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www.modem69.eu Projet de loi Hadopi – la « création collaborative en question », l’entêtement du gouvernement et la nécessité d’un débat complet Courant avril une poignée de députés rejetait le projet de loi gouvernemental visant à établir une surveillance automatisée d’Internet au profit d’intérêts privés et de jeter les bases d’un filtrage du réseau. Pourtant le gouvernement s’entête et présente de nouveau le texte le 29 avril. L’Europe, protectrice des libertés individuelles Les institutions européennes ont pourtant rappelé à plusieurs reprises les risques d’une telle législation. La Cour de Justice a clairement établi que la protection des droits d’auteur ne saurait justifier une atteinte à la vie privée et que les Etats doivent trouver un équilibre entre ces deux libertés fondamentales. Le Parlement européen, à plusieurs reprises, et encore hier le 30 avril, a rejeté l’idée d’une coercition à l’encontre des internautes. Enfin la Commission européenne a gelé tous ses projets en matière de lutte contre le piratage le 17 février dernier. L’Europe montre une fois encore sa capacité à affirmer des valeurs et des convictions. Pourtant le gouvernement français s’obstine. Nous, représentant le Mouvement Démocrate dans les grandes villes de France, voulons insister sur l’importance du sujet. Beaucoup a été dit sur une procédure d’exception qui protège moins les créateurs qu’un système économique institué par les majors. Cette loi n’est-elle que le fruit du lobbying ? Elle est aussi le fruit du conservatisme car, derrière les bonnes intentions de façade, il est certain qu’elle ne défend pas la création. Conservatismes en tout genre, évolution de modèle économique de la culture Ce qui est en jeu c’est la façon de concevoir la culture et de définir de nouveaux rapports entre les individus, la société et l’Etat dans ce domaine. L’UMP tente de protéger l’industrie du disque. Le PS ne sait pas comment se situer (soutien en première lecture et abstention des sénateurs en deuxième lecture). L’urgence même avec laquelle la majorité entend adopter cette loi est incompatible avec le temps nécessaire au débat. Nous demandons que les parlementaires débattent, entre eux et avec les acteurs – entreprises du logiciel libre, artistes, créateurs, mécènes, utilisateurs et consommateurs Internet bouleverse les acquis. Culture marchande, culture d'Etat, culture institutionnalisée ou culture libre et multiformes - dont le net est une des formes nouvelles -, c'est le modèle politique et économique de la création, de la production et de la distribution culturelle qui est interrogé. Il est bousculé par les possibilités de téléchargement et par la volonté de contribution d’internautes de plus en plus nombreux. La loi devrait accompagner cette évolution plutôt qu’imaginer, de façon illusoire, la ralentir. L’émergence de créations offertes sans contrepartie ou produites par une multitude de petits contributeurs est un phénomène de société et ouvre donc plusieurs questions : - la multiplication de l’offre culturelle – musique, image, texte – est-elle bénéfique à la société ? Si oui ne faut-il pas l’encourager ? - Doit-on favoriser une économie de l’innovation et de la création (production culturelle) ou une économie de la rente (distribution) ? - comment, au motif que « tout travail mérite salaire », celui des créateurs – qu’il s’agisse d’artistes, d’informaticiens ou autres – peut-il leur générer un revenu ? - comment, au regard de la complexité technique dans lequel ce sujet peut rapidement nous entraîner, établir des principes qui baliseront la relation entre vie privée et protection et valorisation du travail des auteurs ? Le Gouvernement a tenté de tromper l’opinion publique (danger pour l’industrie cinématographique et musicale, soutien des artistes, etc.) mais le masque est tombé. Il est encore temps de se reprendre et de préférer le débat, long et consistant, à une nouvelle parodie de démocratie parlementaire. Nous croyons qu’un Internet libre et ouvert est une des expressions modernes des libertés individuelles auxquelles nous, démocrates, sommes fondamentalement attachés.

hadopi le refus d une mutation économique

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Projet de loi Hadopi – la « création collaborative en question », l’entêtement du gouvernement et la nécessité d’un débat complet Courant avril une poignée de députés rejetait le projet de loi gouvernemental visant à établir une surveillance automatisée d’Internet au profit d’intérêts privés et de jeter les bases d’un filtrage du réseau. Pourtant le gouvernement s’entête et présente de nouveau le texte le 29 avril. L’Europe, protectrice des libertés individuelles Les institutions européennes ont pourtant rappelé à plusieurs reprises les risques d’une telle législation. La Cour de Justice a clairement établi que la protection des droits d’auteur ne saurait justifier une atteinte à la vie privée et que les Etats doivent trouver un équilibre entre ces deux libertés fondamentales. Le Parlement européen, à plusieurs reprises, et encore hier le 30 avril, a rejeté l’idée d’une coercition à l’encontre des internautes. Enfin la Commission européenne a gelé tous ses projets en matière de lutte contre le piratage le 17 février dernier. L’Europe montre une fois encore sa capacité à affirmer des valeurs et des convictions. Pourtant le gouvernement français s’obstine.

Nous, représentant le Mouvement Démocrate dans les grandes villes de France, voulons insister sur l’importance du sujet. Beaucoup a été dit sur une procédure d’exception qui protège moins les créateurs qu’un système économique institué par les majors. Cette loi n’est-elle que le fruit du lobbying ? Elle est aussi le fruit du conservatisme car, derrière les bonnes intentions de façade, il est certain qu’elle ne défend pas la création. Conservatismes en tout genre, évolution de modèle économique de la culture

Ce qui est en jeu c’est la façon de concevoir la culture et de définir de nouveaux rapports entre les individus, la société et l’Etat dans ce domaine. L’UMP tente de protéger l’industrie du disque. Le PS ne sait pas comment se situer (soutien en première lecture et abstention des sénateurs en deuxième lecture). L’urgence même avec laquelle la majorité entend adopter cette loi est incompatible avec le temps nécessaire au débat. Nous demandons que les parlementaires débattent, entre eux et avec les acteurs – entreprises du logiciel libre, artistes, créateurs, mécènes, utilisateurs et consommateurs

Internet bouleverse les acquis. Culture marchande, culture d'Etat, culture institutionnalisée ou culture libre et multiformes - dont le net est une des formes nouvelles -, c'est le modèle politique et économique de la création, de la production et de la distribution culturelle qui est interrogé. Il est bousculé par les possibilités de téléchargement et par la volonté de contribution d’internautes de plus en plus nombreux. La loi devrait accompagner cette évolution plutôt qu’imaginer, de façon illusoire, la ralentir. L’émergence de créations offertes sans contrepartie ou produites par une multitude de petits contributeurs est un phénomène de société et ouvre donc plusieurs questions : - la multiplication de l’offre culturelle – musique, image, texte – est-elle bénéfique à la société ? Si oui ne faut-il pas l’encourager ? - Doit-on favoriser une économie de l’innovation et de la création (production culturelle) ou une économie de la rente (distribution) ? - comment, au motif que « tout travail mérite salaire », celui des créateurs – qu’il s’agisse d’artistes, d’informaticiens ou autres – peut-il leur générer un revenu ? - comment, au regard de la complexité technique dans lequel ce sujet peut rapidement nous entraîner, établir des principes qui baliseront la relation entre vie privée et protection et valorisation du travail des auteurs ?

Le Gouvernement a tenté de tromper l’opinion publique (danger pour l’industrie cinématographique et musicale, soutien des artistes, etc.) mais le masque est tombé. Il est encore temps de se reprendre et de préférer le débat, long et consistant, à une nouvelle parodie de démocratie parlementaire. Nous croyons qu’un Internet libre et ouvert est une des expressions modernes des libertés individuelles auxquelles nous, démocrates, sommes fondamentalement attachés.