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34 pratique suivi officinal Actualités pharmaceutiques n° 509 Octobre 2011 L’hypertension artérielle représente un facteur de risque majeur de la pathologie cardiovasculaire. Le pharmacien doit s’assurer de la bonne surveillance de la pression artérielle et rappeler régulièrement les règles hygiéno- diététiques essentielles. L’ hypertension artérielle est la plus fréquente des affections cardio- vasculaires. Il s’agit également de l’un des principaux motifs de consul- tation chez les médecins généralistes. Elle touche environ 15 % de la popula- tion française, soit près de 8 millions de personnes. Plus de 67 % des hypertendus ont entre 65 et 74 ans. Expliquer brièvement la maladie La pression artérielle (PA) correspond au produit de la résistance des artères et du débit cardiaque. Le sang propulsé par le cœur dans les artères exerce une pression sur leur paroi. Cette pression (ou tension) artérielle peut être mesurée. Deux valeurs rendent compte de cette tension, exprimée en mmHg ou en cmHg : la pression systolique (PAS), qui corres- pond à la pression exercée dans les artères au moment où le cœur se contracte (systole) et éjecte le sang dans le réseau artériel ; – la pression diastolique (PAD), qui corres- pond à la pression exercée dans les artères au moment où le cœur se dilate (diastole) et se remplit, entre deux contractions. En pratique, une tension annoncée de 12/8 correspond à une PAS de 120 mmHg et une PAD de 80 mmHg. La PA varie en fonction de plusieurs para- mètres : la localisation puisque, mesurée au niveau du bras, elle est proche de celle de l’aorte, le temps et, enfin, l’âge du patient, avec lequel elle croît. Elle subit aussi des variations sur 24 heures : elle est plus élevée en période d’activité que durant le sommeil ou le repos. Elle fluctue aussi à court terme, selon les émotions et la fréquence respiratoire. L’hypertension artérielle (HTA) est dite “essentielle” lorsqu’elle est d’origine incon- nue (90 % des cas) et “secondaire” quand elle survient dans le cadre d’une maladie (pathologie rénale, hyperaldostéronisme, phéochromocytome) et/ou d’un traitement médicamenteux (iatrogénie). Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’HTA correspond à une PAS > 140 mmHg et/ou une PAD > 90 mmHg. Pour un individu donné, la PA ne corres- pond pas un chiffre stable. Des symptômes peu spécifiques peuvent annoncer une HTA : des céphalées, des bourdonnements d’oreille, une sensation de “mouches volantes”, des hémorragies sous- conjonctivales et des épistaxis répétés. Mais le diagnostic repose essentiellement sur une série de mesures de la PA. La mesure de la pression artérielle s’effectue selon plusieurs modalités. Au cabinet médical, le praticien réalise au minimum deux mesures par consulta- tion (pour apprécier la variabilité de la PA), dont une à chaque bras lors de la première visite. Il doit utiliser un appareil validé, un brassard adapté à la taille du bras et placé sur le plan du cœur. La mesure est effec- tuée sur un patient en position couchée ou assise depuis plus de 5 minutes (méthode auscultatoire à l’aide d’un stéthoscope posé sur le passage de l’artère humérale). L’automesure au domicile est de plus en plus recommandée. Elle est indiquée, d’une part, afin de confirmer le diagnostic d’une HTA et, d’autre part, dans la surveillance de la pathologie. Elle permet également le suivi à long terme des patients présentant une HTA liée à “l’effet blouse blanche”. Elle doit donc être effectuée chez tout sujet suspecté d’HTA avant la mise en place d’un traitement antihypertenseur, mais doit également être envisagée chez tous les patients traités afin de mieux contrôler la maladie et d’obtenir une meilleure obser- vance des traitements. L’automesure doit être effectuée à l’aide d’appareils automatiques, validés par l’Agence française de sécurité sani- taire des produits de santé (Afssaps) 1 . Les tensiomètres avec brassard adaptable au poignet sont les plus pratiques, mais nécessitent quelques recommandations d’utilisation afin que les résultats soient les plus justes possibles. Cependant, Importance de la surveillance de la pression artérielle et du respect des règles hygiéno-diététiques chez l’hypertendu © Fotolia.com/Aaron Chen L’effet “blouse blanche” Certains patients voient leur pression artérielle (PA) s’élever artificiellement lorsqu’ils se retrouvent dans un cabinet médical. Ce phénomène, appelé l’effet “blouse blanche”, est défini par une PA au cabinet > 140/90 mmHg, alors que sa mesure réalisée en ambulatoire est < 135/85 mmHg. Il est ainsi toujours recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical afin de s’assurer de la permanence de l’hypertension artérielle (HTA) avant d’instaurer tout traitement médicamenteux. Cette “HTA de la blouse blanche” rend tout de même nécessaire une surveillance annuelle.

Importance de la surveillance de la pression artérielle et du respect des règles hygiéno-diététiques chez l’hypertendu

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34pratique

suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 509 Octobre 2011

L’hypertension artérielle

représente un facteur de risque

majeur de la pathologie

cardiovasculaire. Le pharmacien

doit s’assurer de la bonne

surveillance de la pression

artérielle et rappeler

régulièrement les règles hygiéno-

diététiques essentielles.

L’hypertension artérielle est la plus fréquente des affections cardio-vasculaires. Il s’agit également

de l’un des principaux motifs de consul-tation chez les médecins généralistes. Elle touche environ 15 % de la popula-tion française, soit près de 8 millions de personnes. Plus de 67 % des hypertendus ont entre 65 et 74 ans.

Expliquer brièvement la maladie La pression artérielle (PA) correspond

au produit de la résistance des artères et du débit cardiaque. Le sang propulsé par le cœur dans les artères exerce une pression sur leur paroi. Cette pression (ou tension) artérielle peut être mesurée. Deux valeurs rendent compte de cette tension , exprimée en mmHg ou en cmHg :– la pression systolique (PAS), qui corres-pond à la pression exercée dans les artères au moment où le cœur se contracte (systole) et éjecte le sang dans le réseau artériel ;– la pression diastolique (PAD), qui corres-pond à la pression exercée dans les artères au moment où le cœur se dilate (diastole) et se remplit, entre deux contractions.En pratique, une tension annoncée de 12/8 correspond à une PAS de 120 mmHg et une PAD de 80 mmHg.La PA varie en fonction de plusieurs para-mètres : la localisation puisque, mesurée au niveau du bras, elle est proche de celle de l’aorte, le temps et, enfin, l’âge du patient, avec lequel elle croît. Elle subit aussi des variations sur 24 heures : elle

est plus élevée en période d’activité que durant le sommeil ou le repos. Elle fluctue aussi à court terme, selon les émotions et la fréquence respiratoire. L’hypertension artérielle (HTA) est dite

“essentielle” lorsqu’elle est d’origine incon-nue (90 % des cas) et “secondaire” quand elle survient dans le cadre d’une maladie (pathologie rénale, hyperaldostéronisme, phéochromocytome) et/ou d’un traitement médicamenteux (iatrogénie).Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’HTA correspond à une PAS > 140 mmHg et/ou une PAD > 90 mmHg. Pour un individu donné, la PA ne corres-pond pas un chiffre stable.Des symptômes peu spécifiques peuvent annoncer une HTA : des céphalées, des bourdonnements d’oreille, une sensation de “mouches volantes”, des hémorragies sous-conjonctivales et des épistaxis répétés.Mais le diagnostic repose essentiellement sur une série de mesures de la PA. La mesure de la pression artérielle

s’effectue selon plusieurs modalités.Au cabinet médical, le praticien réalise au minimum deux mesures par consulta-tion (pour apprécier la variabilité de la PA), dont une à chaque bras lors de la première visite. Il doit utiliser un appareil validé, un brassard adapté à la taille du bras et placé sur le plan du cœur. La mesure est effec-tuée sur un patient en position couchée ou assise depuis plus de 5 minutes (méthode auscultatoire à l’aide d’un stétho scope posé sur le passage de l’artère humérale).L’automesure au domicile est de plus en plus recommandée. Elle est indiquée, d’une part, afin de confirmer le diagnostic d’une

HTA et, d’autre part, dans la surveillance de la pathologie. Elle permet également le suivi à long terme des patients présentant une HTA liée à “l’effet blouse blanche”. Elle doit donc être effectuée chez tout sujet suspecté d’HTA avant la mise en place d’un traitement antihypertenseur, mais doit également être envisagée chez tous les patients traités afin de mieux contrôler la maladie et d’obtenir une meilleure obser-vance des traitements.L’automesure doit être effectuée à l’aide d’appareils automatiques, validés par l’Agence française de sécurité sani-taire des produits de santé (Afssaps)1. Les tensio mètres avec brassard adaptable au poignet sont les plus pratiques, mais nécessitent quelques recommandations d’utilisation afin que les résultats soient les plus justes possibles. Cependant,

Importance de la surveillance de la pression artérielle

et du respect des règles hygiéno-diététiques chez l’hypertendu

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L’effet “blouse blanche”Certains patients voient leur pression artérielle (PA) s’élever artificiellement lorsqu’ils se retrouvent

dans un cabinet médical. Ce phénomène, appelé l’effet “blouse blanche”, est défini par une PA au cabinet

> 140/90 mmHg, alors que sa mesure réalisée en ambulatoire est < 135/85 mmHg.

Il est ainsi toujours recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical afin de s’assurer

de la permanence de l’hypertension artérielle (HTA) avant d’instaurer tout traitement médicamenteux.

Cette “HTA de la blouse blanche” rend tout de même nécessaire une surveillance annuelle.

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suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 509 Octobre 2011

l’automesure réalisée avec un appareil équipé d’un brassard huméral est consi-dérée comme étant la plus fiable.Avec un appareil d’automesure, il est question d’HTA dès lors que la PA est supérieure à 135-85 mmHg.Les mesures doivent être effectuées dans le calme, après un repos de 5 minutes, le poignet se trouvant à hauteur du cœur, et à heures régulières, de préférence le matin, avant le petit-déjeuner et la prise de médicaments, et/ou le soir au coucher . Il est conseillé de les répéter deux ou trois fois à 1 minute d’intervalle, pendant 3 jours. Cette fréquence peut cependant varier d’une à plusieurs fois par semaine en fonction de la sévérité de l’HTA et de la nécessité de réajuster les traitements anti hypertenseurs. Chaque résultat doit être noté sur un carnet de suivi afin que le médecin traitant puisse analyser la situation.Il est déconseillé de réaliser les mesu-res dans un environnement bruyant, après un exercice physique intense, en fumant, en parlant ou en marchant. L’auto mesure est également déconseillée chez les patients anxieux et stressés, en cas d’arythmies, chez la femme enceinte et chez l’enfant.La mesure ambulatoire de la pression

artérielle (MAPA ou Holter tensionnel) est réalisée avec un appareil portatif qui effectue plusieurs mesures sur 24 heures. Elle doit comprendre environ 70 valeurs interprétables. Son analyse repose sur la moyenne des PAS et PAD enregistrées sur 24 heures, de jour comme de nuit. La MAPA est indiquée : avant de débuter un traitement, en cas d’HTA résistante, afin d’évaluer la variation de la PA, la nuit par exemple, pour rechercher une variabilité inhabituelle de la tension, et dans les cas où l’automesure n’est pas réalisable.L’automesure et la MAPA viennent en complément de la mesure habituelle de la tension artérielle (TA) au cabinet du méde-cin, afin d’éviter des erreurs de diagnostic par excès ou par défaut, et de s’assurer que l’HTA est bien permanente.Enfin, la tension peut également être mesurée à l’effort, sur un vélo ou un tapis roulant, au fur et à mesure de la difficulté de l’exercice.

Décrire les facteurs de risque Une surcharge pondérale multiplie

par 2 chez les hommes et 1,5 chez les femmes le risque d’être hypertendu, et l’obésité, respectivement, par 5 et 3. Une consommation d’alcool supé-

rieure à 3 verres par jour multiplie les risques par 2. Les antécédents familiaux, le stress,

le tabagisme, l’âge, la présence de

diabè te ou d’une dyslipidémie sont autant de facteurs à prendre en compte. Certains médicaments ou toxiques

(réglisse, vasoconstricteurs, estropro-gestatifs, cortisone, anti-inflammatoires non stéroïdiens, bicarbonate de sodium, formes effervescentes) sont également incriminés.

Rappeler les règles hygiéno-diététiques Les conseils diététiques sont essentiels.

La première mesure à adopter est de dimi-nuer la consommation en sel (5 à 6 g/jour) ou d’utiliser des sels de régime contenant du chlorure de potassium, dont il faut néan-moins limiter l’utilisation en cas de traite-ment par diurétiques hyper kaliémiants ou inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Il est important d’apprendre à cuisiner sans sel, de ne pas en ajouter à table et de suppri-mer les aliments qui en sont riches (char-cuteries, fromages, conserves de viandes, de poissons et de légumes, plats cuisinés et soupes industrielles, chips et autres gâteaux apéritifs, condiments). De même, l’hypertendu doit privilégier les eaux gazeu-ses sans sel (Perrier®, Salvetat®, Vittelloise®) et éviter les formes effervescentes des médicaments riches en sodium.Maintenir l’indice de masse corporelle (IMC) en dessous de 25 kg/m2 ou diminuer de 10 % son poids initial permet de faire baisser la TA. Il est également important de limiter la consommation d’alcool à moins

de 3 verres de vin ou équivalent par jour chez un homme et de 2 verres de vin ou équivalent par jour chez une femme.Le régime alimentaire doit être riche en fruits et légumes, en produits laitiers à faible teneur en matières grasses, en fibres ali-mentaires, en protéines végétales, et pauvre en acides gras saturés (graisses animales). Enfin, l’arrêt du tabac doit être envisagé en proposant un sevrage tabagique adapté. L’activité physique d’intensité modé-

rée (marche, jogging, vélo, natation…) est recommandée, à raison de 30 à 60 minutes par jour, 4 à 7 jours par semaine. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

[email protected]

Référence1. Agence française de sécurité sanitaire des produits

de santé (Afssaps). Liste des autotensiomètres

enregistrés dans le cadre de la surveillance

du marché. www.afssaps.fr/Dossiers-thematiques/

Appareils-d-automesure-tensionnelle/Liste-des-

autotensiometres-enregistres-dans-le-cadre-de-la-

surveillance-du-marche/(offset)/1

Pour en savoir plusGirerd X, Digeos-Hasnier S, Le Heuzey JY. Guide

pratique de l’hypertension artérielle. Masson; 2005.

Haute Autorité de santé (HAS). Prise en charge

des patients adultes atteints d’HTA essentielle.

Recommandations, actualisation; 2005: 12-3.

Comité de lutte contre l’HTA. Je suis hypertendu

et je me soigne ! Informations et conseils du Comité

français de lutte contre l’HTA/Fédération française

de cardiologie, 2005. www.bmsfrance.fr/IMG/pdf/

HTA_jemesoigne.pdf

Mounier-Vehier C, Amah G, Covillard J. Prise en

charge de l’HTA essentielle et du niveau de risque

cardiovasculaire : Enquête nationale PHENOMEN.

Arch Mal Cœur Vaiss. 2002; 95: 667-72.

Lullmann H, Mohr K, Hein L. Atlas de poche de

pharmacologie. Flammarion Médecine-sciences; 2010.

Postel-Vinay N. Comité d’éducation sanitaire et

sociale de la pharmacie française. L’hypertension

artérielle. Fiche technique; janvier 2006.

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Réglisse et hypertensionLa glycyrrhizine est une substance active contenue dans la racine de réglisse. Elle agit en inhibant

une enzyme normalement présente dans certaines cellules du rein pour métaboliser le cortisol en cortisone

afin de laisser l’aldostérone réguler la réabsorption du sodium. Cette inactivation de l’enzyme bloque

l’élimination urinaire du sodium, ce qui provoque une augmentation de la tension artérielle. Elle augmente

également les pertes de potassium. L’intoxication est néanmoins provoquée par une consommation

abondante de glycyrrhizine (> 1 g/jour), de boissons à base de réglisse (pastis sans alcool, antésite),

de certaines gommes pour le sevrage tabagique, de bâtons de réglisse, de pastilles ou de bonbons (Zan…).

La consommation de réglisse n’est donc pas recommandée chez les patients hypertendus.