6
84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGE HUMEUR Par Claude LELAIE MAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET, avec la collaboration de Clément Dufix et Raphaël Sabatier (OSAC), photos Aviation et Pilote, constructeurs et D.R. La Part-ML simplifie l’aviation légère La mise en application des règlements (UE) 2019/1383 et (UE) 2020/70 change la donne pour les tâches de mainte- nance et le suivi de navigabilité des avions de moins de 2 730 kg MTOW qui ne sont pas exploités sous licence de transporteur. Les propriétaires privés, les clubs et les écoles, sans oublier le travail aérien, vont être les premiers bénéficiaires. UNE RÉGLEMENTATION ADAPTÉE. L’EASA a simplifié la maintenance des avions d’aviation générale en modifiant la Part-M et en créant une réglementation spécifique pour les aéronefs légers : la Part-ML. Une bonne nouvelle pour l’aviation générale. C ’est une grande avancée pour notre aviation générale : depuis le 24 mars 2020, les règlements (UE) 2019/1383 et (UE) 2020/70 sont entrés en application. Ils sim- plifient de manière significative la façon dont nos aéronefs devront être entretenus, ce qui recouvre la maintenance à réaliser dans les ateliers agréés ainsi que le suivi de navigabilité. Ce texte crée notam- ment l’équivalent de la Part-M, mais pour l’aviation légère : un ensemble de règles qui s’appellera fort logi- quement la Part-ML, « L » pour « Light »… Les hommes de l’EASA ont donc tenu leur promesse, lancée il y a quelques années, de simplifier le cadre réglementaire de l’aviation générale et notamment de l’en- tretien. Il faut dire qu’ils avaient en face d’eux des professionnels de la maintenance, des fédérations d’aéroclubs et des associations de pilotes, dont l’AOPA, tous détermi- nés à faire comprendre à l’autorité aéronautique européenne une chose essentielle : l’aviation géné- rale ne saurait être assimilée dans son fonctionnement et dans sa réglementation à sa grande sœur, l’aviation de ligne. Il a donc fallu lui démontrer la spé- cificité de notre aviation et que le niveau de sécurité exigé pour les passagers d’un avion de ligne était en train de l’étouffer, de la condamner, tant sur le plan de la complexité de ses exigences que par les coûts induits par cette rigueur. Pour cela, il fallait des interlocuteurs à l’EASA qui avaient une bonne connaissance de cette aviation générale. Des critères revus Techniquement, les règlements (UE) 2019/1383 et (UE) 2020/270 organisent le corpus de règles d’intervention et d’organisation (et agréments) des organismes liés à la maintenance selon deux grands critères : la catégorie des appareils utilisés et la typologie de leur exploitation. Concernant les catégories d’aéronefs, la Partie-ML concerne uniquement les aéronefs « légers » (avions d’une masse maximale au décollage (MTOM) égale ou infé-

HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020

HUMEUR Par Claude LELAIEVOYAGEHUMEUR Par Claude LELAIEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET, avec la collaboration de Clément Dufix et

Raphaël Sabatier (OSAC), photos Aviation et Pilote, constructeurs et D.R.

La Part-ML simplifiel’aviation légère

La mise en application des règlements (UE) 2019/1383 et (UE) 2020/70 change la donne pour les tâches de mainte-nance et le suivi de navigabilité des avions de moins de 2 730 kg MTOW qui ne sont pas exploités sous licence de transporteur. Les propriétaires privés, les clubs et les écoles, sans oublier le travail aérien, vont être les premiers bénéficiaires.

UNE RÉGLEMENTATION ADAPTÉE. L’EASA a simplifié la maintenance des avions d’aviation générale en modifiant la Part-M et en créant une réglementation spécifique pour les aéronefs légers : la Part-ML. Une bonne nouvelle pour l’aviation générale.

C’est une grande avancée pour notre aviation générale : depuis le 24 mars 2020, les règlements

(UE) 2019/1383 et (UE) 2020/70 sont entrés en application. Ils sim-plifient de manière significative la façon dont nos aéronefs devront être entretenus, ce qui recouvre la maintenance à réaliser dans les ateliers agréés ainsi que le suivi de navigabilité. Ce texte crée notam-ment l’équivalent de la Part-M, mais pour l’aviation légère : un ensemble de règles qui s’appellera fort logi-quement la Par t-ML, « L » pour « Light »…

Les hommes de l’EASA ont donc tenu leur promesse, lancée il y a quelques années, de simplifier le

cadre réglementaire de l’aviation générale et notamment de l’en-tretien. Il faut dire qu’ils avaient en face d’eux des professionnels de la maintenance, des fédérations d’aéroclubs et des associations de pilotes, dont l’AOPA, tous détermi-nés à faire comprendre à l’autorité aéronautique européenne une chose essentielle : l’aviation géné-rale ne saurait être assimilée dans son fonctionnement et dans sa réglementation à sa grande sœur, l’aviation de ligne.

Il a donc fallu lui démontrer la spé-cificité de notre aviation et que le niveau de sécurité exigé pour les passagers d’un avion de ligne était en train de l’étouffer, de la condamner, tant sur le plan de la complexité de ses exigences que par les coûts

induits par cette rigueur. Pour cela, il fallait des interlocuteurs à l’EASA qui avaient une bonne connaissance de cette aviation générale.

Des critères revus

Techniquement, les règlements (UE) 2019/1383 et (UE) 2020/270 organisent le corpus de règles d’intervention et d’organisation (et agréments) des organismes liés à la maintenance selon deux grands critères : la catégorie des appareils utilisés et la typologie de leur exploitation.

Concernant les catégor ies d’aéronefs, la Partie-ML concerne uniquement les aéronefs « légers » (avions d’une masse maximale au décollage (MTOM) égale ou infé-

Page 2: HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

556 - Mai 2020 - Aviation et Pilote 85

rieure à 2 730 kg ; aéronefs à voilure tournante d’une MTOM égale ou inférieure à 1 200 kg, cer tifiés pour transpor ter 4 personnes au maximum ; autres aéronefs ELA2). Il y a un second critère à prendre en considération : l’aéronef est-il exploité à titre commercial, sous licence d’exploitation (licence délivrée conformément au règle-ment (CE) 1008/2008) ? Si oui, il ne relèvera pas de la nouvelle Part-ML.

Schématiquement, la Par t-ML concerne tout ce qui est léger, dont le poids maximum au décol-lage se situe en dessous de 2 730 kg ou 1 200 kg pour un hélicoptère, et dont l’exploitation ne nécessite pas une licence délivrée conformément au règlement (UE) 1008/2008. On comprend mieux pourquoi on parle d’une différentiation bien marquée entre le transport aérien commer-cial et l’aviation générale.

La Par t-M subsiste, mais s’ap-plique exclusivement aux appareils non légers et dont l’exploitation nécessite la délivrance d’une licence conformément au règlement (CE) 1008/2008. Dans cette partie, rien ne change, il fallait conserver le très haut degré de sécurité lié au trans-port public, voire au transport de masse.

Les écoles, considérées quant à elles comme des entreprises de travail aérien sans licence d’exploi-tation, relèvent de la Part-ML (du moins leurs appareils légers, si elles exploitent un Phenom 100, par exemple, il relèvera de la Part-M). Tout comme les clubs qui sont considérés comme non commer-ciaux (associations).

Deux annexes

Outre la Par t-ML, le règle-ment européen crée deux autres annexes : la Part-CAMO (Continuing Ai rwor th iness Management Organisation), tout d’abord, qui s’apparente à l’ex-Par t-M/G, à savoir les règles qui régissent la gestion du maintien de la navigabi-lité et les agréments indispensables pour les ateliers afin d’assurer cette tâche. Ces organismes ont un spectre large en matière de gestion de navigabilité : ils peuvent intervenir sur tous les différents types d’appareils pour lesquels ils

faire des économies et l’atelier verra ses charges allégées sur les postes audit et surveillance.

Les nouveaux droits du propriétaire

La partie la plus importante de cette réglementation est donc la création de la Par t-ML. Comme pour sa grande sœur (Part-M), il s’agit, entre autres, de programmer des opérations de maintenance pour assurer la sécurité nécessaire aux pilotes et à leurs passagers et de gérer la navigabilité de l’appareil : on définit quelles tâches sont à faire et qui les fait. Une démarche des plus classiques.

À condition que l’exploitation soit non commerciale, le propriétaire d’un aéronef, autre que motorisé complexe, peut assurer lui-même la gestion de la navigabilité de son appareil. Il a la possibilité d’exercer ces privilèges ou de contracter avec un organisme agréé de son choix :

• Pour la gestion du maintien de la navigabilité :- organisme agréé Part-CAO avec

des privilèges de gestion du maintien de la navigabilité,- organisme agréé Parti-CAMO,- pendant encore 18 mois, orga-

nisme agréé Part-M/G.•Pour la réa l i sa t ion de la

maintenance :- atelier agréé Part-CAO avec des

privilèges de maintenance,- atelier agréé Part-145- Pendant encore 18 mois, atelier

agréé Part-M/F.Pour un club, cette responsabi-

lité est, par défaut, sur les épaules de son président (sauf dans les cas

sont agréés : légers, non légers et CMPA, et tous les types d’exploita-tion : transport aérien commercial, aviation générale, travail aérien et clubs. Pour les ateliers, aujourd’hui Part-145, il n’y a pas de boulever-sement, ils continuent leurs activités habituelles, selon des normes bien établies., et sont toujours audités par l’OSAC, comme par le passé.

L’innovation vient en fait de la seconde annexe : la Par t-CAO (Combined Airworthiness Organisat ion). El le regroupe sous le même libellé un seul agré-ment pour la gestion du maintien de la navigabilité et les opéra-tions de maintenance ; une sorte de Part-M/G et M/F simultanées, mais réservée aux avions autres que motorisés complexes et dont l’exploitation ne nécessite pas la délivrance d’une licence conformé-ment au règlement (CE) 1008/2008. C’est déjà une première manifesta-tion de la volonté de l’Europe de marquer la différence entre l’avia-tion générale et le transport aérien commercial.

Avant, pour entretenir un avion, il fallait deux établissements : celui qui assurait le maintien de la navigabi-lité et dictait les travaux à réaliser et celui qui exécutait les tâches de maintenance. Certains faisaient les deux avec deux agréments que l’autorité devait « surveiller » sépa-rément, à l’aide d’audits et d’autres procédures de surveillance.

Avec les nouvelles règles (Part-CAO), un atelier, quelle que soit sa taille, pourra cumuler les deux fonctions avec des règles plus simples et adaptées à la taille des aéronefs qu’il gère. Le client pourra

L’immense majorité des avions légers sont désormais concernés par ce changement de réglemen-tation qui avait commencé avec l’introduction d’aménagements pour les ELA1 (moins de 1 200 kg MTOW).

Page 3: HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

86 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020

Ces deux programmes sont la base de la Part-ML. Ils méritent quelques explications.

Manufacturer’s Maintenance ManualLe manuel de maintenance du constructeur contient ses recom-mandations et obligations quant à l’entretien de la machine. Il détermine l’espacement des visites (calendaires et horaires), la liste précise des inspections à effectuer pour chaque visite, la liste des lubrifiants et produits à utiliser. Dans certains cas, les procédures d’inspection sont détaillées et illustrées.Pendant des années, on a considéré cette publication comme la compilation de la Torah, de la Bible et du Coran. Les saintes écritures étaient immuables et malheur à celui qui voulait en modifier le texte original. On peut comprendre cette attitude, mais il faut savoir que, dans la majorité des cas, ces manuels ont été écrits alors que bien des pilotes s’asseyant dans la machine concernée n’étaient pas nés !Ainsi, un Cessna 182 né en 1974 se doit de suivre la publication associée à son année de naissance. Mais à cette époque, les endoscopes n’existaient pas dans les ateliers de maintenance. C’est ce qui explique le fait que Cessna, dans son manuel de maintenance, demande le démontage de la dérive dorsale pour pouvoir inspecter les axes de dérive et de profondeur, le renvoi de trim et l’état général de l’empennage, depuis l’intérieur. C’est une opération très chronophage. Il faut enlever des dizaines de vis, séparer la dérive du fuselage en brisant le joint et la pein-ture. Une fois ouvert, l’empennage n’est pas des plus facile à inspecter. De nos jours, un endoscope (borescope), muni d’une source lumineuse variable et d’un zoom, permet de se faufiler à l’intérieur, sans démontage, pour procéder à une inspection visuelle complète.Cette méthode, non intrusive, a l’avantage d’être rapide, sûre et sécurisante. Pourquoi ? Parce que l’on va inspecter, zoomer sur les endroits qui pourraient poser problème, revenir par un autre angle et revérifier. Le tout sans démontage et avec la pos-sibilité d’enregistrer les images pour des comparaisons futures. Le résultat est une inspection visuelle, comme demandée par le constructeur, mais sans les risques liés au démontage et au remontage et les raccords esthétiques. Une inspection réalisée ainsi peut être faite en une heure et demie, un gain appréciable par rapport au cinq ou six heures qu’une inspection à la mode des années soixante-dix aurait demandé. Le niveau de sécurité est au moins égal, avec l’avantage de pouvoir conserver un historique visuel digital des inspections.On l’aura compris, la Part-ML ne permet pas à un propriétaire de s’affranchir de toutes les mesures d’entretien préconisées par le constructeur. Il devra toujours se conformer à ses consignes de navigabilité ou à celles de l’autorité (CN ou AD). Il devra aussi, obligatoirement, se conformer aux publications du constructeur relatives aux limitations de navigabilité (ALS/ALI).Tout cela demande une veille de ces documents réglemen-taires et beaucoup de méthode. Rien d’impossible, mais c’est quand même un travail ardu qui commence par lister toutes les consignes existantes, ainsi que les bulletins service (BS), de déterminer quels sont ceux qui sont applicables à la machine en fonction des modifications qu’elle a pu subir au cours du temps. On y ajoute toutes les contraintes ou limitations de navigabilité du constructeur.Par contre, ce qui est possible, c’est de palier à des opérations de maintenance plus ou moins justifiées, voire totalement inu-tiles, et de revenir à un entretien plus pragmatique et réaliste.

Prenons l’exemple du programme de maintenance d’un Piper Warrior de 1971. Il est précisé deux opérations de maintenance qui pourraient être discutées longtemps. L’une demande une vérification de la batterie par pesée gravimétrique, et ce, tous les trente jours. Cette opération, interprétée comme une consigne du constructeur, a conduit des dizaines de Piper à être cloués au sol en Suède. On peine à trouver l’argument sécuritaire lié à cette inspection. Une inspection visuelle, réalisée par le pro-priétaire, de la boîte à batterie et de son état d’aération, une vérification de l’absence d’acide ou de sulfatation des cosses, soit ! Mais l’inspection mentionnée par Piper oblige à l’inter-vention d’un mécanicien ! Tous les trente jours, et d’une APRS ! Voilà le genre de chose que l’on changera dans un programme Partie-ML ! (Pour la petite histoire, les mêmes avions ont été recollés au sol, par les mêmes inspecteurs suédois, cette fois-ci parce qu’ils n’avaient pas été lavés depuis plus de trente jours par du personnel habilité à délivrer une APRS. Inutile de vous dire que les propriétaires ont fini par jeter les inspecteurs en pâture aux loups !)Ce qui attend les propriétaires qui vont souhaiter modifier leur programme d’entretien, malgré le fait que l’autorité ne les approu-vera plus, c’est une collaboration intense avec leur atelier ou avec un conseiller éclairé. Pour que le système fonctionne, il faut que l’atelier et le propriétaire soient d’accord. Tout va se jouer sur une nouvelle relation entre l’atelier et l’opérateur. Il va falloir discuter, argumenter, convaincre mais aussi accepter. En clair, place à la négociation. Ce qui était immuable hier ne l’est plus aujourd’hui. En cas de désaccord insoluble, chacun repartira de son côté et cherchera soit un client plus raisonnable soit un atelier plus ouvert. C’est dans ces conditions que l’économie de marché peut jouer son rôle, sans influer sur la sécurité.

Et le MIP ?Le Minimum Inspection Program, c’est un peu le garde-fou des opérations de maintenance. Comme les aéronefs d’aviation générale ne sont pas très différents les uns des autres, on peut créer un programme d’inspection dont le corps est générique qui contient les opérations que tout monomoteur ou bimoteur devrait subir lors d’une maintenance minimale (il existe trois MIP : un pour les avions, un pour les planeurs et motoplaneurs et un pour les ballons). Ensuite, ce programme se verra modi-fié par l’ajout de procédures propres à l’avion, ses systèmes, voire les particularités de son exploitation.Cela permet d’avoir un point de départ valide et réaliste lorsque son avion ne dispose pas d’une documentation constructeur fiable. Certains avions français des années soixante et soixante-dix sont dans ce cas, le manuel de maintenance étant réduit à sa plus simple expression.

Manufacturer’s Maintenance Manual et Minimum Inspection Program

Page 4: HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

556 - Mai 2020 - Aviation et Pilote 87

ultra-rares où l’aéroclub exerce une activité commerciale, ce qui implique un contrat avec un orga-nisme agréé Par t-CAMO/CAO ou M/G). Dans les cas classiques (pas d’exploitation commerciale), le président peut choisir d’exercer ce privilège ou de passer un contrat avec un organisme agréé pour la gestion du maintien de la navigabilité. Dans ce cas, c’est l’organisme qui prend la responsabilité de son suivi.

L’atelier est, lui, responsable de la bonne exécution de ces travaux, qu’ils aient été commandés par le président, le propriétaire ou l’orga-nisme contracté.

Rédiger son programme d’entretien

Le programme d’entretien (PE) est élaboré à partir d’au moins une des deux sources suivantes : le manuel de maintenance du constructeur ou le MIP (Minimum Inspection Program) (lire aussi l’encadré). Pour le pro-priétaire d’un aéronef, la réelle nouveauté réside dans le fait qu’il peut concevoir un PE élaboré par ses soins et, à ce titre, y introduire des « déviations » par rapport aux recommandations d’entretien du constructeur. Cette souplesse per-met une gestion plus intelligente des visites et des tâches répétitives.

Une bonne partie de ces dévia-tions va concerner, par exemple, les décisions à prendre en cas de faible usure d’un sous-ensemble sou-mis à une butée calendaire. Tout le monde pense d’abord au moteur. Le PE classique prévoit que le moteur soit refait au bout de 10 ans ou 2 400 heures. Mais les pilotes pri-vés volent au mieux 100 heures par an. Résultat : au bout de 10 ans, cela fait tout juste 1 000 heures de vol, il en reste encore 1 400 ! Avec cette Part-ML, le propriétaire a la faculté de repousser la RG (la raison et l’objectif de sécurité l’inciteront à accompagner cette prolongation par des mesures compensatoires, comme des examens endoscopiques ou encore des analyses d’huile pour vérifier la bonne santé du moteur). Il s’agit, pour l’EASA, d’introduire la philosophie américaine de l’entretien pragmatique : le « On condition », dans une certaine mesure…

Pour la RG hélice, le principe est

le même : pour-quoi la changer quand son état ne le mérite pas ? Désormais, on peut mettre en place une surveil-lance particulière en cas de dépassement calendaire, associée à un programme de vérification des cotes et mesures de l’hélice, sans toutefois repousser toutes les instructions du construc-teur. Cette souplesse avait déjà été rendue possible en 2014 pour les avions de catégorie ELA1 (les aéro-nefs légers de moins de 1 200 kg, typiquement les DR 400). La grande nouveauté est qu’elle concerne aujourd’hui tous les aéronefs légers non exploités en TAC sous licence, soit un spectre beaucoup plus large d’appareils.

On ne peut pas encore chif-frer le gain précis pour un pilote propriétaire, mais garder son moteur plus longtemps procure une écono-mie de la moitié de sa valeur, soit environ 20 000 euros. Même s’il ne s’agit pas d’une économie directe, cela va influer directement sur le coût de l’heure de vol.

L’exemple des pièces PMA

Le programme d’entretien devrait pouvoir éliminer un certain nombre de tâches que la sur veil lance de l’aéronef, mais aussi la bonne connaissance de l’appareil par son propriétaire, rendent caduques. En qualité de responsable de la naviga-bilité, celui-ci va pouvoir décider de choisir, en s’écartant du programme du constructeur, d’assurer sa main-tenance en utilisant, par exemple, des pièces PMA (Part Manufacturer Approved), des pièces cer tifiées pour remplacer à l’identique les or iginales ; cette cer tification assure l’utilisateur qu’il dispose d’une pièce identique à l’originale, quant à ses dimensions, sa résistance et ses fonctionnalités.

La pièce PMA est donc au moins égale à l’original, voire présente des avantages techniques significatifs, issus des remontées d’expérience depuis le terrain. Cela va de la

pochette de joints PMA

aux ceintures de sécurité, en passant par les cylindres, pistons, arbres à cames, vilebrequins. Dans le meilleur des cas, on peut constater une différence de prix qui peut atteindre 50 %, voire plus. Attention toutefois à bien vérifier que l’autorité américaine FAA a bien émis un certificat qui montre la concordance entre le « par t number » autorisé par le détenteur du certificat de type et le « part number » PMA. Il faut également vérifier les conditions de garantie, certains constructeurs restants aller-giques à cette notion.

Le pilote propriétaire ne jouit pas non plus d’une liberté totale pour entretenir sa machine. Les possibi-lités de déviations sont limitées et elles concernent surtout des écarts au programme du constructeur, à la condition qu’ils soient motivés par des raisons pragmatiques et que ces dernières contribuent à un niveau de sécurité au moins équivalent à celui d’origine.

Les documents de référence

On l’a vu, pour se fabriquer un programme, le propriétaire dis-pose d’une deuxième source : le Minimum Inspection Program (MIP). Établi sur le plan international par un groupe d’exper ts du monde de l’aviation, c’est en quelque sorte un programme générique. Quant au PE du constructeur, il est, comme son nom l’indique, celui élaboré par le détenteur du certificat de type. Celui-ci a vocation à évoluer pour tenir compte des nouvelles réglementations – ce qui est loin d’avoir toujours été le cas.

Se fabriquer un programme d’entretien suppose donc une ana-

Quel que soit le type de moteur utilisé dans nos avions, l’entre-tien sérieux est une garantie de sécurité. Même si la Part-ML et les nouveaux programmes d’entretien permettent d’opti-miser les tâches de maintenance, il est primordial de conserver le niveau de sécurité adéquat.

Page 5: HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

88 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020

lyse fine de ces deux programmes pour en prendre le meilleur, ou les combiner à loisir, tout en sachant bien que le MIP ne peut pas être allégé : il ne peut être qu’enrichi. Le PE constructeur, lui, peut être réduit pour environ 10 % de son contenu selon les experts, soit une vingtaine d’items sur les 200. Ces déviations ne pourront por ter que sur les recommandations de ce dernier et non sur les obligations d’entre-tien. Dès qu’il s’agit de dévier des recommandations d’entretien du programme constructeur, la limite qui ne peut jamais être remise en question est le contenu du MIP.

Des obligations

Le programme d’entretien du propriétaire doit en effet satisfaire plusieurs critères qui paraissent évidents : il doit tenir compte des consignes de navigabil ité émises par l’autorité et des AD (Airworthiness Directives en anglais, CN en Français) du constructeur qui impactent directement la sécurité des vols. Il doit également suivre les obligations d’entretien venant d’autres sources ou encore intégrer les consignes concernant la durée de vie limitée de certaines pièces (LLP).

Notez que pour des pièces à potentiel, il sera toujours possible de les remplacer par des pièces PMA à potentiel égal, mais bien moins onéreuses (cylindres moteurs, ceintures de sécurité, filtres, pièces structurelles ou décoratives). Sachez aussi que, quelquefois, un investisse-ment réalisé à un moment donné permet de s’affranchir de chan-gements de pièces obligatoires à intervalles fixes. Prenez l’exemple des tuyaux caoutchouc, souvent uti-lisés pour les conduites d’huile ou carburant, à changer tous les cinq ou trois ans. On pourra les remplacer par des tuyaux téflon, sans limite de vie, à la condition que cela ait été prévu par le constructeur.

La Par t-ML introduit égale-ment l’éventualité de modifier les intervalles entre deux inspections pour un spectre plus large d’aéro-nef qu’auparavant. Cette solution permet éventuellement de ratio-naliser le passage au sein de l’atelier, cela autorise le propriétaire à

grouper ses entretiens. Toutefois, cette démarche doit s’appuyer sur une analyse du risque qui tient compte de l’entretien de l’avion, son exploitation passée, des mesures compensatoires (vérifications pério-diques, inspections visuelles par le pilote sans démontage), mais elle doit sur tout respecter le timing minimum du MIP, en deçà duquel on ne peut descendre.

Par ai l leur s, le propr iétaire peut aussi s’appuyer sur une MEL (Minimum Equipement List) pour faciliter l’exploitation de son appa-reil. Schématiquement, cette liste détaille, comme son nom l’indique, les équipements minimums pour exploiter l’appareil en toute sécu-rité. Cela permet de voler même s’il existe des défauts non réparés dans un avion pour peu qu’ils aient été intégrés dans la MEL. Cette solution permet de différer un entretien, toujours dans le même souci de réduire les passages au sein de l’atelier.

Une déclaration

Le programme d’entretien doit également contenir les spécifici-tés de l’aéronef : caractéristiques, type d’exploitation et le nom des pilotes propriétaires qui effectuent des opérations de maintenance. Dans le cadre de la Part-ML, ce PE n’est plus approuvé par l’autorité (en l’occurrence l’OSAC pour les appareils immatriculés en France) comme dans le passé. Il est déclaré par le propriétaire responsable de la navigabilité. Si l’avion est confié à un

Part-CAMO ou un Part-CAO, ce sont ces derniers qui approuvent le PE, sachant que ces organismes peuvent eux-mêmes introduire des déviations par rapport au pro-gramme du constructeur, comme aurait pu le faire le propriétaire. Cependant, à la différence de ce der-nier, l’organisme agréé qui applique des déviations aux recommanda-tions d’entretien du constructeur doit impérativement les justifier.

Pour mémoire, le délai s’écoulant entre la soumission et l’approbation d’un programme dans l’ancien sys-tème pouvait atteindre trois mois (le temps de quelques aller et retour et en fonction de la qualité du PE envoyé et des particularités éven-tuelles de l’appareil, même si OSAC faisait tout son possible pour le réduire à sa plus simple expression). La procédure s’est donc considéra-blement simplifiée. T

outefois, un PE n’est jamais figé. On peut même dire qu’une sur-veillance de fait s’instaure entre les CAMO/CAO ou le propriétaire qui suivent le programme et les ateliers. En effet, si l’un des deux décèle une faille dans le programme ou un item qui joue sur la sécurité, il devra être modifié. En cas de refus du pilote propriétaire, l’événement sera signalé à OSAC. D’une façon générale, le PE est forcément revu annuellement et lors de la visite de navigabilité qui permet d’obtenir le renouvellement du certificat européen de navigabi-lité (CEN ou ARC).

Cette nouvelle réglementation renforce singulièrement le rôle du pilote propriétaire et, sur tout, sa

La Part-ML n’est pas le seul aménagement des règles de maintenance habituelles. Le CS-STAN devrait être mieux connu des propriétaires et exploitants. Il permet l’installa-tion de nouveaux équipements et de traiter certaines réparations grâce à des règles pragmatiques et simples.

Page 6: HUMEUR La Part-ML simplifie l’aviation légère - OSAC · 2020. 6. 4. · 84 Aviation et Pilote - 556 - Mai 2020 HUMEUR Par Claude LELAIE VOYAGEMAINTENANCE Par Jean-Michel BOSSUET,

556 - Mai 2020 - Aviation et Pilote 89

responsabilité dans l’entretien de son appareil. Selon les organismes qui ont porté cette demande auprès de l’EASA, le pilote propriétaire est le premier concerné par la sécu-rité de son aéronef, ce qui devrait le rendre plus sérieux.

De nouvelles relations avec l’atelier

Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte. Le premier est le niveau de compétence du propriétaire pilote en matière de maintenance. Selon Emmanuel Davidson, le président de l’AOPA France et responsable de son PE : « Il faut au minimum trois mois pour rédiger un programme d’entretien pour la première fois et sans expé-rience préalable. Il faut tenir compte du temps d’apprentissage, mais aussi de la disponibilité de son atelier pour poser les choses sur la table et discu-ter du bien-fondé des déviations. La rédaction d’un programme d’entretien, c’est l’addition de compétences de plusieurs entités dans le but de garan-tir la sécurité des vols et d’établir une relation de confiance sur le long terme. Le propriétaire cherche, certes, à réali-ser toutes les économies possibles – et j’insiste sur la notion d’économies pos-sibles et raisonnables –, l’atelier amène son expérience propre à la machine et indique les points sur lesquels aucune discussion n’est possible et ceux qui sont aménageables. C’est loin d’être un processus simple. Mais pour les propriétaires qui accepteront de s’y pencher, c’est une occasion unique d’accroître leurs connaissances tech-niques et leur compréhension des systèmes de l’avion, sans compro-mettre la sécurité. Certains voudront le faire, d’autres choisiront de déléguer. Mais, au moins, maintenant, nous avons le choix et avons récupéré, si nous le désirons, une partie de la res-ponsabilité de nos aéronefs. »

Donc, certains propriétaires ou exploitants ne voudront – ou ne pourront – pas mettre les mains dans le cambouis. Les CAMO ou les CAO seraient alors les premiers interlocuteurs de ceux qui ne se sentent pas l’énergie pour concevoir à leur place un PE. Enfin, la nature ayant horreur du vide, il est très probable que certains organismes ou métiers de consulting se crée-

Il est clair que cette Part-ML va changer la donne pour les ateliers, car les propriétaires auront, a priori, une plus grande liberté d’en chan-ger. Pour cet observateur avisé, cela mettra les organismes de mainte-nance en concurrence ou, tout au moins, donnera la possibilité à un propriétaire d’aller plus facilement vérifier ce que d’autres proposent. Cela permettra d’engager un dia-logue constructif pour optimiser la maintenance avec une bonne dose de pragmatisme.

Le nouveau règlement est entré en vigueur le 24 mars dernier. Les professionnels auront plusieurs mois pour se mettre aux normes sur le plan des agréments (les agréments Par t-M/G et Par t-M/F restent encore valides pendant 18 mois), mais sont en revanche tenus d’appli-quer depuis le 24 mars 2020 cette nouvelle Part-ML. C’est donc une victoire pour tous ceux qui se déses-péraient de voir leur aviation cesser d’être attractive.

Avoir le choix

Vous l’aurez compris, personne ne vous demande de vous transformer en expert de la navigabilité du jour au lendemain. Si ces concepts vous insupportent, vous pouvez parfai-tement la déléguer, ainsi que la rédaction du programme d’entre-tien et toutes les autres opérations, à un organisme agréé Part-CAO de votre choix, au sein de votre atelier ou non. Mais pour ceux qui sont prêts à trouver le temps de discuter avec l’atelier, avec un esprit ouvert et sans chasser l’économie à tout prix, les gains financiers seront au rendez-vous. y

ront pour répondre aux besoins des propriétaires afin d’optimiser leur programme d’entretien. Pour l’heure, OSAC a mis en place un MOOC pour se familiariser avec tout ce dispositif réglementaire. Malgré la bonne volonté des « profs », la matière n’est pas simple à appré-hender. L’organisme de surveillance s’apprête également à organiser des formations gratuites, essentiellement pour les pilotes propriétaires.

Des économies tangibles

Il est aujourd’hui difficile d’avoir une idée précise du gain monétaire que cette Part-ML va permettre. Mais, selon OSAC, sur l’entretien du moteur, un propriétaire pourrait faire entre 10 et 20 % d’écono-mies et jusqu’à 30 % sur l’aéronef dans son entier. C’est loin d’être négligeable.

Il y a une autre inconnue de taille : la façon dont les organismes de maintenance vont se fondre dans le dispositif. « Je me demande bien comment les propriétaires vont élaborer leur programme sachant qu’il faut naturellement détenir et maîtri-ser le manuel de maintenance du constructeur, qu’il faut être abonné aux CN/AD et qu’il faut surtout le maintenir à jour en permanence. Je ne vois pas les ateliers suivre facile-ment les programmes conçus par un propriétaire. De surcroît, est-ce que les ateliers prendront la responsabilité d’assurer la visite de navigabilité en délivrant le CEN. J’ai aussi peur qu’il y ait un risque de conflit potentiel entre atelier et donneur d’ordres. Je suis presque sûr que mes clients ne se lanceront pas », exprime ce res-ponsable d’atelier d’entretien.

L’aviation générale, telle que pratiquée dans notre pays, ne se limite pas forcément aux avions non complexes de moins de 2 730 kg MTOW. Pour ceux qui ne sont pas dans cette catégorie, les choses restent identiques.