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Royaume du Maroc
Université Mohammed V
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat
MEMOIRE
En vue de l’obtention du Diplôme National de Spécialité Médicale
Option :
Anesthésie-Réanimation
Présenté par :
Dr. Achraf MOUDEN
Sous la direction :
Professeur Ahmed EL HIJRI
Année universitaire 2020
Enquête sur la thromboprophylaxie
périopératoire en chirurgie digestive
carcinologique
(Étude rétrospective à propos de 100 cas)
Remerciements
A monsieur le professeur BENSOUDA Adil
Chef de l’unité pédagogique et de recherche d’anesthésie-réanimation
de Rabat
Service de réanimation de la chirurgie cardiovasculaire B
L’honneur que vous nous faites en président de notre jury est pour nous
l'occasion de vous exprimer notre grande reconnaissance. Nous sommes fiers de
vous compter parmi nos juges.
Nulle dédicace ne saurait exprimer notre profonde admiration et
remerciements pour vos efforts pour nous assurer une formation de qualité et
pour promouvoir cette belle spécialité, fleuron de la médecine nationale.
Veuillez trouver ici l’expression de notre haute considération.
A Monsieur le professeur Abdelouahed El Baite
Chef du pôle d’anesthésie-réanimation de l’hôpital militaire d’instruction
Mohammed V
Nous vous remercions du grand honneur que vous nous faites en siégeant dans
ce jury.
Vos qualités humaines et votre simplicité exemplaire ne peuvent que vous
valoir l’estime de tous.
A Monsieur le professeur ELHIJRI Ahmed
Chef de Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale de l’hôpital Avicenne de
Rabat
Nous vous remercions du grand honneur que vous nous faites en siégeant dans
ce jury. Aussi pour la sympathie, la spontanéité et l’aimabilité avec lesquelles
vous nous avez formés.
Vos qualités humaines et votre simplicité exemplaire ne peuvent que vous
valoir l’estime de tous.
Veuillez accepter, cher Maitre, l’expression de notre profond respect.
Veuillez accepter, cher Maitre, l’expression de mon profond respect.
A Monsieur le professeur ZAKARIA BELKHADIR
Chef de Service d’anesthésie-réanimation de l’institut national d’oncologie
RABAT
Nous vous remercions du grand honneur que vous nous faites en siégeant dans
ce jury.
Vos qualités humaines et votre simplicité exemplaire ne peuvent que vous
valoir l’estime de tous.
A Monsieur le professeur Saad Zidouh
Chef de Service des urgences médico-chirurgicales de l’hôpital militaire
d’instruction Mohammed V
Maitre, votre image a toujours reflété à nos yeux l’excellence et la
détermination de votre pratique et de votre enseignement de l’anesthésie et de
la réanimation.
C’est un honneur d’être soumis à votre œil acerbe et avide de rigueur.
A Monsieur le professeur JAWAD TADILI
Professeur d’anesthésie réanimation
Service d’anesthésie-réanimation des urgences chirurgicales de l’hôpital
Avicenne de Rabat
Nous vous remercions du grand honneur que vous nous faites en siégeant dans
ce jury.
Vos qualités humaines et votre simplicité exemplaire ne peuvent que vous
valoir l’estime de tous.
Liste des abréviations
ADP : Adénosine diphosphate
AT : Antithrombine
AVK : Anti vitamines K
CPA : Cancer procoagulant A
CPI : Compression pneumatique intermittente
EP : Embolie pulmonaire
EPO : Erythropoïétine recombinante
F4P : Chémokines plaquettaire
FT : Facteur tissulaire
HBPM : Héparine de bas poids moléculaire
HNF : Héparine non fractionnée
IL1 : Interleukines 1
IL-1β : Interleukines 1 β
MVTE : Maladie veineuse thromboembolique
PAI 1 : Plasminogenactivator inhibitor-1
PC : Protéine C
PL : Pospholipides
PS : Protéine S
TCA : Temps de céphaline avec activateur
TFPI : Tissue factor pathway inhibitor
TIH : Thrombopénie induite par l’héparine
TNF :Tissue necrosis factor
TVP : Thrombose veineuse profonde
VEGF : Vascular endothélial growth
VKORC1 : Vitamine K- époxyde réductase
Liste des illustrations
Listes des figures
Figure 1: Les principaux mécanismes impliqués dans la survenue des thromboses. ................. 5
Figure 2 : Schéma simplifié de l'hémostase ............................................................................... 6
Figure 3 : La triade de Virchow appliquée au cancer ................................................................ 9
Figure 4 : Points d'impact des différents anticoagulants sur la cascade de la coagulation. ..... 10
Figure 5 : Compression pneumatique intermittente ................................................................. 11
Figure 6 : Répartition des patients selon le sexe. ..................................................................... 17
Figure 7 : Nombre de patients en fonction des services. .......................................................... 18
Figure 8 : Répartition des patients en fonction du score ASA. ................................................ 19
Figure 9 : Répartition en fonction du site de la tumeur primitive ............................................ 20
Figure 10 : Taux de chimiothérapie néo-adjuvante. ................................................................. 21
Figure 11 : Répartition des patients selon de l’abord chirurgical. ........................................... 22
Liste des tableaux
Tableau I: Score de Caprini ..................................................................................................... 15
Tableau II: Répartition des patients en fonction des tranches d'âge ........................................ 17
Tableau III: Caractéristiques associées à une augmentation du risque thromboembolique chez
les patients atteints du cancer. .................................................................................................. 28
Tableau IV: Facteurs de risque de thrombose propres au patient. .......................................... 31
Tableau V: Modes d’administration de l’héparines calcique et des HBPM en chirurgie ....... 32
Tableau VI: Schémas de thromboprophylaxie périopératoire recommandés, dans le cas
général de chirurgie digestive ................................................................................................. 33
Tableau VII: Thromboprophylaxie en chirurgie digestive. ..................................................... 35
Tableau VIII: Thromboprophylaxie dans différents groupes de risque. .................................. 36
Tableau IX: Les dernières recommandations relatives à la thromboprophylaxie périopératoire
.................................................................................................................................................. 38
Sommaire
Introduction ......................................................................................................... 1
Rappel Théorique ................................................................................................ 4
I. Histoire naturelle de la MVTE ............................................................................................ 5
1. Stase veineuse ................................................................................................................. 5
2. Anomalies de la coagulation ........................................................................................... 6
3. Lésions endothéliales ...................................................................................................... 8
II. Cancer et maladie veineuse thromboembolique ................................................................ 9
III. Moyens de prévention de la maladie veineuse thromboembolique ................................ 10
1. Moyens pharmacologiques ........................................................................................... 10
2. Moyens mécaniques ou physiques ................................................................................ 11
2.1. Surélévation des membres inférieurs et lever précoce ........................................... 11
2.2. La contention élastique ........................................................................................... 11
2.3. La compression pneumatique intermittente (CPI).................................................. 11
2.4. Compression plantaire ............................................................................................ 11
2.5. La stimulation électrique ........................................................................................ 12
Matériel d’étude et méthodes ......................................................................... 13
Résultats ............................................................................................................. 16
Discussion ........................................................................................................... 24
I. Données épidémiologiques ............................................................................................... 25
II. MVTE et chirurgie digestive carcinologique ................................................................... 29
III. Schémas de thromboprophylaxie périopératoire ............................................................ 30
1. Recommandations de la SFAR (société française d’anesthésie réanimation) .............. 30
2. Recommandations de l’ACCP (American College of Chest Physicians):.................... 36
3. Recommandations internationales spécifiques aux patients atteints de cancer ............ 37
Conclusion .......................................................................................................... 39
Résumés .............................................................................................................. 39
Références bibliographiques ........................................................................... 39
1
Introduction
2
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est une entité nosologique regroupant
deux présentations cliniques : la thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire
(EP). C’est une pathologie fréquente dont l’incidence est estimée entre 5 et 20 cas pour
10.000 habitants/ an dans la population générale (1).
La MTEV est reconnue sur le plan international pour être un problème sérieux de
santé, grevée d’une mortalité propre et responsable de complications chroniques invalidantes
dont la maladie post-thrombotique (40 %) et l’hypertension artérielle pulmonaire (4%) (2) (3).
Les conditions responsables de la thrombogénèse veineuse sont connues par la
célèbre triade de Virchow, associant la stase sanguine, la lésion de la paroi endothéliale
et l’altération de l’équilibre hémostatique (4) . Ces éléments expliquent que certains facteurs
dont le cancer et la période périopératoire soient à risque très élevé de complications
thromboemboliques. On estime en moyenne que 15 à 20 % des patients présentant un cancer
ont ou auront un épisode thromboembolique au décours de leur maladie, avec une incidence
de 4 à 6 fois plus importante dans cette population que dans la population non atteinte de
cancer (3). Par ailleurs, la MTEV représente la deuxième cause de mortalité en oncologie,
avec près de 10% des décès, représentant un facteur pronostique défavorable (5).
La période périopératoire majore, de son côté, le risque thromboembolique, à fortiori
chez les patients présentant un cancer. À type d’intervention chirurgicale égale, l’existence
d’un cancer double approximativement le risque de thrombose postopératoire par rapport à
une population sans cancer. En l’absence de thromboprophylaxie périopératoire, le risque
global d’événements thromboemboliques observés en chirurgie digestive carcinologique est
de l’ordre de 30 % (6).
En raison des donnés citées plus haut, des recommandations relatives à la
thromoprophylaxie en chirurgie carcinologique ont été éditées par diverses sociétés savantes,
dans le but de réduire le risque d’événements thromboemboliques périopératoires.
Dans ce travail nous nous sommes proposés d’évaluer sous nos cieux, les aspects de la
thromboprophylaxie périopératoire en chirurgie digestive carcinologique et leurs adéquations
avec les recommandations en la matière.
3
L’objectif est bien entendu d’optimiser la prise en charge des patients opérés d’une
chirurgie digestive carcinologique, notamment en matière de réduction du risque
d’événements thromboemboliques.
Avant d’étayer notre étude, nous allons rappeler quelques notions relatives à la
pathogénie de la MVTE et aux différents moyens de prévention en périopératoire.
4
Rappel Théorique
5
I. Histoire naturelle de la MVTE
Rudolph Virchow réalise en 1855 la première description de la thrombose et de
l’embolie. Les principaux mécanismes impliqués dans la survenue des thromboses font
intervenir la stase veineuse, la lésion de l’endothélium et l’activation de la coagulation réunies
dans la triade de Virchow (Figure 1). Ces trois composants agissent souvent en
conjonction pour expliquer une thrombose, mais inversement aucun de ces éléments, pris
séparément, n’entraînera systématiquement une thrombose (7)(8).
Figure 1: Les principaux mécanismes impliqués dans la survenue des thromboses.
1. Stase veineuse
L’écoulement du sang dans les vaisseaux est en flux laminaire. Deux types de
perturbations peuvent favoriser l’apparition de thromboses. Il s’agit de la stase et de la rupture
du flux laminaire. Il est connu depuis l’expérimentation animale que la stase, à elle seule, ne
peut pas induire de thrombose. Elle en constitue par contre, un facteur favorisant. La stase
peut être liée à un état d’hyperviscosité sanguine, comme elle peut résulter d’une compression
pariétale d’origine extravasculaire ou à l’occasion d’une altération majeure de l’endothélium
des grandes insuffisances veineuses.
6
2. Anomalies de la coagulation
L’hémostase physiologique est classiquement décomposée en trois temps : l’hémostase
primaire, la coagulation et la fibrinolyse.
L’hémostase primaire permet l’obturation d’une brèche vasculaire par les plaquettes.
La coagulation consolide ce thrombus blanc en créant un réseau de fibrine polymérisée
qui participe, avec les globules rouges et les plaquettes, à la formation du thrombus dit rouge.
La fibrinolyse permet la destruction enzymatique du caillot et la restitution complète de
la paroi vasculaire ( Figure 2) (9).
Figure 2 : Schéma simplifié de l'hémostase (9).
7
La thrombose survient lorsque le système se déséquilibre au profit de la phase de
coagulation.
La physiologie de la coagulation fait appel, pour l’activation initiale, à l’interaction
entre un composant cellulaire, le facteur tissulaire, et un composant plasmatique, le facteur
XII. La liaison [facteur tissulaire - facteur VII] induit une activation du facteur VII. Il s’en suit
une 1chaîne de réactions, appelée cascade de la coagulation, qui aboutit à la formation du
facteur X activé à partir de sa proenzyme, le facteur X. Le facteur X activé permet la
transformation de la prothrombine en thrombine, enzyme clé de la coagulation. Elle permet la
transformation du fibrinogène en fibrine et est capable de catalyser sa propre génération.
Après l’apparition des premières traces de thrombine, survient à la surface plaquettaire, une
production massive de thrombine qui active brutalement toute la coagulation et génère le
caillot. Ce système d’activation en chaîne est régulé par la présence d’inhibiteurs. Il s’agit
essentiellement de l’antithrombine, du système protéine C – protéine S et de l’inhibiteur de la
voie du facteur tissulaire (TFPI : tissue factor pathway inhibitor). Ces inhibiteurs permettent
de localiser l’activation de la coagulation au niveau de la brèche vasculaire.
L’activation de la coagulation est un évènement capital dans le processus thrombotique.
Elle peut être liée à une expression exagérée de facteur tissulaire à la surface des cellules,
telles qu’elle est réalisée dans les états inflammatoires et infectieux ou au contact des lésions
tumorales, comme elle peut être liée à l’expression d’une activité de type facteur tissulaire,
simulant l’action du facteur tissulaire physiologique (10). Ce phénomène est observé dans les
leucémies et les néoplasies.
L’activation de la coagulation permet généralement de n’obturer que la brèche
vasculaire. Elle pourra toutefois être à l’origine d’une thrombose si les systèmes inhibiteurs
sont en défaut, ne permettant pas d’empêcher l’activation de la coagulation au-delà de la
brèche, soit in situ à l’origine d’une thrombose, soit diffuse à l’origine d’une coagulation
intravasculaires disséminée.
Il est à noter que des voies d’activation de la coagulation indépendantes du facteur
tissulaire peuvent intervenir. C’est le cas des activités procoagulantes tumorales agissant au
niveau de différents points du système d’hémostase et des voies passant par le système
contact (11).
8
Enfin, l’altération des systèmes inhibiteurs (déficit en antithrombine, déficit en protéine
C, déficit en protéine S, mutation congénitale responsable de gain d’activité ) peut être à
l’origine de thromboses veineuses (11).
3. Lésions endothéliales
À l’état de repos, l’endothélium est antithrombotique. Il s’oppose à l’activation
plaquettaire par la production de prostacycline et à l’activation de la coagulation par
l’expression à la surface des cellules endothéliales de la thro<mbomoduline, élément
régulateur du système inhibiteur protéine C - protéine S. L’endothélium participe aussi à la
régulation de la fibrinolyse puisqu’il est le lieu de synthèse exclusif de l’activateur tissulaire
du plasminogène (t-pa) et un des sites producteurs de son inhibiteur principal, le PAI1
(Plasminogen activator inhibitor-1). Aussi, toute altération de la fonction endothéliale est-elle
susceptible de favoriser les événements thrombotiques. Cela peut se produire à l’occasion de
lésions endothéliales telles que celles observées par exemple en périopératoire, ou au cours
des cathétérismes vasculaires ou à l’occasion de dysfonctions endothéliales telles que celles
observées au cours des maladies systémiques ou auto-immunes (Behçet, lupus érythémateux
disséminé…).
9
II. Cancer et maladie veineuse thromboembolique
L’association cancer et thrombose est connue depuis de longues dates. Au cours du
XIX siècle, l’association entre la MVTE et le cancer a été décrite par S.Bouillaud en 1823,
puis par A.Trousseau en 1865 (12). Plusieurs années plus tard, en 1878, T. Billroth retrouve
même des cellules cancéreuses au sein de thrombi, laissant suggérer une relation étroite entre
le système de la coagulation et la formation de métastases à distance (13).
Le cancer est un facteur de risque indépendant de MVTE, avec un odds ratio de plus de
5.
Après la chirurgie, le cancer représente un des facteurs de risque élevées de MVTE (14).
La physiopathologie des thromboses veineuses associées au cancer est d’ordre
multifactoriel, intégrant généralement une augmentation de l’activité prothrombotique et/ou
une diminution des mécanismes antithrombotiques. Tous les éléments de la triade de Virchow
peuvent en effet être perturbés chez le patient atteint de cancer, avec anomalies du flux
sanguin et de la paroi vasculaire et troubles de l’hémostase (Figure 3) (15).
Figure 3 : La triade de Virchow appliquée au cancer (15).
10
III. Moyens de prévention de la maladie veineuse
thromboembolique
Actuellement nous disposons de deux principaux moyens, pharmacologiques et
mécaniques, fréquemment associés ensemble. Avant d’aborder ces deux outils, nous allons
rappeler quelques notions relatives à la physiologie de l’hémostase.
1. Moyens pharmacologiques
Les moyens pharmacologiques font appel principalement aux anticoagulants
administrés par voie parentérale (héparines non fractionnées ou de bas poids moléculaire,
fondaparinux et danaparoïde sodique……) ou orale (antivitamines K, anticoagulants oraux
directs). Ils sont classés en différentes catégories en fonction de leurs sites d’action (27).
Figure 4 : Points d'impact des différents anticoagulants sur la cascade de la coagulation.
11
2. Moyens mécaniques ou physiques
2.1. Surélévation des membres inférieurs et lever précoce
La surélévation des membres inférieurs au cours de l’alitement permet une accélération
des flux sanguins veineux des membres inférieurs.
2.2. La contention élastique
La contention élastique permet de suppléer à la fonction « pompe » du mollet et de la
voûte plantaire en cas d’alitement. La pression exercée doit être de 18 mm Hg à la cheville
puis 14 mm Hg au mollet et 8 mm Hg sous le genou.
2.3. La compression pneumatique intermittente (CPI)
Cette méthode a une efficacité prouvée dans la réduction de l’apparition d’une TVP.
Elle consiste en une compression pneumatique au niveau du mollet ou de la cuisse pendant
dix secondes toutes les minutes.
Figure 5 : Compression pneumatique intermittente
2.4. Compression plantaire
Il s’agit d’une « semelle » qui va se gonfler et étirer la voûte plantaire à intervalles
réguliers (toutes les 20 secondes) afin de favoriser la chasse veineuse (« foot pump »).
En chirurgie orthopédique, la compression plantaire associée aux bas de contention
permet une réduction nette du risque de TVP, en particulier du risque de thrombose
proximale. Ce système, mieux toléré que la CPI, semble prometteur (56)(57).
12
2.5. La stimulation électrique
Il s’agit d’un stimulateur électrique portable, relié au patient par des électrodes
stérilisables appliquées sur le mollet, la tension étant réglée grâce à un potentiomètre (58).
Les courants de très basse fréquence stimulent les muscles striés (triceps sural) et
provoquent des fasciculations musculaires par effet de pompe. Ils accélèrent le retour veineux
et réduisent le volume du mollet. La stimulation électrique intermittente pourrait également
augmenter l’activité fibrinolytique de l’endothélium veineux.
Les moyens physiques de prévention contre la MTEV, cités plus haut, ne sont pas
toujours prescrits avec la même conviction qu’une médication essentielle. Ils pourraient
constituer, toutefois, les principaux modes de prévention pour les malades à risque faible ou
ayant une contre-indication aux traitements anticoagulants.
13
Matériel d’étude et méthodes
14
Il s’agit d’une étude rétrospective à propos de 100 cas consécutifs de cancers digestifs
opérés au bloc opératoire central de l’hôpital Avicenne, durant la période 01 Octobre 2018 –
31 Décembre 2019.
Ont été inclus dans l’étude, tous les patients de plus de 18 ans, opérés pour tumeurs
malignes du tube digestif.
Ont été exclus de l’étude :
Les patients âgés de moins de 18 ans ;
Les patients sous antithrombotiques au long cours ;
Les patients porteurs de troubles de l’hémostase ;
Les patients chez lesquels les dossiers n’étaient pas exploitables.
Pour chaque patient inclus dans l’étude, nous avons recueilli les données suivantes :
Les données démographiques (Âge, sexe) ;
Les services référents de chirurgie ;
Les comorbidités et classe ASA (American society of Anesthesiologist) ;
Le site de la pathologie néoplasique ayant justifié la chirurgie ;
Chimiothérapie néo-adjuvante éventuelle ;
La nature de l’intervention chirurgicale ;
Abord par cœlioscopie ou par laparotomie ;
La durée de chirurgie ;
Le type histologique de la tumeur en question ;
Les patients avec un score de Caprini ≥ 5 (59)(60)
15
Tableau I: Score de Caprini
Nous avons par la suite recueilli les données relatives à la thromboprophylaxie
périopératoire :
Recours ou non à la thromboprophylaxie;
Thromboprophylaxie pré ou postopératoire;
Moyens utilisés pour la thromboprophylaxie (mécanique, pharmacologique, type
de médications) ;
Durée de la thromboprophylaxie.
Nous avons analysé également :
La durée de séjour hospitalier postopératoire ;
La survenue éventuelle de complications thromboemboliques ;
Le taux de décès.
Les données quantitatives ont été exprimées en moyennes et les variables qualitatives
ont été exprimées en pourcentages.
16
Résultats
17
Cent patients ont été enrôlés dans l’étude. L’âge moyen des patients était de 59 ans,
avec des extrêmes allant de 21 à 89 ans.
13% des patients avaient un âge supérieur ou égal à 75 ans, et seulement 9% des
patients étaient âgés de moins de 40 ans. 91% des patients avait un âge ≥ 40ans.
Tableau II: Répartition des patients en fonction des tranches d'âge
Les tranches d’âge Pourcentage des patients (%)
Inférieur à 40 ansj 9
Entre 40 à 60 ans 44
Entre 61 et 74 ans 34
Supérieur ou égal à 75ans 13
Le sex-ratio H/F était de 1,04 avec 51 patients de sexe masculin et 49 patients de sexe
féminin (Figure 11).
Figure 6 : Répartition des patients selon le sexe.
18
La répartition des patients en fonction des services référents de chirurgie était comme
suit :
Service de chirurgie A : 50%
Service de chirurgie B : 13%
Service de chirurgie C : 37%
Figure 7 : Nombre de patients en fonction des services.
19
L’analyse des patients selon les comorbidités retrouvait que 2/3 des patients (67%)
étaient de classe ASA1. 31% des patients étaient classés ASA 2 et 2% classés ASA 3 (Figure
13).
Figure 8 : Répartition des patients en fonction du score ASA.
20
Pour ce qui est du siège de la pathologie néoplasique, il est représenté sur la figure 14.
On notait une prédominance des cancers colorectaux (38%), du cancer du pancréas et de
l’ampullome de Vater (22%) et du cancer de l’estomac (20%). Le cancer du foie et des voies
biliaires représentait 16% des cas. Les tumeurs du grêle représentaientt 3% des cas.
Seulement 1% des patients ont été opérés pour cancer de l’œsophage.
Figure 9 : Répartition en fonction du site de la tumeur primitive
21
Parmi les 100 cas opérés, l’adénocarcinome était le type histologique prépondérant
(80%).
Seulement 8% des malades de notre étude avaient bénéficié de séances de
chimiothérapie préalablement à l’intervention chirurgicale (Figure 15).
Figure 10 : Taux de chimiothérapie néo-adjuvante.
22
Pour ce qui est des données relatives à la chirurgie, toutes les interventions réalisées
chez les malades inclus dans l’étude étaient de type curatif, avec cinq cas de CHIP
(chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale).
La plupart des interventions (93%) étaient réalisées sous laparotomie. Les 7% restants
ont été réalisées sous laparoscopie (Figure 16).
Figure 11 : Répartition des patients selon de l’abord chirurgical.
23
La durée des interventions chirurgicales était en moyenne de 6 heures, avec des
extrêmes allant de 3 à 12 heures.
En tenant compte de certaines composantes du score de Caprini (notamment, l’âge, la
pathologie néoplasique, la durée de la chirurgie et l’alitement périopératoire), tous les patients
inclus dans l’étude avaient un score de Caprini ≥ 5.
Pour ce qui est des données relatives à la thromboprophylaxie périopératoire, nous
avons retrouvé les éléments suivants :
Tous les patients ont reçu une thromboprophylaxie périopératoire ;
La thromboprophylaxie a été démarrée chez tous les patients en postopératoire ;
Elle était médicamenteuse à base d’enoxaparine (à raison de 40 mg/j en sous cutané)
chez la majorité des patients (99%). Dans un cas, on a eu recours aux moyens mécaniques
(bas de contention) en raison de complications hémorragiques postopératoires. Chez un
patient, on a dû arrêter l’héparinothérapie, en raison d’une TIH (thrombopénie induite par
l’héparine), le malade ayant été mis sous bas de contention.
La durée de la thromboprophylaxie était en moyenne de neuf jours, avec des extrêmes
allant de quatre à 29 jours.
Pour ce qui est de la durée de séjour hospitalier postopératoire, elle était en moyenne de
6 jours, avec des extrêmes allant de quatre à 44 jours.
Aucun patient inclus dans l’étude n’a présenté des complications thromboemboliques
postopératoires, durant la période d’hospitalisation.
Nous déplorons 7 cas de décès, soit une mortalité opérative de 7%.
24
Discussion
25
I. Données épidémiologiques
Comme mentionné plus haut (Cf. cancer et MVTE), le cancer est un facteur de risque
indépendant de MVTE. Comparés aux patients ne présentant pas de cancer, ceux qui sont
suivis pour cancer ont quatre fois plus de risque de développer une MVTE (61)(62). Ce risque
augmente à 6,5 en cas de chimiothérapie associée (61)(62).
L’incidence des thromboses veineuses profondes et embolies pulmonaires au cours des
cancers est très variable allant de 0,5 à 20 %(63). Cette variabilité s’explique par le caractère
très hétérogène des différentes études. Les populations d’étude peuvent varier généralement
selon :
La nature des cancers développés et leur localisation ;
Le potentiel invasif des cancers et leur stade (métastatique ou non) ;
Le choix des critères de jugement (types de MVTE retenus, moyens de diagnostic) ;
Les traitements proposés (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie…) ;
Les comorbidités des patients.
Dans l’étude de Khorana et al. (64) à propos de plus d’un million de patients
hospitalisés en oncologie, l’incidence de la MVTE était de 4,1%, avec 3,4% de TVP et 1,1%,
d’embolie pulmonaire.
Parmi les principaux facteurs de risque de MVTE retrouvés par les auteurs en analyse
multivariée, on peut citer :
L’âge avancé ≥ 65 ans ;
Le sexe féminin ;
Le recours à la chimiothérapie ;
La présence de comorbidités ;
Le siège du cancer (64).
26
Le risque de MVTE était particulièrement élevé en présence d’un cancer du pancréas
(8,1%) (64). Ce risque était estimé à 4,9 % en cas de cancer gastrique (64).
Ces résultats corroborent ceux d’autres études, dont celle de Chew et al. (63) évaluant
l’incidence de MVTE chez les patients cancéreux selon le type de cancer et le stade de leur
maladie. Ainsi, les cancers à plus haut potentiel thrombotique regroupent :
Les néoplasies hématologiques ;
Les néoplasies pulmonaires ;
Les néoplasies pancréatiques et gastro-intestinales ;
Les lymphomes ;
Les localisations cérébrales et hépatiques ;
Les leucémies ;
Les cancers ovariens et rénaux (63).
Les différentes thérapeutiques proposées aux patient représentent, dans la plupart des
études, des facteurs de risque de MVTE chez les patients cancéreux.
La chimiothérapie présente un rôle indéniable dans la survenue de MVTE, surtout
quand elle est administrée au stade de métastases. Elle semble augmenter de deux à six fois le
risque de MVTE (65)(66).
Parmi les traitements anti-angiogéniques, le thalidomide® et le lenalidomide® utilisés
dans le myélome, surtout s’ils sont associés à la dexaméthasone® ou la doxorubicine®,
peuvent augmenter le taux de MVTE de 20 à 40 % (67).
Pour ce qui est de la radiothérapie, elle est habituellement considérée comme
augmentant le risque de MVTE même s’il n y a pas d’étude d’envergure le démontrant.
On reconnait par ailleurs le rôle de certains traitements associés tels que
l’érythropoïétine ou tout autre facteur de stimulation des lignées hématopoïétiques, ou encore
les fortes doses de corticostéroïdes qui augmentent le risque de MVTE (68).
27
C’est également le cas des thérapeutiques hormonales associés ( en particulier dans le
cas du cancer de sein), qui augmentent considérablement le risque de MVTE .
L’usage de longs cathéters veineux centraux ou la présence de chambre implantable
sont associés à une majoration du risque de MVTE, en particulier au décours de
chimiothérapie. Ce risque était estimé à 8,5 %, dans l’étude menée par Piran et al. (69), à
propos de patients cancéreux porteurs d’une chambre implantable.
Enfin, la chirurgie dans le cadre d’un néoplasie représente sans nul doute le facteur de
risque le mieux connu comme augmentant significativement le risque de MVTE. Ce risque est
en effet multiplié par deux et perdure de façon substantielle durant les sept semaines qui
suivent l’intervention (70)(71).
Le risque élevé de MVTE à l’occasion de la chirurgie pour cancer s’explique par la
contribution de divers facteurs dont :
L’âge souvent avancé des patients ;
La durée des procédures chirurgicales qui sont souvent difficiles et plus délicate ; et
L’immobilisation postopératoire qui est souvent plus prolongée.
Ce risque lié à la chirurgie serait particulièrement élevé quand il s’agit d’une
intervention pour cancer digestif (Cf. Infra).
Des scores ont été établis pour évaluer le risque de MVTE chez les patients atteints de
cancer. C’est le cas en particulier du score proposé par Khorana et al. (72), basé sur l’analyse
de certaines variables cliniques et biologiques (Tableau X). Le risque de MVTE est :
Inférieur à 1% pour une valeur de score de 0 ;
De l’ordre de 2% pour une valeur de score de 1 ou 2 ;
de l’ordre de 7% pour une valeur de score ≥ 3 (72).
28
Tableau III: Caractéristiques associées à une augmentation du risque
thromboembolique chez les patients atteints du cancer.
29
II. MVTE et chirurgie digestive carcinologique
Comme mentionnée plus haut, le cancer du tube digestif est associé à un risque élevé de
complications thromboemboliques. Ce risque est évalué aux alentours de 25% en l’absence de
thromboprophylaxie (5)(73).
Diverses études avaient mis l’accent sur le risque de MVTE associé aux cancers
digestifs, notamment pancréatique et gastrique(74)(75)(76). Dans une méta-analyse, Horsted
et al. (77) ont évalué le risque de MVTE pour huit types de cancer. Les auteurs ont retrouvé
que l’incidence la plus élevée de MVTE était observée en présence de cancer
pancréatique(77). Ces résultats corroborent ceux de l’étude menée par Chew et Al (76) à
propos de 235 149 cas de cancers. Les auteurs avaient en effet retrouvé que le risque de
MVTE était particulièrement élevé en présence de cancer avancé, métastatique. L’incidence
de MVTE par patient/ année était la plus élevée en présence de cancer pancréatique (20%)
suivi du cancer gastrique (10,7%) (76).
L’étude rétrospective menée par Hassine et al. (78), à propos de 252 patients, confirme
la fréquence des complications thromboemboliques au cours des cancers digestifs. Une
complication thromboembolique a été objectivée chez 16 patients (6,3 %), dont 11 hommes et
5 femmes, d’âge moyen de 62,2 ans. Il s’agissait d’une embolie pulmonaire dans 9 cas, d’une
thrombose du tronc porte dans 3 cas, et d’une thrombose de la veine mésentérique inférieure
et du tronc spléno-mesaraique chacune dans un cas. Les tumeurs étaient respectivement :
gastrique (n = 6), pancréatique (n = 4), colique (n = 3), cholangiocarcinome, tumeur de
l’œsophage et du grêle (n = 1).
Le risque de la MVTE lié au cancer digestif est aggravé par la chirurgie (61)(79).
L’incidence de MVTE atteindrait en effet 20 à 40 % en l’absence de thromboprophylaxie et
40 à 60% en présence de facteurs de risque de MVTE associés (61) (80).
Samantha et al. (81) ont analysé les facteurs de risque de développer une MVTE dans
les 30 jours d’une chirurgie pour cancer. Les auteurs ont retrouvé parmi les facteurs de risque,
une chirurgie pour cancer digestif de type pancréatique ou gastrique (81).
30
En raison du risque particulièrement élevé de la MVTE à l’occasion d’une chirurgie
pour cancer digestif, une thromboprophylaxie périopératoire s’avère indispensable. Dans ce
qui va suivre, nous allons revoir quelques aspects de thromboprophylaxie tels que décrits par
certaines sociétés savantes.
III. Schémas de thromboprophylaxie périopératoire
Sachant que le risque thromboembolique est particulièrement élevé en présence d’une
pathologie néoplasique, à fortiori quand une intervention chirurgicale est requise, la
prévention de ces complications thromboemboliques passerait par une thromboprophylaxie
périopératoire efficace. Divers protocoles de thromboprophylaxie périopératoire en matière de
chirurgie carcinologique sont proposés dans la littérature. Dans ce qui va suivre nous allons
axer sur les protocoles de thromboprophylaxie périopératoire en chirurgie digestive
carcinologique, tels que proposés par certaines sociétés savantes.
1. Recommandations de la SFAR (société française d’anesthésie réanimation)
En 2005, des recommandations pour la pratique clinique, relatives à la prévention de la
maladie thromboembolique veineuse périopératoire et obstétricale ont été proposées par la
SFAR (société française d’anesthésie réanimation) (6). Et l’on rappelle que l’on a défini
quatre grades de recommandations A, B, C et D selon le niveau de preuves scientifiques. Les
grades A, B, C et D étaient associés respectivement à une preuve scientifique établie, une
présomption scientifique, un niveau de preuve faible et à un accord professionnel (6). Outre
les facteurs de risque liés à l’intervention chirurgicale, on distinguait des facteurs de risque de
thrombose, liés au patient .
31
Tableau IV: Facteurs de risque de thrombose propres au patient.
Indépendamment de la nature de l’intervention chirurgicale, il importe de remarquer
que le cancer et le traitement du cancer (hormonothérapie, chimiothérapie, radiothérapie) font
partie des facteurs de risque de thrombose liés au patient. Si l’on exclut le risque lié au
patient, le risque thromboembolique chirurgical est considéré comme élevé pour la chirurgie
abdominale majeure. Celle-ci englobe, entre autres, la chirurgie pour pathologie cancéreuse
du tube digestif (6). En effet, le risque global d’événements thromboemboliques objectivés
par des examens complémentaires en chirurgie carcinologique est de 30% en l’absence de
prophylaxie (6). Dans le cas particulier de la chirurgie colorectale, ce risque atteint 35%, avec
3% de cas d’embolies pulmonaires mortelles. En chirurgie œsophagienne, l’incidence des
embolies pulmonaires serait de 2.5%, dont 25% de cas d’embolies mortelles.
Pour la prévention du risque thromboembolique, il était recommandé de prescrire les
HBPM en première intention (en l’absence d’insuffisance rénale) à des posologies pour risque
élevé (Recommandation de grade A) (6)
32
Tableau V: Modes d’administration de l’héparines calcique et des HBPM en chirurgie
(6).
Ces recommandations étaient basées sur les résultats d’études ayant montré une
réduction de l’incidence des événements thromboemboliques phlébographiques et cliniques
de 72% chez les patients traités par HBPM comparés au placebo (6). Par ailleurs, comparés à
l’HNF, les résultats relatifs à la réduction du risque de thromboses veineuses profondes
paracliniques et cliniques et du risque hémorragique étaient tous en faveur des HBPM (6).
En cas de contre-indication aux HBPM ou à l’HNF, il était recommandé d’utiliser le
danaparoïde sodique (Orgaran ®) comme alternative (recommandation de grade B).
Pour ce qui est des moyens mécaniques, la contention élastique semblait réduire
l’incidence des évènements thromboemboliques paracliniques de 66%. Cette incidence était
réduite de 72% quand la contention élastique était associée au traitement médical, comparée
au seul traitement médical (6). Ainsi, il était recommandé d’utiliser la contention élastique en
cas de contre-indication aux traitements anticoagulants (recommandation de grade A) et en
association avec le traitement médical (recommandation de grade B). La compression
pneumatique intermittente seule ou en complément d’une prophylaxie médicamenteuse ne
semblait pas faire la preuve de son efficacité en matière de chirurgie digestive (6).
33
Pour ce qui est de l´heure de l’administration de la thromboprophylaxie, il n’y avait pas
d’argument pour privilégier le début de la prophylaxie avant ou après l’intervention
chirurgicale. Quant à la durée de thromboprophylaxie en chirurgie digestive carcinologique, il
était proposé de recommander une prophylaxie prolongée ( recommandation de grade A ) (6).
La prolongation de la durée de la thromboprophylaxie à un mois après la chirurgie
semblait réduire de 50% les évènements thromboemboliques paracliniques, sans majoration
du risque hémorragique (6).
Dans le tableau V11, sont résumés les schémas de thromboprophylaxie périopératoire
recommandés, dans le cas général de chirurgie digestive (6).
Tableau VI: Schémas de thromboprophylaxie périopératoire recommandés, dans le cas
général de chirurgie digestive
34
En 2011, la même société savante (SFAR) a émis une actualisation des
recommandations en matière de prévention de la maladie thromboembolique veineuse
postopératoire (82). Les recommandations étaient basées sur la méthode GRADE :
Grade 1+ (recommandation forte positive) : il est recommandé de prescrire ;
Grade 2+ (recommandation optionnelle positive) : il faut probablement prescrire ;
Grade 1- (recommandation forte négative) : il est recommandé de ne pas prescrire ;
Grade 2- (recommandation optionnelle négative) : il faut probablement ne pas
prescrire.
Comme en 2005, les recommandations concernant le type et la durée de la
thromboprophylaxie pharmacologique s’appliquaient à un groupe de patients sur la base
d’une chirurgie. Lorsque le risque de MVTE lié à la chirurgie est élevé, la recommandation de
prévenir la MVTE s’applique quels que soient les facteurs de risque de MVTE liés au patient.
Quand le risque lié à la chirurgie est faible, une stratégie personnalisée est appliquée en tenant
compte des facteurs de risque de MVTE liés au patient. Et là aussi, on remarquera que la
présence d’une pathologie néoplasique fait partie des facteurs qui augmentent
significativement le risque de MVTE, indépendamment de la chirurgie (82).
Comme en 2005, quel que soit le facteur de risque de MVTE lié au patient, il est
recommandé de réaliser une thromboprophylaxie après une chirurgie abdominale
carcinologique (recommandation de grade 1+ ) (82).
Pour ce qui est des moyens de thromboprophylaxie pharmacologique, il est
recommandé de prescrire des HBPM à dose élevée (AMM) ou du fondaparinux à la dose de
2,5 mg/j (recommandation de grade 1+ ) (82).
Il est par ailleurs recommandé de prolonger la durée de la thromboprophylaxie pendant
un mois après une chirurgie majeure abdomino-pelvienne (recommandation de grade 1+)
(82).
Dans le tableau V111, sont résumés les schémas de thromboprophylaxie périopératoire
recommandés dans le cas général de chirurgie digestive(82).
35
Tableau VII: Thromboprophylaxie en chirurgie digestive.
36
2. Recommandations de l’ACCP (American College of Chest Physicians):
Les aspects de thromboprophylaxie recommandés par l’ACCP reposent sur la nature
de l’intervention chirurgicale et sur l’évaluation du risque thrombotique, par le score de
Caprini (83).
Dans le cas particulier de la chirurgie générale et de la chirurgie abdomino-pelvienne,
avec un risque élevé de complications thrombotiques (score de Caprini ≥ 5), il est
recommandé d’utiliser une thromboprophylaxie pharmacologique à base d’HBPM (Grade 1B)
ou d’HNF (grade 1B) (83) . Il est également suggéré d’y associer des moyens mécaniques à
type de contention élastique ou de compression mécanique intermittente (grade 2C ) (83).
En cas de contre-indication à l’usage de l’HBPM ou d’HNF, il est recommandé
d’utiliser de faibles doses d’aspirine (grade 2 C) , le fondaparinux ( grade 2 C ), ou des
moyens mécaniques ( de préférence la compression pneumatique intermittente) (grade 2 C )
(83).
Enfin, pour ce qui est de la durée de thromboprophylaxie en cas de chirurgie abdomino-
pelvienne pour cancer, il est recommandé d’utiliser une HBPM durant 4 semaines (83).
Dans le tableau 1X, sont résumées les recommandations proposées par l’ACCP en
matière de thromboprophylaxie dans différents groupes de risques, notamment en cas de
chirurgie pour cancer.(83)
Tableau VIII: Thromboprophylaxie dans différents groupes de risque.
Abbreviation: ES=elastic stockings; IPC = intermittent pneumatic compression; LDUH
= low-dose unfractionated heparin; LMWH=low-molecular-weight heparin; VTE= venous
thromboembolism
37
3. Recommandations internationales spécifiques aux patients atteints de
cancer
Il s’agit de recommandations de pratiques cliniques pour le traitement et la prévention
de la MVTE chez les patients présentant une pathologie néoplasique, établies par le groupe
ITAC (The international Initiative on Thrombosis and Cancer) et approuvées par l’ISTH
(International Society on Thrombosis and Haemostasis ).
Les premières recommandations ont été établie en 2013 et les dernières en 2019
(84)(85). Les dernières recommandations relatives à la thromboprophylaxie périopératoire
sont représentés dans le tableau 1X (84).
Et l’on peut remarquer que ces recommandations rejoignent celles établies par l’ACCP
en matière de la nature et de la durée de la thromboprophylaxie périopératoire. Les scores
d’évaluation du risque thrombotique sont toutefois spécifiques, dans ce cas, dérivant pour la
plupart du score de khorana
Par ailleurs, il est recommandé par le groupe ITAC de démarrer la thromboprophylaxie
2 à 12 h avant la chirurgie, et de la prolonger durant 4 semaine en cas de chirurgie abdominale
majeure pour cancer (84).
38
Tableau IX: Les dernières recommandations relatives à la thromboprophylaxie
périopératoire
39
Dans notre étude, 100 patients opérés pour pathologie carcinologique digestive ont été
enrôlés. L’âge moyen des patients était de 59 ans. La majorité des patients (2/3) étaient de
classe ASA1. Les cancers digestifs ayant requis l’intervention dans notre étude étaient
dominés par les cancers colorectaux (38%), suivis par le cancer du pancréas et de
l’ampullome vatérien (22%) et par le cancer gastrique (20%). Le reste des cancers digestifs
étaient repartis comme suit :
Cancer du foie et des voies biliaires (16%) ;
Cancer du grêle (3%) ;
Cancer de l’œsophage (1%).
La durée des interventions chirurgicales était en moyenne de six heures.
Par ailleurs, sachant que tous les malades ont été opérés pour cancer (digestif), le risque
de MVTE périopératoire étaient élevé. De même, tous les patients avaient un score de
Caprini ≥ 5. Par conséquent, l’indication de la thromboprophylaxie périopératoire était
formelle.
Conformément aux recommandations en la matière, tous les patients ont bénéficié d’une
thromboprophylaxie périopératoire, à l’exception d’un patient ayant présenté des
complications hémorragiques postopératoires. Dans tous les cas, c’était une
thromboprophylaxie pharmacologique à base d’enoxaparine à dose élevée (40 mg/j). Cette
attitude semble en adéquation avec les recommandations internationales, même si la
thromboprophylaxie pharmacologique n’a pas été associée aux moyens mécaniques.
Par ailleurs, chez le patient ayant presenté des complications hémorragiques, le choix
avait porté sur l’usage de moyens mécaniques à type de contention élastique, alors qu’il est
plutôt recommandé d’utiliser la compression pneumatique intermittente (CPI).
Pour ce qui est de l’heure d’administration de la thromboprophylaxie, tous les patients,
inclus dans l’étude ont reçu une thromboprophylaxie en postopératoire. Si cette attitude
semble en adéquation avec les recommandations émises par certaines sociétés savantes,
notamment la SFAR, elle ne semble pas être en conformité avec celles émises par le groupe
ITAC, qui propose une thromboprophylaxie préopératoire.
Pour ce qui est de la durée de la thromboprophylaxie, on peut remarquer qu’elle était
limitée à neuf jours ( en moyenne) dans notre étude, alors qu’elle devait être prolongée à un
mois. Cela représente une inadéquation totale avec les recommandations en matière de
thromboprophylaxie chez les patients opérés d’une chirurgie digestive carcinologique.
40
Au total, les résultats de notre étude ont montré que s’il y a une concordance de nos
pratiques de thromboprophylaxie chez les patients opérés d’une chirurgie digestive
carcinologique avec les recommandations internationales 150 en matière d’indication et de
choix des moyens de thromboprophylaxie (dose et molécule), il y a une inadéquation totale en
matière de la durée de la thromboprophylaxie périopératoire. Cette attitude est de nature à ne
pas réduire le risque de complications thromboembolique postopératoires, qui pour rappel,
représentait la première cause de mortalité durant les 30 premiers jours qui suivent une
chirurgie carcinologique (86)(71).
Les recommandations du groupe ITAC en matière de durée de thromboprophylaxie (se
devant d’être prolongé à 4 semaines) étaient basées sur les résultats de diverses méta-
analyses qui avaient montré une réduction significative du risque de complications
thromboemboliques après quatre semaine de prophylaxie (87)(88)(89)(90), sans majoration
du risque hémorragique.
Diverses études qui se sont intéressés aux respect des recommandations en matière de
thromboprophylaxie ont montré des résultats très contradictoires, décevant pour la plupart
d’entre eux.
Dans l’étude ENDORSE (91), les auteurs ont mené une étude multinationale pour
évaluer le degré d’adéquation de la thromboprophylaxie avec les recommandations émises par
l’ACCP. Cette étude avait porté sur 68 183 patients, répartis en milieu chirurgical (45%) et
médical (55%). Cette étude a montré un pourcentage d’adhésion aux recommandations de
58,5% dans le milieu chirurgical et de 39,5% dans le milieu médical (91).
Dans une étude prospective à propos de 120 cas de chirurgie abdominopelvienne pour
cancer, Vasquez et al. (92) ont analysé la durée de la thromboprophylaxie périopératoire. Les
auteurs ont analysé deux groupes de 60 patient chacun, avant et après l’implémentation d’un
protocole de thromboprophylaxie élargissant la durée de la thromboprophylaxie à 28 jours.
Parmi les 60 patients opérés avant l’implémentation du protocole de thromboprophylaxie,
aucun patient n’a reçu de thromboprophylaxie prolongée (28jours). Parmi les patient opérés
après l’implémentation du protocole de thromboprophylaxie, seulement 13 patients, soit
21,6% ont reçu une thromboprophylaxie prolongée (28 jours), tous opérés d’un cancer
colorectal.
Dans une étude multicentrique à propos de 2 967 cas de chirurgie digestive pour cancer,
Krell et al. (93) ont évalué les aspect de la thromboprophylaxie périopératoire et leurs
41
adéquations avec les recommandations en la matière. Les auteurs ont montré que seulement
40,4% des patients ont bénéficié d’une thromboprophylaxie périopératoire et que dans 25,3%
des cas, la thromboprophylaxie était inadéquate, soit en raison d’une dose insuffisante de la
molécule utilisée, soit en raison d’une durée insuffisante de la thromboprophylaxie (93).
Récemment Zipple et al. (94) ont analysé le degré d’adhésion aux recommandations de
l’ACCP en matière de thromboprophylaxie chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie
abdomino-pelvienne pour cancer. Les auteurs ont retrouvés un taux de prescription de
thromboprophylaxie périopératoire de 93,7%. La durée de la thromboprophylaxie était
cependant prolongée que dans 4,5% des cas (94).
Les résultats des enquêtes sus-citées montrent bien, à l’instar de nos résultats, que les
pourcentages d’adhésion aux recommandations internationales en matière de
thromboprophylaxie périopératoire de façon générale et chez les malades opérés pour cancer
digestif en particulier demeurent très faibles. Cela dénote d’une très mauvaise appréhension
du risque thromboembolique périopératoire.1 Par conséquent, dans la perspective de mieux
appréhender le risque thrombotique en milieu chirurgical, notamment en chirurgie digestive
carcinologique, on pourrait proposer les éléments suivants :
Sensibiliser davantage le corps médical et paramédical quant au risque
thromboembolique périopératoire ;
Sensibiliser le corps soignant quant à la nécessité d’adhérer aux recommandations
émises par les sociétés savantes en matière de thromboprophylaxie périopératoire ;
Rappeler l’intérêt des moyens mécaniques de thromboprophylaxie en association avec
les moyens pharmacologiques ;
Sensibiliser le corps médical à la stricte nécessité de prolonger la durée de la
thromboprophylaxie périopératoire notamment en cas de chirurgie digestive carcinologique ;
Implémenter des protocoles de thromboprophylaxie consensuels, pour qu’ils soient
suivis à large échelle.
42
Conclusion
43
Le risque thromboembolique est particulièrement élevé en périopératoire, à fortiori
quand il s’agit d’une intervention pour cancer, notamment digestif.
Dans l’objectif d’appréhender le risque thromboembolique dans cette populations de
patients, les sociétés savantes internationales ont émis des recommandations en matière de
thrombpoprophylaxie périopératoire. L’adhésion à ces recommandations demeure toutefois
très faible.
Cela est corroboré par des résultats de notre étude qui ont montré une totale
inadéquation avec les recommandations émises, spécialement en matière de la durée de la
thromboprophylaxie périopératoire qui se trouve très limitée dans notre contexte.
44
Résumés
45
Résumé
Titre : Enquête sur la thromboprophylaxie en chirurgie digestive carcinologique (Étude
rétrospective à propos de 100 cas).
Auteur : achraf moudden
Directeur de thèse : Professeur El Hijri Ahmed.
Mots-clés : Thromboprophylaxie – Cancer– Chirurgie digestive.
Objectif : Analyse et évaluation de la thromboprophylaxie périopératoire en chirurgie
digestive carcinologique et vérification de son adéquation avec les recommandations
internationales.
Introduction : La chirurgie digestive carcinologique représente un risque élevé de
maladie thromboembolique veineuse, responsable d’une morbi-mortalité élevée. Les sociétés
savantes ont contribué à l’élaboration de guides pratiques. Cependant, ces derniers demeurent
insuffisamment utilisés.
Matériels et méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 100 cas étalée
sur une période de quatorze mois (1 Octobre 2018 - 31 Décembre 2019). L’étude a intéressé
les patients hospitalisés dans le service de réanimation chirurgicale et les services de
chirurgies viscérales au CHU Avicenne de Rabat.
Résultats : Cent patients ont été inclus dans notre étude, dont 51 hommes et 49
femmes. Leur âge moyen était de 59 ans.
Le cancer colorectal est le plus représenté (38 cas) suivi du cancer du pancréas et de
l’ampoule de Vater (22 cas) et du cancer de l’estomac (20 cas).
L’adénocarcinome était le type histologique prépondérant (80 cas).
Sept patients seulement ont bénéficié d’une chimiothérapie néoadjuvante.
La thromboprophylaxie médicamenteuse a intéressé 99 patients. Elle a été démarrée
chez tous les patients en postopératoire.
La molécule utilisée était l’Enoxaparine (99 patients).
La durée moyenne de la thromboprophylaxie était de neuf jours.
Discussion-Conclusion : Notre étude a mis en évidence l’inadéquation de la
thromboprophylaxie périopératoire en chirurgie digestive carcinologique avec les
recommandations internationales, essentiellement en matière de la durée de la
thromboprophylaxie qui est très raccourcie.
Une sensibilisation du corps médical quant à l’observation stricte des recommandations
et à l’élaboration de protocoles s’avère primordiale dans notre contexte.
46
Abstract
Title: Evaluation of thromboprophylaxis in oncologic digestive surgery patients
(Retrospective study of 100 cases).
Author: achraf moudden
Thesis Director: Professor El Hijri Ahmed.
Keywords: Thromboprophylaxis – Cancer – Digestive surgery.
Objective: Analysis and evaluation of perioperative thromboprophylaxis in oncologic
digestive surgery and assessment of its adequacy with the latest international
recommendations.
Introduction: Oncologic digestive surgery is a risk factor for venous
thromboembolism, responsible for high morbidity and mortality rates. Scientific professional
societies have established practical guidelines in order to prevent thrombophlebitis. However,
many physicians and healthcare facilities still do not follow them.
Materials and methods: This is a retrospective study including 100 patients
hospitalized in the surgical intensive care unit and visceral surgery services at the Ibn Sina
University Hospital in Rabat over a 14-month period (from October 1, 2018 to December 31,
2019).
Results: 51 men and 49 women were included. Their average age was 59 years.
Colorectal cancer is the most represented (38 cases) followed by pancreatic and ampulla
of Vater cancer (22 cases) and stomach cancer (20 cases).
Adenocarcinoma was the predominant histological type (80 cases).
Only seven patients received neo-adjuvant chemotherapy.
Pharmacological thromboprophylaxis was used in 99 patients. It was started post-
operatively in all of them.
The molecule used was Enoxaparin (99 patients).
The average duration of administration was 9 days.
Discussion-Conclusion: Our study highlighted the inadequacy of perioperative
thromboprophylaxis in oncologic digestive surgery regarding international recommendations,
especially concerning the duration of treatment that was very short.
Raising the awareness of the healthcare committees as to the strict observance of
recommendations and the development of protocols proves to be of paramount importance in
our context.
47
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