L'electron est abandonné vers le VIe car on veut créer des séries de monnaies en or et d'autres en argent. C'est le roi Crésus, de Lydie, vers 560/546 qui crée les première séries de monnaies soit tout en or, soit tout en argent.

L'or vaut 20 fois plus que l'argent, selon les cités et les époques.

En Grèce, le monnayage d'argent va triompher, car il y a des mines d'argent : Laurion.Cela dit, des cités continuent à utiliser l'electron.

2/ Valeurs respectives des monnaies

oboles<drachme<mine<talent 1 talent = 6000 drachmes. Il faut 6 oboles pour faire une drachme. 100 drachmes pour une mine.

Un talent pèse environ 26 kilos, selon les étalons : plusieurs étalons en Grèce ; l'étalon attique a pour base la drachme d'argent qui représente 4,36g d'argent.

3/ Les buts de la monnaie

But pratique : remplace les objets de valeur destiné à être échangés d'un but à l'autre de la méditerranée, donc plus facile de transporter monnaie/lingots que trépieds et vaches, obèles (broches de métal).

On retrouve d’ailleurs le même mot : obèle devient obole. Tringle de fer : drachma => drachme.

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La monnaie a-t-elle été faite pour servir l'économie ? La circulation des monnaies dans le monde méditerranéen ne correspond pas avec la circulation des biens. On ne peut donc pas dire que la monnaie ait servi de monnaie d'échange pour les commerçant. Au contraire, le troc est encore la règle. Donc pas de changement sur le plan économique.

Quand on exporte des monnaies, on le fait non pas pour la valeur elle même de la monnaie mais pour le métal qu'il contient, les égyptiens n'ayant pas de métaux précieux

A Athènes, au VIe siècle, un bœuf faut 5 drachmes, une brebis 1 drachme. Pour acheter des petits objets, on continue donc à échanger à l'aide du troc.

L'utilisation n'est donc pas économique mais politique : la monnaie se révèle utile pour les cités qui ont besoin d'établir un équilibre entre ressources et dépenses : fonctionnaires et magistrats à payer, indemnisation des citoyens participant aux assemblés, mercenaires, don au colonie, charpentiers maritimes : la monnaie devient utile pour ce genre de transactions.

Mais elle est essentiellement politique : nomisma en grec, dérivé de nomos, la loi.

Le fait d'avoir une monnaie de sa propre cité provoque la fierté. Les grecs d'outre mer, face aux populations indigènes et aux autres grecs installés à leur côté, sont fiers d'appartenir à une cité qui frappe monnaie belle.

Quand on a affaire à un roi, le roi frappe monnaie à son effigie, aussi bien pour des raisons de propagandes que pour des raisons personnelles Les rois commencent à être vénérés comme des dieux : avoir sa tête sur une monnaie d'or est déjà accéder en quelque sorte à l'immortalité.

III) L'art grec à l'époque archaique.

Demargne, Farnoux, La naissance de l'art grec.Roland Martin, L'art grecHoltzmann, Pasquier, L'art grec

Influence réciproque entre grecs et non grecs : céramiques athéniennes s'exportent vers l'orient (production d'Eubée en Syrie, à Al-Mina) et,en même temps, objets orientaux qui circulent vers la Grèce, vers l'ouest même et la Grande Grèce.

Ces échanges sont sont des échanges d'objet ET de motifs.Jusque vers 750, art géométrique. A partir de 750, motifs plus naturels, animaux : ils

viennent de l'orient. L'influence orientale se marque essentiellement dans l'apport de techniques nouvelles et des l’iconographie : de nouveau utilisation de la pierre, de l'ivoire, de choses qui, sauf en Eubée peut-être, avaient été délaissé pendant les âges obscurs. C'est aussi l'apprentissage et la maîtrise de la statuaire gigantesque, les kouroi.

Peut-on établir une chronologie de l'art grec archaïque ? Difficile. John Nicolas Coldstream, Poterie géométrique grecque, 2009 (n. éd) a essayé. Mais on considère qu'il n'y a pas UNE chronologie mais des chronologies selon les cités, selon le domaine (architecture, poterie). La collection « Univers des formes » présente un tableau synoptique des différentes productions artistiques avec une classement chronologique.

Il faut prendre cette chronologie comme un canevas :

Période sub-mycénien, connu pour l'eubée, très peu ailleurs Période Proto-géométrique : envion 1050/1025-900 Renouveau géométrique : 900/725 : extension du géométrique.

Deux ou trois phases ; géométrique moyen et géométrique récent, voire géométrique ancien.Ancien : 900-850Moyen : 850 – 770Récent : 770 -700

Production de grands vases ornés de motifs plus ou moins riches. Obsession de la ligne ou du cadre géométrique.

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Les motifs, peu à peu, sont empruntés à la mythologie, en particulier à la figure d'Hérakles. Les peintres aussi, évoluent, on sent une libération du mouvement.

L'art géométrique est produit dans de nombreux centres : Athènes, Argos, mais aussi dans les Cyclades ou en Crète. En outre, rôle important joué par le sanctuaire d'Olympie au VIIIe siècle. Ce sanctuaire contribue à la diffusion d'un courant artisanal dans toute la Grèce et dans tout l'occident.

C'est au cours de cette période géométrique que les artistes commencent à signer leur œuvre, signe d'une excellence revendiquée.

Période de transition : 725 – fin du VIII (Proto-Corinthien)/680 (proto-attique)

Phase de transition où l'on passe d'un art géométrique à l'époque archaïque. Attention, en histoire de l'art la période archaïque est très limité, alors qu'en historie, ça va du IX au VI.

A partir du VIIe, on a quelque chose de nouveau qu'on peut diviser en deux étapes.

Période orientalisante ou haut archaïsme : 700-600 environ avant Jésus-Christ 

Cette phase est celle ou les artisans ont acquis certaines techniques empruntés à des artistes orientaux : moules au lieu de modeler des figurines en métal ou terre-cuite, moulage avec figurine en creux : économique de métal.

Les artisans grecs s'inspirent des motifs picturaux orientaux, légendaires ou réels, avec des motifs végétaux (lotus). Les grecs ont été inspirés par des civilisations : néo-pythiques, assyriennes, phéniciennes. Les grecs ont été inspirés par l'architecture.

Ceux qui étaient en orient et en Égypte ont été mis en contact avec des artisans venus dans les comptoirs de commerce grecs car ils avaient été chassés lors de la conquête assyrienne par exemple. Les Grecs leur ont empruntés des mesures précises pour créer un objet. Hérodote raconte l'histoire de deux artisans grecs, Théodoros et Téléklès, qui ont séjourné à naucratis

Cela dit, les grecs n'ont pas oublié leur goût d'origine. On observe au contraire ce qu'on a appelé le « génie grec ». dans la sculpture, trace de ce génie grec avec une différence tout à fait assumée entre les productions grecs et égyptienne : les grecques cherchent tjrs à traduire la mesure, l'humain. Au contraire, les égyptiens sont marqués par le gigantisme et le divin. Lorsqu'un monument est bâti par les égyptiens, c'est dans l'axe d'une place. Au contraire pour les grecs, on évite d'installer un bâtiment dans un axe parfait car les grecs jouent sur plusieurs dimensions ; ils veulent que l'on aperçoive le temple non pas de pure face mais qu'on l'observe sur au moins deux côtés à la fois.

Période archaïque : archaïsme mur, celui du VIe siècle.

Deux centres se succèdent : d'abord Corinthe puis à partir de 570/540, Athènes. Il faut également mentionner Samos et Milet en Asie mineure.

Période de très grande créativité avec une spécialisation des métiers. Il n'y a plus le potier qui décore son propre vase mais le peintre et celui qui va décorer le vase. Les deux vont signer séparément le vase si bien qu'on va trouver des formules comme : un tel m'a fabriqué et untel m'a décore.

Par exemple, Ergotimos et Kleitias sont les créateurs du fameux vase François. Autre exemple, Exekias, appelé le peintre d'Amasis, Amasis n'étant pas une localité mais le potier installé à Athènes dans le quartier du céramique pour lequel il travaillait.

Le VIe siècle voit aussi une révolution picturale et technique avec le passage des AFN (à figure noire) aux AFR (à figure rouge).

Les grecs ont profité de leur contact avec l'Orient et avec l'Egypte. Les temples athéniens sont appelés ioniques, car ils ont des colonnes ioniques (agrémentées à leur sommet de volutes de part et d'autres, plus minces que les doriques). Polycrate de Samos passe pour un tyran bâtisseur : les relations entre tyrans grecs et ceux de Samos peuvent explique l'imitation par les grecs des temps d'Asie mineure. Autre explication : les artisans voyagent bc. On a ainsi la présence d'un temple ionien à Syracuse, colonie dorique, car les architectes venues en Sicile étaient originaires de Samos.

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Conclusion :

L'émergence de la cité archaïque est due a des raisons naturelles selon les anciens. Elle provient de l'alliance ville-campagne en raison d'impératifs militaires et défensifs, à un moment ou la population est en peine accroissement et ou l’autarcie n'est plu possible.

En outre, le progrès de la conscience civique (esprit religieux avec édifications de sanctuaires), le retour de l'écriture, permettent de diffuser dans l'espace méditerranéen une culture grecque.

Ceci permet de rédiger et codifier des lois : des populations émigrées vont s'installer et avoir leur propre codes législatifs, ce qui leur permet de rester de génération en génération.

Enfin, de nombreux changements sont intervenus dans l'art, avec pas mal d'emprunts techniques à l'orient.

Chapitre III : La connaissance de la méditerranée archaïque

Comment les Grecs percevaient-ils la mer ? Lien entre grecs établis à l'est, au nord au sud ou à l'ouest ou obstacle ? Dangers de la mer ? Difficultés de la navigation ? Comment la connaissance des différentes mers s'est elle développée à l'époque archaïque ? Avait-on une idée de la géographie ? Quel est le rôle joué par les marchands. Ont-ils permis aux autres grecs de connaître mieux la mer et les différents horizons qui pouvaient s'ouvrir à eux ?

Les marchands et commerçants jouent un rôle primordial : chez Homère, question rituelle posée aux étrangers de passages : « Qui es tu, de quel port vient tu, pourquoi navigue tu, est-ce pour faire du commerce ? »

Bibliographie : Michel Gras, La méditerranée archaïque, 1996 → A connaître aussiPascal Arnaud, La Navigation hauturière en Méditerranée ancienne d'après les données des

géographes anciensPascal Arnaud : Les routes de la navigation antique. → A connaîtrePatrice Pomey, épaves de navires grecs

I) La perception de la mer chez Homère

A) Avant Homère

Dès la fin du IIe millénaire, les Phéniciens avaient parcouru la mer méditerranée et avaient tracé des routes commerciales.

Les Crétois et les Mycéniens, toujours au IIe millénaire, avaient parcouru la méditerranée : on le sait grâce à des épaves, dont l'une situé au large de l'île de Rhodes, épave mycénienne de 1300 BC et qui présente une cargaison très hétérogène : lingots de cuivre, étain, verre, bois précieux, ébène, ivoire, murex, résine de térébinthe, épée, armement syrien, etc. Ceci nous renseigne sur les produits échangés vers 1300 BC.

Au VIIIe siècle, quand les grecs naviguent sur la mer méditerranée, ils n'ont rien inventé : La mer est un espace de contact dès le IIe millénaire. Par conséquent, Ulysse dans l'Iliade et l'Odyssée connaissait des routes maritimes tracées par d'autres peuples que les grecs.

B) La position de la question homérique

Les œuvres => Iliade, Odyssée et certains chants. Deux thèses s'affrontent.

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Première thèse, hyper-critique, qui remonte au savant Alexandrin (Ératosthène) qui considère qu'on a rien à tirer de l'Iliade et de l'Odyssée : affabulation qui n'apportent rien à l'historien.

Autre thèse, celle qui admet, avec par exemple Strabon, dans le livre I de sa Géographie, une réalité historique et géographique des épopées.

Il y aurait dans l'Iliade et l'Odyssée différents mondes : le monde de la guerre en Asie mineure, le monde des petit palais grecs et le monde des voyages merveilleux du coté sud et occidental de la méditerranée.

Il semble que tout ce qui est situé à l'ouest est de l'ordre du magique, du merveilleux ; à l'est du réel, du politique, du conflictuel. Troie à l'est, Calypso à l'ouest.

Un état de la question est présenté par Bernard Eck dans « Voyageurs grecs et exploration de la Mer » in Voyageurs et Antiquité classique, 2003, Dijon

La question fondamentale est de savoir si Homère a eu connaissance d'une géographie méditerranéenne et si oui si il l'a utilisé telle qu'elle dans ces œuvres.

Homère a-t-il pu connaître les instructions nautiques, a t-il repris les voyages des premiers colons grecs ?

Ou bien ce n'est qu'affabulations, voyage littéraire et initiatique

C) Grecs = peuple de marins ?

Aujourd'hui l'image est-celle des grecs avec leur bateau sur un port. Mais aussi celle de l'agriculteur avec son âne qui ramasse les olives. Ou celle du pâtre grec.

Les Grecs subissent la mer et les Dieux de la mer. Ulysse se démarque des marins commerçants dans la mesure ou lui affronte la mer malgré lui, pour rentre cher lui, alors que les autres prennent la mer pour voyager et commercer. Ulysse est constamment soumis aux dieux (Poséidon) et aux vents (Éole).

Enfin, les mers ne sont pas nommées. Ce qui peut signifier selon un processus psychologique, que les grecs ne le maîtrise pas.

La mer fait peur : les dieux et les conditions climatiques multiplient les naufrages. Ulysse est le seul à rentrer vivant chez lui. Le retour de Mélénas a Sparte a été très périlleux et même le peuple navigateur par excellence des Phéaciens (Nausicaa) perd leur bateau après avoir ramené Ulysse a Ithaque.

Les naufrages sont aussi causés par des pirates en mer ou par des bandits sur terre. Par exemple, tactique d'allumer un feu sur la terre (faux phare).

Les grecs ont étudié très tôt les vents marins, la direction des vents et les risques que ceux-ci leur faisaient courir (cf. Hérodote, fondation de Cyrène, bateau détourné de sa route).

On a établit des espèces d'almanach qui indiquent saisons après saisons la direction des vents, leur force, les bonnes périodes pour naviguer : parapegme

Les naufrages sont représentés dans les poèmes homériques : Iliade 21, Odyssée 24, ou sur certains vases : un cratères de Pithécusses, qui date de la fin du VIIIe siècle : y est peint une scène de naufrage ou on voit de gros poissons (pas des requins, des thons) en train de dévorer les naufragés.

D) Grecs : peuples attachés à leurs terres.

Le grec est attaché à sa terre donc ne prend la mer que lorsqu'il y est obligé. Dans certaines localités, comme en Eubée, ????.

Le grec reste, au delà de l'aristocratie, attaché à sa terre et on a a ce sujet un ver ambiguë, qui annonce la mort d'Ulysse. Il va mourir « ex halos ». Halos = mer. (Halos => Salos => sel).

Deux sens : ou bien cela signifie « tu vas mourir à cause de la mer », ou bien « loin de la mer » (et dans ce cas c'est l'image d'Ulysse qui troque sa rame contre un sceptre.)

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II) La navigation archaïque

A) Cabotage ou haute mer.

Thalassa : mer qui est visible de la côte.

Pontos : peut signifier la haute mer

De toute évidence, les bateaux homériques étaient mieux adaptés au cabotage : mais il y a alors risque de piraterie/banditisme.

Les navires de commerces naviguaient plutôt en haute mer pour éviter d'être pris par les pirates, jours et nuit, avec provisions à bord.

Il fallait 154 jours pour longer les côtes septentrionales de la Méditerranée d'après Michel Gras.

Pour Homère, Ulysse a mis une vingtaine de jours pour rallier l'île de Schéri, sans doute au niveau de Corfou, depuis la grotte de Calypso qui serait à Gibraltar.

Les anciens comme Hérodote comptaient les distance en jour de navigation. Une journée dure 17 heures de jours aux beaux jours, et on pouvait parcourir entre 600 et 900 stades (1 stade =~ 180 mètres.)

Mais tout dépend bien évidemment de la qualité du bateau (rond ou allongé) et de la force du vent occasionnel.

Lorsque les grecs naviguaient soit par cabotage soit en haute-mer, ils avaient des points de repère ; ils essayaient de se réparer au soleil et on naviguait de préférence selon un axe est-ouest. Le retour d'occident était donc plus difficile.

On évite la rencontre de navires de guerres qui infestaient la méditerranée et autant que possible de prendre la mer de nuit. Si on devait le faire, on se fiait à certaines constellations connues.

Prendre la mer de nuit est-il plus risqué ? Très discutable, car moins de risque d'être attaqué par des pirates et le guidage par étoile était plus fiable que le guidage par le soleil.

De jour, on se servait de certains promontoires ornés de monuments pour se repérer. Par exemple, dans l'Hellespont, les tombes d'Achille et de Patrocle.

Les côtes étaient ornées de tours et de phares. On avait recours à d'autres moyens moins évident pour se repérer. On embarquait sur des bateaux un devin qui se fiait a son instinct pour guider le pilote.

Autre moyen, l'observation des oiseaux. On connaissait les espèces d'oiseaux, on savait que certains s'aventuraient très peu en haute mer donc quand on en croisait on savait qu'on était près de la côte, voir on savait près de quelle région on était.

On pouvait aussi se servir des dauphins qui guidaient les routes en méditerranée, comme pour la pèche on connaissait le parcours des bancs de thon.

Les manœuvres : les navires avançaient à la voile avec vent arrière seulement. Si le vent était contraire, ou si le vent est tombé (situation de bonace) il fallait naviguer à la rame. Illustration de ce travail des rameurs avec l'expédition athénienne de Sicile. Le gouvernail lui même est d'une ou deux rames comme sur le vase François.

Le vent du Sud/sud-est est l'Euros, le vent du nord-ouest est le zéphyr, le vent du nord le borée, et le vent du sud qui rend fou, le notos. Autre vent, le Meltem, vent étésien, qui souffle l'été du nord et balaye la mer Égée, détournant souvent les navires qui circulent d'est en ouest vers la Crète ou les côtes de Libye. Ainsi, quand les Athéniens veulent intervenir au nord de la mer Égée, contre les macédoniens par exemple, ils sont obligés de ramer.

B) Les navires

La méditerranée au VIIe siècle, 2010.

Les bateaux archaïques grecs sont connus par des descriptions littéraires, des peintures, des bas-reliefs ou encore par l'archéologie. Pour l'archéologie, deux type de sources : les épaves et les

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maquettes découvertes dans des tombes, auxquelles il faut ajouter des ex-voto (remerciement aux dieux de la mer qui ont permis une bonne navigation).

Pour les épaves, on a le témoignage archéologique de l'épave de Douvres (Angleterre) qui date du IIe millénaire puis les épaves de bon-porté (côte d'Azur) du VIe siècle, celles retrouvées à Marseille, les épaves Jules Verne (situées près de la place Jules Verne actuelle.) Jules Verne VII, navire de commerce, Jules Verne IX, grande barque de pèche. Ces dernières ont été construites par les Phocéens de Marseille.

La plupart des épaves retrouvées sont localisées en méditerranée occidentale, le long des côtes françaises, sardes, espagnoles. Cela ne veut pas dire que les grecs pratiquaient seulement le cabotage. Les archéologues ont commencé a fouillé ce qu'ils pouvaient techniquement fouiller. Maintenant, les techniques archéologiques permettent d'aller sonder en haute mer et on trouvera peut-être des épaves qui prouveront l'existence de routes maritimes hauturières.

Ces bateaux étaient construits en bois secs, le peuplier, le pin, et en bois dur pour les systèmes de fixation (tenons et mortaises). Ces coques étaient peintes en rouge foncée, couleur obtenue à partir du phoïnix ou murex.

Chez Homère, les bateaux ne sont pas dis rouges mais noir (rouges foncés).

Deux types de construction : d'abord les bateaux cousus et les bateaux assemblés.Bateaux cousus : descriptions dans l'Iliade, chant II, 135. Les planches étaient tenus

assemblées les unes aux autres par des ligatures de lins, renforcées parfois par des câbles. Ces bateaux cousus étaient peu résistants. Par exemple, les navires Grecs amenaient pendant la guerre de Troie ont vu leur bois pourrir au bout de 9 ans. Les cordages étaient tous détendus. On a un exemple de bateau cousu avec l'épave Jules Verne IX. Même chose avec les épaves retrouvés à Giglio. Malgré sa fragilité, cette technique s'est poursuivi même sous l'empire romain pour des petites embarcations fluviales. On note cependant avec Patrice Pomey que de petits bateaux de pèche comme celui de l'épave César I à Marseille ont pu être dès la fin du VIe siècle non pas cousu mais assemblés.

Bateaux assemblés. Dans l'Odyssée V, il est question d’Ulysse qui construit son radeau. Homère dit qu'Ulysse perce toutes les poutres et les ajuste en cognant des chevilles. Ceci signifie qu'on pouvait, seul, avec l'aide d'Athéna peut-être, construire son bateau au VIIIe siècle. Contrairement à aujourd'hui, on commençait à construire la coque du bateau (les murailles, les flancs). Quand on avait construit cette coque, on introduisait les couples. Aujourd'hui, vu d'en haut, on installe des couples et ensuite on cloue sur tribord et bâbord les différentes lames. L'ensemble du bateau assemblé était renforcé par des crampons métalliques et par un câble qui serrait les deux parties (bâbord et tribord) de la coque. Ces coques étaient goudronnées, calfatées, avec de la poix et de l'étoupe, pour rendre le navire étanche. On utilisait aussi de la résine sur le côté intérieur de la coque.

Ces deux types de constructions ont coexisté pendant un certain temps. Exemple de l'épave Jules Verne VII présente la technique de l'assemblage puisqu'il ya des tenons et des mortaises, mais également la technique du bateau cousu avec des ligatures de lins. Cette épave est celle d'une navire de commerce estimé à 15 mètres de long sur 3 de large.

On distingue les navires commerçants, dits ronds, d'une longueur moyenne de 15 mètres sur 3. Ils sont assez lents, filant en moyenne à 4 ou 5 nœuds (un nœud = 1,852 km)

En face, des bateaux de guerre : une trière peu faire entre 35 et 40 mètres de long sur 4 de large. Ils sont plus rapides, avec des points estimées à 7 nœuds. Une trière avec un bon vent pouvait même filer à 10 nœuds.

On a des représentations sur un vase (p.17 du fascicule), un navire de guerre venant éperonner un navire de commerce.

Les navire ou les navires étaient pontés non pas sur tout le navire mais aux deux extrémités. Ces deux extrémités peuvent être recourbés pour des navires de commerce (pas de guerre).

Le nombre d'homme par vaisseaux peut varier énormément : 1266 navires grecs dans le catalogue des vaisseaux de l'Iliade, précisant que les Béotiens avaient 50 vaisseaux qui embarquaient chacun 120 hommes. Parfois il pouvait y avoir 20 rameurs, 50 rameurs. En Crète, généralement 30 rameurs. Les bateaux des colonisateurs étaient plutôt la pentécontère : 50 rameurs

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sur un seul rang. Ce type de bateau est répandu au VIIIe siècle, c'est celui des marchands, notamment Phocéens.

Ce type de bateau a été modifié au cours du VIIe siècle est s'est transformé en dière. Il y en a deux types : la courte et la longue. La longue est un bateau de 100 rameurs placés sur deux rangs superposés, de chaque côté du bateau. Version courte, 80 rameurs (4*20).On sait que les phéniciens utilisaient déjà ce genre de dière, construites de telle manière qu'elles étaient plus lourde sur l'eau, donc moins rapide que ceux des Grecs. Certains sont allés jusqu'à dire que les Grecs avaient des bateaux plus rapides que les Phéniciens ce qui leur a permis d'avoir l'avantage en conflit, et de prendre l'avantage sur les Phéniciens dans la course à la méditerranée.

Pour ne pas se laisser distancer, les Phéniciens ont développés au VIIe siècle la trière, qui pouvait embarquer 160 rameurs (à l'époque classique, une trière athénienne embarque 200 hommes). Les Grecs vont les copier. Ce sont les Corinthiens, l'une des première cités à connaître la diaspora, qui au VIIe/VIe siècle, à la demande du tyran Périandre, qui a voulu développer le commerce et les relations de sa cité avec l'outre-mer, développent la trière grecque classique. Elle possède trois rangs de rameurs superposés, avec l'un de ses rangs décalés à l'extérieur de la coque (la saillie fait 50 cm). Ces trières ne sont pas très hautes : le bordage mesure un peu plus de deux mètres de hauts, et elles ont des rames faisant 4 mètres. Elles sont construites en pin, sympa, ou dans un bois noble, le cèdre (c'est pourquoi le Liban, Al-Mina notamment, a intéressé les Grecs).

Les trières étaient nommées. A Athènes, on voit des listes de bateaux. Parmi les noms, Eleuthéria (la liberté).

cf. Les travaux d'archéologues britanniques qui ont reconstruit une trière grecque baptisée Olympias en 1987. Un ouvrage retrace la construction par l'équipe de Sainclair et la navigation de cette trière. Le numéro 188 des dossiers de l'archéologie (1993) est consacré à cette épopée.

III) Cartographie

A) La géographie méditerranéenne.

Chez Homère, on distingue 3 espaces dans la méditerranée. Ces espaces sont repérés par François Hartog par exemple.

Le premier espace méditerranéen est celui du voyage entrepris par Télémaque à la recherche de son père Ulysse. Cet espace part de Ithaque jusqu'à Pylos. Il faut ajouter à cet espace, celui ne Nestor, Roi de Pylos, qui va jusqu'à Troie. Ce premier espace est relativement connu par les guerre et, mis à part le cap Malais, est considéré comme non dangereux.

Le deuxième espace, celui de Ménélas : il part de Troie et est censé rejoindre la Grèce, mais dérive, vers la Crète et l’Égypte. C'est une zone beaucoup moins connue pour les Grecs continentaux du Ixe/VIIIe siècle.

Le troisième espace est celui d'Ulysse : cet espace se situe à l'ouest de la Grèce, Grand-ouest de la Grèce. Il correspond à un monde extrême, qui jouxte l'océan censé entourer la terre. Ulysse va jusqu'aux colonnes d'Hercules (Gibraltar). C'est un espace périlleux car emprunté par d'autres peuples que les Grecs. C'est un monde merveilleux, dans la mesure ou il est peuplé de créatures sublimes comme Calypso, moins sublimes comme certains monstres ou géants. Cette vision de pays lointains serait produite par le monde grec, le monde grec sédentaire, paysan, statique, celui des petits royaumes, des petits états du Péloponnèse.

Il y aurait donc un centre constitué par la Grèce continentale et les Cyclades ; Plus on s'en éloigne plus on a accès à un monde merveilleux. Ce caractère merveilleux de l'Occident renvoie à un monde pré-polisé, qui précède la cité. C'est dans ce monde occidental, l'univers de la Gigantomachie (combat des géants contre les Dieux), du Chaos. La majeure partie des voyages d'Ulysse se trouve rapportée dans les chants IX à XII de l'Odyssée.

Victor Bérard, le grand traducteur d'Homère, avait publié en 33 (livre posthume, mort en 31), Dans le sillage d'Ulysse. Pour Bérard, Homère aurait connu les instructions nautiques des Phéniciens. C'est grâce à ces instructions qu'il aurait fait faire escale à Ulysse dans tel ou tel coin. Il est vrai pour donner raison à Bérard que, dans un sens au moins, Homère a taché de représenter le monde occidental. Pour Michel Gras, Homère a dans la tête la Méditerranée vue par les colons et les commerçants grecs de son temps. C'était la doxa qui s'est transmise jusqu'au début du XXe.

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Homère connaît les premiers établissements Grecs d'outre-mer est assiste aux départs de colons, surtout s'il est originaire de l'Eubée.

Ulysse, en quittant Troie, se dirige vers le nord, la Thrace. Il se trouve chez les Cicones, peuple allié des Troyens, considéré donc comme ennemi, et qu'Ulysse va saccager. Ensuite, Ulysse, qui essaie de rentrer en Grèce, est victime des Dieux, comme il a commis des crimes chez les Cicones.

Sa flotte est déroutée et il descend directement chez les Lotophages, sur les côtes africaines (Tunisie?). Ils sont des mangeurs de lotos (fruit comme la date ou opium ?).

Depuis l'Afrique, il file chez les Cyclopes, allégorie pour les volcans situés au large de l'Italie du Sud : cratère = œil du cyclope. Ensuite, Ulysse se trouve chez Éole, une île flottante. Il y a aujourd'hui dans la cartographie les îles éoliennes. Ce sont bien les régions qui intéressent les premiers colons grecs.

Puis il va chez les Lestrygons, peuples de géants mais très différent des cyclope, car si ces derniers ne vivent pas en communauté, les Lestrygons si. Ils peuplent la Corse ou la Sardaigne (or il y avait des implantations d'étrusques et de phéniciens en Sardaigne).

Puis il se rend dans l'île de Circé la magicienne (Monte Circeo en Italie). Il descend au royaume des morts (catabase d'une épopée). Puis, les Sirènes. Pierre Carlier comparait ces femmes-oiseaux aux serpents de la Genèse

(Pierre Carlier, Homère). C'est quelque chose de surprenant pour les Grecs. Certains commentateurs ont associés ces sirènes à des phoques.

Puis Ulysse croise au niveau de Charybde et Scylla (détroit de Messine). Ensuite il tombe sur l'île triangulaire. Sans doute la Sicile. Puis Ulysse qui veut repartir chez lui est poussé vers l'ouest et tombe chez Calypso

(Gibraltar) où il reste 7 ans. Puis Calypso le laisse partir et il se fait finalement ramener en Ithaque, via Corfou par

Nausicaa. Dans cette hypothèse, l'Odyssée = épopée de la nostalgie, mal du retour (nostos = retour).

Ulysse s'oppose à ses compagnons, qui ne rentrent pas. Ulysse n'oublie pas sa patrie, son identité de Grec. Or, quand les colons partaient, il pouvait arriver qu'ils n'aient pas le droit de rentrer dans leur patrie. Ulysse fait le périple mais revient sur son point de départ, il ne correspond donc pas totalement au modèle du colon.

On trouve maintenant d'autres hypothèse. L'hypothèse de Tim Séverin, publiée en 2000, dans Le Voyage d'Ulysse. Pour lui Ulysse a voyagé tout près de la Grèce et a pu descendre sur les côtes africaines, selon des routes connues. Son périple essentiel se déroule dans la mer adriatique. Séverin a fait construire un bateau qui ressemblait au bateau d'Ulysse, qu'il a appelé la nef Argo, et il a navigué pour retrouver les étapes du voyage d'Ulysse. On verra que la mer adriatique a été colonisée par les Grecs mais peut-être beaucoup moins que la méditerranée occidentale.

Autre interprétation d'Obregon, Ulysse et Magellan, publiée en 2003. Obregon reprend la tradition de Bérard en la modifiant :

Ulysse, en quittant Troie, ne serait pas monté vers la Thrace mais aurait filé directement vers le sud, en longeant la côté d'Asie mineure, à cause du vent du nord.

Puis, il se dirige vers la Grèce et c'est à ce moment là qu'il est dérouté vers le sud : Afrique (Lotophages à Djerba).

Puis Ulysse ne remonte pas vers l'Italie mais continue vers Carthage. On verra la colonisation Grec en Libye et jusqu’où ils vont en occident.

A partir de Carthage, il traverse vers la Sicile en empruntant les même routes que les négociants puniques de Carthage.

En direction de la Sicile, il est dérouté vers l'Ouest et arrive près des Baléares. L'île des chèvres serait l'île de Cabrera, situé au sud des Baléares. Les Grecs, à travers

Ulysse, se sont donc aussi installés à la péninsule ibérique selon cette interprétation (Ampurias, etc.). Les cyclopes seraient non pas les volcans d'Italie mais des peuples troglodytes : l'antre, la caverne des cyclopes, serait la caverne d'un peuple troglodyte vivant aux Baléares.

A partir de là, Ulysse file vers l'est mais l'île d’Éole serait Minorque (l'île du vent). Toutes ces tentatives sont vaines jusqu'à ce qu'il parvienne en Corse et en Sardaigne. Le pays

des Lestrygons serait Bonifacio.

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Ensuite, Ulysse se rend chez Circé, en Italie. Circé serait à l'île d'Ischia (Pithécusses). Puis, à la demande de Circé, Ulysse repart vers l'ouest jusqu'aux colonnes d'Hercules.Lorsqu'il est arrivé aux colonnes d'Hercules, le courant maritime (le courant rentrant pour les

Grecs) repousse Ulysse vers l'est. Il tombe sur les Sirènes puis Charybde et Scylla (détroit de Messine) et fait étape à Malte,

qui serait le séjour de Calypso. Cette théorie est intéressante car on sait que les Grecs avaient du mal à rester aux colonnes d'Hercules, région tenue par les phéniciens. Comment un grec aurait pu y rester 7 ans ?

C'est à partir de Malte qu’il navigue ensuite vers l'Est, vers Schérie, l'île de Nausicaa, qui n'est pas du tout Corfou pour Obregon, mais l'île de Chypre (Malte-> Chypre en 18 jours ?!). Chypre est intéressante car riche en cuivre et sert de relais entre occidentaux et orientaux, méridionaux et septentrionaux. Lorsqu'Ulysse est sur cette île de Schéri, il reçoit en effet en cadeau du cuivre.

B) La Cartographie avant Hérodote (milieu du V)

Les premières cartes ont pu être dessinées à la suite des exploration maritimes ou des périples qui ont eu lieu au VIIe-VIe siècle : cf le périple de Néchao, une circumnavigation de l’Afrique qui aurait eu lieu à l’initiative de Nékao II, pharaon d’Égypte vers 600, raconté par Hérodote.

On a des instructions nautiques ou portulans rédigés au cours de l'époque archaïque. Ces différents documents ou expériences maritimes conduisent aux premières cartes, ioniennes d'Asie Mineure, qui datent du VIe siècle.

La première carte est due à un certain Anaximandre de Milet. Cette carte traduit la volonté de géométriser la représentation de la terre, tout ça conduit par un esprit scientifique, rationnel. C'est une terre plate, en forme de disque, car le cercle est sur le plan géométrique la figure parfaite. On note aussi une recherche des symétries. On est plus dans l'art géométrique mais il y a encore cette idée de ramener à des figures géométriques.

Pour Anaximandre, la terre habitée (oikoumène) est divisé en deux ou trois grandes parties : l'Asie, l'Europe (sœurs au départ) et éventuellement la Libye. On ne sait rien d'autre sur cette carte.

Ensuite, la carte d'Hécatée de Milet. Il poursuit les travaux d’Anaximandre en découpant le monde en trois zones.

Article de Zimmerman dans Ktéma, 22, 1997 (disponible au Ceror). Pour ce dernier, il y a chez Hécatée une vision tripartite du monde. Dans cette vision, la Libye et l’Égypte constituent un domaine à part. Pour l’Égypte justement, Hécatée a rédigé des descriptions, dont on ne conserve que des fragments, mais qui ont été utilisés vraisemblablement par Hérodote quand dans le livre II il se consacre à la description de l’Égypte.

En même temps que cs travaux d'Hécatée, à la fin du VIe, Pythagore suggère que la terre n'est pas un disque plat mais une sphère avec deux hémisphère, seul l'hémisphère nord étant connu.

Cette idée extrêmement moderne en entraîne une autre : celle de différentes zones climatiques. Il y a des régions plus froides et des régions plus chaudes de part et d'autre de l'équateur. A partir de cette hypothèse, les philosophes vont élaborer très vite une théorie des climats (on l'a chez Hippocrate et Aristote).

Plus tard, on a les savant hellénistiques qui diviseront le monde en 5 zones climatiques : les tropiques, les deux zones tempérées (Nord/sud) et les régions polaires.

Le monde selon Hérodote (p.12). Se pose la question de la mer circulaire et des différents fleuves. Dans la tradition archaïque, la terre est une grande île entourée par un océan. Les anciens avaient imaginé un échange entre les océans et les mers intérieurs : Méditerranée, Noire, Caspienne. La mer méditerranée est alimentée par des courants de surface qui viennent de l'océan. Au contraire, il y aurait des courants de fond en méditerranée qui partirait vers l'océan : échange de masse d'eau entre les deux mers, superposés (fond = mer → océan/surface = océan → mer)

Des fleuves sont utilisés par les Grecs comme voie de pénétration dans les continents : le Danube, le Phase. Ce dernier, à l'est de la Mer noire, dans la région du Caucase, est un fleuve qui n'est pas dessinée sur notre carte (p.6) mais dont l’embouchure est au niveau de Phasis. A partir de

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ce fleuve, les Grecs pouvaient pénétrer vers l'Asie, vers l'Orient, pour des échanges commerciaux.

C) Hérodote

François Hartog, Le miroir d'HérodoteJaques Lacarrière, En cheminant avec Hérodote

C'est un écrivain originaire d'Asie mineure, Halicarnasse. Il s'est intéressé à toutes les sciences naissantes dans sa région (géographie, sciences naturelles, humaines, médecine). Il né v. 485, meurt v. 425.

On sait qu'il a voyagé : il a du fuir sa patrie d'Halicarnasse au moment d'une tyrannie et a trouvé refuge en Occident, dans la colonie fondée par Périclès, la colonie Pan-hellénique de Thourioi, en remplacement de Sybaris. Il connaît donc les régions dont il parle. On sait qu'il a voyagé en Asie chez les Perses, à Suse, Babylone, Ecbatane, en Égypte, en Mer Noire, puisqu'il aurait circulé dans la région actuelle de l'Ukraine.

Il connaît mieux l'Orient et le Sud que la gaule et l'Espagne. Il est considéré comme le père de l'Histoire.

Sa vision du monde est à mettre en rapport avec Hécatée. Dans son œuvre, Historia (l'Enquête), Hérodote a transposé les travaux d'Hécatée.

Mais Hérodote, contrairement à Hécatée, ne croit pas en une géométrie parfaite du monde habité. Par exemple, Hérodote doute de l'existence d'une mer située au nord de l'Europe.

Cependant, Hérodote reste marqué par la symétrie : carte p.12 => Hérodote imagine que le fleuve Nil est le pendant symétrique du Danube (Ister). Même chose lorsqu'Hérodote considère que le monde habité a un centre, Halicarnasse.

On a une vision concentrique avec plusieurs cercles de civilisation. Le premier est celui des Grecs. Plus on s'éloigne du centre, plus on s'éloigne du modèle civilisationnel grec.

Ce qui change aussi chez Hérodote est que lui a une vision bipartite du monde : il n'y a que deux grands peuples, les Grecs et les Barbares. On est pas dans une vision tripartie comme chez Hécatée. Ce qui intéresse Hérodote est ce qui définit la Grécité et comment évoluent les barbares.

Ceci fait dire à Christian Jacob qu'il y a chez Hérodote plusieurs horizons : un horizon géographique, un horizon temporel (il s'intéresse au passé des civilisations), un horizon culturel (mise en rapport des cultures grecques et des cultures barbares (Sagesses barbares).

Conclusion

La mer chez Homère est représentée de façon négative : le lieu des naufrages, des morts sans sépultures et signifie l'éloignement de la terre. La diaspora par voie maritime n'est pas souhaitable chez Homère.

Dans un sens, on peut dire que les grecs subissent la mer.

Mais la Méditerranée est en même temps un espace privilégié qui est peu à peu connu grâce aux diasporas. Elle devient un carrefours de peuples divers (crétois, phéniciens, achéens) ou se constitue un réseau d'échanges commerciaux et culturels.

Les choses fonctionnent à peu près bien jusqu'au VIIe siècle, puisque les premières guerres navales ont lieu assez tardivement, vers le Ve siècle.

Jusqu'alors, la mer est plus un espace de rencontre et de concurrence commerciale, pas de bataille.

Chapitre IV : les emporia

Introduction

Les débats antiques sur le commerce commencent essentiellement au Ive siècle, avec Aristote et Xénophon. Il n'y a pratiquement rien avant. Aujourd'hui en revanche les historiens parlent beaucoup du commerce dans l'Antiquité. Il y a des oppositions et débats entre les écoles d'historiens qui visent à déterminer la nature des échanges dans la Grèce archaïque, qui visent à définir l'économie. Était-il

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organisé, spécialisé ou restait-il, dans le cadre de la diaspora, l'affaire d'aristocrates qui échangeaient des biens entre eux.

Les historiens l'ont longtemps discuté, la qualifiant de primitive pour certain, de modernes pour d'autres. Cette dichotomie n'a pas débouché sur grand chose, elle a même constitué une erreur, car quand on qualifie l'économie ancienne de moderne ou primitive, on porte un jugement de valeur et on ramène cette économie à des types de fonctionnement contemporains.

D'un côté, les primitivistes apparaissent à la fin du XIXe. Parmi eux, Karl Bücher. L'économie grecque serait primitive dans la mesure ou elle est domestique est fermée, ce qui va a l'encontre de la problématique.

Pour Max Weber, il faut se dégager de ce terme primitif et considérer que l'économie grecque n'était pas du tout rationnelle : elle ne gérait pas rationnellement des biens qui pouvaient se révéler à un moment ou un autre rare ou faisant défaut. Ce qui compte pour l'économie archaïque, c'est qu'elle était substantive, c'est à dire qu'elle visait à assurer l'alimentation, la survie de la communauté au jour le jour. Selon cette vision, les cités grecques étaient consommatrice beaucoup plus que productrice. Pour Max Weber, il est même abusif de parler d'économie dans le sens noble du terme car il n'y a pas de plan à long terme. Il vaut mieux étudier des comportement, des sociologies, des groupes sociaux qui sont en conflits peut-être les uns envers les autres, et il faut mettre le tout en lien avec les institutions.

Il faut citer Finley, qui voyait dans l'économie antique une somme, un ensemble de petite unités autarciques. Ceci sera contesté : nous verrons à propos des Phocéens l'importance des réseaux économiques qui ont dicté l'implantation d'un emporion.

Contrairement à cette tradition, les modernistes, représenté par Edoaurd Meyer, on a déjà, même à la fin de l'époque archaïque, les traces d'une économie capitaliste, qui s'organise, c'est indubitable à l'époque hellénistique. Ceci se caractérise par le développement de la monnaie, de la banque (privée, publique, de sanctuaire, au IVe) et mise en place d'une fiscalité d'état qui put relever d'une forme moderne de gestion des finances et de l'économie.

Aujourd'hui, on a dépassé ces oppositions et on s'appuie sur les thèses d'Alain Bresson, spécialiste de la cité marchande. Pour lui, il faut sortir d'un conflit primitiviste/moderniste, trop schématique et réducteur, mais s'intéresser à la rationalité interne de la cité : qu'est ce qui la définit ? Les institutions de la cité. Il faut la mettre en relation avec une rationalité externe définie par les échanges, la nature des produits échangés, le prix des produits, les zones concernées par ces échanges.

Cela veut dire que pour appréhender de façon prudente l'économie de l'époque qui nous concerne, il faut mettre face à face ce qui constitue la cité (institutions, marchands, aristocratie?) et en face toute les conditions extérieures à la cité, soit les moyens d'échange (flotte de commerce, flotte de guerre pour protéger ?) si bien qu'on arrive à la définition d'une économie relativiste. C'est le rapport, la relation, entre ce qu'est la cité et ce qu'elle attend de l'extérieur, ce qu'elle propose. Qui dit extérieur dit colonie, diaspora, contact avec des peuples étranger aux Grecs.

Bibliographie : Bresson et Rouillard, L'emporion, 1993.Velisaropoulos, Le monde de l'emporion, 1977 (article)Hansen, L'emporion, Greek Colonisation (article)

I) Les Emporia

A) Définition

Ouvrage de Cassevitz, qui est revenu sur le terme d'emporion et la famille même du mot. Dans l'antiquité archaïque, le commerce, d'abord essentiellement voire uniquement maritime, jusqu'au Ve siècle, se dit emporia (féminin, pas pluriel). Ce mot est déjà présent chez Hésiode, à la fin du VIIIe siècle, dans Les Travaux et les Jours. Ce commerce maritime ultramarin se pratique dans un emporion, qu'il faudrait définir. Cet emporia pratiqué dans un emporion est pratiqué par un emporos (un marchand qui navigue). Cet emporos est celui exactement qui traverse, qui traverse la mer avec le radical por (per en latin), à travers/traverser (les pores de la peau par exemple).

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L'emporos est celui qui est en voyage d'affaire, qui peut durer quelques semaines/mois. Il le fait sur un bateau qui n'est pas forcément le sien, le plus souvent même. C'est donc un marchand-voyageur.

L'emporion est fondé spontanément par quelques commerçant, et en cela il s'oppose à la colonie, fondée solennellement par une cité. A l'origine des emporia se trouvent des contacts réguliers entretenus par marchands et marins du bassin méditerranéen. Les marchands ont besoin de relais, de comptoirs de commerce qui sont disposés sur les côtes (Italie, Sicile, Afrique par exemple. Même chose pour la mer noire).

Parmi ces marchands, certains sont phéniciens (Tyr, Sidon), les premiers à sillonner cet espace jusqu'au delà de l'Espagne.

Y a-t-il une définition précise ? Non. Donc on établie une typologie.

Premier type d'Emporion : l'établissement installé par des grecs dans une zone inhabitée. Exemple, au nord de la mer noire, au niveau de Bérézal (près d'Olbia).

Deuxième type, les emporia mixtes, avec des commerçants d'origines diverses : grec et phénicien ou grec et étrusque. C'est le cas de Pithécusse, sur l'île d'Ischia.

Troisième type, emporia mixte avec Grecs et populations locales : c'est le cas avec Ampurias (Emporion...) en Espagne.

Dans le cadre de ces deux derniers comptoirs, les relations sont généralement bonnes, puisque le but est que chacun des partenaires puissent y trouver leur compte. C'est ce qui explique sans doute la multiplication des emporia. On pense à certaines cités d'Asie mineure comme Phocée qui a établi beaucoup d'emporia.

B) Débat

Bresson écrit que « l'emporion est une sorte de concept » passe-partout, où, plus chic, « protéiforme ». Cela interdit d'adopter, pour définir l'emporion, une perspective chosiste (c'est à dire affirmer que l'emporion est une réalité, qu'il existe en tant que tel, qu'il a une réalité bien définie qui s'affirme au regard. Au contraire, c'est le regard qu'on porte sur tel ou tel établissement qui en fera un emporion de telle ou telle nature). Dans ce cas est-ce la perspective politique ou économique qui l'emporte ? Il y a aussi la perspective chronologique.

On a longtemps cru qu'un emporion pouvait devenir une cité, une colonie, comme s'il y avait un progrès, une évolution. C'est vrai pour le Pirée à l'époque classique.

Mais on a aussi l'inverse. Les cité de Chalcidique sont devenue des emporia d'une colonie qui est Olynthe.

On ne peut donc pas généraliser et définir une fois pour tout tel endroit, telle emporion.

Les emporia diffèrent en effet en fonction des lieux de Méditerranée.

Al-Mina, Naucratis, Gravisca (Etrurie). Ces trois emporia peuvent avoir des points commun mais on ne peut pas les assimiler les uns aux autres ne serait-ce que par leur environnement (l'Égypte est beaucoup plus difficile pour les Grecs qu'en Etrurie jusqu'aux guerres étrusco-grecques du VIe : à Al-Mina, il y a beaucoup moins de Grecs, qui sont en minorité.)

Revenons en au politique et à l'économique. Pour les Grecs, le politique l'emporte sur l'économie. De fait, un rapport hiérarchique c'est instauré entre la polis, la cité-état, et l'emporion, établissement de commerce.

Mais on peut se demander si l'emporion n'est pas en même temps une cité. On peut trouver les termes emporion et polis pour désigner la même localité. Exemple de Thasos, île située au nord de la mer Égée, en face de la Thrace. Cette île a plus ou moins colonisé la région côtière de la Thrace. Les localités qui s'y trouvent (sur la terre ferme) sont à la fois des poleis et des emporia. Les choses se complexifient quand on admet que cette région de Thrace constitue une forme de Pérée, c'est-à-dire le territoire continental dominé par une cité (on parle de la Pérée rhodienne en Lydie)

La question se pose pour Marseille. Était-elle un comptoir de commerce ou une colonie immédiatement ? Les sources tardives pour Marseille (Strabon) font de Marseille une véritable cité-

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grecque, c'est même un modèle vanté par Cicéron et Strabon. Marseille fait figure d'une cité, d'une polis grecque phocéenne installée au milieu d'un territoire de barbare et qu'elle a cultivé, hellénisé les peuples qui se trouvaient dans cette région. C'est ce qu'on a dit, pas forcément la vérité. C'est la doxa.

Quand on dit que Marseille est une cité, on privilégie l'aspect politique. Il y a donc dans cette affirmation une sorte de valorisation de la grécité, de la diaspora grecque, supérieur au cultures locales.

Une autre chose pourrait distinguer l'emporion et la cité, c'est la taille de l'établissement. Pour qu'on puisse parler de cité, il faut que la population soit assez nombreuse, assez puissante pour pouvoir vivre en autarcie (idéal de la cité). Cf. les chiffres de Platon (5040, 10000, etc). Mais ça ne résout pas le problème : Naucratis est très peuplée, mais est-ce une cité ? Naucratis a le monopole du commerce avec les Grecs pour tout l’Égypte. Ce n'est pas une cité, car l'élément économique l'emporte ici sur les considérations politiques.

Comment traduire exactement le terme emporion ? Est-ce un port de commerce autonome. Est-ce, comme le pense Karl Polanyi, qui a écrit dans les années 50, un port de commerce indépendant des structures politiques de la cité ? Un port de commerce régi par sa propre administration en somme. Cette définition a eu beaucoup de succès. Aujourd'hui on en est revenu car il y a plusieurs types d'emporia, on ne peut donc pas dire qu'elles sont toutes autonomes.

On observe ainsi, contre Polanyi, qu'une cité comme Athènes établit une port sur son propre territoire. Dans ce cas, il est hors de question de qualifier le Pirée comme indépendant des structures de la cité, car géré par les magistrats de la cité d'Athènes. Inversement, l'emporion peut être tout à fait indépendant et devenir une entité nominative. L'emporion donne son nom à des fondations : Emporion en Espagne. Même chose dans la mer d'Azov, au nord de la même noir, avec l'emporion de Thanaïs : on a un établissement qui s’appelle Emporion. On ne parle pas de l'emporion de X mais juste emporion : l'établissement se définit par ce caractère d'emporion.

Dernier débat, confusion entre emporion et colonie. Il y a des cas ou on ne peut pas les distinguer, lorsque les colonies ont des buts exclusivement commerciaux. Le Cas de Corcire, situé sur la route du commerce vers l'ouest. C'est une colonie mais qui a joué essentiellement un rôle d'emporion. C'est son intérêt commercial qui a fait que des cités grecques se sont battues pour la contrôler. Elle a était fondée par Érétrie mais prise ensuite par Corinthe. Même chose avec Byzance et Chalcédoine, deux colonies fondées par Mégare. Ces deux cités se font face de part et d'autre du détroit et le but de ces deux fondation est commercial : contrôler la route du commerce vers le Nord. Même chose pour Marseille. A-t-elle été dès le début une colonie fondée en 600 ou n'a-t-elle pas été d'abord un comptoir de commerce situé sur un point stratégique entre le Sud de l'Italie et l'Espagne ? Puisque les Grecs ont tendance à suivre les côtes, Marseille, tout près du Rhône, pouvait leur permettre de faire une halte et redistribuer des produits en Gaule via le Rhône. On se demandera si Marseille a été crée avant ceux d'Espagne ou après ? Diaspora à partir de Marseille ou au contraire, d'abord en Espagne et Marseille = relais ?

C) Taxes

On connaît bien la question des taxes aux époques classiques et hellénistique, beaucoup moins à l'époque archaïque, si bien que certains historiens ont prétendu qu'il n'y en avait pas. Aujourd'hui, on s'interroge et on a peut-être quelques argument en faveur de l'idée des taxes. Carmine Ampolo développe cette idée en 1994 en s'appuyant sur un passage de Strabon. Pour Strabon, les cités d'où sont partis les Grecs, comme Corinthe, au VIe siècle, auraient mis en place des taxes sur les marchandises qui transitaient par leur port et le passage qui relie la mer Égée au Golfe de Corinthe.

Une inscription trouvée sur la côte sud de la Propontide, dans la mer de Marmara, à Cyzique. Les habitants grecs de Cyzique percevaient des taxes sur les marchandises qui transitaient par la Propontide. Ce que l'on croit savoir, mais on est pas sûr, c'est que les bateaux qui faisaient escale dans un port, un emporion, devaient sans doute s'acquitter de droits en nature.

Ceci ajouterait un élément dans la définition problématique de l'Emporion : il serait un établissement dans lequel on commerce et où se met en place une fiscalité.

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II) La figure du commerçant maritime

Les Phéniciens passaient à juste titre aux yeux des Grecs de la diaspora ou des métropoles pour des commerçants habiles (cf. doc1 du TD). Maintenant, peut-on dire qu'Homère méprisait les Phéniciens parce qu'ils se livraient au commerce et à la piraterie ?

La tradition scolaire et universitaire répond oui. Finley, Vidal-Nacquet appuient cette vision.Or, cette vision est contestée. Mark Peacock, « Rehabilitating Homer's Phoenicians », 2011.

Ce mépris est plutôt un point de vue moderne, qui relève d'une mauvaise compréhension de l'Odyssée. On a ainsi 2 passages où les Phéniciens n'ont pas bonne presse  : la scène d'Eumée, le porcher et en Egypte. Mais on a deux autres passages qui font l'éloge des marins phéniciens. On a ainsi un passage qui évoque les bonnes relations entretenues par Ménélas le roi de Sparte et le roi de Sidon en Phénicie. Il n'y a pas d'argument décisif en faveur d'un dédain. En outre, même le récit d'Eumée n'est pas particulièrement à charge contre les Phéniciens : la piraterie, la capture et la vente d'esclaves n'était pas l'apanage des Phéniciens mais étaient pratiqué par tous les peuples marins, y compris les Grecs. Ainsi, ce sont les Taphiens de Taphos qui avaient capturé la nourrice du jeune Eumée dans le récit.

Francis Bourriot, « La considération accordée aux marins dans l'Antiquité grecque : époque archaïque et classique », Revue d'histoire économique et sociale, 1972. Article-synthèse sur la vision des marins de l'époque archaïque. Il n'est pas facile à définir car il n'y a pas de marin professionnel, pas de groupe homogène chez les Grecs archaïques. Il n'y a pas non plus avant le VIe siècle de marine de guerre. Il faut attendre la fin de l'époque archaïque pour voir les cités se doter de ces grandes flottes de guerre.

Dans la Grèce archaïque, n'importe qui pouvait se trouver un jour ou l'autre marin pour toute sorte de raisons ce qui interdit un jugement de valeur générale portée sur les marins. Le bon père de famille et le brigand du coin peuvent se retrouver marin sur le même bateau. On note cependant l'existence d'un type de marin particulier, les pirates. S'ils ont été acceptés au début, car c'était une activité plus ou moins noble de travailler pour la cité (à la manière d'un corsaire), cette piraterie a fini par envenimer les relation entre les partenaires commerciaux.

On voit de grandes cités exportatrices marchandes comme Corinthe s'attaquer au pirates pour protéger leurs exportations. Evolution donc de l'image du pirate.

L'image du commerçant grec dans l'emporion. Cette image est très variable. Elle n'est pas toujours favorable et quand on regarde ce que pouvait écrire des philosophe comme Platon, qui, dans les Lois, dénonçait les risques engendrés par un port de commerce ou un emporion pour la cité à cause du mélange de diverses populations présentes dans les emporia. Quand un grec s'installe dans un emporion, il risque d'être mêlé à des population qui, horreur, ne sont pas grecques, et cela ne peut que le faire dégénérer. C'est pourquoi les philosophes voulaient créer des cités pas trop loin de la mer, mais pas trop près non plus.

Les marchands enrichis par le commerce. C'est le critère de la fortune qui peu à peu à l'époque archaïque l'emporte sur le critère de la naissance. Dans la cité archaïque, ce sont les grandes familles qui dirigent selon un mode oligarchique ou aristocratique : ce qui compte c'est l'eugenia, la bonne naissance. Mais quand les Grecs commencent à se disséminer, à partir en diaspora, pour commercer et échanger, ces Grecs peuvent s'enrichir. Eux-mêmes dans leur comptoir, ceux qui sont restés dans la cité et qui commercent avec eux également. Émerge une catégorie de marchand riche. Ces princes marchands ne sont pas forcément issus des grandes familles : ils vont constituer, au risque d’anachronisme, une sorte de bourgeoisie d'affaire et vont demander des droits politiques.

Il y a donc des bouleversements socio- économiques avec deux types d'élites dans la cité grecque : des élites héréditaires et des élites marchandes.

III) Les marchandises échangées

A) Difficulté de méthode

On peut avoir une connaissance limité du type de marchandises transportées grâce à la fouille des épaves. Hors, nous sommes confronté à un problème aujourd'hui : beaucoup étaient périssables.

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Autre difficulté : on ne sait pas forcément d'où venait tel ou tel navire : le point de départ du navire ne correspond pas forcément à son lieu de construction : on est assez limité pour dire qu'il y avait dans telle zone une construction navale associée à une route commerciale.

On ne sait pas non plus où allait le navire retrouvé en tant qu'épave. On ne sait pas qui le pilotait. La grande erreur souvent commise est de croire que si un navire transportait des produits grecs, le navire était grec : FAUX ! Un navire étrusque peut transporter des produits grecs.

On ne sait pratiquement rien d'une hypothétique flotte étrusque de commerce. Quelques épaves mais pas assez de renseignement pour être précis. Cela signifiait-il que les étrusques embarquaient leurs produits sur des navires étrangers ? Cette question reste posée. D'autre part, selon A.J. Graham, en 1989, de nombreux témoignages font dire que les Phéniciens transportaient régulièrement de la poterie grecque au VIIIe siècle.

Il est très probable aussi que ces Phéniciens aient transporté de l'huile attique vers l'Espagne au début de l'époque archaïque (IXe/VIIIe). Le navire naufragé du Giglio (VIe siècle, pas le Concordia...) transportait du vin ou des olives dans des amphores aussi bien grecques qu'étrusques. On a retrouvé aussi des coupes ioniennes et de petits vases grecs en provenance de Corinthe, du métal, sous forme de lingot, et même un casque Corinthien dans cette épave. C'est ce qui nous autorise à parler de cargaison hétérogène non seulement pour la nature mais également pour la provenance des biens.

On est très peu renseigné sur le fret de retour. Un navire partait plein mais au retour il devait également être plein, pour deux raisons. Commerciales (double-bénéfice en revenant le ventre chargé) et technique : il faut un certain poids en cale pour que le bateau soit stable sur l'eau.

B) Les produits échangés

Nous avons des courants d'échange est-ouest qui transitent par Chypre, île riche en métaux. Parmi les denrées retrouvées, le vin (cf. études de Michel Gras). Les acteurs du commerce du vin sont des orientaux (phéniciens), étrusques et Grecs. Ce n'est qu'au cours du VIe siècle que les Grecs de Marseille ou de Corinthe interviennent à la première place dans le commerce du vin en Occident et également dans le commerce de l'huile. Pour l'huile et le vin, des études intéressantes de Jean-Pierre Brun.

L'huile est un produit omniprésent dans la culture grecque : consommation, culte, sportifs, éclairage. L'olivier est un arbre sacré. L'huile était plutôt consommée sur place. Donc moins exportée que le vin. A ce propos, un débat a surgit en ce qui concerne les amphores de Corinthe (de types A) et d'Attique (de type SOS). Ces amphores ont été retrouvée en quantité en Sicile et datent du VIIe et VIe. Pendant longtemps, on a cru qu'elle transportait de l'huile. Aujourd'hui on pense que c'est du vin. Qu'est ce qui permet à l'archéologue aujourd'hui de distinguer ? La poix, cette résine produite par distillation. Une amphore était enduite de poix (amphore poissée) sur sa face interne pour le transport du vin, pas pour l'huile. Le problème est qu'aujourd'hui il est très difficile de déceler la trace de poix à l'intérieur de l'amphore. Ce qui paraît sur pour d'autres sources, c'est que Corinthe exportait du vin. Quand une cité grecque exportait de l'huile, elle le faisait dans des récipients plus petits (aryballes, alabastres). Ces huiles exportées dans de petits récipients étaient des huiles parfumées qui provenaient de l'orient et qui circulaient vers l'ouest. Ces huiles parfumées étaient constituée d'une base à quoi on ajoutait des produits exotiques comme l'encens ou bien de la myrrhe ou de la Cinnamome. La possession de telles huiles parfumées vers les peuples d'outre-mer était un marqueur social, en raison des coûts élevés.

Parmi les autres marchandises, les métaux sous forme de lingots : l'étain, le cuivre. Les bateaux transportaient des matières premières brutes et non pas des objets finis : on craignait pirates et naufrages. Les matières premières étaient donc ouvragées sur place, dans les colonies ou par des indigènes (parfois avec une influence grecque).

Les échanges ont été nombreux dans tout le bassin méditerranéen. Par exemple, les Grecs exportaient vers les Étrusques des produits typiquement Grecs. En échange, les Grecs importaient de ces régions du sel. On dit aussi que les Grec échangeaient en Gaule des amphores de vin contre des esclaves gaulois.

Pour conclure, nous sommes à l'époque archaïque dans une époque de création de très nombreux relais maritimes ou commerciaux. L'emporion recouvre diverses réalités et endosse plusieurs statuts. Il est donc difficile voir impossible de le définir de façon unie.

Quand au marchand grec d'outre-mer, il peut être décrié, plus ou moins méprisé. Mais le

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marchand peut être aussi célébré, apprécié : on a besoin du marchand pour ses échanges. Les cité, malgré leur idéal d'autarcie, échangent un certain nombre de produits.

Il y a donc une multiplicité de point de vue aussi bien chez l'emporion que chez l'emporos.

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Chapitre V : Grecs, Phéniciens, Étrusques et populations indigènes.

Introduction

Les Grecs ne sont pas les seuls ni même les premiers à avoir migré en Méditerranée. Il faut tenir compte des Phéniciens, Étrusques, et de toutes les populations locales qu'ils ont rencontré et avec lesquelles ils ont souvent cohabité ou qu'ils ont pu combattre.

I) La question des Eubéens

Ce sont les premiers Grecs qui ont migré, mais on pourrait parler des Corinthiens, des Phocéens, des Milésiens.

A) La géographie

Situation très favorable car parfaitement orienté N/S et E/O. L'Eubée est ouverte au nord vers le nord du bassin Égéen : Thrace et Macédoine.

Le sud de l'Eubée est également intéressant sur le plan des migrations car s'ouvre sur les Cyclades, autant de points en mer Égée qui permettent aux navigateurs de faire escale.

Vers l'est, l'Eubée est tournée vers la partie nord des Cyclades et à partir de l'Eubée s'ouvre une route maritime qui conduit à l'est de l'Egée voir jusqu'à Chypre.

Le seul problème est le côté occidental de l'Eubée. Analyse de David Ridgway, Les premiers Grecs d'Occident, 1992. Il fait remarquer que partir vers l'ouest depuis l'Eubée n'est pas facile car il faut passer par le Cap Malée après avoir longé le sud de la Grèce, à moins d'entretenir de bonnes relations avec Corinthe. Or, c'est ce qu'il s'est passé.

L'île d'Eubée est relativement grande : 180x50km environ. En outre, on a la présences de ressources naturelles. Il y a des plaines et l'Eubée est ainsi favorable à l'élevage et agriculture.

On a des montagnes, des forêts, ce qui permet de construire des navires. Le bois est intéressant non seulement pour la flotte mais également pour la métallurgie (le feu). Il y a durant l'époque des âges obscurs des ateliers sur l'île d'Eubée.

L'Eubée est riche en mines : cuivre, fer. Chalcis signifie d'ailleurs le cuivre en grec (comme Chypre).

Entre la fin de l'époque mycénienne (1100) et le VIIIe siècle, l'Eubée est très prospère. Mais on a pas de traces écrites, seulement archéologiques. Mais ces preuves archéologiques semblent suffisantes.

B) Les villes d'Eubée.

On retient Chalcis et Érétrie. Il y a d'autres bourgades à l'est de l'Eubée, Cumes (Kymi). Parfois, quand on lit Cumes, on ne sait pas si c'est Cumes d'Eubée ou Kymé d'Asie Mineure, sans parler de la Cumes d'Italie.

Chalcis est la plus ancienne. C'est un site mycénien. Alors qu'Éretrie date du IXe siècle.

Lefkandi : Quel rapport pouvons nous établir entre Éretrie et Lefkandi ?Il se peut que Lefkandi soit un ancien site sur lequel s'est développé, entre 800 et 700, la

ville d'Éretrie. Ce site a été fouillé par les Grecs et les Anglais. Les archéologues ont fait apparaître une très grande production métallurgique de bronze. On a trouvé le fameux bâtiment protogéométrique de l'an 1000 qui serait un sanctuaire dédié au héros (Heroon). Ce bâtiment marquerait « le passage de la maison d'un prince à celle d'un Dieu ».

C'est un bâtiment de 50m de long sur 13,5 de large, terminé par une abside avec une colonnade axiale qui supporte un toit bi-pente. A l'intérieur de ce bâtiment, une tombe avec deux chambres mortuaires, l'une comprenait 4 chevaux qui ont été inhumés avec le corps princier ou royal. Ces chevaux sont des marqueurs de la richesse de la tombe du défunt. Dans l'autre chambre, des ossements calcinés, qu'on surnomme le guerrier de Lefkandi ou le guerrier de Toumba. Ce guerrier est accompagné dans la mort par une femme. On ne sait pas qui elle est : sa femme morte

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naturellement et on l'a ensuite inhumée près de lui ? Rite de la mort d'accompagnement ? On a ce type de rite dans l'Iliade.

Vers 720 éclate la Guerre lélantine entre Chalcis et Érétrie, guerre qui a pu servir de modèle direct pour Homère dans sa présentation de la guerre de Troie. Juste après, Lefkandi périclite : deux raisons pour cela. La première, la guerre, qui a pu appauvrir Lefkandi. Deuxième raison, le départ de nombreux Eubéens, originaires de Lefkandi, pour l'outre-mer.

C) La diaspora eubéenne

Les Eubéens sont rentrés très tôt avec les peuples d'Orient. Par exemple, on a trouvé dans les tombes d'Eubée du mobilier syro-palestinien du XIe siècle.

Les Eubéens se sont installés de leur côté en petit nombre dans la localité d'Al-Mina, au Liban actuel. Ils se sont installés aussi à Chypre. A ce sujet, on s'est demandé pourquoi des coupes qui sont typiquement eubéennes, des skyphoi (un skyphos, à demi-cercles pendants), se sont retrouvées dans toute la région d'Al-Mina, au Levant et à Chypre. Ont-elle été des contenants pour l'exportation de porduits eubéens ? Non, car les coupes sont ouverte. Il s'agirait plutôt d'une vaisselle qui prouve, par son usage quotidien ou rituel, que des Eubéens étaient installés un peu partout dans des régions orientales. Mais installations de type plutôt individuel, on est pas dans le cadre de la colonisation.

II) Les Grecs d'avant la colonisation (Crétois, Mycéniens), les Phéniciens et les Étrusques

Les Crétois sont-ils des Grecs ? Oui car peuplés par des Doriens, qui dès 1100 sont considérés comme Grecs.

A) Les crétois et les Mycéniens

Ils avaient déjà parcouru la mer méditerranée. Exemple, une des plus ancienne épave fouillé, l'épave d' Uluburun, qui se trouve juste en face de l'île de Rhodes, près des côtes anatoliennes. Cette épave date de 1300 avant J-C et est l'épave d'un bateau marchand qui reliait la Crète et l'Asie mineure. La cargaison de cette épave a été répertoriée : 10 tonnes d'or en lingot, du cuivre, du murex, de l'ivoire, du verre, de la résine (parfum) des épices, des épées, des épées mycéniens et syriennes, des instruments de musique et de l'ambre de la Baltique. On a affaire à une cargaison hétérogène et ce sont les crétois qui assurent ce commerce.

Une telle cargaison est la preuve de l'intensité des échanges à cette époque, fait des Crétois ET des Mycéniens. Les Crétois avaient établi une thalassocratie vers 1600, puis les Mycéniens ont pris le dessus vers 1400.

Les Crétois pratiquent le commerce entre l'Égypte, les Cyclades, la Syrie, l'Adriatique et l'Espagne. Partout sauf vers le nord donc. Et encore, si on considère les Cyclades. On connaît ces navires de commerce phéniciens et/ou crétois, non seulement par les épaves mais également par les fresques. Sur l'île de Théra, il y a de superbes fresques représentant les activités marchandes des Crétois.

On peut ajouter le cas des peuples de la mer, qui font qu'on ne peut pas dire du tout que les Grecs ont été les premier à entrer en contact avec les autres peuples.

B) Les Phéniciens en méditerranée

Avant Homère, dès 1100, les Phéniciens avaient parcouru la Méditerranée et tracé des routes commerciales. Cette période (1100/750) est très faste pour les Phéniciens qui partent de localités comme Tyr ou Sidon pour commercer.

Vers 750, les choses se compliquent pour eux, en proie à des difficultés militaires et guerrières face aux Assyriens, puis face aux Perses et aux Gréco-macédoniens. Les phéniciens reculent un peu dans leur zone de commerce. Cela d'autant plus que les Grecs se mettent eux vers 750 à s'installer sur les côtes de la Méditerranée. Les phéniciens de Tyr et de Sidon ne sont pas le seuls.

Il y a en orient des régions comme Israël qui ont leurs propres comptoirs et intérêts commerciaux.

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Durant la période faste des Phéniciens, on observe la fondation de comptoirs de commerce phéniciens comme Cadix (Gadès) ou Carthage (814 traditionnellement, 780/750 plutôt). Ces phéniciens transportaient le plus souvent des produits de luxe (parfum, verre, etc.) qui partent de l'est à destination de l'occident, et notamment des côtes atlantiques du Maroc. Les phéniciens ont donc déjà franchi les colonnes d'Hercule.

Ces Phéniciens dans leur parcours est-ouest avaient des bases : Chypre (on le voit dans l'exil de Didon), puis la Crète, où ils établissent très largement des contacts avec les populations grecques en Crète.

Ces contacts entre Grecs et Phéniciens auront des répercussions directes sur l'urbanisme des colonies grecques et sur ce plan urbanistique orthogonal, dont on a cru pendant longtemps qu'il était une invention des Grecs (Hippodamos). Ce plan serait plutôt une tradition observée avant dans les Pays du Levant.

C) Le rôle des cités étrusques dans la diaspora grecque.

Connaître Tarquinia ou Caere. Cf. Michel Gras, Le commerce maritime étrusque, 1985.

On connaît mal l'état de la flotte étrusque. C'est un peuple dont on ignore l'origine géographique, mais dont on sait qu'ils sont installé dans le nord de l'Italie avec la civilisation villanovienne au début du premier millénaire BC.

Ce peuple a commercé avec la Gaule en exportant du vin. Cette exportation est régulière, abondante, jusque dans les premières décennies du VIe siècle. Les Étrusques exportent d'autres produits : objets métalliques, céramique, et parmi celle-ci, il faut connaître le nom d'une céramique foncée, le bucchero. C'est une terre cuite noircie lors de sa cuisson, en ajoutant des cendres à la terre. Ces vases sont des vases très délicats et fins, jusqu'au VIIe siècle, puis ensuite la tradition du bucchero change et les parois sont plus épaisses. Parmi les types de céramique étrusque que l'on trouve en abondance dans les colonies ou comptoirs grecs, le Canthare, vase rituel avec de très grandes hanses.

Ce canthare a été adopté, utilisé par les Grecs, ce qui signale au passage une perméabilité des cultures. On le trouve dans des colonies grecque de Sicile ou de Sardaigne, mais aussi chez les Carthaginois. Les Étrusques étaient donc déjà un peuple marchand qui exportait de l'autre côté de la méditerranée. On a trouvé des traces de cette céramique étrusque en mer Égée, selon une direction opposée à celle des Phéniciens. Ce qui pour Michel Gras permet de formuler l'hypothèse que les Étrusques fréquentaient régulièrement la Méditerranée orientale.

D) Les rapports entre Grecs, Phéniciens et Étrusques

Selon John Boardman (Les Grecs outre-mer), il est difficile de dire si les Grecs ont précédé ou non les Phéniciens en occident. La réponse la plus prudente est de dire que les diaspora, comptoirs, colonies grecs ou phéniciennes sont simultanées, contemporaines. Avec cependant deux objectifs différents.

Pour les Phénciens, ce qui compte ce sont les ports et les routes commerciales. Pour les Grecs, on a aussi la recherche de sites et plaines agricoles. Les Phéniciens s'installent en occident (Espagne, Carthage) ou sur l'ouest de la Sicile (punico-phéniciens)

Les étrusques ont eux été très réceptifs à la culture grecque, peut-être plus que les Phéniciens. Ils ont empruntés aux Grecs leur alphabet. On a des traces de mariages gréco-étrusques. Exemple, un témoignage épigraphique en Sicile, à Sélinonte, fait état de la présence d'une femme étrusque parmi la colonie grecque. Autre exemple à Megara Hyblaea, dans une nécropole, on a retrouvé un mobilier en partie grec, en partie étrusque. La présence de ce mobilier mixte signifierait qu'on a affaire à une tombe/nécropole mixte, avec un colon grec et une femme d'origine étrusque.

On a aussi en Italie la production de certains artisans indigènes, étrusques, qui fabriquent des broches, des agrafes, des fibules, qui sont de forme grecque mais de fabrication étrusque. Cela peut signifier aussi que les artisans italiens se sont adaptés à la demande qui devient mixte.

Ces bonnes relations ont permis l'installation, sans doute au VIe siècle, de commerçants grecs dans le port de commerce de Gravisca, qui sont non seulement tolérés mais surtout bien accueillis.

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Assez vite cependant, les conflits entres Grecs, Phéniciens et Étrusques vont se multiplier, et les casus belli également. On a par exemple au VIe siècle des conflits territoriaux en Sicile, les Grecs voulant s'installer dans l'ouest, où se trouvent les intérêts phéniciens. Ceux-ci refusent l'accès aux grecs => Guerre.

Autre motif de guerre, la pratique de la piraterie et du pillage par les Phocéens a irrité les Punico-phéniciens et Étrusques, d'où la coalition qui se forme contre ces phocéen d'Alalia. A l'issue de cette bataille d'Alalia, les Grecs, en 540, ont perdu non seulement la majorité de leur flotte mais également des territoires en Corse, qui passe sous contrôle étrusque. Idem pour la Sardaigne, qui passe sous domination punique. Les Grecs ne sont pas gagnants du tout au VIe siècle.

Un épisode qui peut illustrer les difficultés de ces colons est celui de Dorieus, fils d'un roi de Sparte (cité dorienne), parti pour fonder une colonie en Afrique, ou il a été repoussé par les Punico-phéniciens. Il se rabat sur la Sicile, où il veut fonder une colonie spartiate. Là encore, il est repoussé par les Phéniciens. C'est un double-échec.

Les conflits entre phéniciens, étrusques et grecs continuent après 540. A Cumes, deux batailles. L'une en 524, l'autre en 474. Ces batailles voient cette fois la victoire des Grecs.

Il y a aussi en 480 une bataille devenue célèbre à cause d'une propagande grecque. Bataille d'Himère, sur la côte nord de la Sicile. Gélon, tyran grec de Syracuse, y a remporté une bataille sur les Phéniciens, bataille mise en parallèle avec celle de Salamine, qui aurait été remportée le même jour. Cette victoire a été célébrée dans la propagande comme la victoire des colons grecs d'occident face aux Carthaginois. Au contraire, on a tendance a penser aujourd'hui que les Carthaginois n'auraient pas été des belligérants déclarés mais n'auraient fait qu'intervenir dans un conflit qui opposait les cités grecques les unes au autres (Syracuse vs d'autres cités grecques de Sicile)

Au Ve siècle, les étrusques ont perdu leur rôle commercial en méditerranée selon un déclin assez progressif qui peut se dérouler en deux temps. Vers 550, les Grecs ont fondé Alalia. Cette colonie a porté un coup à la domination économique et commerciale des étrusque. Deuxième élément, la « révolution romaine » de 509, qui met dehors les rois étrusques à Rome. Cela ouvre la voie à une « présence » grecque plus importante dans le sud de l'Italie et en Sicile notamment.

III) Les relations grecques/indigènes

A) Des relations variables

Les relations entre grecs et populations locales s'évaluent selon l'existence ou non de fortifications dans les colonies. Une colonie qui dure dans le temps sans avoir de remparts a dû entretenir de bonnes relations avec les populations locales. C'est le cas de Megara Hybalea. On sait en revanche que beaucoup de colonies ont du s'entourer de remparts. Exemple, Siris, ou bien Leontinoi. C'est le cas également des Phocéens en Gaule avec la construction systématique de remparts, qui non seulement protègent la population des colons et des marchands, mais qui traduisent sur le terrain l'opposition qui existe entre deux mondes, le monde des Grecs et le monde des Gaulois que beaucoup d'auteurs Grecs et Romain (Sénèque) ont traité de population barbares, sauvages, cruelles.

Lorsqu'il n'y a pas de remparts, les relations sont bonnes. Les Grecs et locaux entretiennent un modus vivendi, surtout quand les uns et les autres y trouvent leur compte. Les indigènes profitent de l'établissement commercial des Grecs. C'est vrai en occident ainsi que sur les bords de la mer noire avec les Scythes et, dans une moindre mesure, les Thraces. Ils peuvent également faire appel à aux Grecs quand des conflits les opposent avec d'autres natifs. De leurs côtés, les Grecs profitent des terres et des positions indigènes, et surtout des débouchés à l'intérieur des pays que leur ouvre ces mêmes indigènes.

Cela a donné naissance à des récits plus ou moins mythiques ou enjolivés, récits de tous ces rois locaux qui proposent à ds Grecs de s'installer sur leur terre, voire d'épouser une fille de sang royal pour donner naissance à une lignée métissée. Pour l'octroi de terre, octroi avec toutes les réserves vu en TD sur les Phocéens (usufruit plutôt). On a l’exemple de Tartessos, celui du roi des Segobriges à Marseille, ou Latinus, qui propose sa fille en mariage à Énée.

Il y a aussi des relations très mauvaises. Nous les avons quand les Grecs se permettent

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d'asservir les populations locales. Ça a été le cas en Sicile, à Syracuse, ou les Grecs ont dominé et asservi les Killyriens. C'est le cas dans la Mer Noire avec les Mariandyniens.

Il y a même des cas, où les Grecs étaient contrôlés par les indigènes. Le cas le plus connu de comptoir de commerce où les Grecs sont dominés, contrôlés, c'est Naucratis. Les Grecs ne peuvent pas y faire ce qu'ils veulent. Ils sont en territoire étranger et on leur rappelle sans arrêt

Ces rapport bons ou mauvais évoluent. On s'appuie sur le cas d'Arles, largement étudié. C'est d'abord une position indigène. Des commerçants grecs viennent s'installer dans cette région du Rhône entre 600 et 550. Lorsque les commerçants grecs arrivent, ils dominent au moins sur le plan commercial les populations locales, tellement qu'ils finissent par imposer un nouveau nom à la localité, qu'ils baptisent Théliné.

Mais, deux ou trois siècles plus tard, les élites indigènes refuseront cette hellénisation de leur localité et redonneront le nom originel au site, Arélate. Cette localité verra à la fin du premier millénaire les Romains s'y installer et deviendra un site multiculturel (populations grecques, indigènes, romaines).

B) Une acculturation ou une mixité ?

Article de Philippe Boissinot, qui parle d'une acculturation spontanée. Cette acculturation (enrichissement d'une culture avec une autre culture) spontanée n'est donc pas commandée par les uns ou par les autres, elle se fait toute seule. Elle existe bel est bien, au moins au départ.

Pour aborder cette question, il faut abandonner le schéma rétrograde et réducteur du civilisateur/civilisé. Il n'y a pas un grec civilisateur et un indigène civilisé. Il y a des cultures différentes. Les choses sont extrêmement complexes et très emmêlées. Ce qui fait que Boissinot préfère parler de mini-réseaux de distribution. Ceux-ci mettent en rapport des Grecs avec d'autres Grecs ou bien des Grecs avec des indigènes, ou bien des indigènes avec d'autres indigènes. Ces mini-réseaux de distribution sont gérés aussi bien par des Grecs que des populations locales.

D'autre part, il faut avoir à l'esprit l'existence d'une véritable perméabilité entre les différentes cultures : lorsque les intérêts se rejoignent, on va être enclins à adopter certaines mœurs du peuple avec qui on est partenaire. Il n'y a pas de racisme ou de xénophobie.

Il faut aussi en finir avec l'ethno-centrisme grec. Dans la grande majorité des cas, ce qui compte ce sont les relations commerciales. Donc au lieu de parler aujourd'hui de grecs ou de barbares, ont parle de population mix-hellènes ou mixobarbares.

Un exemple de ces sociétés et celui de Glanum/Glanon. On le voit dans l'architecture, avec des motifs décoratifs locaux (représentation de têtes humaines ornées de colliers typiquement celtes, des torques), associées à des figures de dieux grecs où à des motifs empruntés à la mythologie grecque.

On a la même chose après lorsque les romains interviennent dans la Provincia, à Nîmes, avec la construction de la maison carrée. Ce temple est construit sur le modèle des temples romains, édifiés par des artisans locaux qui modifient un peu les plans romains pour ajouter leur touche de créativité locale.

On retrouve aussi cette mixité dans les religions. Des cultes associent des noms de dieux grecs et des figures de dieux locaux, ou

réciproquement. Ou même des noms de dieu grecs avec épiclèses indigène. Exemple, à Cyrène, un culte est consacré à Zeus Ammon. Idem chez les puniques, avec Baal Ammon.

Cette figure de Zeus Ammon se trouve aussi sur des monnaies de Cyrène frappée dès le VIe siècle.

La mixité est évidente mais parfois beaucoup plus lente et progressive que dans le cas de Cyrène. Emporion (Ampurias), a été selon Strabon (Livre III) un port marqué par un synœcisme qui n'a pas été évident. Au départ, les populations grecs et indigènes étaient séparées par un mur (en plus des murailles). Ce n'est qu'au cours de l'époque classique que ce mur saute pour aboutir à la réunion des peuples grecs et indigènes. Pourquoi cette évolution ? Les Grecs sont minoritaires à Emporion et ont dû au départ se protéger. Puis, cette minorité numérique les a obligé à négocier, à composer avec les populations locales qu'ils n'ont pas pu dominer, d'où cette entente dans l'intérêt des uns et des autres.

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C) La question des mariages mixtes.

On a l'exemple des Ioniens qui avaient migré vers les côtes d'Asie mineure (Ionie) vers le XIe siècle. C'est Hérodote qui raconte cet épisode dans le livre I, chapitre 146. Lorsque les Ioniens sont partis vers l'est, arrivé sur place ils ont pris les femmes de Carie, malgré elles et malgré leurs familles, si bien qu'il y a eu tension entre Grecs et populations locales. Il n'empêche qu'au fur et à mesure des générations, on est arrivé à un peuplement mixte dans cette région, à une population gréco-carienne. Si on valide ce schéma, on doit conclure qu'il y a eu, avant la phase de colonisation ou de diapsora, des mariages nombreux entre Grec émigrés et femmes indigènes (puisqu'on est ici dans les cadre des migrations, pas de la colonisation proprement dite).

Pour la période qui nous concerne, les mariages mixtes sont attestés, sauf dans certains cas, comme à Naucratis. Pour ce qui est du VIe et Ve siècle, les mariages mixtes (épigamie) étaient interdits. Lorsqu'on parle de mariage mixte, c'est généralement UN grec avec UNE indigène. C'est très rarement une grecque avec un indigène. On a l'exemple de Démarate. Cet aristocrate de Corinthe migre en Étrurie et épouse une princesse de Tarquinia.

Ces mariages, sauf exceptions, on été couramment pratiqué au moins jusqu'au début de la colonisation, à un moment où les hommes Grecs partaient seuls fonder une colonie ou un comptoir. Pour les générations suivantes, il se peut qu'une cité envoie un contingent accompagné de femmes. C'est bien ce qui se passe à Cyrène ou les mariages sont courant entre Grecs et femmes libyennes. En Occident, Protis, fondateur de Marseille, se marie avec Gyptis, fille du roi ligure. Ce mariage est révélateur de ce qui pouvait se passer lors de la première phase de colonisation.

En même temps, ce type de mariage peut renvoyer à une pratique mycénienne et archaïque grecque, la pratique des mariages endogamiques, soit des mariages qui ont lieu dans les même couches sociales : les fondateurs d'une colonie sont généralement issues de l'aristocratie de la métropole (cf. Dorieus). Ils appartiennent donc à une élite. Les aristocrates des cités grecques pratiquaient l'endogamie.

A propos de Chypre, on sait par les fouilles de Salamine qu'il y a eu un mariage entre une Athénienne et un Salaminien, un Chypriote qui appartenait à la famille royale. Ce mariage a eu lieu au milieu du VIIIe siècle, entre 775 et 750. C'est un cas rarissime. C'est ans aucun doute ici un mariage diplomatique.

Cependant, à propos de l'archéologie funéraire, il faut bien avoir à l'esprit que tout n'est pas clair. Par exemple, on ne peut pas dire avec certitude qu'il y a dans les tombes grecques des femmes indigènes.

D'abord, il n'est pas facile aujourd'hui de déterminer si le défunt, à moitié calciné, était un homme ou une femme. Ce qui peut nous renseigner c'est la présence d'objets. Mais la présence d'objets féminins ne veut pas forcément dire qu'il y a dans la tombe la dépouilles d'une femme. Par exemple, les fibules servaient à accrocher les vêtements et étaient plutôt féminins. Mais lorsqu'elles sont travaillés, constituent des objets précieux, elles peuvent servie de marqueur social et un homme riche peut très bien avoir des fibules pour témoigner de sa richesse.

Un objet grec ne signifie en outre pas forcément que son possesseur était grec, et réciproquement avec les objets indigènes.

Conséquences de ces mariages : dans un article de 1983 tiré des actes du colloque de Cortone Modes de contacts et processus de transformation dans les sociétés anciennes, Luigi Gallo explique que les mariages entre Grecs et femmes indigènes ont provoqué des changement dans les mœurs grecques d'outre mers. On a sur ce même recueil un article de René Van Compernolle, « Femmes indigènes et colonisateurs ».

Pour ces deux auteurs, la présence de femmes indigènes parmi les colons Grecs a transformé les sociétés grecques ultra-marines. On le voit dans les pratiques quotidiennes, les objets dont on s'entoure, l'habitat, etc. Cela a fini par distinguer les grecs de la diaspora des Grecs des métropoles. Cela a pu distendre les rapports entre métropolitains et colons ou commerçants établis outre-mers (note personnelle : c'est exactement la même problématique que les croisés)

Conclusion :

Les Grecs ont du composer avec d'autres peuples ayant migré ou migrant encore en méditerranée, notamment phéniciens et étrusques.

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Les Grecs ont souvent pris pour épouse ou compagne des femmes indigènes, ce qui a modifié les cultures et la notion de grécité.

Au Ve/IVe siècle, le mouvement panhéllénique est en plein essor avec Hérodote, et on revient à la distinction Grec/barbares.

Chapitre VI : La fondation d'une colonie

Introduction :

Une colonie grecque archaïque au VIIIe siècle est fondée sur décision de la cité avec des motivations qui peuvent être diverses, variées, les unes n'excluant pas les autres. On connaît les rites de la fondation des cités par les textes (Hérodote), quelques inscriptions et par les archéologues.

Bibliographie :

Gorman, Robinson, Oikistes, 2002. =>Traite directement de la question. Vallet, Villard et Auberson, Megara Hyblaea.Mario Lombardo, Colonies, colonies de colonies, 2009.

I) Les raisons de ce mouvement de colonisation

Le vaste mouvement archaïque de la colonisation et celui plus général des migrations/diaspora peut être le résultat de plusieurs causes dont les effets se sont ajoutés les uns aux autres. On parle lors d'un faisceau de facteurs ponctuels ou de facteurs plus structurels.

On quitte la métropole pour trouver quelque chose d'autre, généralement de mieux mais pas obligatoirement. On part aussi à cause de difficultés présentes. Et ce sont deux choses très différentes. Soit on part tourné vers l'avenir, tel l'aventurier qui part en diaspora. Ou alors, contraint de partir en pensant plus à ce qu'on laisse qu'à ce qu'on va trouver.

A) La curiosité

Le voyage est l'une des activités préférée des Grecs à l'époque mycénienne voir archaïque. Les Grecs voyagent beaucoup pour toutes sortes de raisons : politiques, diplomatiques, militaires ou encore intellectuelles.

Ce goût du voyage est corollaire d'une autre pratique chez les Grecs, celle de l'hospitalité, très développée et placée sous la protection du dieu Zeus, avec une épiclèse, le Zeus Xénios.

Pour un grec, recevoir un étranger ou être reçu comme étranger par quelqu'un relève d'un devoir qui est plus qu'humain, un devoir religieux, puisque cela s'associe à la crainte superstitieuse ou religieuse selon laquelle un étranger peut être un dieu déguisé venant tester l'hospitalité des Grecs. cf. mythe fondateur grec du déluge de Deucalion et Pyrrha.

Pour le voyage politique ou intellectuel, on peut s'appuyer sur le voyage de Solon, grand législateur du début du VIe siècle athénien, qui vers 594 établit un corpus de loi qui, dit-on, va conduire Athènes vers la démocratie. Solon a ensuite quitté volontairement Athènes pour 10 ans et a consacré ces années à voyager, en Égypte notamment où il s’est enrichi intellectuellement. On peut toutefois se demander si historiquement le départ de Solon relève de la seule curiosité intellectuelle ou par l'hostilité de certains Athéniens mécontents de ses réformes.

B) Les raisons politiques et civiques

La colonisation et la diaspora sont directement liées au développement de la polis, de la cité-état. Colonisation et diaspora consistent en la fondation de cités, avec leurs magistrats, leur fonctionnement aristo-démocratique outre-mer.

Selon certains historiens, la création de cités en Grèce d'Asie Mineure (Milet, Phocée, Éphèse) et de cités en Grèce continentale (Athènes) auraient servi de modèle pour la fondation des cités ultra-marines. On a la un rapport chronologique : d'abord les cités apparaissent dans ce qui deviendra des métropoles, et ces modèles s’exportent dans les colonies.

Certains ont l’hypothèse inverse, selon laquelle la cité n'est pas encore développée à l'époque : conflits chez Hésiode et Homère entre peuple et aristocratie, etc. Ces conflits provoquent le départ d'habitants qui une fois arrivés dans leur colonie vont s'organiser selon un mode plus

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égalitaire, démocratique, mode qui sera ensuite réinjecté dans la métropole.Toujours dans ces raisons politiques ou civiques, il faut penser aux bannis, opposants,

bâtards, qui n'ont pas leur place de citoyens et doivent quitter la métropole pour aller s'installer ailleurs.

Dans ce registre surgit la question très discutée des Parthéniens de Sparte, qui contrairement aux Égaux de Sparte, sont des enfants illégitimes de Sparte. On les a prié de s'en aller et d'aller fonder Tarente. Traditionnellement, ils sont traités dans l'historiographie comme des indésirables. Aujourd'hui, on va dans le sens d’une réévaluation de ces Parthéniens. Moggi (??) écrit que le statut de bâtard à Sparte n'était pas condamnable. Donc il ne faut pas être affirmatif si on est interrogé sur cette question.

Une théorie intéressante est celle d'Irad Malkin, chercheur brillant, qui parle de sténochoria politique. Pour Malkin, la sténochoria n'est pas seulement celle des terres. Au VIIIe siècle, on est donc dans une phase assez instable politiquement : les rois ont perdus de leur pouvoir, les aristocraties essaient de s'installer dans ces cités, mais provoquent souvent le mécontentement du petit peuple, aboutissant à des conflits d'où naissent ensuite les tyrannies grecques du VIe siècle. D'où la volonté de certains esprits de quitter ces régions assez désagréables sur le plan politique pour aller voir ailleurs et fonder des colonies avec d'autre types d'institutions. Si on accepte cette idée, on arrive à la conclusion que ce ne sont pas les plus démunis, les plus pauvres, les parias, éventuellement les bâtards qui partent fonder des colonies. Ce sont les esprits les plus vifs, les meilleurs esprits, les plus entreprenants, ceux qui ne se satisfont pas de l'état politique de leur localité dans cette période du VIIIe/VIIe siècle.

Maintenant, il y a aussi des événements qui provoquent la fuite. Cf. La fuite de Didon, qui en 814 doit fuir une révolution de Palais pour aller fonder sa ville nouvelle (Qart Hadasht). Pour les Grecs, il y a le cas de Samos. En 532, les Samiens fuitent une tyrannie et partent fonder une colonie au sud de l'Italie, Dicaerchia (Pouzolles), sur la côte ouest. Ainsi, Pythagore, justement originaire de Samos, doit émigrer avec les siens (sa mère et sa femme) et va s'installer à Crotone.

C) Les guerres

De façon très générale, les guerres ont pu se trouver à l'origine de grands mouvements migratoires, qui ont conduit ou non à la fondation de colonie. C'est le cas des Ioniens (Phocée) et de tous ces peuples au-delà de Phocée chassés lorsque les Cimmériens descendent le long de la côte occidentale de la Turquie actuelle, eux même poussés par les peuples Scythes. Il y a des mouvements généraux très amples de population qui peuvent déboucher sur des mouvements de colonisation.

D) La recherche de terre

C'est la cause la plus souvent retenue pour expliquer la colonisation archaïque. Il s'agit d'un phénomène d'accroissement de population ou de surpopulation, accroissement poussé par la multiplication des sites archéologiques en Grèce centrale. S'il y a plus d’habitants se pose le problème de la sténochoria.

Ce problème est accentué par la pratique successorale qui prévaut à l'époque archaïque : on partageait à égalité les terres entre tous les fils d'une maison, et cela à chaque génération. Jusqu'au moment où ces lopins ne peuvent plus suffire à alimenter la nouvelle famille. On a un appauvrissement très rapide de la propriété foncière, dont Hésiode se fait l'écho dans Les travaux et les jours. Dans ces conditions, les colonies offrent des terres nouvelles et peuvent apparaître comme une solution. cf. Théra et Cyrène.

Ce manque de terre peut également être consécutif à des guerres, comme la guerre lélantine, où des terres sont ravagées et prises par les vainqueurs. Ce sont ces troubles qui expliqueraient qu'Éretrie soit à la tête du mouvement de colonisation.

Si on va un peu plus loin, on peu avec Oswyn Murray penser qu'il y a « interaction de cause et d'effets » entre d'un côté une démographie croissante et d'un autre côté la recherche et la découverte de terre ultra-marines. On a plus d'habitants, on cherche des terres outre-mer. Comme on trouve des terres outre-mer, on se dit que finalement il n'y a pas de problème de démographie car on pourra trouver d'autre terres. Au lieu d'être une solution, la colonisation peut être un facteur de l'essor démographique. D'où la nécessité de rechercher encore de nouvelles terres (cercle vicieux).

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C'est ce qui peut expliquer que la colonisation archaïque a duré 200 ans.

Il faut ajouter l'idée que les colons pouvaient avoir aussi l'objectif de croître et de se multiplier. On a des colonies de peuplement, donc des colonies qui nécessitent une chôra, dans laquelle on puisse produire de quoi alimenter une colonie densément peuplée.

Tout ceci est simpliste. On a trois arguments permettant de discuter la sténochoria comme moteur de la colonisation.

Premièrement, il est hasardeux de dire que la démographie a provoqué la colonisation. Même si on a des indices archéologiques, on a peu de données exactes qui attestent un accroissement démographique. Le seul élément est l'archéologie qui montre plus de tombe et d'habitats.

Deuxièmement, des régions comme l'Attique, qui ont certainement connu un accroissement démographique au même titre que les autres régions, n'ont pas fondé de colonie à l'époque archaïque.

Troisièmement, les premières colonies fondées par des Eubéens n'étaient pas fondées sur des terres agricoles, mais sur des lieux de passages, qui facilitaient le commerce. Ce n'est donc pas la recherche de terre qui motive forcément le départ des colons. A ce propos, un commentaire d'Arianna Esposito et Julien Zurbach, en 2010, précise que quand on parle de colonisation agraire, on entend par ce terme la nature des facteurs de départ et non pas les caractères de la colonie que l'on va fonder : les considérations agricoles peuvent être des motivations mais pas forcément le résultat.

E) La recherche de métaux

Le fer, le cuivre, étain (Thasos, Chypre, l'Étrurie, l'île d'Elbe, les îles Cassitérides, qui seraient des îles atlantiques entre Bretagne et Grande-Bretagne) intéressent les Grecs.

Les fouilles archéologiques de Pithécusses ont révélés des traces d'activité métallurgiques : il y a tout un quartier de bâtiment consacré au travail du métaux.

On s'est intéressé aussi aux mines d'argents de la côte d'Illyrie. Cette recherche est commandée par l'aristocratie des cités grecques archaïque, qui a besoin de fer pour la fabrication de ses armures, armes. On ajoute la recherche du bois, qui avec le métal est nécessaire à toutes les activités de guerre.

Cette demande aristocratique répond aussi à un certain goût du luxe, comme en témoigne la découverte d'offrandes religieuses extrêmement riches, les bronzes corinthiens offerts par exemple au dieu Apollon de Delphes.

C'est cette recherche de métaux qui engendre la création ou la confirmation de cette fameuse goutte maritime qui va du proche orient en occident.

F) Le trafic ou le commerce

Les Grecs sont animés d'un véritable esprit d'entreprise commerciale (Cf. Phocéens.) Ces raisons sont pour beaucoup d'historiens actuels primordiales. Elles passent avant la recherche de terre.

Il peut s'agir plus d'un trafic que d'un commerce véritablement organisé. La colonisation est en un sens la conséquence de cette fameuse renaissance grecque du VIIIe siècle. Le commerce et l'artisanat se développent, ce qui oblige a trouver de nouveaux débouchés : les Grecs s'en vont pour écouler leurs stock (c'est peut-être une vision trop moderne).

D'autre part, sur le plan économique, la colonisation est l'un des remèdes proposés lorsqu'il y a une crise économique.

A partir du VIIIe siècle les Grecs ont semble-t-il consommé différemment, et consommé plus avec une élévation du niveau de vie et un goût du luxe qui provient très certainement de l'Orient. Ce goût du luxe a peut-être surpassé les moyens des cités grecques naissantes. Ce goût du luxe qui n'est pas approprié débouche sur des désordres de toute sorte : pillage. L'autre façon de résoudre cette crise est le départ d'une partie de la population. Cette idée est clairement exprimée par Platon dans les Lois (en 347) : le départ d'un groupe de Grecs de sa cité d'origine est « la façon la plus douce de purger la cité d'une partie de ses habitants ». La colonisation comme purge lorsque l'économie est en crise.

On pense ici à un rôle d'abord religieux dans les cultures grecques, le rôle du pharmakos :

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celui qui prend sur lui tous les maux de la cité. On le charge de tous les maux et on l'expulse. Ainsi la cité peut fonctionner. A ne pas confondre avec l’ostracisme. Le pharmakos est une victime expiatoire qui va payer pour le renouveau de la cité. Les colons sont parfois considérés comme une offrande aux Dieux pour apaiser les dieux et pour attirer leur bienveillance sur la cité.

II) Les modalités de la fondation d'une cité

A) Le lieu

Avant de fonder une colonie, les colons s'installent sur une île à proximité du continent pour quelques temps (cf. TD 1 et migration du roi Phéaciens dans l'Odyssée, chant VI). Pour l'île en général, excellent recueil de Françoise Létoublon, Impression.

Les îles sont recherchées car plus faciles à défendre : Ortygie, Pithécusses. On a besoin de ports, de terres fertile, d'eau douce et d'acropoles. Ce qu'il faut, c'est assurer avant tout la protection des Grecs qui arrivent sur un territoire qu'ils ne connaissent pas et dont il ne savent pas s'il sera amical ou hostile.

Léontinoi, en Sicile, est situé à l'intérieur des terres. Cyrène, également. Mais lorsque les Grecs s'installent à Cyrène, ils s'installent d'abord sur une petite île, l'île de Platée, puis à Aziris sur la côte.

B) L'acte de fondation

On parkle de la Ktisis. On a peu de sources, même si elle est décrite dans les poèmes d'Archiloque. Elle peut être décidée par une cité ou plusieurs. Héraclée du Pont, en mer noire, est fondée à la fois par des Grecs de Mégare et des Grecs de Béotie vers 560.

Lorsque la cité décide de fonder une cité, on consulte l'oracle d'Apollon Archégète. Lorsque plusieurs cités sont à l'origine d'une même colonie, on parle d'une fondation composite.

Pourquoi consule-t-on Apollon ? Est-ce pour demander un lieu ou aller s'établir ? Est-ce pour savoir si l'expédition prévue en un lieu déjà décidé sera couronnée ou non de succès ? Il serait dans ce cas plutôt la pour valider ou encourager.

Autre façon d'interpréter le recours, une interprétation morale, développée par Graham : les Grecs, lorsqu'ils allaient fonder une colonie, savaient parfaitement qu'ils auraient à mener une guerre contre les populations indigènes à qui ils prendraient leur terre. Apollon est ainsi une sanction religieuse vis-à-vis de cet acte.

Cela dit, le recours à l'oracle d'Apollon est discuté, car les sources littéraires classiques font état de consultations d'oracles qui ne sont pas forcément avérées.

Pour Henri Trézimy, il est peu probable que l'oracle de Delphes ait joué un rôle dans la fondation des colonies dès le VIIIe siècle. Ce serait plus tard que l'oracle de Delphes acquerrait ce statut.

Au contraire, Graham est quasi sûr que l'oracle de Delphes a joué ce rôle dès le début de la colonisation. Graham s'appuie sur le culte d’Apollon mis en place très tôt à Naxos, colonie de Sicile.

La fondateur officiel est l'oikiste. Avant de voir l'oikiste officiel, le processus de colonisation peut relever aussi d'une initiative personnelle. Dans ce cas il n'y as pas d'oikiste officiel : un individu décide de partir à son compte (aristocrate, artisan). On a le cas à Athènes de Miltiade l'Ancien, parti fondé des colonies au nord de la mer Égée (c'est le cas de Miltiade le jeune aussi). Mais dans le cas de fondation officielle, on choisit un oikiste qui sera l'objet d'un culte héroïque dans un sanctuaire après sa mort.

Chose remarquable, l'oikiste sera inhumé à l'intérieur même de la ville, sur l'agora ou sur le bord de l'agora, là ou normalement on interdit toute sépulture.

On a à Cyrène l'exemple de Battos, qui est inhumé à l'extrémité de l'agora. Toujours en ce qui concerne la mort et le sort réservé à l'oikiste, le moment de la mort de l'oikiste marque l'achèvement de la fondation de la colonie : la fondation est en cours tant que vie l'oikiste.

Le mot oikistes, telle qu'il a été analysé par Casevitz, signale l'existence d'une expédition lointaine avec fondation de cité : c'est un peu le cas de l'apoikia. Ce mot s'oppose à un autre terme,

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ktistès, celui qui fonde une cité sans qu'il y ait voyage, éloignement par rapport à la métropole. Pour notre thème, le premier est le plus intéressant.

Le mot oikistes s'emploie au pluriel est désigne alors, ou bien l'existence de deux ou trois oikisteis, ou bien les oikisteis sont tous les marins qui participent à l'expédition ultra-marine. Dans ce rare cas, il n'y a pas de hiérarchie entre ceux qui prennent la mer.

L'oikiste est l'équivalent d'un roi, mais à la différence des rois il ne crée par de dynastie (exception, Battiades).

L'oikiste semble être au départ un aristocrate dans sa métropole qui peut être envoyé outre mer pour diverses raisons, parfois très négatives. Il peut s'être rendu coupable d'un meurtre involontaire. Anne Jacquemin, en 1993, cite le cas d'Archias, le fondateur de Syracuse. C'est un Bacchiade de Corinthe obligé de fuir sa cité après avoir tué malgré lui un jeune homme qu'il voulait enlever et aimer, Actéon.

Dans certains cas l'oikiste n'est pas un Grec mais un barbare ! Lorsque Mégare a fondé en Sicile Megara Hyblaea, les colons arrivent dans une plaine où ils sont accueillis par un roi local, Hyblon. Ce roi leur donne la terre où fonder leur cité. Il intervient car le chef de l'expédition, l'oikiste des Grecs, Lamis, était mort juste avant. C'est un roi barbare qui prend le relais d'un Grec pour fonder la cité. Pour le nom de Megara Hyblaea, deux hypothèses. Les monts Hybléens à côté, ou alors du roi Hyblon.

Dans le cas d'une colonie secondaire, d'où vient l'oikiste ? Selon le principe, l'oikiste vient non pas de la colonie primaire mais de la métropole.

Exemple, Épidamne, côte ouest de la Grèce, est fondé par un certain Phalios, qui vient de Corinthe. Or, Épidamne est une colonie de Corcyre, qui était une colonie de Corinthe.

Par ces origines aristocratiques et par le fait qu'il soit désigné par la cité comme fondateur, le rôle de l'oikiste est considérable et notamment militaire : il dirige un groupe d'hommes valides capables de se battre. Il peut y avoir 200 hommes. A Cyrène, on sait qu'ils sont à peu près 200. Ailleurs, ils sont plus nombreux. A Leucade, ils sont 1 000. A Thasos, ils ont pu être 1 000, si on en croit un fragment du poète Archiloque.

Cette définition de l'oikiste héros a certainement été fabriqué après coup dans les sources littéraires classiques ou hellénistiques.

Dans ces sources postérieures, on a des images véhiculées. Tout une tradition se met en place pour peindre l'oikiste selon des traits pas forcément historique. Par exemple, il est souvent marqué par une tare, physique ou non. C'est le cas de Battos (bègue), du fondateur de Crotone, Myskellos (bossu). Selon ce schéma, un homme tout puissant a forcément une tare quelque part, sinon c'est un Dieu.

Sur le plan historique, il est nettement plus probable que la fondation des colonies a été un processus beaucoup plus complexe, beaucoup plus long, qui faisait intervenir différents groupes de colons, dont le fondateur est issu de la partie la plus active des colons.

Henri Trézimy prend l'exemple de Marseille, qui a été fondé d'après la tradition par deux oikiste, Simos et Protis. Le second a fini par l'emporter par son activité, son charisme, ses vertus, sur Simos. C'est lui qui est devenu selon certaines sources le fondateur principal. Évidemment, on a relevé un jeu sur les mots : protis = protos (premier).

Des colonies ont été fondées par trois Oikiste : Himère en Sicile est fondée par Eukleidès (le fils de celui qui a une belle gloire), Simos et Zacone. Ces trois oikistes sont d'origine différentes.

Même chose plus tard, en 426, pour une colonie de Sparte, Héraclée, surnommée Trachinienne. C'est une colonie qui se trouve au niveau des Thermopyles. Elle n'est pas composite mais il y a trois oikiste. Pourquoi ? On a rattaché ce nombre au fait que Sparte est une cité dorienne, où il y a trois tribus. Un oikiste représenterait chaque tribus spartiates. D'autres interprétations expliquent ce 3, qui serait destiné à montrer la force de cette colonie par rapport aux autres ou il n'y en a qu'un. En 426, on est en plein dans la guerre du Péloponnèse, or les Thermopyles sont un passage stratégique.

Maintenant, cela n'empèche pas qu'un des oikistes peut jouer un rôle principal. Gela (Sicile)a été fondée par plusieurs oikiste et c'est un Rhodien qui l'a emporté. Il n'y a pas égalité entre les deux ou trois oikistes.

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A l'époque classique, l'oikiste est de plein droit un stratège, élu pour mener la guerre. C'est ce qui se passe à Thourioi, colonie panhellénique qu'a voulu fonder Périclès. C'est un

stratège, Lampôn, qu intervient. Ce qui change vraiment est que le stratège oiksite fonde la colonie et s'en va. Il ne vie et ne

meurt pas sur place, n'est pas considéré comme un héros : il accomplit une mission. En outre, on peut aussi à l'époque classique assister à des changements d'oikiste.

Amphipolis, localité disputée au Ve siècle entre Athéniens et Spartiates, a été fondée par un premier oikiste, Hagnon, Athénien. Lorsque la cité d'Amphipolis est prise par les Spartiates en 424-422, la colonie évacue Hagnon et va célébrer le général spartiate, Brasidas, et un culte lui sera rendu à Amphipolis.

Les considérations religieuses sont assez fragiles : l'oikiste Hagnon fait son travail de fondateur et normalement, si on admet un schéma archaïque, il est vénéré. Mais à l'époque classique, on l'évacue et on crée un culte pour quelqu'un qui ne l'a pas fondé, mais qui l'a prise. Ce n'est pas un culte qui correspond à une foi, qui fait de Brasidas un héros fondateur, mais un culte qui permet de montrer la force de Sparte

Les premiers colons appartiennent-ils au peuple, au petit peuple ou à la petite aristocratie ? Ça peut-être des frères cadets qui ne sont pas dotés de terre et qui partent outre-mer pour

installer une colonie. C'est valable à Sparte, où le fils aîné est doté d'une terre civique, les autres devant l'acheter ou partir. Ces colons constituent des troupes armées. Ce sont donc des hommes valides et capables de se payer un armement.

Ces colons ont pu être aussi des individus en difficulté dans leur propre cité. Ils sont hors oikos : ils peuvent ne pas avoir de famille ou avoir été mois au ban de leur famille ou de la cité. Ce sont des individus non intégrés dans la cité de départ qui espèrent s'intégrer dans une nouvelle cité. Ces hommes sont des colons involontaires.

Les colons sont aussi perçus comme une dîme accordés au dieux (cf. plus haut, avec le pharmakos)

Ces colons qui partent ou sont obligés de partir ont-il le droit de revenir ensuite dans leur cité ? C'est très variable.

D'après l'inscription de Théra et d'après Hérodote, ils n'ont pas le droit de revenir chez eux. Ceux qui s'essayaient à rentrer chez eux étaient reçus à coup de pierre et étaient lapidés. Peut-être une lapidation symbolique, une des peines prévus par les premiers codes grecs archaïque désignant l'individu comme un paria.

Outre le cas de Théra, il y a le cas des colons de Corcyre, qui ont voulu rentrer chez eux en Eubée, à Érétrie, vers 600, à un moment où ils étaient chassés de leur propres colonies par les Corinthiens. C'est alors l'affaire de la métropole qui doit délibérer. Généralement, la métropole se montre indifférente au sort des colons. Surtout ceux de première générations qui ont rompu les ponts.

Cependant, à l'époque classique, selon le règlement de Naupacte vers 460, on admet la possibilité pour un colon de rentrer dans sa métropole mais avec des conditions ; il faut que le colon qui rentre volontairement trouve un parent qui le remplace dans la colonie, ou bien, au Ve siècle, on admet le droit de rentrer pour fait de guerre.

La question des premiers colons et des femmes.On a longtemps cru qu'il n'y avait pas de femme parmi les colons, en tout cas parmi les

premiers colons. On a longtemps cru que ces femmes étaient arrivées plus tard, une fois la colonie installée et protégée.

Cependant aujourd'hui on admet l'idée que des femmes ont pu faire parti des premiers voyages de colons, pour toute sorte de raison et d'abord des raisons pratiques : les Grecs ne sont pas fous, qui va faire la vaisselle. Sans plaisanter, les Grecs pensaient aux tâches qui étaient dévolues aux femmes traditionnellement.

Il y a également des raisons religieuses, qui font que des femmes pouvaient accompagner les colons. Ce sont celles qui obligeaient les Grecs à garantir le maintien de leurs rites religieux. On a l'exemple d'Aristarché, qui est partie de Phocée. Est-ce qu'elle part en 600, lors de la fondation de Massalia, ou lors des événements de 546 ? Michel Bats pense que c'est plutôt en 546, d'autres en 600. En tout cas elle part car elle a reçu l'ordre de partir de la déesse Artémis. C'est une fois arrivée à Massalia qu'elle est nommée prêtresse d'Artémis. On dit même que cette Aristarché a été le commandant des marins pendant la traversée. Cela signifie qu'il y a un dédoublement du

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commandement : le commandement de l'oikiste, qui sera le fondateur, et celui des marins lors de la traversée, le commandement du guide, du chef, l'hegemon. Ce commandant de marine serait ici une femme.

Les Grecs emmènent des femmes donc. Car les grecs ne pouvaient pas concevoir l'idée que les cultes qui étaient célébrées dans leur métropoles par des femmes aient pu être dans les colonies célébrées par des femmes indigènes. On a la mention de ce genre de femme à Thasos.Pausanias parle d'une certaine Aéthra, la femme de l'oikiste de Tarente.

C) La question de l'égalité des colons dans les colonies

Lorsque les colons arrivent, l'oikiste donne un nom à la colonie. Les colons créent des sanctuaires consacrés à une divinité de la métropole, souvent Artémis, déesse de la chasse et des relations entre Grecs et non grecs. Ils rallument le foyer (Hestia Koinè) commun des colons. Ce feu originel est fait à l'aide de cendres de la métropoles. Ils ont emporté aussi avec eux une motte de terre de la métropole.

Ils prévoient sur place différentes zones pour la future cité : zone pour les vivants, nécropoles, ces dernières étant situées à l'écart de la ville, parfois très nettement. Deux raisons : le fait que la mort soit considéré comme une souillure. On prévoit aussi une extension de la ville, donc on la met loin.

Partage de l'espace donc qui doit tenir compte des zones profanes/privées, vivant/morts, Grecs/indigènes.

Sous l'autorité de l'oikiste ou d'un groupe de colons, on procède à l'allotissement primitif. Cet allotissement découle d'un tirage au sort : il faut qu'il respecte la justice et l'équité. On détermine des parcelles de terres géométrique, on trace des rues les plus rectilignes possible. Tout ceci dans un esprit d'égalité.

Dans la réalité, les sociétés coloniales sont très vite devenues inégalitaires, à moins qu'elles ne l'aient été dès le départ, par exemple quand les marins sont des pauvres hères et quand l'oikiste est un riche aristocrate.

Parmi les arguments qui vont dans le sens de l’inégalité, on a l'émergence de la tyrannie dans les colonies de Sicile. S'il y a tyrannie au VIIe/VIe siècle, c'est bien la preuve qu'il y a une contradiction entre volonté d'égalité et réalité d'inégalité.

Un exemple original est celui de l'île de Lipari, dans les îles Éoliennes, dont le régime politique a été qualifié de communiste. Étude d'Allain Fouchard, « Lipari grecque : la politique dans un archipel » in François Létroublon, Impressions d'îles. C'est un site colonisé par les Grecs en 680 (780?) par des populations venues de l'Asie mineure, de Rhode et de Cnide. Ces populations ont du migrer vers l'ouest car elles étaient chassées par des dynastes d'Asie mineure. Ces populations essaient de s'installer en Sicile mais sont chassées par les Carthaginois. Ils se rabattent sur l’archipel des Éoliennes, fertiles et poissonneuses. Ils y pratiquent viticulture, pèche et piraterie. Ils mettent en place une constitution qui est collectiviste avec une propriété commune du sol. Il n'y a pas dans le cas de Lipari un allotissement primitif. Il y a aussi mise en commun des richesses de l'île, pratique des repas communautaires comme ce qui pouvait se passer à Sparte. Mais ça va beaucoup plus loin, on est presque dans le cadre d'une utopie. Pour que chacun ait le même rôle, on imagine une alternance des rôles : une année untel sera guerrier ou marin, l'autre année il sera paysan. Ainsi ne se constituent pas de castes de paysans et de guerriers, dont les intérêts divergent. On est à l'opposé de chez Platon ou on a des catégories bien tranchées.

Pourquoi une telle pratique ? La raison est le soucis de la sécurité de la population de Lipari, menacée car il s'agit d'une petite île qui n'a que peu de défense et se trouve dans une zone très convoitée.

Au total, le principe est bien celui de la stricte égalité entre colons, sauf à Cyrène (dynastie battiade). Ce principe est prouvé par les fouilles archéologiques, comme à Megara ou on voit que chaque maison a la même taille. Cela est démontré mais en même temps il y a une évolution très rapide vers l'inégalité qui s'explique très simplement : comme les fondateurs sont plutôt issus ds aristocraties métropolitaines, ils ont tendance à reproduire les même schéma inégalitaires.

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D) Les colonies secondaires

Michela COSTANZI, La colonisation de deuxième degré en Italie du sud et en Sicile.  Mario Lombardo, Colonies, colonies de colonies, 2009

Selon la thèse de Costanzi, toutes les colonies d'Italie du Sud et de Sicile ont fondé à leur tour des colonies. Sur le plan du vocabulaire, il n'y a pas de différence avec les premières colonies : apoikiai, oikisteis. Les colonies eubéennes de Chalcis ont pu aller jusqu'au 5e degré !

Tout cela semble obéir à un plan préétabli : quand on fonde la première colonie, on sait déjà qu'on va en fonder d'autre.

Les colonies de deuxième générations ne sont pas forcément des sous-colonies car parfois elles sont plus vastes.

Pourquoi ces fondations en cascade ? Pas pour des raisons d'espace : on observe que les colonies qui partent fonder d'autres

colonies n'ont pas utilisé tout leur espace disponible. L'explication est plutôt d'ordre commercial ou culturel : ce sont des faisceaux de raisons qui expliquent ces fondations. Il faut créer des réseaux économiques ou marchands dans une région. Les colonies seront ainsi leur propre relais dans la zone concernée. La colonie ne commerce donc plus nécessairement avec sa métropole mais aussi avec ces colonies.

Une colonie a intérêt à fonder d'autres colonies pour occuper le terrain qui peut être convoité par une autre population, qu'elle soit grecque ou indigène.

Il y a aussi une raison culturelle : la diffusion de l'hellénisme passe par la multiplication des points d'implantations donc de colonies.A l'époque classique, d'autres raisons, comme les guerres civiles qui provoquent le déplacement de populations.

Enfin il ne faut pas confondre les colonies secondaires et les refondations de colonies (exemple de Corcyre, fondée par les Eubéens et les Corinthiens, refondée par les Corinthiens seuls vers 600)

Conclusion

La colonisation grecque ultra marine a eu des conséquences multiples aussi bien dans les zones colonisées que dans les métropoles.

Parmi les conséquence, il y a les conséquences politiques : la colonie est-elle à l'image politique de sa métropole ou y a-t-il discordance ?

Pour certains analystes, les conditions de vie dans les colonies sont nouvelles et reposent, en théorie du moins, sur la base d'une égalité. La colonies vont alors devenir, par son organisation, un modèle politique pour la métropole. Comme les Grecs de métropole voient qu'un système de répartition égalitaire des terres fonctionne dans les colonies, ils vont s'approprier ensuite un tel système sans qu'il y ai toutefois un réel partage des terres dans les métropoles : mais ils vont aller dans le sens de l'isonomie. Les colonies servent de laboratoire pour les métropoles.

Au contraire pour d'autres analystes, la formation politique, égalitariste des colonies, prouve l'existence au préalable d'une cité métropolitaine organisée dans le sens de la justice. Deuxième élément inverse, les colonies archaïques sont fondée à un moment où déjà, sous les métropoles, on a des mouvements d'isonomie.

Mais au VIIIe/VIIe siècle, des cités déjà fondée sur un modèle d'égalité, n'est-ce pas un peu prématuré ?

Sur le plan juridique, les colonies mettent en place des codes de lois : à Locres en Italie, ou bien en Sicile avec le code de loi de Charondas.

Chapitre VII : L'Occident - 1

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Introduction :

Les études qui touchent à l'arrivée des Grecs en occident sont très nombreuses, aussi bien anglaises, françaises, italiennes, espagnoles.

Signalons les travaux de Jean-Paul Morel pour les Phocéens et Massalia. Georges Vallet, François Villard, Paul Auberson, Mégara Hyblaea: Guide des fouilles : introduction à l'histoire d'une cité coloniale d'Occident, 1983. Pierre Rouillard, Les Grecs et la péninsule ibérique du VIIIe au IVe siècle avant Jésus-Christ, 1991. Emmanuelle Greco, La Grande-Grèce : histoire et archéologie, 1996.

Ajoutons à ces quelques noms un certain nombre de colloques avec publications d'actes consacrés à la Grande Grèce, ainsi qu'un certain nombre d'exposition. Et puis, un site sur internet, celui d'un institut extrêmement précieux, le Centre Jean Bérard, basé à Naples qui est un produit mixte du CNRS et de l'Ecole Française de Rome : http://www.centre-jean-berard.cnrs.fr/

I) L'arrivée en Italie.

L'Italie est probablement la zone touchée la première par la diaspora, emporia ou colonies, grecque.

Si on excepte la première phase de colonisation à la fin de l'âge du bronze, vers 1100, l'Occident précède l'Orient dans l'installation des Grecs. Il semblerait que le tout premier site occupé par des Grecs se situe en Calabre, tout à fait au sud de l'Italie, et c'est la localité de Francavilla Maritima (au niveau de Sybaris, golfe de Tarente).

Très vite, l'Italie centrale et méridionale a été baptisé Grande Grèce, cf. Francesco Prontera, Magna Grecia. Cette région est située à proximité de la Grèce. Le canal d'Otrante, entre la botte italienne et les côtes du Nord ouest de la Grèce, fait à peu près 70 km. A l'époque romaine, c'est au niveau vertical de ce canal d'Otrante que s'opère la frontière entre le monde oriental grec et occidental romain.

Cette Grande Grèce comprend les régions suivantes : III) la Campanie, autour de Naples.IV) l'Apulie sur la côte orientale du sud de l'Italie Pour les auteurs antiques, l'Apulie ne fait pas

partie de la grane Grèce, n'adoptant pas les valeurs helléniques.V) La Lucanie, au sud.VI)Le Bruttium, de Crotone à Reghion.

Attention, les Italiotes ne sont pas des indigènes mais des Grecs installés dans ces régions.

A) L'Adriatique

La mer Adriatique borde en partie l'ouest de la Grèce. Cette région nord occidentale de la Grèce (Apollonia, Épidamne) est extrêmement intéressante car constitue une première étape vers l'occident pour la Grèce. A ce titre, des îles situées dans le Nord ouest de la Grèce ont immédiatement intéressé les grecs, notamment les eubéens et les corinthiens, îles qui permettent de former des espèce de tête de pont ou des relais pour des expéditions maritimes vers le fond de l'Adriatique, vers le nord, et au delà, vers l'Europe centrale et plus loin encore, vers l'Europe du Nord.

Il y a au moins deux grandes voies commerciales nord/sud. La voie qui part du nord de l’Adriatique et remonte vers la mer du nord et celle qui remonte l'axe Rhône/Saône. On pourrait ajouter une troisième voie, mais plus tard, celle qui passe pas l'océan atlantique en longeant la côte.

La maîtrise de l'Adriatique signifie que l'on peu pénétrer en Europe centrale par cette zone.

Il n'est donc pas étonnant que l'on ait fondé des comptoirs ou des colonies. On en a un sur notre carte qui est Spina (p.8).

Spina est situé à l'embouchure du Pô, c'est un établissement mixte dans lequel vivent des étrusques et des Grecs. John Bordman, dans Les Grecs outre mer, pose la question de savoir si se sont des Étrusques ou au contraire des Grecs qui ont accueillis les autres. Il ne peut pas répondre de façon tranchée. Plus récemment dans un article de Morizio Harari, publié dans Pouvoir et territoire, université de Saint-Étienne, on peut apporter une réponse : la population qui vivait à Spina était essentiellement étrusque et on note parmi cette population des Grecs qui se sont implantés surtout

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au niveau du port (commerce). Ceci fait dire à Harari qu'on a pour Spina un statut hybride. Ce n'est pas une colonie grecque, c'est un port de commerce mais inclus dans une cité qui serait à grande majorité étrusque.

D'autre part, l'intérêt stratégique et économique de cette mer adriatique explique les guerres auxquelles les Grecs ont pu se livrer entre eux. L'exemple le plus connu est celui qui a opposé Corinthe aux fondateurs de la colonie de Corcyre, Érétrie, au milieu du VIIIe siècle. Peu après cette fondation, les Corinthiens sont intervenus pour déloger les Érétriens, et en 733, on assiste à une refondation corinthienne.

Au VIIe siècle, en 664, Corcyre se révolte mais la bataille ne donne pas raison aux Érétriens : Corinthe continue à utiliser son autorité sur Corcyre, ce qui n'empêche pas les deux cités Érétrie et Corinthe de fonder à partir de Corcyre une colonie de second niveau, la colonie d'Épidamne.

B) La question de Ischia/Pithécusses.

Ischia est à quelques encablures de la baie de Naples, à la sortie nord. Ischia se trouve au sud du Latium et par conséquent de l’Étrurie riche en métaux.Pas très loin également de la Sicile, que les Grecs commencent à connaître, et pas très loin des Étrusques, avec qui les grecs pourront faire affaire et nouer des liens culturels.

L'île d'Ischia et le centre de Pithécusses, sont considérés comme l'un des premier centres d'implantation grecque. L'arrivée et l'installation des Grecs à Pithécusses est décrite par Strabon V,4, avec Cumes.

Pour les découvertes faites sur le site de Pithécusses, cf. Buchner, l'inventeur du site et David Ridgway, Les premiers Grecs d'Occident : l'aube de la Grande Grèce. On a trouvé au départ une nécropole, le cimetière de San Montano où on a mis au jour plus de 1300 tombes, ce qui est considérable mais on estime à plusieurs milliers les tombes présentes à Pithécusses.

Il faudrait aussi parler de Tite-Live qui relate l'histoire de Rome et de l'Italie.

La localisation exacte : Ischia est située en mer Tyrrhénienne et s'appelait aussi l'île Inarime au large de Naples. C'est une île volcanique, avec un relief parfaitement abrupt, propice à la viticulture.

Le site de Pithécusses est au nord/nord-ouest de l'île et tire son nom de deux origines possibles. Première hypothèse : ce sont des singes (Pithécos) et cela serait une référence à un peuple mythique, le peuple de Cercopes, transformés en singes. Soit, deuxième hypothèse, énoncée par le savant Pline l'Ancien, Pithécusses vient du terme de céramique pithoi, un pithos étant un grand vase de stockage.

Pour Ridgway dit que Pithécusses serait une forme hellénisée d'un nom indigène.

Population : le site d'Ischia est peuplé depuis au moins l'âge du bronze par des Mycéniens et des étrusques.

Les Eubéens de Chalcis, de Lefkandi ou d'Érétrie arrivent sur cette zone vers 775. Ces Eubéens s'installent sur le promontoire du Monte Vico. Ce promontoire du Monte Vico va servir d’acropole pour le site grec et ne semble ne pas avoir été occupé avant les grecs.

On a retrouvé dans cette zone de très nombreux objets qui viennent d'Orient. Ce sont des amulettes, des objets à vocations esthétiques, magiques, des scarabées égyptiens ou de type égyptien. On a retrouvé aussi des sceaux d'origine orientale, sémitique phénicienne ou encore des sceaux d'Asie mineure. Ces objets, ou bien on été importés, ou bien on été crées sur place, ou les deux à la fois, par des artisans hautement spécialisés qui venaient du Levant. Il y aurait donc diaspora d'artisans levantins venus s'installer en Occident.

On sait aussi que les Phéniciens d'Orient se sont installés à Rhodes et à partir de là ont migré vers Pithécusses, d'où les échanges, les routes commerciales, attestées entre l'est (Al-Mina) et l'ouest via Rhodes. Pour prouver ces échanges, nous avons des inscriptions épigraphiques sémitiques qui sont retrouvées dans des tombes de Pithécusses.

On a aussi des céramiques typiquement orientales, des fioles à parfum, des aryballes, qui témoignent d'une pratique, d'une mode levantine qui n'ont rien à voir avec ce qui se pratiquait en occident au niveau de l’Italie. Donc il est sûr qu'il y a des populations levantines (sémitiques, phéniciennes) qui se sont installés, spécialement dans la localité de Pithécusses, tout en restant

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minoritaires par rapport aux grecs. Ces populations ont transmis non seulement aux grecs Eubéens mais aussi aux étrusques occidentaux des modèles artistiques orientaux.

On a retrouvé aussi dans ces nécropoles des objets de culture indigène : ce sont des fibules, des broches, des bracelets. Ce sont des objets qui ont été ensuite adoptés par les grecs, peut-être parce que les eubéens trouvaient beau ces objets indigènes, l'autre explication étant que les Eubéens avaient épousé des femmes d'Ischia qui avaient su faire pour demander à leur mari de leur acheter des bijoux à la mode locale.

Est-ce un emporion ou une apoikia ?

Selon Emanuelle Greco, la tradition scientifique veut que l'on parle d'un emporion. C'est l'emporion de Pithécusses et cette tradition a été défendue entre autre par Agostino en 1992. Pithécusses se trouve en effet au cœur d'un vaste réseau d'échange et de façon plus générale en méditerranée. C'est l'un des 3 points du commerce méditerranéen avec Al-Mina et Rhodes. Pithécusses est une tête de pont en occident et on a retrouvé le même type de vase à l'est et à l'ouest de Pithécusses.

Cependant, il est difficile et contester de parler d'un emporion pour Pithécusses. Il est vrai que la population est très métissée et mélangée. Mais au-delà de ce mélange de population, la vie de Grecs est largement organisée. Dans le cadre d'un emporion, sauf en pensant à Naucratis, la vie d'un n'est pas aussi organisée que dans celle d'une colonie. D'autre part, Pithécusses n'est pas un port de commerce en tout cas pas seulement, dans la mesure où il y a sur l'île d'Ischia une activité artisanale et métallurgiques très développée.

Mais les grecs n'ont pas fondé une colonie avec un oikiste, consultation de la Pythie et surtout il n'y a pas d'institution grecque avec un magistrat. En outre, Michel Gras affirme que Pithécusses ne ressemble pas formellement à une colonie car il n'y a pas d'urbanisme colonial, il n'y a pas de centre urbain, de rues tracées plus ou moins à angle droit. C'est ce qui lui fait dire « c'est encore une petite ville traditionnelle transplantée dans le monde de l'ouest ».

Où est la vérité ? Il se peut que la solution soit la suivante. Des historiens ont tendance aujourd'hui à considérer Pithécusses comme l'état ultime d'un établissement juste avant qu'il ne devienne cité coloniale. Ceci implique toutefois une hiérarchie que nous avons déjà questionné dans un chapitre précédent.

Il y a une organisation qui est culturelle et religieuse. Il y a des pratiques culturelles typiquement grecques qui traduisent selon Ridgway un « degré important d'organisation sociale ». Ces pratiques sont par exemple celle d'un synœcisme, condition première de la fondation d'une cité.Il y a également des rites d'inhumation ou de crémation, en particulier le rite de l'enchytrismos, qui consiste à placer le corps d'un enfant dans un récipient de terre cuite.

Ceci fait dire à Greco qu'on a un cas à part, ni emporion, ni apoikia, qu'elle place quand même toutefois plus près de l'apoikia mais tout en soulignant qu'il s'agit d'un « cas unique ».

Plus intéressant, on peut qualifier Pithécusses d'établissement précolonial. On a ainsi dit souvent que Cumes a été fondé après Pithécusses. Mais cette chronologie est aujourd'hui battue en brèche. On considère que la colonie de Cumes a été fondée au moment ou les Grecs venaient à Pithécusses. Voire, l'installation à Cumes a peut-être lieu vers 770, avant l'installation à Pithécusses, quelques années après. Si Pithécusses n'est pas un établissement précolonial, ce serait un établissement paracolonial, à côté d'une colonie, dans le but de travailler pour la colonie de Cumes.

En ce qui concerne l'activité, la principale est la métallurgie, qu'on trouve sur le site de Mazola. On a trouvé » dans ce secteur plusieurs maisons avec des traces d'activité métallurgique. Les métaux qui sont travaillés sont des métaux importés, comme le fer, le plomb, l'or. On travaille aussi le bronze. On a surtout découvert sur ce site un disque en plomb qui était inséré dans un anneau de bronze. Ce disque de plomb pèse 8 grammes 79 (ou 72 dans d'autres sources). C'est un étalon qui correspond à une mesure eubéenne et attique, le statère eubéo-attique, qui pèse 8,72 grammes. On croit pouvoir affirmer que cet étalon prouve que les artisans installés sur ce site travaillaient selon les modèles eubéens et attiques.

Le métal est importé de Sardaigne, d'Espagne et d’Étrurie. Les artisans de Pithécusses étaient des artistes, des orfèvres, si on en juge par les bijoux en or et en argent retrouvés. Ces artisans étaient, semble-t-il, fiers de leur production car on a aussi un tesson qui porte une inscription extrêmement fragmentaire qui se termine par Inos Mepoiese. 'inos serait la fin du nom du peintre, ou du potier plus probablement, mepoiese voulant dire « m'a fabriqué ». C'est l'une des premières occurrence de signature sur vase découverte à Pithécusses.

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Enfin pour le commerce les Grecs exportaient le raisin puis le vin.

Le déclin de Pithécusses se situe après 700. Il est dû à plusieurs causes. Les catastrophes naturelles, avec un séisme vers 720. Tensions politiques : si on en croit Strabon, il y aurait eu des tensions entre différents

groupes d'Eubéens (Chalcidiens, Érétriens), au moment de la guerre Lélantine vers 720. Tensions aussi entre les habitants de Pithécusses et les peuples d'Ischia.

Cette fin peut aussi être liée à une émigration des habitants de Pithécusses vers le continent, vers Cumes. Cela fait que la période eubéenne à Pithécusses a été brève (775/700). Le site n'est pas abandonné pour autant mais périclite par rapport à Cumes.

Cumes est fondée traditionnellement vers 750/730, aujourd'hui on considère plutôt vers 770, au même moment que Pithécusses.

Il y a deux oikiste pour Cumes : Megastène de Chalcis et Hippoclès de Kymè. Les deux oikistes se sont partagés les rôles dans la fondation de Cumes. Megastène a donné à Cumes son identité Calchidienne. Au contraire Hippoclès donne à la colonie son nom : Kymè (Cumes) est-elle par contre celle d'Asie mineure ou, plus probablement, celle d'Eubée ?

Pendant quelques années les deux sites de Pithécusse et de Cumes coexistent. On peut dire que Cumes a représenté une sorte de Pérée pour Pithécusses.

Peu à peu, la structure la plus solide, celle de la cité coloniale, Cumes, l'emporte sur la structure plus lâche, souple, Pithécusses.

A partir de Cumes, les Eubéens fondent ensuite des colonies secondaires comme Zancle (Messine).

Autre installation, Parthénope, qui sera plus tard Naples. Un peu plus tard, Dicearchia, « le commandement juste », qui deviendra Puteoli, Pouzzoles, en 531.

On ajoute des colonies tertiaires : en Sicile, Catane est fondé en 529 par Naxos.

II) La Sicile

La Sicile, de forme triangulaire, est immédiatement situé entre la Méditerranée orientale et occidentale, parfaitement situé entre l'Italie et l'Europe au nord et les côtes africaines au Sud.

Les Grecs n'ont occupé que les côtes de la Sicile et ont toujours eu peur de pénétrer à l’intérieur des terres. S'il l'ont fait, c'est toujours avec l'accord des autochtones.

La Sicile est une terre extrêmement riche avec de grande plaines céréalières, agricoles, qui permettent aussi l'élevage.

La population de la Sicile est mêlée. Il y a en Sicile des Sicanes qui sont d'origine ibériques, que l'on trouve surtout à l'ouest. Des Elymes, distincts ou non des Sicanes.On parle aussi des Sicules (Sikèles) qui eux sont des populations venues d'Italie et même de

l'au-delà de l'Adriatique, d'Illyrie. On les trouve davantage à l'est que les Sicanes.Au VIIIe siècle, à l'extrême ouest de la Sicile on a des installations phéniciennes.

La question de la chronologie se pose : est-ce que les Phéniciens se sont installés en Sicile avant les Grecs ou non. ? Il semble que l'arrivée des Phéniciens et des Grecs ait été simultané.

Pour la Sicile, deux localités d'imporance : Syracuse dont traite le marbre de Paros, et Megara Hyblaea, colonie de Megare, près d'Athènes, très étudié par de nombreux archéologues et Henri Treziny s'y intéresse.

cf. p22 – Megara Hyblaea

Le site de Megara se trouve sur la côte orientale de la Sicile, à 20 km au nord de Syracuse et

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à l'embouchure du fleuve Cantera.La cité est posée sur un plateau à quelques dizaines de mètres, entre la mer et les monts

hybléens. Ce plateau a une profondeur de 15 km et une largeur de 6 ou 7 km.Ce site était-il déjà occupé ? L'intérieur des terres dans cette région était peuplé. On a

longtemps cru que les Grecs étaient venus s’installer dans une région non peuplée. Mais en fait, la terre était déjà travaillée et exploitée.

La fondation a lieu entre 728 et 700, certains la font remonter à 750. La fondation est due à des Megariens mais pas seulement. On est dans le cadre d'une fondation composite car d'autres cités participent à cette expédition colonisatrice.

L'oikiste de départ est Lamis de Mégare et comme Lamis mais il meurt au combat et c'est un roi local Hyblon, qui donne le terrain pour la fondation de la ville.

Les Mégariens étaient partis de Grèce pour venir s'installer en Sicile et avaient échoué lorsqu'ils avaient voulu occuper la localité de Leontinoi. Ils s'installent un peu malgré eux à Mégara Hyblaea, sollicités par le roi local, car déroutés de leur itinéraire prévu. Ca va être une réussite.

L'urbanisme a fait fantasmer beaucoup d'archéologues.D'abord, contrairement à ce qui apparaît p.22, Megara n'est pas fortifié.Certains historiens comme Roland Martin ont voulu voir dans le plan d'urbanisme de

Megara le prototype même de la ville à quadrillage orthogonal : 1km de profondeur sur 800m de large pour cette ville et on voit bien sur le plan qu'il y a des rues qui se coupent à peu près en angle droit.

Émettons toutefois quelques réserves : d'abord, ce n'est pas un prototype, ce type de plan existait en orient bien avant le processus de colonisation grecque. Ensuite et surtout il n'y a pas au VIIIe siècle de plan directeur d'ensemble qui aurait abouti à un quadrillage systématique de l'espace de Megara Hyblaea. Il y aurait plusieurs quartiers, noyaux d'installations selon Vallet et Villard, qui ne sont pas alignés les uns sur les autres. Ainsi, sur le plan p. 22, la zone du sud XZ ne correspond pas à l’alignement de la zone du nord AB. Idem, au nord/nord-est, les axes C1 et D1 ne sont pas parallèles. Comment l'expliquer ?

Pour Vallet et Villard, il y a deux étapes dans l'urbanisation. La première étape correspond à ce qu'on appelle la phase des campements. Lorsque les colons arrivent dans cette zone, ils campent, construisent des maisons où ils le peuvent, comme ils le veulent et ceci dure une génération. Puis, lors de la seconde génération, on aménage un tracé urbain avec des rues qui, a défaut d'être orthogonale, sont rectilignes.

La ville alors, à la fin du VIIIe siècle, couvre 80 hectares, selon un plan qui est alors préétabli. Ceci s'oppose à Marseille.

On observe un découpage de la ville en différents lots qui font entre 120 et 140m² avec deux zones distinctes, une zone publique l'agora, en forme de trapèze. Dès le départ, on prévoit donc un espace pour les rues, qui ne seront aménagées qu'un siècle plus tard en construisant des maisons alignées pour pouvoir construire des rues après.

Comment interpréter le plan de Mégare ?La répartition par lot pose la question de l'isonomie (isomoiria = égalité du découpage des

lots). Mais on a ensuite des traces d’inégalité : on retrouve des habitations plus grandes que d'autres. L'isomoiria a vécu. Selon Jean-Luc Lamboley, même au VIIe siècle l'isonomia est discutable car tous les lots ne se valent pas. Cela correspondrait aux échos dans la colonie des luttes sociales que l'on voyait à l'oeuvre dans les métropoles.

Un commentaire un peu farfelu est celui de Jesper Svenbro, trouvé dans les Annales de 1982. Pour lui, il faut noter une analogie entre la découpe de la viande lors des sacrifices en part relativement égales, sauf pour les prêtes ou les rois, et la découpe du territoire de la colonie. Svenbro fait remarquer que c'est le même vocabulaire. « On est en droit de dire que le corps sacrificiel sert de modèle à la cité et plus précisément à la cité découpée en quartier et en lots ».

Il s'intéresse également à la forme de l'agora : pourquoi un trapèze et pas un carré ? L'irrégularité de l'agora est voulue : deux axes se croisent à angle droit et un axe en oblique. Ces trois axes, pour Svenbro, s'expliquent par les 5 quartiers qui entourent l'Agora. Le point de jonction des 3 axes est l'heroon. Pourquoi 5 quartiers ? A Megare il y a eu synœcisme de 5 villages et lorsque la métropole envoit des colons à Megara, elle veut garder la trace de ces 5 composantes. Deuxièmement, le 5 a des vertus politiques, l'impair l'emportant toujours sur le pair (il ne peux pas

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y avoir égalité, ce qui est pratique pour un vote).On a donc crée un colonie que l'on voulait pérenne et dans laquelle tout risque de statis, de

guerre civile, pouvait être évité. S'il y avait eu deux groupes face à face, la guerre civile aurait mobilisé 3 contre 2, ou 4 contre 1 et le petit groupe aurait été ramené à la raison rapidement.

La théorie de l'isonomia est donc discutable : 5 = majorité contre minorité.

Megara Hyblaea sera détruite en 483 par Syracuse. Naîtra ensuite une autre Megare sur ces lieux. Megare Hyblaea a fondé au sud-ouest de la Sicile Sélinonte, avec un oikiste venu de la Megare métropolitaine, en 628.

Dans la nouvelle colonie de Sélinonte, on aura aussi une population composite : Corinthiens, Corcyréens.

En conclusion, on a vu que ce sont des zones très fréquentées.Sur le plan culturel, il y a un rapport entre orient et occident entre grecs, étrusques,

populations indigènes. L'alphabet grec a ainsi été transmis aux Étrusques.

cf. Claude Baurain, Coloniser le paysage (?? peut-être Les sanctuaires panhelléniques,lieux privilégiés de l'identité grecque). Il montre comment les Grecs installés en Sicile ont transformé ces régions en édifiant des temples prestigieux, monumentaux, en pierre, comme à Syracuse, Agrigente, de façon à marquer leur présence dans ces régions.

Chapitre VIII : L'Occident - 2

Parmi les questions à se poser :Quel est le rôle des Ioniens, en particulier Phocéens, en extrême occident (sud de la Gaule et

Espagne) ? Aussi important qu'en Grande Grèce et Sicile ?Enjeux commerciaux : est-ce qu'en extrême occident on cherche une chôra a exploiter ?

Y a-t-il un plan d'ensemble de l'occupation de l'espace occidental entre la région de Nice jusqu'au sud de l’Espagne ?

Quel furent les rapports avec les peuples indigènes (Ligures, Celtes, Ibères)

Bibliographie : Jean-Paul Morel pour les Phocéens de Massalia.Aldolfo Dominguez pour les Grecs dans la péninsule ibériquePour une étude archéologique de la question est paru un recueil en 1995, Sur les pas des

Grecs en occident.

I) L'expansion phocéenne

Comme toujours, il convient de distinguer les grands mouvements et les initiatives individuelles.

Cela dit, les Phocéens se sont aventurés en occident relativement tard, au cours du VIe siècle.

Cette aventure extrême-occidentale fait suite à des départs de Phocéens vers le nord : à la fin du VIIe siècle, les Phocéens avaient envisagés de s'implanter dans des régions comme Lampsaque au nord de l’Égée.

Phocée est une cité d'Asie mineure située près de l'embouchure du fleuve Hermos dans la province de Lydie. Cette Phocée avait été fondée par des Grecs continentaux ioniens à la fin du IXe siècle et appartenait à la ligue ionienne, réunies autour du culte d'Artémis d'Éphèse.

Y a-t-il d'autres peuples qui se sont intéressés avant les Phocéens à cette région du sud de la Gaule ? On croit qu'avant les Phocéens il y a eu des citoyens de Rhodes qui se sont établis dans le sud de la Gaule, dès le VIIIe siècle. L'argument avancé par les tenants de cette théorie est le rapprochement étymologique entre le nom de l'île de Rhodes et le Rhône, Rhôdanos : fleuve des Rhodiens. Cette hypothèse ne tient plus aujourd'hui et on estime que le nom Rhodanus est un nom

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autochtone. Selon Hérodote, se sont les Phocéens qui ont découvert ces régions d'extrême occident

jusqu'à Tartessos. Mais cette est vision très discutée.

Pour le VIe siècle, on distingue deux grandes phases de départ vers l'occident : une première phase au tout début du VIe, vers 600, qui correspond à des départs spontanés ou volontaires : on fonde Massalia à cette occasion. La seconde phase est contrainte, c'est l'épisode majeur de l'irruption des Perses dans les cités grecs dans les années 540, en 546 en l’occurrence.

II) La fondation de Massalia

Massalia est située à l'est du Rhône : elle dispose d'un bon port naturel, le vieux port aujourd'hui. Elle est dotée en outre de collines.

Massalia apparaît selon la tradition comme une véritable colonie, une apoikia car il y a acte de fondation. Elle fait surtout office de comptoir maritime.

Massalia est une cité grecque depuis son origine (600 selon la date traditionnelle) jusqu'en 49 BC, date à laquelle elle doit se soumettre à César à cause de la prise de position en faveur de Pompée des Massaliotes lors de la guerre civile.

Elle est connue par les fouilles par certains textes qui sont très souvent orientés. Pour les sources littéraires, on a un traité d'Aristote, en tout cas attribué à lui, La constitution

des Massaliotes. On a également des commentaires d'Aristote aux livres V et VI de la Politique. Strabon, dans sa Géographie, IV, expose quelques analyses sur Marseille. Cicéron, dans la République, I, en parle également. Il faudrait ajouter une source plus tardive avec Justin.

A) En guise d'avertissement

L’historiographie antique a fait de Marseille une colonie qui a été dès le VIe siècle puissante et emblématique. Or on sait que son essor a en fait été extrêmement lent et progressif, et qu'il a bénéficié de facteurs extérieurs et non pas internes.

Ces facteurs sont tout d'abord la prise de Phocée en 546, ce qui rend Marseille beaucoup plus libre car elle n'a plus de métropole à qui rendre des comptes ou avec qui commercer en priorité.

Après 546, Massalia devient le centre phocéen, ce qui n'est pas l'avis d'Hérodote qui ne la mentionne même pas. Mais sans conteste, Marseille devient le centre phocéen quand Alalia est perdue après 540 par les Phocéens.

Ce qui a permis un essor de Marseille est plus tard, à l'époque classique et surtout hellénistique, la politique de traités d'accords et d'alliances avec Rome, qui est intervenu à plusieurs reprises pour soutenir Marseille contre les incursions des peuples barbares descendus du nord.

B) La fondation

Plusieurs traditions contradictoires traitent de la fondation. La date la plus fréquente est 600 mais on trouve parfois la date de 544.

Selon Villard, c'est une apoikia typique. Les Phocéens fondent ensuite Nice, Antipolis. Dans les chronologies antiques, relatives, par exemple celle du Timée (IVe siècle) il est dit

que la colonie a été fondée 120 ans avant la bataille de Salamine.Pour d'autres chronographes antiques, c'est durant la 45e olympiade. 45*4 depuis 776 ça

nous met entre 600 et 596.

Selon la légende de sa fondation et en raison de la philia, le chef ou les chefs de l'expédition phocéennes auraient été extrêmement bien reçus. La philia signifie amitié mais c'est ici le sens d’alliance militaire. Il y aurait des rapports de philia entre Phocéens et peuples autochtones, ce qui en dit long sur les rapports qui ont existé avant ou pendant la colonisation.

Cette légende du mariage de Protis avec Gyptis n'est qu'une présentation bienveillante des relations. En fait, rapports difficiles avec dégradation rapide. Le point de départ a été le statut des Phocéens en terre ligure, le même problème que pour Tartessos : les Phocéens sont-ils de véritables colons avec prise de possession de la terre ou des habitants à titre précaire ? Justin fait état de ce problème.

Ce sont ces conflits qui donnent naissance aux remparts qui ont existé des la fondation de la

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colonie. On a même envisagé des remparts extrêmement longs qui protégeaient toute la zone phocéenne.

Autre question relative à cette fondation, celle de la priorité ou non de la fondation de Massalia.

A-t-on avec Marseille une fondation première, à partir de laquelle les Phocéens se sont implanté aussi bien à l'est du côté de Nice qu'à l'ouest (Emporion).

Ou bien, autre façon de voir les choses, Marseille n'est elle pas plutôt une fondation sur une route déjà connue et fréquentée par les grecs entre Étrurie et Espagne ?

Cette fondation est en tout cas consécutive à une période précoloniale intense dans toute la région du sud de la gaule, en particulier dans la basse vallée du Rhône. Cette région méridionale était déjà parcourue non seulement par des Grecs mais par des étrusques et des Phéniciens. Par exemple, les archéologues ont retrouvé des amphores dans le département de l'Aude, aussi bien étrusques, carthaginoises que phocéennes. D’où coexistence de ces trois peuples et partage des réseaux commerciaux entre ces trois peuples.

Du coté grec, rien n'atteste que cette période qu'on appelle imprudemment précoloniale ait été marquée par la présence particulière, majoritaire, de Phocéens. Il est a peu près établi que les Phocéens ont partagé leur activité en Gaule du sud ou en Espagne avec d'autres peuples Grecs (cf. le Samien détourné et arrivé à Tartesos).

Enfin dernière question, cette fondation s'explique facilement si on l'insère dans un réseau phocéen qui a comme différents points Gravisca et Emporion en Ibérie. Marseille est au cœur d'un réseau et Michel Bats considère que Marseille va finir par occuper tout l'espace compris entre Ligure et Ibérie : c'est le commonwealth marchand phocéen.

C) Le territoire urbain

Jusqu'au IVe siècle, Marseille est cantonné à un territoire exigu d'environ 20 hectares. A la fin de son expansion, il couvrira 50 ha.

Il s'agit d'une colonie maritime qui ne recherche pas de terres. C'est une citée organisée autour du port avec d'abord la partie nord occupée et bâtie.

Le Marseille archaïque est situé sur un ensemble de 3 petites collines de 20 à 40 mètres d'altitudes, collines très bien approvisionnées en eau avec des sources sur les flancs.

Elles sont située au nord ouest du vieux port actuel, qui s'appelait chez les Grecs le Lacydon. Seule l'entrée du port était pratiquée par les Grecs. Le fond du port était une zone insalubre, croit-on, à l'époque archaïque.

Ces trois collines sont la butte Saint-Laurent, la butte des Moulins et la butte de la Roquette. Entre les deux premières buttes, on a une petit dépression, un col, la dépression de Lenche.

C'est au niveau de cette dépression que l'on place l'agora archaïque, mais on a pas trouvé de monuments. Les fouilles ont mis au jour des habitations du début du VIe siècle au niveau de la butte Saint-Laurent, où devait se trouver le temple d’Artémis et le temple d'Apollon, deux divinités jumelles. A Marseille, on a pourtant retrouvé aucune trace de sanctuaire ou temple archaïque.

Avant 540, la ville s'étend en direction du nord. C'est aujourd'hui l'emplacement de la cathédrale de la Major. Elle s'étant aussi vers l'est, en direction du fond du port, zone marécageuse selon certains archéologues. Tréziny conteste cette présence de marécages. La ville s'étend jusqu'au niveau de la Bourse, qui n'est pas tout à fait incluse dan les fortifications : comme on le voit sur le plan numéro 2, page 20, la Bourse fait partie d'une zone périurbaine.

Cette extension en plusieurs temps explique le caractère d'ensemble assez désordonné. On a à Marseille plusieurs quartiers successifs qui obéissent chacun à un plan d'urbanisme particulier : il y a des îlots d’habitation comme dans toutes les colonies, mais c'est quartier par quartier. On a rencontré ceci avec Megara Hyblaea. Il n'y a pas de tracé rectiligne qui concerne toute la ville, qui n'est pourtant pas grande. Deux raisons : on construit petit à petit dans tout les sens. Autre raison, le relief.

La ville est dotée d'un rempart terrestre probable dès la fondation, ce qui va dans le sens de relations détestable avec les indigènes. Ce rempart s’agrandit régulièrement a cours du VIe siècle, au point d'englober une 4e colline à la fin du VIe siècle, la buttes des Carmes.

Il est difficile de dire s'il y avait un rempart maritime, en tout cas on en a pas de trace. Quand

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au port des Grecs, il devait se trouver très logiquement en contrebas du colle de Lenche, où on situe l'agora (fonction marchande donc près du port). Le port archaïque est donc sur la rive nord du vieux port actuel. Sur le plan p. 20, on eut le situer au dessus des lettres VI de Vieux port.

Enfin, les nécropoles étaient située tout autour de la ville. On a quelques traces de nécropoles au nord, à l'est, et surtout au sud du vieux port. On a aujourd'hui la colline de Notre-Dame de la Garde à cet endroit.

D) L'organisation politique

Est-ce que ce que nous savons de l'organisation politique peut nous permettre de dire que Marseille a connu un essor pour des raisons internes ? Autrement dit, son fonctionnement politique est-il valable, performant, comme le proclament les sources antiques.

Politiquement, c'est une oligarchie, et plus précisément une ploutocratie : gouvernement des riches. Cette oligarchie fonctionne avec un conseil, le synédrion de 600 membres, qui ont le titre de Timouque à vie. Un timouque est quelqu'un qui a une timé, soit le prestige, l'honneur reconnu à un grand, à un monarque, à un roi. Ils sont nommé à vie, donc assemblée extrêmement conservatrice.

Il y a dans le système politique de Marseille un pouvoir exécutif entre les mains de 15 membres qui dirige la vie politique. Ils font exécuter les règlements et lois. Au dessus, un conseil supérieur de 3 membres.C'est une structure très pyramidale. Dans ce système, il n'y a pas d'assemblée du peuple, pas d'ecclésia. On a donc un exemple intéressant pour la question « est-ce que les grecs des diaspora ont reproduit les institutions de leur métropole ? »

Pas de représentation du peuple pour un grec, cela semble un peu gros. Ce peuple est réduit en nombre car pas de chôra et c'est donc un peuple urbain. Ces commerçants, artisans ou marins ne participent pas aux affaires politiques, ce qui fiat dire à Cicéron que « Marseille est gouverné avec la plus grande justice par l'élite de ses citoyens mais la condition du peuple y ressemble jusqu'à un certain point à l'esclavage ».

En tout cas ce système a perduré environ 550 ans, et peut-être aurait-il duré plus encore sans César.

E) Culture et religion

Pour Jean-Paul Morel, Marseille serait un « microcosme phocéen », « l'initiatrice de l'occident ».

Les Grecs ont appris aux populations locales à vivre selon des lois. Ensuite les grec introduisent en Gaule l'alphabet. On a trouvé des inscriptions assez

curieuses écrites en gallo-grecques : des mots gaulois écrits en caractères grecs.Les remparts également, sont un apport grec.La monnaie s'est mise à circuler dans le sud de la gaule avec l'arrivée des Grecs. Ce sont des

oboles anépigraphiques (elles ne sont pas marquées). Ces monnaies pouvaient être faites d'argent et provenaient du sud, sud-ouest de la Grèce.

Marseille a aussi apporté au sud de la Gaule la culture de la vigne, avec dans la première moitié du VIe siècle un retard des marseillais, puis ensuite une primauté des phocéens sur les Étrusques.

Le sud de la Gaule s'hellénise rapidement. On a aussi des marques d'hellénisation plus au nord, tout le long du Rhône et même jusqu'à Paris en passant par la Bourgogne, ainsi qu'en Allemagne actuelle.

La mode de banquets, adoptés par les aristocraties gauloises, provient des Grecs quil'avaient eux-mêmes empruntés aux orientaux.

Pour ce qui est de la religion, ce sont des dieux grecs qui se sont imposés : Leucothéa, la déesse blanche, est vénérée à Marseille.A Delphes, un trésor des Massaliotes aurait été édifié après la bataille d'Alalia fin du VIe siècle/début du Ve siècle. On trouve également Athéna, déesse de la sagesse et de la guerre.

F) L'activité commerciale.

Marseille est essentiellement tourné vers le commerce mais aussi la culture de l'olivier, de la vigne et de plantes comme le chanvre, utile pour la confection des cordages (Cannebière). La

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principale route commerciale part vers le nord, via le Rhône.

Des fouilles archéologiques ont mis au jour à Vix, en Côte d'Or, un gigantesque cratère en bronze fabriqué par des artisans de Grande Grèce, de Sybaris, et découpé pour le transport, de façon à être acheminé très loin à l'intérieur des terres via Marseille. Ce cratère a été retrouvé dans la tombe d'une princesse. Diamètre de 1m20, volume 1250 litres, poids 208 kilos.

Ce cratère serait un cadeau, un présent diplomatique offert par les Grecs (pas nécessairement ceux de Marseille), offert à un roi local. Pourquoi ce cadeau ? Sans doute pour ménager aux Grecs une route vers le nord de l'Europe : en reconnaissance de l'appui que leur offre ces petits rois locaux, on offre des cadeaux.

Cette route intéresse les Grecs car ils recherchent l'étain et l'ambre. On a retrouvé ce même genre de présent en suisse, en Allemagne, et... en Suède ! Ceci confirme bien ces réseaux et routes commerciales jusqu'à l'extrême nord de l’Europe.

Marseille se livre donc au commerce de l'étain avec la Bretagne. Dans ce commerce, Marseille rencontre l'hostilité de Carthage, même s'il y a eu présence simultanée de phéniciens de punico-phéniciens et de Grecs : les tensions s’exaspèrent au VIe siècle, comme à Alalia. Le commerce marseillais peut à un certain moment au cours du VIe siècle souffrir de ces conflits.

Ceci expliquerait que les Marseillais ont cherché à installer partout des comptoir de commerce qui peuvent leur servir de relais ou bases d'appuis pour le contrôle de bases commerciales plus ou moins menacées par étrusques et phéniciens.

III) Les autres établissements phocéens

On a sur le fleuve Hérault la ville d'Agde, Agaté en grec, la bonne. C'est selon certaines sources l'établissement le plus ancien établit par les Phocéens, peut être plus ancien que Marseille.

Positon stratégique et intéressante pour les Grecs car peuvent pénétrer facilement dans les Cévennes.

La cité s'étend sur un territoire extrêmement réduit, 4 ha.

Autre cas, Arles, déjà vu (en TD ?)

Antibes, étudiée par Jean Ducat dans un article de 1982. Fondée vers 565, en même temps qu'Alalia.

Antipolis, signifie la cité d'en face. En face de Nikaia ? Nice est en effet à environ 20 km à l'est d’Antibes. Ou bien plus probable, en face de la Corse, en particulier en face d'Alalia.

Pour Ducat, Antipolis est crée dans un endroit très favorable, avec un port naturel protégé coté maritime par deux petits îlots. Cf. situation de Pithécusses, à Ischia.

Antipolis permet, comme à Agde, un accès à l'intérieur des terres, donc favorise le commerce avec les populations locales et en même temps autorise la création d'une chôra, contrairement à Marseille. La région était déjà habitée lorsque les Grecs s'y sont installés et les étrusques commerçaient dans cette zone.

La colonie a été urbanisée dès le VIe siècle sur le modèle de ce qui se passe à Emporion. Les antipolitain vivaient du commerce, de l'artisanat et faisaient travailler les populations indigènes, avec des statuts différents (associés au commerce ou bien exploités, utilisés dans l’intérêt des Grecs.)

Les Antipolitians vivaient aussi de la pèche et de l'agriculture.

Ensuite Nice, fondée à peu près en même temps qu'Antipolis. Le site de Nice est beaucoup moins intéressant que celui d'Antipolis.

Il n'y a pas de port naturel, ce qui peut expliquer que Nice n'a pas été un établissement de premier plan. Le principal avantage rendant compte du choix du lieu par les Grecs est qu'il permet d'accéder à l'arrière pays. Comme Antipolis, Nice appartiendrait à l'emporia massaliote, c'est en tout cas la thèse de Monique Clavel-Lévêque.

Alalia également déjà vu en TD. La Corse est pleine de ressources naturelles (bois, pèche, mines fer/cuivre/argent) et idéalement située entre Étrurie et le delta du Rhône.

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Velia, dernière colonie, centre philosophique et culturel de premier plan en occident. Cette cité grecque de Velia s'est protégée de l'environnement indigène avec des gros remparts et la création de gardes du territoire, ce qui prouve la peur qu'on avait des autochtones.

IV) La péninsule ibérique

A) Les premiers rapports entre Grecs et Ibères.

Dans la littérature grecque tardive (Strabon), on voit des héros grecs se rendre en Espagne : Héraclès, qui a donné son nom à la via Heracleia. On connaît aussi les colonnes d'Hercules. Tendance des Grecs à revendiquer les découvertes de ces régions occidentales, précédant les Phéniciens, ce qui ne correspond pas à la réalité.

Les Grecs de l'époque archaïque connaissaient les côtes orientales et méridionales de l'Ibérie. On a chez Hécatée de Milet des mentions de l'Espagne. On trouve également au VIe siècle un texte relatant un périple qui a été conservé plus ou moins bien dans les poèmes d'un auteur du IVe siècle AC (soit 1000 ans après les faits), Avienus. A propos de ce texte, il y a aujourd'hui des travaux en cours menés par l'université Paul Valéry à Montpellier III.

La région qui a été explorée à l'époque archaïque est celle de Tartessos, qui porte le nom du fleuve Guadalquivir, au sud, sud/ouest de l'Espagne. Ce royaume a eu sa propre civilisation entre 1100 et 500. Cette région a été découverte par les Grecs et Dominguez estime tout à fait plausible la navigation de Grecs archaïque au niveau de Tartessos. On sait pour aller dans ce sens que les Samiens avaient introduit l'alphabet grec en Espagne, au sud, car on a des textes qui datent du Ve siècle qui sont une écriture mixte ibéro-grecque.

On discute aussi des routes maritimes vers Tartessos. Les Grecs ont-ils utilisé la route des Phéniciens, qui longe la rive africaine pour au retour longer les côtes nord de la méditerranée ? C'est une possibilité qui suppose de bonnes relations entre les marins Grecs et les punico-phéniciens. Donc pour aller vers l'ouest on prend la route sud et on revient par le nord. Les Phocéens ont ainsi pu profiter de ces échanges commerciaux dans une région extrêmement riche.

On distingue enfin les zones d'implantation des cités grecques (il y a deux colonies crées par les Grecs, toutes deux au nord/nord-est de l’Espagne) et les zones d'échanges commerciaux qui elles sont beaucoup plus disséminées et éloignées : sur la carte p.3 du fascicule, on a des zones d'intervention grecque au niveau de Huelva ou Medellìn.

La grande région qui intéresse les Grecs est quand même la région côtière orientale de l'Espagne, avec une pénétration dans les terres dans la partie sud-orientale.

B) Les différentes zones de fréquentation des grecques.

Des objets grecs ont été découverts à l’intérieur de la péninsule, comme à Medellìn. Mais, on commence à le savoir, la présence d'objets grecs ne signifie pas présence de Grecs.

Ce sont les côtes qui ont essentiellement intéressé les Grecs. A ce sujet, on note un glissement des centres d’intérêt des Grecs au cours du VIe.

Jusque vers 550/540, les grecs commercent avec le sud/sud-ouest, avec Tartessos. Ensuite, leur centre d’intérêt se déplace vers le nord/nord-est de la côte espagnole au niveau d'Ampurias. Pourquoi un tel changement ? Deux raisons.

Tout d'abord, il semble que les ressources de Tartessos aient été moins intéressantes pour les Grecs dans la seconde moitié du VIe siècle. Peut-être les ressources devenaient moins nombreuses ou la fin de la dynastie du royaume de Tartessos a provoqué une rupture dans les relations entre grecs.

Deuxièmement, les événements de 546/540 : les Grecs se trouvent menacés dans leurs implantations en méditerranée et vont se replier dans cette zone pour se renforcer au nord de l’Espagne.

Huelva constitue le grand port du royaume de Tartessos. Il a d'abord été occupé par des Phéniciens qui ont accueillis des Grecs, des marchands grecs. C'est à peu près analogue à la situation de Gravisca en Étrurie.

Sur place, on travaille le métal, on a découvert des fours pour la combustion des métaux. Mais on ne sait pas qui travaillait ce métal ? Artisans grecs, phéniciens ? Indigènes, pour le compte

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des Grecs, des phéniciens ?

Deuxième fondation plus importante, Emporion : cf. récit de Strabon, III, 4. Emporion est l'établissement grec le plus occidental (dans ce cas j'imagine qu'on ne considère pas Huelva comme un établissement grec).

A Emporion les Grecs cohabitent avec les indigènes. Le site d'Emporion et fondé en deux temps. cf. carte p.4 (du fascicule sur l'Espagne, pas du

fascicule général). D'abord pendant quelques décennies, on trouve une présence phocéenne entre 600 et 570 (on sait pas quand il s’installent exactement) sur une petite île côtière qui aujourd'hui n'est plus une île, la Palaiapolis (l'ancienne ville). Puis, entre 570/540 (plutôt 540, car les Grecs se sentent menacées et viennent à Ampurias se réfugier), ils s'installent sur une deuxième île, Neapolis (nouvelle ville). On a donc deux établissements. Emporion deviendra une polis au cours du IVe siècle : avant, on a deux îles distinctes.

Pour Morel, il ne semble pas que les relations commerciales entre Marseille et Emporion ait été privilégiée ou intense : il n'y a donc pas de soumission à Marseille, ce sont au contraire deux implantations indépendantes et chacune commerce avec sa propre zone. On a donc des Grecs de la diaspora qui viennent d'une même métropole mais qui pourtant ne commercent pas de préférence les uns avec les autres.

Si bien que pour Dominguez on peut considérer Emporion et Massalia comme deux cités sœurs et non pas une cité mère et une cité fille.

Emporion vit de la céréaliculture, de la production du lin et des ressources minières des Pyrénées à proximité (mines d'argent).

Citons une autre installation grecque, plus tardive (Ve siècle), au nord d'Emporion, Rhode (Roses).

Il faudrait ajouter également les Baléares, qui ont été colonisées par les Grecs et notamment Ibiza entre 654 et 600 (avant Massalia!).

On sait également par les Anciens qu'il y avait beaucoup de localités fréquentées par les Grecs sur la côte sud/sud-est de l'Espagne, mais on ne sait pas aujourd'hui situer exactement es établissements qui comprenaient des Grecs, sûrement dans le quart sud-est. Des noms comme Hemeroskopeion ou Mainake reviennent régulièrement dans les sources

Dernier mot, une zone en Espagne qui se développera à l'époque classique hellénistique et romaine est celle située autour de l'Ebre, situé un peu au sud d'Emporion

Conclusion : un mot sur les populations indigènes.

Les Ibères, comme les Ligures, ont développé une civilisation tout à fait autonome, préservée, avec une expression artistique bien particulière. Il n'y a donc pas soumissions à la présence grecque, même si les techniques, les modèles en sculpture et architecture peuvent avoir été introduits par des Grecs.

Les élites locales maîtrisaient les relations commerciales avec les Grecs : c'est vrai en Gaule peut-être plus vrai encore en Espagne. Ce sont ces élites locales qui autorisaient les Grecs à utiliser ou non tel ou tel site ou telle ou telle route terrestre.

Les relations entre Grecs et indigènes ont été bonnes au départ, peut-être pas dans le cas de Marseille. Ce qui est sur c'est qu'elle se sont dégradées rapidement.

Pour les populations indigènes, il faut aussi faire la distinction entre les populations indigènes incluses dans la chôra des cités grecques ou dans les villes grecques elles même et les populations indigènes qui sont au-delà des territoires occupés par les Grecs.

Attention donc à bien distinguer les différents indigènes, du point de vue horizontal (géographique?) et vertical (élite/bas peuple?) !

Chapitre IX : Les contacts avec l'Orient

Les rapports entre Grecs et Orientaux sont très anciens. On a parlé de l'Asie mineure, mais le Levant, plus au sud, est aussi l'objet de contact depuis le IIe millénaire, avec les Mycéniens.

Cependant, il n'y a pas eu, ou très peu, de colonies grecques implantées dans la région du

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Levant à l'époque archaïque. On a plutôt affaire à des comptoirs, des emporia, qui plus est mixtes, avec une minorité de Grecs.

John Boardman dans Les Grecs outre-mer distingue 4 zones du proche orient où les Grecs se sont installés, mais encore une fois à titre de marchands : la Syrie du Nord, la Phénicie ou Palestine, Chypre et l'Anatolie.

Les contacts noués entre Grecs et orientaux sont à la fois commerciaux et culturels, avec des Phéniciens mais pas seulement : les Grecs ont emprunté un certain nombre d'éléments culturels aux orientaux (banquet, manger coucher, monnaie, alphabet ; peut-être également un modèle architectural de temples circulaires, la tolos, peut-être d'origine babylonienne). Dans l'autre sens, la tombe de Cyrus II édifiée à Pasargades en 529 emprunte aux canons grecs.

Les sources pour étudier cette période sont essentiellement archéologiques. On a quelques textes littéraires dont Hérodote dans le livre 3.

I) Le comptoir d'Al-Mina

Al-Mina est sans aucun doute l'établissement grec levantin le plus connu (ou en fait le plus méconnu) ; en tout cas le plus souvent cité, car c'est un site qui a été largement fouillé, étudié et on y a retrouvé une très grande quantité de céramique, en particulier grecque.

A) La situation d'Al-Mina et ses ressources

Carte p.7.Al-Mina se trouve à l'embouchure du fleuve Oronte en Syrie. C'est donc une position

commerciale intéressante car elle est à la fois tournée vers la mer et à l'intérieur des Terres. Al-Mina signifie le port. Aujourd'hui, il est situé tout près de Tripoli. C'est une place

intéressante pour les Grecs qui recherchaient dans cette zone la pourpre et le bois précieux du Liban (Cèdre). Elle a ainsi été surnommé la Porte de l'Orient par les grecs.

B) Chronologie de l'occupation

Des populations grecques sont présentes à Al-mina dès le XIe siècle, plutôt vers la fin, vers 825. Elle aurait été fondée comme emporion entre 850 et 725 selon l'estimation très large de Jacques Perreault.

Le site est extrêmement difficile à fouiller : 10 niveaux repérés avec de très nombreuses discussions pour la datation. Le dernier niveau daterait de 825 et marquerait l'installation des Grecs sur cette zone.

Ce site a été en fonction jusqu'à la fin du IVe siècle, avec une courte période d'abandon entre 600 et 575.

C) Qui peuple Al-Mina ?

Al-Mina est-il un site ou un port grec ?

Les historiens et les archéologues ont longtemps présentés Al-Mina comme une création grecque, même comme une colonie grecque. Cette tradition remonte à la découverte du site par Léonard Wooley en 1936-1937.

Les arguments existaient : on a trouvé la trace à Al-Mina de populations eubéenne venant de Chalcis et Érétrie, qui se définissaient comme des Ioniens. L'Eubée était en effet peuplée en partie d'Ioniens. Ce site servit comme port principal de commerce pour les Grecs en Orient entre 800 et 600.

D'autre part, on a découvert des coupes eubéennes datant du milieu du VIIIe à Al-Mina. La découverte de ces coupes a fait dire à Léonard Wooley qu'il y avait là beaucoup de marchands grecs qui se seraient installés dans un centre qui s’appelle Posidéion, qui selon l'interprétation de Wooley, serait un autre nom d'Al-Mina.

Si on regarde chez Hérodote III, 91, on découvre effectivement que c'est un Grec, un certain Amphilochos, qui a fondé Posidéion, dans des temps héroïques, soit avant le VIIIe siècle. Amphilochos est un héros mythologique grec, un des prétendants d'Hélène (au moins 1180 BC). On aurait là le schéma de la colonisation de la fin du IIe millénaire telle qu'elle a pu exister en Asie mineure. Cet Amphilochos aurait également été avec un certain Mopsos le cofondateur d'une cité

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située un peu plus au nord qu'Al-Mina, dans la région de la Cilicie, la cité de Mallos. Cette tradition est aujourd'hui combattue.

En fait, on pense plutôt que c'est plutôt un site phénicien, que les Phéniciens étaient majoritaires à Al-Mina. 6 arguments :

l'architecture : les dernières découvertes montrent que l'habitat n'était pas exclusivement commercial. Il n'y a pas que des ateliers, mais aussi un habitat domestique : c'est donc un lieu de transit mais aussi d'habitation. Or, quand on regarde les maisons d'habitation, leur architecture n'est pas grecque mais orientale, l'ordre présidant à ces constructions étant un ordre phénicien ou chyprio-levantin. Ceci fait dire que ce sont donc des levantins qui ont fondée ou développé Al-Mina.

A.J. Grahamm note qu'il n'y a pas de trace d'installation durable des Grecs car on a pas retrouvé de tombe ni de culte typiquement grec. Ces arguments in absentia sont discutables : on en a pas retrouvé ne veut pas dire que ça n'existait pas : cf. Oblia.

la céramique : la céramologie va dans ce même sens qui attribue aux phéniciens la création d'Al-Mina. On a retrouvé des coupes eubéennes à Al-mina mais elles sont nettement moins nombreuses que la vaisselle de type chypriote et locale. En outre, ces céramiques datent essentiellement du VIe siècle et non pas de la fin du IXe, ce qui signifierait que les Grecs soient venus après coup.

On a retrouve des inscriptions grecques à Al-Mina mais elles sont tardives, datant de l'époque classique, et sont le plus souvent au milieu d'inscriptions écrite en Phénicien. Même quand elles sont écrites en grecques sur des vases, cela ne prouve pas le caractère grec d'Al-Mina : inscription a peut-être été faite avant l'arrivée du vase à al-mina.

Posidéion ne serait pas Al-Mina mais une localité plus au sud, Ras al-Bassit.Il faut d'une façon beaucoup plus générale prendre en compte les mouvements migratoires des

Phéniciens. Il y a une expansion marchande phénicienne vers le nord donc pas étonnant que ce soit une création phénicienne.

D) Le statut d'Al-Mina

Ce n'est donc pas un comptoir mais une fondation phénicienne avec résidents Grecs. Selon Rigdway, Al-Mina aurait été un grand port de commerce ouvert à de nombreux établissements locaux, par exemple l'établissement grec situé au sud d'Al-Mina (Ras al-Bassit ?). Mais dans tous les cas, il n'aurait pas été contrôlé par les Grecs.

II) Tell Soukas

Site habité par les Grecs entre 850 et 675, où ils étaient en cohabitation avec les Phéniciens. Après 675, il semble que les Grecs sont plus nombreux et qu'ils dominent même l'établissement jusqu'au moment de la révolte d'Aristagoras, au tout début du Ve siècle.

Durant cette période, les Grecs bâtissent des temples pour honorer leurs dieux et appliquer leurs marques culturelles dans la région. La encore, l'idée que les grecs bâtissent des temples pour marquer leur culture est de plus en plus contestée. On s'aperçoit que ces temples sont aussi de type phéniciens et pas seulement grecs.

Il y a un grand débat à propos des tuiles : on a retrouvé des tuiles typiquement grecques, avec des inscriptions en caractère grecs. On a retrouvé sur une tuile le moi Kai (et) et des inscriptions religieuses en Grec en l'honneur d'Hélios. On avait donc considéré avoir affaire à des temples typiquement grecs.

Mais maintenant on considère que les Grecs n'ont été qu'associés à la construction des temples, ou plutôt à la reconstruction/entretien de ces temples après 675, quand ils sont majoritaires.

On a donc pas affaire ici à une colonisation grecque mais à une pénétration très progressive parmis la population levantine.

III) Chypre

Les travaux sont extrêmement nombreux : cf. les travaux de Jean Pouilloux, Marguerite Yon

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et Vassos Karageorghis, Les anciens Chypriotes. Entre Orient et Occident, 1991.

Chypre est une île idéalement située dans le bassin oriental de la méditerranée. Sa position fait qu'elle était un carrefour de peuple. Elle est vite l'île d’Aphrodite car la déesse de l'amour serait surgi des flots à Paphos (cf. Théogonie d'Hésiode).

Chypre est une île très riche en ressource naturelles, en bois, en foret et en cuivre. Couverte de montagne, elle est aussi riche en gibier.

Ceci explique qu'elle a connu beaucoup de vicissitudes au cours du Ier siècle.

Il y a une dizaine de petits royaumes sur cette petite île, ce qui fait qu'on a un caractère très hétérogène sur le plan politique. On retrouve cette hétérogénéité sur le plan culturel, quand certains royaumes se retournent vers les Grecs, d'autre chez les Phéniciens. En tout cas elle ne constitue pas un ensemble homogène.

Parmi les principaux royaumes, sur la côte sud/sud-est on trouve Salamine (de Chypre). Au sud-ouest, le royaume de Kition, d’obédience phénicienne.

Parmi les vicissitudes citées, Chypre a été conquise par un roi d'Assyrie, Sargon II, en 709. A la fin du VIIIe, les rois locaux de Chypre, au nombre de 10, sont placés sous la souveraineté du roi assyrien.

Chypre est soumise aux Assyriens jusque vers 560. La première étape dans la chute de l'influence assyrienne date de 612 avec la destruction de Ninive.

Ensuite, les Égyptiens avec Amasis, occupent Chypre. Ce contrôle égyptien se maintient très peu de temps, jusque vers 545.

Ensuite, les Perses de Cyrus soumettent l'île de Chypre, que le roi Darius intègre dans une des satrapies, même si la domination perse est relativement douce.

La présence perse perdure jusqu'à l'expédition d'Alexandre, soit un peu plus de 200 ans après.

Cependant, quelques cités de Chypre se sont libérées, affranchies, de la domination perse avant l'arrivée d'Alexandre : c'est le cas de Salamine de Chypre qui mène une guerre de libération à la fin du Ve siècle et au début du IVe.

Les Grecs, depuis au moins l'époque mycénienne sont présents à Chypre pour des raisons marchandes, puisque Chypre sert de relais entre Al-Mina et l'occident.

La tradition homérique veut également que des héros de la guerre de Troie aient fondé des cités lors de leur retour en Grèce. C'est justement le cas de Salamine qui aurait été fondé par un certain Télamon.

Quelles sont les cultures présentes à Chypre ?

Les Phéniciens sont extrêmement actifs puisqu'ils ont fondé Kition, mais la culture qui se développe à Chypre est une culture mixte gréco-phénicienne (quand ça va bien) ou alors opposition entre les cultures grecques et phéniciennes (quand ça va mal).

Par exemple sur le plan religieux, on a des temples qui honorent des divinités doubles Astarté-Aphrodite ou Melqart-Héraklès (comme il y a Ball-Apollon ailleurs). Il y a dans les même temples des cultures religieuses différentes, mais ce n'est pas une véritable syncrétisme, chaque divinité gardant leur nom.

A partir du VIe siècle se développe à Chypre une conscience hellénique due à différents contacts entre des Chypriotes et des Grecs. Parmi ces contacts, il faut mentionner le voyage de Solon, qui après avoir quitté son mandat, a voyagé en Égypte et s'est arrêté à Chypre. Cet événement du séjour de Solon à Chypre est refusé par certains historiens aujourd'hui, Karageorghis en tête, qui estime que chronologiquement Solon n'a pas pu discuter avec untel ou untel à Chypre comme cela est raconté.

Quoiqu'il en soit, à la fin du VIe siècle, dans des citées comme Salamine, l'influence grecque est devenue prédominante dans tous les aspects de la vie quotidienne et de la culture.

Jusqu'au VIe siècle, Salamine aurait d'abord été tourné vers l'Orient, selon la théorie de Pouilloux, qui va un peu contre l’historiographie classique, la doxa). Disons que Salamine a une double-culture chronologiquement : orientale d'abord, puis grecque. Cette double orientation expliquerait la pratique d'un art original à Chypre, art faisant intervenir des techniques grecques et

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des motifs orientaux, le tout servi par un style particulier à Chypre : un expert en art dira tout de suite que telle coupe a été produite à Chypre et non pas en Attique.

Le rapport à la Grèce et non plus à l'orient se confirme à la fin de l'époque archaïque et plus encore à l'époque classique.

Il y a des liens militaires, diplomatiques établis entre les rois de Salamine et Athènes. Parmi les rois de Salamine, on retient les noms de Evagoras et son fils Nicoclès, à la fin du

Ve siècle et au IVe siècle. Ces liens se traduisent par des honneurs que les Athéniens rendent au roi de Salamine.

Par exemple, une inscription IGA313 (IGA3 113 ?) nous indique que les Athéniens ont accordé au roi Evagoras et à ces descendant la citoyenneté athénienne : alliance diplomatique durable. Ce décret honorifique se situe en 404/405, au moment ou les rois se dégagent résolument des Phéniciens pour se tourner vers les Grecs.

Au moment des guerres d'indépendances on voit des cités chypriotes se faire la guerre, Kition voulant rester sous influence phénicienne et Salamine voulant rejoindre le giron de la Grèce.

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Chapitre X - Les Grecs et l'Afrique

L’Afrique est un terme anachronique non employé par les Grecs, qui parlaient de la Cyrénaïque, de la Libye, etc.

I) Grecs et Égyptiens

A) Les Grecs et la culture égyptienne

Au VIe siècle, on assiste à une vague d'Égyptomanie chez les Grecs, encouragés par la réussite dans beaucoup de domaines des égyptiens, connu par des savants qui voyagent, des mercenaires grecs, rapportant ce qu'ils ont vu des merveilles égyptienne.

La dernière phase de la grandeur égyptienne se situe justement au VIe siècle, juste après la chute de Ninive et avant l'arrivée des perses (612/525).

Les Grecs empruntent leur modèle culturels aux égyptiens, mais il est difficile de savoir s'ils viennent directement d’Égypte ou s'ils ont transité par le levant/Asie mineure. Cf. Martin Bernal, Black Athena, qui explique le débat.

Se développe en Égypte une culture typiquement égyptienne, jalouse de sa tradition, et une culture grecque beaucoup plus timide, qui est tolérée en certains endroits mais qui n'arrive pas à s'imposer.

On assiste parfois à des créations mixtes, à l’émergence d'un certain art gréco-égyptien, comme la stèle funéraire d'Abousir.

C'est une stèle de 500m environ, d'ailleurs présentée dans Les Grecs Outre-Mer de Boardman. Il s'agit d'une pierre tombale de type grecque avec une inscription qu'on a d'abord cru grecque ionienne mais en fait carienne (certes, les Cariens se sont hellénisés au contact des grecs). Il y a donc une relative hellénisation.

Mais cette pierre tombale présente des éléments typiquement égyptiens : par exemple au sommet de la pierre, on a un motif de disque solaire ailé. On a aussi Uræus, le cobra, le serpent qui figure sur des représentations des Pharaons.

On sait aussi que les artisans grecs installés en Égypte on copié des productions comme des récipients. Même chose pour les kouroi, ces statues hiératiques de l'époque archaïque qui sont inscrites sur le modèle des grandes statues majestueuses égyptiennes.

B) Les contacts entre Grecs et Egyptiens

Hérodote livre II, Socrate, Strabon livre XVII parlent des contacts entre Grecs et Égyptiens, continus à partir du VIIIe siècle.

Les Grecs recherchent un certain nombre de produits propres à l’Égypte comme le lin, le papyrus, l'ivoire ou les céréale. En échange, ils apportaient l'argent sous forme de métal.

Ces contact sont d’autant plus réguliers que des Pharaons recrutent de plus en plus de mercenaires grecs. Par exemple sous Apriès, on compte en Égypte environ 30 000 mercenaires grecs et cariens. Ils appartiennent aux troupes d'élites ou peuvent figurer parmi les rameurs de la flotte égyptienne.

Hormis ces mercenaires et quelques visiteurs de prestige comme Solon, les autres Grecs sont assez mal accueillis en Égypte. Il y a une certaine fermeture du peuple égyptien face à l'arrivée des Grecs.

II) Le cas de NaucratisAlain Bresson, « Rhodes, l'Hellénion et le statut de Naucratis (VIe-IVe siècle a.C.) » in  Dialogues d'histoire ancienne, n°6, 1980.  http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1980_num_6_1_1414

A) La localisation de Naucratis

Elle est située dans le delta du Nil, à 75 km à l'intérieur des terres. Ce site de Naucratis est connu aujourd'hui grâce à des fouilles britanniques conduites depuis le XIXe siècle.

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Cette région apparaît déjà dans l'Odyssée, Ulysse prétendant avoir fait un rêve en Égypte.

B) Les Grecs à Naucratis

1/ Le statut de Naucratis.

Le nom de Naucratis a une signification au grec : naus = navire, cratos = la force. Victoire navale ou force du navire donc.

Mot qui peut avoir une résonance grecque mais qui est aussi égyptien : Naucratis ou naucratès signifie en égyptien la ville de Cratès. On a déjà vu cette question de l'étymologie multiple avec Pithécusses, on pourra le revoir avec Olbia.

Les Grecs s'installent à Naucratis à partir de la fin du VIIe siècle. Il nous faut distinguer deux types de Grecs : les résidents et les Grecs de passage.

Bresson se pose la question du statut des résidents fixes grecs : forment-ils une véritable cité ou non ? Question très longuement débattue

Pour Bresson , elle n'est pas une cité avant le IVe siècle : il y a une évolution vers la cité mais l'évolution est très lente.

On objecte qu'Hérodote parle d'une polis pour Naucratis, soit une cité en grecque. Réponse de Bresson : le mot Polis, chez Hérodote, peut signifier tout simplement ville, ou même à l'époque archaïque on trouve polis pour désigner l'acropole, et non pas une cité état archaïque. On peut donc dire que Naucratis est une polis mais pas une cité.

Ce qui va contre l'idée de la cité, c'est qu'elle est entièrement soumise au pharaon, qui accorde des terres aux grecs résidant sur son territoire. Cela est vrai à l'époque archaïque et ça se prolonge à l'époque classique : cf. Stèle de Nectanébo (IVe) ou l'on voit que le pharaon octroie lui même des terres aux Grecs. Cela ne serait pas envisageable si Naucratis était une vraie cité indépendante grecque. Ce n'est donc pas une cité.

Autre élément allant dans ce sens,l'urbanisation : pour autant qu'on la connaisse, elle a du être au départ extrêmement rudimentaire, avec des petites maisons sans confort : les Grecs n'ont pas investis le territoire pour y développer une grande ville, l'espace occupé étant estimée à une dizaine d'hectares seulement à la fin du VIe siècle. Il y aurait peut-être 15 000 grecs y résidant.

Si Naucratis n'est pas une cité, qu'est-ce ?

2/ Un port de commerce grec sous contrôle égyptien.

Selon Claude Baurain, le pharaon Amasis, qui a régné entre 570 et 526, a autorisé en 560 les Grecs venus de Milet et d'autres cités grecques, ainsi que les Cariens, à s'installer à Naucratis. Pourquoi ?

D'abord, c'était pour éviter la diaspora des Grecs dans toute l’Égypte. Si Amasis a autorisé les grecs à s’installer, c'est aussi pour diversifier les partenaires

commerciaux de l’Égypte, qui était jusque là beaucoup trop dépendante des Phéniciens.

Lorsqu'Amasis intervient en 560, les Grecs étaient déjà installé en Égypte, à Naucratis en particulier, qui était avant 560 un port de commerce établi entre 2 peuples et 2 cultures très différentes, Égyptiens et Grecs.

Ce port de commerce a été crée à la fin du VIIe à l'initiative d'une série de commerçant venu de 9 cités grecques, d'Asie mineure : Milet principalement, mais aussi des îles de la mer Égée et d'Égine tout près d'Athènes.

Ils aménagent un sanctuaire panhellénique qui représente les dieux et les épiclèses des 3 composantes majeures du peuple grec, les ioniens, les doriens et les éoliens. Ce sanctuaire s’appelle l'Hellénion.

Cet Hellénion et le port sont administrés par des prostatai, représentants des neufs cités grecques à l'origine de l’établissement. Ces représentants sont nommés par les cités elles-même, ce qui signifie qu'on a une intervention des cités de départ dans la gestion de l'Hellénion et du port de commerce. Ces prostatai sont en poste pour quelques temps le ports de Naucratis, qui est ouvert à tous les Grecs, pas seulement aux membres de l'Hellénion.

Ceci fait que Naucratis est un port crée par 9 cités, gérés par 9 cités, mais ouvert à toute la communauté grecque. Ainsi un négociant de Syracuse intervient à Naucratis.

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L’Égypte a connu juste avant Amasis une période de troubles politiques et militaires : Amasis doit donc reprendre le contrôle des droits de douanes dans la région du delta du Nil. Il faut donc réorganiser en un seul territoire très limité pour que les égyptiens magistrats contrôlent tout.

Ce contrôle égyptien est très strict : les navires grecs n'ont pas le droit d'accoster ailleurs qu'à Naucratis, sinon ils doivent le justifier (tempête, avarie) et doivent faire transborder leur marchandise à Naucratis sous peine d'amende.

C'est à partir de ce moment qu'Amasis accord le droit aux grecs non seulement de résider mais aussi de commercer avec monopole. En terme juridique, on dirait qu'Amasis octroi la concession du territoire du Naucratis, ou plutôt une partie : les Grecs vivent en communauté fermée dans le nord de Naucratis, les égyptiens dans le sud.

Il y a très peu d'ouverture sur les deux cultures. Refus du mariage mixte qui s'observe dans la pratique et sera formalisé par une loi à l'époque d'Alexandre.

Pour résumer, Bresson caractérise l'attitude des égyptiens de tolérante et de fermée à la fois.

3/ Les activités

Elles sont avant tout marchandes (exportation de papyrus, de toute sorte de plante à vertu pharmaceutique, de peaux plus ou moins exotiques, de produits arabes ou orientaux, textile de lin).

Les Grecs ont pu s'installer en dehors de Naucratis mais pas pour faire du commerce : à Daphnée, à l'est du delta du Nil, on trouve des mercenaires. Et l'oasis des Bienheureux.

III) La Libye

Cf. les travaux d'André Laronde ou François Chamoux, Cyrène et la monarchie des Battiades.

A) Cyrène

Cyrène est un nom libyen, Kira, hellénisé par les Grecs en le rattachant au nom d'une nymphe, Cyrène.

Elle est située sur la zone côtière qui est aujourd’hui la côte de Libye. Cyrène se trouve à l'ouest de l’Égypte, à 2 jours et 2 nuits de navigation de la Crète. Elle est à l’intérieur des terres, sur un petit plateau de 600 mètres d'altitude maximal, ce qui peut constituer une sorte d'acropole.

La pluviométrie est intéressante. Elle se distingue ainsi très nettement de l’Égypte qui ne doit son arrosage qu'à la crue du Nil.

Cyrène dispose d'un port qui sera Apollonia, qui se développe autour de 600. La zone cultivable est relativement grande, s'étendant une cinquantaine de km à l’intérieur

des terres jusqu'à la zone désertique. Toute la côte est fertile avec une culture en terrasse, ce que décrit Strabon, qui parle également d'élevage (mouton, chevaux) en plus de la culture de la vigne, de l'olivier, de fruits, de légumes. Ceci fait de Cyrène une forme de pays de l'âge d'or, avec une production agricole qui courre sur les ¾ de l'année.

Théra fonde Cyrène en 631 selon la date fournie par les chronographes antiques, en particulier Ératosthène de Cyrène.

Cette fondation est racontée dans de très nombreuses sources littéraires : par exemple au Ve siècle Pindare dans les Pythiques (4e, 5e, 9e) ou Callimaque, poète de Cyrène du IIIe siècle BC, dans l'hymne à Apollon.

On trouve aussi le récit in extenso chez Hérodote. Le problème avec ces sources c'est que ce sont des Grecs qui parlent d'eux même et ne parlent pas des indigène, on a donc un point de vue très partisan.

Le récit de la fondation : Hérodote donne la version des Théreens et la version des Cyrénéens. Pour la question du

mythe, cf Claude Calame, Mythe et Histoire, 1996.Le roi de Théra, Grinos, consulte l'oracle de Delphes et désigne un certain Battos, pour aller

fonder une colonie en Afrique. Cette consultation et ce départ sont dus à la sécheresse et à la famine qui sévissent depuis plusieurs années à Théra. Ménéclès de Barca écrit cependant que ce seraient les conflits internes qui auraient provoqués le départ des colons.

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Théra envoie des colons à raison d'un fils par famille Avec l'aide d'un pécheur de murex crétois, Corobios, les colons s'installent sur l'île de Platéa, qu'on ne sait pas localiser précisément, mais que Chamoux place à l'est de Cyrène, dans le golfe de Bomba.

Deux 2 ans après, période de réussite ou d'échec, Battos laisse Corobios à Platéa et s'établit à Asiris, sur le continent.

Battos se heurte d'abord à l'hostilité des berbères puis fonde une royauté.

B) Le nom Battos.

Battos signifie en grec celui qui béguait. Démosthène se faisait traiter de batallos, petit bègue, ou derrière (cul). Battos n'est donc pas un terme mélioratif.

Cependant, ce même mot Battos signifie en Libyen le roi. Ce passage d'un identifiant négatif à un positif, le roi est très bien montré par Claude Calame.

L'évolution se fait de façon assez miraculeuse : en effet, de bègue il devient roi, doté d'une voie de Stentor, très puissante. Cela survient au moment d'une chasse au lion : devant le danger, il peut crier et s'exprimer normalement.

A partir de là, Battos change de nom et prend le titre d'Aristotélès.

C) Qui sont les véritables fondateurs ?

Ce ne sont pas seulement les Théreens. D'autres peuples s'y mêlent, comme des Crétois et des gens de Samos.

Peut-être et surtout des Lacédémoniens. D'abord, Théra aurait été fondé par un groupe de Lacédémoniens conduits il est vrai par un Thébain, qui s'appelait Théras, d'où le nom de Théra.

Les Spartiates cherchent alors à s'attribuer le meilleur rôle dans la fondation de Cyrène, qu'ils vont considérer comme colonie de colonie. On a ainsi retrouvé en Libye une quantité de vases spartiates.

Ensuite est établit un culte, celui de Zeus Lykaïos, culte d'origine lacédémonienne, avec l'édification d'un temple monumental à ce Zeus.

Lorsque la royauté de Cyrène est en grande difficulté, on fait appel à un législateur étranger qui vient de Mantiné, Démonax. Ce Démonax a crée dans le corps civique de Cyrène une tribu péloponnésienne, ce qui va dans le sens d'une action des Spartiates.

Sur le plan démographique, on a que des estimations mais on peut dire que la population s'est développé très rapidement après la fondation.

Sous le règne d'Arcésilas II, au milieu du VIe, soit au moment de conflits, de guerres, on apprend qu'il y a 7000 hoplites de Cyrène morts au combat.

On peut ainsi estimer la population à 30 ou 40 000 Grecs, mais ce n'est vraiment qu'une estimation.

D) La monarchie des Battiades

On a ici le cas unique d'une dynastie qui a duré à partir de la fondation d'une colonie.Chamoux explique cela très bien en soulignant l'alternance des noms des rois, qui s'appellent soit Battos soit Arcésilas.

Battos aurait régné pendant 40 ans, ce qui veut dire que la colonie fonctionne. Il était le fils d'un Théréen et d'une concubine crétoise, donc une sorte de bâtard. On voit encore l'importance de la Crète, due à sa situation intermédiaire entre l’Égypte et la Grèce continentale.

Succède à ce Battos Arcésilas Ier qui règne près de 16 ans  en additionnant les deux règnes, on a plus d'un demi siècle de stabilité politique, avec une première vague d'émigrants et des mariages mixtes avec la population locale, auquel Hérodote (IV, 186) fait référence.

Battos II règne vers 580 ; il est surnommé l’Heureux car la cité de Cyrène aurait été prospère sous son règne.

Il fait appel à de nouveaux immigrants à qui il promet un lopin de terre pris sur le territoire indigène.

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Cela irrite évidemment les populations locales ; Libyens et Égyptiens livrent une vraie guerre contre Battos II. Ce dernier l’emporte et consolide son royaume (développement de l’agriculture et de l’élevage).

Arcésilas II règne vers 570 et c’est sous son pouvoir qu’éclatent les grandes querelles dynastiques ; il entre en lutte contre ses propres frères, lesquels entrent en dissidence et partent fonder Barcê, ville à l’ouest de Cyrène.

Ses frères essaient de soulever les Libyens contre Arcésilas II en prenant argument du monopole qu’exerce Cyrène sur le silphium, plante très précieuse commercialisée par le roi grec : les populations locales sont flouées (cette plante est endémique à la région et elles n’en profitent pas).

On a des représentations comme la coupe d’Arcésilas retrouvée en Étrurie, où le roi est assis et semble présider à la pesée du silphion avant sa vente ou son exportation. On a aussi des monnaies où figurent des tiges de cette plante relativement mystérieuse même si elle est décrite par les savants de l’antiquité comme la panacée, soit le remède à tous les maux. Au-delà de cet usage médicinal, la plante avait un usage alimentaire ; elle sert de plante aromatique et ses racines crues étaient mangées (comme les radis aujourd’hui).

Il y a donc un affrontement en germe… Les Libyens écrasent les troupes grecques d’Arcésilas ; c’est la première grande défaite des colons, dans le désert, près de Cyrène. Le sort du roi est peu glorieux : Arcésilas II est étouffé par Léonkos, un de ses frères, lui-même assassiné ensuite par la veuve d’Arcésilas II, sa belle-sœur.

Comme chez les Atrides, la tradition ne se perd pas chez les Grecs… Le roi qui succède à Arcésilas II est Battos III, Battos le Boiteux. Il a un rôle positif puisqu’une règle quasi absolue dans l’antiquité veut qu’on ait un handicap physique si on brille politiquement.

Il renforce la vie politique de Cyrène après ces désordres (réforme morale et politique à mettre en œuvre).

Il fait venir sur recommandation de la pythie de Delphes le fameux Démonax de Mantinée, arbitre législateur extérieur venu calmer le jeu. Démonax met en place une Constitution et réorganise les tribus doriennes selon l’origine géographique des habitants.

Il forme 3 groupes. Le premier est celui des Anciens qui sont les Théréens et les périèques (ceux qui habitent

autour). Il y a aussi les Péloponnésiens et les Crétois (composition exclusivement dorienne).Et enfin les gens des îles (parmi les colons se trouvent aussi des insulaires des Cyclades hors

Théra). Démonax crée aussi des magistrats pris parmi les citoyens ; ils ont une fonction politique et

militaire. Il y a un glissement puisqu’il n’y a plus seulement des attributions au roi. Mais ne sont

concernés que les citoyens de la première classe seulement ; il y a donc un glissement d’une royauté pure vers une aristocratie ou une oligarchie, mais pas une démocratie.

Les pouvoirs du roi sont limités à la religion et à l’éponymat (fait de donner son nom à l’année, ce qui est très prestigieux) ; c’est comme à Athènes au début du VIème siècle avec les 3 premiers archontes. Les rois gardent leurs privilèges sans exercer de rôle politique.

Arcésilas III règne vers 525 ; il refuse les réformes de son père Battos dans un premier temps car il voudrait recouvrer des pouvoirs politiques.

Il se réfugie à Samos où il se constitue une troupe pour revenir et faire un coup de force sur Cyrène. Il chasse les oligarques et s’engage une guerre civile. Il agit comme les tyrans à l’oeuvre au VIème siècle. Il s’appuie sur le peuple à qui il promet un partage des terres ; cela contredit donc le modèle du partage le plus égalitaire des terres (cf Platon, Les Lois).

Cyrène s’oriente vers la tyrannie et les proscriptions ; les opposants sont exilés à Barcê. Ils y fomentent un complot contre Arcésilas III et l’assassinent. Pour Hérodote ce tyrannicide est normal : c’est le sort attendu pour tout tyran.

Lui succède Battos IV, entre 510 et 470. Son règne s’accompagne (d’un retour) de la prospérité de Cyrène. La monnaie fait son retour et est construit le grand temple de Zeus.

Mais ce n’est pas associé à une indépendance politique ; la ville est dominée par les Perses après la conquête de l’Égypte par Cambyse en 525.

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La domination des Perses est relativement bien acceptée à Cyrène. On dit même aujourd’hui que les Battiades eux-mêmes auraient souhaitée cette autorité militaire supérieure leur permettant de contrôler les populations. La région de Cyrène est assimilée à une satrapie.

En revanche Barcê supporte mal cette tutelle ; elle se révolte mais échoue. Les Perses interviennent pour rétablir l’ordre.

Les Perses étaient intéressés par les ressources de cette Cyrénaïque (argument économique tacite derrière la guerre ?) ; il s’agissait aussi de faire le lien avec les Phéniciens à Carthage.

Jusqu’après 480 (bataille de Salamine), les Perses restent ; ensuite Cyrène ne paie plus de tribut aux Perses. Elle est indépendante de fait.

Il y a alors une unification politique de la région (plus de guerre entre Cyrène et Barcê).

Le dernier roi de cette dynastie qui est Arcésilas IV est assassiné par les habitants de Cyrène en 439.

On a une histoire un peu chaotique mais une dynastie royale unique dans une colonie grecque qui dure près de 200 ans et connaît des vicissitudes et malgré tout se renforce, flirtant dangereusement avec la tyrannie.

E) Les activités des Grecs en Libye

Cyrène a été la colonie la plus prospère en Libye ; d’où le nom repris par les Romains, qui baptisent la région « Cyrénaïque ».

La progression du peuplement s’est faite est-ouest. Tauchira a été fondée très peu de temps après Cyrène.

Barca ou Barcê se situe à 40 km avec Tolmeta comme port. Tout à l’ouest on trouve la localité d’Euhespéridès dans le Golfe de la Grande Syrte. Cet

établissement est d’un intérêt mineur pour les Grecs ; c’est le point ultime occidental en Afrique atteint par les Grecs (crainte de se heurter aux intérêts punico-phénico-carthaginois). Aujourd’hui il s’agit de Benghazi.

Chapitre XI - Le Nord Égée et la Mer Noire

Introduction

Les Grecs auraient cherché dans le nord des terres à cultiver et des lieux leur permettant de s’avancer à l’intérieur du continent (Bulgarie, Roumanie, Ukraine avec le Crimée, Russie, Géorgie…).

Cette pénétration dans le continent se fait grâce aux grands fleuves comme le Danube, le Dniestr, le Dniepr, le Don ou encore le Boug.

On a très peu de sources écrites pour ces régions. Les sources littéraires sont tardives. C’est Hérodote, dans le livre IV. On a aussi des infos

chez le pseudo-Skymnos, au Ier siècle BC. On a aussi Strabon dans les livres X et XI. Au IVe siècle AC, on a également Eusèbe.

L’archéologie est plus prolixe mais le problème est que des zones entières en Mer Noire sont aujourd'hui submergées. Le tracé des côtes a été largement modifié depuis l'Antiquité : le niveau de la mer a monté d’environ 10m et beaucoup d’habitats grecs ont été engloutis. On sait qu’il existait des implantations grecs en Colchide, mais on est incapable de les situer. La côte au niveau d’Olbia a reculé d’environ 400 ou 500 m par rapport à aujourd'hui.

Les fouilles archéologiques sont dues à des Russes, des Roumains, etc.

I) Le Nord Égée

A) La côte Thrace et la Macédoine

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carte p.7

La colonisation de la triple péninsule du nord-ouest de la mer Égée a été le fait des Eubéens de Chalcis, d'où le nom de Chalcidique.

Parmi les localités : Toronè, Mendè, Skionè. Il faut ajouter une colonie en dehors de la Chalcidique, au sud de la Macédoine, Méthonè fondée par Érétrie. Ces fondations ont lieu au VIIIe siècle.

On a également la fondation et la refondation d'Abdère, sur la côte du continent Thrace, à l'est de Thasos. Abdère est fondée vers 650 par la cité de Clazomènes, en Asie mineure. Récit de fondation chez Hérodote, I, 168. Cette colonie d'Abdère est refondée 100 ans plus tard par une autre cité d'Asie mineure, la cité de Téos.

Pourquoi une refondation ? Selon Olivier Mariaud dans une analyse de 2009 : les peuples Thraces auraient combattu les premiers grecs installés à Abdère. En effet, près des corps on a retrouvés des pointes de flèches. Ces attaques ont découragés les premiers grecs, rentrés chez eux et relayés par les Téiens, venus en force en raison de l'accueil hostile.

Lorsqu'ils arrivent, ils se comportent différemment : ils pratiquent leur propre culture d'Asie mineure alors que les premiers migrants avaient en partie adopté les mœurs locales. Pourquoi une telle différence ? Peut-être les circonstances font qu'ils se replient sur eux. Autre explication : on peut admettre que la première implantation, n'était pas une apoikia mais une implantation de Grecs voulue par un individu, et non pas par la cité de Tasomène. Cet individu est nommé Timésios par Hérodote d'ailleurs.

Dans le deuxième temps, on a une fondation tout à fait classique avec des moyens donnés aux colons de se défendre. En outre, dans le cadre de l'apoikia, les Grecs emportent leurs objets de culte et maintiennent leurs rites.

Il faut également dans cette région parler des emporion crées par des Ioniens. Exemple, Thermi au VIIIe ou plus tard, à la fin du VIIe siècle, Potidée, au bout de la première phalange de la Chalcidique.

Cette région du nord Égée intéresse sur le plan commercial les Grecs car extrêmement riche : les forêts de Thrace, les mines d'or et d'argent du mont Pangée. Cela explique ces initiatives.

La présence de ces commerçants négociants grecs fait que des régions entières comme la macédoine ont été marquée, en partie, par les cultures grecques, plus exactement par la culture gréco-orientale, surtout à la fin de l'époque archaïque, après 550. Avant, les influences en Macédoine sont plutôt Grecques venues des Cyclades ou de Corinthe.

Ainsi, la céramique produite en macédoine épouse les modèles de la céramique ionienne. Autre élément, les sépultures sont de types grecs orientales : inhumation dans des sarcophages de terre cuite, qui sont produits sur place et ne sons pas importés d'Asie mineure.

Il y avait donc des artisans d'origine gréco-orientale capable de les fabriquer, ou des artisans locaux formés aux techniques et modèles grecs d'Asie mineure.

Autre argument, les inscriptions : on a retrouvé des inscriptions rédigées en un dialecte micrasiatique.

Cette marque grecque en Macédoine, après 550 pour la Grèce d'Asie mineure, sont bien évidemment à mettre en relation avec les événements d'Asie mineure et les attaques perses de 546 qui ont eu un double effet.

D'abord, elles ont pu contraindre les grecs d'Asie mineure à fuir vers le nord (Propontide) ou le nourd-oust, vers Chalcédoine et la Chalcidique. Cette fuite s'explique par des raisons géographiques : la Thrace est très proche de l'Asie mineure en traversant le Bosphore, pas besoin de fuir jusqu'en occident ou les places sont de toute façon déjà prises. Cette présence s'est renforcée en 513, date de l'occupation de la mer Égée par les Perses.

Deuxième type d'effet de l'avancée des Perses, ces derniers n'agissent plus comme des ennemis des Grecs mais plutôt comme des pacificateurs et des stabilisateurs de cette région du nord de la mer Égée : on parle de la pax persica. On a des grecs qui s'installent de nouveaux en tant qu'artisans pour commercer ou en tant que mercenaires pour faire régner l'ordre.

En outre, des mariage mixtes ont conduit à une hellénisation de la Thrace et de la Macédoine. Mais Thraces et Macédoniens ont conservé leur traits : on parle d'une hybridation.

Cette culture mixte dure jusqu'à 450 et le départ des perses qui vont se replier sur leur

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royaume, lorsque d'autres cité comme Athènes vont vouloir s'installer (Amphipolis).

C'est une question majeure pour la Macédoine et la Thrace, cette question de la culture grecque, de la grécité des dirigeants macédoniens.

La cours de Macédoine a-t-elle été formée à la grecque, sont-ils eux même des Grecs descendants des Grecs d'Argos ? C'est tout le débat qui a lieu au IVe siècle lorsque la Macédoine est en guerre contre Athènes. Eschyle répondra par l'affirmative, Démosthène affirmera le contraire.

Les Thraces en revanche ne sont jamais considérés comme grecs, même si les dirigeants ont pu s'ouvrir.

B) Thasos

On a quelques sources littéraires, des fragments du poème d'Archiloque, poète du VIIe siècle. Citons également Hérodote, II, 144 ; VI, 46-47 et Pausanias, X, 28.

On a aussi quelques inscriptions à propos de la colonisation de Thasos dans les IG, v.XII. On dispose aussi d'un outil précieux, le guide de Thasos, guide archéologique qui présente

l'état des recherches menées par l'école Française d'Athènes. On a des études de François Salviat et Jean Pouilloux ou Yves Grandjean.

Dernière indication bibliographique : les études thasiennes, qui courent sur des décennies. Voir par exemple le tome XXII d'Yves Grandjean sur le rempart.

1/ Thasos avant les Grecs

Du matériel non grec a été retrouvé par les archéologues, matériel qui date de l'âge du bronze et qui va jusqu'à l'époque de la fondation, au VIIe siècle. C'est de la céramique thrace : vases non tournés, sans décor.

Cette présence thrace, attestée par ce matériel, se poursuit après l'arrivée des Grecs, comme le prouverait l'onomastique à l'époque archaïque : on a la présence de noms Thraces à côté de noms grecs. Certains historiens considèrent toutefois que ces noms seraient portés non pas par des Thraces de Thasos mais des Thraces continentaux et pensent donc qu'il n'y a pas ici de population mixte.

D'autre part, toujours avant les Grecs, Thasos a été exploré par les Phéniciens, au moment ou les Thraces vivaient sur l'île de Thasos. Les Phéniciens seraient monté du Levant jusque vers le nord de la mer Égee, en passant par Chypre et en longeant les côtes jusqu'à l'île de Lemnos.

On y voit en effet des cultes consacré à Melqart et sur le plan mythologique, c'est un phénicien, Thasos, le frère d'Europe et Chadmos, qui aurait lui même fondé la ville Thasos, qui se trouve au nord de l'île de Thasos.

Autre argument toponymique : il y a des localités comme Koinyra, sur la cote est de l'île, qui est un nom sémitique.

2/ La fondation

La question de la date : traditionnellement on dit que la cité de Thasos a été fondée par des insulaires venus de Paros. Cette fondation a eu lieu vers 680, avant ou après, selon les sources (certains la remontent vers 650, d'autres 720).

Vers 700, Tellis, grand père d'Archiloque, a introduit sur l'île le culte grec de Déméter. Est-ce que la fondation se situe un peu plus tard, vers 670/680, à un moment ou les Phéniciens connaissent des difficultés militaires dans leurs propres régions (Tyr écrasée par les Assyriens en 671) ?

On ne sait pas non plus qui est l'oikiste de Thasos. Ce serait un certain Glaucos, dont on ne sait rien. On lit souvent que le fondateur de Thasos est Archiloque lui-même. C'est un poète lyrique, élégiaque, né en 712 et mort soit en 664, soit vers 648. C'était un fils bâtard d'un aristocrate de Paros et d'une esclave.

S'il n'était pas l'oikiste lui même (dans le cas Glaucos), il fait toutefois peut-être parti des premiers colons quoi qu'il en soit. Quoiqu'il en soit la fondation aurait lieu quand il était en âge de voyager, ce qui met la fondation plutôt au VIIe siècle.

On a un élément chronologique : Archiloque parle d'une éclipse totale du soleil visible à Thasos. On la date du 6 avril 648. Ceci situe donc la fondation vers 660/650.

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Un argument que suggère Nicolas Richer est que la tombe d'Archiloque est située à Paros, et non à Thasos. Si Archiloque est enterré à Paros, cela nous interdit de considérer qu'il était l'oikiste de Thasos, l'oikiste étant traditionnellement inhumé dans sa propre colonie. Il serait ainsi venu avec une seconde génération de colons, jusque vers 648, ce qui fait remonter la date de fondation vers 720/700.

En outre, on dit qu'un oracle ordonne à Archiloque de se rendre à Thasos et de résider dans cette île célèbre. Si on prend au pied de la lettre les termes de l'Oracle, Thasos est déjà fondé et rendue célèbre. On est pas dans le départ d'une fondation d'apoikia.

Il faut chercher ailleurs l'oikiste. On a déjà parlé de Glaucos. Autre nom qui circule, selon un oracle de la pythie de Delphes, rapporté par un auteur très tardif, Stéphane de Byzance, au Ve/VIe siècle AC. Pour lui, l'oikiste serait un certain Télésiklès. Mais cet oracle a toute les chances d'être un faux comme le démontre Graham.

Il faut conclure que nous n'en savons rien : Archiloque a joué un rôle à Thasos, sans doute pas en tant que fondateur, mais un rôle dans la deuxième génération de colons.

Ce qu'on sait c'est le rôle des colons de Paros, auxquels se sont joints des mercenaires de tout le bassin égéen, appelés au secours par Paros et les Thraces de l'île de Thasos.

Paros joue à l'époque archaïque le rôle de véritable métropole. On sait que la colonie de Thasos a gardé des liens étroits avec Paros grâce à une inscription qui mentionne un certain Akératos , qui à la fin du VIe siècle, vers 520, a été archonte à la fois à Paros et à Thasos (double archontat).

3/ Rapport entre Thasos et Thraces locaux.

Ils ont dû être conflictuels, dès le début comme le pense Graham ou une ou deux générations après, ce qui est un schéma beaucoup plus classique.

On a des indices des mauvaises relations, indices que l'on trouve dans les fragments d'Archiloque, où il parle de ces chiens de Thraces.

Au contraire, Pouilloux estime que les relations ont été bonnes entre Grecs et Thraces pendant les 2 premières générations. Si on admet cette hyppothèse, on peut considérer qu'Archiloque donne un point de vue qui n'est pas le reflet général, soit que la fondation a eu lieu 2 générations avant l'arrivée d'Archiloque.

On a retrouvé des traces d'incendie provoqués dans l'habitat de Thasos, qui date de la fin du VIIIe siècle, début du VIIe, au moment ou les Grec arrivent Thasos.

On en déduit que les Grecs auraient pu incendier les villages indigènes thraces installés sur l'île de Thasos pour prendre leur place et reconstruire leur propres cités.

Ce qui va dans le sens de cette isntallation brutale des Grecs est qu'ils ne se sont pas contenté d'occuper un site, mais on a des éléments qui montrent que l'île toute entière de Thasos a été dominée entièrement par les Grecs.

4/ La richesse de Thasos

Elle est avant tout celle qui est produite par les mines de l'île. Il y a eu des discussions pour savoir s'il y avait des mines d'or sur Thasos ou si l'or retrouvé

correspond à celle du mont Pangée. Il est aujourd'hui établi qu'il y avait des mines d'or dans l'est de l'île et dans la cité même de Thasos.

A l'ouest, on trouve des mines de plomb argentifère, de cuivre, et d'argent.

Archiloque parle du vin d'Ismaros, qui n'est pas situé sur l'île de Thasos mais en Thrace orientale. Le fait qu'Archiloque, qui est à Thasos, célèbre le vin d'Ismaros au lieu de célébrer le vin local signifie peut-être n'y avait-il pas encore de vin à Thasos ? Ou bien tout simplement alors le vin d'Ismaros étant légendaire.

II) La Propontide

C'est la région de la mer de Marmara

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Il faut d'abord considérer la partie sud/sud-est, qui fait le lien entre l'Asie mineure et Europe. Cette région de Propontide a intéressé les Grecs assez tardivement.

On a sur la côte d'Asie mineure la colonie de Sigée, situé en Troade, dont les Athéniens s'emparent à la fin du VIIe, en 610. Cette région a vu la présence athénienne renforcée au VIe avec les entreprises des fameux Miltiade (Ancien et Jeune).

A) Cyzique

Le site a été peu fouillé jusqu'à récemment.Elle est située sur la côte méridionale de la Propontide. Fondée par des Grecs d'Ionie en 756,

elle est refondé ensuite par des habitants de Milet vers 675, car entre-temps prise et détruite par les Cimmériens, descendus en Asie mineure au cours du VIIe siècle.

C'est une colonie fondée sur une île, aujourd'hui une presqu'île, qui s'appelait l'Arctonnèse, l'île des Ours.

Cette île faisait face au continent peuplé par des Phrygiens, plus exactement le peuple des Dolions, dont on a une description tardive dans l’œuvre poétique d'Appolonios de Rhodes, Les Argonautiques (IIIe siècle BC). C'est un peuple non fiable un coup hostile, un coup amical.

La région est riche en bois, entourée d'eaux poissonneuses : Cyzique a pu vivre de la pèche, ce qui fait qu'on retrouve des monnaies représentant des thons. Le poisson était consommé sur place ou échangé/vendu en saumure. Si le poisson est saumuré, cela veut dire ils avaient la maîtrise du sel et donc des eaux salines de la région.

B) Byzance

Située dans la région du Bosphore, région du passage de la vache (cf. mythe de Io).

C'est une région stratégique qui ouvre sur la mer noire et qui est extrêmement riche : on parle de la Corne d'or.

Elle est également riche pour en bois et en ressources halieutiques.

Byzance a été fondé par des Grecs du continent vers 660, avec un oikiste, Byzas.

III) Mer Noire

Les Grecs se familiarisent avec la mer noire autour de 700. Les premiers Grecs à parcourir ces espaces ont été des marchands ou des mercenaires, pas

forcément des colons. Les colonies datent du VIIe siècle, voire du VIe, ce qui fait que la mer noire apparaît comme

l'une des dernière zone colonisées par les grecs archaïques.

A) Régions

1/ Les Grecs connaissaient-ils la Mer Noire avant de la coloniser ?

La mer noire était inconnue d'Homère qui ne cite que les Dardanelles/Hellespont et le sud de la Propontide. Il connaît pourtant pas mal de régions.

Il n'y a pas semble-t-il de contacts culturels entre les Grecs et cette région de la mer noire avant la période archaïque, peut-être en raison des difficultés de navigation pour entrer dans la mer noire.

Les première colonies grecques dans ce Pont-Euxin seraient la conséquence de l'invention par les Grecs de navires suffisamment performants, rapides, pour franchir le Bosphore et donc entrer dans la Mer Noire et la parcourir. Il faut en effet des navires performants pour remonter la mer et affronter des courants contraires du nord. Ces navires performants sont les pentécontères du VIIe siècle. C'est la thèse de Rhys Carpenter, The Greek Penetration of the Black Sea, qui a essayé de naviguer à l’ancienne et a constaté la difficulté.

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Cette thèse est combattue car le vent ne souffle pas toujours et qu'il y a des courants en profondeurs qui peuvent être favorables, qui vont de la Propontide à la Mer Noire. Un autre argument assez valable est qu'on un commerce grec avec les sites de la Mer Noire : si les bateaux de commerce ronds grecs pouvait passer, il est tout à fait possible qu'un bateau étroit puisse passer.

Enfin, il y a le nom même de Pont-Euxin, appellation née sans doute d'un contresens. Ce terme signifie le point hospitalier, qui accueille les étrangers. Si les Grecs l'ont appelé Pont-Euxin, c'était pour se la rendre favorable car elle s'appelait Axeinon en persan, terme compris par les Grecs comme « inhospitalier ». Pour se la rendre favorable, on l'a rebaptisé Euxin (Euxéinos). Mais Axeinos ne voudrait pas dire inhospitalier, mais viendrait d'un terme persan, qui voudrait dire sombre/noir. D’où le nom de mer Noire aujourd'hui.

Les Grecs se sont ensuite mis à découvrir certaines zones avant d'y fonder des colonies. Ces zones sont connues grâce aux contacts commerciaux ou des rapports politiques, diplomatiques, entre cités grecs et potentats, dynastes locaux de Thrace ou de Scythie.

On a ainsi découvert des poteries grecque découvertes au VIIe siècle et offertes à des élites locales.

Mais seules certaines zones concernées par ces échanges. Certaines régions de la mer noire ne sont presque pas fréquentées par les Grecs, en particulier les régions orientales du Phase (Colchide).

Les Symplégades sont des rochers/falaises qui se trouvent à l'entrée du Boshpore et qui viennent s'entrechoquer quand un bateau veut passer : ceci accrédite l'idée d'une mer Noire fermée.

Mais en regardant le mythe, c'est Jason, avec son expédition d'argonautes, qui serait arrivé à fixer ces roches, et laisse passer les bateaux. Si on situe chronologiquement l'expédition de Jason, on est une génération avant la guerre de Troie.

Soit Jason est un héros hors-norme et réussi à passer, exceptionnellement, soit il sa réussite en appelle d'autres et on a donc à partir de la fin du XIIe millénaire des Grecs qui peuvent passer.

Mais si ce mythe correspond à une réalité quelconque, il va à l'encontre d'Homère, qui traite de la guerre de Troie et connaît beaucoup de choses.

2/ Les zones colonisées

Toutes les côtes, sauf les régions orientales, sont concernées. La région qui intéressent particulièrement les Grecs sont la presqu'île de Tauride (Crimée).

A l'est de cette presqu'île, un défilé, le Boshpore cimmérien où l'on trouve notamment la colonie de Panticapée. Ce passage ou ce Boshpore cimmérien ouvre sur une petite mer, le lac Maéotis, la mer d'Azov (Maia, mer).

On y trouve l'embouchure du fleuve Don, avec le port de commerce de Tanaïs qui semble devenir colonie à l'époque classique

3/ Les Grecs ont-il cherché à s'implanter à l'intérieur des terres ?

Il n'y a pas d'évidence mais la question est discutée car on a découvert un graffito qui date de 550, retrouvé en plein territoire Scythe, Nemirov, en Ukraine, à 300 km à l’intérieur des terres, à 300 km d'Olbia.

Ce graffito représente quelques lettres grecques peintes sur un vase indigène qui voudrait dire « tire-moi au sort » ( Grakov, Greek graffito from the Nemirovskoe City-State, SA 1, 1959).

Pour certains historiens, ce graffito, s'il est authentique, est la preuve que des Grecs ou des artisans hellénisé ont voyagé à l'intérieur du continent. Mais, nous l'avons déjà vu, ce type de preuves est balayé par l'argument que l'objet a pu voyager.

S'il n'y a pas eu implantation de grecs à l'intérieur, on a au moins des voyages ponctuels de grecs qui sont à placer dans un contexte de contacts pré-coloniaux : ce n'est pas un commerce organisé entre Grecs de la côte et populations à l'intérieur des terres mais plutôt contacts épisodiques, échanges de produits/cadeaux qui n'ont rien à voir avec un commerce développé produit par une apoikia.

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B) Colonies grecques

Les colonies grecques sont, comme partout ailleurs en Méditerranée, normalement des cités (poleis) mais dans cette zone, les auteurs ont tendance à les traiter comme des emporia.

On distingue deux temps dans l'implantation des colonies grecques en mer noire. D'abord au VIIe siècle la fondation de quelques colonies très sporadiques, et au VIe siècle un phénomène de masse. Voyons trois exemples.

La première colonie est sans doute celle d'Histria. C'est une cité fondée au milieu du VIIe siècle (657) ou un peu plus tard (630/610) par des colons venus essentiellement de Milet, il y a en effet une très forte présence milésienne dans cette région.

Pourquoi choisir ce site ? Car ça correspond à une zone extrêmement fertile comprise entre la côte de la mer noire et le cours du Danube.

Deuxième colonie, Bérézan, fondée sur la presqu'île à l'ouest/sud-ouest d'Olbia, appelé Boristhène, facile à protéger. Aujourd'hui c'est une île située à 1,5km de la côte.

Bérézan a été choisi par les colons grecs pour sa position géographique, sur une route maritime côtière : à l'époque archaïque, les grecs pratiquaient la navigation par cabotage, alors que la navigation hauturière date de l'époque classique.

Autre avantage de cette position, Bérézan est situé au débouché du vaste estuaire du Dniepr, aussi appelé... Boristhène ! Selon Hérodote, c'est le plus grand fleuve de la Schytie après le Danube. Il est le plus riche en poisson que les grecs aient pu connaître et arrosait les plaines alentours.

Selon la formule d'Alexandra Wasowicz, on a une « micro-région homogène et compacte ». Bérézan serait dans cette zone le premier lieu d'implantation des Grecs, qui auraient trouvé

cette île vide d'habitations indigènes, comme semble le montrer la céramique abondante milésienne trouvé dans les environs.

Mais d'autres cités que Milet ont participé au peuplement grec de Bérézan, comme Samos et Chéos.

Les Grecs sont-ils d'abord venus à Bérézan pour ensuite se transporter à Olbia, sur le continent ?

C'est la même problématique que Pithécusses et Cumes : Olbia était dès le départ une colonie et comme Pithécusses, Bérézan ne vivait pas seulement du commerce, elle avait également une activité agricole, halieutique et artisanale. Pour la pèche, les archéologues ont ainsi retrouvé en quantité des hameçons et des poids servant à lester les filets.

Pour certains historiens comme Christel Muller c'était une véritable colonie, une apoikia fondée selon les normes, nommée Thyora, une colonie qui s'étendait sur une vingtaine d'hectares.

Autre colonie, au sud de la Crimée, Sinope, qui a été fondée par les Milésiens à la fin du VIIe siècle, vers 610. Sinope a un intérêt, elle marque la frontière entre l'Asie mineure et la haute Asie.

C) Les activités des grecs

Dans cette région c'est essentiellement l'agriculture, pratiquée dans le campagnes, les chôrai, que les cités se sont aménagées soit immédiatement, soit une ou deux générations après la fondation.

Dans ces chôrai, on a une viticulture, en Crimée par exemple, à Chersonèse, et on a également de la céréaliculture.

Le commerce ne serait qu'une activité secondaire, ce qui est encore un argument contre le statut d'emporion. Il ne serait pas dans cette zone la cause de la colonisation mais plutôt la conséquence : ils produisent via l'agriculture et ne pensent qu’après à exporter.

Pour Alexandra Wasowicz, se sont les Grecs qui ont développé cette région et ont fait venir

sur ces côtes une partie des peuples scyhtes, les Scythes nomades. Il y aurait donc une volonté de sédentarisation initiée par les Grecs.

Quand au commerce, il s'opère d'un côté avec les peuples de la Mer Noire, avec les Scythes

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en particulier : preuve en sont les amphores grecques retrouvées dans les localités scythes. De l'autre côté, le commerce s'oriente vers les îles de la mer Égée et les cités d'Asie mineure

(Lesbos, Chios).Les Grecs cherchent chez les peuples locaux à s'approvisionner en métal/bois. Mais des

régions comme celles du Caucase intéressent particulièrement les Grecs pour l'or (mythe de la toison d'or).

A l'époque archaïque qui nous concerne, les colons installés en mer noire n'exportaient pas de céréale vers les cités grecques : ce n'est qu'à l'époque classique que des cités comme Athènes ont cherché résolument du côté de la mer noire un approvisionnement régulier en céréale.

D) Les rapports entre Grecs et peuples de la mer noire.

1/ Les Thraces

Ils constituent un peuple générique parmi les plus grands selon Hérodote. Ils seraient plutôt hostiles à l'implantation de Grecs dans leur région. Cependant, on note des contacts étroits et commerciaux entre Thraces et Grecs archaïques.

En fait, on a une image ambivalente des Thraces, jamais considérés par les Grecs comme des Hellène mais jamais non plus comme des Barbares.

Cette bonne image provient en partie de la mythologie : c'est de ces Thraces qu'est issu l'une des figures les plus importantes de l'art ou de la poésie lyrique grecque, à savoir Orphée, qui est le fils d'un roi Thrace et d'une muse, Calliope.

D'où une valorisation de la culture non pas de tous les Thraces, mais en tout cas de l'élite des Thraces.

En même temps, on a une image dépréciative des Thraces, utilisés par les cités Grecques comme des soldats ou comme des esclaves.

2/ Les Colchidiens

Pas mal d'études sont menées sur le littoral oriental de la mer noire. Cette Colchide correspond à une partie de la Géorgie occidentale.

Les Colchidiens étaient dénommés Aia ou Aia-colchide par les archaïques. Ils sont ensuite appelés seulement les Colchides.

Cette zone a été peuplée par des peuples agricoles : d'où le nom de Géorgie.

Cette zone a été difficile d'accès pour les Grecs pour des raisons politiques et culturelles : il y a dans ces régions des États qui sont parfaitement constitués autour de rois avec « un niveau élevé de structuration politique », pour citer Mikeladze et Lorskipanidze. Ils disent aussi qu'il y a « une unité culturelle, économique et politique », « un haut niveau de culture artistique de la population de la Colchide ».

C'est un excellent exemple de zone qui a pu effrayer les Grecs, qui n'avaient pas l'argument d'apporter une culture, les peuples ayant déjà une superbe culture.

Cela explique les difficultés rencontrées par les Grecs pour s'implanter dans une région bien organisée.

Il est vrai que les quelques établissements grecs de cette zone comme Phasis ou Dioscurias n'ont pas modifié du tout les structures ni politiques, ni sociales, ni économiques de la Colchide, qui est restée imperméable à la présence sporadique des Grecs.

Les deux cites indiqués ne sont pas les seules mais on est parfaitement ignorant de la localisation de ceux-ci et d'autres comme Simagré, qui serait à l'embouchure du Phasis. Si ces Grecs se sont très peu implantés, c'est qu'ils ont commercé avec les populations locales.

3/ Les Scythes

On a dit qu'il y avait deux type de Scythes, les sédentaires, qui seraient les premiers, et les

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nomades, dont certains se sédentarisent la fin de l'époque archaïque. Pour l'art, il savent travailler l'or et Hérodote a très bien décrit ce fonctionnement. Cependant, ils sont connus des Grecs, à Athènes, non pas pour leur production artistique

mais pour leur discipline : les Athéniens utilisaient les Scythes comme « policiers », comme tireur à l'arc.

Selon Strabon qui décrit les Scythes dans ses livres VII et XI, les nomades auraient fourni des esclaves aux Grecs.

Cette idée est contestée, par un ouvrage de Belin de Ballu : les témoignages relatifs à un trafic d'esclave entre scythes et grecs ne remonteraient pas dans la région d'Olbia avant la fin du IVe.

En tout cas il est sûr que l'esclavage a existé et qu'il a joué un rôle dans l'économie des habitants des steppes. Historiquement, il est difficile de dire quand a commencé l'esclavage.

Ces Scythes sont organisés en petits royaumes dispersés mais à la fin de l'époque archaïque prennent naissance de grands royaumes bien mieux organisés : les Grecs prendront l'habitude de négocier avec les rois locaux les plus puissant.

On verra par exemple à Athènes des décrets honorifiques en l'honneur de certains rois du Pont

4/ Peut-on parler d'une hellénisation ?

Hérodote, II, 76, mentionne une mésaventure tragique qui a lieu au VIe siècle, celle d'un certain Anacharsis, fils d'un prince Scythe et d'une femme grecque. Il a voyagé et notamment à Athènes a l'époque de Solon et on dit même qu'il a discuté de politique avec ce dernier.

Anacharsis est parfaitement ouvert à la culture et à la religion grecque : on l'a rangé parmi les Sept Sages de la Grèce, alors qu'il était le fils d'un prince Scythe.

Mais ce philhellénisme lui a coûté la vie. En effet, il a été assassiné par son propre frère, qui ne supportait pas de voir un membre de la famille princière scythe s'intéresser de si près aux valeurs Grecques.

Il mentionne un deuxième cas, IV, 78-80, celui de Skylès, un roi scythe. Cet épisode est plus tardif, situé au Ve siècle, mais révélateur des problématiques qui se sont posées à la fin de l'époque archaïque. Il était le fils du roi scythe Ariapeithès, et d'une femme grecque, de la colonie d'Histria.

Lorsque son père meurt, il prend le pouvoir et affiche des opinions grecques, introduisant le culte de Bacchus, tournant le dos aux traditions scythes.

Cela provoque la colère de sa population : Skylès doit fuir son propre royaume et se réfugie chez les Thraces, où il est finalement mis à mort vers 450.

On a avec ces exemples la preuve que aussi, bien Scythes que Thraces ne voulaient pas, au VIe et Ve siècle, abandonner leurs propres cultures pour accepter des valeurs Grecques. C'est ce que rapporte Hérodote.

Alexandra Wasowicz, « Les indices de la civilisation et de l'hellénisation des côtes de la mer noire dans l'Antiquité », Dialogue d'Histoire Ancienne, 1980. Elle écrit et estime sans aucune réserve que les Grecs sont venus civiliser les régions de la mer noire. Les colonies grecques auraient agit « en tant que facteur d'accélération du développement de la civilisation ».

La présence des Grecs a induit un peuplement de régions désertes, donc pour elle il y a une civilisation qui se met en place dans ces régions.

L'habitat retrouvé correspond à un habitat grec : constructions en briques sur un lit de pierre, aménagement d'un centre urbain et aménagement autour de cette asty d'une chôra.

Elle prend en compte aussi le développement des cultes typiquement grecs, puisque dans la région d'Olbia, au sud, de l'autre coté du liman (ou de l'estuaire) du Dniepr, on a des sanctuaires consacrés à Achille.

Il y a aussi dès le VIe siècle l'apparition de pré-monnaies puis de monnaies dans la région d'Olbia et en Thrace, avec pour les pré-monnaies des formes extrêmement diverses : des points de flèches qui font office de monnaies.

Autre élément de civilisation, la consommation du vin et de poisson.Enfin, l'introduction de jeux grecs comme les osselets, occupation traditionnelle des grecs,

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retrouvés en Crimée, à Chersonèse de Crimée. Il y a aussi la présence de tombe princières thraces ou scythes tout près de colonies

grecques, avec inhumations de chevaux, comme on en trouve chez les Grecs. Exemple à Histria, du côté Thrace, ou bien au niveau du Bosphore Cimmérien, du coté de de Panticapée.

Mais Wasowicz reconnaît elle même que ces éléments ne sont pas à eux seuls déterminants.Par exemple, le fait qu'on ait retrouvé des jarres à vin (Pythoi) dans telle ou telle région

scythe ne signifie pas que tous les Scythes aient consommé du vin. Cela peut signifier que des Grecs ont séjourné dans ces royaumes scythes et que durant leur séjour ils consommaient leur propre vin.

En outre, est-ce que le fait d'avoir trouvé des tombes indigènes tout près des colonies grecques autorise à dire qu'il y avait des relations extrêmement étroites entre ces populations ?

Boardman va dans ce sens et cite le cas d'une tombe du tout début de l'époque classique, retrouvée entre Olbia et Bérézan. Cette tombe serait de culture mixte, à savoir une architecture scythe avec un tumulus et une chambre mortuaire en bois sous le tumulus, un mobilier mixte avec des armes scythes et des vases grecs, si bien qu'il est difficile, dit Bordman, de dire si cette tombe était grecque ou Scythe ou si elle n'était pas plutôt helléno-schyte.

Ce qu'on retient, c'est que selon qu'on soit un chercheur roumain, russe, géorgien, français ou italien, on aura tendance à mettre l'accent sur le côté hellène ou sur le scythe/thrace.

Au delà de cette question difficile de l'hellénisation des régions, on note encore une fois la présence des Perses sur les côtes méridionales de la Mer Noire entre 530 et 480.

IV) Étude de cas : Olbia du Pont

Pour les sources, toujours Hérodote qui a visiblement visité le coin. Pour les études modernes :

Belin de Ballu, Olbia, cité antique du nord de la mer Noire, 1972.Aleksandra Wasowicz, Olbia pontique et son territoire, Belles-Lettres. Cristel Müller, D'Olbia à Tanaïs - Territoires et réseaux d'échanges dans la mer Noire septentrionale aux époques classique et hellénistique, Bordeaux, 2010.Dossier de l'archéologie, n°188, 1993.

A) La zone concernée

Il s'agit de la zone du liman, à la fois du Boug et du Dniepr, qui forme le même estuaire se prolongeant vers l'ouest, au-delà d'Olbia, au niveau de Bérézan.

Olbia se trouve sur la rive droite de l'estuaire du Boug, sur une étroite bande côtière, que les Scythes auraient accordé volontiers aux grecs.

B) Fondation

Olbia s’appelle parfois Olbiopolis et ses habitans sont Olbiopolitains. Plus souvent on trouve le nom de Borysthène, sans que l'on sache si ce terme désigne la localité ou toute la région.

Olbia est un adjectif grec qui veut dire heureux, prospère, riche. Cependant, ce nom n'est sans doute pas grec mais indigène. En langue indigène, il signifierait « Le Site ».

Comment se déroule la fondation ? Elle est fondée au VIe siècle, sans doute vers 550, peut-être plus tôt , certains parlant de 575,

d'autres remontant jusqu'au tout début du VIe siècle, vers 590/600.On distingue 2 étapes chronologiques dans la fondation. Pendant la première moitié du VIe siècle, on a des traces d'un habitat grec isolé... Au contraire, dans la seconde moitié, on assiste un aménagement de la ville avec un plan

régulier qui se met en place à la fin du VIe, plan qui réserve un espace à l'agora, et un téménos.Dans cette enceinte sacrée, on rendait un culte à Apollon Delphinios et un culte d'Athéna. Le

culte d'Athéna est plus pratiqué, avec d'autant plus d'ardeur à partir de 450 qu'on se met à commercer avec les Athéniens.

La présence de ces deux espaces, politiques et marchands d'un côté, religieux de l'autre, fait

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d'Olbia après 550 une véritable cité, même si on certains contestent cette idée.La cité couvre environ 50 hectares ce qui est relativement grand. Elle ne possède pas de remparts, en tout cas pas avant l'époque classique. Cela veut-il dire

qu'il n'y avait pas de populations alentour dont il faut se protéger ? En fait, la ville était protégée naturellement par des ravins, un de chaque côté. On a même à l'époque archaïque creusé un petit fossé pour dissuader certaines populations d'entrer dans la ville.

Il y a deux niveaux essentiels : la ville haute et basse, avec entre les deux un dénivelé aménagé en terrasses de cultures.

L'urbanisme ne se développe que beaucoup plus tard, vers l'époque classique (475). Les constructions sont en pierres, locales et importés et on utilise beaucoup d'argile car on manque de bois.

Une particularité, on a trouvé beaucoup de maison avec des caves et des sous-sol. La première explication a été d'ordre climatique : on dit que les colons Grecs ne sont pas habitués au climat de la mer Noire, extrêmement rude l'hiver et très chaud l'été. Donc on a pris l'habitude de creuser des caves de façon à stocker à température modéré les biens, voire à s'y réfugier en cas de température extrême. Ces construction enterrées ou semi-entrerrés sont appelés en anglais des « dugouts ».

Ces constructions sont elles indigènes ou grecques ? On pense aujourd'hui que ce sont des Grecs qui les ont édifiés, sans doute inspiré par les

Scythes, mais ce ne sont définitivement pas des maisons construites ou habitée par des populations locales. On a en effet retrouvé en Grande-Grèce, à Métaponte, dans une colonie fondée par Krisa (Grèce centrale), ce même genre d'habitations.

Un autre argument apporté par les archéologues est qu'on a mis au jour une majorité d'objet grecs et non pas indigènes, aussi bien à Bérézan qu'à Olbia. Or, la présence d'objets religieux est plus fiable que les objets de vie quotidienne, puisqu'ils sont liés à des cultes.

Enfin, pour la construction même de ces maisons, on s’est servi d'étalons typiquement grecs, comme par exemple le pied samien (35 cm).

C) Activité

C'est une cité riche en raison de sa chôra, qui est très peuplée : on a dénombré pour le VIe sicle 107 établissements agricoles autours d'Olbia. Cette richesse agricole perdure jusqu'au IVe siècle, où elle commence à décliner.

Cette chôra s'étend à l'ouest jusqu'au niveau de Bérézan et au nord jusqu'à elle remonte jusqu'à Nikolaiev, à une trentaine de kilomètres d'Olbia. Du côté oriental, les Olbiopolitains ont traversé le Boug pour aller quasiment jusqu'au Dniepr, à une cinquaintaine de kilomètres.

Autre activité, le commerce du sel et une activité industrielle et artisanale avec des traces d'ateliers de forgeron.

A signaler, la fabrication de miroirs en bronze à manche, dont les manches sont extrêmement travaillés. Ce genre de miroir très précieux est crée par des artisans grecs pour une population indigène, scythes. Ce qui peut amener à cette conclusion est qu'on a retrouvé ces miroirs tout autour de la mer Noire, aussi bien en Hongrie qu'à l'est, et que ceux-ci étaient absent des colonies grecques des côtes de la mer Noire, sauf à Olbia. Conclusion : on produit ces miroirs à Olbia mais leur destination étaient d'être exporté vers les royaumes scythes. Cet argument est toutefois discuté.

Les échanges commerciaux d'Olbia avec les Grecs se font avec Rhodes, Milet, et des comptoirs comme Naucratis.

De nombreux vases attiques à figure noire, qui datent du milieu du VIe siècle, dès la fondation d'Olbia.

Enfin, le commerce d'Olbia est tourné vers les populations scythes et il semble dans ce cas que les Grecs aient utilisé de réseaux commerciaux déjà mis en place par les rois ou les tribus scythes.

La monnaie d'Olbia commence à circuler dès la fondation de la cité, au départ des monnaies de cuivre en forme de dauphin.

Page 76: sophiasapiens.chez.comsophiasapiens.chez.com/histoire/Diasporas grecques.docx · Web viewOswyn Murray, La Grèce à l'époque archaïque I) Chronologie A) Naissance de la cité 1

Olbia connaît son apogée au Ve/IV, puis périclite à l'époque hellénistique à cause d'incursions de tribus indigènes, qui se révèlent hostiles aux Grecs.

Ainsi, au premier sicèle, on a des invasions de Gètes, peuple Thrace qui se situe sur la côte ouest de la mer noire, qui progresse vers l'est, vers Olbia.

Ce déclin est temporaire et Olbia retrouve une prospérité après époque hellénistique.

D) La population

On s'est demandé qui vivait à Olbia : Grecs seulement ? Grecs avec des populations locales, comme le suggère Belin de Ballu.

L'étude des nécropoles et des tombes peut nous renseigner.On a mis à jour un mobilier funéraire scythe à Olbia même, dans lesquels on trouve épée et

pointes de flèche. On a retrouvé également des corps en position qui ne correspondent pas aux pratiques

grecques : orientés au NE systématiquement, accroupis et non pas allongés : il s'agit d'une tradition scythe voire pré-scythe.

Autre élément, présence de fards, qui appartenait à un rituel scythe : on maquillait le visage de certains défunts.

Cependant, ces critères sont tous discutables : la présence de barbares à Olbia et à Bérézan a été très longtemps surestimés par les spécialistes de l'histoire scythe.

Tout d'abord, ceux-ci s'appuyaient sur les constructions enterrés ou semi-enterrées, dont on a dit qu'elles étaient finalement vraisemblablement grecques.

En outre, les tombes retrouvés avec des armes ne disent pas qu'on a affaire à des populations indigènes, les grecs pratiquant également ce genre de sépulture.

L'onomastique a été prise comme argument par les partisans indigénsites : noms scythes donc beaucoup de schytes. Mais si on regarde les choses de plus près, on a une trentaine de noms scythiques alors qu'on estime la population à environ 5000 personnes, auxquelles il faut ajouter 5000 habitants, voire plus, de la chôra immédiate.

Les Scythes étaient donc sans doute minoritaire dans ce qui est une colonie grecque : on ne peut pas en imaginer une colonie grecque avec une majorité de non-Grecs.

E) Les catégories sociaux-économiques présentes à Olbia :

Là encore, le marqueur peut être les tombes : on en trouve des très riches, type mausolées, mais aussi des tombes très modestes.

Ceci va dans le sens d'une société hétérogène.

Conclusion :

La région du nord Égée et de la mer Noire ont intéressé les Grecs, d'abord d'Ionie (Milet), mais pas seulement, avec les Athéniens ensuite.

Les grandes questions à se poser sont celles des moyens d'accès à ces zones.Autre question, celle des rapports avec les populations locales : Thraces, Scythes,

Colchidiens. Et puis, quelles sont les activités des colons grecs.

Prenons en compte les aléas historiques, soit les mouvement migratoires, pas seulement l'invasion des Perses mais aussi les mouvements des Scythes ou des Thraces, pour essayer d'évaluer les chances de succès de ces colonies, qui ne se répartissent pas également tout autour de la mer Noire.