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1. Avec le salary cap, le fonds de réserve est un autre mécanisme de régulation réglementaire imposant aux clubs de constituer un fonds de réserve au moins égal à 10 % de sa masse salariale joueurs hors charges patronales. Le niveau minimal de ce fonds a été réduit au cours des dernières années pour prendre en considération les effets de la crise économique. 2. Le salary cap a été introduit par la LNR en 2010-2011. Il était initialement fixé à 8,1 millions d’euros (2010- 2011) avant d’être relevé à 8,7 millions (2011-2012) puis 9,5 millions (2012-2013). Le montant a été fixé à 10 millions d’euros pour les trois saisons à venir (2013-2014 à 2015-2016). Par ailleurs, les clubs doivent également normalement limiter leur masse salariale brute (hors charges patronales) à 52 % des produits. S erge Blanco déclarait récemment que « le rugby français vit au dessus des moyens », ce que le dernier rapport de la Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DNACG) semble confirmer. La situation est-elle aussi délicate que le laissent apparaître les données chiffrées du dernier exercice clos ? Il y a plusieurs manières de lire les chiffres. Si on parle de résultat d’exploitation pur, c’est-à-dire du produit de l’activité sportive, on peut en conclure que le rugby ne génère pas, à ce jour, assez de recettes directes liées au spectacle sportif capables de couvrir les frais de production de ce magnifique sport. Si on parle de résultat net, on reste dans la même analyse puisque lui aussi est négatif. Par contre, si on évoque les capitaux propres et les comptes courants d’associés, on s’aperçoit que les associés des sociétés sportives ont fait les efforts nécessaires pour couvrir les pertes par des augmentations de capital ou des blocages de comptes courants, permettant non seulement de couvrir le fonds de réserve réglementaire 1 de 10 % de la masse salariale « joueurs » institué par la Ligue nationale de rugby (LNR) mais aussi de constituer une situa- tion nette largement positive pour faire face aux résultats d’exploitation négatifs des exercices suivants. Ce dernier critère étant primordial, nous constatons que le rugby continue d’attirer l’investissement et le soutien des actionnaires et ce malgré des résultats décevants. La passion reste intacte. Le soutien des actionnaires s’avère vital pour de nombreux clubs. Avec la crise économique et le contexte actuel plutôt morose, ce modèle est-il viable ? Chaque actionnaire a sa propre stratégie de soutien : pure passion, visibilité, noto- riété, convivialité, fiscalité, ouverture de marchés, intégration… Le rugby permet tout cela à la fois et constitue depuis plusieurs années un vecteur important permettant d’atteindre rapidement un ou plusieurs de ces objectifs. D’où des modèles différents de soutien. Tant que ces objectifs seront atteignables, le rugby trou- vera des partenaires pour l’accompagner dans sa croissance. Toutefois, à long terme, il est impératif de trouver un équilibre d’exploitation pour arriver à l’autofinance- ment et éviter l’essoufflement des action- naires, tendance qui commence à se faire sentir notamment dans les clubs des villes moyennes ne bénéficiant pas du soutien d’un mécène. On peut y arriver, comme le démontrent les exemples de Toulouse et de Toulon, même si les schémas d’exploita- tion sont différents. Ce soutien des actionnaires ne fait-il pas également peser le risque d’un « rugby à deux vitesses » avec une détérioration de l’équilibre compétitif ? C’est déjà le cas. Sur les trente clubs profes- sionnels (quatorze en Top 14 et seize en Pro D2), six à sept clubs seulement peuvent compter sur le soutien indéfectible d’un partenaire unique, personne physique ou entreprise, qui assure en cours ou en fin de saison l’équilibre financier sollicité par la DNACG et nécessaire au fonctionnement. Les autres clubs possèdent un panel d’ac- tionnaires plus large mais avec une fortune personnelle de moindre envergure. Les INTERVIEW DOSSIER jurisport 134 - septembre 2013 28 « TENDRE VERS L’éQUILIBRE D’EXPLOITATION » Après un exercice qui a une nouvelle fois vu les clubs maintenus à flots par leurs actionnaires, Dominique Debreyer, coordinateur de la DNACG, estime que les clubs doivent atteindre l’équilibre d’exploitation. Fair-play financier, salary cap : les outils se mettent en place.

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1. avec le salary cap, le fonds de réserve est un autre mécanisme de régulation réglementaire imposant aux clubs de constituer un fonds de réserve au moins égal à 10 % de sa masse salariale joueurs hors charges patronales. Le niveau minimal de ce fonds a été

réduit au cours des dernières années pour prendre en considération les effets de la crise économique.2. Le salary cap a été introduit par la LNr en 2010-2011. il était initialement fixé à 8,1 millions d’euros (2010-2011) avant d’être relevé à 8,7 millions (2011-2012)

puis 9,5 millions (2012-2013). Le montant a été fixé à 10 millions d’euros pour les trois saisons à venir (2013-2014 à 2015-2016). Par ailleurs, les clubs doivent également normalement limiter leur masse salariale brute (hors charges patronales) à 52 % des produits.

S erge Blanco déclarait récemment que « le rugby français vit au

dessus des moyens », ce que le dernier rapport de la Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DnaCg) semble confirmer. La situation est-elle aussi délicate que le laissent apparaître les données chiffrées du dernier exercice clos ?Il y a plusieurs manières de lire les chiffres. Si on parle de résultat d’exploitation pur, c’est-à-dire du produit de l’activité sportive, on peut en conclure que le rugby ne génère pas, à ce jour, assez de recettes directes liées au spectacle sportif capables de couvrir les frais de production de ce magnifique sport. Si on parle de résultat net, on reste dans la même analyse puisque lui aussi est négatif. Par contre, si on évoque les capitaux propres et les comptes courants d’associés,

on s’aperçoit que les associés des sociétés sportives ont fait les efforts nécessaires pour couvrir les pertes par des augmentations de capital ou des blocages de comptes courants, permettant non seulement de couvrir le fonds de réserve réglementaire1 de 10 % de la masse salariale « joueurs » institué par la Ligue nationale de rugby (LNR) mais aussi de constituer une situa-tion nette largement positive pour faire face aux résultats d’exploitation négatifs des exercices suivants. Ce dernier critère étant primordial, nous constatons que le rugby continue d’attirer l’investissement et le soutien des actionnaires et ce malgré des résultats décevants. La passion reste intacte.

Le soutien des actionnaires s’avère vital pour de nombreux clubs. avec la crise

économique et le contexte actuel plutôt morose, ce modèle est-il viable ? Chaque actionnaire a sa propre stratégie de soutien : pure passion, visibilité, noto-riété, convivialité, fiscalité, ouverture de marchés, intégration… Le rugby permet tout cela à la fois et constitue depuis plusieurs années un vecteur important permettant d’atteindre rapidement un ou plusieurs de ces objectifs. D’où des modèles différents de soutien. Tant que ces objectifs seront atteignables, le rugby trou-vera des partenaires pour l’accompagner dans sa croissance. Toutefois, à long terme, il est impératif de trouver un équilibre d’exploitation pour arriver à l’autofinance-ment et éviter l’essoufflement des action-naires, tendance qui commence à se faire sentir notamment dans les clubs des villes moyennes ne bénéficiant pas du soutien d’un mécène. On peut y arriver, comme le démontrent les exemples de Toulouse et de Toulon, même si les schémas d’exploita-tion sont différents.

Ce soutien des actionnaires ne fait-il pas également peser le risque d’un « rugby à deux vitesses » avec une détérioration de l’équilibre compétitif ?C’est déjà le cas. Sur les trente clubs profes-sionnels (quatorze en Top 14 et seize en Pro D2), six à sept clubs seulement peuvent compter sur le soutien indéfectible d’un partenaire unique, personne physique ou entreprise, qui assure en cours ou en fin de saison l’équilibre financier sollicité par la DNACG et nécessaire au fonctionnement. Les autres clubs possèdent un panel d’ac-tionnaires plus large mais avec une fortune personnelle de moindre envergure. Les

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dossier

jurisport 134 - septembre 201328

« TeNdre VerS L’équiLibre d’exPLoiTaTioN »Après un exercice qui a une nouvelle fois vu les clubs maintenus à flots par leurs actionnaires, Dominique Debreyer, coordinateur de la DNACG, estime que les clubs doivent atteindre l’équilibre d’exploitation. Fair-play financier, salary cap : les outils se mettent en place.

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modes de rémunération. Il sera applicable de façon effective dès la saison 2013-2014 avec un système participatif et déclaratif des clubs et des joueurs, et avec un élargisse-ment du périmètre d’intervention, notam-ment concernant les droits d’image exté-rieurs à la société sportive, elle-même seule support de l’exploitation purement sportive. Les contrôles et les investigations se mettront en place progressivement au cours des trois prochaines années. Les sanctions dissuasives

Si les ressources dégagées par le club ne lui permettent pas de faire face à cette obligation, l’actionnaire pourra procéder à un abandon de compte courant permettant de satisfaire au règlement.

efforts fournis depuis de nombreuses années commencent à se faire sentir à la fois sur les difficultés de « tirage » et sur la lassitude de « remettre » sans cesse tout en voyant le fossé sportif s’agrandir. D’où la réflexion menée sur l’instauration d’un fair-play financier dans lequel l’équilibre d’exploitation sera au centre des débats. Heureusement la solidarité entre clubs et entre divisions est une marque de fabrique du rugby qu’il faut impérativement conserver.

L’une des raisons du déséquilibre actuel tient à l’inflation salariale, malgré l’ins-tauration depuis quelques saisons déjà d’un salary cap. Le système actuel2 (plafonnement à 10 millions d’euros de la masse salariale et à 52 % des produits) est-il à revoir ? Le salary cap est en cours d’installation après deux années de tests et de collaboration étroite avec les clubs pour analyser les divers

viendront après cette phase de transparence et de participation des clubs.

quels doivent être à terme les objectifs économiques des clubs et quels méca-nismes les clubs et la Ligue doivent-ils selon vous mettre en œuvre pour les atteindre ?L’objectif principal est l’équilibre d’ex-ploitation afin que les apports des action-naires soient réservés à l’investissement en moyens directs de production (stade, centre de formation, boutique) ou de diversification et aux réserves pour faire face aux aléas économiques inhérents à toute production (défaillance de parte-naires escomptés, baisse des produits liée par exemple à la météo ou à un parcours sportif cahotant, litiges exceptionnels, etc.). Les outils existent déjà avec la DNACG, le fonds de réserve, le salary cap et peuvent s’avérer efficaces si la réglementation évolue vers la recherche de cet objectif. Le fair-play financier, ou tout autre outil simi-laire, ira dans ce sens si les clubs prennent conscience de la nécessité d’un équilibre sportif et de rencontres indécises qui consti-tuent le charme du sport et font saliver le public, attirant ainsi les partenaires. n

29septembre 2013 - jurisport 134

DOminiquE DEBREyERCoordinateur de la Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DnaCg)

“ Le salary cap est en cours d’installation après deux années de tests et de collaboration étroite avec les clubs pour analyser les divers

modes de rémunération. Il sera applicable de façon effective dès la saison 2013-2014. ”