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DROIT ADMINISTRATIF II Cours de M. Michel ERPELDING Travaux dirigés de Mme Eva CHARTIER 6 e séance : La définition du service public Documents : - Document n° 1 – CE, 3 février 1903, Terrier - Document n° 2 – TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain - Document n° 3 – CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire “Aide et protection” - Document n° 4 – CE Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt - Document n° 5 – CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen - Document n° 6 – TC, 28 mars 1955, Effimieff - Document n° 7 – CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun - Document n° 8 – CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris - Document n° 9 – CE Sect.., 22 février 2007, APREI - Document n° 10 – CE Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence - Document n° 11 – SEILLER, B., « L’érosion de la distinction SPA-SPIC », AJDA, 2005, pp. 417-422 Exercice : Dissertation : « Le rôle de la notion de service public en droit administratif ». Rédigez entièrement l’introduction et les transitions entre les parties. Prévoyez un plan détaillé en deux parties, deux sous-parties, avec environ quatre idées par sous-partie.

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DROIT ADMINISTRATIF II

Cours de M. Michel ERPELDING

Travaux dirigés de Mme Eva CHARTIER

6 e séance   : La définition du service public

Documents :

- Document n° 1 – CE, 3 février 1903, Terrier

- Document n° 2 – TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain

- Document n° 3 – CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire “Aide et protection”

- Document n° 4 – CE Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt

- Document n° 5 – CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen

- Document n° 6 – TC, 28 mars 1955, Effimieff

- Document n° 7 – CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun

- Document n° 8 – CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris

- Document n° 9 – CE Sect.., 22 février 2007, APREI

- Document n° 10 – CE Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence

- Document n° 11 – SEILLER, B., « L’érosion de la distinction SPA-SPIC », AJDA, 2005, pp. 417-422

Exercice   : Dissertation : « Le rôle de la notion de service public en droit administratif ». Rédigez entièrement l’introduction et les transitions entre les parties. Prévoyez un plan détaillé en deux parties, deux sous-parties, avec environ quatre idées par sous-partie.

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Document n° 1 – CE, 3 février 1903, Terrier

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur Adrien X..., demeurant à Villevieux Jura, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 septembre et 16 novembre 1901 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté en date du 17 juillet 1901 par lequel le Conseil de Préfecture du département de Saône-et-Loire s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à obtenir du département le paiement d'un certain nombre des primes allouées par le Conseil Général pour la destruction des vipères ; Vu la loi du 22 juillet 1889 ; Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Sur la compétence : Considérant que le sieur X... défère au Conseil d'Etat une note rédigée en chambre du conseil par laquelle le secrétaire-greffier lui fait connaître que la requête adressée par lui au conseil de préfecture du département de Saône-et-Loire à l'effet d'obtenir du département le paiement d'un certain nombre de primes allouées pour la destruction des animaux nuisibles aurait été soumise à ce conseil qui se serait déclaré incompétent ;

Considérant que la note dont s'agit ne constitue pas une décision de justice et ne peut à ce titre être déférée au Conseil d'Etat ;

Mais considérant que, dans son pourvoi, le requérant a pris, en vue de l'incompétence du conseil de préfecture, des conclusions directes devant le Conseil d'Etat pour être statué sur le bien-fondé de sa réclamation ;Considérant qu'étant donné les termes dans lesquels a été prise la délibération du conseil général allouant des primes pour la destruction des animaux nuisibles et a été voté le crédit inscrit à cet effet au budget départemental de l'exercice 1900, le sieur X... peut être fondé à réclamer l'allocation d'une somme à ce titre ; que du refus du préfet d'admettre la réclamation dont il l'a saisi il est né entre les parties un litige dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître et dont ce conseil est valablement saisi par les conclusions subsidiaires du requérant ;Au fond : Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas d'apprécier dès à présent le bien-fondé de la réclamation du sieur X... et qu'il y a lieu, dès lors, de le renvoyer devant le préfet pour être procédé à la liquidation de la somme à laquelle il peut avoir droit ;

DECIDE : Article 1er : Le sieur X... est renvoyé devant le Préfet du département de Saône-et-Loire pour être procédé à la liquidation de la somme à laquelle il peut avoir droit. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée du sieur X... est rejeté. Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre de l'Intérieur.

Document n° 2 – TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain

Vu l'arrêté, en date du 13 octobre 1920, par lequel le lieutenant-gouverneur de la colonie de la Côte-d'Ivoire a élevé le conflit d'attributions dans l'instance pendante, devant le juge des référés du tribunal civil de Grand-Bassam, entre la Société commerciale de l'Ouest africain et la colonie de la Côte-d'Ivoire ; Vu l'ordonnance du 7 septembre 1840, le décret du 10 mars 1893, le décret du 18 octobre 1904 ; Vu les décrets des 5 août et 7 septembre 1881 ; Vu les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III ; Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872 ;

Sur la régularité de l'arrêté de conflit : Considérant que si le lieutenant-gouverneur de la Côte-d'Ivoire a, par un télégramme du 2 octobre 1920, sans observer les formalités prévues par l'ordonnance du 1er juin 1828, déclaré élever le conflit, il a pris, le 13 octobre 1920, un arrêté satisfaisant aux prescriptions de l'article 9 de ladite ordonnance ; que cet arrêté a été déposé au greffe dans le délai légal ; qu'ainsi le tribunal des conflits est régulièrement saisi ;

Sur la compétence : Considérant que par exploit du 30 septembre 1920, la Société commerciale de l'Ouest africain, se fondant sur le préjudice qui lui aurait été causé par un accident survenu au bac d'Eloka, a assigné la colonie de la Côte-d'Ivoire devant le président du tribunal civil de Grand-Bassam, en audience des référés, à fin de nomination d'un expert pour examiner ce bac ;

Considérant, d'une part, que le bac d'Eloka ne constitue pas un ouvrage public ; d'autre part, qu'en effectuant, moyennant rémunération, les opérations de passage des piétons et des voitures d'une rive à l'autre de la lagune, la colonie de la Côte-d'Ivoire exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire ; que, par suite, en l'absence d'un texte spécial attribuant compétence à la juridiction administrative, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de connaître des conséquences dommageables de l'accident invoqué, que celui-ci ait eu pour cause, suivant les prétentions de la Société de l'Ouest africain, une faute commise dans l'exploitation ou un mauvais entretien du bac. Que, - si donc c'est à tort qu'au vu du déclinatoire adressé par le lieutenant-gouverneur, le président du tribunal ne s'est pas borné à statuer sur le déclinatoire, mais a, par la même ordonnance désigné

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un expert contrairement aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828, - c'est à bon droit qu'il a retenu la connaissance du litige ; […]

Document n° 3 – CE Ass., 13 mai 1938, Caisse primaire “Aide et protection”

Vu, enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 30 décembre 1936 et 17 février 1937, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés par la Caisse Primaire "Aide et Protection", dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences du sieur Y..., son Président, et par le sieur X..., caissier de ladite Caisse et caissier de la Société de secours mutuels de même nom, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, en tant qu'il vise les Caisses primaires un décret, en date du 29 octobre 1936, relatif aux cumuls d'emplois ;

Vu la loi du 20 juin 1936 ; Vu la loi du 1er avril 1898 et le décret du 30 octobre 1935 ; Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 20 juin 1936 "seront supprimés les cumuls de retraites, de rémunérations quelconques et de fonctions contraires à la bonne gestion administrative et financière du pays" ;

Considérant qu'il résulte tant des termes de la loi que de ses travaux préparatoires que cette disposition vise tous les agents ressortissant à un organisme chargé de l'exécution d'un service public, même si cet organisme a le caractère d'un "établissement privé" ;

Considérant que le service des assurances sociales est un service public ; que sa gestion est confiée notamment à des caisses dites primaires ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que, d'après l'article 28, paragraphe 1er, du décret du 30 octobre 1935, celles-ci sont instituées et administrées conformément aux prescriptions de la loi du 1er avril 1898 et constituent ainsi des organismes privés, leurs agents ont pu légalement être compris parmi ceux auxquels il est interdit d'exercer un autre emploi ; [rejet]

Document n° 4 – CE Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt

Vu la requête présentée pour le sieur X..., demeurant à Alfortville, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de propriétaire des verreries et cristalleries d'Alfortville, ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 juillet 1941, tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir une décision, en date du 10 juin 1941, par laquelle le secrétaire d'Etat à la production industrielle a confirmé une décision du directeur responsable des industries du verre rejetant une demande de mise à feu du four des Etablissements Boralex, à Aumale Seine-Inférieure et ordonnant qu'en compensation l'entreprise requérante exécutera cinq tonnes de tubes par mois pour le compte des établissements Boralex, auxquels elle les livrera au tarif normal affecté d'un rabais de 20 % ; ensemble ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ; Vu la loi du 16 août 1940, Vu le décret du 11 décembre 1940 ; Vu la loi du 18 décembre 1940 ; Vu la loi du 10 septembre 1940 ;

Sur la compétence : Considérant que la requête susvisée tend à l'annulation d'une décision du 10 juin 1941 par laquelle le secrétaire d'Etat à la Production industrielle a rejeté le recours formé par le sieur X... contre une décision du Comité d'organisation des industries du verre et des commerces s'y rattachant, en date du 25 avril 1941, déterminant les entreprises autorisées à fabriquer les tubes en verre neutre ou ordinaire pour ampoules et leur imposant de livrer à une usine, dont la demande de mise à feu du four n'avait pas été admise, un tonnage mensuel de verre à titre de compensation ;

Considérant qu'en raison des circonstances qui nécessitaient impérieusement l'intervention de la puissance publique dans le domaine économique, la loi du 16 août 1940 a aménagé une organisation provisoire de la production industrielle afin d'assurer la meilleure utilisation possible des ressources réduites existantes, préalablement recouvrées, tant au point de vue du rendement que de la qualité et du coût des produits, et d'améliorer l'emploi de la main-d"oeuvre dans l'intérêt commun des entreprises et des salariés ; qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions que ladite loi a entendu instituer à cet effet un service public ; que, pour gérer le service en attendant que l'organisation professionnelle ait reçu sa forme définitive, elle a prévu la création de comités auxquels elle a confié, sous l'autorité du secrétaire d'Etat, le pouvoir d'arrêter les programmes de production et de fabrication, de fixer les règles à imposer aux entreprises en ce qui concerne les conditions générales de leur activité, de proposer aux autorités compétentes le prix des produits et services. Qu'ainsi les comités d'organisation, bien que le législateur n'en ait pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l'exécution d'un service public, et que les décisions qu'ils sont amenés à prendre dans la sphère de ces attributions, soit par voie de règlements, soit par des dispositions d'ordre individuel, constituent des actes administratifs ; que le Conseil d'Etat est, dès lors, compétent pour connaître des recours auxquels ces actes peuvent donner lieu ;

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Sur la légalité de la décision attaquée :Considérant que, par sa décision, en date du 25 avril 1941, le directeur responsable du Comité d'organisation des industries du verre et commerces s'y rattachant a mis en application, en raison de la pénurie de matières premières et de combustibles, un plan de fabrication intéressant l'industrie des tubes en verre neutre pour ampoules ; que le plan comportait, d'une part, le chômage d'une usine, d'autre part, un régime de compensation en nature au bénéfice de cette usine et à la charge de celles qui étaient autorisées à continuer leur activité, au nombre desquelles se trouvait l'entreprise dont le requérant est propriétaire ; qu'un tel plan entre dans le cadre des attributions données aux comités d'organisation par l'article 2 de la loi du 16 août 1940, notamment en ses paragraphes 2 et 4 ; qu'en s'inspirant pour l'établir de considérations tirées de la nécessité d'une judicieuse utilisation des matières premières, le directeur responsable n'a pas empiété sur les pouvoirs dévolus à l'Office central de répartition et aux sections dudit office par la loi du 10 septembre 1940, alors qu'il n'est même pas allégué qu'il ne se soit pas conformé aux règles édictées par ces organismes ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige les comités à régler l'activité des entreprises, lors de l'établissement des programmes de fabrication, suivant une référence à une période antérieure déterminée ; qu'il leur appartient de tenir compte de tous les éléments de la situation du secteur industriel dont ils ont la charge, à l'époque de la décision, et, en particulier, de la capacité des entreprises qui demandent à continuer ou à reprendre leur production ; que, le sieur X... n'est donc pas fondé à arguer de la situation des Etablissements Boralex antérieurement au 1er septembre 1935 pour contester la légitimité de la compensation en nature prescrite au profit de cette société ; que le requérant ne justifie pas que le directeur responsable des industries du verre ait fait une appréciation erronée des moyens dont disposait la Société Boralex à l'époque où son activité industrielle s'est trouvée arrêtée par la décision du 25 avril 1941 ; que, d'autre part, il n'est pas fondé à soutenir que la compensation dont elle bénéficie en vertu de cette décision constitue un enrichissement sans cause ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait été prise par le directeur responsable pour un but autre que celui en vue duquel ses pouvoirs lui ont été conférés tant par l'article 2 de la loi du 16 août 1940 que par l'article 2 du décret du 11 décembre 1940 constituant un Comité d'organisation des industries du verre et des commerces s'y rattachant ; [rejet]

Document n° 5 – CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen

Vu la requête présentée pour le docteur X... Yves , demeurant à Saint-Brieuc, ladite requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 9 décembre 1941 tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision, notifiée le 10 juin 1940, par laquelle le Conseil supérieur de l'ordre des médecins a confirmé une décision du conseil départemental de l'ordre des médecins des Côtes-du-Nord lui refusant l'autorisation d'ouvrir un cabinet de consultations à Pontrieux ; Vu la loi du 7 octobre 1940 ; Vu la loi du 10 septembre 1942 ; Vu la loi du 18 décembre 1940 ;

Sur la compétence :Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 7 octobre 1940, en vigueur à la date de la décision attaquée, et notamment de celles qui prévoient que les réclamations contre les décisions du Conseil supérieur de l'Ordre des médecins prises en matière disciplinaire et en matière d'inscription au tableau seront portées devant le Conseil d'Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir, que le législateur a entendu faire de l'organisation et du contrôle de l'exercice de la profession médicale un service public ; que, si le Conseil supérieur de l'Ordre des médecins ne constitue pas un établissement public, il concourt au fonctionnement dudit service ; qu'il appartient au Conseil d'Etat de connaître des recours formés contre les décisions qu'il est appelé à prendre en cette qualité et notamment contre celles intervenues en application de l'article 4 de la loi précitée, qui lui confère la charge d'assurer le respect des lois et règlements en matière médicale ; que, par suite, le docteur X... est recevable à déférer au Conseil d'Etat une décision par laquelle le Conseil supérieur a confirmé l'interdiction qui lui avait été faite de tenir des cabinets multiples et lui a ordonné de fermer son cabinet de Pontrieux ;

Sur la légalité de la décision attaquée :Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que les dispositions de l'article 27, alinéa 2, du code de déontologie arrêté par le Conseil supérieur de l'Ordre des médecins, en vertu desquelles il est interdit à un médecin installé dans une commune d'établir une consultation dans une autre commune, ont pour objet de déterminer l'une des règles générales applicables à la répartition géographique des cabinets médicaux ; qu'elles excèdent ainsi les limites des attributions conférées au Conseil supérieur de l'Ordre par l'article 4 de la loi précitée du 7 octobre 1940 qui le charge seulement d'édicter tous règlements d'ordre intérieur nécessaires pour atteindre les buts qui lui sont fixés ; que, par suite, en se fondant exclusivement, pour ordonner la fermeture du cabinet de consultations tenu à Pontrieux par le docteur X..., médecin otorhino-laryngologiste, sur ledit texte et sur les instructions émises pour son application, sans examiner d'ailleurs, ainsi que l'y invitaient expressément les dispositions mêmes de l'article précité, si la situation

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particulière dudit cabinet n'était pas de nature à justifier son maintien, le Conseil départemental de l'Ordre des médecins des Côtes-du-Nord a pris une décision qui manque de base légale ; que, dès lors, le docteur X... est fondé à soutenir qu'en confirmant ladite décision le Conseil supérieur a commis lui-même un excès de pouvoir ; [annulation]

Document n° 6 – TC, 28 mars 1955, Effimieff

Vu l'arrêté en date du 7 juillet 1954 par lequel le préfet du Var a élevé le conflit d'attribution dans l'instance pendante devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence entre le sieur Y... pris en qualité de syndic liquidateur de la liquidation judiciaire du sieur X... et le sieur Constantin X... entrepreneur de maçonnerie demeurant à Toulon, d'une part, et l'Association syndicale de reconstruction de Toulon, représentée par son président le sieur Z... ;

Vu les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III ; Vu l'ordonnance du 1er juin 1828, les règlements d'administration publique des 26 octobre 1849 et 5 décembre 1952 et la loi du 24 mai 1872 ;

Considérant que le litige qui oppose le sieur X... à l'Association syndicale de reconstruction du Pont-du-Las porte sur l'exécution d'un marché de travaux, passé par celle-ci avec cet entrepreneur de maçonnerie ; que l'article 17 de la loi du 16 juin 1948 a attribué aux associations syndicales de reconstruction le caractère d'établissements publics ; que le législateur a ainsi expressément manifesté son intention d'assigner à ces organismes, dans l'oeuvre de la reconstruction immobilière, une mission de service public, dans les conditions définies et pour les fins d'intérêt national visées par la loi et le règlement et, corrélativement, de les soumettre, qu'il s'agisse des prérogatives de puissance publique attachées à cette qualité ou des sujétions qu'elle entraîne, à l'ensemble des règles de droit public correspondant à cette mission. Qu'il suit de là que, nonobstant le fait que les immeubles reconstruits ne sont pas la propriété de ces associations, qui, aux termes de l'article 39 de la loi du 16 juin 1948, "sont maîtres de l'oeuvre jusqu'à réception définitive des travaux", les opérations de reconstruction qui ont lieu par leur intermédiaire, qu'elles intéressent des immeubles appartenant à des particuliers ou des biens de collectivités publiques, constituent des opérations de travail public ; qu'elles sont notamment réglementées, à ce titre, par les prescriptions du décret du 2 août 1949, pris en exécution du décret du 12 novembre 1938, lesquelles ont édicté, pour les marchés relatifs à ces opérations, des dispositions inspirées de celles du décret du 6 avril 1942, modifié par le décret du 1er avril 1948, qui régissent les marchés de l'Etat ; qu'il résulte de ce qui précède que les litiges soulevés par l'exécution de tels marchés relèvent de la compétence du juge des travaux publics ; qu'ainsi c'est à bon droit que le préfet du Var a, par l'arrêté susvisé, revendiqué la connaissance du présent litige pour la juridiction administrative ;

DECIDE : Article 1er - L'arrêté de conflit susvisé du préfet du département du Var en date du 7 juillet 1954 est confirmé ; Article 2 - L'assignation introductive d'instance devant le Tribunal civil de Toulon en date du 22 janvier 1952, ensemble le jugement dudit Tribunal du 27 mai 1953 et l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22 juin 1954 sont déclarés nuls et non avenus ; Article 3 - Expédition de la présente décision sera transmise au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice chargé d'en assurer l'exécution.

Document n° 7 – CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun

Vu 1°) sous le n° 69 867, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 26 juin 1985 et 28 octobre 1985, présentés pour la ville de Melun, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par une délibération en date du 13 mai 1985 ; la ville de Melun demande que le Conseil d'Etat :- annule le jugement, en date du 26 avril 1985, en tant que par celui-ci, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision de refus opposée par le maire de Melun à la demande de MM. X... et autres tendant à ce que leur soient communiqués sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 les comptes de l'association "Melun-Culture-Loisirs" afférents aux exercices 1972 à 1983 ainsi que tous justificatifs correspondants ;- rejette la demande présentée par MM. X... et autres devant le tribunal administratif de Versailles ;

[2nde requête similaire] […]

Considérant que les requêtes de la ville de Melun et de l'association "Melun-Culture-Loisirs" sont relatives à des demandes tendant à la communication des mêmes documents ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête de l'association "Melun-Culture-Loisirs" :Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 "sous réserve des dispositions de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicable aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public" ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'association "Melun-Culture-Loisirs" a été créée par la ville de Melun en vue "de coordonner les efforts de toutes personnes physiques et morales pour l'animation

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culturelle de Melun" et est chargée de la gestion des centres de loisirs et des garderies, ateliers et clubs communaux ainsi que de diverses autres missions en matière culturelle et socio-éducative ; que pour l'exercice de ces missions elle perçoit des aides de la ville qui constituent plus de la moitié de ses recettes et représentant la quasi totalité des dépenses de la ville dans le domaine culturel et socio-éducatif ; que l'association bénéfice aussi d'aides indirectes sous la forme de mises à disposition gratuite de locaux et de personnel communaux ; que ladite association dont le maire était président de droit jusqu'en 1983 et dont le conseil d'administration comporte une majorité de conseillers municipaux siègeant pour la plupart en cette qualité, doit, dans ces conditions, être regardée, alors même que l'exercice de ses missions ne comporterait pas la mise en euvre de prérogatives de puissance publique comme gérant, sous le contrôle de la commune, un service public communal et figure ainsi au nombre des organismes mentionnés à l'article 2 précité de la loi du 17 juillet 1978 ;

Considérant, d'autre part, que les comptes de l'association "Melun-Culture-Loisirs" qui retracent les conditions dans lesquelles elle exerce les missions de service public qui sont les siennes présentent par leur nature et leur objet le caractère de documents administratifs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "Melun-Culture-Loisirs" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, en date du 5 juillet 1985, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision par laquelle son président a rejeté la demande de MM. X..., Laplace et Bodin tendant à ce que ses comptes des exercices 1972 à 1983 ainsi que tous justificatifs correspondants leur soient communiqués ; […]

Document n° 8 - CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2004 et 20 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS, dont le siège est 11, place Dauphine à Paris cedex 01 (75053) ; l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 19 octobre 2004 portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat ;

Vu les autres pièces du dossier ;Vu la Constitution, notamment ses articles 21 et 37 ;Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;Vu le code des marchés publics ;Vu le code général des collectivités territoriales ;Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;Vu l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ;Vu la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;Vu le code de justice administrative ; […]

Considérant que l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ratifiée par la loi du 9 décembre 2004 de simplification administrative, dispose dans son article 2 que : Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de passation : a) Montre ou bien que, compte-tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d'urgence ; b) Expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat. En cas d'urgence, cet exposé peut être succinct./ L'évaluation est réalisée avec le concours d'un organisme expert choisi parmi ceux créés par décret ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 19 octobre 2004 portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat : Il est créé un organisme expert chargé de procéder en liaison avec toute personne intéressée à l'évaluation prévue à l'article 2 de l'ordonnance susvisée. Il est rattaché au ministre chargé de l'économie et des finances ; que selon l'article 2 du même décret : Cet organisme expert fournit aux personnes publiques qui le demandent un appui dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat. A ce titre, il peut, en fonction de chacune des demandes : -rendre une expertise sur l'économie générale des projets de contrats ; -assister les personnes publiques dans le cadre de l'élaboration des projets de contrat. Cette assistance peut porter sur la négociation des contrats. / Il élabore un rapport annuel ainsi que tout document utile organisant un retour d'expériences. / Il propose au ministre chargé de l'économie et des finances, en tant que de besoin, les évolutions de textes qui lui paraissent nécessaires ;

Considérant que, si les dispositions de l'article 2 du décret attaqué qui autorisent la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat à assister les personnes publiques qui le lui demandent dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat vont au delà des termes de l'habilitation donnée par l'ordonnance du 17 juin 2004, le Premier ministre pouvait légalement, dans l'exercice du pouvoir réglementaire

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qui lui est constitutionnellement reconnu, attribuer de nouvelles compétences à cet organisme dès lors que d'une part, s'agissant de l'Etat et de ses établissements publics, il s'est borné à organiser le bon fonctionnement des services et que, d'autre part, s'agissant des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, il ne leur a offert qu'une simple faculté qui n'a pu avoir pour effet de restreindre leurs compétences ;

Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ; qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci ;

Considérant qu'en chargeant la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat d'apporter aux personnes publiques qui le lui demandent un appui dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat, l'article 2 du décret attaqué s'est borné à mettre en oeuvre la mission d'intérêt général, qui relève de l'Etat, de veiller au respect, par les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public, du principe de légalité ; qu'en particulier, en prévoyant que cet organisme peut fournir un appui dans la négociation des contrats, le décret attaqué n'a pas entendu permettre à cette mission de les négocier en lieu et place d'une personne publique contractante autre que l'Etat ; qu'ainsi, aucune des attributions confiées à la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat n'emporte intervention sur un marché ; que par suite, les dispositions de l'article 2 du décret attaqué n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le droit de la concurrence ; qu'elles ne sont pas davantage contraires au principe d'égal accès à la commande publique ; qu'enfin, dès lors qu'elles ne portent pas sur des prestations de services au sens du droit communautaire, elles n'ont pu ni introduire de restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté européenne prohibées par les stipulations de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, ni méconnaître l'égalité de traitement entre les candidats à la commande publique issue du droit communautaire ;

Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 19 octobre 2004 portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat ; […]

Document n° 9 - CE Sect.., 22 février 2007, APREI

Vu la requête sommaire et les observations complémentaires, enregistrées les 13 février et 2 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES (A.P.R.E.I.), dont le siège est 2 A, boulevard 1848 à Narbonne (11100), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par l'Association familiale départementale d'aide aux infirmes mentaux de l'Aude (A.F.D.A.I.M.), a d'une part annulé le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier en date du 27 janvier 1999 en tant que ce jugement a annulé le refus de l'A.F.D.A.I.M. de communiquer à l'A.P.R.E.I. les états du personnel du centre d'aide par le travail La Clape, d'autre part a rejeté la demande présentée par l'A.F.D.A.I.M. comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; 2°) statuant au fond, d'annuler le refus de communication qui lui a été opposé par l'A.F.D.A.I.M. ; 3°) de mettre le versement à la SCP BOULLEZ de la somme de 2 000 euros à la charge de l'A.F.D.A.I.M. au titre de l'article L. 761-1 du code de juridiction administrative ; […]

Considérant que l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES (A.P.R.E.I.) a demandé communication des états du personnel d'un centre d'aide par le travail géré par l'Association familiale départementale d'aide aux infirmes mentaux de l'Aude (A.F.D.A.I.M.) ; que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 27 janvier 1999, annulé le refus de communication opposé par l'A.F.D.A.I.M et enjoint à cette dernière de communiquer les documents demandés dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement ; que l'A.P.R.E.I. demande la cassation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2003 en tant que la cour a d'une part annulé le jugement du 27 janvier 1999 en tant que ce jugement est relatif au refus de communication opposé par l'A.F.D.A.I.M., d'autre part rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dans sa

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rédaction alors en vigueur : « sous réserve des dispositions de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public » ;

Considérant qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ; que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ;

Considérant qu'aux termes de l'article 167 du code de la famille et de l'aide sociale alors en vigueur : « les centres d'aide par le travail, comportant ou non un foyer d'hébergement, offrent aux adolescents et adultes handicapés, qui ne peuvent, momentanément ou durablement, travailler ni dans les entreprises ordinaires ni dans un atelier protégé ou pour le compte d'un centre de distribution de travail à domicile ni exercer une activité professionnelle indépendante, des possibilités d'activités diverses à caractère professionnel, un soutien médico-social et éducatif et un milieu de vie favorisant leur épanouissement personnel et leur intégration sociale./ … » ; que les centres d'aide par le travail sont au nombre des institutions sociales et médico-sociales dont la création, la transformation ou l'extension sont subordonnées, par la loi du 30 juin 1975 alors en vigueur, à une autorisation délivrée, selon le cas, par le président du conseil général ou par le représentant de l'Etat ; que ces autorisations sont accordées en fonction des « besoins quantitatifs et qualitatifs de la population » tels qu'ils sont appréciés par la collectivité publique compétente ; que les centres d'aide par le travail sont tenus d'accueillir les adultes handicapés qui leur sont adressés par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel créée dans chaque département ;

Considérant que si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le travail revête le caractère d'une mission de service public ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'A.P.R.E.I. n'est pas chargée de la gestion d'un service public ; qu'ainsi l'A.P.R.E.I. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ; que ses conclusions tendant à la prescription d'une mesure d'exécution et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; […]

Document n° 10 - CE Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre 2005 et 5 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE (Bouches-du-Rhône), représentée par son maire ; la COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, à la demande de M. et Mme Jean-Louis A, annulé les jugements du 29 juin 2000 du tribunal administratif de Marseille rejetant leurs demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations des 12 février et 26 mars 1998 du conseil municipal d'Aix-en-Provence décidant d'allouer à l'association pour le festival international d'art lyrique et l'académie européenne de musique d'Aix-en-Provence deux subventions d'un montant respectif de six et deux millions de francs ;2°) de mettre à la charge de M. et Mme A une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; […]

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des délibérations en date des 12 février et 26 mars 1998, le conseil municipal d'Aix-en-Provence a accordé à l'association pour le festival international d'art lyrique et l'académie européenne de musique d'Aix-en-Provence des subventions d'un montant respectif de six et deux millions de francs ; que la COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juillet 2005 par lequel, saisie par M. et Mme A, la cour administrative d'appel de Marseille, infirmant les jugements du tribunal administratif de Marseille du 29 juin 2000, a annulé pour excès de pouvoir les délibérations litigieuses ; […]

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :Considérant qu'après avoir relevé que l'association pour le festival international d'art lyrique et l'académie européenne de musique d'Aix-en-Provence s'était vu confier une mission de service public, la cour, pour annuler les délibérations litigieuses, a jugé qu'une association ne pouvait exercer une telle mission et bénéficier à ce titre d'une subvention que si elle était liée à une personne publique par un contrat de délégation de service public

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conclu soit en application des dispositions des articles 38 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 soit en application des articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que, lorsque des collectivités publiques sont responsables d'un service public, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n'y fait pas par elle-même obstacle, décider de confier sa gestion à un tiers ; qu'à cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe conclure avec un opérateur, quel que soit son statut juridique et alors même qu'elles l'auraient créé ou auraient contribué à sa création ou encore qu'elles en seraient membres, associés ou actionnaires, un contrat de délégation de service public ou, si la rémunération de leur cocontractant n'est pas substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service, un marché public de service ; qu'elles peuvent toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ;

Considérant que, lorsqu'elles sont responsables d'un service public, des collectivités publiques peuvent aussi décider d'en assurer directement la gestion ; qu'elles peuvent, à cette fin, le gérer en simple régie, ou encore, s'il s'agit de collectivités territoriales, dans le cadre d'une régie à laquelle elles ont conféré une autonomie financière et, le cas échéant, une personnalité juridique propre ; qu'elles doivent aussi être regardées comme gérant directement le service public si elles créent à cette fin un organisme dont l'objet statutaire exclusif est, sous réserve d'une diversification purement accessoire, de gérer ce service et si elles exercent sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services leur donnant notamment les moyens de s'assurer du strict respect de son objet statutaire, cet organisme devant en effet être regardé, alors, comme n'étant pas un opérateur auquel les collectivités publiques ne pourraient faire appel qu'en concluant un contrat de délégation de service public ou un marché public de service ; qu'un tel organisme peut notamment être mis en place lorsque plusieurs collectivités publiques décident de créer et de gérer ensemble un service public ;Considérant en outre que, lorsqu'une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu'une personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative, elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la dévolution d'une mission de service public ; que son activité peut cependant se voir reconnaître un caractère de service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des financements ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en jugeant qu'une association ne pouvait gérer un service public et bénéficier à ce titre d'une subvention qu'à la condition d'être titulaire d'un contrat de délégation de service public passé soit en application des dispositions des articles 38 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 soit en application des articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, sans rechercher si, pour l'une des raisons analysées ci-dessus, la passation d'un tel contrat pouvait ou devait être exclue, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la COMMUNE D'AIX-EN-PROVENCE est fondée pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à en demander l'annulation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant d'une part que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, le tribunal administratif de Marseille a suffisamment répondu aux moyens tirés de l'absence de convention de délégation de service public et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant d'autre part qu'il ressort des pièces du dossier que l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le département des Bouches-du-Rhône et la commune d'Aix-en-Provence ont créé en 1996 une association pour le cinquantenaire du festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, devenue en 1997 l'association pour le festival international d'art lyrique et l'académie européenne de musique d'Aix-en-Provence ; que cette association a pour objet statutaire exclusif la programmation et l'organisation du festival international d'art lyrique et de l'académie européenne de musique ; qu'elle se compose de trois représentants de l'Etat, de quatre représentants des collectivités territoriales et de cinq personnalités qualifiées, dont une est nommée par le maire d'Aix-en-Provence et trois par le ministre chargé de la culture, ainsi que, le cas échéant, de membres actifs ou bienfaiteurs ou encore d'entreprises, dont la demande d'adhésion doit être agréée par le bureau et qui ne disposent pas de voix délibérative au sein de l'association ; que son conseil d'administration est composé de quinze membres, dont onze sont désignés par les collectivités publiques ; que les subventions versées par les collectivités publiques mentionnées ci-dessus représentent environ la moitié des ressources de l'association ; que celle-ci bénéficie en outre, de la part de la commune d'Aix-en-Provence, de différentes aides, comme la mise à disposition de locaux dans lesquels se déroule le festival et des garanties d'emprunt ;

Considérant que l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le département des Bouches-du-Rhône et la commune d'Aix-en-Provence ont ainsi décidé, sans méconnaître aucun principe, de faire du festival international

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d'Aix-en-Provence un service public culturel ; que, compte tenu de son objet, de ses modalités d'organisation et de ses modalités de financement, ce service public présente un caractère administratif ; que l'association à laquelle les quatre collectivités publiques ont confié sa gestion ne saurait être regardée, compte tenu de son objet statutaire et du contrôle qu'exercent sur elle ces collectivités, comme un opérateur auquel il ne pourrait être fait appel que dans le cadre d'un contrat de délégation de service public ou d'un marché public de service ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la commune d'Aix-en-Provence aurait dû passer avec l'association une convention de délégation de service public doit être, en tout état de cause, écarté ; que M. et Mme A ne peuvent, dès lors, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que la commune d'Aix-en-Provence pouvait accorder des subventions au service public culturel du festival international d'Aix-en-Provence ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, les dispositions de l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, qui limitent la possibilité pour une commune de prendre en charge dans son budget des dépenses d'un service public à caractère industriel et commercial, ne peuvent être utilement invoquées ; que la commune d'Aix-en-Provence n'a pas davantage méconnu les dispositions des articles L. 1511-1 et suivants du même code dès lors que celles-ci ont pour objet de réglementer les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent apporter des aides à des entreprises et que l'association, dont l'activité exclusive est de gérer, à la demande des collectivités publiques qui l'ont créée et sous leur contrôle, le service public du festival international d'Aix-en-Provence, ne saurait être regardée comme une entreprise au sens de ces dispositions ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par ses jugements du 29 juin 2000, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des délibérations des 12 février et 26 mars 1998 ; […]

Document n° 11 – SEILLER, B., « L’érosion de la distinction SPA-SPIC », AJDA, 2005, pp. 417-422

S'interrogeant sur la pérennité de la structure binaire du droit administratif, Didier Truchet notait d'emblée et sans ambages que « les services publics sont administratifs ou industriels et commerciaux » (D. Truchet, La structure du droit administratif peut-elle demeurer binaire ?, in Clés pour le siècle, Dalloz, 2000, p. 443). Il constatait également que le Tribunal des conflits échoua dans sa tentative d'introduire une troisième catégorie, les services public sociaux (T. confl. 22 janvier 1955, Naliato, Lebon p. 694 ; RPDA 1955, p. 53, concl. Chardeau). La dichotomie consacrée dans la célèbre affaire du bac d'Eloka (T. confl. 22 janvier 1921, Société commerciale de l'Ouest africain, Lebon p. 91 ; D. 1921, III, p. 1, concl. P. Matter) au sein de l'ensemble, jusqu'alors homogène, des services publics est donc exhaustive.

Depuis 1921, le pluriel a supplanté le singulier : hormis le respect des « lois de Rolland », la notion de service public ne déploie par elle-même que fort peu de conséquences juridiques. En revanche, la jurisprudence confère à la qualification des services publics une importance considérable. Le caractère administratif ne sera pas attribué dans les mêmes conditions aux actes unilatéraux ou contractuels selon qu'ils se rapportent à la gestion d'un service public administratif (SPA) ou d'un service public industriel et commercial (SPIC). Le constat est identique pour l'attribution de la qualité d'agent public ou pour l'engagement de la responsabilité des personnes publiques... La dichotomie des services publics constitue un élément si fondamental de l'étude du droit administratif qu'un colloque fort intéressant fut organisé à Poitiers à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de l'apparition des SPIC (Services publics industriels et commerciaux : questions actuelles, LGDJ, coll. Décentralisation et développement local, 2003).

Le dualisme des services publics français procède indirectement du dualisme juridictionnel, construit sur la base de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, et directement du dualisme juridique, corollaire circonstanciel du premier. L'opposition entre les services publics repose sur l'idée que le droit administratif, droit spécifique à l'action administrative, ne saurait régir tous les services publics. Certains d'entre eux n'appellent pas l'application de ce droit exorbitant, compte tenu de leur parenté avec les activités similaires du secteur privé. Leur caractère « industriel ou commercial » incline, au contraire, à les soumettre pour l'essentiel aux mêmes règles de droit que celles-ci. Le droit privé s'impose alors et, par contrecoup, la compétence du juge judiciaire. Les autres services publics bénéficient, quant à eux, de la protection particulière conférée aux activités administratives par le principe de séparation des autorités. Le droit administratif les régit principalement, sous le contrôle du juge administratif. La distinction des deux catégories de services publics concourt donc à l'identification du droit applicable et, en cas de litige, du juge compétent.

Cela n'autorise pas pour autant à affirmer qu'une opposition au sein des services publics ne peut apparaître que dans un régime de dualisme juridictionnel. En effet, indépendamment de l'organisation du système juridictionnel et juridique, la richesse et la diversité des services publics contemporains incitent à les soumettre à des régimes différenciés. Limitée à des variations de la règle de droit applicable, la catégorisation des services publics dans une structure juridictionnelle moniste déploie cependant des effets relativement réduits.

Le dualisme juridictionnel amplifie évidemment les conséquences attachées à la distinction, puisque aux

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différences de régime s'ajoutent des différences de compétence juridictionnelle. L'enseignement de cette composante essentielle de la répartition des compétences s'avère particulièrement délicat. Loin d'être le pont aux ânes que laisse supposer sa notoriété, la fameuse distinction « SPA-SPIC » s'avère plutôt un achoppement pour bien des étudiants. Encore ne soupçonnent-ils pas toujours l'importance des difficultés éprouvées par les responsables des services dans sa mise en oeuvre. L'ignorance dans laquelle ils se trouvent, quant à eux, à son sujet, épargne à la plupart des usagers bien des affres... tant qu'aucun litige ne les oppose au service.

Le nombre de conflits de juridiction liés à la division des services publics en deux catégories fournit un excellent révélateur de la complexité de la matière. Or, pour le seul premier semestre 2004, cette distinction était en cause dans un tiers des arrêts rendus par le Tribunal des conflits.

Malgré les efforts indéniables de cette juridiction pour simplifier l'état du droit en la matière, des questions que l'on croyait définitivement résolues ressurgissent. Tel est le cas de la jurisprudence Berkani, par laquelle le juge des compétences avait mis un terme à certains errements (v. T. confl. 25 novembre 1963, Dame veuve Mazerand, Lebon p. 792 ; JCP 1964, II, 13466, note R. L.), en posant que « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droitpublic, quel que soit leur emploi » (T. confl. 25 mars 1996, Berkani, Lebon p. 535, concl. Martin (AJDA, 1996, p. 355, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux). Deux arrêts récents en soulignent les limites. Le premier concerne le cas particulier des agents contractuels des établissements publics administratifs à double visage (T. confl. 24 mai 2004, Préfet de Seine-et-Marne, JCP 2004, I, 165, obs. Ondoua), à l'égard desquels, si le principe est conservé, l'analyse des activités exercées par l'intéressé redevient nécessaire. Le second se rapporte à la délicate application de l'article L. 122-12 du code du travail aux agents des SPA repris en régie par une personne publique (CE sect. 22 octobre 2004, M. Lamblin, AJDA 2004, p. 2153, chron. C. Landais et F. Lenica). L'une des branches de l'alternative ouverte par le Conseil d'Etat à l'employeur public (le maintien du contrat de droit privé préexistant) déroge au principe simplificateur de la jurisprudence Berkani et a été de ce fait immédiatement dénoncée (v., M.-C. de Montecler, Question sur un arrêt surprenant, AJDA 2004, p. 2241; JCP 2004, II, 10200, note Jean-Pierre).

L'incidence des considérations organiques n'explique pas seule le raffinement des solutions. Même nuancée, la présentation théorique de la distinction entre les SPA et les SPIC semble de moins en moins rendre compte de la réalité. Trop fondamentalement liée à la conception française de la séparation des pouvoirs, elle réduit la nécessaire subdivision des services publics à des éléments exclusivement juridiques, voire contentieux. Elle néglige le phénomène contemporain de dilution de la frontière entre les secteurs public et privé qui, sans la vouer à disparaître, engage à la faire évoluer.

Une conception discutable

L'apparition des SPIC marqua l'achèvement d'un lent processus de reconnaissance de cas de gestion privée dans l'action administrative. Sous-jacente dans les conclusions de David sur l'arrêt Blanco (T. confl. 8 février 1873, Lebon p. 61), développée par Romieu dans ses conclusions sur l'arrêt Terrier (CE 6 février 1903, Lebon p. 97, S. 1903, III, p. 25, concl. et note M. Hauriou), cette réflexion avait déjà conduit à admettre que certains contrats conclus dans l'intérêt du service public pouvaient revêtir un caractère de droit privé (CE 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, Lebon p. 909, concl. Blum). Il est compréhensible que la charge de consacrer l'existence de services publics à gestion intégralement (ou presque) privée revint au Tribunal des conflits.

Premier à avoir défendu la gestion privée dans une brochure intitulée La gestion administrative parue en 1899, Maurice Hauriou expliquait ainsi les raisons de sa reprise en droit positif : « le développement de l'activité administrative, pendant et depuis la guerre, a montré qu'il pouvait être utile, pour le fonctionnement des services publics ou des entreprises d'intérêt public, d'user, d'une façon plus large, parallèlement aux moyens et procédés de gestion publics, de moyens et de procédés de gestion privés » (Précis de droit administratif, Sirey, 1933, 12e

éd., p. 1064). La volonté d'adapter le droit applicable aux nouvelles formes de l'action administrative triompha malgré une certaine ambiguïté théorique de la notion de SPIC et ne fut pas ébranlée par les incertitudes qu'elle suscitait en pratique.

L'ambiguïté théorique

La contestation de l'idée même de services publics à gestion privée fut immédiate et trouve encore des soutiens.

Les champions de l'Ecole du service public ne pouvaient évidemment admettre que le droit privé puisse s'introduire dans la gestion des services publics, ce qui revenait à abattre l'édifice minutieusement bâti sur la notion de service public. « De deux choses l'une, ou une activité est un service public ou elle ne l'est pas. Si elle est un service public, elle a toujours les mêmes caractères ; toutes les conséquences qui se rattachent à ce qu'elle est un service public doivent s'appliquer et toute distinction entre de prétendus services publics d'autorité et de gestion doit être définitivement écartée sous peine de tomber dans la confusion ou l'erreur » (L. Duguit, Traité de

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droit constitutionnel, De Boccard, 1928, 3e éd., tome II, p. 81 ; v. également, G. Jèze, note sous T. confl. 11 juillet 1933, Dame Mélinette, RD publ. 1933, p. 426).

Plus récemment, Pierre Sandevoir a fait valoir « que le SPIC est à lui seul une authentique contradiction. Par l'utilisation de cette notion, il est demandé à un organisme quelconque [...] de protéger l'intérêt général tout en agissant selon les méthodes du secteur privé. A cet organisme, il faut donc réaliser oeuvre altruiste avec des moyens égoïstes, il faut se révéler puissance publique sous une allure de simple citoyen » (P. Sandevoir, Les vicissitudes de la notion de service public industriel et commercial, Mélanges Stassinopoulos, p. 317). Jean Rivero notait également que la poursuite simultanée de la satisfaction d'un besoin d'intérêt général et de la rentabilité, voire du profit, « est le problème essentiel posé par la notion de service public industriel et commercial » (J. Rivero, Les deux finalités du service public industriel et commercial, CJEG, 1994). L'analyse classique de René Chapus au sujet des activités de plus grand service et de plus grand profit (Le service public et la puissance publique, RD publ. 1968, p. 235) lui permettait néanmoins de résoudre la difficulté en estimant que « la recherche du profit permet de répondre aux besoins publics dont le service doit assurer la satisfaction ».

Même s'il ne contesta pas explicitement la jurisprudence Bac d'Eloka, Maurice Hauriou semble avoir répugné à admettre que des services publics soient à gestion privée. La dernière édition de son ouvrage (Précis de droit administratif, préc.) citait, en effet, l'arrêt Bac d'Eloka parmi les illustrations de ce qu'il appelait les « services privés des administrations publiques », qui se caractérisent selon lui par la « mise en oeuvre par une administration non seulement de moyens de gestion, mais aussi de procédés de gestion privés ». Il est vrai que l'arrêt en cause qualifie l'exploitation du bac de service de transport et non de service public. Si cette dernière expression apparaît peu après en jurisprudence (CE 23 décembre 1921, Société générale d'armement, Lebon p. 1109), il s'agirait de la première étape de la construction du mythe de l'arrêt Bac d'Eloka (A.-S. Mescheriakoff, L'arrêt du Bac d'Eloka, légende et réalité d'une gestion privée de la puissance publique, RD publ. 1988, p. 1058). Selon cette analyse, l'arrêt Bac d'Eloka aurait seulement confirmé la possibilité de recourir à la gestion privée dans l'exécution des services publics. L'idée selon laquelle il aurait consacré des services publics à gestion privée apparut ultérieurement sous l'influence de l'Ecole du service public qui y vit le seul moyen d'empêcher les personnes publiques de choisir le régime applicable à leurs activités, et donc une nouvelle méthode de limitation objective de ces personnes.

Un élément conforte ces contestations récurrentes et diverses. Il fallut attendre 35 ans pour que les critères de la distinction des deux catégories de service public soient arrêtés, ce qui accuse encore son ambiguïté conceptuelle. A l'opposition initiale, formulée par Paul Matter entre les services relevant de l'essence même de l'Etat et ceux qu'il n'entreprend qu'occasionnellement parce que nul particulier ne s'en est chargé, il fut successivement proposé de substituer le critère de la poursuite d'un but spéculatif (Bonnard, Droit administratif, LGDJ, 1935 ), celui de la réalisation d'actes de commerce (Chavanon, Essai sur la notion et le régime juridique des SPIC, Thèse Bordeaux, 1938) ou une combinaison de critères objectifs et subjectifs (Charlier, La notion juridique de service public industriel et commercial, JCP 1955, I, 1210). Jusqu'à ce qu'un arrêt de 1956 apporte quelques précisions (CE Ass. 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques, Lebon p. 434 ; D. 1956, Jur. p. 759, concl. Laurent), la jurisprudence écarta « tout esprit de système et témoigna d'un souci particulier des nuances » (Laurent, concl. préc.), qui trouble au regard des enjeux de la distinction.

Encore convient-il de modérer l'apport de la jurisprudence Union syndicale des industries aéronautiques : reposant sur une combinaison de critères dont l'analyse n'est pas dépourvue de subjectivité, elle n'offre pas vraiment de certitude. Cela se comprend à son seul énoncé : « un service public n'est industriel et commercial, quand il n'a pas été défini comme tel par une loi, qu'à la triple condition que les opérations formant son activité soient identiques à celles auxquelles se livrent ou pourraient se livrer des particuliers ou des entreprises privées, que son financement soit assuré pour l'essentiel par les recettes provenant des redevances versées par les usagers comme prix des prestations fournies, et qu'enfin sa gestion soit assurée selon les règles du droit privé » (CE 26 janvier 1968, Dame Maron, AJDA 1968, p. 293, concl. Bertrand).

La médiocre fiabilité de ces critères cumulatifs explique peut-être que les juges s'écartent parfois de la solution que devrait dicter leur application rigoureuse. C'est ainsi que le service des postes et télécommunications fut qualifié de SPA au regard de son seul mode d'organisation (T. confl. 24 juin 1968, Ursot, Lebon p. 798 ; AJDA 1969, p. 139, chron. Lemasurier) ou qu'une régie des eaux fut rangée parmi les SPIC bien que les redevances des usagers soient forfaitaires et inférieures au coût réel du service (T. confl. 19 février 1990, Thomas, Lebon p. 618 ; AJDA 1990, p. 558, obs. J.-P. Théron).

L'incertitude pratique

L'ambiguïté théorique de la distinction des deux catégories de services publics serait éventuellement tolérable si, concrètement, elle favorisait une identification simple du régime juridique applicable. Or, tout étudiant en droit, même versé dans les subtilités du principe de séparation des autorités, avouera sans nul doute sa perplexité devant les savants distinguos qu'appelle la matière.

Cela tient tout d'abord au fait que le caractère du service public géré ne suffit à établir le droit applicable à ce

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dernier. Bien d'autres questions sont susceptibles de se poser : le service est-il géré par une personne publique ou une personne privée ? Si un acte unilatéral ou contractuel est à l'origine du litige, s'agit-il d'un acte administratif ou de droit privé ? En cas d'action en responsabilité, est-elle exercée par un usager du service, un tiers et met-elle en cause un fait du service ou un fait d'un ouvrage public utilisé par le service public ? Si le litige concerne un agent, celui-ci exerce-t-il la direction de l'ensemble des services ?

Selon la réponse apportée à chacune de ces questions, le droit applicable variera. L'état du droit ne présente évidemment plus la belle simplicité que Paul Matter évoquait en 1921. Chacun sait l'erreur consistant à associer sans nuance le droit public aux SPA et le droit privé aux SPIC. Il est plus exact d'affirmer que les uns et les autres relèvent d'un régime mixte. Seule la part respective du droit public et du droit privé, et corrélativement la compétence respective des juges administratif et judiciaire, varie.

Le droit public domine certes largement la gestion des SPA gérés par des personnes publiques et le droit privé celle des SPIC gérés par des personnes privées. Mais les services publics administratifs gérés par des personnes privées relèvent pour une part importante du droit privé et les services publics industriels et commerciaux gérés par des personnes publiques pour une part non négligeable du droit public. Il n'est pas jusqu'au fameux bloc de compétence judiciaire pour le contentieux des relations entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers qui ne connaisse des fissures ! « Par exception, le juge administratif est compétent pour connaître des conclusions, même lorsqu'elles sont présentées par un usager, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des mesures relatives à l'organisation d'un tel service, comme les tarifs ou les règles de priorité dans l'usage des installations » (CE 3 octobre 2003, M. Peyron, RFDA 2003, p. 1256 ; Lebon p. 386). Par ailleurs, ce bloc de compétence opère au détriment d'autres principes auxquels il apporte des dérogations, à l'exemple de la loi du 28 pluviôse an VIII ou du critère de la clause exorbitante dans les contrats. La simplification recherchée paraît alors bien ambivalente.

A cela s'ajoutent des hésitations ou divergences quant à la qualification de certains services publics.

Les unes sont paradoxalement imposées par la mise en oeuvre même des critères de la distinction : ces derniers conduisent à ce qu'une même activité soit administrative ou industrielle et commerciale, au gré des décisions prises par l'autorité compétente quant à l'origine des ressources et/ou aux modalités d'organisation. Les piscines et les théâtres municipaux en offrent l'illustration la plus classique. Il faut ajouter que le jeu des critères produirait parfois des dédoublements curieux dans la mesure où le même service public changerait de caractère en fonction de ses usagers (J.-F. Lachaume, Brèves remarques sur les services publics à double visage, RFDA 2003, p. 362).

Les autres résultent au contraire d'une méconnaissance, volontaire ou non, des critères. Elles sont le plus souvent le fait des autorités créatrices du service public à l'occasion, notamment, de la qualification de l'établissement public auquel il est confié. Bien moins que la confirmation de l'excessive difficulté d'application des critères, il faut y voir des cas d'instrumentalisation de la distinction. Il en va ainsi lorsque l'autorité compétente, indifférente à la réalité des activités concernées, impose une qualification pour faire bénéficier l'établissement public du régime juridique correspondant. La souplesse supposée des règles juridiques, comptables et financières applicables dans le secteur privé incline évidemment à l'abus de la qualité d'établissement public industriel et commercial.

Respectueux du principe de séparation des autorités, le juge administratif ne saurait se laisser abuser par ces qualifications erronées et procède aux corrections nécessaires. Mais il n'a compétence pour requalifier l'organe lui-même qu'en présence d'un acte réglementaire (CE 4 juillet 1986, Berger, Lebon p. 564 ; D. 1988, Jur. p. 91, note E. Fatôme et J. Moreau). En revanche, tenu par les qualifications législatives, il n'a d'autre solution que de lier sa compétence à l'activité réellement à l'origine du litige et non à la qualité officielle de l'organe qui l'exerce (CE Ass. 29 janvier 1965, L'Herbier, Lebon p. 60 ; AJDA 1965, p. 93, chron. Puybasset et Puissochet et p. 103, concl. Rigaud). Il enrichit ainsi la tératologie juridique, pourtant déjà bien fournie, de deux espèces effrayantes, les établissements publics à double visage et à visage inversé. Les premiers conservent leur qualification textuelle malgré l'exercice d'activités relevant des deux catégories de service public, les seconds perdent leur qualification textuelle qui ne correspond pas au type de service public essentiellement exercé. Rien n'interdit d'ailleurs qu'un même établissement public ne cumule les tares.

Cette évocation rapide des redoutables difficultés pratiques nées de la distinction des services publics administratifs et industriels et commerciaux encourage à s'interroger sinon sur sa pertinence, du moins sur l'adéquation de sa formulation au contexte actuel. Aux observations qui précèdent, s'ajoutent divers éléments qui inclinent à penser qu'une évolution est concevable, qui ne modifierait pas substantiellement la portée attribuée à l'arrêt Bac d'Eloka.

Une évolution concevable

La fragilité contemporaine de la dualité des services publics ne résulte pas seulement des multiples écueils identifiés précédemment et qui tiennent à ses faiblesses intrinsèques. Ambiguë, source d'incertitudes,

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instrumentalisée, l'opposition entre les services publics administratifs et industriels et commerciaux apparaît également dépassée. Elle est, en effet, parfois ignorée sous l'influence de l'effacement progressif de la frontière entre le droit public et le droit privé. Loin de tendre pourtant à sa disparition, ce mouvement lui substitue une nouvelle opposition qui pourrait suggérer un retour aux sources.

Une distinction ignorée

D'origine prétorienne, la division des services publics en deux catégories ne jouit apparemment pas de la pleine adhésion des autorités normatives. Malgré le développement constant du droit écrit, un nombre peu élevé de textes y attachent des conséquences particulières.

En droit interne certes, quelques lois y font référence à l'image de l'article L. 421-1 du code du travail (à propos de l'élection de délégués du personnel) ou des articles L. 2221-1 et suivant du code général des collectivités territoriales (à propos des régies locales). Mais de telles dispositions posent en général des règles propres à l'une ou l'autre catégorie sans que les raisons de cette spécificité s'imposent d'évidence. Tel est, par exemple, le cas de la loi du 12 avril 2000 qui réserve la réduction du délai d'apparition des décisions implicites de rejet aux services publics administratifs.

Les interrogations que suscitent ces textes respectueux de la distinction expliquent peut-être que les autorités normatives préfèrent plutôt l'ignorer. Les mêmes dispositions régissent alors les services publics administratifs et industriels et commerciaux. Par exemple, la loi du 31 juillet 1963 fixant certaines modalités d'exercice du droit de grève et la loi du 29 janvier 1993 organisant la passation des conventions de délégation de service public s'appliquent indifféremment aux uns et aux autres. L'ordonnance du 17 juin 2004 a, quant à elle, simultanément posé les principes des nouveaux contrats de partenariat public-privé et, pour simplifier les règles de répartition des compétences, leur a attribué un caractère administratif indépendamment du caractère du service public à l'exécution duquel le partenaire privé est éventuellement associé.

Plus radicalement, il est des matières qui ignorent délibérément la distinction entre les services publics. Le droit fiscal pose en principe que les personnes publiques doivent « acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et les taxes de toute nature auxquelles seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations » (art. 1654 du code général des impôts). La combinaison des articles 206-1 et 207-1-6° du code général des impôts amène toutefois à distinguer entre les services publics pour la soumission à l'impôt sur les sociétés. Mais tous acquittent la taxe sur la valeur ajoutée à moins que le non-assujettissement des SPA n'entraîne de distorsion dans les conditions de la concurrence (art. 256 B du code général des impôts).

Cette préoccupation d'imposer le respect de l'égale concurrence à tous les services publics inspire l'article L. 410-1 du code de commerce, aux termes duquel les règles relatives à la liberté des prix et à la concurrence « s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ». Il permet de sanctionner des pratiques anticoncurrentielles commises à l'occasion d'activités de service public industriel et commercial ou administratif et confirme ce que le droit fiscal laisse entrevoir : la distinction entre les deux catégories de services publics s'estompe lorsque est en cause l'impact économique de l'activité en cause.

Le droit communautaire n'est pas étranger à cette érosion. L'article 86, paragraphe 2, du traité de Rome n'autorise à déroger au principe de libre concurrence au profit des services d'intérêt économique général que si son application ferait échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie, et à condition que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté. Pour déterminer le champ d'application de cette disposition, la Cour de justice des Communautés européennes se réfère à la notion d'entreprise qu'elle définit comme « toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » (CJCE 23 avril 1991, Höffner, aff. C-41/90, Rec. I.1979). Echappent ainsi à la qualification de services d'intérêt économique général les activités par lesquelles s'exercent des prérogatives de puissance publique (CJCE 19 janvier 1994, SAT, aff. C-364/92, Rec. 1992, p. I-43 : à propos d'Eurocontrol ; AJDA 1997, p. 772, Actualité du droit communautaire), ou qui remplissent une fonction de caractère exclusivement social fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif (CJCE 17 février 1993, Poucet-Pistre, aff. C-15 et 160/91, Rec. 1993, p. I-637 : à propos de l'assurance maladie obligatoire ; AJDA 1997, p. 772, Actualité du droit communautaire).

L'opposition qu'opère le droit communautaire entre les services d'intérêt général marchands et non marchands pour préciser le champ de la libre concurrence se superpose à notre distinction interne sans la recouvrir exactement. Il existe certes une parenté entre la notion de service public industriel et commercial et celle de service d'intérêt économique général (SIEG) : « le lien entre les deux notions est fondé sur la notion de service marchand. En effet ce qui caractérise aussi bien le SPIC que le SIEG, c'est le fait d'être constitué de prestations de services qui sont offertes sur un marché » (A.-S. Mescheriakoff, SPIC locaux et droit communautaire, in Services publics industriels et commerciaux : questions actuelles, préc., p. 15). Cette proximité conceptuelle

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aurait même permis que la définition du périmètre des services d'intérêt économique général assure une meilleure cohérence à la notion de service public industriel et commercial (ibid.). Toutefois le rapprochement allégué n'est pas absolu, dans la mesure où la notion communautaire semble plus large puisque la notion d'entreprise est susceptible de s'appliquer à des services que le droit français qualifie d'administratifs.

En tout état de cause, par l'usage d'une terminologie distincte et l'appel à des critères d'analyse différents, le droit communautaire souligne sa volonté sinon d'ignorer, du moins de ne pas reproduire l'opposition entre les services publics administratifs et industriels et commerciaux. La nécessité de dépasser celle-ci, auquel il amène parfois à conclure, pourrait cependant se réaliser par un simple retour au point de départ. Loin d'être une étoile filante, la distinction de catégories de services publics semble promise à briller encore longtemps au firmament du droit français. C'est à la condition néanmoins d'achever sa révolution.

Une révolution suggérée

Nombre des éléments précédents démontrent la pertinence d'une distinction au sein du service public mais remettent en cause celle adoptée par le droit français. Un examen plus approfondi révèle que la diversité apparente des objectifs assignés à une dichotomie des services publics n'exclut pas l'identité de l'inspiration. Elle se traduit logiquement par un critère commun de classification.

Rien ne paraît certes rapprocher l'identification des activités d'intérêt général à soumettre au principe d'égale concurrence et la délimitation de celles d'entre elles à soustraire globalement au droit privé et dont le contentieux doit être attribué aux juridictions administratives. Les notions de SPA et de SPIC « contribuent à l'élaboration d'un système normatif, dans lequel chaque notion commande l'application de règles données, qu'un juge particulier est chargé de faire respecter. Elles s'inscrivent donc dans une dynamique essentiellement juridique, qui ne dépasse pas, au final, les limites étriquées d'un subtil jeu de répartition des compétences » (S. Braconnier, Droit des services publics, Puf, Thémis, 2003, p. 218). « Elle repose sur un socle purement normatif qui ignore, dans une très large mesure, les paramètres non juridiques, notamment économiques ou managériaux » ( ibid.).

Le droit fiscal et le droit de la concurrence, qu'il soit d'origine interne ou communautaire, font prévaloir pour leur part la logique économique, tant dans l'objectif poursuivi d'instauration d'une libre concurrence que dans les méthodes et concepts utilisés pour y parvenir. Le pragmatisme de ces deux branches du droit commande de saisir l'action publique dans son environnement économique et social et de ne pas s'enfermer dans une analyse purement juridique et, de ce fait, abstraite et statique. Il s'agit d'adapter le droit aux contraintes de la réalité économique et non l'inverse.

Malgré ces objectifs apparemment opposés, les deux conceptions de la dichotomie des services publics se rejoignent par leur logique commune. L'une et l'autre reposent sur l'idée que la satisfaction de l'intérêt général recherchée par l'organisation de services publics ne saurait en toute hypothèse justifier la soustraction à la loi générale, au régime juridique des activités « ordinaires ». Tandis que la jurisprudence Bac d'Eloka, élaborée dans le contexte particulier de la séparation des autorités administratives et judiciaires, en tire des conséquences absolues (principe de soumission au droit privé et à la compétence judiciaire) au terme d'une analyse principalement juridique, les droits fiscal et de la concurrence en déduisent, plus modestement, que seules les règles qu'ils posent s'appliqueront aux services publics au gré de leur impact économique et indépendamment du juge chargé de les contrôler. Il n'en reste pas moins qu'« il y a dans les deux démarches une volonté de limiter strictement [le domaine naturel d'intervention des personnes publiques] et de banaliser tout ce qui n'est pas administratif au sens strict du terme » (J.-F. Lachaume, Introduction, in Services publics industriels et commerciaux : questions actuelles, préc., p. 8).

La parenté d'inspiration libérale n'est que trop évidente entre les conclusions de Paul Matter, qui proposait d'opérer une distinction « entre les services de l'Etat agissant tantôt dans son fonctionnement nécessaire, tantôt dans un dessein d'intérêt général, mais sortant de son domaine naturel » (P. Matter, concl. préc.) et de priver ces derniers de la protection du principe de séparation, et l'article 86, paragraphe 2, du traité CE, aux termes duquel « les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général [...] sont soumises aux règles [...] de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas obstacle à l'accomplissement [...] de leur mission ».

Même déformée par la suite, la pensée de Paul Matter commande encore les conditions de mise en oeuvre de la distinction entre les services publics administratifs et industriels et commerciaux. Or, Laurent, dans ses fameuses conclusions sur l'arrêt Union syndicale des industries aéronautiques, se référait à la même notion que celle utilisée par la Cour de justice des Communautés européennes. « A nos yeux, le développement de votre jurisprudence, comme ceux du droit positif d'ailleurs, conduisent à enrichir le critère tiré de la nature de l'activité considérée par l'adjonction de la notion d'« entreprise », inséparable du service industriel et commercial ».

La démonstration de l'existence d'une entreprise est au coeur des deux constructions juridiques. Mais aujourd'hui le SPIC doit plutôt être présenté comme une entreprise présentant les caractères d'un service public (sur ce point, v., P. Sandevoir, préc.) que l'inverse.

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Il est vrai que Laurent et la jurisprudence après lui procèdent à une analyse « interne » de la qualité d'entreprise (organisation, procédés de commandement, méthode de travail...) alors que le droit communautaire l'envisage de manière « externe » (existence d'un marché et caractères de celui-ci). Cette différence se justifie néanmoins aisément au regard des objectifs différents poursuivis par le droit interne et le droit communautaire. La prise en compte croissante par le premier de la dimension économique des activités publiques comme la reconnaissance explicite par le droit communautaire de la nécessité de protéger les activités d'intérêt général pourraient autoriser un rapprochement rapide des conceptions.

Point de départ en 1921, élément fondateur des critères identifiés en 1956, la notion d'entreprise semble devoir jouer à nouveau le premier rôle. Ce retour au point de départ, cette révolution sans révolution, éloignerait la menace sur la distinction entre les services publics administratifs et industriels et commerciaux. Cette dernière conserverait sa place et sa portée en droit interne mais s'insérerait de manière plus cohérente dans l'ensemble des règles gouvernant les services publics contemporains.

La structure binaire du droit des services publics se maintiendra assurément. Comme l'exposait en théorie Didier Truchet, « parfois, l'agencement binaire résistera ; parfois, après un temps de « crise », un autre se substituera à lui. Ailleurs, en revanche, c'est une autre architecture qui s'imposera, moins classique d'aspect, mais sans doute plus efficace et mieux adaptée à l'administration d'aujourd'hui » (art. préc.). La crise sévit depuis longtemps déjà au sein du service public ; le baroque national laissera sans doute place à une architecture tout aussi binaire mais de style néo-classique et d'influence anglo-saxonne.

Pour en savoir plus• J.-B. Auby et S. Braconnier (sous dir.), Services publics industriels et commerciaux : questions actuelles, LGDJ, coll. Décentralisation et développement local, 2003.• S. Braconnier, Droit des services publics, Puf, Thémis, 2003.• A.-S. Mescheriakoff, L'arrêt du bac d'Eloka, légende et réalité d'une gestion privée de la puissance publique, RD publ. 1988, p. 1059.• J. Rivero, Les deux finalités du service public industriel et commercial, CJEG 1994, n° 500, p. 375.• P. Sandevoir, Les vicissitudes de la notion de service public industriel et commercial, Mélanges Stassinopoulos, LGDJ, 1974, p. 317.

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