Upload
others
View
3
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
2
Le paludisme demeure, à l’aube du XXIème
siècle, un problème majeur de
santé publique, avec plus de 90 pays touchés et plus d’un tiers de la population
mondiale exposée [1]
. On estime de 300 à 500 millions le nombre de cas annuels
de paludisme, et entre 1,5 et 3,5 millions le nombre de décès annuels liés à cette
parasitose [1]
. Le paludisme reste toujours la première cause de décès infantile en
Afrique subsaharienne [2]
. Il a été éradiqué des zones anciennement impaludées
et les cas diagnostiqués actuellement dans les zones non endémiques sont des
cas d’importation. Le développement du tourisme vers les zones endémiques,
l’absence de prophylaxie systématique pendant le séjour et après le retour, et la
rapidité des transports aériens pour une maladie à courte période d’incubation,
expliquent en grande partie l’importance de ce problème et la majoration du
nombre de cas d’importation notée au cours de ces dernières années [3, 4, 5]
. Par
ailleurs, l’intensité des échanges internationaux rend compte de la fréquence du
paludisme d’importation [6]
.
Les formes graves et les décès sont exceptionnels avec Plasmodium (P.)
vivax, P.ovale, P.malariae, alors que les cas liés à P.falciparum ont une
mortalité comprise entre 1 et 5 % dans les zones d’endémies [7]
, et probablement
jusqu’à 30 % en cas du paludisme d’importation.
Un élément est commun à toutes les régions du monde : les formes graves
et compliquées à P. falciparum sont de plus en plus fréquentes, parallèlement à
la progression des chimiorésistances, à l’apparition des formes cliniques
déroutantes et au retard diagnostique et thérapeutique qui en résultent [6]
.
Au Maroc, le paludisme d’importation demeure une maladie encore mal
connue et dont la prévention est souvent négligée par les voyageurs.
3
Ce travail est subdivisé en deux parties :
- La première partie comporte un rappel sur le paludisme : son
épidémiologie, son diagnostic biologique ainsi que le traitement et la
prophylaxie.
- La deuxième partie s’intéressera au paludisme d’importation au Maroc
par une étude rétrospective de 2226 cas du paludisme d’importation enregistrés
au Maroc sur une période de 39 ans allant de 1968 à 2007.
5
I. HISTORIQUE [6]
Le paludisme est connu par ses manifestations cliniques depuis la plus
haute antiquité. Les médecins de l’ide védique et brahmanique distinguaient
déjà, 1000 ans avant JC, des fièvres intermittentes caractéristiques. Hippocrate
décrivait longuement des fièvres tierces et quarte.
Au moyen âge, une grande partie de l’Europe en souffrait.
En chine, dans le VIème
siècle, le Qinghaosu ou Artemis annua était connu
pour ses vertus fébrifuges.
En 1620, Don Fransisco Lopez, reconnut les vertus curatives de la poudre
de l’écorce du quinquina et distingua les fièvres qui réagirent favorablement et
celles qui lui résistèrent. Le paludisme autochtone était largement répandu en
Europe et sévissaient jusqu'aux pays baltes.
En Europe, paludisme à P.vivax et P.malariae sévissaient dans toutes les
zones marécageuses. Son éradication n’a été possible que grâce à
l’assainissement.
En 1820, Pelletier et Caventou isolent deux des alcaloïdes actifs du
quinquina, la quinine et la cinchonine.
C’était le 6 novembre 1880 que Laveran observa en Algérie des éléments
cellulaires intra érythrocytaires n’appartenant à aucune lignée hématologique.
L’hématozoaire du paludisme fut découvert. En 1897, Ross prouva le rôle
des moustiques dans la transmission du paludisme aviaire, et Grassi, en 1898,
démontra que l’anophèle était le vecteur du paludisme humain. Mais il fallut
6
attendre 1948 pour que Short et Garnham mettent en évidence l’existence de
formes tissulaires intrahépatocytaires des hématozoaires (corps bleu). Ils
permirent ainsi de compléter la connaissance du cycle du parasite et d’expliquer
les rechutes de la maladie observées dans certaines formes plasmodiales.
La seconde guerre mondiale empêchant l’accès aux plantations
indonésiennes de quinquina ouvrait la voie du développement et de l’utilisation
des premières antimalariques de synthèse (amino-4quinoliénes) [8]
.
En 1939, la lutte contre le vecteur est devenue possible grâce à la
découverte des insecticides à action rémanente par Muller. Les résistances
devaient apparaître rapidement [9]
.
Aujourd’hui, l’endémie a disparu des pays tempérés où les cas observés
résultent de contaminations exotiques. La chloroquinorésistance est apparue dés
1961 en Colombie et presque simultanément en Thaïlande. Pour le moment, la
recherche clinique progresse plus vite que les résistances plasmodiales, et de
nouvelles molécules actives provenant de substances naturelles peuvent être
utilisées. Il faut cependant rester vigilant, comme l’indique Marc Gentilini :
« tout milite pour un réarmement de la lutte antipaludique, il faut craindre le
non-renouvellement à vitesse suffisante des molécules mises à la disposition des
thérapeutes pour pallier la carence d’efficacité des anciennes » [9]
.
7
II. RAPPELS EPIDEMIOLOGIQUE SUR LE PALUDISME
II.1. DEFINITION
Le paludisme, endémie parasitaire majeure, est une érythrocytopathie
provoquée par des hématozoaires du genre Plasmodium, transmis par la piqûre
d’un moustique, l’anophèle femelle [6]
.
L’agent responsable du paludisme est un protozoaire intracellulaire [10]
. Il
s’agit d’un sporozoaire appartenant au phylum des Apicomplexa.
Il existe dans la nature, au sein du genre Plasmodium, plusieurs espèces
capables d’infecter reptiles, oiseaux ou mammifères [11]
. Parmi ces espèces,
seules quatre d’entres elles, peuvent évoluer chez l’Homme et provoquer une
symptomatologie clinique. Elles différent morphologiquement,
immunologiquement, de leur répartition géographique, de leur mode de rechute
ainsi que de leur réponse vis-à-vis des drogues antipaludiques.
Quatre espèces plasmodiales peuvent être responsables de l’infection chez
l’homme [6]
:
- P.vivax : espèce autochtone du Maroc
-P.ovale,
-P.malariae,
-P.falciparum : le plus répandu et celui dont l’évolution clinique est la plus
grave.
8
II.2. SITUATION DU PALUDISME DANS LE MONDE ET
REPARTITION GEOGRAPHIQUE [1, 6]
II.2.1. Situation du paludisme dans le monde
Plus de 36% de la population mondiale court le risque du paludisme, soit
2.3 milliards de personnes [6]
.
C’est en Afrique intertropicale où vivent 400 millions d’habitants que la
situation est tout à la fois la plus préoccupante et la plus difficile à préciser. En
dehors de l’Afrique, 70 % des cas mondiaux sont observés dans six pays :
l’Inde, le Brésil, l’Afghanistan, le viêt nam, la Colombie et les îles Salomon [12]
La mortalité, pratiquement toujours due à Plasmodium falciparum est sous
estimée. Elle concerne 1.5 et à 2.7 millions de sujets chaque année, dont une
grande majorité en Afrique [6]
.
La maladie sévit sur le mode endémoépidémique et son incidence dépend
étroitement de l’écologie du vecteur donc de la climatologie, de l’aménagement
de l’espace (déforestation, hydrroagriculture), des migrations de populations et
des capacités économiques à entreprendre des travaux d’assainissement [6]
.
La cartographie de la chloroquinorésistance est étendue. Elle progresse
mais sa répartition est très inégale au sein d’une même région [6]
.
La distribution actuelle du paludisme dans le monde est montrée dans la
figure 1[1]
. Certaines données géographiques modifient le risque du touriste. Le
risque d’acquisition du paludisme est moindre aux altitudes de plus de 1500 m,
mais, dans des conditions climatiques favorables, il peut se produire à des
altitudes jusqu’à environ 3000 m. Le risque d’infection peut également changer
9
en fonction de la saison, étant le plus haut à la fin de la saison des pluies. La
distribution des espèces de Plasmodium est une donnée majeure, les formes
graves étant associées à P. falciparum. La distribution de P. falciparum est
présentée dans la figure 2 [1]
.
Figure 1 : Distribution mondiale des zones à risque du paludisme [1]
10
Figure 2 : Distribution mondiale des cas de paludisme à Plasmodium falciparum [1]
II.2.2. Répartition géographique
Historiquement, le paludisme s’étendait en Amérique du Nord jusqu'à la
frontière du Canada, en Australie jusqu’au tropique du Capricorne et en Europe
jusqu’au cercle polaire.
Actuellement, l’affection est endémique dans quelque cent pays, du 40e
Nord, au 29e sud et jusqu’à une altitude 2500 m (Rwanda).
La répartition géographique des quatre espèces plasmodiales se présente
ainsi :
a. Plasmodium falciparum :
Le plus redoutable et le plus intensément implanté, se trouve en Afrique,
Asie, Amérique du sud, Océanie….
11
b. Plasmodium vivax :
Il est largement répandu, éradiqué en Europe, présent dans le Bassin
Méditerranéen, peu important en Afrique tropicale, sauf Comores, Madagascar
et présent dans toute l’Asie, l’Amérique Centrale et l’Amérique du sud. Sa
transmission s’arrête à une température<15°C [13, 14]
.
c. Plasmodium ovale :
Il sévit en Afrique intertropicale du centre et de l’Ouest (et dans certaines
régions pacifiques). D’une manière générale P.ovale est observé là où P.vivax
n’existe pas [13]
.
d. Plasmodium malariae :
Sa distribution géographique est clairsemée, il sévit en Afrique de manière
beaucoup plus sporadique, en Amérique Centrale et du Sud et en quelques
foyers en Afrique du Nord et en Asie [10, 15]
.
II.3. CYCLE EVOLUTIF DU PALUDISME [16, 17, 18, 19, 20]
Il s’effectue chez deux hôtes successifs : l’Homme, chez qui a lieu la
reproduction asexuée ou schizogonie et un moustique vecteur, l’anophèle
femelle, où se réalise la reproduction sexuée ou sporogonie (figure 3).
Ce cycle se caractérise par un parasitisme intracellulaire obligatoire avec
des formes invasives ou « zoïtes» (sporozoïte, mérozoïte), possédant des
organites spécifiques : anneaux polaires, rhoptries, micronèmes, granules
denses.
12
II.3.1. Cycle chez l’homme
II.3.1.1. Schizogonie intrahépatique (ou extraérythrocytaire)
Les sporozoïtes contenus dans les glandes salivaires de l'anophèle femelle
sont inoculés à l'Homme au cours d'un repas sanguin. Véhiculés par le torrent
circulatoire, un certain nombre d’entre eux vont gagner le foie en quelques
minutes. A ce niveau, ils pénètrent dans les hépatocytes où il forme une vacuole
parasitophore au sein de laquelle il continue son développement puis une
schizogonie se manifeste par des mitoses à partir du noyau haploïde. Il en résulte
l'individualisation en quelques jours de plusieurs dizaines de mérozoïtes au sein
d'une même vacuole parasitophore (schizonte hépatique ou corps bleu de
Garnham). La cellule infectée éclate et libère les mérozoïtes qui sont capables
d'infecter les érythrocytes.
Certains parasites peuvent rester quiescents dans les cellules hépatiques
sous la forme d'hypnozoïtes (forme de dormance) dont l'évolution semble
s'arrêter pendant des périodes de temps plus ou moins longues. C'est leur reprise
évolutive qui conditionnerait alors les rechutes tardives, tout au moins chez
Plasmodium vivax et Plasmodium ovale. En ce qui concerne Plasmodium
falciparum, il n'y pas d’hypnozoïtes, ce qui explique l'absence d'accès de
reviviscence.
II.3.1.2. Schizogonie érythrocytaire
Le mérozoïte pénètre dans l’hématie et se transforme en trophozoïte.
Pendant cette phase qui dure environ 24 heures, le parasite croît sans se
multiplier. Ce n'est qu'après que débute la division nucléaire. Le trophozoïte
passe alors au stade schizonte où ont lieu quatre à cinq divisions du noyau. Les
13
noyaux fils vont à la périphérie du schizonte pendant que se constituent les
différents complexes apicaux des futurs mérozoïtes. La membrane
cytoplasmique s'évagine progressivement autour de chacun d'eux. Le processus
d'évagination de la membrane plasmique se poursuit et les mérozoïtes finissent
par s'isoler en formant une rosace caractéristique. La division se termine par la
lyse de la membrane parasitophore et de la membrane érythrocytaire. Les
mérozoïtes libérés peuvent aller envahir de nouvelles hématies et ainsi
recommencer un nouveau cycle érythrocytaire.
La schizogonie érythrocytaire est de 48 heures pour P. vivax, P. ovale et
P. falciparum, alors qu'elle est de 72 heures pour P. malariae. La durée de la
schizogonie explique les variations de rythme des accès fébriles en fonction de
l'espèce plasmodiale. Le nombre de cycle est limité, avec la formation de
gamétocytes. La partie protéique de l'hémoglobine est progressivement
dégradée à pH acide par un complexe d'enzymes protéolytiques tandis que la
partie héminique est transformée en hémozoïne. En conséquence, apparaît un
pigment insoluble. Les différentes vacuoles pigmentaires ainsi formées vont, au
fur et à mesure de la croissance du parasite, fusionner pour donner naissance à
une vacuole résiduelle unique qui se retrouvera plus tard au centre de la rosace
du schizonte. L'hémozoïne, toxique et pyrogène, libérée dans la circulation lors
de l'éclatement du schizonte, est un facteur pathogénique important,
responsable, en particulier, de la fièvre qui survient lors de l'accès palustre.
Les gamétocytes se forment à partir de mérozoïtes issus de la schizogonie
érythrocytaire. Les gamétocytes se différencient après l'invasion d'un érythrocyte
sans qu'intervienne ultérieurement de division cellulaire.
14
II.3.2. Cycle chez l’anophèle
Les gamétocytes ingérés par l'anophèle femelle au cours d'un repas sanguin
vont pouvoir continuer leur développement vers la gamétogenèse.
L'hématophagie de l'anophèle femelle est liée au cycle ovogénétique du
moustique puisque le repas sanguin est obligatoire pour la maturation des
ovules.
Au cours du repas sanguin, l'hématie est lysée et les gamétocytes sont
libérés. Les gamétocytes mâles sont alors l'objet du phénomène d'exflagellation
caractérisé par une réorganisation des structures cytoplasmiques et
l'individualisation des gamètes mâles à raison de huit par gamétocyte. Le
gamétocyte femelle se transforme en ovule
La fécondation a lieu dans l'intestin moyen. Le zygote ou oocinète formé se
transforme ensuite en oocyste qui sera fixé à la surface externe de l'intestin
moyen. A partir de ce moment, débute la sporogonie. Les sporozoïtes une fois
formés, sont libérés et vont gagner les glandes salivaires où ils seront stockés
jusqu'au prochain repas sanguin.
L'aspiration du sang de l'Homme par l'anophèle est précédée d'un
phénomène de régurgitation salivaire qui permet aux sporozoïtes de gagner la
circulation sanguine.
La durée totale de la part du cycle évolutif qui se déroule chez l'anophèle
est de 10 à 17 jours, avec parfois des variations importantes.
16
II.4. VECTEUR DE TRANSMISSION : Anophèle [22]
II.4.1. Classification et morphologie de l’anophèle
II.4.1.1. Classification (Tableau I)
Seuls les moustiques du genre Anopheles (famille=Culicidae) assurent la
transmission du paludisme. Parmi les nombreuses espèces d’anophèles, seule
une cinquantaine joue actuellement un rôle dans la transmission ; 20 assurant
l’essentiel de la transmission dans le monde.
Tableau I : Taxonomie de l’anophèle [23]
Embranchement Arthropodes
Classe Insectes
Ordre Diptères
Sous-ordre Nématocères
Famille Culicidae
Sous-famille Anophelinae
Genre Anopheles
17
II.4.1.2. Morphologie de l’anophèle
L’anophèle adulte mesure 5 à 20 mm. Il est fusiforme à pattes allongées et
grêles avec une paire d’ailes. Son attitude est oblique au repos, tête en bas et
possède une trompe piqueuse très élaborée (figure 4).
Le vol de l'anophèle est silencieux et seule la femelle est hématophage et
pique la nuit, sa piqûre est indolore [22, 24]
.
Figure 4 : Anophèle [22]
II.4.2. Cycle de vie
Les moustiques femelles ne s’accouplent généralement qu’une seule fois et
conservent le sperme dans des spermathèques tout au long de leur vie pour
féconder tous les lots d’œufs successifs. Elles ont besoin d’un repas sanguin
pour porter leurs œufs à maturité. Le premier repas sanguin est pris entre le
troisième et le sixième jour. Suivant la disponibilité d’un hôte, une femelle peut
parcourir jusqu’à 3Km pour trouver un repas lui convenant. Si les hôtes sont
18
abondants, les déplacements n’excédent pas quelques centaines de mètres à un
kilomètre.
La recherche de l’hôte se fait à distance en remontant les émissions de gaz
carbonique puis à proximité en fonction des odeurs corporelles [25]
. Cela
explique les différences d’attractivité existantes entre sujets. Après chaque repas
sanguin, la femelle se réfugie dans un abri, appelé gîte de repos, jusqu’au
développement complet des œufs (cycle gonotrophique), cela se fait
généralement en 48 heures. Quand les œufs sont prêts, elle se met à la recherche
d’une collection d’eau (gîte larvaire). Le type de collection d’eau varie selon
l’espèce d’anophèles (taille, exposition solaire, collection artificielle ou
naturelle, temporaire ou permanente, avec ou sans végétation) mais il s’agit la
plupart du temps d’eau douce, non polluée et peu agitée. Ces caractéristiques
font que les anophèles sont principalement des moustiques ruraux ou des
périphéries urbaines et que le risque de transmission du paludisme est plus élevé
en milieu rural qu’urbain. Toutefois, le développement récent et plus ou moins
anarchique des cultures maraîchères au sein même des grandes agglomérations
africaines sont autant d’éléments qui peuvent contribuer à augmenter la densité
des anophèles vecteurs en milieu urbain et par conséquent les risques de
transmission du paludisme. Les œufs sont pondus un par un sur la surface de
l’eau. Ils sont reconnaissables à leurs minuscules flotteurs sur les côtés. La
femelle alterne ponte et repas sanguin tout au long de sa vie. Quand les
conditions extérieures ne permettent plus le développement des œufs ou la
survie des adultes (absence de gîte, hygrométrie trop basse, température trop
fraîche en zone tempérée etc.), certaines femelles vont attendre jusqu’à six mois
(estivation ou hivernage) la venue de conditions plus favorables et dès leur
19
survenue, iront à nouveau pondre assurant le maintien de l’espèce dans une zone
pourtant défavorable à sa survie une grande partie de l’année [22]
.
Une fois le gîte larvaire choisi, de chaque œuf sortira une larve qui a un
mode de vie exclusivement aquatique. Après quatre stades larvaires, la larve
donnera une nymphe d’où émergera un individu adulte (imago). De l’œuf à
l’adulte, il s’écoule entre huit jours (à 31°C) et 20 jours (à 20°C). Après
l’émergence, les femelles sont fécondées puis partent à la recherche d’un repas
de sang. Les mâles restent à proximité des gîtes larvaires attendant l’émergence
de nouvelles générations de femelles pour les féconder. Parmi les femelles, on
distingue schématiquement celles qui préfèrent se nourrir à l’intérieur
(endophagie), celles qui se nourrissent à l’extérieur (exophagie) et des femelles
qui se reposent soit à l’intérieur (endophiles) soit à l’extérieur (exophiles). Ces
caractéristiques varient d’une espèce à l’autre mais varient aussi au sein d’une
même espèce selon la localisation géographique [26]
. Ce paramètre est d’ailleurs
déterminant dans la mise en place des stratégies de lutte contre les anophèles.
Les femelles piquent dès la tombée de la nuit jusqu’au lever du jour mais
les pics d’agressivité varient selon l’espèce, selon l’endroit. Le vol des
anophèles est silencieux et la piqûre est décrite comme indolore par opposition
aux piqûres beaucoup plus prurigineuses des autres genres de moustiques.
20
II.5. CIRCONSTANCES DE CONTAMINATION [6]
II.5.1. Paludisme autochtone [6]
C’est celui qui sévit en zone d’endémie. L’évaluation de sa fréquence
permet de définir sa présentation épidémiologique : sporadique, endémique,
endémoépidémique ou épidémique. La transmission est dite stable si la
circulation vectorielle anophélienne est pérenne, intermédiaire si elle est
saisonnière court, instable si elle est très courte ou aléatoire d’une année à
l’autre, ou suivant les circonstances, notamment les aménagements de
l’environnement et les migrations de populations, les fluctuations climatiques
aux confins des zones arides ou en altitude. La mesure d’indices splénique et
parasitologiques permet de définir le niveau endémique : hypo-, méso-, ou
holoendémique.
II.5.2. Paludisme d’importation
Il est observé dans les pays tempérés, chez des voyageurs en provenance
des zones d’endémie. Depuis 1985, date à partir de laquelle les souches
plasmodiales chloroquinorésistantes ont émergé en Afrique centrale et
occidentale, le nombre des cas de paludisme d’importation n’a cessé de croître
en Europe et dans les pays non endémiques [27]
.
II.5.3. Paludisme d’importation anophélienne ou paludisme des
aéroports
Il est observé chaque année chez des sujets n’ayant pas effectué de voyage
en zone d’endémie, mais ayant séjourné à proximité d’un aéroport, généralement
en période estivale. On en rapproche des cas anecdotiques de paludisme
21
d’importation touchant des sujets contaminés à distances des aéroports par des
anophèles transportés dans des bagages de voyageurs au retour de pays
tropicaux [28, 29]
.
II.5.4. Paludisme transfusionnel
Il est rare mais n’a pas totalement disparu malgré les précautions prises lors
de la sélection des donneurs de sang [30, 31]
. Son incubation peut être brève (48
heures) mais certaines observateurs font état de manifestations cliniques jusqu’à
90 jours après la transfusion. Il est souvent grave.
II.5.5. Paludisme congénital ou transplacentaire
Il a une incidence très limitée. Si le placenta est fréquemment atteint, il
existe un possible passage transplacentaire d’hématies parasitées.
II.6. EPIDEMIOLOGIE DU PALUDISME D’IMPORTATION
C'est une pathologie d'importation majeure qui frappe les voyageurs se
rendant dans les zones endémiques et qui ne prennent pas les mesures
prophylactiques adéquates.
Le nombre d’accès palustre d’importation a augmenté ces dernières années
malgré une stabilisation de la chimiosensibilité des Plasmodium à travers le
monde [32]
.
En Europe par exemple, le nombre des cas importés est en progression. Au
début des années 1970, le nombre de cas a été multiplié par dix, passant de 1500
en 1972 à 15000 en 2000. Au cours de la dernière décennie, plus de 700 décès
dus à P. falciparum ont été enregistrés.
22
Le développement du tourisme vers les zones endémiques, l’absence de
prophylaxie systématique pendant le séjour et après le retour, et la rapidité des
transports aériens pour une maladie à courte période d’incubation, expliquent en
grande partie l’importance de ce problème et la majoration du nombre de cas
d’importation notée au cours des dernières années [33, 34, 35]
. Les formes graves et
le décès sont exceptionnels avec P. vivax, P.ovale ou P.malariae, alors que les
cas liés à P.falciparum ont une mortalité comprise entre 1 et 5℅ pour les formes
hospitalisées en zone d’endémie [36]
et probablement jusqu’à 30℅ pour les
formes graves admises en réanimation dans les pays développés. Le paludisme
doit être considéré comme une urgence. Il repose largement sur un haut degré de
suspicion clinique, et nécessite, en plus du diagnostic de certitude par la mise en
évidence du parasite et l’identification de l’espèce en cause, une évaluation de la
gravité jugée su le tableau clinique et les données biologiques.
III. PHYSIOPATHOLOGIE ET IMMUNITE ANTIPALUSTRE
III.1. PHYSIOPATHOLOGIE
III.1.1. Formes simples
La fièvre qui est le principal symptôme de l’accès palustre simple est due à
l’éclatement des rosaces qui libèrent dans le torrent circulatoire du pigment
malarique (hémozoïne) ; celui-ci se comporte comme une véritable substance
pyrogène. A la suite de l’éclatement des rosaces, il y a lyse des hématies ce qui
donne l’anémie.
23
Le foie intervient par l’activité phagocytaire des cellules de Kuppfer, et par
la transformation de l’hémoglobine libérée en bilirubine libre, d’où le subictère
[37, 38] (figure 5).
III.1.2. Accès pernicieux
L'accès pernicieux, dû exclusivement à Plasmodium falciparum, est
essentiellement le résultat de la séquestration des hématies parasitées dans les
vaisseaux au niveau des différents organes, en particulier du cerveau. II y a une
formation de rosettes, par adhérence des hématies parasitées entre elles et avec
des hématies saines.
En effet, la présence de tubérosités (ou knobs), à la surface des hématies
ralentit la circulation par des phénomènes d'autoagglutination et de
cytoadhérence par des ligands réagissant avec des récepteurs des endothéliums
vasculaires. Ceci provoque une anoxie [39]
, provoquant une obnubilation puis un
coma fébrile. Mais d'autres phénomènes interviennent comme la production de
cytokines, le TNF (tumor necrosis factor) étant un marqueur de gravité du
paludisme [40]
(figure 6).
24
Figure 5 : Physiopathologie de l’accès simples [37]
Figure 6 : Physiopathologie de l’accès pernicieux [37]
III.2. IMMUNITE ANTIPALUSTRE
III.2.1. Immunité innée contre le paludisme
Elle s’observe dans certaines hémoglobinopathies telles que la
drépanocytose, la thalassémie et le déficit en G6PD. Dans ces cas il y a une
inhibition du développement plasmodial.
Eclatement des
rosaces
Substances pyrogènes
(pigment malarique)
(pigment malarique)
Fièvre
Phénomènes
immunologiques
Thrombopénie
Eclatement des
hématies
Hémolyse Anémie
Débris d'hématies Splénomégalie
Hémoglobine Bilirubine Subictère
Multiplication
massive dans
les capillaires
viscéraux
Eclatement des GR
parasitées Hémolyse
massive
Anoxie
anémique
Knobs Ralentissement circulatoire Anoxie circulatoire
Cytokines TNF Métabolisme cellulaire Anoxie cytotoxique
Substances pyrogènes Thermorégulation
Fièvre
25
Les sujets ne présentant pas d’antigènes Duffy sur leurs hématies (fréquent
dans la race noire) sont naturellement résistants à l’infection par P.vivax [41]
.
III.2.2. Immunité acquise
Chez les populations des régions où le paludisme est endémique, l’infection
palustre induit de fortes réponses immunes humorales, impliquant une
production à prédominance d’IgM et d’IgG mais aussi d’autres isotypes
d’immunoglobulines, notamment les sous classes d’IgG : IgG1, IgG2, IgG3 et
IgG4. Bien qu’une grande proportion de ces immunoglobulines soit non
spécifique au paludisme, reflétant une activation polyclonale de la lignée
lymphocytaire B, plus de 5% d’entre elles sont des anticorps spécifiques qui
réagissent avec une grande variété d’antigènes des parasites [42]
.
Après plusieurs années d'infections répétées, l’homme peut acquérir une
immunité, appelée prémunition. Souvent, cette immunité n'est pas stérilisante
car il n'a jamais été démontré de façon formelle de disparition totale des
parasites de P. falciparum en l'absence de traitement, aussi elle est labile car la
prémunition disparait en l'absence de contacts fréquents entre l'être humain et le
parasite (elle disparait après 12 à 24 mois si le sujet quitte la zone d'endémie)
[43].
IV. CLINIQUE [6]
IV.1. INCUBATION
L’incubation dure habituellement de 7 à 21 jours, mais parfois plusieurs
mois. Elle est cliniquement muette. La plupart des cas liés à P. falciparum
26
surviennent dans les quatre semaines après le retour, mais sont possibles jusqu’à
1 an plus tard. Le temps d’incubation est de 7 à 15 jours.
Pour P. vivax et P. ovale, le temps d’incubation est de 10 à 14 jours, et des
reviviscences sont possibles jusqu’à 2 et 5 ans plus tard, respectivement. P.
malariae a un temps d’incubation de l’ordre de 3 semaines et des reviviscences
sont possibles jusqu’à 10 ans, voire exceptionnellement 30 ans plus tard.
IV.2. SYMTOMATOLOGIE COMMUNE
Certains tableaux cliniques sont communs à toutes les espèces
plasmodiales, même si l’on observe des nuances ou des degrés dans l’intensité
des signes selon le parasite : ce sont les accès simples qui comprennent la primo-
invasion et les accès rythmés à fièvre périodique, tierce ou quarte. De même, le
paludisme viscéral évolutif (PVE) peut, en principe, être déterminé par tous les
Plasmodium. En revanche, d’autres tableaux sont spécifiques ou compliquent
une infection par espèce précise : l’accès pernicieux (neuropaludisme) et la
fièvre bilieuse hémoglobinurique pour Plasmodium falciparum, la néphropathie
quartane pour P. malariae. Enfin, l’âge de l’hôte (enfant) ou son état (femme
enceinte) impriment des particularités cliniques.
IV.2.1. Primo-invasion
Elle se manifeste chez un sujet neuf, non immun, c'est-à-dire :
- Chez l’enfant de 4 mois à 4 ans ou plus, vivant en zone d’endémie ;
- Chez l’adulte, en provenance d’une zone indemne de paludisme ;
27
- Chez l’adulte ou l’enfant, ayant perdu sa prémunition.
L’invasion est marquée par une fièvre progressivement croissante qui
devient continue, en plateau ou à grande oscillations irrégulières avec plusieurs
pics par jours, atteignant 39 à 40°C. Cette fièvre n’a jamais, à ce stade initial, de
périodicité régulière. Elle s’accompagne d’un malaise général avec myalgies,
céphalées et douleurs abdominales souvent au premier plan. Des nausées ou
vomissements et parfois une diarrhée s’y ajoutent.
L’évolution d’une primo-invasion correctement traitée est favorable en
quelques jours. En l’absence de traitement, la fièvre persiste avec des rémissions
et des recrudescences pendant 8 à 15 jours.
Elle peut devenir intermittente, survenant tous les 2 ou 3 jours et une
splénomégalie apparaît alors.
Le risque de passage à l’accès pernicieux, s’il s’agit de P.falciparum, est
permanent. Pour les autres espèces, la guérison spontanée est possible, mais des
accès ultérieurs de reviviscence schizogonique, des mois plus tard, ne sont pas
exclus.
IV.2.2. Accès palustres
Ils peuvent suivre immédiatement une primo-invasion pour P. falciparum.
Pour les autres espèces, ils se manifestent plusieurs semaines, mois ou années
après la primo-invasion.
Chaque accès se déroule d’une manière stéréotypée, beaucoup plus
aisément identifiable que l’accès de primo-invasion, et se caractérisent par la
28
succession de trois stades (frissons, chaleur, sueurs) et leur répartition selon un
rythme régulier. Parfois précédé de quelques prodromes, toujours identiques
chez un même malade (céphalées, nausées, herpès labial), il débute brutalement,
en fin de journée ou la nuit, et dure une dizaine d’heures.
- Stades de frissons : agité de violents tremblements, le malade se plaint
d’une succession de froid intense, quelque soit la température extérieure; la
fièvre s’élève à 39 °C ; la rate s’hypertrophie ; la pression artérielle baisse. Ce
stade dure 1 heure environ.
- Stade de chaleur : les frissons cessent, la peau devient sèche et
brûlante ; la température atteint 40-41°C. La rate, toujours palpable, diminue de
volume. Ce stade dure 3 à 4 heures.
- Stades des sueurs : des sueurs abondantes inondent le malade ; la
température s’effondre brusquement, avec une phase d’hypothermie ; la pression
artérielle remonte. Ce stade dure 2 à 4 heures. Il est parfois suivi d’une
singulière sensation d’euphorie ou de bien être.
Le rythme des accès est variable selon l’espèce plasmodiale. Ils surviennent
tous les 2 jours lorsque la schizogonique est de 48 heures et réalisant alors une
fièvre tierce (P. vivax, P. ovale et P. falciparum) ou bien tous les trois jours pour
une schizogonie de 72 heures et déterminent une fièvre quarte (P.malariae).
29
IV.3. COMPLICATIONS
Elles sont propres à P. falciparum.
IV.3.1. Sujets à risque
Il s’agit de populations avec une immunité antipalustre faible ou nulle :
jeunes enfants en zone d’endémie non encore prémunis, femmes enceintes,
voyageurs et travailleurs expatriés (non immuns).
Dans les régions d’endémie, la plupart des formes graves surviennent chez
de jeunes enfants âgés de 6 mois à 4 ans. Elles sont moins fréquentes chez les
enfants plus âgés et chez les adultes.
Rappelons que cette immunité peut chuter chez les sujets qui ont quitté
depuis plusieurs années les zones endémiques.
Dans les régions où la transmission est faible, les accès graves surviennent
aussi bien chez les adultes que chez les enfants. Par ailleurs, les voyageurs non
immuns et les travailleurs migrants font partie des sujets à haut risque.
Le splénectomisé [44, 45]
est aussi particulièrement vulnérable.
IV.3.2. Accès pernicieux= Paludisme cérébral= Neuropaludisme
En pratique clinique, tout malade présentant une atteinte de la conscience
ou un autre signe de dysfonctionnement cérébral au retour d’une zone
d’endémie palustre doit être traité dans la plus grande urgence comme un
paludisme cérébral.
30
Chez l’adulte, le paludisme cérébral survient généralement après plusieurs
jours de fièvre et d’autres symptômes non spécifiques. Le début est souvent
brutal, une convulsion généralisée est alors inaugurale. Le coma est calme, il
n’y a ni rigidité de nuque, ni photophobie.
Ce neuropaludisme est caractérisé également par :
a) Anémie grave
Une anémie normocytaire avec un taux d’hémoglobine inférieur à 5
g/100mL.
b) Insuffisance rénale
c) Œdème pulmonaire
C’est la plus redoutable des complications d’autant plus qu’elle peut être
d’apparition retardée.
d) Hypoglycémie
e) Collapsus circulatoire ou état de choc
f) Hémorragies spontanées
g) Convulsions généralisées répétées
h) Acidose
i) Ictère
j) Hyperthermie
31
IV.4. PARTICULARITES CLINIQUES LIEES AU PALUDISME
D’IMPORTATION [37]
IV.4.1. Paludisme à P.falciparum
Il survient habituellement 10 à 20 jours après la piqûre infestante, mais ce
délai peut atteindre quelques mois, en particulier pour une souche chloroquino-
résistante chez un sujet avec une chimioprophylaxie inadéquate ou mal suivie.
a. Accès de primo-invasion
La normalité de l’examen clinique est un argument diagnostique fort en
faveur du paludisme et contre les autres causes de fièvres au retour des tropiques
(amibiase hépatique, salmonellose, arbovirose…..)
La notion d’un voyage récent avec survenue rapide et brutale d’une fièvre
nue fait évoquer le diagnostic de paludisme.
La succession d’une apyrexie spontanée et d’une reprise fébrile après 24
heures fait parler de fièvre tierce, mais cette évolution reste rare et ne doit pas
être attendue pour évoquer le diagnostic.
En effet, non diagnostiqué et non traité, tout accès palustre simple peut
évoluer vers la récurrence et la perniciosité en peu de jours : la guérison
spontanée paraît exceptionnelle chez le sujet non immun.
Le séjour en zone de chloroquinorésistance et la notion d’une
chimioprophylaxie, parfois inadaptée ou mal suivie, sont les éléments
prédisposants à une présentation atypique de l’accès de primo-invasion. Le délai
32
de survenue peut atteindre quelques mois après le retour mais jamais plus d’un
an.
b. Accès pernicieux
Il découle trop souvent d’erreurs évitables : mauvaise information ou
négligence du voyageur face au risque de paludisme : chimioprophylaxie
absente, inadéquate ou incorrectement suivie ; retard de la consultation ;
diagnostic non évoqué ou récusé sur les seuls critères cliniques.
Chez l’adulte non immun, la complication la plus fréquente est le
neuropaludisme avec coma hypotonique sans convulsion ni signe focal. D’autres
atteintes viscérales sont parfois au premier plan : choc hémodynamique, œdème
pulmonaire, syndrome hémorragique.
IV.4.2. Paludisme à P.vivax, P.malariae et P.ovale
Le délai de survenue atteint plusieurs mois après le retour. Non traités, ces
accès peuvent se reproduire tous les 2 jours (fièvre tierce bénigne à P.vivax ou
P. ovale) ou tous les 3 jours (fièvre quarte à P. malariae), s’estompent et
guérissent spontanément en 1 à 2 semaines. Il n’y a jamais d’évolution vers la
perniciosité. Des rechutes tardives sont possibles pour P.vivax et P.ovale, malgré
un traitement schizonticide.
33
V. DAIGNOSTIC
V.1. ELEMENTS D’ORIENTATION [1]
Pour toute fièvre au retour de zone tropicale, la recherche de Plasmodium
doit être exigée.
Le diagnostic du paludisme pose de multiples difficultés, tant dans les
zones d’endémie que dans les zones non endémiques.
Le diagnostic clinique n’est pas aisé, la différenciation des cas de
paludisme des autres causes de fièvre sur les seuls arguments cliniques (fièvre,
céphalées, frissons, myalgies, anémie, splénomégalie) ne permettant au mieux
qu’une sensibilité de l’ordre de 80-90 % et une spécificité de 50 % [46-52]
.
La forme clinique la plus fréquente est la « fièvre au retour de zone
tropicale ». Le paludisme représente 20 à 70 % des cas de fièvre au retour de
zone tropicale [53-56, 57-59]
. Elle peut néanmoins être absente à l’arrivée chez 30 à
56 % des patients [54, 55, 60, 61, 62]
. La notion de fièvre avant la consultation doit
être systématiquement recherchée [60]
, car elle peut ne pas être présente lors de la
consultation initiale.
La notion de frissons est un argument en faveur du diagnostic de paludisme
[60], tout comme une température élevée, généralement supérieure à 39°C
[53, 60,
62]. La notion de séjour en zone tropicale est donc fondamentale et doit être
recherchée systématiquement.
Le risque d’acquisition du paludisme en zone tropicale varie selon la région
visitée. Le délai entre le retour et le début des symptômes est également
34
important. La plupart des cas liés à P. falciparum surviennent dans les quatre
semaines après le retour, mais sont possibles jusqu’à 1 an plus tard.
Certains éléments méritent cependant quelques précisions :
• Thrombopénie : c’est un élément en faveur du diagnostic de paludisme [60,
63, 64]. Entre 43 et 75 %
[54] des patients avec un paludisme prouvé ont une
thrombopénie [60, 65]
.
• Anémie : le paludisme est une hémolyse normochrome normocytaire.
L’anémie n’est notée à l’arrivée que chez 15 à 58 % des patients [60, 65, 66]
,
mais chez 97 % des patients au cours du suivi [67]
.
• Elévation de la bilirubine : elle est décrite chez 30 à 64 % des patients [54]
.
La présence d’une hyperbilirubinémie totale est significativement associée au
diagnostic de paludisme [54, 60]
surtout si elle est associée à une thrombopénie [68]
.
• Protéine C réactive et la procalcitonine : Leur élévation a été décrite au
cours du paludisme à P. falciparum [69-72]
.
• Hypoglycémie : Elle est rare d’emblée chez l’adulte, mais fréquente chez
l’enfant. Souvent, elle succède à la mise en route du traitement par quinine
intraveineuse. L’hypoglycémie peut se reconnaître par l’aggravation du coma,
par l’apparition de sueurs plus abondantes et de contractures .le neuropaludisme
étant hypotonique. L’administration de glucose peut se compliquer
d’hypoglycémie paradoxale par phénomène de rebond : il convient d’éviter ce
cercle vicieux [1]
.
35
V.2. DIAGNOSTIC PARASITOLOGIQUE [73]
Le diagnostic parasitologique du paludisme est une urgence. Le résultat
parasitologique doit être rendu dans un délai maximal de deux heures [74]
. En effet,
l’évolution vers l’aggravation d’un patient est imprévisible et peut aboutir
rapidement au décès. Seule la mise en évidence du parasite dans le sang permet de
certifier le diagnostic de paludisme.
Le résultat d’un diagnostic parasitologique du paludisme doit notifier trois
points :
Ŕ la présence ou l’absence de parasites ;
Ŕ l’espèce incriminée (Plasmodium falciparum, P. vivax, P. ovale ou P.
malariae) ;
Ŕ la parasitémie qui correspond au pourcentage d’hématies infestées.
Le prélèvement du sang veineux sera collecté au bout du doigt ou sur tube
EDTA ce qui permettra de multiplier les techniques si nécessaire.
Les techniques disponibles sont :
A / Technique classiques :
1. le Frottis Mince (FM)
Le frottis mince (FM) (1-1,5μL de sang étalé sur 250-600 mm2) est la
méthode de référence pour l’étude morphologique des hématozoaires et pour le
diagnostic différentiel entre les espèces plasmodiales [75]
. Il est coloré selon la
méthode de May-Grünwald-Giemsa (MGG) après fixation à l’alcool.
36
L’examen du frottis doit permettre de reconnaître l’hématozoaire, d’en
préciser l’espèce et le stade de développement et d’en apprécier la quantité [76]
.
Les parasites sont retrouvés à l’intérieur des globules rouges formés d’un
noyau coloré en rouge et d’un cytoplasme bleu. Ils contiennent des pigments
bruns noirâtres dans le cytoplasme (pigment malarique), et dans le cytoplasme
de l’hématie parasitée se trouvent les granulations de Schüffner ou les taches de
Maurer selon l’espèce plasmodiale [75]
.
Les critères d’identification de l’espèce en cause sont
principalement (figure 7) :
La taille et la forme de l’hématie parasitée,
La présence ou non des grains de Schüffner ou de taches de Maurer,
Certains aspects morphologiques spécifiques d’espèce.
Le FM présente l’avantage par rapport à la goutte épaisse de mieux
quantifier l’importance de la parasitémie [77]
.
Il existe des kits de coloration rapide équivalente à celle du MGG : RAL
555, Hémacolor, Diffquick, qu’ayant une qualité suffisante pour un diagnostic
de routine.
37
Figure 7 : Diagnostic du paludisme : Plasmodium à divers stades. Aspects sur
frottis minces [78]
.
38
2. La Goutte Épaisse (GE)
Elle consiste à examiner quelques µl de sang après hémolyse des globules
rouges et coloration selon la méthode de Giemsa. La sensibilité de cette
technique est de 10 à 20 hématies parasitées par microlitres de sang [77]
. Cette
sensibilité est de 10 à 20 fois supérieure à celle du FM [75]
.
Les parasites sont cependant plus difficiles à identifier et leurs rapports
avec les hématies parasitées ont disparu avec la lyse de ces dernières. Seuls les
leucocytes et les parasites sont visibles [76]
.
La réalisation de la GE est un peu délicate et nécessite une bonne
expérience pour la lecture, mais elle reste la technique de référence pour l’OMS
dans le diagnostic du paludisme [75]
.
3. La Goutte Epaisse Rapide (GER)
Elle demande, en plus du matériel de base, une étuve, un four à micro-
ondes et un sèche-cheveux. La sensibilité de cette technique est la même que la
GE mais seulement quinze minutes de préparation sont ici nécessaires. Le
préparateur et le lecteur doivent être expérimentés [79]
.
B / Nouvelles techniques :
1. Le QBC™ (Quantitative Buffy Coat distribué par Seroa-Monaco)
La technique QBC combine une centrifugation et coloration fluorescente
des acides nucléiques par l'acridine orange. Elle permet la visualisation des
Plasmodiums entre les couches d’hématies d’une part, et de leucocytes et
plaquettes, d’autre part. La spécificité de la technique pour la détection de
39
P.falciparum est élevée, supérieure à 93%. Elle chute à 52% pour les infections
causées par les autres espèces plasmodiales, surtout s’il s’agit de formes
avancées dans leur cycle parasitaire. C’est une technique rapide mais nécessite
un matériel complexe et un expérimentateur habitué, notamment pour faire un
diagnostic d’espèce [80, 81]
.
2. Techniques de détection du parasite: Tests
immunochromatographiques
2.1. La détection d’antigène par test rapide
Il s’agit des trousses de détection prêtes à l’emploi qui permettent en
quelques minutes et sans matériel particulier de mettre en évidence la présence
du plasmodium. La détection d’antigènes parasitaires se fait par immunocapture
à l’aide des bandelettes réactives sensibilisées par des anticorps monoclonaux
spécifiques : HRP2 (Histidin Rich Protein 2) de Plasmodium falciparum, pf-
LDH (Plasmodium falciparum Lactate Déshydrogénase), pv-LDH (Plasmodium
vivax Lactate Déshydrogénase), anticorps anti-aldolase. En pratique, une goutte
de sang veineux est déposée sur la bandelette. Après un délai de révélation, des
bandes de précipitation apparaissent signant la présence de Plasmodium
falciparum ou P. vivax. Cet outil, simple d’utilisation et d’interprétation ne doit
jamais être utilisé isolément. Sa sensibilité et sa spécificité, notamment pour
Plasmodium ovale, quelles que soient les marques ne sont jamais de 100 % [77, 81
82].
40
2.2. La détection du génome de Plasmodium par biologie
moléculaire (PCR)
Elle est pratiquée par quelques laboratoires très spécialisés et permet de
mettre en évidence des parasitémies extrêmement faibles (0,001 à 0,3 parasites
par microlitre). Coûteuse, elle est surtout réservée à des objectifs précis :
confirmer une identification d’espèce ou un polyparasitisme et mener des études
épidémiologiques [83]
.
C / Sérologie
Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour déceler la présence
d’anticorps antipalustres dans le sang. Ainsi, on peut citer :
- L’immunofluorescence,
- L’hémagglutination,
- Enzyme-linked Immunosorbent Assay (ELISA),
- Immunotransfert [80]
.
Ces différentes techniques n'ont pas d'intérêt pour un diagnostic d'urgence.
La sérologie est surtout utilisée sur le plan épidémiologique et pour le diagnostic
de certaines formes cliniques tel le Paludisme viscéral évolutif, au cours duquel
le taux d'anticorps est très élevé.
VI. TRAITEMENT [84]
La prise en charge thérapeutique du paludisme à Plasmodium malariae,
ovale et vivax est bien codifiée et l’évolution de leurs formes est généralement
bénigne. À l’inverse, la lourde mortalité du paludisme à Plasmodium falciparum,
41
estimée à plus de 2 millions de décès par an, impose un traitement précoce et
adapté.
VI.1. MOYENS
L’arsenal thérapeutique disponible dans le traitement et la prophylaxie du
paludisme est large (Tableau II).
1. Quinine
Alcaloïde extrait de l’écorce de quinquina se concentrant moins
efficacement que la chloroquine dans les vacuoles digestives acides (action
lysosomotrope) du trophozoïte érythrocytaire. Elle est peu active sur les
schizontes âgés sanguins, les gamétocytes matures et les stades
préérythrocytaires [85]
.
L’administration orale de quinine est parfois mal tolérée. Les effets
secondaires, connus sous le terme de « cinchonisme », associent acouphènes et
hypoacousie [86]
, sensations vertigineuses, phosphènes, céphalées, nausées.
Administrée par voie intraveineuse (perfusion lente) ou intramusculaire, la
quinine peut provoquer des complications cardiovasculaires, troubles de la
conduction, du rythme cardiaque, défaillance ventriculaire, lors d’injections trop
rapides ou à doses trop élevées [87, 88, 89, 90]
. La quinine favorise surtout la
libération d’insuline et peut provoquer l’apparition d’accidents
hypoglycémiques [91]
, en particulier lors du coma prolongé ou chez la femme
enceinte et l’enfant. La quinine est contre indiqué en cas d’antécédents de fièvre
bilieuse hémoglobinurique, allergie et troubles de conduction de haut degré.
42
2. Amino-4-quinoléines
On trouve :
La chloroquine s’accumule dans la vacuole digestive du parasite en
suivant le gradient de pH. Elle bloque la dégradation enzymatique de
l’hémoglobine, source principale du parasite en acides aminés. La cible
spécifique peut-être l’hémozoïne insoluble. Leur action concerne
essentiellement les stades asexués, dégradant l’hémoglobine des trophozoïtes
âgés et schizontes immatures [92]
. La chloroquine est bien tolérée, en dehors de la
survenue de signes cutanés (prurit sur peau à phototype foncé, pigmentation
ardoisée des phanères), digestifs (nausées ou vomissements), voire de rares
troubles de l’humeur ou d’un syndrome cérébelleux.
L’amodiaquine, molécule du même groupe. Sa toxicité hépatique [93, 94]
et hématologique (agranulocytose) n’autorise pas son utilisation en prophylaxie.
Elle se révèle plus efficace que la chloroquine en situation de
chloroquinorésistance [95, 96, 97]
. Elle peut donc constituer une alternative efficace
intéressante.
3. Aminoalcool
Dans ce groupe on trouve :
La Méfloquine qui est un schizonticide actif sur P. falciparum, P.
vivax, P. ovale, P. malariae par inhibition de la multiplication asexuée du
parasite dans les hématies.
Elle n’a pas d’activité prophylactique causale car elle est inactive sur les
formes intrahépatocytaires qui se développent normalement après l’inoculation
anophélienne.
43
La Méfloquine est souvent mal tolérée, occasionnant des troubles digestifs
et neurologiques ou psychiatriques parfois sévères, qui ont limité son utilisation,
en particulier chez le sujet ayant des antécédents neurologiques [98, 99, 100, 101, 102]
.
L’Halofantrine : schizonticide ayant le même spectre d’activité que
la Méfloquine, mais intrinsèquement plus active. Il semble que la molécule
agisse au niveau de la détoxication de l’hème.
Les effets secondaires concernent la survenue de prurit, troubles
gastrointestinaux, une augmentation modérée des transaminases, de rares
ulcérations de la cavité buccale et surtout des effets cardiotoxiques [103, 104, 105]
.
L’halofantrine est contre indiquée en cas d’antécédents de troubles du
rythme et de fièvre bilieuse hémoglobinurique, hypokaliémie, insuffisance
cardiaque et grossesse.
4. Artémisinine et dérivés
Trois molécules sont utilisées : l’artémisinine et deux dérivés plus actifs,
l’artésunate, et l’artéméther ; ils sont transformés en un métabolite actif, la
dihydroartémisinine. L’action rapide de ces molécules ouvre des perspectives
précieuses dans le paludisme grave [106, 107]
.
Ces antipaludiques sont parmi les plus actifs et possèdent le spectre
d’activité le plus large [108, 109, 110, 111]
. Le métabolite actif inhibe la synthèse
protéique plasmodiale et bloque la réplication des acides nucléiques. Son mode
d’action implique probablement des radicaux libres oxygénés grâce à l’effet
44
oxydant du groupement époxy en présence de fer [112, 113]
. L’activité est rapide et
entraîne la lyse des parasites intracellulaires.
Ces composés agissent sur les formes jeunes du parasite, permettent leur
clairance et inhibent le développement de formes mûres. Ces produits sont non
recommandés si grossesse, allaitement et en cas des troubles de conduction de
haut degré. Les effets secondaires sont des céphalées, vertiges, troubles digestifs
et aucune étude clinique n’a mis en évidence une neurotoxicité due à ces
dérivés.
5. Antimétabolites
Sulfadoxine et dapsone
Les sulfamides sont des antifoliques inhibant la dihydroptéroate synthétase
(DHPS) en prenant la place de son substrat, l’acide paraaminobenzoïque. Ils
sont inactifs sur les gamétocytes et les formes préérythrocytaires, peu actifs sur
les trophozoïtes, modérément actifs sur les schizontes érythrocytaires. Leur rôle
essentiel est la potentialisation des antifoliniques.
Pyriméthamine
La pyriméthamine est un antifolinique d’action lente, inhibant la
déhydrofolate réductase (DHFR). La pyriméthamine et les biguanides sont actifs
sur les stades préérythrocytaires et altèrent la gamagonie chez l’anophèle, ce qui
diminue la transmission.
Ces médicaments ont une longue durée d’action et les inconvénients
majeurs sont donc la sélection des parasites, le risque d’agranulocytose et les
45
réactions allergiques cutanées gravissimes à type de syndrome de Stevens-
Johnson ou de syndrome de Lyell, souvent mortels [114]
.
6. Antibiotiques
Depuis l’utilisation des cyclines qui possèdent un pouvoir schizonticide
lent et faible, en association à la quinine dans le Sud-Est asiatique [115, 116]
,
d’autres antibiotiques ont été testés et ont également montré une efficacité
antiplasmodiale [117, 118, 119]
. Dans la prise en charge de l’accès palustre, dans le
but de limiter les rechutes en cas de baisse de sensibilité, la quinine est associée
pendant 7 jours à la doxycycline, à l’érythromycine ou à la clindamycine en cas
de contre-indication aux tétracyclines.
L’érythromycine, la clindamycine et l’azithromycine sont des
schizonticides.
7. Cycloguanil, proguanil
Le proguanil et le chlorproguanil sont les précurseurs du cycloguanil et du
chlorcycloguanil, des inhibiteurs de la DHFR. Ils sont actifs à la fois sur le stade
préérythrocytaire, la deuxième partie du cycle asexué et les sporozoïtes de
l’anophèle.
Aucun effet secondaire grave n’a été signalé jusqu’à présent. Une aphtose
buccale est fréquemment rapportée, de même que des éruptions cutanées, des
troubles digestifs, voire une alopécie. La survenue d’effets indésirables, même
bénins comme les nausées ou vomissements, doit être connue pour en informer
46
le voyageur et lui donner une conduite à tenir, afin de maintenir l’adhésion à la
prise médicamenteuse, gage de son efficacité.
8. Atovaquone
L’atovaquone est un analogue structural des ubiquinones inhibant la
dihydro-oroate déshydrogénase (DHDD), enzyme clé du transport mitochondrial
des électrons chez de nombreux protozoaires.
Son action concerne les trophozoïtes tissulaires et érythrocytaires des
quatre espèces plasmodiales.
La toxicité au cours du traitement du paludisme semble rare. Ont été
rapportés de rares signes cutanés, digestifs, et une augmentation plasmatique des
transaminases et de l’amylase.
9. Pyronaridine
Structure très voisine de celle de l’amodiaquine. Elle montre une activité
marquée contre les schizontes.
10. Primaquine
Il s’agit d’une amino-8-quinoléine ayant un effet gamétocytocide et une
action sur les formes exoérythrocytaires.
La Primaquine peut provoquer des nausées, des douleurs abdominales et
surtout, en raison de son pouvoir oxydant, une anémie hémolytique chez les
47
patients déficitaires en glucose-6-phosphate déshydrogénase chez lesquels son
administration est contre-indiquée (risque d’hémolyse massive).
Tableau II : Produits antiparasitaires curatifs utilisés dans le paludisme [84]
Groupe Nom
chimique
Nom
commercial Présentation
Posologie
(traitement
d’attaque)
Quinine
Quinine-résorcine Quinimax*
Comprimés à 0,12 et 0.50g
Suppo :
adultes 0.25g
Enfants 0.15g
Ampoules à0.125, 0.25et
0.50g
Enfants : 25 mg/kg/j
Adultes : 1.50g/j
Pendant 5 à 7 jours Acétarsolate de
quinine
Formiate de
quinone
Arsiquinoforme* Cp à 0.150g (acétarsolate)
0.075g (formiate)
Amino-4-
quinoléines
Chloroquine Nivaquine* Cp à 0.100g et 0.300g
Ampoules à 0.100g
Sirop 5 mg/ml 500 mg/j pendant 5 jours
3 Cp en une fois Amodiaquine Flavoquine* Cp à 0.200g
Aminoalcool
Méfloquine
Lariam*
Cp à 0.250g et 0.50g
6 Cp en 3 fois en un jour
Halofantrine Halfan* Cp à 0.250g 6 Cp en 3 fois en un jour
Associations
Sulfadoxine+
pyriméthamine Fansidar*
Cp à 0.5g (sulfadoxine),
0.025g (pyriméthamine)
Amp à 0.400g (sulfadoxine)
,0.200g (pyriméthamine)
2à3 Cp en une fois
2 Amp IM en une fois
Méfloquine +
Sulfadoxine Fansimet* Cp à 0.250g (méfloquine)
Cp à 0.500g (sulfadoxine)
Enfants : ½ à 2 Cp
Adultes : 3Cp (prise
unique)
+ pyriméthamine
Atovaquone+
proguanil
Malarone*
Cp à 0.025g
(pyriméthamine)
Cp à 250mg
(atovaquone)
Cp à 100mg (proguanil)
1g (atovaquone), 400mg
(proguanil
Pendant 3 jours
Artéméther
Luméfantrine
Riamet*
Coartem*
Cp à 20mg(artéméther)
120 mg (luméfantrine)
80 mg (artéméther)
480 mg (luméfantrine) à
H0, H8 puis 2/j à j2 et j3
Artémisinine artéméther Paluther* Amp à 0.080 g 160 mg à j1
80 mg de j2 à j5
48
VI.2. Indications thérapeutiques
VI.2.1. Précautions préliminaires
- Estimer ou disposer des données de la chimiorésistance des souches
plasmodiales en cause.
- Identifier les contre-indications à certains antimalariques.
VI.2.2. Traitement de l’accès simple (Tableau III)
a. Accès palustre simple à P. malariae, ovale ou vivax
La chloroquine est le traitement de choix. Les autres antimalariques ne
seront envisagés qu’en cas de certitude de contamination dans une zone de
résistance ou devant un échec du traitement de première intention.
Pour éviter les rechutes liées aux hypnozoïtes lors des paludismes à P.
ovale ou vivax, l’administration complémentaire d’une amino-8- quinoléine, la
primaquine, peut être requise [120]
. En cas de nausées importantes et de
vomissements, il faudra avoir recours à un antimalarique injectable par voie
intramusculaire tel que la sulfadoxine-pyriméthamine, ou par voie intraveineuse
tel qu’un sel de quinine.
b. Accès palustre non compliqué à P. falciparum
En zone d’endémie ou au retour, les modalités de prise en charge et le
choix thérapeutique seront conditionnés par plusieurs paramètres : l’évaluation
du risque de forme grave, la région probable d’infestation, la date de début des
symptômes, l’état physiologique ou pathologique du sujet, l’existence ou non de
troubles digestifs.
49
Ŕ S’il existe un facteur de risque, le traitement est initié sous surveillance
hospitalière. Dans tous les autres cas, le traitement ambulatoire est possible.
Ŕ S’il s’agit d’un très jeune enfant, d’une femme enceinte ou d’un sujet
insuffisant hépatique ou rénal, ou atteint d’une affection cardiovasculaire, le
traitement aux sels de quinine, voire aux dérivés de l’artémisinine, sera requis.
Ŕ S’il s’agit d’un sujet initialement traité par la quinine, l’utilisation de
tétracycline, de macrolide, de clindamycine est souhaitable en cas de
contamination dans le Sud-Est asiatique, ou d’Amérique latine.
Ŕ En provenance d’Afrique intertropicale, l’association de la quinine à la
sulfadoxine-pyriméthamine est possible.
50
Tableau III : Traitement de l’accès palustre simple (voie orale) [84]
.
Paludisme sensible à la chloroquine
chloroquine
(dose totale 25-30 mg base/kg)
10mg base /kg, suivis de 10 mg base/kg à 24 heures et 5 mg base/kg à 48
heures ; ou de 5 mg base/kg à 6, 12, 24 et 36 heures ;
ou 500 mg/j pendant 5 jours chez l’adulte
Primaquine 0.25 mg base/kg pendant 15 jours. Si résistance confirmée ; 1.25 mg
base/kg/j pendant 48 heures après le traitement par la chloroquine
Paludisme de sensibilité intermédiaire
Amodiaquine (dose totale 35 mg base/kg)
10 mg base/kg suivis de 5 mg base/Kg à 12, 24, 36 et 60 heures
Sulfadoxine-
pyriméthamine
Dose unique de 20 mg base/Kg de sulfadoxine et 1 mg base/kg de
pyriméthamine
Paludisme résistant à la chloroquine
Quinine 25 mg Quinimax
*/Kg/j : soit 8 mg/kg/8h pendant 7 jours, avec cyclines
(infections contractées en Asie du Sud-Est ou en Amérique latine)
Méfloquine 15 mg base/kg suivis de 10 mg base/kg 8 heures après
Halofantrine 3 prises de 8 mg/kg/6 h
Renouvellement la semaine suivante à demi-dose (sujet non immun)
Artésunate+
Méfloquine 4 mg/kg Artésunate pendant 3 jours puis 25 mg/kg de méfloquine base.
Luméfantrine 480 mg Luméfantrine à H0, H8 puis deux fois/j les 2 jours suivants (j2 et j3)
c. Traitement de l’accès grave ou compliqué
Si la confirmation parasitologique ne peut être obtenue immédiatement,
faire un frottis et mettre le traitement en route en s’appuyant sur le tableau
clinique et la présomption épidémiologique.
La chimiothérapie antipaludique doit être administrée par voie parentérale
et relayée par la voie orale dès que possible.
51
Les doses doivent être calculées en mg/kg du poids corporel. Il faut donc,
chaque fois que possible, peser le patient, tout particulièrement l’enfant
(Tableau IV).
Tableau IV : Traitement antiparasitaire du paludisme sévère [84]
.
Quinine
En perfusion lente sur 4 heures dans du sérum glucosé isotonique à 10%
16.7 mg/kg quinine base en 4 heures (dose de charge) ; 4 heures après, 8.3
mg/kg quinine base les 8 heures (ou an continue, à la seringue électrique),
pendant 7 jours
Quininémie= 10-12 mg/L. ajouter doxycycline (200 mg/j) ou clindamycine
(30 mg/kg/j en cas de sensibilité diminuée à la quinine
Artésunate 2.4 mg/Kg suivis de 1.2 mg/kg à 12 et 24 heures puis de 1.2 mg/Kg les 5
jours suivants(en bolus IV ou en IM)
Artéméther 3.2 mg/Kg en IM suivis de 1.6 mg/kg/j pendant 4 jours
Artémisinine 600 mg (environ 15 mg/Kg) en suppositoires suivis de 400 mg 4 heures,
puis 400mg/12 heures pendant 2 jours
VI.3. Critères de choix du traitement [121]
Les critères sur lesquels repose le choix du traitement antiparasitaire sont
les suivants :
VI.3.1. Évaluation de la gravité
La présence de signes de gravité est une indication formelle à un traitement
par quinine par voie intraveineuse. La parasitémie élevée, en général supérieure
à 2 %, est une indication à l’hospitalisation mais non à un traitement par voie
intraveineuse. En revanche, une parasitémie supérieure à 8-10 % pourrait être
retenue, même en absence d’autres signes de gravité, comme une indication à un
traitement par quinine par voie intraveineuse, mais cela reste discutable. Ces
patients doivent être hospitalisés et surveillés.
52
VI.3.2. Évaluation du risque de résistance aux antipaludéens
De nombreuses souches de P. falciparum résistantes à la chloroquine ont
été rapportées en Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est et en Amérique du
Sud (forêt amazonienne), tout comme des souches résistantes aux autres
antipaludéens dont la méfloquine et l’halofantrine.
VI.3.3. Notion de terrain
Les traitements antipaludéens sont contre-indiqués ou déconseillés chez la
femme enceinte, sauf la quinine et l’association atovaquone-proguanil
(Malarone®). Les patients avec des antécédents des troubles du rythme ou des
antécédents cardiaques (dont épisodes de perte de connaissance inexpliqués) ont
une contre-indication formelle à l’halofantrine, mais ils sont à considérer comme
nécessitant une surveillance en cas de recours à la quinine ou à la méfloquine
également.
VI.3.4. Possibilité d’un traitement per os
L’intolérance digestive totale constitue une contre-indication au traitement
per os, et est une indication à un traitement par quinine par voie intraveineuse.
VII. PROPHYLAXIE
La prophylaxie antipaludéenne est essentielle à la protection du paludisme
au cours d’un voyage. Ses modalités varient en fonction du niveau de
chloroquinorésistance.
53
L’idéal est évidemment d'éviter l’infestation par le paludisme en se
protégeant au maximum contre les piqûres de moustique et en prenant une
chimioprophylaxie [39]
.
VII.1. OBJECTIFS
L’objectif prioritaire de la prévention est la réduction ou la suppression de
la mortalité spécifique.
VII.2. CHIMIOPROPHYLAXIE [84]
Elle fait appel à certains schizonticides dont certains antibiotiques [122, 123,
124] et permet de prévenir le paludisme chez un sujet sain.
Le choix d’une chimioprophylaxie doit tenir compte de :
zones visitées : qui sont classées en groupe 1, 2 et 3 selon
chloroquinorésistance.
l’intensité de la transmission,
durée du séjour,
l’âge et poids du voyageur,
une grossesse en cours ou future.
des antécédents pathologiques [80]
.
La prophylaxie doit être poursuivie lors de la sortie de la zone d’endémie
pour une durée variable selon la molécule prescrite [125]
.
Le tableau V résume la classification des pays en trois groupes en fonction
de la chloroquinorésistance, et le tableau VI, les modalités de la
chimioprophylaxie en fonction du groupe du pays.
54
Tableau V : Répartition géographique des zones de chloroquinorésistance
(BHE, 2006) [39]
.
GROUPE 1. Pas de chloroquinorésistance→ prophylaxie recommandée : nivaquine
Argentine (nord), Belize, Bolivie (hors Amazonie), Chine (nord-sud), Costa Rica, Equateur
(hors Amazonie), Guatemala, Haïti, Honduras, Iran (sauf Sud-Est, Iraq, Mexique, Nicaragua,
Panama (zone ouest), Papouasie, Nouvelle-Guinée, Paraguay (est), Pérou (hors Amazonie),
République dominicaine, El Salvador, Syrie, Turquie, Venezuela (hors Amazonie).
GROUPE 2. Chloroquinorésistance présente→ prophylaxie recommandée : Savarine
ou Malarone
Burkina Faso, Colombie (hors Amazonie), Emirats Arabes Unis, inde, Madagascar, Malaisie,
mali, Mauritanie, Namibie, Népal (Teraï), Niger, Oman, Pakistan, Iles Salamon, Sri Lanka,
Tadjikistan, Tchad, Vanuatu.
GROUPE 3. Chloroquinorésistance élevée ou multirésistance → prophylaxie
recommandée : Malarone ou Savarine (moins efficace), Lariam, cyclines
Afghanistan, Afrique du Sud (nord), Angola, Bangladesh, Bénin, Bolivie (Amazonie),
Botswana, Bhoutan, brésil(Amazonie), Burundi, Cambodge, Cameroun, Chine( Yunnan,
Hainan), Colombie( Amazonie), Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Equateur(
Amazonie), Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Guinée équatoriale,
Guyana, Guyane française, inde(état d’Assam), Indonésie(Irian Jaya),Iran (sud-est), Kenya,
Laos, Liberia, Malaisie (sauf zones urbaines), Malawi, Mayotte, Mozambique, Myanmar,
Nigeria, Ouganda, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pakistan, Panama (est), Pérou(Amazonie),
Philippines, République centrafricaine, République démocratique du Congo(ex zaïre),
Rwanda, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Surinam,
Swaziland, Tanzanie, Thaïlande, Togo, Venezuela(Amazonie), Vietnam
Les pays non cités dans ce tableau sont exempts de paludisme.
55
Tableau VI : Prophylaxie médicamenteuse antimalarique pour les séjours de durée inférieure
à 3 mois [84]
Destination Choix prophylactique Posologie Durée
Pays du groupe 1
Pas de
chloroquinorésistance
Chloroquine (Nivaquine*)
-Adulte : 1 Cp à 100 mg/j ou 1
Cp à 300 mg par semaine
-Enfant : 1.5 mg/Kg/j
Début le jour du départ
puis tous les jours
pendant le séjour et 4
semaines après le retour
Pays du groupe 2
Chloroquinorésistance
présente
Association chloroquine
(Nivaquine*) + proguanil
(Paludrine*)
Ou mieux en combinaison
chez l’adulte : Savarine*
-Adulte : 1Cp à 100 mg/j
-Enfant : 1.5 mg/Kg/j (1
cuillère-dose = 25 mg)
- Adulte : à 100 mg/j (une
prise)
-Enfant : 3 mg/Kg/j
1 comprimé/jour
Début le jour du départ
puis tous les jours
pendant le séjour et 4
semaines après le retour
Pays du groupe 3
Niveau élevé de
chloroquinorésistance
ou multirésistance
Choix n° 1 :
Méfloquine
Une prise par semaine à jour
fixe
-Adulte : 1 Cp à 250
mg/semaine
-Enfant :
5 à 15 Kg : 5mg/kg/semaine
15 à 20 Kg : 1 Cp à 50
mg/semaine
20 à 30 Kg : 2 Cp à 50
mg/semaine
30 à 40 Kg : 4 Cp à 50
mg/semaine
1er
prise 8 à 10 jours
avant le départ (tester la
tolérance), puis toute la
durée du séjour et 3
semaines après le retour
(effet « retard » de la
Méfloquine)
Choix n° 2 :
(si contre-indication ou
intolérance à la méfloquine)
Chloroquine+ proguanil
(Savarine*) et dans certains
cas, traitement présomptif
d’urgence
(cf. pays du groupe 2) (cf. pays du groupe 2)
Choix n°3 :
Cyclines : indications
limitées :
- zones forestières à la
frontière entre Thaïlande et
Myanmar (Birmanie) ou
Cambodge
- contre-indication ou
intolérance à méfloquine si
risque de multirésistance
(Asie du Sud-Est++)
Doxycycline : 100 mg/j
(adulte)
Début le jour du départ
puis tous les jours
pendant le séjour et 4
semaines après le retour
56
VII.3. LUTTE ANTIVECTORIELLE [22]
Depuis l’antiquité, l’homme a cherché à se protéger contre l’agression des
vecteurs mais ses efforts restaient cependant limités à la destruction ou à
l’aménagement des biotopes favorables à leur développement. L’amélioration
des conditions économiques et sociales s’est accompagnée le plus souvent d’une
diminution lente et régulière du poids du paludisme. En effet, certaines
méthodes visent principalement à réduire la production de moustiques ou à
augmenter la mortalité des adultes tandis que d’autres visent à réduire le contact
hommeŔvecteur.
VII.3.1. Réduction de la densité de moustiques
Une lutte antilarvaire qui se classe en quatre catégories :
o L’aménagement de l’environnement : travaux de drainage et l’hygiène
péridomestique ;
o La lutte chimique: la plus utilisée, traitement des gîtes larvaires avec
des insecticides chimiques ;
o La lutte biologique: utilisation de prédateurs ou de bactéries
entomopathogènes. En santé publique, les seuls succès enregistrés par
l’utilisation de poissons larvivores culiciphages(Gambusia) concernent les zones
de paludisme instable, dans des gîtes larvaires souvent très limités et facilement
réparables [126, 127]
. Concernant les bactéries entomopathogènes, Bacillus
thuringiensis (Bti) avec ses quatre toxines est une alternative intéressante aux
larvicides chimiques [128]
;
57
o La lutte génétique : réduction de la densité des populations de
moustiques par modification de leur patrimoine génétique ou par leur
autodestruction [129]
. Elle concerne essentiellement le lâcher de mâles stériles
dans certaines régions bien délimitées [130]
;
Une lutte « imagocide » peut se faire de deux manières :
o Principalement par l’aspersion intradomiciliaire. Cette technique est
encore utilisée en Afrique pour lutter contre les vecteurs du paludisme
endophiles et anthropophiles. Les traitements intradomiciliaires présentent
cependant l’inconvénient de ne pas éliminer les moustiques les plus exophages,
maintenant ainsi un niveau minimal de transmission. Le Dichloro-Diphényl-
Trichloroéthane (DDT) petit à petit été remplacé par des insecticides moins
toxiques pour l’environnement mais tous aussi efficaces comme certains
organophosphorés (malathion), carbamates (bendiocarb) ou pyréthrinoïdes
(deltaméthrine) [131]
. Récemment, l’utilisation de champignons
entomopathogènes (Beauveria bassiana et Metarhizium anisopliae) en
pulvérisations intradomiciliaires s’est avérée prometteuse en Inde et en Afrique
[132, 133];
o Par les pulvérisations spatiales extradomiciliaires de pyréthrinoïdes ou
d’organophosphorés. Cette technique définie comme la destruction des
moustiques en vol par contact avec des insecticides en l’air, a une faible activité
résiduelle, un coût élevé et son utilisation doit être réservée aux situations
d’épidémie.
58
VII.3.2. Réduction du contact homme– vecteur
VII.2.3.1. Moustiquaires
Bien que les moustiquaires non traitées soient depuis longtemps utilisées
pour se protéger des piqûres de moustiques, l’avènement de moustiquaires
imprégnées d’insecticides (MI) a considérablement augmenté leur efficacité [134]
,
ajoutant à l’effet de barrière physique [135]
, un effet répulsif et létal vis-à-vis des
moustiques. Les moustiquaires imprégnées d’insecticides sont considérées par
l’OMS comme le meilleur outil de protection individuel contre le paludisme et
ce, quel que soit le contexte épidémiologique.
VII.2.3.2. Rideaux imprégnés
L’utilisation de rideaux imprégnés d’insecticides peut également constituer
une méthode complémentaire aux moustiquaires imprégnées.
VII.2.3.3. Répulsifs, serpentins antimoustiques, aérosols, tortillons
Des outils complémentaires de protection individuelle sont disponibles et
largement utilisés comme les diffuseurs d’insecticides, les bombes insecticides,
les serpentins ou les répulsifs (appliqués sur la peau ou sur les habits). Ces outils
complémentaires sont utiles pour les gens qui se trouvent à l’extérieur pendant
les pics d’activité des vecteurs.
a. Répulsif
Un répulsif se compose d’une substance active (synthétique ou naturelle) et
de différents excipients formant une formulation pouvant se présenter sous
59
forme de spray, de lotion, de crèmes ou de lingettes. Il existe de nombreux
produits sur le marché. Actuellement, les répulsifs les plus recommandées sont à
base du citriodiol, l’IR 3535 et le diéthyl toluamide (DEET) [136]
.
b. Aérosols
Les aérosols sont très populaires dans les pays en voie de développement et
se composent essentiellement d’insecticides pyréthrinoïdes de première
génération (resméthrine, esbiothrine, etc.) à action rapide.
c. Les tortillons fumigènes
Ces tortillons sont très utilisés. Actuellement, ils sont à base d’alléthrine (à
0,2 % ou 0,3 %) et/ou de transalléthrine (à 0,10 % ou 0,15 %). Plus récemment
sont apparues des plaquettes thermodiffuseurs composés de pyréthrinoïdes à
action rapide qui procurent un confort certain contre les moustiques.
VII.4. Vaccination [137, 39]
La mise au point de vaccins contre le paludisme a connu une accélération
marquée au cours des dix dernières années. Le nombre d’essais cliniques a
augmenté et quelques antigènes ont été essayés en zone d’endémie. Aucun
candidat vaccin n’a encore montré une efficacité suffisante et durable qui soit
utile pour la santé publique. Les essais ont cependant montré sans ambiguïté
qu’un certain niveau d’immunité clinique antipalustre pouvait être induit par
vaccination, dans des conditions expérimentales ou sur le terrain.
60
Des essais vaccinaux sont effectués au niveau des phases hépatiques et
sanguines [138]
mais sans résultats probants jusqu'à présent. Le parasite se
modifiant sans cesse selon son cycle dans l'organisme, les réactions
immunitaires varient à chaque stade évolutif, sans immunité croisée. Le
vaccin « idéal » sera probablement un vaccin polyvalent comportant des
antigènes des différents stades dont plusieurs sont déjà en phase préclinique
d'évaluation. Enfin, une nouvelle volé d'approche est l'élaboration de moustiques
génétiquement modifies qui seraient moins agressifs pour l'homme.
62
I. CHAPITRE I: PALUDISME AU MAROC
I.1. HISTORIQUE DU PALUDISME AU MAROC [139]
Le paludisme au Maroc se présentait au début comme une maladie
endémoépidémique avec des poussées épidémiques estivo-automnales
fréquentes. Les régions les plus peuplées et les plus pourvues en eau étaient les
plus gravement touchées.
Les principaux événements ayant marqué l’évolution de la situation
épidémiologique de cette maladie et les mesures entreprises pour y faire face
sont résumés dans les points suivants :
En 1912, des études furent entreprises pour déterminer les causes de
l’endémie palustre au Maroc.
En 1919, création du premier service de lutte antipaludique. A partir
de cette année, d’importantes activités de lutte ont permis de contrôler la
maladie dans la plupart des agglomérations urbaines.
L’année 1928 a été marquée par une épidémie massive
particulièrement meurtrière compromettant tragiquement les moissons du fait du
nombre et de la gravité des atteintes qui ont épuisé la main d’œuvre. En
conséquence, l’année 1929 a été marquée par le lancement d’une action
antipaludique intensive axée en particulier sur des travaux d’assainissement de
grande envergure et sur l’utilisation du poisson larvivore Gumbusia.
En décembre 1931, le premier Service central de lutte antipaludique
a été créé et à partir de 1940, on procéda à une décentralisation de la lutte
63
antipaludique par la constitution de «Services Régionaux d’Hygiène et
d’Epidémiologie».
A partir de 1960, le Maroc a réorienté sa politique sanitaire en se
dotant d’une infrastructure de base capable d’assurer une couverture sanitaire à
l’ensemble de la population et de supporter un programme d’éradication du
paludisme. Ce dernier a été lancé en 1962 par une phase de pré-éradication après
des accords conclus avec l’OMS en septembre 1961. En 1965, ce programme a
été entré dans sa phase opérationnelle. Ses objectifs, tels qu’ils ont été arrêtés au
début étaient :
- A court terme : Délimiter les aires impaludées afin de protéger les
populations principalement par des activités de lutte antivectorielle.
- A moyen terme : Contrôler le paludisme au niveau de tout le
territoire national.
- A long terme : Eradiquer le paludisme
Entre 1965 et 1978 plusieurs efforts ont été entrepris de telle sorte
que la situation a été maîtrisée et le nombre de cas autochtones confirmé est
passé de plusieurs milliers au début du programme (30.893 cas en 1963) à
quelques dizaines de cas en 1973. A la fin donc de 1973, la majorité des foyers
connus ont été neutralisés. Cette situation encourageante a pu être consolidée
jusqu'à 1978. Mais à partir de 1979, on a assisté à une recrudescence de cas due
à la réactivation d’anciens foyers connus de certaines provinces (Khémisset
1979, Béni Mellal, Chefchaouen, Nador et Al Hoceima en 1984, Larache en
1985 ...). L’objectif d’éradication n’a pu être atteint. Néanmoins, cette période a
été marquée par l'élimination de la forme plasmodiale falciparum dont le dernier
64
cas remonte à l'année 1974. Depuis cette date, seule l’espèce P.vivax est à
l’origine du paludisme autochtone. En parallèle, des cas importés de l’étranger
sont également dépistés chaque année et proviennent notamment de pays
d’Afrique subsaharienne et d’Asie où l’espèce Plasmodium falciparum
chloroquinorésistant prédomine.
I.2. SITUATION ACTUELLE DU PALUDISME AU MAROC [140]
Depuis le lancement du programme de lutte antipaludique en 1965, la
stratégie poursuivie consistait à prendre en charge les cas dépistés et à protéger
les populations par des activités de lutte anti vectorielle.
Entre 1965 et 1978, les efforts accomplis ont permis de maîtriser
rapidement la situation épidémiologique. Le nombre de cas est passé de près de
30900 en 1963 à une soixantaine de cas en 1978. Cette régression remarquable
de la situation épidémiologique obtenue grâce aux actions de lutte a incité les
responsables nationaux, à mettre en œuvre à partir de 1998 une nouvelle
approche stratégique en vue d’accélérer l’élimination du paludisme dans le pays.
Ainsi, en 1999 la Stratégie d’Elimination du Paludisme Autochtone
(SEPA) a été mise en place au niveau de 25 provinces, touchées ou à risque avec
l’objectif d’éliminer la maladie de l'ensemble du territoire national au terme de
l'an 2002. Cette stratégie a bénéficié du soutien technique et financier de la
stratégie mondiale de l’OMS "Roll Back Malaria" ou "Faire reculer le
paludisme". Cette intensification de la lutte a permis d’arrêter la transmission au
cours des années 2000 et 2001 au niveau de toutes les zones à risque.
65
Cependant, l’année 2002 a enregistré une réactivation de la transmission au
niveau d’un ancien foyer de paludisme (province de Chefchaouen), ce qui
témoigne de la difficulté à consolider et maintenir les résultats actuellement
enregistrés. Pour cette raison, l’échéance d’élimination du paludisme fixée
auparavant à l’année 2002 a été repoussée à l’année 2006. La priorité a été
accordée à partir de 2002 à l’accentuation des activités de surveillance et de lutte
afin de consolider les acquis, éviter de nouvelles contre performances et
atteindre l’objectif d’élimination du paludisme en 2006.
A partir de l’année 2005, Le programme de lutte contre le paludisme a été
marqué par la consolidation de l’arrêt de la transmission à l’échelon national,
dans la perspective de maintenir l’élimination du paludisme autochtone et de
prévenir ainsi que de contrôler le paludisme importé de l’étranger [141]
.
L’objectif de ce programme est d’avoir maîtrisé d’ici à 2015, le paludisme
et d’autres grandes maladies, et voir commencer à inverser la tendance actuelle
en utilisant comme indicateur le taux d’incidence pour 100.000 habitants du
milieu rural.
I.3. PALUDISME D’IMPORTATION AU MAROC
Le paludisme d’importation est une affection de plus en plus fréquente en
zone non endémique. Les formes graves représentent 10 % des cas de paludisme
à Plasmodium falciparum [142]
.
Le Maroc connaît depuis 2005 un arrêt de la chaîne de transmission
autochtone du paludisme. Les cas rapportés depuis cette date sont tous des cas
importés observés chez des sujets originaires ou ayant séjourné dans les pays
66
impaludés. Plus de 50 cas de paludisme importé sont enregistrés chaque année
dont 83 % sont dus à P. falciparum.
Les populations concernées sont les expatriés et les migrants vivant au
Maroc et retournant à leur pays d’origine, et surtout les voyageurs Marocains
occasionnels en Afrique subsaharienne [143]
. Au Maroc, le diagnostic du
paludisme grave et des facteurs pronostiques repose sur des données issues
d’études faites en zone d’endémie sur des populations très différentes par leur
statut épidémiologique, immunitaire et nutritionnel et où la qualité de prise en
charge est totalement différente.
67
II. CHAPITRE II : ETUDE PRATIQUE
II.1. OBJECTIFS
Ce travail à pour but de donner une image globale, sur l’évolution du
nombre des cas du paludisme d’importation notifiés au Maroc sur une période
de 39 ans allant de 1968 à 2007, ainsi que la répartition des cas en fonction de
l’origine géographique des malades et de la fréquence des espèces plasmodiales
isolées.
II.2. MATERIEL ET METHODES
Les données utilisées dans ce travail nous ont été fournies, par la direction
d’épidémiologie et de lutte contre les maladies parasitaires.
Il s’agit d’une étude rétrospective concernant l’évolution du paludisme
d’importation au Maroc sur la période 1968-2007.
Au total, 2226 cas du paludisme importé ont été diagnostiqués durant la
période d’étude.
Le sexe et les données cliniques n’ont pas pu être exploités dans ce travail.
68
II.3. RESULTATS
1. Evolution du paludisme au Maroc (cas autochtones et importés) :
Tableau VII : Evolution des cas de paludisme de 1968 à 2007
Années Nombre de
cas Années
Nombre de
cas
1968 4344 1988 550
1969 8122 1989 830
1970 5327 1990 839
1971 10314 1991 613
1972 6559 1992 405
1973 1685 1993 198
1974 918 1994 206
1975 283 1995 197
1976 142 1996 102
1977 159 1997 125
1978 64 1998 128
1979 397 1999 60
1980 367 2000 59
1981 98 2001 59
1982 62 2002 107
1983 75 2003 73
1984 318 2004 56
1985 713 2005 100
1986 597 2006 83
1987 1287 2007 75
70
D’après les résultats du tableau VII et du graphique 8, nous constatons que
les nombres des cas du paludisme au Maroc, ont subi une nette augmentation de
1968 (4344 Cas) à 1971(10314 cas). A partir de cette date, les chiffres ont
considérablement diminué pour atteindre 64 cas en 1978, et ont remonté les
années suivantes jusqu'à arriver à 1287 cas en 1987. Ensuite les nombres des cas
ont de nouveau régressé pour rester autour des 100 cas.
2. Répartition des cas du paludisme autochtone par an :
Tableau VIII : Répartition annuelle des cas du paludisme autochtone au Maroc
par an
Années Nombre de
cas
Années
Nombre de
cas
1968 4344 1988 435
1969 8122 1989 746
1970 5328 1990 788
1971 10314 1991 522
1972 6559 1992 351
1973 1685 1993 135
1974 918 1994 158
1975 283 1995 166
1976 140 1996 57
1977 153 1997 76
1978 54 1998 68
1979 390 1999 18
1980 341 2000 3
1981 59 2001 0
1982 37 2002 19
1983 59 2003 4
1984 290 2004 1
1985 673 2005 0
1986 500 2006 0
1987 675 2007 0
72
Selon le tableau VIII et le graphique 9, la répartition annuelle des cas du
paludisme autochtone au Maroc par an a montrée que les cas enregistrés dans
l’année 1968 étaient de 4344. Ensuite, une nette augmentation a été soulevée
pour atteindre le maximum en 1971 avec 10314 cas. Depuis cette dernière date,
les chiffres ont subi une diminution progressive jusqu'à l’année 2000 (3 cas).
L’année 2001 a été marquée par l’absence totale du paludisme autochtone
(0 cas), cependant l’année 2003 a notifiée la réapparition de 4 nouveaux cas, et
depuis l’année 2005 aucun cas du paludisme autochtone n’a été diagnostiqué
dans notre pays.
73
3. Répartition des cas du paludisme importé par an :
Tableau IX : Nombre des cas du paludisme importé de 1968 à 2007
Années Nombre de
cas Années
Nombre de
cas
1968 0 1988 115
1969 0 1989 84
1970 0 1990 51
1971 0 1991 91
1972 0 1992 54
1973 0 1993 63
1974 0 1994 48
1975 0 1995 31
1976 2 1996 45
1977 6 1997 49
1978 10 1998 60
1979 7 1999 42
1980 26 2000 56
1981 39 2001 59
1982 25 2002 88
1983 16 2003 69
1984 28 2004 55
1985 40 2005 100
1986 97 2006 83
1987 612 2007 75
75
Le tableau IX et le graphique10 montrent que le premier cas du paludisme
importé au Maroc a été enregistré dans l’année 1976 (2 cas), et à partir de cette
date, une augmentation est notée pour atteindre 612 cas en 1987. Puis durant les
années suivantes, le nombre des cas a nettement diminué pour rester autour de100
cas.
: isme importé par tranches d’âgesRépartition des cas du palud 4.
Concernant l’âge, seules les années 2001, 2004,2005, 2006 et 2007 ont pu
être étudiées, alors que pour les autres années les données étaient non
disponibles.
Tableau X : Nombre des cas importés par tranches d’âges
Tranches
d’âge
Années
< 1 ans 1-4 ans 5-9 ans 10-14 ans >15 ans Total
2001 0 1 0 0 58 59
2004 0 0 0 0 55 55
2005 0 1 0 0 99 100
2006 0 0 0 1 82 83
2007 0 0 0 0 75 75
Total 0 2 0 1 369 373
% 0 0,54 0 0.27 99,20 100
La tranche d’âge de plus de 15 ans est la plus touchée (99,20%) suivie des
tranches d’âge 10-14 ans et 1-4 ans (<1%)
76
Figure 11: des cas du paludisme importé selon la tranche d’âge
5. Répartition des cas du paludisme importé par mois:
Les données concernant la répartition des cas du paludisme importé par
mois de 1968 à 1987 n’ont pu être exploitées.
77
Tableau XI : Nombre des cas du paludisme importé par mois de 1988 à 2007
Mois
Années
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Total
1988 34 26 12 9 3 0 3 2 7 9 5 5 115
1989 6 9 3 8 10 2 4 9 7 11 7 8 84
1990 8 2 1 6 6 6 5 1 3 7 3 3 51
1991 9 5 4 9 7 7 12 9 7 11 6 5 91
1992 3 6 3 7 9 3 2 2 8 5 0 6 54
1993 6 3 1 2 7 5 10 14 9 4 1 1 63
1994 5 5 1 6 0 11 4 2 1 9 3 1 48
1995 1 1 2 3 2 0 1 2 4 3 7 5 31
1996 4 1 17 2 1 0 1 3 4 5 4 3 45
1997 14 3 6 1 2 2 8 3 2 3 3 2 49
1998 5 4 3 2 0 0 9 11 12 8 0 6 60
1999 2 2 3 2 0 1 1 7 5 10 5 4 42
2000 7 0 4 1 1 2 9 10 12 5 4 1 56
2001 5 0 3 3 2 5 5 9 9 12 5 1 59
2002 2 3 3 4 11 5 5 3 20 11 4 17 88
2003 5 1 4 5 7 3 4 3 8 17 7 5 69
2004 6 2 1 3 2 1 9 3 5 17 3 3 55
2005 5 4 4 3 6 7 3 6 4 14 27 17 100
2006 6 2 4 6 4 5 6 5 3 14 17 11 83
2007 3 1 6 9 6 5 5 3 18 5 1 13 75
Total 136 80 85 91 86 70 106 107 148 180 112 117 1318
% 10,32 6,07 6,45 6,90 6,52 5,31 8,04 8,12 11,23 13,66 8,50 8,88 100
78
Figure 12 : Evolution mensuelle des cas du paludisme importé par mois au
Maroc de 1988 à 2007
La répartition des cas importés en fonction des mois montre une
prédominance automnale : en effet, 148 cas ont été enregistrés en septembre et
180 cas en octobre. Le nombre des cas entre le mois de février et de juin restent
inférieur à 100 cas.
6. Répartition des cas du paludisme importé selon le pays d’origine :
La répartition des cas du paludisme importé selon les pays d’origine de
1968 à 1985 n’a pas pu être exploitée par manque de données.
79
Tableau XII : Nombre des cas importés de l’étranger selon les pays d’origine : 1986/1998
Années
Pays d’origine
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Total
Bénin 1 1 1 2 5
Burkina Faso 3 3 4 2 2 14
Cameroun 1 1 2 1 1 6
Congo Brazzaville 0
Côte d'ivoire 1 1 2 2 1 5 3 1 3 4 10 33
Gabon 1 3 1 2 2 1 1 3 4 2 20
Ghana 1 1 1 3
Guinée Conakry 1 2 1 2 1 3 10
Liberia 0
Mali 2 2 3 4 5 2 18
Mauritanie 4 1 2 1 3 2 1 1 1 16
Niger 2 1 1 5 1 1 2 6 19
Nigeria 1 1 1 3
République
Démocratique du Congo 1 1 2
Sénégal 3 3 1 1 1 4 1 1 15
Seo Tome 0
Guinée équatoriale 87 603 102 65 45 77 41 52 27 8 20 28 32 1187
Kenya 1 1
Tchad 0
Ethiopie 0
Congo 2 2
Gambie 2 2
Somalie 1 6 2 9
Soudain 2 1 1 1 5
80
Années
Pays d’origine
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Total
Guinée Bissau 2 2
Inde 1 1
Guinée 0
Togo 2 2
Ouganda 0
Iles Comores 1 1
Indonésie 0
Pakistan 1 1 1 1 4
Arabie saoudite 1 2 3
Angola 1 2 3
Népal 1 1
Zaïre 1 2 1 4
Afghanistan 1 1
Afrique du sud 1 1
Mozambique 0
Madagascar 0
Zambie 1 1
Libye 0
Asie 1 1
Autres 2 1 3
Plusieurs pays d'Afrique 1 1 2
Nombres importés 97 612 115 84 51 91 54 63 48 31 45 49 60 1400
81
Tableau XIII : Nombre des cas importés de l’étranger selon les pays d’origine : 1999/2007
Années
Pays d’origine
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Total
Bénin 3 3 1 2 1 2 3 15
Burkina Faso 4 4 3 5 1 3 3 1 24
Cameroun 1 1 1 2 5
Congo Brazzaville 1 3 1 5
Côte d'ivoire 5 16 8 2 4 4 11 21 18 89
Gabon 1 1 1 5 2 5 2 2 19
Ghana 1 1 2
Guinée Conakry 1 1 0 2 1 1 1 7
Liberia 2 1 3
Mali 3 4 2 9 5 6 5 5 1 40
Mauritanie 2 5 7 5 3 4 11 5 42
Niger 6 3 4 1 2 3 2 1 22
Nigeria 1 1 1 1 2 6
République
Démocratique du Congo 8 35 6 11 5 65
Sénégal 3 4 6 7 7 9 9 11 5 61
Sao Tome 1 1 2
Guinée équatoriale 16 12 10 17 18 13 36 14 28 164
Kenya 1 1
Tchad 1 3 4
Ethiopie 1 1
Congo 2 1 2 1 1 7
Gambie 1 1 2
Somalie 1 1
Soudain 1 1
82
Années
Pays d’origine
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Total
Guinée Bissau 1 1
Inde 2 1 3
Guinée 4 3 7
Togo 2 2
Ouganda 1 1
Iles Comores 1 1
Indonésie 1 1 2
Pakistan 0
Arabie saoudite 0
Angola 0
Népal 0
Zaïre 0
Afghanistan 0
Afrique du sud 0
Mozambique 1 1
Madagascar 1 1
Zambie 0
Libye 1 1
Asie 0
Autres 1 1
Plusieurs pays d'Afrique 9 3 6 18
Nombres importés 42 56 59 88 69 55 100 83 75 627
83
Tableau XIV : des cas du paludisme importé selon l’origine
géographique : 1986 /2007
Pays d’origine Nombre des
cas
Bénin 20 0,99
Burkina Faso 38 1,87
Cameroun 11 0,54
Congo Brazzaville 5 0,25
Côte d'ivoire 122 6,02
Gabon 39 1,92
Ghana 5 0,25
Guinée Conakry 17 0,84
Liberia 3 0,15
Mali 58 2,86
Mauritanie 58 2,86
Niger 41 2,02
Nigeria 9 0,44
République
Démocratique du Congo 67 3,31
Sénégal 76 3,75
Seo Tome, Kenya, Iles Comores, Ethiopie, Indonésie, Népal,
Afghanistan, Afrique du sud, Mozambique,
Madagascar, Zambie, Libye, Asie, Ouganda
18 0,89
Guinée équatoriale 1351 66,65
Tchad 4 0,20
Congo 9 0,44
Gambie 4 0,20
Somalie 10 0,49
Soudain 6 0,30
Guinée Bissau 3 0,15
Inde 4 0,20
Guinée 7 0,35
Togo 4 0,20
Pakistan 4 0,20
Arabie saoudite 3 0,15
Angola 3 0,15
Zaïre 4 0,20
Autres 4 0,20
Plusieurs pays d'Afrique 20 0,99
Nombres importés 2027 100
De 1986 à 2007, 2027 cas du paludisme importé ont été enregistrés dans
notre pays. La majorité provient de la Guinée équatoriale (1351cas soit 66,65 )
84
et de la Côte d’ivoire (122 cas soit 6,02 ) suivi de Sénégal (76 cas soit 3,75 )
et de la République Démocratique du Congo (67 cas soit 3,31 ).
7. Répartition des cas du paludisme importé selon l’espèce
plasmodiale :
Les données concernant la répartition des cas du paludisme
d’importation selon l’espèce plasmodiale n’ont pu être exploitées de 1968 à
1987 par manque de données.
Tableau XV: Fréquence des espèces plasmodiales : 1988/2007
Espèce
Années P.falciparum P.vivax P.malariae P.ovale Mixte Total
1988 100 15 0 0 0 115
1989 70 14 0 0 0 84
1990 32 19 0 0 0 51
1991 66 25 0 0 0 91
1992 39 9 0 6 0 54
1993 46 13 0 4 0 63
1994 28 9 0 11 0 48
1995 20 7 0 3 1 31
1996 38 4 0 3 0 45
1997 41 6 0 2 0 49
1998 51 0 0 9 0 60
1999 33 0 0 9 0 42
2000 47 0 0 9 0 56
2001 51 2 1 5 0 59
2002 84 1 0 3 0 88
2003 62 1 1 5 0 69
2004 47 2 0 6 0 55
2005 93 1 1 5 0 100
2006 69 6 1 6 1 83
2007 65 4 1 4 1 75
Total 1082 138 5 90 3 1318
% 82,09 10,47 0,38 6,83 0,22 100
85
Figure 13 : Fréquence des espèces plasmodiales importés
D’après le tableau XV, Plasmodium falciparum est l’espèce la plus
fréquemment isolée (82,09%) suivie par Plasmodium vivax (10,47%) puis
Plasmodium ovale avec 6.83%, et Plasmodium malariae (0.38%).
8. Répartition des cas du paludisme importé par pays d’origine et
par espèce plasmodiale :
La répartition des cas du paludisme importé par pays d’origine et par
espèce plasmodiale n’a pu être étudiée de 1968 à 1987 par manque de données.
86
Tableau XVI : Répartition des cas du paludisme importé selon le pays d’origine
et espèce plasmodiale : 1988/2007
Espèce
Pays d’origine
P.falciparum P.vivax P.ovalé P. malariae P.mixte
Bénin 17 3
Burkina Faso 36 2
Cameroun 8 1 1
Congo Brazzaville 5
Côte d'ivoire 112 3 3 2 1
Gabon 29 3 3
Ghana 4 1
Guinée Conakry 14 2 1
Liberia 3
Mali 55 1 2
Mauritanie 24 24 9 1
Niger 34 5 1 1
Nigeria 6 1
République Démocratique du Congo 61 5 1
Sénégal 64 3 3
Seo Tome 1 1
Guinée équatoriales 541 76 44
Kenya 2
Tchad 4
Ethiopie 1
Congo 7 2
Gambie 2 2
Somalie 3 3 4
Soudain 5 1
Guinée Bissau 3
Inde 3 1
Guinée 7
Togo 4
Ouganda 1
Iles Comores 1 1
Indonésie 1 1
Pakistan 4
Arabie saoudite 2 1
Angola 2 1
Népal 1
Zaïre 1 2
Afghanistan 1
Afrique du sud 1
Mozambique 1
Madagascar 1
Zambie 1
Libye 1
Autres 1
Plusieurs pays d'Afrique 18 1 1
Total 1082 138 90 5 3
La répartition des cas du paludisme importé par pays d’origine et par
espèce plasmodiale durant la période allant de 1988 à 2007 montre que :
87
- Sur les 1082 cas du paludisme importé à P.falciparum, la plupart des cas
proviennent de la Guinée équatoriale (541cas) et de la côte d’ivoire (112 cas).
-Pour P.vivax, 138 cas sont enregistrés durant cette période. Ils proviennent
essentiellement de la Guinée équatoriale (76 cas) et de la Mauritanie (24 cas)
- sur les 90 cas du paludisme importé à P.ovale, presque la moitié des cas
provient également de la Guinée équatoriale (44 cas).
VII. DISCUSSION
Le paludisme d’importation est une affection de plus en plus fréquente en
zones non endémiques. Son aire de diffusion s’étend, profitant de
bouleversements humains et de modifications géoclimatiques, ce qui explique en
partie l’augmentation du nombre de cas de paludisme d’importation.
Au Maroc 2226 cas de paludisme importé ont été enregistrés sur une
période de 39 ans allant de 1968 à 2007. Le premier cas importé enregistré était
en 1976 et depuis cette année, les cas de paludisme d’importation ne cessent
d’augmenter dans notre pays. Cette même constatation est notée en Europe :
16000 cas annuels [144]
, aux Etats unis : plus de 15000 cas [145]
et en France, pays
européens le plus touché avec plus de 5000 cas chaque année [146, 147, 148]
.
Cette augmentation pourrait s’expliquer par le nombre de plus en plus élevé
d’étudiants africains venant effectuer leurs études supérieures dans notre pays,
l’augmentation du nombre de voyageurs vers les zones intertropicales à risque
(notamment l’Afrique de l’Ouest et du Centre), des négligences multiples dans
l’application des mesures de prophylaxie et une possible diminution de la
sensibilité des espèces plasmodiales aux antipaludiques dont une conséquence
serait la moindre efficacité des chimioprophylaxies préconisées. Dans le même
contexte on observe un pic en 1987 de 612 cas répertoriés, qui semble corrélé
d’une part, à l’émergence et à l’extension de la chloroquinorésistance, comme
l’ont rapporté plusieurs études durant cette période, et d’autre part à l’arrivée au
88
Maroc d’un grand nombre d’africains au cours de cette période ou aux
nombreuses missions humanitaires des armées marocains à l’Afrique. Et à partir
de cette date, une diminution nette puis progressive a été enregistrée,
probablement grâce à une meilleure observance de la chimioprophylaxie révisée.
La répartition des cas du paludisme importé par tranches d’âges, montre
que la tranche d’âge de plus de 15 ans est la plus touchée avec un pourcentage
de 99,20%. Cette prédominance chez l’adulte jeune est également constatée dans
les cas de paludisme d’importation en Europe [149, 150]
, en France [151, 152, 153, 154]
,
en Tunisie [155]
et dans les cas de paludisme grave d’importation admis en
réanimation au Maroc [156, 157]
.
Concernant la répartition des cas du paludisme importé selon les mois,
41,04 % des cas ont été rapportés entre le mois de juin et d’octobre. Cette
période correspond au retour des marocains coopérants de l’étranger et à
l’arrivée des étudiants en provenance des zones impaludées. Elle coïncide
également avec la saison des anophèles adultes vecteurs de cette parasitose, ce
qui augmente le risque potentiel d’un éventuel contact anophèle-Plasmodium.
Une répartition saisonnière semblable est retrouvée dans des études réalisées en
France [146, 147, 151]
et en Tunisie [155]
avec un maximum de cas diagnostiqués en
septembre et octobre.
Dans notre étude, P. falciparum est l’espèce la plus fréquemment isolée
avec un pourcentage de 82,09%. C’est l’espèce la plus dangereuse responsable
des formes cliniques graves et pouvant poser le problème de chimiorésistance à
la chloroquine. C’est également l’espèce la plus fréquemment rapporté en
Europe [158, 159, 160]
et en Tunisie [155, 161, 162]
, expliquée par une contamination
africaine dans la majorité des cas.
Les cas notifiés durant les 22 dernières années d’étude (1986-2007),
proviennent principalement d’Afrique : environ 98%. Un séjour principalement
89
en Afrique subsaharienne est également rapporté dans les autres études en
France [150]
, en Tunisie [155, 161, 162]
et en Europe [158, 159]
.
Deux pays (Guinée équatoriale, et Côte d’ivoire) sont eux seuls,
responsables de 72.67% du paludisme d’importation au Maroc. Par ailleurs, une
dizaine de pays sont à l’origine de la majorité des contaminations, dans
l’Afrique de l’ouest, en plus de la Côte d’ivoire et de la Guinée équatoriale,
Mali, Mauritanie et Sénégal sont les principaux pays concernés pour cette zone.
En Afrique centrale, le République Démocratique du Congo est la plus
représenté.
Au Maroc, les voyageurs à destination des pays d’Afrique subsaharienne
bénéficient gratuitement d’une chimioprophylaxie du paludisme à base de
chloroquine associée au Proguanil (Savarine*) ou de Méfloquine (Lariam
*)
[163].
Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que l’absence ou la prise
inadaptée de la chimioprophylaxie est un facteur de risque d’évolution vers une
forme grave de paludisme [164]
. Ceci d’autant plus que beaucoup de protocoles
de chimioprophylaxie imposent une prise médicamenteuse pendant plusieurs
semaines après le retour. Le voyageur ne se sentent plus exposé est
fréquemment amené à arrêter son traitement précocement ; dans notre étude, les
données sur l’observance des voyageurs à la chimioprophylaxie prescrite n’ont
pas été disponibles.
Le paludisme d’importation reste une affection grave et mal connue, il doit
émerger de l’esprit du clinicien devant tout syndrome fébrile chez un patient
provenant d’une zone d’endémie. La surveillance du paludisme d’importation,
au-delà des différentes informations qu’elle procure, contribue à maintenir la
vigilance nécessaire vis à vis de cette affection qui constitue une urgence
médicale pouvant parfois mettre en cause le pronostic vital du patient. L’un des
buts qui doit être recherché est la réduction de la mortalité en facilitant
l’évocation du diagnostic, sa confirmation biologique puis une prise en charge
90
adaptée à l’espèce plasmodiale, au tableau clinique et biologique, dans les plus
brefs délais. L’autre objectif est d’aboutir à une réduction, autant que faire se
peut, des risques d’infestation par la mise en œuvre effective des diverses
méthodes prophylactiques actuellement disponibles, qui repose sur une
information indépendante, compréhensible, et personnalisée.
Une grande partie des voyageurs se rendant en pays impaludés Ŕ à
l’exception de ceux qui ont fréquenté une consultation spécialisée Ŕ sont peu ou
mal informés et méconnaissent aussi bien les risques qu’ils encourent, que les
moyens qui permettent de se préserver efficacement. Un effort important
d’information de tous les acteurs du voyage et des médias « grand public » doit
être fait en même temps qu’est améliorée et actualisée la formation continue du
corps médical.
91
Conclusion
L’augmentation du nombre de cas de paludisme d’importation rapporté au
Maroc impose une surveillance rigoureuse pour minimiser le risque potentiel de
sa réintroduction dans notre pays. Celle-ci est réalisée d’une part par le
dépistage et le traitement systématique des sujets parasités originaires ou ayant
séjourné dans les zones endémiques ainsi que l’actualisation des protocoles
thérapeutiques et chimioprophylactiques et d’autre part par la sensibilisation des
voyageurs marocains se rendant dans les régions impaludées aux mesures
prophylactiques, en particulier une chimioprophylaxie adéquate. Le paludisme à
plasmodium falciparum demeure une affection mortelle. Il faut donc insister sur
l’information des voyageurs pour une grande rigueur des mesures préventives et
une bonne observance de la chimioprophylaxie qui peuvent contribuer à
diminuer l’incidence, la prévalence et la mortalité de cette affection.