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K Photos Patrice SAUCOURT K En deux heures, dans la nuit du 21 au 22 mai 2012, 103 litres d’eau au m² ont submergé l’agglomération nancéienne, faisant d’énormes dégâts matériels et psychologiques. En témoigne Nathalie Volpi à Essey-lès-Nancy, qui un an après, commence à retrouver le sourire grâce au soutien d’amis, parmi lesquels Quentin, présent dès le premier jour. Le rez-de-chaussée de sa maison avait été ravagé par 1,4 m d’eau et de boue. Depuis un an, elle essaye de « sortir la tête de l’eau ».

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KPhotosPatriceSAUCOURT

K En deux heures, dans la nuit du 21 au 22 mai 2012, 103 litres d’eau au m² ont submergé l’agglomération nancéienne, faisant d’énormes dégâts matériels et psychologiques. En témoigne Nathalie Volpi à Essey­lès­Nancy, qui un an après,

commence à retrouver le sourire grâce au soutien d’amis, parmi lesquels Quentin, présent dès le premier jour. Le rez­de­chaussée de sa maison avait été ravagé par 1,4 m d’eau et de boue. Depuis un an, elle essaye de « sortir la tête de l’eau ».

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K Mardi 22 mai 2012, 3 h du matin, des torrents d’eau dévalent la rue Kennedy à Saint­Max.

Essey­lès­Nancy Le Grémillon va faire l’objet d’études. Et de nouvelles contraintes sontdésormais imposées lors du dépôt de permis de construire

Tirer les leçonsDEUX CENT CINQUANTEfamilles reçues, plus de centdemandes d’aides financiè­res d’urgence, trente­troisfoyers à reloger, l’école ma­ternelle Sonia­Delaunay en­vahie par les eaux… Il y a unan, Essey­lès­Nancy vivaitun véritable cauchemar. Et sila rue du Général­De­Gaullea particulièrement souffert,le lotissement le Clos Fleuri,rue du 8­Mai­1945, a payé unlourd tribut avec douze mai­sons sinistrées. « Lorsque je

suis arrivé sur place, c’étaitl’apocalypse. Au Clos Fleuri,le merlon antibruit a agi com­me une digue et a retenul’eau. Il y avait des gamins quisemblaient perdus, les adul­tes étaient abasourdis », sesouvient Jean­Paul Monin, lemaire de la commune. « Lesplaies ont été pansées pro­gressivement, même si cer­tains habitants, traumatisés,ont préféré ne pas revenir etvendre leur maison. Le jourmême, la réserve communa­

le, mise en place il y a septans, a été mobilisée. Depuis,pour les particuliers, même sides dossiers traînent encore,les choses sont rentrées dansl’ordre. Dans le quartier duParc, les habitants sont qua­siment tous retournés dansleurs maisons. Au niveaucommunal, l’école Delaunaya été totalement refaite et apu rouvrir ses portes en no­vembre dernier », poursuit lepremier magistrat qui retientmalgré tout un aspect positif

à ce déluge : « L’événement apermis de nouer des liens du­rables entre les habitants quiont fait preuve d’une solida­rité incroyable. »

Permis de construirepassés en revue

Depuis, la municipalité apassé en revue tous les per­mis de construire délivrés cestrois dernières années pours’assurer qu’aucune incom­patibilité n’est présente.D’ailleurs, de nouvelles con­traintes sont désormais im­posées lors du dépôt de per­mis.

« Il faudra également quel’on se penche sur le merlondu Clos Fleuri. S’il n’avait pasété là, l’eau ne serait certai­nement pas montée à un telniveau », conclut l’édile, quiconfirme d’autre part que desétudes ont été lancées par leGrand Nancy afin d’éviterune telle situation. « Mais cen’est pas simple. Il faut trou­ver, les compétences, les bu­reaux d’études spécialisés…Ce sera long mais nécessai­re. »

Et pour que des leçonssoient tirées de ce 21 mai2012, une association s’estcréée. Présidée par ClaudeChassard, ASSÉ – Aide, sou­tien, solidarité et écoute – en­tend bien jouer un rôle im­portant dans l’avenir et ainsiêtre associée aux grandes dé­cisions concernant le Gré­millon, qui a tout emporté surson passage le temps d’unorage hors norme.

K Essey­lès­Nancy, le 22 mai 2012. Une maison a été ravagée par les flammes dans la rue De­Gaulle à

Essey­lès­Nancy. Toujours sinistrée, la maison est restée en l’état et la propriétaire a été relogée.

Saint­Max 710 familles avaient été touchées

Mieux armés pour agir

CETTE NUIT du 21 au 22 mai2012, les habitants de la rueKennedy s’en souviendronttoute leur vie. Chaussée arra­chée, voitures emportées, lesimages sont encore dans tousles esprits. Un an après, mêmesi quelques stigmates sont en­core présents, la vie a reprisson cours. Y compris pour leslocataires de la maison situéesur le Grémillon, qui semblaitfragilisée. « Plusieurs expertsse sont succédé et ont finale­ment conclu qu’il n’y avait pasde menace d’effondrement.Ils ont en revanche listé despréconisations à destinationdu propriétaire », explique lemaire, Eric Pensalfini. « De­puis, après un débriefing, on apris des précautions. On a no­tamment édité et distribué undocument aux Maxois avecdes consignes afin d’êtremieux armés pour agir au plusvite », poursuit le premier ma­gistrat qui attend avec impa­tience la réouverture de l’éco­le maternelle Victor­Hugo à la

rentrée de septembre. « Lesdiscussions avec les assuran­ces ont été très longues. Aufinal, on a fait le choix de pro­fiter de ces travaux pour toutreprendre, en prenant encompte ce genre de risques.On a fait une remise aux nor­mes du bâtiment, les murs ontété désamiantés, les solschangés et l’isolation thermi­que revue. Les huisseries et lemobilier ont été totalement

remplacés. A la rentrée, les 90écoliers transférés au deuxiè­me étage de l’école primaire –dans laquelle ila fallufairedestravaux d’adaptation pour ac­cueillir ces jeunes élèves –trouveront un établissementflambant neuf », conclut EricPensalfini. Il retient égale­ment « la solidarité dont ontfait preuve les habitants duquartier, qui ont appris à seconnaître. »

K Saint­Max, le 22 mai 2012. Dans la rue Kennedy, des voitures

étaient emportées par les eaux et le bitume arraché.

Des véhicules à 1,50 m de haut

Essey panse ses plaiesMardi 22mai. Dans certaines habitations, à Esseynotamment, le niveau d’eau a parfois atteint 1,70mvoire deuxmètres. Des véhicules sont retrouvés à1,50m de haut. L’heure est au nettoyage.Le bal des assureurs commence.

Deuxième vague, plus haute

Rue Louis­Barthou, Saint­MaxMardi 22mai, 1 h 30. La seconde vague, plusdestructrice descend sur Saint-Max. Les camionsde secours des pompiers, comme ici rue Louis-Barthou,n’échappent pas aux flots. Une ambulance et unvéhicule de commandement sont bloqués par l’eau.

Trois pompiers épuisés blessés

Avenue du Général­Leclerc, NancyMardi 22mai, 7 h dumatin. Une ambulance depompiers de Chenevières, venus en renfort toute lanuit dans l’agglomération nancéienne, percute un busde la Connex à l’angle des rues Général-Leclercet du Général-Chevert : un blessé grave, deux légers.

Première vague : rocade coupée

Contournement de l’A330 submergéLundi21mai, 22h.Unorage, deséclairs etpuis ledéluge.A23h30, les trombesd’eau redoublent surSeichampsetEssey-lès-Nancy.Unvéhiculeest emportépar leseauxà l’entréedeNancy.Unbus scolairede55primairesdeSaulxures restebloquéauParcdesexpos.

Après la vague

E Le parcoursdu combattant« Quand je me suis renduecompte que l’eau s’infiltraitdans ma maison, j’étais entrain de remplir madéclaration d’impôt… J’ai toutlâché pour ouvrir la porte et,là, je me suis retrouvée face àune grosse vague qui asoulevé tous les meubles ! »Tant bien que mal, elle essaiedepuis presque un an de« sortir la tête de l’eau ». Dansla nuit du 21 au 22 mai 2012,le rez­de­chaussée de sapetite maison située dans lequartier du Parc, à Essey­lès­Nancy, a été submergé parplus d’1, 40 m d’eau.Aujourd’hui, la propriétaire,dont l’habitation avait déjàété inondée il y a cinq ans, sedit « exténuée », après avoirattendu pendant dix mois uneindemnisation de sonassurance. « Ça a été un vraiparcours du combattant. Unexpert est revenu plusieursfois pour chiffrer lesdommages et, pendant cetemps, je ne pouvais pashabiter ma maison. J’ai dûtrouver un autre logementdont le loyer était de 1.000 €par mois pendant huit mois. A

mes frais. J’ai finalementtouché environ 20.000 €d’indemnisation alors que lecoût global des travauxs’élève à au moins 30.000 €.Et, après l’indemnisation, monassureur a rompu moncontrat. J’ai mis un mois pourretrouver une autreassurance ».Nathalie Volpi a pu réintégrersa maison à la fin du mois defévrier grâce à l’aideprécieuse de ses amis,Thierry, Monique et leur fils,Quentin, à ses côtés depuis ledrame.

Textes Yannick Vernini, Alexandre Poplavsky,Lysiane Ganousse, Christophe Gobin,

Corinne Baret­Idatte, Pascal Salciarini,Jean­Christophe Vincent et Guillaume Mazeaud

Mise en page Virginie MoronvallePhotos Alexandre Marchi, Patrice Saucourt, Pierre Mathis

et archives personnelles de nos lecteurs

En chiffres

103litres d’eau aumètre carré tombésen deux heures.

Plus d’un millier d’interventionseffectuées par plus de 200 pompiers.Une octogénaire noyée.

Allô, les pompiers ?

4.800 appelsau secoursen une nuitLes tout premiers appels ontété enregistrés lundi peuavant 22 h. Vers 22 h 15,toute la chaîne d’officiers estprévenue. En une nuit, lescasernes ont enregistré4.800 appels au secours.

1.224 interventionssur 72 communesAu total, 400 pompiers proset volontaires issus d’unetrentaine de centres à bordde 90 véhicules. Ainsi quetrois équipages complets deplongeurs.

420m3 d’eaupompés par heureMardi, l’heure est aupompage dans l’agglo avectrois très gros chantiers : lapiscine du Lido à Saint­Max,le parking d’une résidence à

Essey, un autre à Jarville etle parking souterrain du Closde Médreville. Pour cedernier, de puissantespompes électriques très grosdébits ont permis d’évacuer420 m3 d’eau/heure.

Les secoursen canots à Lay-St-ChristopheL’Amezule, paisible ruisseau,s’est transformé en fleuve àhaut débit en quelquesminutes. Une vingtaine defoyers sinistrés ont reçu lavisite des pompiers en canot.

Coups dursQuatre heures d’angoissejusqu’au verdict favorable duscanner après l’accidentavenue du Général­Leclercqui a fait un blessé gravechez les pompiers.Quatre véhicules de secoursont été détruits dans la nuitde lundi à mardi, dont troispris dans la vague.

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K Mardi 22 mai 2012, 3 h du matin, des torrents d’eau dévalent la rue Kennedy à Saint­Max.

Nancy Les travaux dans l’ensemble de 388 logements durement touchés en cours d’achèvement

Médreville presque closLE TRÈS RÉSIDENTIELClos de Médreville revit. Unan après la brutale montéedes eaux, « la plupart desdégâts ont été réparés », ex­plique Michel Lombard, leprésident du conseil syndi­cal de l’ensemble immobi­lier qui compte 388 loge­ments et 6 commerces. « Ilreste des travaux de finitionde peinture au second sous­sol et quatre cabines d’as­censeur à rhabiller », dé­taille­t­il.

Mais l’essentiel est fait.Depuis la visite de Jean­Marc Ayrault, le 4 juin, lesstigmates ont pratiquementdisparu, comme le confirmePhilippe, l’un des plus an­ciens habitants du Clos. Luise souvient de cette nuit du21 au 22 mai. « L’eau estmontée très haut. Mon gara­ge, situé au troisième sous­sol, juste à côté de la chauf­ferie, était littéralementsubmergé ». Celui de MichelLombard aussi. Le bilan seraconsidérable. Au final, desdizaines de caves et 170 voi­tures seront noyées dans lessous­sols du clos. Le con­cierge se souvient qu’il aurafallu « au moins cinq jourspour que l’eau soit évacuéetotalement. Et pendant plusd’un mois, une dizaine debennes par semaine effec­tueront des allers­retoursvers les déchetteries ».

Les dix­huit ascenseursn’ont pas été épargnés nonplus. Ils étaient tous hors

service, obligeant les habi­tants à gravir à pied les 16étages de l’ensemble immo­bilier. La chaufferie a dû êtrechangée. Mais pas à la puis­sance de la précédente puis­que les réglementations ontévolué. Du coup, il a fallufaire appel à une chaufferiemobile. Au tout début pour

al imentere n e a uchaude leshabitants

du Clos. Et à la fin del’automne pour les chauffer.Reste que cette chaufferied’appoint fournie par Dalkiaa un coût. 8.000 € par mois.Trop lourd pour le Clos dontl’assurance a déjà dégagé« 1,7 million d’euros pour lestravaux des parties commu­nes ». Le 27 avril dernier, leconseil syndical a donc déci­dé de mettre un terme au

contrat de location de lachaufferie. Elle devrait doncdisparaître du paysage dansles prochains jours ou pro­chaines semaines. Au plustard le 1er octobre, date àlaquelle le Clos de Médre­ville devrait être raccordé auchauffage urbain. Ce quin’était pas possible il y a en­core quelques mois l’estaujourd’hui dans un délai demoins de cinq mois. AndréRossinot se serait engagéauprès du président du Closde Médreville.

K Le Clos sera raccordé au chauffage urbain.

L’économie boit la tasse

L’électricien Kaufmann noyéSaint-Max. La Maison de la Literie jette tout sonstock à Essey. Les bureaux de l’électricien Kaufmannà Saint-Max sont noyés sous unmètre d’eau,envoyant à la déchetterie tout le matériel électriqueet informatique. Et la mémoire de l’entreprise !

Des fissures béantes

Deux immeubles de la rue Kennedymenacent de s’écroulerMardi 22mai à Saint-Max. Une vingtaine de famillesdes 21, 23 et 25 de la rue Kennedy sont évacuées parprécaution et relogées. Un arrêté de péril a été pris.

Catastrophe naturelle

Valls réconforte les sinistrésMardi 22, en fin d’après-midi, Manuel Valls, leministre de l’Intérieur se rend sur les lieux du drameet notamment à Essey et Saint-Max pour annoncerque l’état de catastrophe naturel sera décrétéprochainement.

Réseau d’eau contaminé

Saint­Max privée d’eau potable7 juin à Saint-Max. Distribution de bouteilles d’eauaux habitants de Saint-Max sur la place de la mairieoù 2.000 foyers (ainsi qu’ Essey et Tomblaine) sontprivés d’eau potable en raison d’une contaminationde leur réseau d’eau par le germe d’entérocoque.

Julien (Au PèrePeinard)« 1,20 m d’eau »E Rue du Pont Mouja. « J’ai euun mètre vingt d’eau dans macave. Morte la tireuse à bière,toutes les boissons et denrées.Les frigos n’ayant plus fonc-tionné pendant douze heures,tout était bon à jeter, questiond’hygiène. 25.000 € de dégâts,19.700 € remboursés… beau-coup plus tard. Une perted’exploitation évaluée seule-ment sur trois mois. D’où dessoucis de trésorerie. Pour moi,2012 est l’annus horribilis… »

Audrey (Célio) :« Notre magasinn’était pas fini ! »E Rue Saint-Jean : « 20 cmdans la cave ont suffi à amollirles cartons de vêtements aubas des piles, et à tout fairebasculer dans l’eau. Et en plus,grande inondation par la ver-rière de toit, qui a fait creverle plafond, noyant l’étage.Heureusement, nous venionsd’ouvrir et le préjudice a puêtre chiffré dès le lendemainpar l’assureur, rapidementréglé, et les travaux démarreraussitôt. On a pu rouvrir huitjours après. »

Jocelyne (Batt) :« Une semainepour déblayer »E Rue Saint-Georges : « Jevoulais descendre dans lacave quand notre ouvrierpâtissier m’a arrêtée. Heureu-sement que je ne suis pasdescendue, il y avait déjà del’eau, qui a fini par atteindreles voûtes. Tous les emballa-ges papier, carton, nos décora-tions de Noël, plusieurs machi-nes, et la chaudière ont étéirrémédiablement noyés. Onest pratiquement resté ferméune semaine pour tout dé-blayer. »

Centre­ville Pour les commerçants, une annus horribilis

Cuvette de la CommanderieLE FLEUVE qui s’est forméen quelques minutes coulaitdepuis la rue de Laxou, et estvenu remplir le fond de lacuvette, située place de laCommanderie. Qui en quel­ques minutes a débordé. Ças’est traduit par une éléva­tion du niveau d’eau jusqu’à1,20 m de hauteur, noyant ledomicile de plusieurs parti­culiers, un cabinet de méde­cins, une agence immobiliè­re, le boulanger (qui a vulittéralement exploser sa vi­

trine sous la pression desflots), et le bureau de Poste.En pleine nuit, les habitantsont bataillé dans le courantet les voitures flottantes, unhomme a même failli êtreaspiré par une bouched’égout.

Tous les professionnelsont dû mettre leur activité enveille. Et parfois, ça a duré.Longtemps. Le boulangerPhilippe Gaye a attendu sixmois avant de pouvoir re­mettre des baguettes au

four, alors que les patrons deChez Vous Immobilier ba­taillaient encore avec leurassurance. Quant à la Poste,elle n’a pu rouvrir son agen­ce que 9 mois plus tard. Auprix de 407.000€ d’investis­sement. Entre­temps, il afallu en passer par une com­plète réorganisation des ser­vices postaux. En sachant –aucuns travaux n’ayant étéentrepris dans le secteur –qu’au prochain épisode dece type, tous devront se res­saisir de leurs seaux.

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C’est une histoire qui finit bien. Ce n’est pas sifréquent. Alors il ne faut pas se priver de la raconter.Surtout que cela a commencé comme un cauchemar.Marcelle Colin, 97 ans, a en effet subi toutes lesgalères des victimes du déluge qui s’est abattu surune partie de l’agglo de Nancy il y a un an

Cette habitante du quartier du Parc à Essey, ad’abord angoissé en voyant l’eau entrer à flots danssa maison. C’est monté jusqu’à 1,5 mètre dans sonsalon et sa cuisine. La vieille dame est restée réfu­giée au premier étage. Assise sur son lit. Sans pou­voir dormir. Sans pouvoir rien faire. Impuissante.C’est un couple d’amis, les époux Rougetet, qui l’ontrécupérée au petit matin.

La presque centenaire était indemne Physique­ment en tout cas. Son cœur a été soumis à rudeépreuve. Mais il a tenu le choc. Son moral en a pris,par contre, un coup. D’autant qu’elle a dû partir enmaison de retraite plusieurs semaines pour cause demaison inhabitable.

ActedeuxLa nonagénaire a alors vécu l’acte deux du psycho­

drame auquel aucun sinistré n’a pu échapper : lelong chemin de croix administratif auprès des assu­rances pour être indemnisé et récupérer un loge­ment décent. Ses amis, les Rougetet l’ont épaulée. Ilsse sont occupés de la paperasse.

Mais cela n’a pas empêché les réparations detraîner en longueur. Lorsqu’une entreprise chargéede remettre en état son rez­de­chaussée a fini parvenir, en novembre, elle a bâclé les travaux. Il a falluune réunion de conciliation et une mobilisation de lapresse pour que la rénovation des pièces abîméespar les inondations soit faite dans les règles de l’art,en mars dernier. Cela a pris du temps mais l’âge et lesourire de Marcelle Colin sont parvenus à suscitersuffisamment de compassion et de solidarité pourqu’elle retrouve une maison correcte. L’eau, la boueet les tracasseries administratives ne sont plusqu’un mauvais souvenir.

Sortis par la fenêtreJean­Marc Messerer,habitant de Champenoux :« Le soir des inondations,j’ai dû sortir ma femme etmon fils par la fenêtre. Al’intérieur de la maison,tout a été noyé, perdu… Jesuis toujours en attented’indemnisation, obligé delouer une autre habitationà Brin­sur­Seille. Mondossier est entre les mainsd’un avocat ».

Sur le forum

K Une chambre dévastée.

K Un réfrigérateur renversé

par la force de l’eau.

Des joursinterminablesYoan Bombarde, de Saint­Max : « Nous habitions au23 rue Kennedy. Suite à cesinondations, un arrêté depéril imminent a été pris parla mairie en raison d’unrisque d’effondrement del’immeuble. Pendant 15jours, nous n’avons purécupérer nos affaires ettout ce qui était récupérablea pourri avec l’importanttaux d’humidité. Ce furentdes jours interminables ».

K La salle à manger d’André

Siatte les pieds dans l’eau.

Le coup de téléphoned’un amiAndré Siatte, habitant deSeichamps : « Versminuit,alors que nous avions dumalà trouver le sommeil à causedes coups de tonnerre, unvoisin et amim’a téléphonépourm’inviter à regarder parla fenêtre : l’avenue étaitcomplètement inondée.Rapidement l’eau a envahi lerez­de­chaussée de notreimmeuble ».

K Coup de tonnerre dans le

ciel nancéien avant l’orage.

«Une soiréede dingue »GuillaumeHobam, chasseurd’orages, habitant rue Jean­XXIII, à Saint­Max : « J’ai vudes orages se former avecbeaucoup d’intensité surmon radar de chasse. J’aiinformé un ami qui était surle terrain de ce qui allaitarriver sur Nancy. Les chosessont allées si vite que je n’aipas pu le rejoindre. C’étaitune soirée de dingue.»

K Le nettoyage des berges comme celles du Gremillon, l’an

passé, efficace, dans une certaine mesure seulement.

Celapeut­il se reproduire ?

Une fois tous les 500 ou 1.000 ans

C’est la question que tout lemonde se pose. Lesinondations de l’an dernierpeuvent­elles se reproduire.Réponse sans langue de boisd’un des techniciens qui aplanché sur la question,Jean­Yves Foltzer, directeurgénéral adjoint des servicesurbains du Grand Nancy :« Bien sûr ! Tout événementqui s’est produit estsusceptible de se reproduire.Mais l’orage qui a éclatédurant la nuit du 22 mai2012 a été d’une violenceexceptionnelle. Un oraged’une telle force n’a lieu que

tous les cinq cent ou milleans environ. On peutsimplement constater qu’ilest tombé deux fois plusd’eau que pour une pluiecentennale, et qu’une tellequantité ne pouvaits’évacuer. Il a bien étéexpliqué dans toutes lesréunions publiques descommunes touchées que siun tel événement sereproduisait, il généreraitdes conséquencessemblables car il excède deloin les capacités desouvrages actuels et de ceuxqui pourraient êtreconstruits ».

Piscine L’établissement aquatique devrait rouvrir « en find’année »

Le Lido reste ferméLe Lido a pris l’eau. Dans lanuit du 21 au 22 mai, la piscinede Tomblaine a subi de grosdégâts avec la chaufferie, lesarmoires électriques, les pom­pes et systèmes électroniquesimmergés sous 3 m d’eau ensous­sol. « Toute l’installationtechnique a dû être rempla­cée »,expliqueEricPensalfini,délégué aux équipementssportifs du Grand Nancy. Qui,après s’être engagé en octo­bre 2012 sur une réouvertureà la rentrée 2013, annonce enrestant vague : « Plutôt en find’année. » Car il dit profiter dela fermeture actuelle pourmettre l’établissement auxnormes obligatoires d’accèshandicapés. « Nous avionsprévu ces travaux (220.000 €HT) courant 2014 et avonschoisi de les faire dans la fou­lée pour éviter de fermer ànouveau. »

AprèsNoël ?Eric Pensalfini espère que

les séances des écoliers, re­portées depuis un an sur lespiscines de Gentilly et Laneu­veville, reprendront au Lidoen novembre ou décembre,avec une réouverture au pu­blic « à la rentrée des vacancesde Noël sans doute. » En at­

tendant, depuis avril, le Lido aune nouvelle chaudière et desplafonds neufs au sous­sol.Au rez­de­chaussée, la pein­ture est en cours, ainsi que laréfection des carrelages, dusystème d’alarme, de la régie

d e s u r ­veillance aquatique par ordi­nateur, etc. Un montant de1.886.331€ HT qui devrait êtrepris en charge par l’assurance.« Enfin, c’est toujours en né­gociation… »

Porte Verte Certains commerces n’ont jamais repris leuractivité, d’autres ont relevé le défi et lesmanches. Usant et coûteux

Des carpes etdesvoituresBruno Mathieu n’en a pas finiavec le sinistre qui avait rava­gé sa concession, parkingcompris, où dix voitures, sub­mergées, avaient pris la routede la casse, immédiatementaprès la vague de boue. « Du­

rant trois semaines, le per­sonnel a travaillé unique­ment à la remise en état. S’ilsn’avaient pas accepté dejouer le jeu, c’était chômagetechnique et fermeture de laboutique. Je leur en suis ex­

trêmement reconnaissant.Au passage nous avons perdutrois semaines de chiffred’affaires », explique BrunoMathieu, toujours en litigeavec son assurance : « Nousne sommes pas d’accord surl’indemnisation finale, mêmesi j’ai perçu une avance ».

Chez Procanis, NathalieBettenfeld, dont les carpesKoï, à plusieurs centainesd’euros, avaient disparuemportées par la vague, onfait les comptes : « Tout legros matériel de jardin, posésur des palettes, était horsd’usage. Pendant dix joursnous avons perdu près de30 % du chiffre d’affaires.Avec les bassins extérieurs,nous en avons eu pour60.000 € de sinistre ». Pourretrouver des conditions sa­nitaires normales, il fallut, il ya an, percer les murs et créerainsi une ventilation naturel­le durant quinze jours. Ser­pents, lapins, poissons rou­ges ou animaux d’aquariumfurent épargnés. « Nous avi­ons déjà été inondés, maisavec une telle violence, ja­mais ! » confirme NathalieBettenfeld, qui aujourd’huiencore, se sent « démunie,face à un tel déchaînementdes éléments ».

Patrimoine Le 7 juin prochain, la 1re pierre des nouvelles archivessera posée. Les documents avaient souffert sur 6 kmde rayonnages

Archives lespiedsdans l’eauElles ont souffert, les archi­ves, qu’elles soient départe­mentales ou municipales. Etcette souffrance est quanti­fiable : 400 mètres (le rayon­nage du bas) sur six kilomè­tres entreposés par leservice public. Le bâtimenttouché est celui de la PorteVerte, annexe des archivesdépartementales à Essey.« Nous n’avons pourtant euque 10 cm d’eau », expliquePascale Etiennette, adjointeà la direction départementa­le. Mis à part cinq mètresd’archives quasiment horsd’usage et sacrifiés car detrès peu d’intérêt, et 27 mè­tres qui ont été séchés ettraités sur place par l’équipede six agents au four et aumoulin pendant de longsmois, tout le reste est parti àBourges après avoir été con­gelé dans l’azote liquide à –176 ° ! La société spécialiséea transporté les archives pri­ses dans la glace (où elles seconservent indéfiniment) etles a traitées au fur et à me­sure, par l’usage combiné duséchage, du chauffage et dela ventilation. Les cas les

plus lourds ont demandéune lyophilisation (l’eauchangée en glace est vapori­sée sans passer par l’état li­quide), voire un traitement àl’oxyde d’éthylène contre lesmoisissures, les champi­gnons adorant la colle desreliures anciennes… Fin no­vembre dernier, les 395 mè­

tres d’archives avaient rega­gné leur bercail. A la mêmeplace, car si la crue centen­nale recommence, ce serarebelote. « Mais le 7 juinprochain, la première pierredes nouvelles archives dé­partementales sera posée. »Et là, bientôt on ne parleraplus d’histoires d’eau.

K Six agents ont tra

vaillé une heure p

ar jour pendant s

ix mois

pour nettoyer et

tout reclasser.

Conflit Uneprocédure demédiation entre sinistrés et assurancesa permis de résoudre des litiges d’indemnisation…mais pas tous

Dossiersbrûlants

La pluie avait à peine fini detomber, il y a un an, que lapréfecture mettait en placeune procédure de média­tion. En prévision des litigesqui allaient immanquable­ment survenir entre sinis­trés et assurances.

Au total, trente­sept dos­siers ont fait l’objet d’unedemande de médiationauprès de la préfecture.

Cinq sont toujours en coursd’examen. Soit parce qu’unecontre­expertise doit avoirlieu, soit parce qu’il manquedes pièces justificativescomplémentaires.

Reste donc trente­deuxdossiers qui ont été traités.Plus de la moitié ont trouvéune issue favorable aux si­nistrés. Dix­sept famillesont en effet fini par obtenirdes indemnisations corres­

pondant à ce qu’elles atten­daient.

En revanche, pour quinzeautres foyers, la médiationn’a pas permis d’obtenir uneréparation à la hauteur deleurs espérances. Pour­quoi ? Les causes sont mul­tiples. Soit les assurances etmutuelles ont exigé des fac­tures pour rembourser tra­vaux ou meubles abîmés etsont restées inflexibles là­dessus. Difficile de leur jeterla pierre, car il a pu arriverque certains particuliersexagèrent et déclarent desdommages supérieurs àceux réellement subis.

Autre obstacle à une solu­tion amiable : certains parti­culiers n’étaient pas aussib ien assurés qu ’ i l s l ecroyaient, et leur contrat necouvrait pas certains biens,ou ne prévoyait pas de rem­boursement des biens « va­leurs à neuf ». Enfin, certai­nes assurances et mutuellesont appliqué, conformémentau code des assurances, uncoefficient de pénalité enraison de déclarations in­correctes du nombre de piè­ces habitables.

K Réparer, indemniser : le principal problème après l’orage.

K À g., Eric Pensalfini dans le sous­sol le lendemain de l’inondation.

K Marcelle Colin a pu retrouver un «home sweet home» décent.

Lavieilledame tiréed’affaire

K L’eau avait ravagé la concession et son parking.