6
Douleurs, 2006, 7, 1 11 FAITES LE POINT Hyperalgésie postopératoire Description clinique, mécanismes et prévention Jean-Michel Pellat (photo) (1) , Hasan Hodaj (1) , Jean-Pierre Alibeu (1) , Jean-François Payen (2) , Claude Jacquot (2) DESCRIPTION CLINIQUE L’hyperalgésie postopératoire est un terme global utilisé pour désigner les phénomènes d’hypersensibilité qui apparaissent après une intervention chirurgicale. Elle associe cliniquement des phénomènes allodyniques et hyper- algésiques (au sens neurophysiologi- que du terme) : l’allodynie est une diminution du seuil douloureux, c’est-à-dire une sensation de douleur induite par une stimulation normalement non douloureuse. L’hyper- algésie correspond à une augmentation de la réponse neuro- nale à un stimulus supraliminaire, c’est-à-dire au dessus du seuil douloureux. Un simple frottement peut devenir dou- loureux (allodynie) et une stimulation normalement doulou- reuse devient encore plus douloureuse (hyperalgésie). On distingue l’hyperalgésie primaire de l’hyperalgésie secondaire (fig. 1) sur des critères topographiques et physio- pathologiques : la zone d’hyperalgésie primaire est située au niveau de la lésion, l’allodynie présente à ce niveau est thermique et mécanique et son apparition serait liée à des phénomènes de sensibilisation du nocicepteur (sensibili- sation périphérique). La zone d’hyperalgésie secondaire, quant à elle, est située autour de la lésion, et son apparition serait liée à des phénomènes de sensibilisation centrale. L’allodynie est seulement mécanique. Les données de la littérature justifient la prévention des phénomènes d’hyperalgésie puisqu’il semblerait qu’ils puis- sent persister jusqu’à 3 à 6 mois après une intervention chi- rurgicale [1, 2]. MÉCANISMES DE L’HYPERALGESIE POSTOPÉRATOIRE Les lésions chirurgicales activent des mécanismes périphé- riques et centraux au niveau du système nerveux aboutis- sant à une sensibilisation des voies de la douleur (fig. 2). Les opioïdes participent également au développement de ces phénomènes de sensibilisation. La sensibilisation périphérique La chirurgie est responsable de lésions tissulaires à l’origine d’une inflammation locale avec formation entre la lésion et le nocicepteur d’une « soupe inflammatoire » composée de différents médiateurs, détaillés ci-dessous (fig. 3). La plupart sont activateurs du nocicepteur mais d’autres sont sensibili- sateurs et certains ont une activité mixte. La sensibilisation du nocicepteur est responsable d’une diminution de son seuil d’activation et d’une amplification de l’influx avec une augmentation de la réponse neuronale à une stimulation supraliminaire. Cliniquement, ces deux phénomènes se tra- duisent respectivement au niveau de la zone lésée (hyper- algésie primaire), par une allodynie et une hyperalgésie. La « soupe inflammatoire » est composée principalement de 3 types de médiateurs : des médiateurs tissulaires (ions hydrogène, adénosine triphosphate) directement libérés par la lésion et responsa- bles de l’activation du nocicepteur mais sans effet sensibili- sateur ; des médiateurs inflammatoires : il s’agit de la bradyki- nine qui va augmenter la perméabilité capillaire et qui repré- sente également un des agents algogènes le plus puissant. Les prostaglandines, les leucotriènes, des cytokines pro inflammatoires et le NGF (facteur de croissance neuronal) outre leurs actions propres, vont sensibiliser les récepteurs à l’action d’autres substances. On peut y adjoindre la séroto- nine issue de l’agrégation des thrombocytes et de la dégra- nulation des mastocytes, et l’histamine prurigineuse puis douloureuse à concentration plus élevée, issue également des granules des mastocytes ; 1. Centre de la douleur, Département d’Anesthésie Réanimation 1, CHU Grenoble. 2. Département d’Anesthésie Réanimation 1, CHU Grenoble. Figure 1. Description clinique de l’hyperalgésie postopératoire avec ses deux principales composantes : primaire et secondaire, dont les caractéristiques topographiques, séméiologiques et physiopathologi- ques sont différentes. Hyperalgésie primaire Au niveau de la lésion Allodynie thermique et mécanique Sensibilisation des nocicepteurs Hyperalgésie secondaire Autour de la lésion Allodynie mécanique Sensibilisation centrale

Hyperalgésie postopératoire

  • Upload
    claude

  • View
    218

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Douleurs, 2006, 7, 1

11

F A I T E S L E P O I N T

Hyperalgésie postopératoire

Description clinique, mécanismes et prévention

Jean-Michel Pellat (photo)

(1)

, Hasan Hodaj

(1)

, Jean-Pierre Alibeu

(1)

, Jean-François Payen

(2)

, Claude Jacquot

(2)

DESCRIPTION CLINIQUE

L’hyperalgésie postopératoire est unterme global utilisé pour désigner lesphénomènes d’hypersensibilité quiapparaissent après une interventionchirurgicale. Elle associe cliniquementdes phénomènes allodyniques et hyper-algésiques (au sens neurophysiologi-

que du terme) : l’allodynie est une diminution du seuildouloureux, c’est-à-dire une sensation de douleur induitepar une stimulation normalement non douloureuse. L’hyper-algésie correspond à une augmentation de la réponse neuro-nale à un stimulus supraliminaire, c’est-à-dire au dessus duseuil douloureux. Un simple frottement peut devenir dou-loureux (allodynie) et une stimulation normalement doulou-reuse devient encore plus douloureuse (hyperalgésie).On distingue l’hyperalgésie primaire de l’hyperalgésiesecondaire

(fig. 1)

sur des critères topographiques et physio-pathologiques : la zone d’hyperalgésie primaire est situéeau niveau de la lésion, l’allodynie présente à ce niveau estthermique et mécanique et son apparition serait liée à desphénomènes de sensibilisation du nocicepteur (sensibili-sation périphérique). La zone d’hyperalgésie secondaire,quant à elle, est située autour de la lésion, et son apparitionserait liée à des phénomènes de sensibilisation centrale.L’allodynie est seulement mécanique.Les données de la littérature justifient la prévention desphénomènes d’hyperalgésie puisqu’il semblerait qu’ils puis-sent persister jusqu’à 3 à 6 mois après une intervention chi-rurgicale [1, 2].

MÉCANISMES DE L’HYPERALGESIE POSTOPÉRATOIRE

Les lésions chirurgicales activent des mécanismes périphé-riques et centraux au niveau du système nerveux aboutis-sant à une sensibilisation des voies de la douleur

(fig. 2)

.Les opioïdes participent également au développement deces phénomènes de sensibilisation.

La sensibilisation périphérique

La chirurgie est responsable de lésions tissulaires à l’origined’une inflammation locale avec formation entre la lésion etle nocicepteur d’une « soupe inflammatoire » composée dedifférents médiateurs, détaillés ci-dessous

(fig. 3)

. La plupartsont activateurs du nocicepteur mais d’autres sont sensibili-sateurs et certains ont une activité mixte. La sensibilisationdu nocicepteur est responsable d’une diminution de sonseuil d’activation et d’une amplification de l’influx avec uneaugmentation de la réponse neuronale à une stimulationsupraliminaire. Cliniquement, ces deux phénomènes se tra-duisent respectivement au niveau de la zone lésée (hyper-algésie primaire), par une allodynie et une hyperalgésie.La « soupe inflammatoire » est composée principalement de3 types de médiateurs :–

des médiateurs tissulaires

(ions hydrogène, adénosinetriphosphate) directement libérés par la lésion et responsa-bles de l’activation du nocicepteur mais sans effet sensibili-sateur ;–

des médiateurs inflammatoires

: il s’agit de la bradyki-nine qui va augmenter la perméabilité capillaire et qui repré-sente également un des agents algogènes le plus puissant.Les prostaglandines, les leucotriènes, des cytokines proinflammatoires et le NGF (facteur de croissance neuronal)outre leurs actions propres, vont sensibiliser les récepteursà l’action d’autres substances. On peut y adjoindre la séroto-nine issue de l’agrégation des thrombocytes et de la dégra-nulation des mastocytes, et l’histamine prurigineuse puisdouloureuse à concentration plus élevée, issue égalementdes granules des mastocytes ;

1. Centre de la douleur, Département d’AnesthésieRéanimation 1, CHU Grenoble.2. Département d’Anesthésie Réanimation 1, CHU Grenoble.

Figure 1. Description clinique de l’hyperalgésie postopératoire avecses deux principales composantes : primaire et secondaire, dont lescaractéristiques topographiques, séméiologiques et physiopathologi-ques sont différentes.

Hyperalgésie primaire

Au niveau de la lésion

Allodynie thermique et mécaniqueSensibilisation des nocicepteurs

Hyperalgésie secondaire

Autour de la lésion

Allodynie mécaniqueSensibilisation centrale

Douleurs, 2006, 7, 1

12

des neuropeptides

(substance P, CGRP, neurokinine A) quiactivent et sensibilisent le nocicepteur. Ils sont sécrétés enpériphérie par le neurone. Cette sécrétion est appelée anti-dromique parce qu’elle se fait dans le sens opposé à la direc-tion de progression du potentiel d’action au niveau neuronal.

En réponse à une agression tissulaire, le nocicepteurdevient donc plus sensible à l’action des différentes subs-tances algogènes, avec un abaissement de ces seuils d’acti-

vation et une augmentation de sa réponse à un stimulussupraliminaire.

La sensibilisation centrale

Il existe également des mécanismes sensibilisateurs locali-sés au niveau de corne postérieure de la moelle épinière etmédiés par les récepteurs N-Méthyl-D-Aspartate (NMDA)situés en post-synaptique de la jonction entre le premier etle deuxième neurone des voies de la douleur

(fig. 4)

.

Dans les conditions physiologiques, la libération de gluta-mate par les terminaisons des fibres afférentes puis saliaison aux récepteurs non-NMDA, entraîne une dépolarisa-tion des neurones de la corne postérieure. Le récepteurNMDA possède un canal ionique réglant l’entrée de calciumdans la cellule. Dans les conditions normales, celui-ci estbloqué par les ions magnésium. Dans certaines conditionspathologiques comme une agression chirurgicale, l’activa-tion prolongée des fibres de la douleur dépolariserait suffi-samment les neurones pour déplacer les ions magnésium,débloquant ainsi les récepteurs NMDA et provoquant uneentrée massive de calcium dans le neurone. Il en résulte desmodifications à long terme de l’excitabilité neuronale,notamment par l’activation d’une protéine kinase (Pkc)calcium dépendante qui va modifier les propriétés des pro-téines membranaires et de la NO synthase (à l’origine de lasynthèse d’oxyde nitrique). L’ensemble de ces activités estmodulé par les acides aminés inhibiteurs (GABA et Glycine)et par les neuropeptides. Tous ces phénomènes correspon-dent à la sensibilisation centrale qui se traduit cliniquementsous la forme d’hyperalgésie secondaire. Une étude récente

Figure 2. Ce schéma résume les mécanismes sensibilisateurs périphériques et centraux et leur expression clinique sous la forme d’hyperalgésieprimaire ou secondaire.

Chirurgie

Lésions tissulaires

Inflammation

Soupe inflammatoireRéflexe d’axone

Nocicepteurs silencieux

Corne Post MoelleOpioïdes

SENSIBILISATIONPERIPHERIQUE

HYPERALGESIE PRIMAIRE

HYPERALGESIE SECONDAIRE

NMDA

SENSIBILISATIONCENTRALE

Figure 3. La « soupe inflammatoire » composée de trois types demédiateurs à l’origine de la sensibilisation périphérique, apparaîtentre la lésion tissulaire et le nocicepteur. Les médiateurs sécrétés àce niveau sont soit activateurs (flèches continues), soit sensibilisateurs(flèches discontinues) du nocicepteur.

LESION

NOCICEPTEUR

Neuropeptides

Médiateurs

inflammatoires

Médiateurs

tissulaires

Douleurs, 2006, 7, 1

13

réalisée chez dix huit volontaires sains soumis à une inci-sion de la face antérieure de l’avant bras, a permis de mettreen évidence l’effet préventif d’une infiltration préincision-nelle de lidocaine sur le développement de l’hyperalgésiesecondaire. Cet effet préventif disparaît lorsque l’infiltrationd’anesthésique local est effectuée après l’incision. Ces élé-ments sont en faveur d’une médiation centrale de l’hyper-algésie secondaire [3].

Le rôle des opioïdes

Comme nous l’avons détaillé dans les paragraphes précé-dents, les lésions tissulaires chirurgicales induisent la sensi-bilisation des voies de la douleur au niveau périphérique etcentral, et les opioïdes utilisés pour assurer l’analgésie péri-opératoire contribuent également au développement de cesphénomènes sensibilisateurs.

Les études réalisées chez le rat soumis à une perfusion defentanyl ont mis en évidence l’apparition d’un état d’hyper-algésie dans les cinq jours suivants l’administration du mor-phinique. Cet effet observé est dose dépendant et prévenupar la perfusion préalable de kétamine (antagoniste desrécepteurs NMDA) [4]. Ces phénomènes d’hyperalgésieinduits par les opioïdes ont également été observés chez levolontaire sain [5] et en chirurgie colorectale [6].

Systèmes inhibiteurs et facilitateurs

(fig. 5)

Pour bien comprendre les mécanismes responsables du déve-loppement de l’hyperalgésie postopératoire, il faut considérerl’état nociceptif d’un sujet comme la résultante de l’activationde systèmes inhibiteurs et facilitateurs [7]. L’activation despremiers est à l’origine d’effets analgésiants à court terme,alors que les deuxièmes entraînent des effets hyperalgésiantsplus prolongés dans le temps. La chirurgie et l’inflammation

activent les systèmes facilitateurs par le biais de la sensibilisa-tion périphérique et des récepteurs NMDA (sensibilisationcentrale). Les opioïdes, quant à eux, activeraient non seule-ment les systèmes inhibiteurs responsables de leurs effetsantalgiques, mais également les systèmes facilitateurs à l’ori-gine des phénomènes d’hyperalgésie. Ceux-ci sont démasquéssecondairement après la disparition des effets antalgiques. Enraison de sa pharmacocinétique à l’origine d’une réversibilitérapide de ses effets cliniques, les phénomènes d’hyperalgésieobservés avec le rémifentanil sont très précoces après l’arrêtde sa perfusion et justifient un relais anticipé par de la mor-phine lorsqu’il est utilisé en per-opératoire.

PRÉVENTION DE L’HYPERALGÉSIE POSTOPÉRATOIRE

Limitation du traumatisme tissulaire

La littérature est relativement pauvre à ce sujet, mais lesmécanismes responsables de l’hyperalgésie permettent depenser que la limitation du traumatisme tissulaire puisse lalimiter. Ainsi, la diminution de l’agression chirurgicale pardes techniques moins invasives et délabrantes permettrait delimiter le développement des phénomènes d’hyperalgésie.

Le paracétamol et les anti-inflammatoires

En plus de leurs effets antalgiques, ces thérapeutiquesposséderaient des vertus anti-hyperalgésiantes médiées pardes phénomènes centraux, par action au niveau des cyclo-oxygénases centrales et par des effets antagonistes desrécepteurs NMDA [8, 9].

Les anesthésiques locaux

Leurs effets anti-hyperalgésiants sont connus chez l’animalet chez le volontaire sain [3]. Les données de la littérature

Figure 4. À l’état physiologique, les récepteurs NMDA présents au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière, sont bloqués par desions magnésium (partie gauche). Une stimulation prolongée du système de la nociception va déplacer ces ions et permettre une entrée massivede calcium intracellulaire à l’origine de modification à long terme de l’excitabilité neuronale (partie droite).

Corne Post Moelle

ChirurgieGlutamate Présynaptique

NMDANMDA

Post synaptique

Magnésium

Corne Post Moelle

ChirurgieGlutamate Présynaptique

NMDANMDA

Ca2+

PKc

+

+NOs

NO

+

Post synaptique

Douleurs, 2006, 7, 1

14

suggèrent par ailleurs que la réalisation d’un bloc péridural,

en particulier lorsque celui-ci est réalisé en préopératoire,

permettrait de diminuer l’incidence de douleurs prolongées

[10, 11]. Mais d’autres essais cliniques n’ont pas retrouvé

d’effets bénéfiques à l’infiltration préopératoire, d’après les

scores de douleur et la consommation de morphine post-

opératoire [12]. Les anesthésiques locaux possèdent donc

des effets antihyperalgésiants mais la littérature reste contra-

dictoire en ce qui concerne le moment optimal pour les

administrer.

La kétamine

Comme en témoigne la majorité des nombreux essais clini-

ques randomisés, cette molécule possède des vertus anti-

hyperalgésiantes liées à sa capacité d’antagoniser le récepteur

NMDA au niveau de la corne postérieure de la moelle. Il

semblerait que son administration peropératoire présente

un rapport bénéfice/risque optimal, alors que l’intérêt de

l’administrer en postopératoire reste discuté en raison de

l’incidence accrue d’effets indésirables. L’administration

préopératoire de kétamine ne semble pas supérieure à

l’administration peropératoire. Les recommandations actuel-

les élaborées à partir de ces données sont résumées dans le

tableau I

[13]. En cas d’administration postopératoire par

PCA, la kétamine sera mélangée à la morphine et des bolus

de 0,5 à 1 mg seront réalisés.

Il est rappelé que l’utilisation de la kétamine est contre-

indiquée par voie péridurale, intra-thécale ou péri neurale en

raison du risque de toxicité neurologique lié au chlorobutanol,contenu dans la forme énantiomérique disponible en France.

Il est rappelé également que la survenue des effets secondai-res d’ordre psychodysleptique se fait dès les plus faiblesposologies et de manière dose dépendante.

Le magnésium

À l’état physiologique, les ions magnésium bloquent le récep-teur NMDA empêchant l’entrée de calcium dans le neurone.Dans les conditions pathologiques comme la chirurgie, ledéplacement de ces ions va permettre l’activation du récep-teur NMDA par le glutamate, à l’origine de la sensibilisationcentrale du système de la nociception. Seong-Hoon

et al.

ont étudié l’effet protecteur d’une administration intra-veineuse péri-opératoire de magnésium sur le développe-ment des phénomènes d’hyperalgésie postopératoire, dansle cadre d’une étude randomisée en chirurgie gynécologi-

Figure 5. Le système de la nociception est la résultante d’un équilibre entre des systèmes inhibiteurs (effet analgésiant) et des systèmes facili-tateurs (effet hyperalgésiant). D’après Simonnet [7].

CaCa2+2+

RµRµ

++

RµRµ

++R. NMDAR. NMDA

++PKcPKc

++ ++

Systèmes inhibiteursSystèmes inhibiteurs SystèmesSystèmes facilitateursfacilitateurs

Nociception

Hyperalgésie.

AllodynieAnalgésie LONG TERMECOURT TERME

Opiacés Neuropathie

Inflammation

Chirurgie

Hyperalgésie.

AllodynieAnalgésie

Tableau IRecommandations concernant l’administration péri-opératoire de kétamine.

Administration peropératoire :

0,15 à 0,5 mg puis 2 mcg/kg/min

Administration postopératoire :

0,5 à 2 mcg/kg/min durant 24 H à 36 HPCA IV : Bolus de 0,5 à 1 mg

Douleurs, 2006, 7, 1

15

que, avec un groupe contrôle recevant un placebo [14]. Lesrésultats montrent que les consommations d’antalgiquespostopératoires et les concentrations de magnésium dans leliquide céphalorachidien (mesurées en fin d’intervention)sont identiques dans les deux groupes. Le passage de la bar-rière hématoencéphalique par le magnésium représentedonc un facteur limitant son intérêt puisque l’administra-tion péri-opératoire de forte dose de cet ion n’a pas permisd’accroître de manière significative ses concentrations dansle liquide céphalorachidien. En revanche, les concentra-tions intra-thécales de magnésium, quel que soit le grouped’appartenance des patients, semblent corrélées inverse-ment à la consommation d’antalgique.

L’augmentation postopératoire des concentrations intra-thécales de magnésium est potentiellement intéressantedans la prévention des phénomènes d’hyperalgésie, maisson passage limité à travers la barrière hématoencéphaliquene permet pas son utilisation en pratique.

La gabapentine

Cette molécule largement utilisée dans le traitement de ladouleur neuropathique chronique, présente un effet anti-hyperalgésiant démontré chez l’animal et le volontaire sain[15]. Des travaux récents ayant analysé l’intérêt de son admi-nistration préopératoire à la posologie de 1 200 mg, sur laprévention des phénomènes d’hyperalgésie [16], montrentpour la majorité d’entre eux une diminution significative desconsommations d’opioïdes dans les vingt quatre premièresheures postopératoires. Les effets indésirables (nausées,vomissement et sédation) étaient significativement augmen-tés dans une seule étude, qui avait pourtant utilisé de plusfaibles doses de gabapentine [17].

L’administration préopératoire de gabapentine à la posologiede 1 200 mg pourrait diminuer les consommations post-opératoires d’opioïdes, par un effet préventif sur le déve-loppement de l’hyperalgésie, sans induire d’effets indésirablessignificatifs.

CONCLUSION

(TABLEAU II)

L’hyperalgésie postopératoire est liée à une sensibilisationpériphérique et centrale des voies de la douleur, induite parla chirurgie et les morphiniques. La persistance jusqu’à6 mois après une intervention chirurgicale de ces phénomè-nes d’hypersensibilité justifie leur prévention par la limita-tion du traumatisme tissulaire, l’utilisation per-opératoiredes anesthésiques locaux et de certains antalgiques commela kétamine. D’autres molécules auraient des vertus anti-hyperalgésiantes dont la gabapentine qui semble promet-teuse dans cette indication.

RÉFÉRENCES

1.

De Kock M, Lavand’homme P, Waterloos H. “Balanced analgesia” in theperioperative period: is ther a place for ketamine? Pain 2001;92:373-80.

2.

Ilkjaer S, Bach LF, Nielsen PA, Wernberg M, Dahl JB. Effect of preoperativeoral dextromethorphan on immediate and late postoperative pain andhyperalgesia after total abdominal hysterectomy. Pain 2000;86:19-24.

3.

Kawamata M, Watanabe H, Nishikawa K, Takahashi T, Kozuka Y, Kawa-mata T. Different mechanisms of development and maintenance of expe-rimental incision-induced hyperalgesia in human skin. Anesthesiology2002;97:550-59.

4.

Celerier E, Rivat C, Jun Y, Laulin JP, Larcher A, Reynier P et al. Long-lastinghyperalgesia Induced by fentanyl in rats. Anesthesiology 2000;92:465-72.

5.

Koppert W, Sittl R, Scheuber K, Alsheimer M, Schmelz M, Schuttler J. Dif-ferential modulation of remifentanil-induced analgesia and post infusionhyperalgesia by S-ketamine and clonidine in humans. Anesthesiology2003;99:152-9.

6.

Guignard B, Bossard A, Coste C, Sessler D, Lebrault C, Alfonsi P et al.Acute opioide tolerance: intraoperative rémifentanil increases postoperativepain and morphine requirement. Anesthesiology 2000;93:409-17.

7.

Guy Simonnet, Cyril Rivat. Opioid-induced hyperalgesia: abnormal or nor-mal pain? 2003; 14.

8.

Koppert W, Wehrfritz A, Korber N, Sittl R, Albrecht S, Schuttler J et al.The cyclooxygenase isozyme inhibitors parecoxib and paracetamol reducecentral hyperalgesia in humans. Pain 2004;108:148-53.

9.

Bjorkman R. Central antinoceceptive effects of non-steroidal anti-inflammatorydrugs and paracetamol. Experimental studies in the rat. Acta AnaesthesiolScand Suppl 1995;103:1-44.

10.

Gottschalk A, Smith DS, Jobes DR, Kennedy SK, Lally SE, Noble VE et al.Preemptive epidural analgesia and recovery from radical prostatectomy: arandomized controlled trial. JAMA 1998;280:517-8.

11.

Senturk M, Ozcan PE, Talu GK, Kiyan E, Camci E, Ozyalcin S et al. Theeffects of three different analgesia techniques on long-term postthoraco-tomy pain. Anesth Analg 2002;94:11-5.

12.

Gordon SM, Brahim JS, Dubner R, McCullagh LM, Sang C, Dionne RA. Atte-nuation of pain in a randomized trial by suppression of peripheral nociceptiveactivity in the immediate postoperative period. Anesth Analg 2002;95:1351-7.

13.

Fletcher D. Kétamine et analgésie. Conférences d’actualisation. AFAR2002:197-205.

Tableau IIConclusion.

• La chirurgie peut induire une sensibilisation des voies de la douleur.

• La sensibilisation est périphérique (nocicepteur) et centrale (récepteurs NMDA) et se traduit cliniquement par des phé-nomènes allodyniques et d’hyperalgésie.

• On distingue l’hyperalgésie primaire (au niveau de la lésion) et secondaire (autour de la lésion).

• Les morphiniques ont des effets antalgiques de plus courte durée que leurs effets hyperalgésiants.

• La prévention de l’hyperalgésie se fait par la limitation du traumatisme tissulaire, les anesthésiques locaux et l’utilisationde certains antalgiques dont la kétamine.

• La gabapentine semble prometteuse en terme de prévention de l’hyperalgésie lorsqu’elle est utilisée en préopératoire

Douleurs, 2006, 7, 1

16

14.

Seong-Hoon K, Hye-Rin L, Dong-Chan K, Young-Jin H, Huhn C, He-Sun S.Anesthesiology 2001;95:640-6.

15.

Dirks J, Petersen KL, Rowbotham MC, Dahl JB. Gabapentin suppressescutaneous hyperalgesia following heat/capsaicin sensitization. Anesthesio-logy 2002;97:102-7.

16.

Dahl JB, Mathiesen O, Moiniche S. Protective premedication: an option withgabapentin and related drugs? A review of gabapentin and pregabalin in thetreatment of post-operative pain. Acta Anaesthesiol Scand 2004;48:1130-6.

17.

Pandey CK, Priye S, Singh S, Singh U, Singh RB, Singh PK. Preemptive use ofgabapentin gignificantly decreases postoperative pain and rescue analgesicrequirements in laparoscopic cholecystectomy. Can J Anaesth 2004;51:358-63.

Résumé

L’hyperalgésie postopératoire correspond à tous les phénomènesd’hypersensibilité apparaissant après une intervention chirurgicaleet représente l’expression clinique de phénomènes neurophysiolo-giques aboutissant à une sensibilisation du système de la nocicep-tion. Sa physiopathologie est complexe avec des phénomènes desensibilisation localisés au niveau du nocicepteur (sensibilisationpériphérique), et au niveau de la corne postérieure de la moelle épi-nière par activation des récepteurs NMDA (sensibilisation centrale).Ces deux phénomènes vont respectivement s’exprimer en périphé-rie sous la forme d’hyperalgésie primaire et secondaire. Les opioïdesparticipent également au développement de ces phénomènes hyper-sensibilité, parce qu’ils possèdent des effets hyperalgésiants d’originecentrale qui s’expriment cliniquement lors de la disparition de leurseffets antalgiques de plus courte durée. La prévention de l’hyper-algésie postopératoire repose sur la limitation du traumatismetissulaire, l’utilisation des anesthésiques locaux et de certains antal-giques dont la kétamine. La gabapentine semble prometteuse dansce domaine avec une excellente tolérance.

Mots-clés :

hyperalgésie post-opératoire, sensibilisation péri-phérique, sensibilisation centrale, kétamine.

Summary: Postoperative hyperalgia

Postoperative hyperalgia can be defined as including the differenthypersensitivity phenomena observed after surgical procedureswhich are the clinical expression of neurophysiological phenome-na leading to sensitization of the nociception system. The patho-physiology of postoperative hyperalgia is complex and includesperipheral sensitization (local nociception phenomena) and cen-tral sensitization (activation of NMDA receptors in the posteriorcord). These two phenomena lead to primary and secondary peri-pheral hyperalgia. Opioids also participate in the development ofthese hypersensitization phenomena due to their short-acting cen-tral hyperalgesic effects. Prevention of postoperative hyperalgiainvolves limiting tissue damage, use of local anesthetics, andcertain antalgic agents such as ketamine. Gabapentine appears tooffer promising results with excellent tolerance.

Key-words:

postoperative hyperalgia, peripheral sensitization,central sensitization, ketamine.

Tirés à part : J.-M. PELLAT,3, place aux herbes,

38000 Grenoble.e-mail : [email protected]

À nos lecteurs

Les Éditions Masson, le rédacteur enChef et les membres du comité derédaction vous remercient pourtoutes les suggestions, les critiques etles compliments que vous pouvezleur adresser pour améliorer cetterevue. Tous vos commentairesseront étudiés et utilisés de manièreappropriée. Ce dialogue entre nousest indispensable pour que

DouleursÉvaluation – Diagnostic – Traitement

réponde à vos besoins. Nous vousinvitons à continuer ce dialogue àtravers vos suggestions et voscommentaires, adressés par lettre à :

Dr. Alain SERRIE

c/o Pascal LÉGERÉditions Masson

21, rue Camille Desmoulins92789 Issy les Moulineaux Cedex 9.

DouleursÉ v a l u a t i o n – D i a g n o s t i c – T r a i t e m e n t