GUÊPIER POUR GÉDÉON

G E D E O N L A M B E R G E

GUÊPIER POUR GÉDÉON

COLLECTION FRIVOLE

É D I T I O N S D U P H É N I X

Tour Atlas - 10 villa d'Este 75648 PARIS CEDEX 13

Tél. : 583-80-40

© 1981 Editions du PHENIX.

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction réservés pour tous pays.

1

Ce jour, au saut du lit, mon étoile polaire a pris un sérieux coup de brosse à reluire.

Je viens de passer trente trois minutes exaltantes entre les bras calins et les douces cuisses de Lila, ma

gouvernante. Elle est venue me réveiller comme elle le fait tous les

matins, que le ciel soit bleu ou gris, qu'il pleuve ou qu'il vente, et nous avons fait l ' amour pendant plus d 'une demi-heure.

Ce fut le pied ! Maintenant , bien calé entre deux oreillers, j 'at tends,

les sens apaisés, qu'elle me serve le petit déjeuner. J'ai faim.

Notre petite séance de jambes en l'air m'a aiguisé l 'appétit.

Je hume les courants d 'air et je sens le café noir bien chaud, bien fort, et les brioches dodues que ma perle de gouvernante court acheter chez le boulanger du coin, avant de me les apporter , sur un plateau.

- Monsieur est servi annonce-t-elle en franchissant le seuil de la chambre qui abrite nos amours ancillai- res.

Nue sous un minuscule tablier en dentelle du Puy, elle est merveilleusement belle à croquer !

Une paire de bas noirs agrémente ses magnifiques jambes qui me tricotent un plaisir quotidien.

Le blanc et le noir donnent à son corps sculpté par le ciseau d'Eros un aspect hyper-sensuel.

La coquine a apparemment décidé de me faire jouer l'acte II du Grand Réveil au Nirvâna.

Je décide de lui donner la réplique et je jette loin de moi le drap qui recouvre ma superbe nudité.

Je ne bande pas mais ça commence à bouger au- dessous de ma ceinture.

- Pas tout de suite me dit Lila, déjeunez d'abord. Je me soumets complaisamment à sa tyrannie car je

connais la mise en scène de son opéra d'amour. Après avoir installé le plateau du petit déjeuner à

portée de ma bouche, Lila va brancher la chaîne sté- réo. Une musique douce, envoûtante, psychosexuelle, accompagne aussitôt le lent et très subjectif balance- ment de son ventre.

Le numéro est au point. Il passerait aisément la ram- pe dans n'importe quel cabaret d'avant garde.

La fine et légère dentelle du Puy qui s'efforce de couvrir son pubis semble animée par une brise fripon- ne dont le seul but est de faire joujou avec sa toison intime.

Je bande. Le café a l'arôme des ardeurs tropicales, les brioches

fondent dans ma bouche et la confiture d'orange que je déguste à la petite cuillère a la douceur des baisers des filles d'Andalousie.

Lila, tout doucement, ondule vers moi. Ses seins, ses hanches, ses cuisses vibrent. Trois, deux, un mètre, cinquante centimètres la

séparent de mes désirs qui, maintenant, deviennent de plus en plus exigeants.

Mes bras se tendent, les siens également, pour attra- per, au vol, le plateau que mon élan a déséquilibré.

Le courrier, quatre ou cinq enveloppes posées des- sus, choit.

- Monsieur n'est pas raisonnable ! minaude Lila en les récupérant.

- Fichtre non, je réponds à sa croupe tendue vers moi.

Je ne lui laisse que le temps de déposer le plateau sur le chevet et je l'attrape, à bras-de-corps, pour la fai- re basculer sur mon Epéda nouvelle formulé, celui qui repose les amants fatigués car il fait la plus grande par- tie du boulot.

Ce qui signifie que lorsque nous sommes au cœur de l'ouvrage et que le matelas fonctionne à plein régime, il nous reste une bonne réserve d'énergie pour prolon- ger notre étreinte.

Nous en profitons pour nous confectionner un orgasme qui, mieux que la chicorée, nous met en for-

me pour la journée. Nous le taquinons comme les pêcheurs du dimanche

taquinent le goujon, calmement, patiemment, en res- pirant doucement pour ne pas l'effrayer, la pensée ouverte aux quatre vents.

Lorsque ma gaule vibre au point de rompre le sillon, je ferre et je l'amène gaillardement à la surface.

Il est superbe et il frétille longtemps ! Après, je redeviens maître de mon destin. Avant d'aller barboter dans la baignoire où Lila me

fait couler le bain du matin, je dépouille mon courrier. Mes yeux glissent sur mes factures, ils pétillent en

découvrant le chèque de mon éditeur, puis ils se fixent sur une enveloppe blanche immaculée, frappée d'une croix, avec, écrit dans le coin gauche : Pensionnat Sainte Ursule, 12 rue de la Délivrance, 14000 CAEN.

Cette lettre m'est adressée par ma Très Sainte Mar- raine, Mère Supérieure et directrice du pensionnat cité ci-dessus.

Je l'ouvre, prêt à subir les reproches de cette ursuli- ne affligée d'un filleul tel que moi.

Son écriture est très élégante. Elle est ronde et bou- clée, avec des pleins et des déliés. C'est le produit d'une plume forgée au marteau et à l'enclume d'une rigoureuse pédagogie et du Waterman gravé aux armes du Saint-Siège, offert par feu mon oncle, le jour de sa prise de voile.

Les ursulines, nul ne l'ignore, ont pour vocation de présider à l'éducation des jeunes filles de bonne famil-

le. Elles remplissent leur fonction avec toute la ferveur de leur foi et la vigueur d'une farouche volonté d'aboutir à la perfection.

La dame qui m'a tenu sur les fonts baptismaux est l'une d'elles.

Elle est, de plus, le grand manitou d'une tribu de professeurs.

Toutes ces enseignantes sont des femmes... La missive commence gentiment. Ça m'étonne. Je lis en effet, bien détaché en tête du texte : Mon

cher filleul. Habituellement, depuis que je suis devenu le joyeux

drille professionnel que mes fidèles lecteurs connais- sent et apprécient, les rares lettres qu'elle m'adresse commençent toujours par : Gédéon.

C'est sec comme un vent du Nord et, généralement, ça précède une tonne de reproches et d'exhortations à la contrition.

Le « Mon cher Filleul » présage quelque chose de pas normal.

La suite m'édifie. « Je suis certaine que cette lettre te surprendra mais

Dieu guide ma plume... » Dès lors, je deviens attentif. La mise au point de la Mère Supérieure est faite et

bien faite. La sainte épistolière nous place, d'entrée, à un

niveau extra-terrestre. Elle oublie, ou fait semblant

d'oublier, mes fadaises de bambocheur pour nous éle- ver nettement au-dessus des bénitiers.

L'affaire semble sérieuse, attachez vos ceintures de chasteté !

Intrigué, je poursuis sans plus tarder la lecture, sou- cieux des adjectifs et des points sur les i.

« De graves évènements perturbent actuellement notre vie spirituelle. Notre Institution vacille sous le poids de péchés qui, je ne l'ignore pas, te sont fami- liers ».

Ma Sainte Marraine n'y va pas avec le dos de la fourchette. Elle pique dans le vif du sujet. Elle a, de plus, l'art de se faire comprendre avec des mots qui ne la font pas rougir et qui ne sont pas agressifs.

Ça me met à l'aise. Son inspiration divine fait merveille. En quelques

lignes, elle est parvenue à nous mettre l'un et l'autre dans le même panier sans casser les œufs qu'il con- tient.

Et pourtant, le sujet est scabreux ! « La perversion trouble l'esprit pur de nos pension-

naires dont, hélas, certaines ne sont plus dignes de Nous. »

Ça commence d'alambiquer côté Waterman. « Per- version », « plus digne de Nous », si j'ose traduire ces sous-entendus en langage clair, je comprends que cer- taines de ses collègiennes sont plutôt de mon côté que du sien.

La suite demeure dans l'ombre des cathédrales. Le

candélabre de la Mère Supérieure ne fonctionne plus. C'est obscur, confus, à double et même à triple sens,

ça veut dire ce que ça veut dire mais ça n'est pas net. «J'ai imploré Notre Seigneur pour qu'il éclaire ma

réflexion et je te supplie de nous venir en aide. Un loup dans notre bergerie fera, j'en suis certaine, réflé- chir nos jeunes filles.

Pardonne-moi si je te compare à un loup mais n'en es-tu pas un ?

Comprends que ce n'est pas de gaiété de cœur que je te demande de venir souffler sur la flamme qui consu- me l'âme de nos agnelles égarées mais tu es le seul homme qui n'est pas de nos frères spirituels, en qui j'ai encore confiance.

Je t'en prie, mon cher filleul, entends mon appel et rends-moi une visite, dimanche soir, à vingt heures. Tu me poseras les questions qui te viendront à l'esprit ; je tenterai d'y répondre avec toute l'honnêteté de ma conscience.

Ta marraine qui porte toujours sur son cœur le ché- rubin qu'elle a tenu sur les fonts baptismaux.

Sœur Angèle, Mère Supérieure de la Très Sainte Maison de l'Ordre de Sainte-Ursule. »

La signature a, dans ses courbes et ses volutes, quel- que chose de pathétique, même pour le mécréant que je suis.

Elle se termine par une couronne d'épines ! Je relis une deuxième fois la lettre et je conclus que

je viens de recevoir un SOS.

Je la relis encore et je décide d'y répondre positive- ment.

Mon bic entre en action pour confirmer ma venue au pensionnat Sainte-Ursule de Caen, le dimanche soir, à vingt-heures.

Nous sommes aujourd'hui mercredi. J'ai quatre jours pour réfléchir. Si, d'aventure, d'autres missions me sollicitaient, je pourrais annuler ma visite par un simple télégramme.

2

Lila, à ma demande, a préparé ma valise avant de partir en week-end. J'ai annulé tous mes rendez-vous galants, dont un que j'avais avec une tendre amie deve- nue, depuis mon coup de fil, ma plus dure ennemie, et je me retrouve seul, aujourd'hui dimanche, face à face avec ma conscience et l'ébonite de mes bagages.

Dans moins de trois heures, un rapide m'enportera vers Caen.

Je vais revoir la Normandie... La dernière fois que j'y ai traîné mes sabots, c'était

pour rendre visite à l'évêque de Bayeux, pour une réé- dition de la vie d'un saint normand, en deux lettres, que les cruciverbistes connaissent bien.

Depuis, je n'ai vécu près du pommier que pour cro- quer son fruit.

D'un geste aussi vif et précis que décidé, je fais cla- quer les quatre fermoirs de mes deux valises puis, d'un pas équilibré, je rejoins le carrefour de l'Odéon où je vais pouvoir trouver un taxi.

- Gare Saint-Lazare, j'annonce au chauffeur. Il démarre. - Vous êtes pressé ? me demande-t-il en virant bou-

levard Saint-Michel. - Assez, je lui réponds, bien que le train que je dois

prendre ne soit pas encore sous pression. Il acquiesce et il s'élance pour me déposer devant la

gare, côté départ, le plus rapidement possible. Je règle la course puis je fonce confier mes valises à

la consigne automatique. J'ai en effet besoin d'avoir les mains libres pour con-

crétiser un projet que je viens de mettre au point sur les coussins du taxi.

Rue d'Isly, à une centaine de mètres de la salle des pas perdus de la gare Saint-Lazare, il y a un bar que je connais comme étant le quartier général d'une armée de filles joyeuses.

J'y entre. Un juke box diffuse une chanson de Francis Cabrel. Une histoire d'encre. La clientèle est, comme je l'espérais, essentiellement

féminine. Je vais m'installer au comptoir. Du haut d'un tabouret, j'ai le double avantage de

dominer l'assemblée et d'être pour ces dames une cible de choix.

- Un double William Lawson's, je demande au bar- man.

Il me sert.

Le verre à la main, l'œil très américain, un sourire Colgate aux lèvres, je regarde devant moi.

Je repère trois jolies filles, certainement toutes jeu- nes dans le métier car elles ne paraissent pas avoir atteint le quart de siècle, et je m'intéresse à elles.

Elles sont attablées à la même table, ce qui facilite mes manœuvres d'approche.

Je m'amuse à les comparer aux trois grâces. Il y a Euphrosyne, une blonde pulpeuse aux yeux

pervenche qui boit un thé au lait du bout des lèvres, Aglaé dont les cheveux bruns et frisés et les prunelles noires, sans cesse en mouvement, expriment un tem- pérament de caniche fou-fou, et enfin Thalie la rousse qui, tout en dégustant son café à la ficelle, me jette de temps en temps des coups d'œil enjoleurs.

C'est elle qui, la première, regarde sa montre. Elle se lève et elle souhaite bon courage à ses copi-

nes. Puis elle vient vers moi. - J'ai l'impression que je te plais me dit-elle tout de

go. Je t'amènes ? C'est dix sacs la passe. - Okay je lui réponds en glissant de mon siège, mais

invite tes copines, j'ai envie de m'amuser. Thalie me jauge. Son instinct de péripatéticienne se mobilise. S'il

suppute en moi la bonne affaire, elle dira banco. Je supporte gaillardement l'examen, c'est-à-dire que

je bande. Bien que mon tailleur soit riche et de grand talent,

elle repère la protubérance qui gonfle mon pantalon au niveau de ma braguette.

Mais la dame ignore ce détail important pour s'inté- resser à une autre bosse, celle de mon portefeuille.

- Je paierai ce qu'il faudra je lui précise. la main posée sur mon cœur.

- Je vais voir si elles veulent, décide Thalie. Elle me tourne le dos et, en balançant ses hanches de

droite à gauche puis de gauche à droite, elle rejoint Euphrosine et Aglaé.

Je n'entends pas ce qu'elle leur raconte à mon sujet mais elles opinent du chef.

Puis je vois leurs doigts bouger. J'en conclue qu'elles font des additions et des multiplications, certainement pour se mettre d'accord sur un tarif de groupe.

Enfin, d'un même élan, elles viennent à moi. - On veut bien t'offrir une partouze me confirme

Thalie mais il faut d'abord se mettre d'accord sur le prix.

- Pour les extras, d'habitude, le tarif triple, ajoute Aglaé.

- Et comme on est trois... termine en points de sus- pension Euphrosyne.

- Je sais compter, je les rassure. Je vous donne deux mille francs si vous me consacrez une heure.

Ma générosité fait l'unanimité. - Suis nous, acceptent-elles d'une même voix. Je leur emboite le pas.

- On va aller chez moi me précise Aglaé lorsque

nous nous retrouvons sur le trottoir. Je ne voulais pas te le dire devant le barman, pour éviter des ennuis.

Au pas de charge, elle nous guide jusqu'à son appar- tement, situé au dernier étage d'un immeuble cossu.

Dans l'ascenseur, elles m'apparaissent surexcitées. - C'est la première fois qu'on travaille ensemble,

m'explique Euphrosyne. - C'est plus marrant que de turbiner en solo, rigole

Aglaé. J'ai fait ça une fois, dans une partie, chez des rupins du seizième, mais on était un tas de filles et on se connaissait pas.

- Moi, conclut Thalie, j'ai bossé une fois en groupe, comme aujourd'hui, mais c'était pour éponger trois mecs.

Nous arrivons au sixième étage. - Ne faites surtout pas de bruit nous recommande

expressément Aglaé, mon voisin est un client. S'il nous entend, il comprendra que je travaille à domicile et il ne cessera pas de m'emmerder.

A pas de loups, qu'une épaisse moquette rend enco- re plus feutrées, nous rejoignons son petit deux-pièces.

- Tu t'appelles comment ? me demande-t-elle lors- qu'elle a refermé la porte.

- Ton voisin ne risque pas de vous entendre rire ? je me renseigne prudemment.

- Maintenant non, me répond-elle, pourquoi ? - Je m'appelle Gédéon, j'annonce. J'ai tout d'abord droit à un silence. Six yeux me

regardent, pleins d'étonnements.

Puis Euphrosyne donne le départ d'une crise d'hila- rité qui dure le temps que je me déshabille.

Lorsque je suis tout nu, je fais un effet d'érection dont j'ai le secret et j'interpelle les trois grâces.

- A vos ordres mesdames, je leur dis en m'inclinant. - Toi alors, tu as l'air d'un marrant ! s'exclame

Aglaé en me découvrant, beau et fringant comme un étalon prêt à saillir sa jument préférée.

Son admiration est telle qu'elle se jette à genoux, à mes pieds. Ses mains s'emparent de mon sexe et ses lèvres, goulûment, l'embrassent.

C'est le signal de décollage d'une superbe envolée érotique.

Euphrosyne et Thalie m'offrent un strip tease de luxe tandis qu'Aglaé continue de couvrir ma virilité exaltée d'ardentes caresses buccales.

- Doucement mes jolies, je les calme lorsqu'elles ôtent leur petit slip, nous avons plus de quarante minutes à passer ensemble. Organisons-nous.

- Fais comme tes copines, déshabille-toi, j'ajoute à l'intention d'Aglaé dont l'ardeur commence à m'exci- ter trop sérieusement.

Elle abandonne à regret son sucre d'orge et elle enlè- ve ses vêtements.

- Maintenant que nous sommes tous les quatre en uniforme, convenons d'un plan d'action pour nos grandes manœuvres, je décide.

- Je suis seul, vous êtes trois, c'est à vous de bosser .je leur dis ensuite, sans leur laisser le temps de réflé-

F R I V O L E

GUEPIER POUR GEDEON

Un S.O.S. pathétique précipite Gédéon à Caen. Sa chère marraine, Mère Supérieure du pension- nat Sainte-Ursule, ne sait plus à quel saint se vouer. Trois de ses pensionnaires sont «garnies» mais, apparemment, il est matériellement impos- sible qu'elles puissent l'être. Gédéon accepte d'élucider ce triple mystère. Les yeux fermés, il se jette dans un guépier d'amour. Sus au chevalier d'Eon. Le vil séducteur se cache-t-il sous les jupes d'une des jolies profes- seurs ?

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