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DROIT ADMINISTRATIF I Cours de M. Michel ERPELDING Travaux dirigés de M. Arnaud BONISOLI 3 e séance : L’Administration DOCUMENTS : 1) Les personnes morales de droit public - Document n° 1 : CC, décision n° 79-108 L, 25 juillet 1979, Agence nationale pour l’emploi . - Document n° 2 : CE Sect. trav. pub., Avis n° 369299, 16 décembre 2003. 2) Les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public - Document n° 3 : CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et Protection ». - Document n° 4 : CE Ass., 31 juillet 1942, Montpeurt. - Document n° 5 : CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen. 3) Les autorités administratives indépendantes - Document n° 6 : CE Ass., 7 juillet 1989, Ordonneau. 1

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DROIT ADMINISTRATIF I

Cours de M. Michel ERPELDINGTravaux dirigés de M. Arnaud BONISOLI

3 e séance   : L’Administration

DOCUMENTS :

1) Les personnes morales de droit public

- Document n° 1 : CC, décision n° 79-108 L, 25 juillet 1979, Agence nationale pour l’emploi.

- Document n° 2 : CE Sect. trav. pub., Avis n° 369299, 16 décembre 2003.

2) Les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public

- Document n° 3 : CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et Protection ».

- Document n° 4 : CE Ass., 31 juillet 1942, Montpeurt.

- Document n° 5 : CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen.

3) Les autorités administratives indépendantes

- Document n° 6 : CE Ass., 7 juillet 1989, Ordonneau.

- Document n° 7 : CC, décision n° 89-260, 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier.

- Document n° 8 : CE Ass., 3 décembre 1999, Didier.

- Document n° 9 : CC, décision n° 2013-331 QPC, 5 juillet 2013, Société Numéricâble et autre.

EXERCICE : Rédigez une dissertation portant sur le sujet suivant : « Les limites des pouvoirs des AAI ».

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DOCUMENT N°1 : CC, décision n° 79-108 L, 25 juillet 1979, Agence nationale pour l’emploi.

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

1. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soi de fixer "les règles concernant la création de catégories d'établissements publics" ;

2. Considérant que doivent être regardés comme entrant dans une même catégorie, au sens de la disposition précitée, les établissements publics dont l'activité s'exerce territorialement sous la même tutelle administrative et qui ont une spécialité analogue, mais qu'il n'y a pas lieu de retenir également parmi les critères déterminant l'appartenance d'établissements publics à une même catégorie la condition qu'ils présentent le même caractère : administratif, industriel et commercial, scientifique et technique ou scientifique et culturel : et cela en raison de ce que les règles constitutives d'un établissement public ne comportent pas nécessairement l'indication de ce caractère, qui peut au surplus être modifié par un acte réglementaire ;

3. Considérant que, sous réserve des règles éventuellement fixées par le législateur lors de la création d'une catégorie d'établissements publics, les dispositions instituant et régissant chacun des établissements qui peuvent être rangés dans la même catégorie ressortissent à la compétence réglementaire ;

4. Considérant que l'Agence nationale pour l'emploi, actuellement régie par les articles L 330-1 à L 330-9 du code du travail, a été instituée par l'ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967, postérieurement à l'office national d'immigration, actuellement régi par les articles L 341-9 et L 341-10 du code du travail et dont la création remonte à l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ; qu'il s'agit, dans l'un et l'autre cas, d'établissements publics nationaux, fonctionnant sous la tutelle de l'Etat et dont les spécialités sont analogues, l'un comme l'autre ayant pour mission d'intervenir directement sur le marché de l'emploi ;

5. Considérant que de ce qui précède il résulte que l'Agence nationale pour l'emploi ne constitue pas une catégorie particulière d'établissements publics ; que, dès lors, les dispositions des articles L 330-1 à L 330-9 du code du travail n'entrent pas dans le domaine réservé au législateur par la disposition précitée de l'article 34 de la Constitution, et qu'elles ressortissent donc, conformément à l'article 37 de la Constitution, au domaine réglementaire.

DOCUMENT N° 2 : CE Sect. trav. pub., Avis n° 369299, 16 décembre 2003.

Le Conseil d’État, saisi par le ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, des questions de savoir :

1) Si l’absence dans les règles constitutives de Voies navigables de France, contrairement à d’autres établissements publics, de dispositions autorisant expressément l’établissement public à exercer des activités qui concourent directement ou indirectement à ses missions principales, doit être interprétée comme témoignant d’une volonté du législateur et du pouvoir réglementaire d’exclure cette possibilité; 2) Si en l’absence d’autorisation expresse du législateur, peuvent s’inscrire dans le cadre d’une marge légale de diversification des activités consistant en la participation majoritaire de Voies navigables de

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France au capital de sociétés d’aménagement de sites urbains, notamment par apport à ces sociétés de terrains appartenant au domaine public fluvial mais qui ne sont plus nécessaires à l’exploitation de la voie navigable, après que ces terrains auront fait l’objet d’une procédure de déclassement et seront devenus propriété de Voies Navigables de France ; Vu l’article 124 de la loi de finances pour 1991, n° 90-1168 du 29 décembre 1990 ; Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 portant dispositions diverses en matière de transports ; Vu le décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 modifié par le décret n° 91-696 du 18 juillet 1991 portant statut de Voies navigables de France ;

Est d’avis de répondre aux questions posées dans le sens des observations qui suivent :

Aux termes du premier alinéa du I de l’article 124 de la loi de finances pour 1991 : « L’exploitation, l’entretien, l’amélioration, l’extension des voies navigables et de leurs dépendances et la gestion du domaine de l’État nécessaire à l’accomplissement de ses missions sont confiées à l’établissement public créé par l’article 67 de la loi du 27 février 1912 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1912. »

Aux termes du I de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1991 : « L’établissement public mentionné au I de l’article 124 de la loi de finances pour 1991 prend le nom de Voies navigables de France. Il constitue un établissement public industriel et commercial. »

Aux termes enfin de l’article 1er du décret du 26 décembre 1960 modifié susvisé, Voies navigables de France « (...) est notamment chargé, conformément aux dispositions de la loi des 27-28 février 1912 et de l’article 124 de la loi de finances pour 1991 susvisés : 1° D’exploiter, d’entretenir et d’améliorer les voies navigables, les ports fluviaux et autres dépendances du domaine public fluvial dont la gestion lui est confiée ; 2° De réaliser les infrastructures nouvelles du réseau en cohérence avec la perspective européenne ; 3° De gérer le domaine de l’État qui lui a été confié pour l’exercice des missions susmentionnées ; 4° De centraliser et de porter à la connaissance du public les renseignements de toute nature concernant l’utilisation des voies navigables ; 5° De rechercher tout moyen propre à développer l’utilisation des voies navigables et à en améliorer l’exploitation (...). »

Le principe de spécialité qui s’applique à un établissement public tel que Voies navigables de France signifie que la personne morale, dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée, n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission. Il importe peu à cet égard que le législateur ou le pouvoir réglementaire, lors de la création de l’établissement, n’ait pas entendu explicitement interdire d’autres activités. Toutefois, le principe de spécialité ne s’oppose pas, par lui-même, même dans le silence des textes statutaires, à ce qu’un établissement public, surtout s’il a un caractère industriel et commercial, se livre à d’autres activités économiques, à la double condition : – d’une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale, en l’espèce, l’exploitation, l’entretien, l’amélioration, l’extension des voies navigables et de leurs dépendances et la gestion du domaine de l’État nécessaire à l’accomplissement de ces missions ; – d’autre part, que ces activités soient à la fois d’intérêt général et directement utiles à l’établissement public notamment par leur adaptation à l’évolution technique et aux impératifs d’une bonne gestion des intérêts confiés à l’établissement, le savoir-faire de ses personnels, la vigueur de sa recherche et la valorisation de ses compétences, tous moyens mis au service de son objet principal.

Dans le cas de Voies navigables de France, les activités envisagées, qui consistent en la réhabilitation de sites urbains dégradés en bordure de la voie navigable, sont incontestablement d’intérêt général. Toutefois, les immeubles en cause n’étant, par hypothèse, plus nécessaires à l’exercice des missions confiées à Voies navigables de France et devant cesser d’appartenir au domaine de l’État après leur déclassement et leur vente, leur mise en valeur, pour des opérations qui n’ont de rapport ni avec l’exploitation, l’entretien, l’amélioration ou l’extension des voies navigables ni avec la gestion du

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domaine public confié à l’établissement pour l’exercice de ces missions, ne peut être regardée comme le complément normal de celles-ci. En conséquence, les opérations envisagées par Voies navigables de France ne respectent pas le principe de spécialité des établissements publics.

DOCUMENT N° 3 : CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et Protection ».

Vu, enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 30 décembre 1936 et 17 février 1937, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés par la Caisse Primaire "Aide et Protection", dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences du sieur Y..., son Président, et par le sieur X..., caissier de ladite Caisse et caissier de la Société de secours mutuels de même nom, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, en tant qu'il vise les Caisses primaires un décret, en date du 29 octobre 1936, relatif aux cumuls d'emplois ; Vu la loi du 20 juin 1936 ; Vu la loi du 1er avril 1898 et le décret du 30 octobre 1935 ; Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 20 juin 1936 "seront supprimés les cumuls de retraites, de rémunérations quelconques et de fonctions contraires à la bonne gestion administrative et financière du pays" ;Considérant qu'il résulte tant des termes de la loi que de ses travaux préparatoires que cette disposition vise tous les agents ressortissant à un organisme chargé de l'exécution d'un service public, même si cet organisme a le caractère d'un "établissement privé" ;Considérant que le service des assurances sociales est un service public ; que sa gestion est confiée notamment à des caisses dites primaires ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que, d'après l'article 28, paragraphe 1er, du décret du 30 octobre 1935, celles-ci sont instituées et administrées conformément aux prescriptions de la loi du 1er avril 1898 et constituent ainsi des organismes privés, leurs agents ont pu légalement être compris parmi ceux auxquels il est interdit d'exercer un autre emploi ;Considérant, d'autre part, qu'aucune obligation n'incombait au gouvernement d'édicter, pour le cas du cumul d'un emploi dépendant d'un service public et d'un emploi privé, des dispositions analogues à celle qu'il a prévues pour atténuer la prohibition de cumul entre emplois publics ;DECIDE : Article 1er : La requête susvisée de la Caisse Primaire "Aide et Protection" et du sieur X... est rejetée. Article 2 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre des Finances.

DOCUMENT N° 4 : CE Ass., 31 juillet 1942, Montpeurt.

Vu la requête présentée pour le sieur X..., demeurant à Alfortville, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de propriétaire des verreries et cristalleries d'Alfortville, ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 juillet 1941, tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir une décision, en date du 10 juin 1941, par laquelle le secrétaire d'Etat à la production industrielle a confirmé une décision du directeur responsable des industries du verre rejetant une demande de mise à feu du four des Etablissements Boralex, à Aumale Seine-Inférieure et ordonnant qu'en compensation l'entreprise requérante exécutera cinq tonnes de tubes par mois pour le compte des établissements Boralex, auxquels elle les livrera au tarif normal affecté d'un rabais de 20 % ; ensemble ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ; Vu la loi du 16 août 1940, Vu le décret du 11 décembre 1940 ; Vu la loi du 18 décembre 1940 ; Vu la loi du 10 septembre 1940 ;Sur la compétence : Considérant que la requête susvisée tend à l'annulation d'une décision du 10 juin 1941 par laquelle le secrétaire d'Etat à la Production industrielle a rejeté le recours formé par le sieur X... contre une décision du Comité d'organisation des industries du verre et des commerces s'y rattachant, en date du 25 avril 1941, déterminant les entreprises autorisées à fabriquer les tubes en verre neutre ou ordinaire pour ampoules et leur imposant de livrer à une usine, dont la demande de mise à feu du four n'avait pas été admise, un tonnage mensuel de verre à titre de compensation ;Considérant qu'en raison des circonstances qui nécessitaient impérieusement l'intervention de la puissance publique dans le domaine économique, la loi du 16 août 1940 a aménagé une organisation provisoire de la production industrielle afin d'assurer la meilleure utilisation possible des ressources réduites existantes, préalablement recouvrées, tant au point de vue du rendement que de la qualité et du coût des produits, et d'améliorer l'emploi de la main-d"œuvre dans l'intérêt commun des entreprises et des salariés ; qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions que ladite loi a entendu instituer à cet effet un service public ; que, pour gérer le service en attendant que l'organisation professionnelle ait reçu sa forme définitive, elle a prévu la création de comités auxquels elle a confié, sous l'autorité du secrétaire d'Etat, le pouvoir d'arrêter les programmes de production et de fabrication, de fixer les règles à imposer aux entreprises en ce qui

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concerne les conditions générales de leur activité, de proposer aux autorités compétentes le prix des produits et services. Qu'ainsi les comités d'organisation, bien que le législateur n'en ait pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l'exécution d'un service public, et que les décisions qu'ils sont amenés à prendre dans la sphère de ces attributions, soit par voie de règlements, soit par des dispositions d'ordre individuel, constituent des actes administratifs ; que le Conseil d'Etat est, dès lors, compétent pour connaître des recours auxquels ces actes peuvent donner lieu ;Sur la légalité de la décision attaquée : Considérant que, par sa décision, en date du 25 avril 1941, le directeur responsable du Comité d'organisation des industries du verre et commerces s'y rattachant a mis en application, en raison de la pénurie de matières premières et de combustibles, un plan de fabrication intéressant l'industrie des tubes en verre neutre pour ampoules ; que le plan comportait, d'une part, le chômage d'une usine, d'autre part, un régime de compensation en nature au bénéfice de cette usine et à la charge de celles qui étaient autorisées à continuer leur activité, au nombre desquelles se trouvait l'entreprise dont le requérant est propriétaire ; qu'un tel plan entre dans le cadre des attributions données aux comités d'organisation par l'article 2 de la loi du 16 août 1940, notamment en ses paragraphes 2 et 4 ; qu'en s'inspirant pour l'établir de considérations tirées de la nécessité d'une judicieuse utilisation des matières premières, le directeur responsable n'a pas empiété sur les pouvoirs dévolus à l'Office central de répartition et aux sections dudit office par la loi du 10 septembre 1940, alors qu'il n'est même pas allégué qu'il ne se soit pas conformé aux règles édictées par ces organismes ;Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige les comités à régler l'activité des entreprises, lors de l'établissement des programmes de fabrication, suivant une référence à une période antérieure déterminée ; qu'il leur appartient de tenir compte de tous les éléments de la situation du secteur industriel dont ils ont la charge, à l'époque de la décision, et, en particulier, de la capacité des entreprises qui demandent à continuer ou à reprendre leur production ; que, le sieur X... n'est donc pas fondé à arguer de la situation des Etablissements Boralex antérieurement au 1er septembre 1935 pour contester la légitimité de la compensation en nature prescrite au profit de cette société ; que le requérant ne justifie pas que le directeur responsable des industries du verre ait fait une appréciation erronée des moyens dont disposait la Société Boralex à l'époque où son activité industrielle s'est trouvée arrêtée par la décision du 25 avril 1941 ; que, d'autre part, il n'est pas fondé à soutenir que la compensation dont elle bénéficie en vertu de cette décision constitue un enrichissement sans cause ;Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait été prise par le directeur responsable pour un but autre que celui en vue duquel ses pouvoirs lui ont été conférés tant par l'article 2 de la loi du 16 août 1940 que par l'article 2 du décret du 11 décembre 1940 constituant un Comité d'organisation des industries du verre et des commerces s'y rattachant ;Article 1er : La requête susvisée du sieur X... est rejetée.Article 2 : Expédition de la présente décision sera transmise au secrétaire d'Etat à la Production industrielle.

DOCUMENT N° 5 : CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen.

Vu la requête présentée pour le docteur X... Yves , demeurant à Saint-Brieuc, ladite requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 9 décembre 1941 tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision, notifiée le 10 juin 1940, par laquelle le Conseil supérieur de l'ordre des médecins a confirmé une décision du conseil départemental de l'ordre des médecins des Côtes-du-Nord lui refusant l'autorisation d'ouvrir un cabinet de consultations à Pontrieux ; Vu la loi du 7 octobre 1940 ; Vu la loi du 10 septembre 1942 ; Vu la loi du 18 décembre 1940 ;Sur la compétence : Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 7 octobre 1940, en vigueur à la date de la décision attaquée, et notamment de celles qui prévoient que les réclamations contre les décisions du Conseil supérieur de l'Ordre des médecins prises en matière disciplinaire et en matière d'inscription au tableau seront portées devant le Conseil d'Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir, que le législateur a entendu faire de l'organisation et du contrôle de l'exercice de la profession médicale un service public ; que, si le Conseil supérieur de l'Ordre des médecins ne constitue pas un établissement public, il concourt au fonctionnement dudit service ; qu'il appartient au Conseil d'Etat de connaître des recours formés contre les décisions qu'il est appelé à prendre en cette qualité et notamment contre celles intervenues en application de l'article 4 de la loi précitée, qui lui confère la charge d'assurer le respect des lois et règlements en matière médicale ; que, par suite, le docteur X... est recevable à déférer au Conseil d'Etat une décision par laquelle le Conseil supérieur a confirmé l'interdiction qui lui avait été faite de tenir des cabinets multiples et lui a ordonné de fermer son cabinet de Pontrieux ;Sur la légalité de la décision attaquée : Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête : Considérant que les dispositions de l'article 27, alinéa 2, du code de déontologie arrêté par le Conseil

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supérieur de l'Ordre des médecins, en vertu desquelles il est interdit à un médecin installé dans une commune d'établir une consultation dans une autre commune, ont pour objet de déterminer l'une des règles générales applicables à la répartition géographique des cabinets médicaux ; qu'elles excèdent ainsi les limites des attributions conférées au Conseil supérieur de l'Ordre par l'article 4 de la loi précitée du 7 octobre 1940 qui le charge seulement d'édicter tous règlements d'ordre intérieur nécessaires pour atteindre les buts qui lui sont fixés ; que, par suite, en se fondant exclusivement, pour ordonner la fermeture du cabinet de consultations tenu à Pontrieux par le docteur X..., médecin otorhino-laryngologiste, sur ledit texte et sur les instructions émises pour son application, sans examiner d'ailleurs, ainsi que l'y invitaient expressément les dispositions mêmes de l'article précité, si la situation particulière dudit cabinet n'était pas de nature à justifier son maintien, le Conseil départemental de l'Ordre des médecins des Côtes-du-Nord a pris une décision qui manque de base légale ; que, dès lors, le docteur X... est fondé à soutenir qu'en confirmant ladite décision le Conseil supérieur a commis lui-même un excès de pouvoir ;

DECIDE : Article 1er : La décision susvisée du Conseil supérieur de l'ordre des médecins est annulée. Article 2 : Les frais de timbre exposés par le docteur X... s'élevant à 66 francs, ainsi que les frais de timbre de la présente décision, lui seront remboursés par le Conseil supérieur de l'ordre des médecins. Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Secrétaire d'Etat à la Santé.

DOCUMENT N° 6 : CE Ass., 7 juillet 1989, Ordonneau.

(…) Considérant que M. Ordonneau demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de lui accorder une indemnité en réparation du préjudice qu'il aurait subi à raison de l'illégalité du décret du 18 juin 1980 qui a mis fin à ses fonctions de président de la commission de la concurrence, ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité correspondant à ce préjudice ;Sur la responsabilité :Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante, "la commission de la concurrence est composée : d'un président nommé par décret pour une durée de six ans, choisi parmi les membres du Conseil d'Etat et les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire ( ...)" ; que par cette disposition, dont les travaux préparatoires éclairent la portée, le législateur a entendu garantir l'indépendance et l'autorité du président de la commission de la concurrence en donnant à ses fonctions une durée fixe, et permettre ainsi de déroger, le cas échéant, aux règles statutaires relatives à l'application des limites d'âge dans le cas de détachement telles qu'elles résultent des dispositions de l'article 5 du décret du 25 septembre 1936 pris pour l'application de l'article 1er de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté ; qu'il suit de là que, lorsque le président de la commission de la concurrence atteint dans son corps d'origine la limite d'âge de son grade, et cesse par là-même d'appartenir à ce corps, il doit néanmoins conserver ses fonctions jusqu'à l'expiration de la durée de six ans prévue à l'article 2 précité de la loi du 19 juillet 1977 ;Considérant que M. Ordonneau, Conseiller d'Etat, qui avait été nommé président de la commission de la concurrence par décret du 25 octobre 1977 à compter du 1er novembre 1977, devait être maintenu dans ses fonctions à compter de cette date pendant une durée de six ans, bien qu'il ait été placé dans son corps d'origine en position de détachement de longue durée pour occuper cet emploi, et qu'il ait atteint dans ce corps la limite d'âge de son grade ; que, dans ces conditions, le décret du 18 juin 1980, qui met fin aux fonctions de M. Ordonneau, est entaché d'excès de pouvoir ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers M. Ordonneau ;Sur le préjudice :Considérant que si M. Ordonneau ne peut, en l'absence de service fait, prétendre à la rémunération qu'il aurait perçue s'il n'avait pas été évincé de ses fonctions, il est fondé à demander réparation du préjudice qu'il a réellement subi du fait de la mesure illégale dont il a été l'objet ;Considérant que M. Ordonneau a droit à une indemnité couvrant la différence entre, d'une part, le traitement qu'il aurait perçu en qualité de président de la commission de la concurrence entre la date de son éviction et le terme de son mandat de six ans, soit le 31 octobre 1983, à l'exclusion des indemnités afférentes à l'exercice effectif de ses fonctions et, d'autre part, les rémunérations qu'il a pu se procurer par son travail au cours de cette période, et dont il n'y a pas lieu de déduire les rémunérations perçues par l'intéressé au titre de la présidence de la commission d'accès aux documents administratifs ; que l'indemnité calculée selon ces principes s'élève à 598 135 F ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices dont M. Ordonneau est fondé à demander réparation à la

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suite de la décision qui l'a illégalement privé de ses fonctions, en lui accordant une indemnité de 650 000 F ; (…)

DOCUMENT N° 7 : CC, décision n° 89-260, 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence

du marché financier.

(…) 1. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que ne sont pas conformes à la Constitution les articles 5, 15, 36 et 43 de la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ; Sur l'article 5 relatif aux pouvoirs de sanction de la Commission des opérations de bourse :

2. Considérant que l'article 5 comporte trois paragraphes distincts ; que sont seuls critiqués par les auteurs de la saisine les paragraphes II et III ;

3. Considérant que le paragraphe II ajoute à l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 susvisée un article 9-1 ainsi conçu : " La Commission des opérations de bourse peut ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques contraires à ses règlements, lorsque ces pratiques ont pour effet de : " : fausser le fonctionnement du marché ; " : procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché ; " : porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ; " : faire bénéficier les émetteurs et les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles. " ;

4. Considérant que le paragraphe III ajoute à l'ordonnance du 28 septembre 1967 susvisée un article 9-2 ainsi rédigé : " A l'encontre des auteurs des pratiques visées à l'article précédent, la Commission des opérations de bourse peut, après une procédure contradictoire, prononcer les sanctions suivantes : " 1° Une sanction pécuniaire qui ne peut excéder dix millions de francs ; " 2° Ou, lorsque des profits ont été réalisés, une sanction pécuniaire qui ne peut excéder le décuple de leur montant. Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements. Les intéressés peuvent se faire représenter ou assister. La Commission des opérations de bourse peut également ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'elle désigne. En cas de sanction pécuniaire, les frais sont supportés par les intéressés. Les décisions de la Commission des opérations de bourse sont motivées. En cas de sanction pécuniaire, les sommes sont versées au Trésor public " ;

5. Considérant qu'il est soutenu par les auteurs de la saisine que ces dispositions portent atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ; que, selon eux, l'indépendance de la Commission des opérations de bourse n'est assurée, ni par le statut de ses membres, ni par les moyens financiers dont elle dispose ; qu'enfin, il y a méconnaissance du principe selon lequel une même personne ne peut être punie deux fois pour le même fait ;

6. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d'une part, que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d'autre part, que l'exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ;

7. Considérant à cet égard, que les auteurs de la saisine font valoir que la Commission des opérations de bourse ne peut être dotée d'un pouvoir de sanction car elle constitue un collège dépourvu de toute indépendance ; qu'en effet, la loi n'a pas fixé les incompatibilités applicables à ses membres autres que le président ; qu'en outre, la désignation de ceux des membres de la Commission qui n'appartiennent pas au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes, n'est pas entourée de garanties suffisantes ;

8. Considérant qu'en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée, la Commission des opérations de bourse est composée d'un président et de huit membres ;

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9. Considérant que le président est nommé par décret en conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable ; que, par cette disposition, le législateur a entendu garantir l'indépendance et l'autorité du président ; que celui-ci est, au surplus, soumis aux règles d'incompatibilités prévues pour les emplois publics ;

10. Considérant que les huit membres composant la commission sont respectivement un conseiller d'Etat désigné par le vice-président du conseil, un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la cour, un conseiller-maître à la Cour des comptes désigné par le premier président de la cour, un membre du conseil des bourses de valeurs désigné par ce conseil, un membre du conseil du marché à terme désigné par ce conseil, un représentant de la Banque de France désigné par le gouverneur ainsi que deux personnalités choisies en raison de leur compétence et de leur expérience en matière d'appel public à l'épargne par les autres membres et le président ; qu'il est précisé que le mandat est de quatre ans et est renouvelable une fois ; que tant le mode de désignation des membres que la durée fixe de leur fonction sont à même de garantir l'indépendance de la commission dans l'exercice de ses missions ; que l'absence d'un régime d'incompatibilité n'est pas de nature à altérer cette indépendance dès lors que la Commission des opérations de bourse est, à l'instar de tout organe administratif, soumise à une obligation d'impartialité pour l'examen des affaires qui relèvent de sa compétence et aux règles déontologiques qui en découlent ; 11. Considérant que les auteurs de la saisine estiment également que le pouvoir de sanction conféré à la Commission des opérations de bourse implique que les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses nouvelles missions soient inscrits au budget de l'Etat dans le respect des dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, rapprochées des dispositions du titre V de la Constitution, que les règles posées par son article 1er, alinéa 4, et par son article 2, alinéa 5, ont pour objet de faire obstacle à ce qu'une loi permette des dépenses nouvelles alors que ses incidences sur l'équilibre financier de l'année, ou sur celui d'exercices ultérieurs, n'auraient pas été appréciées et prises en compte, antérieurement, par des lois de finances ;

13. Considérant que la loi déférée ne méconnaît pas ces règles dès lors qu'elle ne permet pas qu'il soit fait face aux charges qu'elle implique sans qu'au préalable les crédits qui s'avéreraient nécessaires aient été prévus, évalués et autorisés par la loi de finances ;

14. Considérant, au demeurant, que l'article 117 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 a prévu la possibilité pour la Commission des opérations de bourse de percevoir des " redevances " sur les personnes publiques ou privées " dans la mesure où ces personnes rendent nécessaire ou utile l'intervention de la commission ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt " ; que le produit des " redevances " que la loi a autorisées s'est substitué aux dotations budgétaires inscrites à la loi de finances ; que ce mode de financement n'est pas incompatible avec l'indépendance de la commission ;

15. Considérant que les auteurs de la saisine font encore valoir que les sanctions pécuniaires infligées par la Commission des opérations de bourse sont susceptibles de se cumuler avec des sanctions pénales, ce qui méconnaît le principe selon lequel une même personne ne peut pas être punie deux fois pour le même fait ;

16. Considérant que, sans qu'il soit besoin de rechercher si le principe dont la violation est invoquée a valeur constitutionnelle, il convient de relever qu'il ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives ; 17. Considérant toutefois que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose notamment que " la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires " ;

18. Considérant que le principe ainsi énoncé ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ;

19. Considérant qu'à l'encontre des auteurs des pratiques contraires aux règlements qu'elle établit et qui sont soumis à homologation, la Commission des opérations de bourse, pour autant que lesdites pratiques tombent sous le coup de l'incrimination prévue par l'article 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, est

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habilitée à prononcer, soit une sanction pécuniaire qui ne peut excéder dix millions de francs, soit, lorsque des profits ont été réalisés, une sanction pécuniaire qui peut atteindre le décuple de leur montant ; qu'il résulte du texte de l'article 9-2 ajouté à l'ordonnance par l'article 5-III de la loi déférée que sont susceptibles d'être sanctionnées les pratiques qui ont pour effet de " porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts " ou de " faire bénéficier les émetteurs et leurs investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles " ;

20. Considérant que ces incriminations sont susceptibles de recouvrir des agissements qui sont eux-mêmes constitutifs de délits boursiers ; qu'au nombre de ces délits il y a lieu de mentionner le délit d'initié, prévu et réprimé par l'alinéa 1 de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 tel qu'il est modifié par l'article 7 de la loi déférée, le délit de fausse information, prévu et réprimé par le dernier alinéa de l'article 10-1 précité tel qu'il est modifié par l'article 8-II de la loi déférée, ainsi que le délit de manipulation des cours, prévu et réprimé par l'article 10-3 ajouté à l'ordonnance du 28 septembre 1967 par l'article 17 de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 ; que chacun de ces délits est passible " d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de 6 000 F à 10 millions de francs, dont le montant pourra être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit " ;

21. Considérant sans doute que l'article 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 prévoit que le montant de la sanction pécuniaire prononcée par la Commission des opérations de bourse "doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements" ;

22. Considérant que la possibilité n'en est pas moins reconnue à la Commission des opérations de bourse de prononcer une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu'au décuple du montant des profits réalisés par l'auteur de l'infraction et qui est susceptible de se cumuler avec des sanctions pénales prononcées à raison des mêmes faits et pouvant elles-mêmes atteindre un montant identique ; que, si l'éventualité d'une double procédure peut ainsi conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique, qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence dans l'application des dispositions de l'ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée ;

23. Considérant que, sous cette réserve, l'article 5 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;

(…)

Quant aux modalités d'exercice de la compétence réglementaire :

29. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu'il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ;

30. Considérant que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu ;

31. Considérant que la compétence reconnue au conseil des bourses de valeurs par l'article 15 de la loi déférée est limitée dans son champ d'application ; qu'elle doit s'exercer dans le respect des principes posés par le législateur et sous le contrôle du ministre chargé de l'économie et, le cas échéant, du Gouvernement ; que l'article 15 de la loi déférée, rapproché des dispositions de la loi du 22 janvier 1988, n'est par suite pas contraire à la Constitution ;

(…)

43. Considérant que l'article 10 de la loi a pour objet d'ajouter à l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 un article 12-1 aux termes duquel " le président de la Commission des opérations de bourse ou son représentant peut, devant les juridictions civiles, pénales ou administratives, déposer des conclusions,

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intervenir ou exercer les droits réservés à la partie civile en ce qui concerne, d'une part, les infractions au titre II de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, d'autre part, les infractions prévues par les articles 10, 10-1 et 10-3 " ;

44. Considérant que le principe du respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République réaffirmés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution de 1958 ; qu'il implique, notamment en matière pénale, l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;

45. Considérant qu'il ressort de la rédaction nouvelle donnée à l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, rapprochée des autres dispositions de ce dernier texte, que l'autorité qui peut exercer, dans l'intérêt général, les poursuites, recueillir des charges et, le cas échéant, prononcer des sanctions dans le cadre d'une procédure administrative, se voit reconnaître à propos des mêmes faits, s'ils constituent les éléments d'une infraction pénale, le pouvoir d'intervenir et de se constituer partie civile et d'user de tous les droits afférents à cette qualité sans pour autant justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général ; qu'elle peut ainsi déclencher l'ouverture de poursuites pénales, intervenir dans le cours de l'instruction, participer aux débats de l'audience, demander l'allocation de dommages-intérêts et exercer les voies de recours ; 46. Considérant que le respect des droits de la défense fait obstacle à ce que la Commission des opérations de bourse puisse à l'égard d'une même personne et s'agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu'elle tient de l'article 5 de la loi déférée et la faculté d'intervenir et d'exercer tous les droits de la partie civile en vertu de l'article 10 de la loi ; (…)

DOCUMENT N° 8 : CE Ass., 3 décembre 1999, Didier.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :Considérant qu'au vu d'un rapport d'enquête établi par ses inspecteurs, la Commission des opérations de bourse a saisi le Conseil des marchés financiers en vue de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X... ; qu'à l'issue de cette procédure, le Conseil des marchés financiers a retiré à ce dernier sa carte professionnelle pour une période de six mois et lui a infligé une sanction pécuniaire de cinq millions de francs ; que M. X... soutient que la participation du rapporteur aux débats et au vote du Conseil des marchés financiers a méconnu les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : "1- Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; Considérant que, quand il est saisi d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l'article 69 de la loi susvisée du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa décision peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'Etat, la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil des marchés financiers ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l'article 6-1 précité n'est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que, cependant - et alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne le moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'Etat à l'encontre de sa décision ;

Considérant que l'article 2 du décret susvisé du 3 octobre 1996 dispose : "Lorsque le conseil agit en matière disciplinaire, le président fait parvenir à la personne mise en cause, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise en main propre contre récépissé, un document énonçant les griefs retenus, assorti, le cas échéant, de pièces justificatives ; il invite la personne mise en cause à faire parvenir ses observations écrites dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ; l'intéressé est également informé qu'il peut se faire assister par toute personne de son choix" ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : "Les observations produites par la personne mise en cause sont communiquées au commissaire du

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gouvernement et à l'auteur de la saisine du conseil" ; qu'enfin, l'article 4 est ainsi rédigé : "Le président désigne, pour chaque affaire, la formation saisie et un rapporteur parmi les membres de celle-ci. Le rapporteur, avec le concours des services du Conseil des marchés financiers, procède à toutes investigations utiles. Il peut recueillir des témoignages. Il consigne le résultat de ces opérations par écrit. Les pièces du dossier sont tenues à la disposition de la personne mise en cause" ;Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le rapporteur, qui n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ; qu'il n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; que les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction ; qu'en l'espèce, M. Y... ayant été désigné rapporteur de la procédure disciplinaire ouverte à l'encontre de M. X... après saisine du Conseil des marchés financiers par le président de la Commission des opérations de bourse, il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il aurait, dans l'exercice de ses fonctions de rapporteur, excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés par les dispositions rappelées ci-dessus, et qui ne diffèrent pas de ceux que la formation disciplinaire collégiale du Conseil des marchés financiers aurait elle-même pu exercer ; que, dès lors, il n'est résulté de sa participation aux débats et au vote à l'issue desquels il a été décidé d'infliger une sanction à M. X... aucune méconnaissance du principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; (…)

DOCUMENT N° 9 : CC, décision n° 2013-331 QPC, 5 juillet 2013, Société Numéricâble et autre.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2013 par le Conseil d'État (décision n° 356976 du 29 avril 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Numéricâble SAS et NC Numéricâble, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques.

[…]

SUR LES DISPOSITIONS SOUMISES À L'EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article que de dispositions de nature législative ;

2. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques dans sa rédaction en vigueur le 20 décembre 2011, date de la sanction prononcée par l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques contestée par les sociétés requérantes devant le Conseil d'État ; qu'à cette date, l'article L. 36-11 était en vigueur dans une rédaction issue en dernier lieu de modifications apportées par l'article 18 de l'ordonnance du 24 août 2011 susvisée ; que si l'article L. 36-11 a ensuite été modifié par l'article 14 de la loi du 20 novembre 2012 susvisée, ni cette loi ni aucune autre disposition législative n'a procédé à la ratification de cette ordonnance ; que, par suite, les modifications apportées par cette ordonnance ne sont pas de nature législative ;

3. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel ne saurait statuer que sur les seules dispositions de nature législative applicables au litige qui lui sont renvoyées ; que, lorsqu'il est saisi de dispositions législatives partiellement modifiées par une ordonnance non ratifiée et que ces modifications ne sont pas séparables des autres dispositions, il revient au Conseil constitutionnel de se prononcer sur celles de ces dispositions qui revêtent une nature législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution, en prenant en compte l'ensemble des dispositions qui lui sont renvoyées ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 36-11 dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 août

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2011 susvisée : « L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate, de la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions ci-après : « 1° En cas d'infraction d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de services aux dispositions du présent code et des textes et décisions pris pour son application ou du règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de la Communauté, ainsi qu'aux prescriptions d'une décision d'attribution ou d'assignation de fréquence prise par l'autorité en application de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l'exploitant ou le fournisseur est mis en demeure par le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s'y conformer dans un délai qu'il détermine. Cette mise en demeure peut être assortie d'obligations de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. L'autorité peut rendre publique cette mise en demeure ;

« 2° Lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8, à la mise en demeure prévue au 1° du présent article ou aux obligations intermédiaires dont elle est assortie l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes :

« a) Soit, en fonction de la gravité du manquement :

« - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d'établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans ; « - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la durée, dans la limite d'une année, ou le retrait de la décision d'attribution ou d'assignation prise en application des articles L. 42-1 ou L. 44. L'autorité peut notamment retirer les droits d'utilisation sur une partie de la zone géographique sur laquelle porte la décision, une partie des fréquences ou bandes de fréquences, préfixes, numéros ou blocs de numéros attribués ou assignés, ou une partie de la durée restant à courir de la décision.

« b) Soit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale :

« - une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. À défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation ;

« - ou, lorsque l'opérateur ne s'est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d'obligations de couverture de la population prévues par l'autorisation d'utilisation de fréquences qui lui a été attribuée, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard du nombre d'habitants ou de kilomètres carrés non couverts ou de sites non ouverts, sans pouvoir excéder un plafond fixé à 65 euros par habitant non couvert ou 1 500 euros par kilomètre carré non couvert ou 40 000 euros par site non ouvert ; « - ou, lorsque l'opérateur ne s'est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d'obligations imposées en application de l'article L. 38, la suspension ou l'arrêt de la commercialisation d'un service jusqu'à la mise en oeuvre effective de ces obligations.

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« Les sanctions sont prononcées après que la personne en cause a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et, le cas échéant, les résultats des enquêtes ou expertises conduites par l'autorité et de présenter ses observations écrites et verbales. « Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine ; « 3° En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles mentionnées au premier alinéa du présent article, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut ordonner, sans mise en demeure préalable, des mesures conservatoires dont la validité est de trois mois au maximum. Ces mesures peuvent être prorogées pour une nouvelle durée de trois mois au maximum si la mise en oeuvre des procédures d'exécution n'est pas terminée, après avoir donné à la personne concernée la possibilité d'exprimer son point de vue et de proposer des solutions ; « 4° L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ; « 5° Les décisions sont motivées, notifiées à l'intéressé et publiées au Journal officiel. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de suspension présentée conformément à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d'État ;

« 6° Lorsqu'un manquement constaté dans le cadre des dispositions du présent article est susceptible d'entraîner un préjudice grave pour un opérateur ou pour l'ensemble du marché, le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d' État statuant en référé qu'il soit ordonné à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et de supprimer les effets du manquement ; le juge peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l'exécution de son ordonnance » ;

5. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en ne garantissant pas la séparation des pouvoirs de poursuite et d'instruction et des pouvoirs de sanction au sein de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les dispositions contestées portent atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'exercice successif par la même formation du pouvoir de régler des différends prévu par l'article L. 36-8 et du pouvoir de sanction prévu par l'article L. 36-11 porterait également atteinte à ces principes ;

6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques ;

[…]

- SUR LE FOND :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;

10. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature

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non juridictionnelle ; que doivent également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 11. Considérant que les dispositions contestées confient à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes le soin de réprimer les manquements, par les exploitants de réseaux ou les fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre ; que cette compétence est exercée « soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée » ; que la mise en demeure de l'exploitant ou du fournisseur, par laquelle s'ouvre la procédure de sanction prévue au 2° de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques sauf lorsque celle-ci est fondée sur l'absence de respect des délais fixés par une décision prise en application de l'article L. 36-8, est confiée au directeur général de l'Autorité, lequel détermine le délai dans lequel l'exploitant ou le fournisseur doit se conformer à cette mise en demeure ; qu'ainsi ces dispositions confient au directeur général l'exercice des poursuites devant cette Autorité ;

12. Considérant que, selon le premier alinéa de l'article L. 132 du code des postes et des communications électroniques, les services de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont placés sous l'autorité du président de l'Autorité ; que, selon l'article D. 292 du même code, le directeur général est nommé par le président de l'Autorité, est placé sous son autorité et assiste aux délibérations de l'Autorité ; que, par suite et alors même que la décision de mise en demeure relève du directeur général, les dispositions des douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, qui n'assurent pas la séparation au sein de l'Autorité entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, méconnaissent le principe d'impartialité ; que celles de ces dispositions qui sont de nature législative doivent être déclarées contraires à la Constitution ;

- SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :

13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les procédures en cours devant l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques ainsi qu'à toutes les instances non définitivement jugées à cette date,

D É C I D E :

Article 1er.- Les douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques, dans leur rédaction modifiée en dernier lieu par l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, à l'exception des mots et phrases insérés dans l'article par ladite ordonnance, sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au considérant 13.

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Page 15: idai.univ-paris1.fr · Web view– d’une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale, en l’espèce,

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

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