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INTRODUCTION AU DROIT COMMERCIAL ET A LA GESTION D’ENTREPRISE (4 ème semestre) Introduction : Premier point : Définition du droit commercial C’est la branche du droit privé qui s’applique aux opérations juridiques des commerçants entre eux ou avec leurs clients. Les opérations qui se rapportent au commerce sont elles-mêmes qualifiées d’actes de commerce. Le droit commercial c’est donc autant le droit des actes de commerce que le droit des commerçants. Certains ouvrages font référence au droit de l’entreprise, ou du droit des affaires, qu’on appelle parfois droit économique. Ces dernières expressions sont des expressions plus larges que celles du droit commercial et qui visent à englober toutes les matières qui régissent la notion fondamentale d’entreprise. Ainsi dans ces matières on a nécessairement du droit commercial, mais également du droit fiscal, du droit social, du droit pénal, ou encore du droit public économique. Pour en revenir à nos préoccupations, il faut bien remarquer que les règles qui nous évoquerons, sous-couvert de l’étude du droit commercial, dépassent souvent le cadre du commerçant pour appréhender l’entreprise. Deuxième point : L’histoire du droit commercial Dans l’Antiquité, le droit commercial se résume au commerce maritime. Au Moyen-Âge, le droit commercial se développe véritablement, parce que c’est l’époque des foires, et cette pratique amène les participants à se doter de règles de nature à faciliter leur activité. En matière de droit des contrats, se développent les usages commerciaux, on invente la lettre de change. C’est un moyen de paiement, on la crée car il s’agit d’éviter de transporter des fonds sur des routes à l’époque peu sûres. 1

Introduction Droit Commercial S4

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INTRODUCTION AU DROIT COMMERCIAL ET A LA GESTION D’ENTREPRISE

(4 ème semestre)

Introduction   :

Premier point   : Définition du droit commercial

C’est la branche du droit privé qui s’applique aux opérations juridiques des commerçants entre eux ou avec leurs clients. Les opérations qui se rapportent au commerce sont elles-mêmes qualifiées d’actes de commerce.

Le droit commercial c’est donc autant le droit des actes de commerce que le droit des commerçants.

Certains ouvrages font référence au droit de l’entreprise, ou du droit des affaires, qu’on appelle parfois droit économique. Ces dernières expressions sont des expressions plus larges que celles du droit commercial et qui visent à englober toutes les matières qui régissent la notion fondamentale d’entreprise. Ainsi dans ces matières on a nécessairement du droit commercial, mais également du droit fiscal, du droit social, du droit pénal, ou encore du droit public économique.

Pour en revenir à nos préoccupations, il faut bien remarquer que les règles qui nous évoquerons, sous-couvert de l’étude du droit commercial, dépassent souvent le cadre du commerçant pour appréhender l’entreprise.

Deuxième point   : L’histoire du droit commercial

Dans l’Antiquité, le droit commercial se résume au commerce maritime.

Au Moyen-Âge, le droit commercial se développe véritablement, parce que c’est l’époque des foires, et cette pratique amène les participants à se doter de règles de nature à faciliter leur activité.

En matière de droit des contrats, se développent les usages commerciaux, on invente la lettre de change. C’est un moyen de paiement, on la crée car il s’agit d’éviter de transporter des fonds sur des routes à l’époque peu sûres.

Apparaît la procédure de faillite, où il s’agit d’écarter le débiteur qui ne paie pas. C’est le début de la comptabilité, c’est le début des tribunaux spécialisés pour les affaires du commerce, et puis c’est le début du contrat de société.

A cette époque, le prêt à intérêt est interdit, on trouve alors une autre moyen de prêter : le prêteur s’associe à un commerçant, il bénéficie de dividendes, et de cette façon il obtient une rémunération.

A l’époque de l’Ancien régime, on a une ordonnance de 1673 sur le commerce qui vient limiter l’accès à certaines professions ou corps de métier. On a une mise en place de Corporations qui constituent un frein au développement du commerce.

Arrive la Révolution, avec une loi des 2 et 17 mars 1791 qui proclame la liberté du commerce et de l’industrie, on parle du décret D’Allarde. Les Corporations sont abolies par la loi Le Chapelier des 14 et 17 juin 1791.

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Une étape importante c’est 1807, date à laquelle est créé le Code de commerce. Il comporte 648 articles, travail qui paraît médiocre à cette époque. Il reprend pour l’essentiel les textes qui existaient jusqu’alors.

On va rapidement assister à une décodification du Code de commerce. De nombreuses lois vont être adoptées et ne seront pas intégrées dans le Code de commerce.

Troisième point   : Le nouveau Code de commerce

C’est une ordonnance du 18 septembre 2000 qui a abrogé le Code de commerce de 1807. Cette ordonnance crée la partie législative du nouveau Code de commerce. La partie réglementaire sera retravaillée plus tard puisqu’elle est instituée par un décret du 25 mars 2007. C’est une codification à droit constant, l’idée étant de faciliter la lecture. Le Code de commerce comporte 9 livres.

Le Code de commerce regroupe l’essentiel de la matière commerciale. Il existe également le Code monétaire et financier qui ressemble toutes les dispositions qui concernent les activités bancaires et financières, ou encore les moyens de paiement.

Quatrième point   : Les autres sources du droit commercial

Il faut distinguer les sources nationales et ensuite les sources internationales.

S’agissant des sources nationales, la première source c’est la loi, qui figure pour l’essentiel dans le Code de commerce, mais également dans d’autres codes.

Outre la loi, on a les règlements. Ensuite, on a une multitude de normes à valeur infra-législative, c’est-à-dire les circulaires, les réponses ministérielles, ou encore les recommandations des Autorités Administratives Indépendantes (par exemple l’Autorité des Marchés Financiers).

En matière commerciale, une place particulière est faite aux usages. Un usage est une source à partir du moment où une pratique se répète dans le temps au point que les destinataires croient en son caractère obligatoire. On distingue deux types d’usages : d’abord les usages conventionnels ; ensuite les usages de droit.

Les usages conventionnels, ce sont des usages qui sont propres à une activité. Ces usages ne lient que les parties qui exercent la même activité. Ces usages se prouvent par des parères (attestation écrite d’une autorité, comme la chambre de commerce).

Les usages de droit se créent de la même façon que les usages conventionnels. Ce qui les différencient par rapport aux usages conventionnels, c’est qu’à un moment donné, le juge va donner à ce comportement une valeur propre qui le détache de la volonté des parties. Le juge va faire de l’usage une règle de droit.

Par exemple, en droit civil, un article nous dit que la solidarité ne se présume pas, quand il y a deux débiteurs, en droit civil on considère que ces deux débiteurs ne sont pas solidaires. En droit commercial, l’usage est inverse, la solidarité est présumée.

S’agissant des sources internationales, on a d’abord les traités internationaux qui se contentent de régler les conflits de lois entre les lois nationales (par exemple la Convention de La Haye de 1973 qui a pour objet de déterminer la loi applicable à la responsabilité du fait des produits défectueux).

Ensuite on a les traités internationaux qui se superposent aux droits nationaux et qui ont pour ambition de gérer les seules relations internationales. Ce sont des traités

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qui déterminent une réglementation uniforme dans un cadre international. Par exemple, la Convention de Vienne du 11 avril 1980, relative à la vente internationale de marchandises.

Enfin, on a toutes les dispositions qui composent le droit de l’Union européenne (des traités comme la liberté de circulation des marchandises et des capitaux et la liberté d’établissement qui facilitent les relations commerciales et financières entre les Etats membres de l’Union européenne).

Cinquième point   : Les juridictions commerciales

On a des tribunaux spécialisés que sont les Tribunaux de commerce, tribunaux d’exception qui n’existe qu’en première instance.

Leur compétence est fixée à l’article L721_3 du Code de commerce : les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux. Par ailleurs ils connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales. Ils ont également à connaître des contestations relatives aux actes de commerce entre toute personne.

Ils ont également compétence en matière de sauvegarde, de redressement judiciaire, et de liquidation judiciaire et en matière de registre du commerce.

S’agissant de la compétence territoriale, le tribunal de commerce est logiquement celui du défendeur par application de l’article 42 du Code de procédure civile, cependant qu’il est possible aux parties de donner compétence à un autre tribunal de commerce. Les clauses attributives de compétence territoriale sont en principe valables. Dans les circonscriptions où il n’y a pas de tribunal de commerce, la compétence revient au TGI.

En cas d’appel, c’est la Cour d’appel qui statue en chambre commerciale, et éventuellement un pourvoi peut être rendu devant la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

De manière régulière, il y a une réflexion qui est menée sur les Tribunaux de commerce car les juges ne sont pas magistrats, ce sont des commerçants élus.

Il y a un mode alternatif de règlement des litiges qui se développent en matière commerciale, c’est l’arbitrage. Les personnes décident de faire trancher le litige non pas par le tribunal mais par des personnes privées. C’est beaucoup plus rapide, c’est discret, mais c’est onéreux. C’est une sentence qui a autorité de la chose jugée.

Il y a deux moyens de recourir à l’arbitrage : il y a d’abord la voie du compromis, c’est l’hypothèse dans laquelle les parties décident de se remettre à l’arbitre une fois le litige apparu.

L’autre façon se situe en amont du litige par la clause compromissoire, les parties décident que si il y a litige entre elles, ce litige sera soumis à la justice arbitrale.

PARTIE I   : Les acteurs de la vie commerciale

S’agissant des acteurs, il y a deux catégories d’acteurs : les acteurs personnes physiques, les commerçants physiques ; et puis il y a les personnes morales, c’est-à-dire les sociétés commerciales.

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Titre premier   : Le commerçant

Le commerçant est défini à l’article L 121_1 du Code de commerce : « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Section I   : Les actes de commerce

Il faut se référer aux articles L110_1 et L110_2 du Code de commerce. Ces deux textes ne font que dresser une liste, il n’y a pas de critère général. Cette liste apparaît un peu dépassée, du coup la jurisprudence et la doctrine ont procédé à une certaine extension de la liste.

I / La notion d’acte de commerce

En fait, on distingue plusieurs séries d’actes. D’abord on a les actes de commerce par nature. Ce sont des actes dont la commercialité est naturelle.

Ensuite, on a des actes de commerce par la forme, et qui sont donc ainsi qualifiés quel que soit leur auteur.

Puis, on a les actes de commerce par accessoire, ce sont des actes de commerce qui le sont en raison de la qualité commerçante de l’auteur de l’acte ou de l’objet commercial.

Une quatrième catégorie, qui est la catégorie des actes de commerce mixtes, acte civil pour une partie, acte de commerce pour l’autre partie.

A – Les actes de commerce par nature

On les a à l’article L110_1. D’abord figurent dans la liste les activités de négoce. On a plusieurs activités.

1. Les activités de négoce

a. L’achat de biens meubles pour les revendre

L’achat pour revendre, c’est l’acte de commerce par excellence. Ce qui compte c’est l’intention. Il peut s’agir de meubles corporels (marchandises, matières premières…) ou de meubles incorporels (on met dedans le fonds de commerce, des valeurs mobilières, ou encore des créances…).

Cette exigence d’achat pour revendre entraine l’exclusion des agriculteurs, qui a par principe une activité civile. On ne fait pas référence à l’agriculteur dans le Code de commerce. Cette exigence d’achat pour revendre entraine l’exclusion des professionnels libéraux.

La question s’était posée avec un architecte qui vendait des matériaux, on regarde alors la proportion de son activité commerçante.

b. L’achat de biens immeubles pour les revendre

L’activité de marchand de biens est donc une activité commerciale. De même une SCI qui rénove un immeuble en vue de le vendre a une activité commerciale.

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Une exception cependant dans l’hypothèse où l’acquéreur a agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de le ou les vendre en blocs ou par locaux. Ici sont visés les promoteurs immobiliers. Il s’agit de leur permettre de jouir d’avantages fiscaux.

c. Les entreprises de location de meubles

Elles sont considérées comme opérant des actes de commerce (par exemple Kiloutou).

La location d’immeubles est quant à elle une activité civile.

d. Les entreprises de fournitures

La loi répute acte de commerce toute entreprise de fournitures sachant qu’il peut s’agir de prestations échelonnées de biens ou de services. Par exemples la distribution d’eau, l’entretien informatique, la distribution de gaz et d’électricité…

C’est en réalité une catégorie fourre-tout, on a trouvé au fil des arrêts les activités d’une clinique, d’une entreprise de travaux publics, l’activité hôtelière.

e. L’exploitation des salles de vente publiques

C’est ce qu’on appelle les établissements de vente à l’encan, ce sont des salles dans lesquelles il est procédé aux ventes aux enchères publiques de marchandises neuves ou de biens d’occasion.

f. L’exploitation de magasins généraux

Il s’agit de l’exploitation d’entrepôts recevant des marchandises et remettant au déposant des titres négociables permettant la vente ou la mise en gage de ces marchandises.

2. Les activités industrielles et logistiques

a. L’entreprise de manufacture

Sont considérées comme des entreprises commerciales les entreprises opérant de la transformation et plus généralement toutes les entreprises qui ont pour objet de spéculer sur le travail d’autrui. Par exemple un teinturier, un garagiste, …

Quid de l’artisan ? L’artisan vit de son travail manuel, donc il a vocation à faire de la transformation, mais parce qu’il vit de son travail manuel, il n’est pas un commerçant. La difficulté est qu’il est parfois difficile de « ranger » l’artisan véritablement dans une catégorie parce que l’artisan ne travaille pas toujours seul.

Il faut donc rechercher dans chaque cas si le travail personnel de l’artisan reste le principal, l’aide d’autrui étant l’accessoire, ou si au contraire le prétendu artisan spécule principalement sur le travail de son personnel ce qui en ferait un commerçant.

La distinction a son importance parce que l’artisan, à la différence du commerçant est soumis à une réglementation administrative, et notamment il est inscrit aux répertoires des métiers.

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En outre, l’artisan n’a pas à tenir de comptabilité selon des règles spécifiques du commerçant, également l’artisan relève des juridictions civiles. Il est soumis au régime civil de la preuve. Enfin, les clauses attributives de compétence lui sont inopposables.

b. L’entreprise de transport

Elle fait du commerce, on ne s’intéresse pas si le transport se fasse par eau, terre ou mer, ou même que ce soit des marchandises ou des personnes.

La jurisprudence considère que les déménageurs sont des commerçants, les transitaires sont des commerçants, ainsi que l’exploitation de remonte-pentes et des téléphériques. 

c. Les établissements de spectacles publics

Sont visées les entreprises de théâtre, de cinéma, de cirque, de concert…

3. Les activités financières

Il s’agit des opérations de banque, des opérations de change, et des opérations d’assurance. Toutes ces opérations sont des actes de commerce par nature.

4. Les activités d’intermédiaire

L’acte d’intermédiaire c’est l’acte par lequel une personne s’interpose dans les rapports entre d’autres personnes. Ce qui est visé ici c’est l’acte d’entremise, c’est cet acte-là qui est commercial et uniquement cet acte. Sont visées en fait trois séries d’actes :

- l’entreprise de commission, c’est-à-dire le commissionnaire fait par son activité un acte de commerce, il agit pour le compte d’autrui mais en son propre nom. En revanche, l’agent commercial n’est pas un commerçant, il agit pour le compte et au nom de celui qui le mandate, son entremise ne peut pas être qualifiée de commerciale, bien que la réglementation se trouve dans le code de commerce ;

- ensuite, on a le courtage, il se borne à préparer un contrat en rapprochant les co-contractants, c’est une opération par laquelle on rapproche les co-contractants, il peut y avoir des courtiers en matière d’assurance… ;

- enfin, on a l’agent d’affaires, il s’occupe de recouvrer des créances, des immeubles, des joueurs, il a par nature une activité commerciale.

B – Les actes de commerce par la forme

Ces actes sont des actes de commerce quel que soit leur auteur.

1. La lettre de change

C’est un ordre donné par un créancier à son débiteur de payer une certaine somme à une certaine date à un tiers. Toute personne, même non-commerçante, qui signe une lettre de change (comme tireur, tiré ou acceptant), endosseur ou donneur d’aval, se soumet aux règles du droit commercial. Il relève ainsi de la compétence du tribunal de commerce sans être forcément commerçant.

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Cette solution ne vaut pas pour les autres moyens de paiement ou de crédit. Le chèque par exemple n’est commercial que s’il est signé par rapport à un besoin commercial.

Les personnes qui signent la lettre de change à quelques lignes que ce soit (tireur, tiré ou acceptant, c’est-à-dire bénéficiaire) sont soumises au droit commercial.

2. Les sociétés à forme commerciale

En principe, une société a ou n’a pas la qualité de commerçant selon que son activité est ou non commerciale. Il est des exceptions à ce principe, pour les sociétés énumérées à l’article L210_1 alinéa 2 du Code de commerce.

Les sociétés de cette liste sont commerciales par leur forme quel que soit leur objet. Ce sont les SNC (sociétés en noms collectifs), les SCS (sociétés en commandite simple), les SARL (sociétés à responsabilité limitée), les sociétés par action (telle la société anonyme, ou la société par actions simplifiées, et la société en commandite par action).

C – Les actes de commerce par accessoire

Il s’agit ici d’évoquer des actes qui ne sont pas visés par le Code de commerce mais que la jurisprudence qualifie d’actes de commerce.

Premièrement, un acte peut devenir commercial (au sens de la jurisprudence) en raison de son objectif purement commercial. C’est ce que l’on appelle l’accessoire objectif. Trois hypothèses sont visées.

La première hypothèse, c’est celle qui consiste à dire que sont commerciaux les contrats relatifs aux fonds de commerce. La jurisprudence considère que l’achat d’un fonds de commerce est un acte de commerce, de même que la vente d’un fonds de commerce. Ceci peut être surprenant parce que c’est l’acte d’un non commerçant.

La deuxième hypothèse, la jurisprudence considère comme commerciaux les contrats qui entrainent la cession de contrôle d’une société commerciale (ce sont des actes de commerce). C’est une règle très importante que l’on aura l’occasion de revoir en droit des affaires, et plus précisément en droit des sociétés. La troisième hypothèse, la jurisprudence considère que constitue un acte de commerce un cautionnement donné en garantie des dettes d’une société commerciale par les dirigeants ou les associés de celle-ci.

Le cautionnement, c’est ce qu’on appelle une sureté, donc c’est un acte civil. Mais il y a des cas où il aura un caractère commercial. Si une société commerciale fait un cautionnement, alors le litige va être porté devant le tribunal de commerce car il aura un caractère commercial.

Deuxièmement, la théorie de l’accessoire peut être appliquée de manière subjective en raison de la qualité de l’auteur de l’acte.

Cela signifie que sont réputés actes de commerce tous les actes accomplis par le commerçant pour les besoins de son commerce. Autrement dit, la personne du commerçant est juridiquement prise en considération pour donner sa qualification de commerciale à un acte qui autrement serait civil.

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D – L’acte mixte

C’est l’acte qui est commercial pour une partie, et civil pour l’autre. Tous les actes de commerce, par nature ou par accessoire, peuvent être des actes mixtes (contrairement aux actes de commerce par la forme qui sont quant à eux, indépendamment de leur auteur des actes de commerce).

II / Le régime des actes de commerce

A – Le régime des actes exclusivement commerciaux

1. Les règles de fond

La première règle de fond importante est celle qui touche à la preuve des actes de commerce : au terme de l’article L110_3 du Code de commerce, la preuve est libre.

Ce qui veut dire qu’un acte de commerce peut être prouvé par tout moyen. Ce qui n’est pas le cas en matière civile, puisqu’en matière civile, la preuve doit être nécessairement faite par écrit au-delà de 1 500 euros. C’est l’article 1341 du Code civil.

En matière commerciale, la preuve est libre, cela dit, l’article L110_3 indique « sauf si la loi en dispose autrement ». C'est-à-dire qu’il y a des contrats commerciaux pour lesquels la loi exige un écrit, et du coup on n’a plus la liberté qui caractérise la matière. Il en est notamment ainsi de la vente du fonds de commerce (qui est un acte de commerce).

Ensuite, il y a une série de règles qui concernent l’exécution des contrats commerciaux. Là, il y a des particularités. On peut relever trois particularités.

La première particularité, c’est la possibilité d’une réfaction. La réfaction, c’est la correction. En cas d’inexécution partielle du contrat de vente commerciale par le vendeur, le juge se reconnaît le droit de diminuer le prix dû par l’acquéreur. Autrement dit, il a corrigé de lui-même le prix dû par l’acquéreur fixé par les parties.

La deuxième spécificité est la possibilité d’un remplacement. Par dérogation à l’article 1144 du Code civil, l’acquéreur non livré d’une vente commerciale peut, sans autorisation judicaire préalable, se procurer des marchandises identiques à celles promises auprès d’un tiers, puis se faire rembourser de ses frais par son cocontractant défaillant.

La troisième particularité dans l’exécution d’un contrat commercial est que la solidarité entre codébiteurs est présumée en matière commerciale. Quand on a plusieurs débiteurs sur un acte commercial, ils sont présumés débiteurs solidaires. On dit que la solidarité est une coutume contra legem.

2. Les règles de procédure

Les contestations relatives aux actes de commerce relèvent de la compétence des tribunaux de commerce.

Au niveau de cette compétence, l’article 48 du Code de procédure civile autorise les commerçants à déroger au principe de compétence territoriale des tribunaux par ce que l’on appelle une clause attributive de juridiction.

Normalement au regard du Code de procédure civile, on va attraire le partenaire au niveau des tribunaux au regard de la résidence des partenaires. Mais ce n’est pas

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toujours très pratique en matière commerciale. C’est pourquoi dans les conditions générales, souvent il est prévu que la juridiction compétente est fixée dans un lieu précis. L’article 48 du Code de procédure civile valide donc les clauses attributives de compétence, mais entre commerçants uniquement.

Les parties à un acte de commerce peuvent valablement insérer dans leur contrat une clause compromissoire. Une telle faculté est prévue par l’article L721_3 du Code de commerce. Cette solution n’est toutefois plus très originale depuis une loi du 15 mai 2001 (c’est la loi dite NRE, Nouvelles Régulations Economiques), celle-ci ayant posée en règle à l’article 2061 du Code civil que la clause compromissoire est en principe valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle.

Donc, depuis 2001, la clause compromissoire a une propension à être valable dans plus de cas, dans le cadre d’une activité commerciale, mais aussi dans le cadre de toute activité professionnelle.

En matière commerciale, mais comme en matière civile depuis 2008, la prescription extinctive des obligations est de 5 ans. Cela est sous réserve de prescriptions spéciales plus courtes. En droit des sociétés, la prescription est plus courte : elle est de 3 ans.

B – Le régime des actes mixtes

En principe, le droit commercial s’applique à la partie qui est commerçante, et le droit civil à la partie qui ne l’est pas. On dit qu’il y a distributivité.

Ainsi, concernant la compétence du tribunal, le commerçant est obligé d’assigner le non commerçant devant les juridictions civiles. En revanche, le non commerçant dispose d’une option de compétence. Ça veut dire qu’il peut assigner le commerçant soit devant le Tribunal de commerce, soit devant les juridictions civiles.

Le principe de distributivité ne s’applique pas pour les clauses attributives de compétence territoriale.

S’agissant des clauses compromissoires, elles sont nulles si elles se trouvent dans un acte mixte liant un commerçant et un non-professionnel.

S’agissant de la distributivité concernant la preuve, la distributivité s’agissant de la preuve joue pleinement. Cela veut dire que lorsque c’est le non commerçant qui doit prouver à l’égard du commerçant, il bénéficie de la liberté de la preuve. Et si c’est le commerçant qui doit prouver contre le non commerçant, il doit prouver par écrit.

Section II   : La notion de commerçant

I / La définition du commerçant posée par l’article L121_1 du Code de commerce

Au terme de l’article L121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Sachant que la jurisprudence a complété la définition légale, la jurisprudence nous dit que « ne peuvent être commerçants que ceux ayant la capacité d’exercice nécessaire et qui font en leur nom, et pour leur compte, des actes de commerce à titre de profession habituelle ».

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Au regard de ces éléments, tant légaux que jurisprudentiels, on considère que quatre critères président à la qualification de commerçant :

- faire des actes de commerce- faire profession habituelle d’exercer des actes de commerce- agir pour son nom et pour son compte- avoir la capacité de faire des actes de commerce.

A – Faire des actes de commerce

Le commerçant, c’est celui qui fait des actes de commerce, mais lesquels ? Le commerçant, c’est celui qui fait des actes de commerce par nature parce que les actes de commerce par accessoire présupposent que soit reconnue la qualité de commerçant. En outre, les actes de commerce par la forme ne peuvent conférer la qualité de commerçant. Donc c’est bien l’acte de commerce par nature, répété, qui va faire qu’on est commerçant.

B – Faire profession habituelle d’effectuer des actes de commerce

La jurisprudence nous dit ce que cela signifie. La jurisprudence nous dit que faire profession, c’est faire d’une activité une occupation sérieuse continue de nature à produire des bénéfices et à permettre de subvenir aux besoins de l’existence.

Pour la jurisprudence, il importe peu que cette activité soit principale ou accessoire à une autre activité.

C – Agir en son nom et pour son compte

Cela veut dire qu’il faut être indépendant pour être qualifié de commerçant, et donc il faut agir à ses risques et périls. Du coup, on considère que n’est pas commerçant au regard de cette exigence :

- le salarié d’un commerçant. Il va faire des actes de commerce, mais il va les faire pour le compte de son employeur. Donc il n’agit pas à ses risques et périls. Il va agir au nom et pour le compte de son employeur ;

- le gérant salarié d’un fonds de commerce. Il va faire des actes de commerce, mais pas pour lui. Il va les faire pour le propriétaire du fonds de commerce. Il ne fait pas les actes de commerce pour son propre compte ;

- l’agent commercial. Il ne fait pas d’acte de commerce en son nom et pour son compte. L’agent commercial est transparent. C’est le mandataire. Il fait des actes pour le compte de son mandant ;

- les mandataires sociaux. Ce ne sont pas des commerçants. Ils agissent au nom et pour le compte de la société.

D – Avoir la capacité de faire des actes de commerce

Tous les incapables au regard du droit civil sont incapables au regard du droit commercial. Autrement dit, les majeurs en tutelle ou en curatelle, les mineurs, toutes ces personnes ne peuvent pas être commerçantes.

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Cela étant dit, se pose la question du mineur émancipé. Jusqu’à une loi du 15 juin 2010, les mineurs émancipés ne pouvaient pas être commerçants (cela faisait une différence entre la capacité civile et la capacité commerciale).

Depuis cette loi, les mineurs émancipés peuvent être commerçants sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation ou sur autorisation du président du Tribunal de Grande Instance si le mineur formule cette demande après avoir été émancipé.

Si les personnes incapables font des actes de commerce en dépit de l’interdiction décrite précédemment, autrement dit, si les personnes incapables font des actes de commerce au mépris de l’interdiction, on considère que les actes passés sont nuls, mais d’une nullité relative. Cela veut dire que seul l’incapable peut demander la nullité. Le fait que l’incapable fasse un acte qui est nul l’expose à quelque chose. La nullité vise à protéger son intérêt particulier.

II / Les conditions requises pour accéder à la qualité de commerçant

Tout le monde peut devenir commerçant si les conditions énoncées précédemment sont respectées. Donc en principe, tout le monde a le droit de devenir commerçant.

La loi subordonne l’exercice régulier d’une activité commerciale au respect de certaines conditions. Ces conditions sont relatives d’abord à la personne, elles sont relatives ensuite à l’activité.

A – Les conditions relatives à la personne

1. Les étrangers

Le dispositif est issu d’une loi du 24 juillet 2006 sur l’immigration. Avant cette loi, lorsqu’on était étranger et qu’on voulait exercer le commerce en France, on devait posséder une carte d’identité spéciale portant la mention commerçant.

Cette exigence n’existe pas pour les ressortissants de l’Union européenne, il y a une liberté d’installation au sein de l’UE.

La loi du 24 juillet 2006 a remis à plat les choses et a posé un régime qui opère une distinction selon que l’étranger qui veut exercer le commerce en France réside sur le territoire français ou non.

La première hypothèse, c’est celle de l’étranger qui souhaite résider sur le territoire français et qui souhaite exercer sur ce territoire une activité commerciale.

Il faut se référer à l’article L313_10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article dispose qu’une carte de séjour temporaire utilisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée à l’étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu’il justifie d’une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique ; et qu’il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l’exercice de la profession envisagée.

Ne sont pas soumis à ces obligations les ressortissants de l’Union européenne et les ressortissants de l’espace économique européen, sachant que dans l’espace économique européen, il y a la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande.

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La seconde hypothèse, lorsqu’un étranger souhaite exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale sur le territoire français, sans y résider.

Il doit faire simplement une déclaration préalable au préfet du département dans lequel il envisage d’exercer son activité. Etant entendu qu’échappent à cette obligation les ressortissants de l’Union européenne et les ressortissants de l’espace économique européen.

Certaines activités sont interdites aux étrangers. Par exemple, la tenue de débit de boisson est réservée aux nationaux. Egalement, les activités de transport de fonds sont réservées aux nationaux.

2. Les incompatibilités

Il s’agit ici du principe selon lequel certaines personnes qui exercent une profession ou une fonction déterminée ne peuvent exercer le commerce. Pourquoi ? Simplement parce que les fonctions exercées supposent le sens de l’intérêt général, le sens de l’impartialité, le sens du désintéressement qui s’accompagne mal avec l’esprit lucratif du commerce, d’où la notion d’incompatibilité.

On considère que ne peuvent être commerçants : les fonctionnaires, les officiers publics ou ministériels (c'est-à-dire les notaires, les huissiers, les commissaires-priseurs), les membres de certaines professions libérales tels les avocats, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, les experts comptables, les commissaires au comptes, les architectes et les médecins.

Le professionnel qui méconnait cette incompatibilité n’en est pas moins commerçant. On dit qu’il est commerçant de fait. Mais il encourt des sanctions de son ordre professionnel ou de son autorité de tutelle. La sanction peut être rude puisque ce peut être la radiation.

3. Les déchéances

Les déchéances, ce n’est pas du tout la même chose que les incompatibilités. Il s’agit d’interdire l’accès à la profession commerciale à des personnes de moralité douteuse.

Ainsi, ne peuvent faire le commerce les personnes qui ont été condamnées pour crime et la plupart des délits à caractère économique et financier (vol, escroquerie, abus de confiance, corruption, ainsi que les délits qui sont relatifs aux sociétés commerciales, abus de biens sociaux (ABS), présentation de comptes infidèle).

Par ailleurs, l’interdiction d’exercer le commerce peut être une sanction complémentaire prononcée facultativement par le juge.

Autre exemple lorsqu’il y a des condamnations fiscales.

B – Les conditions relatives à l’activité

Il faut savoir qu’on a trois séries d’activités qui vont être intéressantes ici. D’abord, il faut savoir que dans le cadre de l’activité commerciale on a des activités qui sont interdites, on a des activités qui sont soumises à autorisation, et puis on a des activités qui sont soumises à qualification.

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En premier lieu les activités interdites, il y a des activités qui sont interdites soit dans un but d’hygiène, de morale ou de police. Par exemple, on ne peut pas exploiter une maison de tolérance. On ne peut pas exploiter une maison de jeu.

On a certaines activités qui sont interdites en raison d’un monopole, d’un monopole fiscal ou étatique (par exemple tout ce qui concerne la distribution de tabac) ou d’un monopole privé (c’est par référence au domaine de l’activité littéraire et artistique, par exemple un brevet est un monopole d’exploitation, c’est un monopole privé).

Ensuite les activités qui sont soumises à autorisation, il y a des cas où l’on doit bénéficier d’une licence (laboratoire d’analyse médicale, détective privé, etc.).

A ce titre, il y a un dispositif soumis à autorisation concernant la création ou l’agrandissement de grandes surfaces (la préoccupation du législateur étant de ne pas tuer le petit commerce).

Enfin les activités soumise à qualification. On peut envisager toutes les hypothèses, où on a des activités soumises à la possession d’un diplôme (opticien par exemple), on a des activités soumises à la possession d’une carte professionnelle, on a des activités qui sont soumises à déclaration en préfecture, on a des activités qui sont soumises à des conditions techniques d’installation.

Section III   : Le statut du commerçant

On va ici évoquer trois points : les obligations du commerçant, l’impact de ce statut sur le conjoint, et le patrimoine du commerçant.

I / Les obligations du commerçant

La première obligation du commerçant est de s’affilier à une caisse professionnelle d’allocation vieillesse, et il doit s’acquitter de divers impôts (notamment, il va collecter la TVA, il aura la cotisation foncière des entreprises, et les impôts sur le revenus).

La deuxième obligation : il doit établir lorsqu’il contracte des factures. C’est l’article L441_3 du Code de commerce.

En outre, le commerçant à l’obligation d’utiliser un compte bancaire.

Au titre de ses obligations, il doit également, lorsqu’il est en cessation des paiements, il doit « déposer son bilan » (cela n’a rien de juridique, ce n’est pas dans les textes, c’est une formulation pratique mais non juridique) ce qui entraine l’ouverture d’une procédure collective. Quand on dit qu’il est en cessation de paiement, cela veut dire qu’il ne peut plus payer ses créanciers.

Il doit s’inscrire au registre du commerce et des sociétés. Et enfin, il doit tenir une comptabilité.

A – L’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS)

Ce registre du commerce et des sociétés a été créé par une loi du 18 mars 1919 avec l’idée de permettre une publicité à l’égard des tiers des informations relatives aux

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commerçants. Les tiers, ce sont aussi les institutions (fisc, parquet, etc.). L’idée est tellement bonne que le registre du commerce et des sociétés a été étendu à toutes les sociétés par une loi du 4 janvier 1978.

Le registre du commerce et des sociétés est tenu par le greffier de chaque Tribunal de commerce. Il tient une sorte de répertoire officiel dans lequel on retrace la vie de l’activité commerciale (du début de l’activité jusqu’à la fin).

1. Les personnes assujetties à l’immatriculation

La liste des personnes assujetties à l’immatriculation figure à l’article L123_1 du Code de commerce.

Il faut retenir que sont visées les personnes physiques qui ont la qualité de commerçant, les sociétés et les groupements d’intérêt économique (GIE) ayant leur siège dans un département français, les sociétés dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements (par exemple un usine, un entrepôt, une agence, un magasin, etc.) et enfin les établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPCIC). Cette liste n’est pas exhaustive.

Toutefois, depuis la loi du 4 aout 2008, il existe une dispense d’immatriculation pour l’auto-entrepreneur. Ce statut d’auto-entrepreneur s’adresse aux personnes physiques qui ont optées pour le régime du micro-fiscal, c'est à dire qu’elles réalisent un chiffre d’affaires qui ne dépasse pas 81 500 euros pour les entreprises dont l’activité est la vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de prestations d’hébergement ; et 32 600 euros pour les entreprises dont l’activité principale est la prestation de services (autres que ceux qui ont été énoncés juste avant).

Lorsqu’on exerce une activité commerciale, il y a des charges. L’idée était de mettre en place un système assez souple. On a donc créé le statut d’auto-entrepreneur. L’idée de l’auto-entrepreneur est qu’on paye des charges que si on a fait un chiffre d’affaires (c'est à dire que si on ne fait pas de chiffre d’affaires on ne paye pas de charges).

Le succès de l’auto-entreprise n’a pas été maitrisé. Le problème, c’est que les services administratifs ont été complètement dépassés par le statut d’auto-entrepreneur. Cela reste un statut qui est intéressant. L’idée étant de lutter contre le travail au noir.

En plus de bénéficier de cette dispense d’immatriculation, l’auto-entrepreneur bénéficie d’autres avantages, parmi lesquels il peut s’acquitter forfaitairement de ses charges sociales et de ses impôts, soit mensuellement soit trimestriellement, et il n’est pas soumis à TVA.

En revanche, il est amené à verser la Cotisation Foncière des Entreprises, qui a remplacé la Taxe professionnelle. Il doit mentionner sur ses factures, et tous ses documents professionnels, son numéro d’identification qui est le numéro SIREN, lequel a été obtenu après une simple déclaration d’activité auprès de la chambre de commerce et d’industries de son lieu d’exercice.

Lorsque l’auto-entrepreneur cesse de remplir les conditions de la dispense, il doit procéder à son immatriculation au RCS (registre du commerce et des sociétés) dans un délai de 2 mois suivant la perte du bénéfice du régime.

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2. Formalités de l’immatriculation

L’immatriculation doit être demandée dans les 15 jours à compter du début de l’activité commerciale. La personne physique commerçante doit déclarer tout ce qui permet d’identifier la personne physique. On indique en outre la ou les activités exercées, l’adresse de l’entreprise, la date de commencement d’activité, et s’il y a lieu le nom commercial ou l’enseigne.

Une fois cette déclaration faite, à chaque modification, une nouvelle déclaration doit être réalisée. Quand le commerçant cesse son activité, il doit se faire radier. Une fois inscrit, le commerçant obtient un numéro d’immatriculation et se voit donc là encore attribuer un numéro SIREN.

3. Sanction du défaut d’immatriculation

La personne non-inscrite ne pourra se prévaloir de la qualité de commerçant, tant à l’égard des tiers que des administrations. Pour autant, elle ne pourra pas se soustraire aux obligations et responsabilités que cette qualité entraine.

Le commerçant de fait, celui qui ne s’est pas fait immatriculer, à toutes les obligations du commerçant mais il n’en a pas les droits, par exemple on ne peut pas se prévaloir de la preuve, ni de la propriété commerciale (c’est quand on reconnaît un droit au renouvellement du bail).

Le fait pour toute personne tenue de requérir une immatriculation de ne pas s’immatriculer est puni d’une amende de 3 700€. Il en va de même lorsqu’une modification a lieu dans le statut du commerçant et que cette modification n’est pas portée au RCS. 

B – Tenue d’une comptabilité

L’article L123_12 du Code de commerce impose au commerçant de tenir une comptabilité en ces termes : « toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise ».

La comptabilité est conçue comme un moyen de gestion et un moyen d’information.

C’est un outil de gestion d’abord au service du chef d’entreprise. Evidemment que le chef d’entreprise doit avoir une visibilité. Cet outil va lui permettre de connaître la situation de son entreprise. Elle va être aussi le moyen de faire la preuve de ses opérations commerciales.

C’est également un outil d’information des tiers (les partenaires de l’entreprise, les épargnants, les salariés, et puis les associés).

1. Les documents comptables

a. Les livres obligatoires

Tout commerçant doit tenir trois livres comptables d’enregistrement : - d’abord le livre journal, qui enregistre tous les mouvements affectant le

patrimoine de l’entreprise, opération par opération, jour par jour ;

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- ensuite, on tient un grand livre, c’est le document dans lequel les écritures du livre journal sont recopiées, mais cette fois réparties entre les différents comptes ;

- enfin, le livre d’inventaire qui regroupe les données de l’inventaire, lequel est dressé une fois par an au moins, et constitue un état descriptif et estimatif de l’ensemble des éléments de l’actif et du passif de l’entreprise.

b. Les comptes annuels

On dresse d’abord un bilan, lequel revêt un aspect patrimonial. Il représente l’actif et le passif de l’entreprise. Il est dressé à la fin de chaque exercice, l’exercice est une année.

On a le compte de résultats, qui récapitule tous les produits et toutes les charges de l’entreprise, et c’est ce compte qui fait apparaître éventuellement le bénéfice ou les pertes. Ce résultat est reporté au bilan.

Puis on a les annexes, c’est un état apportant des précisions sur des opérations ayant un caractère significatif sur le bilan et sur le compte de résultats. Par exemple, il se peut que dans l’année si on est en société, il y est une augmentation de capital. Autre exemple, on va acheter un nouvel immeuble…

c. Régime de ces documents

Ces documents sont informatisés, ces documents doivent être conservés 10 ans. En principe, ces documents font preuve entre les commerçants, c’est l’article 1330 du Code civil, mais pas contre les non-commerçants, c’est l’article 1329 du Code civil.

Au plan civil, une comptabilité irrégulièrement tenue ne peut pas faire preuve au profit de son auteur, ce qui explique que l’administration peut repousser la comptabilité et procéder à une taxation d’office. C’est ce qu’on appelle un redressement.

2. L’établissement des comptes

Il existe un plan comptable général, ce plan comptable obéit à deux principes. Le premier est que les comptes annuels qu’on a dressé doivent présenter un caractère de régularité et de sincérité, et ces comptes annuels doivent également donner une image fidèle.

II / L’époux du commerçant

Il est fréquent que le conjoint d’un commerçant participe à l’exploitation de l’entreprise du commerçant, ou du fonds de commerce, sans être propriétaire du fonds, et sans même disposer d’un contrat de travail.

Une loi du 10 juillet 1982 a apporté des précisions sur le statut du conjoint. L’idée est de protéger le conjoint du commerçant qui s’investit dans le travail et le développement de l’entreprise.

La législation de 1982 ne concernait que les couples mariés. Depuis la loi du 4 aout 2008, elle vise aussi les couples pacsés.

Evidemment, chaque époux peut exercer sa propre activité commerciale, autrement dit chaque époux peut exercer une activité professionnelle distincte de l’autre. D’ailleurs l’article L121_3 du Code de commerce dispose que le conjoint d’un

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commerçant n’est réputé lui-même commerçant que si il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux. On parle de deux activités séparées.

A – Le choix d’un statut

Dans la mesure où le conjoint participant n’est pas commerçant, quel est son statut ? L’article L121_4 du Code de commerce lui offre trois possibilités : collaborateur, salarié, ou associé.

1. Le conjoint collaborateur

Est considéré comme conjoint collaborateur le conjoint du chef d’une entreprise commerciale qui exerce une activité régulière dans l’entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé au sens de l’article 1832 du Code civil.

Ce conjoint assiste le chef d’entreprise, il n’a pas d’autre activité professionnelle, et il est mentionné comme tel au registre du commerce.

Il n’est pas rémunéré, mais l’avantage de ce statut est qu’il est obligatoirement affilié au régime d’assurance vieillesse de l’époux.

Dans ses rapports avec les tiers, les actes accomplis par le conjoint collaborateur sont réputés accomplis pour le compte du chef d’entreprise. Autrement dit, le conjoint collaborateur ne s’engage jamais personnellement.

2. Le conjoint associé

Cette situation suppose la constitution d’une société. Le conjoint associé participe alors à l’activité de la société. Il effectue des apports à la société, et cette qualité d’associé lui donne des droits de contrôle et d’administration sur l’entreprise et une vocation aux bénéfices.

Le conjoint associé est obligatoirement affilié à un régime d’assurance vieillesse.

3. Le conjoint salarié

Dans cette hypothèse, le conjoint dispose d’un contrat de travail, ce qui lui permet de bénéficier d’un salaire et d’une couverture complète par le régime général de la sécurité sociale.

Pour conclure, en principe par rapport à ces trois statuts, le conjoint doit en choisir un qu’il va déclarer au RCS, le problème c’est que la loi ne prévoit aucune sanction en absence de choix. Quid si le conjoint n’a choisi aucun statut ?

S’il n’a pas choisi de statut, l’article L121_3 présume que ce conjoint n’est pas commerçant. C’est cependant une présomption simple qui peut être renversée s’il a fait des actes de commerce à titre de profession habituelle. On parle de co-exploitation.

La préoccupation aussi est que le conjoint ne soit poursuivi pour des dettes de son époux. S’il n’a pas choisi de statut, le conjoint n’aura pas cotisé, à côté de cela il n’est pas commerçant en principe, mais les créanciers peuvent démontrer qu’il a fait des actes de commerces. Dans ce cas, les créanciers peuvent dire que ce commerce a été co-exploité.

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B – Les pouvoirs respectifs des époux

Il existe un certain nombre de règles qui s’appliquent indépendamment de tout choix de statut par le conjoint.

On a d’abord des règles de pouvoirs respectifs des époux sur le fonds de commerce. Si le fonds de commerce est un bien propre du commerçant, le conjoint n’a aucun pouvoir de contrôle ou de gestion sur le fonds de commerce.

Si le fonds est un bien commun, parce qu’il a été acquis par les deux par exemple, l’article 1421 du Code civil reconnaît aux époux des pouvoirs égaux et concurrents de gestion sur celui-ci.

Cette autonomie professionnelle connaît toutefois des limites, d’abord l’entrepreneur ne peut vendre le fonds de commerce sans le consentement de son conjoint. Ensuite, à défaut de consentement de son conjoint, l’entrepreneur ne peut obtenir l’autorisation de vendre que dans deux hypothèses : lorsque le conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, ou lorsque le refus du conjoint n’est pas justifié par l’intérêt de la famille.

Ensuite, il faut voir le sort des dettes de l’époux commerçant. Si les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens, aucun problème parce que l’époux assume ses dettes.

Si ils sont mariés sous le régime légal de la communauté, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour n’importe quelles causes, pendant la communauté peut toujours être poursuivi sur les biens communs. Au titre des biens communs, il y a les salaires.

Puis, le sort de l’époux divorcé, c’est l’article 1387_1 du Code civil qui a été introduit par une loi sur les PME du 2 aout 2005, qui dispose que lorsque le divorce est prononcé, si les dettes ou sûretés ont été consenties par les époux dans le cadre de la gestion d’une entreprise, le TGI peut décider d’en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel.

Enfin, le sort du conjoint survivant. C’est une loi du 31 décembre 1989 qui prévoit l’indemnisation successorale du conjoint survivant qui a participé bénévolement pendant au moins 10 ans à l’exploitation de son époux commerçant. Le conjoint survivant a droit à une indemnité pouvant aller jusqu’à 25% de l’actif successoral, s’ajoutant à la part du conjoint survivant.

III / Le patrimoine du commerçant

Un commerçant à un patrimoine, sur lequel les créanciers ont un droit de gage général. Deux textes importants ont été adoptés, visant à protéger le patrimoine du commerçant.

D’abord la loi du 1er aout 2003 qui a créé la déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI). Le principe est le suivant : tout le patrimoine du commerçant peu en principe être saisi par les créanciers du commerçant. Cela est susceptible d’entrainer des conséquences catastrophiques.

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La loi de 2003 permet au commerçant de déclarer insaisissable ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale, déclaration qui coûte 500€. Il s’agit d’une déclaration publiée au bureau des hypothèques et elle n’a effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la déclaration à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Le texte a été amélioré par la loi de modernisation de l’économie du 4 aout 2008, et cette loi a étendue le champ d’application de l’insaisissabilité à tout le patrimoine foncier du commerçant non affecté à l’usage professionnel.

Le second texte, c’est la loi du 15 juin 2010, entée en vigueur le 1er janvier 2011 qui a créé le statut D’Entrepreneur Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL).

Ce statut est fondé sur une idée symétrique à la déclaration d’insaisissabilité, ce sont les biens professionnels qui sont identifiés, les autres biens se trouvant mis hors d’atteinte des poursuites des créanciers professionnels. Ainsi, il est affirmé à l’article 1er de la loi, « tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel sans création d’une personne morale ».

Comment adopte-t-on dans le statut de l’EIRL ? La loi a réduit au minimum les formules de création. Celle-ci se fait donc par une déclaration au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur individuel est tenu de s’immatriculer, autrement dit au RCS. La déclaration identifie les biens que l’entrepreneur affecte à son activité professionnelle sachant que le patrimoine affecté est nécessairement composé de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur est titulaire qui sont nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle.

Autrement dit, si le commerçant est propriétaire du local, ce local est nécessairement affecté. En outre, l’entrepreneur est libre d’y inclure les biens, droits, obligations ou sûretés qui sont utilisés pour les besoins de l’activité.

Cette affectation permet donc de limiter la responsabilité professionnelle de l’entrepreneur puisque en principe, les poursuites éventuelles des créanciers de l’activité professionnelle seront cantonnées aux biens ainsi affectés.

Enfin, la déclaration est opposable de pleins droits aux créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication.

Titre second   : Les sociétés commerciales

Il s’agit de créer une personne morale. La France compte environ 2 millions de sociétés commerciales, dont environ 90% sont des SARL, Société À Responsabilité Limitée. On a aussi des sociétés civiles.

Quel est l’intérêt de choisir d’exercer une activité en société ? Il y a plusieurs arguments qui militent en faveur de ce choix.

D’abord, une des raisons peut résider dans l’ampleur de l’activité projetée. En effet, une société permet de réunir des capitaux, cela permet aussi de réunir des compétences, un savoir-faire.

Deuxième élément, c’est l’ampleur de la responsabilité. On a vu que l’entrepreneur individuel est tenu de ses dettes sur la totalité de son patrimoine. L’associé d’une société peut choisir une structure dans laquelle sa responsabilité est limitée au montant de son apport. Par exemple, lorsque l’on constitue une SARL, on met 5 000€, on n’engagera sa responsabilité qu’à auteur de ces 5 000€.

On a aussi l’argument de la pérennité de l’entreprise. L’entrepreneur individuel est mortel, et nécessairement on va se poser la question du sort de l’entreprise une fois

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le décès du commerçant arrivé. Quand on est entrepreneur individuel, généralement le décès provoque une indivision, ce qui est source de difficulté de gestion. Si on est dans le cadre d’une société, malgré le décès d’un associé, la société va continuer, tout simplement parce que les héritiers vont se voir attribuer les titres du défunt et l’activité de l’entreprise continue sans problème.

Enfin, il y a des considérations fiscales qui font que l’on peut être amené à choisir la forme sociétaire. Globalement, la fiscalité des sociétés est moins lourde que la fiscalité appliquée à l’entreprise individuelle.

Section I   : Le droit commun des sociétés

I / La constitution de la société

Il faut d’abord définir la société, et pour la définir il faut consulter le Code civil car il définit le droit commun des sociétés, car la société peut être une société civile. Ces règles sont issues d’une loi du 4 janvier 1978, et elles se trouvent intégrées aux articles 1832 à 1844_17 du Code civil.

La définition de la société se trouve à l’article 1832 qui nous dit que « la société est instituée par 2 ou plusieurs personnes qui conviennent d’affecter à une entreprisse commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée dans les cas prévus par la loi par l’acte de volonté d’une seule personne. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».

Cette définition est intéressante parce que traditionnellement la société est présentée comme un contrat entre plusieurs personnes. La loi du 11 juillet 1985, créant l’EURL, Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée, et la loi du 12 juillet 1999, créant la SASU, Société par Actions Simplifiées Unipersonnelle, ont introduit un tempérament. Pour ces sociétés, on ne parle plus de contrat, mais d’institution car il n’y a qu’une seule personne dans la société.

A – Les conditions générales de validité de tout contrat

Il y a 4 conditions que le droit commun pose à l’article 1108 du Code civil : « pour que tout contrat soit valable, il faut le consentement de la partie qui s’oblige, la capacité du contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement, et une cause licite dans l’obligation.

1. Le consentement

Le consentement doit exister. C’est ce qui va permettre de distinguer le contrat société d’un simple projet.

Ensuite, le consentement doit être sincère, en ce sens qu’une société constituée avec des prête-noms serait une société fictive et donc nulle car ces personnes n’ont pas manifesté l’intention de collaborer.

Le consentement doit être exempt de fraude, autrement dit, on a créé une société, c’est un véritable contrat de société. Les parties ainsi s’exposeraient à une requalification du contrat si sous couvert d’un contrat de société, elles dissimulaient un autre contrat, comme un contrat de travail à seule fin d’éluder les règles du droit travail.

Enfin, le consentement doit être exempt de vices.

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2. La capacité

Le mineur, comme l’incapable majeur, peuvent être associés sauf dans les sociétés dans lesquelles les associés ont la qualité de commerçant, c’est la société en nom collectif, SNC, et dans les sociétés en commandite pour les commandités (sauf mineur émancipé avec autorisation de faire commerce).

Il faut ajouter que deux époux peuvent être associés dans une même société, quelle que soit la société choisie.

Un étranger peut être associé, mais si il est associé dans une société qui lui confère la qualité de commerçant, il doit respecter les conditions vues précédemment.

Egalement, toutes les personnes morales de droit privé peuvent être associées. Une société peut être associée d’une société.

Enfin, les collectivités locales ne peuvent être associées que dans des sociétés d’économie mixte locales.

3. L’objet du contrat   : l’objet social

C’est l’activité qu’entend entreprendre la société. Il peut s’agir d’une société qui envisage de fabriquer des jouets, de réaliser des prestations de services informatiques, de vendre des vêtements…

En vertu du principe de spécialité statutaire, une société ne peut agir que dans les limites de son objet, lequel est prévu par les statuts de la société. En réalité, ce principe de spécialité statutaire a une portée très limitée.

Dans les SARL et les sociétés par actions, si la société dépasse son objet social, elle se trouve malgré tout engagée.

La jurisprudence a pu affirmer qu’une activité commerciale pouvait être exercée par une société même si elle ne correspondait pas à l’objet statutaire dès lors que cette activité n’est ni soumise à autorisation préalable, ni interdite, ni illégale ou immorale.

La seule exigence pour l’objet social, c’est que l’objet doit être licite (on non-interdit notamment les ententes anti-concurrentielles).

4. La cause

La cause ce sont les motifs des associés, pourquoi se mettent-ils en société ? L’exigence est que la cause soit comme l’objet : licite.

Va être considéré comme cause illicite le fait de constituer une société pour échapper à une clause de non-concurrence.

Cela dit, il faut noter que la société est nulle que si la cause illicite est partagée par tous les associés, que si tous les associés ont été conscients de cette fraude. S’il n’y en a qu’un, la société n’est pas nulle.

B – Les conditions particulières au contrat de société

Il existe 4 conditions spécifiques à l’existence d’une société : trois conditions légales, et une condition jurisprudentielle.

Les conditions légales sont la pluralité d’associés, sous réserve de la SASU et de l’EURL, ensuite ce sont les apports, et la troisième condition légale c’est la participation aux résultats. La condition jurisprudentielle, c’est l’affectio societatis.

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1. Les apports

Chaque associé doit faire un apport en contrepartie duquel il reçoit des titres sociaux (on parle de parts sociales dans une SARL ou d’actions dans une Société par Actions).

Les apports permettent la constitution du capital social, qui est le gage général des créanciers sociaux. Certaines sociétés doivent avoir un capital social minimal.

Il faut savoir qu’il existe plusieurs sortes d’apports : il y a d’abord les apports en numéraires, c’est l’apport d’argent.

Ensuite on a les apports en nature, on apporte un bien plutôt qu’un apport en espèces (un immeuble, un fonds de commerce, un brevet, une machine, une voiture, un ordinateur…). Les apports en nature peuvent être faits en propriété, le bien appartiendra alors à la société, ou alors un apport en jouissance.

Enfin, la troisième série d’apports, ce sont les apports en industrie. Ici c’est que l’associé va apporter sa force de travail, sa compétence, son talent, son savoir-faire. Par exemple, un styliste dans une industrie de couture. L’apporteur en industrie s’engage à travailler pour la société au titre de son apport.

La particularité de cet apport est qu’il n’est pas pris en compte dans la détermination du capital social, car on ne peut chiffrer cela.

2. La participation aux résultats de l’exploitation

Au titre de l’article 1832 du Code civil, tout associé à vocation à participer aux bénéfices ou à l’économie recherchée. C’est ce qui fait la différence avec l’association. Il doit aussi contribuer aux pertes et tout cela est une exigence fondamentale du droit des sociétés.

De ce fait, sont illicites les clauses en vertu desquels certains associés seulement profiteraient des bénéfices ou seraient dispensés de contribuer aux pertes. Ces clauses sont appelées les clauses léonines.

Ces clauses sont expressément visées par l’article 1841 du Code civil qui dispose que « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non-écrites ».

La répartition des bénéfices se fait en principe une fois par an sous forme de dividendes distribués aux associés.

S’agissant de la contribution aux pertes, elle est plus rare puisqu’elle est exigée à la liquidation de la société si les biens de la société sont insuffisants pour payer les créanciers.

3. L’affection societatis

C’est une exigence jurisprudentielle, consacrée par la Cour de cassation. Il exprime l’intention de tous les associés de travailler ensemble de manière égalitaire. On dit aussi que c’est une convergence d’intérêts, une volonté d’union, un but commun, même si tous les associés ne sont pas placés sur le même plan.

Cette notion d’affectio societatis permet de distinguer le contrat de société d’autres contrats, et notamment le contrat de travail.

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C – Les formalités de constitution

La conclusion du contrat de société passe par la rédaction d’un document qu’on appelle les statuts, c’est l’article 1835 du Code civil qui en dispose ainsi, sachant qu’il n’y a pas d’exigence (acte authentique ou acte sous seing privé).

Ce document va fixer les apports de chaque associé, on note l’objet social de la société, on va indiquer son nom (l’appellation), son siège social qui peut être différent de l’endroit où elle va déployer son activité, sa durée, et les modalités de son fonctionnement, par exemple les pouvoirs du président.

Ensuite, il y a lieu à une sorte de publicité, puisque la société doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Cette immatriculation fait l’objet d’une publication au Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC).

D – Les conséquences de l’immatriculation : la personnalité morale

L’originalité du contrat de société tient à ce qu’il permet de donner naissance à une personne morale. Les associés ont créé une personne juridique qui va avoir un patrimoine distinct du leur.

La personnalité morale n’est pas directement attachée à la conclusion du contrat de société mais dépend de l’immatriculation de la société au RCS. Autrement dit, si la société n’est pas immatriculée, elle n’est pas nulle mais dépourvue de la personnalité morale.

L’acquisition de la personnalité morale a un certain nombre de conséquences. D’abord il va être possible d’identifier la personne morale, elle va avoir une dénomination sociale, elle va avoir un siège social, une durée (le maximum est 99 ans prorogeables) et puis la société va avoir une nationalité que l’on détermine au regard du siège social.

Cette personne morale a un patrimoine propre distinct de celui de ses associés, et elle dispose d’un intérêt qui lui est propre, c’est l’intérêt social qui transcende les intérêts de ses composantes. Cette idée d’intérêt social justifie l’incrimination d’abus de biens sociaux dans les sociétés de capitaux.

La société répond personnellement des actes commis en son nom par ses représentants d’un point de vue civil, mais aussi d’un point de vue pénal. Le Code pénal précise à l’article L121_2 que les personnes morales sont pénalement responsables des infractions commises pour leurs comptes par leurs organes représentants. Les peines encourus par la société sont adaptées : l’amende, la fermeture d’un établissement, l’exclusion des marchés publics, la dissolution de la société…

La société existe même sans immatriculation, mais elle n’a pas de personnalité morale. Il y a des associés qui font le choix de ne pas immatriculer la société.

Il faut évoquer l’existence de sociétés qui n’ont pas la personnalité morale faute d’immatriculation au RCS.

On a les sociétés en participation : elles sont prévues par le Code civil aux articles 1871 et suivants du Code civil. Ces sociétés en participation sont généralement occultes, mais pas nécessairement. Elles permettent généralement une coopération ponctuelle ou la réalisation d’une affaire. Tant que la société demeure occulte, tout se passe entre associés comme s’il y avait une société en nom collectif.

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A l’égard des tiers, qui n’en ont pas connaissance, chaque associé demeure propriétaire des biens qu’il met à la disposition de la société. Chaque associé contracte en son nom propre. Donc, chaque associé est seul engagé à l’égard des tiers. Ainsi à l’égard des tiers, il n’y a pas de société.

Toutefois, si finalement les associés agissent au vu et au su des tiers, chacun est tenu à l’égard de ces tiers des obligations nées des actes accomplis en cette qualité avec solidarité si la société est commerciale.

On a également les sociétés créées de fait. Cette société c’est un nom qui permet de caractériser une situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont comportées en fait comme des associés mais sans avoir eu l’intention, ni même la conscience de donner naissance à une société.

Autrement dit, reconnaître l’existence d’une société créée de fait, c’est constater après coup une situation de fait. Au terme de l’article 1873 du Code civil de telles sociétés sont soumises aux dispositions concernant les sociétés en participation. Cette hypothèse est souvent revendiquée par un des époux qui ont pratiqué une activité ensemble.

Il faut voir l’hypothèse de la société en devenir, durant la période de formation, le sort des actes accomplis par la société en formation. Cette société en formation est généralement à l’origine d’une intense activité contractuelle (embaucher des salariés, louer une local, acheter du matériel…). La règle est qu’à défaut de personnalité morale de la société, ce sont les formateurs qui vont passer des actes pour la société en formation.

Les actes passés par les fondateurs sont alors ensuite repris rétroactivement par la société une fois qu’elle est valablement formée. A défaut, les actes passés restent à la charge solidaire de ceux que les ont inscrits. La loi prévaut trois procédures de reprise des actes :

- la première possibilité est de dresser un état des opérations effectuées pour le compte de la société en formation, cet état étant annexé au statut. La signature des statuts vaudra ainsi reprise des engagements

- la deuxième solution est le fait de donner mandat à certains associés pour agir pour le compte de la société, l’immatriculation de la société vaudra reprise des actes accomplis par les mandataires

- enfin, il est possible de prévoir une reprise des actes accomplis par les fondateurs, par l’assemblée des associés, après immatriculation de la société.

Il faut insister sur le fait qu’il y a trois possibilités, la Cour de cassation n’en admet aucune autre. Autrement dit, la Cour de cassation refuse la reprise implicite.

II / Le fonctionnement des sociétés commerciales

Derrière la société, il y a une entreprise qui doit fonctionner en conciliant des intérêts qui ne sont pas toujours convergents : les intérêts des apporteurs de capitaux, les intérêts des dirigeants, ou encore l’intérêt des salariés.

A – Les dirigeants

Pour les SARL et les SNC, on parle de gérant, pour la SA on parle de Directeur général. Les dirigeants sont choisis par les associés pour assurer l’exécutif de la société.

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Ce sont les représentants de la société, on parle aussi de mandataires sociaux. L’idée est que lorsqu’ils agissent, c’est la société qui agit.

1. Le statut du dirigeant

Les dirigeants peuvent être en principe des personnes physiques ou morales. Le gérant d’une SARL est nécessairement une personne physique. Le dirigeant peut-être associé ou non de la société, ce peut être quelqu’un qui n’a aucune détention du capital.

En outre, les dirigeants ne sont pas salariés de la société, ils sont des mandataires sociaux. En réalité, il n’est pas interdit que le dirigeant cumule sa casquette avec un contrat de travail avec la société. Ce contrat de travail suppose une fonction distincte.

Les dirigeants ne sont pas des commerçants, car le dirigeant agit au nom et pour le compte de la société. 

2. Les pouvoirs

Les dirigeants ont un très large pouvoir, en général les textes leur donne la faculté de passer tous les actes que la loi ne réserve pas à la compétence de la société. La compétence de la société s’exprime en assemblée générale et est limitée aux décisions les plus importantes.

Le dirigeant assure la gestion courante de la société, c’est lui qui embauche le personnel, qui gère les comptes bancaires, qui achète le matériel, qui exerce les actions en justice… La seule limite est de ne pas compromettre la poursuite de l’objet social.

Dans les rapports avec les associés, les statuts peuvent limiter les pouvoirs légaux des dirigeants, mais ces stipulations ne sont pas opposables aux tiers. Il est par exemple possible d’avoir dans les statuts une disposition qui dit que le dirigeant ne pourra pas souscrire un emprunt sans l’autorisation préalable des associés.

Cette disposition n’a vocation qu’a joué au niveau interne. Autrement dit, si l’autorisation n’est pas demandée, la société souscrit quand même cet emprunt, le dirigeant s’exposera à une révocation.

3. La responsabilité des dirigeants

Les dirigeants sont responsables à l’égard de la société et des associés de leur gestion, notamment s’il ne respecte pas la loi où les statuts. Les tiers peuvent aussi engager la responsabilité des dirigeants, mais la faute qui peut fonder l’action contre eux doit leur être personnellement imputable et détachable de leur fonction.

La Cour de cassation en chambre commerciale a qualifié une telle faute dans un arrêt du 20 mai 2003 en ces termes : « il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normale des fonctions sociales ». On a pu ainsi estimer qu’un dirigeant avait commis une faute détachable en s’abstenant délibérément de délivrer une prime d’assurance des véhicules de la société.

B – Les associés

La qualité d’associé confère des prérogatives essentielles en contrepartie de l’apport qu’il a fait à la société. On distingue traditionnellement entre ses droits individuels et ses droits collectifs.

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1. Les droits individuels de l’associé

On va en citer 4. D’abord l’associé a le droit de participer aux assemblées et de voter. On a pas le

droit de lui supprimer le droit de vote, ni de lui opposer un vote dans un sens, c’est l’arrêt Château d’Yquem, chambre commerciale du 9 février 1999.

Dans la même logique, l’associé a le droit d’être informé. L’associé a le droit de se faire communiquer les documents sociaux et il peut interroger les dirigeants par écrit.

L’associé a le droit de rester dans la société. Il ne doit pas être exclu de la société, il ne peut pas être exclue de la société, mais c’est un principe, parce que la jurisprudence valide les clauses statutaires d’exclusion auxquelles l’associé aurait par avance consenti et à condition que l’exercice de l’exclusion respecte les droits de la défense, autrement dit que l’associé ait pu s’exprimer sur l’exclusion, et que cette exclusion s’accompagne d’une indemnisation.

L’associé a aussi le droit de quitter la société, il n’est pas lié à la société le temps de la durée de celle-ci, autrement dit il a la possibilité de céder ses parts ou actions.

2. Les droits collectifs de l’associé

Il exerce ces droits collectifs au sein des assemblées d’associés ou d’actionnaires selon la société.

Il existe deux catégories d’assemblées : les assemblées générales ordinaires (elles sont compétentes pour approuver les comptes annuels, décidaient de l’affectation des résultats, pour révoquer ou nommer les dirigeants…) ; et puis on a les assemblées générales extraordinaires (qui sont compétentes pour décider des assemblées statutaires, par exemple changer la forme, le nom, l’objet social…).

3. Les engagements de l’associé

Son principal engagement est de réaliser l’apport. On a également l’engagement de participer aux résultats.

L’article 1836 du Code civil précise qu’en aucun cas les engagements des associés ne peuvent être augmentés sans son consentement. Par exemple, il est possible pour une société de vouloir augmenter son capital, en aucune façon on peut imposer aux associés déjà présents de participer à cette augmentation.

C – Le comité d’entreprise

Les salariés n’ont pas un droit d’expression directe, ils s’expriment par l’intermédiaire de leur représentant : le comité d’entreprise.

Le comité d’entreprise a vocation à être présent dans les sociétés qui ont un effectif d’au moins 50 salariés.

La loi NRE du 15 mai 2001 a donné au comité d’entreprise un droit d’intervention générale dans la vie des sociétés en créant l’article L2323_67 du Code du travail. Ce texte accorde au comité d’entreprise trois prérogatives :

- d’abord il peut demander en justice la désignation d’un mandataire de justice chargé de convoquer l’assemblée générale des associés en cas d’urgence ;

- le comité d’entreprise peut requérir l’inscription de projets de résolution à l’ordre du jour des assemblées ;

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- enfin deux membres du comité d’entreprise peuvent assister aux assemblées générales et peuvent être entendus lors des délibérations requérant l’unanimité des associés.

D – Le commissaire aux comptes

Il n’est pas présent dans toutes les sociétés, il existe dans des sociétés d’une taille importante, et il a alors pour mission de vérifier la sincérité et la régularité des comptes, les valeurs de la société, et il a également pour fonction de vérifier la sincérité des informations données aux actionnaires.

Il s’agit d’un contrôle permanent. Le commissaire est obligatoirement présent dans les sociétés anonymes ainsi que dans les sociétés en commandite par actions.

S’agissant des autres sociétés (hormis la SAS), un commissaire doit être désigné dès lors que deux des trois seuils suivants sont atteint : 1 million 550 000 euros de total de bilan, 3 millions 100 000 euros hors taxes de chiffre d’affaires, et 50 salariés.

La SAS, avant 2008 avait nécessairement un commissaire aux comptes, et depuis 2008, il y a lieu de désigner un commissaire aux comptes si deux des trois seuils suivants sont dépassés : 1 million d’euros de total de bilan, 2 millions d’euros pour le chiffre d’affaires hors taxes, et 20 salariés.

Les commissaires aux comptes sont des professionnelles indépendants, diplômés experts comptables, ils ont prêtés serment devant la Cour d’appel dont ils dépendent, et ils sont nommés pour 6 ans durant lesquels ils sont en principe irrévocables. Ils se rendent dans l’entité contrôlée et disposent d’un droit de communication illimité. Ils sont seul juge de l’opportunité des vérifications et contrôles qu’ils effectuent. C’est un contrôle des comptes, un contrôle interne.

Les commissaires aux comptes font connaître aux dirigeants le résultat de leurs contrôles, les irrégularités découvertes et leurs observations. Il établit un rapport pour l’assemblée des associés.

En outre, il doit révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il a connaissance. Il engage sa responsabilité s’il ne le fait pas.

III / Les évènements affectant la vie sociale

A – La constitution de groupe de sociétés

En pratique, on parle de groupe de sociétés lorsque plusieurs sociétés bien que juridiquement indépendantes les unes des autres sont de fait soumises à une unité de décision économique.

C'est à dire que dans un groupe, on a une société qui va contrôler un ensemble de sociétés. On parle d’une société-mère qui détient des participations dans d’autres sociétés qu’on appelle des sociétés-filles ou filiales. Du coup, quand on parle de relation entre sociétés-filles, on parle de sociétés-sœurs. La société-mère peut avoir une activité économique propre, mais souvent son objet se cantonne à la détention de droits sociaux dans les sociétés sur lesquelles elle exerce son emprise. On parle alors d’une holding, ou société-holding.

Le droit des sociétés ne reconnaît pas la réalité juridique du groupe de sociétés. Chaque société du groupe est prise en compte individuellement, et le groupe n’a pas la

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personnalité morale. Cela veut dire que chaque société du groupe ne répond que de ses propres dettes. Les différentes sociétés du groupe ne répondent absolument pas des dettes des autres, la mère ne répond pas des dettes de ces filles. En pratique, ces affirmations sont fondamentales.

Le droit a conscience de l’importance du groupe, certaines disciplines juridiques prennent en compte le groupe de sociétés. Par exemple, en droit social, il existe le comité de groupe, c’est une institution qui vise à représenter les salariés du groupe, le groupe est donc une réalité économique. En droit de la concurrence, le groupe est mis sous surveillance et l’on veille à ce qu’il ne constitue pas une entente prohibée. En droit fiscal, on admet le principe de l’intégration fiscale. C’est un principe qui consiste à permettre à une société du groupe d’être redevable de l’impôt dû par les sociétés de l’ensemble du groupe. L’idée est de pouvoir compenser les pertes de certaines sociétés avec les bénéfices des autres. La quatrième illustration qui voit le groupe en tant que réalité économique, en droit comptable on impose la tenue de comptes consolidés. C’est l’établissement d’une comptabilité qui est globale, au niveau du groupe.

B – La transformation de la société

C’est le changement de forme juridique. Par exemple, on a créé initialement une SARL, et on décide de la transformer en Société Anonyme.

Le plus souvent, elle est voulue par les associés. Parfois, la transformation est obligatoire. Elle ne répond plus forcément à une volonté, elle est imposée compte tenu d’une évolution de la société, par exemple on est dans une SARL, où le nombre d’associés maximum est 100, et si on dépasse ce nombre, l’article L233_3 du Code commerce impose la transformation de la société au bout d’un an, sous peine de dissolution.

La décision de transformer la société est soumise à une décision de l’assemblée générale extraordinaire. Une majorité qualifiée différente selon la société est requise, parfois c’est l’unanimité des associés qui est exigée. L’exemple topique c’est la transformation d’une SARL, à responsabilité limitée, en SNC. Dans cette hypothèse, l’unanimité est requise car la situation est beaucoup plus exposée, en SNC la responsabilité n’est pas limitée.

Quand il y a transformation, c’est la même personne morale qui continue.

C – Fusion, scission et apport partiel d’activité

La fusion est l’opération dans laquelle une ou plusieurs sociétés transmettent leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent pour l’occasion.

La fusion se caractérise par la dissolution de la société absorbée et la transmission du patrimoine à la société absorbante. Les associés de la société absorbée vont devenir associés de la société absorbante et vont recevoir de celle-ci des titres sociaux.

La scission c’est l’hypothèse dans laquelle la société est démembrée, autrement dit c’est un partage de la société. Le patrimoine est alors transmis à plusieurs sociétés existantes, ou à plusieurs sociétés constituées pour l’occasion. Les associés de la société scindée reçoivent des titres sociaux des sociétés qui ont recueilli une partie de la société démembrée.

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Dans cette hypothèse de scission et dans ces hypothèses de fusion, le patrimoine de la société est transmis. On parle de transmission universelle du patrimoine. Ce sont des opérations qui sont entourées d’un formalisme pointilleux. Cela suppose un accord des assemblées générales extraordinaires, et la désignation d’un commissaire à la fusion, les valeurs d’échange sont parfois difficiles à déterminer.

Enfin, l’apport partiel d’actifs est une opération qui consiste à apporter certains biens d’une société à une autre, soit une société existante soit une société créée pour l’occasion.

C’est l’apport d’une branche d’activité. Par un exemple, un éditeur qui édite des ouvrages de médecine et des ouvrages juridiques, on peut concevoir un apport partiel d’actifs de la branche d’activité d’édition des livres juridiques à une autre société, on se défait d’une branche d’activité.

D – La dissolution, la liquidation et le partage

C’est l’article 1844_7 du Code civil qui se penche sur la dissolution. Cet article envisage différentes causes de dissolution.

D’abord la dissolution peut résulter de l’expiration du temps pour lequel la société a été constituée. Le Code civil nous dit aussi que la dissolution peut résulter de la réalisation ou de l’extinction de son objet. Le Code civil dit aussi que la dissolution de la société peut résulter de toute cause particulière prévue dans les statuts ou de la volonté unanime des associés.

Le Code civil nous dit aussi que la dissolution peut résulter d’une cause accidentelle. D’abord il peut y avoir une dissolution judiciaire. C’est le cas d’une dissolution suite à une liquidation pour insuffisance d’actifs. Ce peut être le cas d’une dissolution suite au prononcé d’une sanction contre la société. Ce peut être le cas d’une dissolution qui fait suite à une cause de nullité, et enfin ce peut être le cas d’une dissolution demandée en justice pour juste motif.

Le premier cas, la dissolution judiciaire pour insuffisance d’actifs, c’est le cas de la société qui ne paie plus ses créanciers, alors débute une procédure de liquidation judiciaire. Dans cette hypothèse-là, on va clôturer la procédure et il y aura dissolution de la société. Ensuite, au titre d’une sanction pénale, la société peut être dissoute. Enfin une dissolution demandée pour juste motif, c’est par exemple le cas lorsque les associés ne s’entendent plus, la société en devient paralysée. Le juge, s’il ne trouve pas de solution pourra prononcer la dissolution de la société. La société est composée en principe de plusieurs associés, si il y a seulement deux associés, et que l’un des deux décède, l’associé qui se retrouve tout seul à un an pour régulariser sa situation. Si tous les titres sociaux sont réunis en une seule main, la dissolution n’est pas acquise de pleins droits, l’associé a alors un an pour régulariser sa situation.

La dissolution de la société produira ses effets à l’égard des tiers à compter de la publication au registre du commerce et des sociétés.

La suite de la dissolution de la société, c’est la liquidation de la société, c’est-à-dire qu’on va solder les comptes de la société, on va terminer les affaires en cours, on va réaliser les actifs, on va payer les dettes pour arriver à ce qu’on appelle un actif net qui

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sera à répartir entre les parties. Pendant cette période de liquidation, la personnalité morale de la société survie, jusqu’à la clôture de la liquidation.

Une fois la liquidation opérée, comment procède-t-on au partage ? En général il n’y a que des deniers à répartir, on parle de boni de liquidation. La répartition se fait conformément au statut ou à défaut dans la même proportion que la participation des associés au capital.

Parfois, la société n’a fait que des pertes. Au niveau de la comptabilité, on ne partage pas les pertes, on fait un report à nouveau, on reporte les pertes sur l’exercice suivant. A la dissolution de la société, les associés doivent donc contribuer aux pertes. On parle de contribution aux pertes.

Dans les sociétés à risque limité, les associés ne récupèreront pas leur mise initiale. C’est en principe le seul risque qu’ils courent. Dans les sociétés à risque illimité, il y a ce qu’on appelle une obligations aux dettes, les associés vont être poursuivis au-delà de leur mise, au regard de ce qui est dû aux créanciers. Le type même de ce genre de société est la SNC, Société en Nom Collectif.

Une fois les opérations de liquidation terminées, il est procédé à la radiation de la société au RCS.

Section II   : Typologie des sociétés commerciales

Le Code de commerce envisage 6 types de sociétés : la SNC, la société en commandite simple, la SARL, la SA, la société en commandite par actions, et la SAS (Société par Actions Simplifiée).

Traditionnellement on distingue pour les présenter les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux. Les sociétés de personnes sont des sociétés qui sont constituées en considération de la personne des associés. L’exemple type de la société de personnes c’est la Société en Nom Collectif, et également la société en commandite simple. La cession de parts suppose en principe une unanimité.

A l’opposé on a les sociétés de capitaux, constituées principalement en vue des capitaux qui doivent être mis en commun. La cession des titres est libre. L’exemple type c’est la SA ou la société en commandite par actions.

Le problème est que cette distinction ne permet pas de classer toutes les sociétés, et en particulier on ne peut pas vraiment classer la SARL et la SAS. La SARL se rapproche des sociétés de personnes parce qu’il y a un fort intuitu personae. D’ailleurs, la cession de part est encadrée. A côté de cela, elle se rapproche des sociétés de capitaux notamment parce que les associés ont une responsabilité limitée.

La SAS est une société par actions, donc par essence capitalistique, mais elle se caractérise par un fort intuitu personae.

I / Les sociétés à risque illimité

A – La Société en Nom Collectif

C’est l’exemple type. Cette société est composée d’un groupe d’associés, au moins deux, tenus indéfiniment et solidairement du passif social. Cela veut dire qu’un créancier social qui n’obtient pas paiement auprès de la société peut s’adresser à n’importe lequel des associés pour lui réclamer lui tout.

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Tous les associés de la SNC ont la qualité de commerçant. C’est le seul cas où la loi confère aux associés la qualité de commerçant. Pour autant ils n’ont pas une activité commerciale.

La société en nom collectif est fiscalement transparente, autrement dit on n’appréhende son bénéfice à travers les associés qui seront soumis à l’impôt sur le revenu. C’est une société qui est très souple dans son fonctionnement, et il n’y a pas de capital minimum.

La direction est assurée par un ou plusieurs gérants, qui peuvent être personnes physiques ou personnes morales. Le gérant peut être associé, mais on peut décider dans les textes que le gérant ne soit pas associé.

Le gérant engage la société pour les seuls actes qui entrent dans l’objet social. Pour le reste, il n’engagera pas la société sauf à ce qu’il obtienne l’accord de tous les associés.

B – La Société en Commandite Simple

Les caractéristiques précédentes valent par la SCS, la seule particularité est qu’il y a deux types d’associés : les commandités et les commanditaires.

Les commandités sont véritablement des associés en nom collectif, ils ont une responsabilité illimitée.

Les commanditaires ont la particularité de n’être tenus qu’à concurrence de leurs apports sachant que le commanditaire ne peut être gérant, c’est simplement un apporteur de capital. D’ailleurs, il n’est pas considéré comme un commerçant, à la différence des commandités.

II   / Les sociétés à risque limité

A – La Société À Responsabilité Limitée

1. La SARL pluripersonnelle

C’est-à-dire qu’elle a plusieurs associés. La SARL est une société hybride, elle a des caractéristiques de la société de personnes, et des caractéristiques de la société de capitaux. D’abord c’est une société dans laquelle la responsabilité des associés est limitée aux montants de leurs apports.

Les associés des SARL ne sont pas commerçants, le capital est déterminé librement, il n’y a pas de capital minimum. Avant 2003, on exigeait d’une SARL un minimum de7500€, désormais on peut faire une SARL à 1 euro. En outre, le nombre maximum d’associés et de 100 (avant 50 car l’idée était que cela reste une petite structure, plutôt familiale).

Dans la mesure où l’intuitu personae est important, la cession de parts est encadrée. En principe, entre associé la cession est libre. Il est tout à fait possible dans les statuts de limiter cette cession. En principe, cela est libre entre associés, car si on veut partir on se connaît tous, le plus dangereux est de faire rentrer quelqu’un de dehors.

On peut dans les statuts introduire un agrément, car la répartition du pouvoir dans la société peut être modifiée suite à la cession.

Pour la cession aux tiers, la loi dit qu’un agrément est toujours nécessaire avec la règle de la double majorité. Il faut obtenir la majorité des associés représentant au

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moins la moitié des parts sociales. Que se passe-t-il si cette double majorité n’est pas obtenue ? La société doit alors racheter ou faire racheter les parts en cas de refus.

Au niveau de la direction, le gérant est nécessairement une personne physique, associé ou nom. Les tiers sont protégés lorsqu’ils contractent avec la société car le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société. Il n’y a pas la limite de l’objet social.

Enfin, la SARL n’est pas transparente, elle fait elle-même l’objet d’une imposition : on lui applique l’impôt sur les sociétés.

2. L’EURL

C’est une Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée, c’est donc une SARL unipersonnelle. Cette forme sociétale a été créé par une loi du 11 juillet 1985, avec l’idée de permettre à un entrepreneur individuel de ne pas engager la totalité de son patrimoine, l’idée est donc de lui permettre de créer une société distincte.

Aujourd’hui, existe désormais la déclaration d’insaisissabilité, cette forme a donc perdu de son intérêt, et les textes ont créé le statut d’EIRL, qui offre la possibilité de protéger son patrimoine.

L’EURL est une société, l’EIRL n’est pas la création d’une personne morale, c’est le fait d’endosser un statut permettant d’affecter une partie du patrimoine à une activité.

Sur le fond, c’est le régime de la SARL qui s’applique à l’EURL en prenant en compte le fait qu’il n’y a qu’un associé, il est à la fois gérant et associé.

B – La Société Anonyme

Dans les sociétés anonymes on parle d’actionnaires qui ont donc des actions en contrepartie de leurs apports, ils doivent être au minimum 7. Il n’y a pas de maximum.

Il y a un capital minimum de 37 000 euros, et dans toute SA il y a nécessairement un commissaire aux comptes. La direction de la société peut s’organiser de deux façons :

- on a le système moniste, où on a une SA avec un conseil d’administration, et la personne qui dirige la SA est la Directeur-général ;

- puis on a le système dualiste constitué d’un directoire et d’un conseil de surveillance. Le directoire gère la société, et le Conseil de surveillance surveille la gestion.

C – La Société en Commandite par Actions

On a deux catégories d’associés, les commandités et les commanditaires. Les commandités sont indéfiniment et solidairement responsables du passif social, et les commanditaires sont de véritables actionnaires.

Ils doivent être 4 minimum, 3 commanditaires et un commandité. Cette société a eu son heure de gloire quand il n’y avait pas la SA.

D – La Société par Actions Simplifiée

Cette société a été introduite juridiquement par une loi du 3 janvier 1994, et une loi de 1999 qui est venue autoriser la SAS Unipersonnelle (SASU).

Ce qui caractérise la SAS, c’est la souplesse dont elle est entourée quant à son organisation, et il y a eu des réformes depuis sa création, les lois qui se sont succédées

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ont tenté d’améliorer cette souplesse, notamment la loi du 4 aout 2008 qui a supprimé l’exigence d’un capital social minimum.

La loi a supprimé l’exigence d’un commissaire aux comptes, et enfin la loi est venue autoriser les apports en industrie. Le constat qui se faisait était que la SA était trop rigide dans son fonctionnement.

La responsabilité des associés est limitée, les associés doivent désigner un président qui aura pour rôle de représenter la société envers les tiers. A part cela, les statuts organisent tout le reste (qui prend les décisions, quelles seront les majorités, les conditions de révocation du dirigeant). Il faut retenir cette grande liberté contractuelle.

La SAS est une société par actions fermée. C’est-à-dire qu’elle ne peut pas offrir ses titres au public. Il n’y a pas d’introduction en Bourse comme pour les sociétés anonymes.

Comme c’est une société où l’intuitu personae est important, il est tout à fait possible d’envisager dans les statuts une clause d’agrément dans les hypothèses de cession des titres y compris entre associés.

PARTIE II   : L’activité commerciale

On va étudier tout d’abord le fonds de commerce, puis nous verrons la concurrence, et enfin on étudiera les difficultés des entreprises.

Titre premier   : Les fonds de commerce

Section I   : La notion de fonds de commerce

Quand on regarde le Code de commerce, on ne trouve aucune définition du fonds de commerce, c’est la jurisprudence qui a construit cette définition avec des éléments caractéristiques.

Schématiquement, il s’agit d’un ensemble de biens réunis en vue d’attirer la clientèle.

Le fonds de commerce ne se confond pas avec la société. La société est un sujet de droit, elle jouit de la personnalité morale. Le fonds de commerce est un bien. Dans une société, on aura généralement un fonds de commerce, mais ce sera un bien dans le patrimoine plus large de la société.

Ensuite, le fonds de commerce ne se confond pas avec l’entreprise, certaines entreprises ne sont pas commerciales, l’entreprise désigne une réalité plus large. On peut y trouver des éléments humains que l’on ne retrouvera pas dans le fonds de commerce.

Le fonds de commerce est une universalité qui constitue un meuble incorporel et qui a pour finalité d’attirer la clientèle.

Tout d’abord c’est une universalité, parce que le fonds regroupe un ensemble de biens, corporels et incorporels. La réunion de cet ensemble de biens, en vue d’une exploitation commerciale permet de donner naissance à un bien original, distinct des biens qui le compose.

Ensuite, le fonds de commerce est un meuble incorporel. Il faut savoir qu’un immeuble ne fait jamais partie d’un fonds de commerce. On a le local, et on a le fonds,

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qui est un meuble incorporel. Certains biens du fonds de commerce ne sont pourtant pas incorporels mais sont des biens corporels, ce sont des biens qui le composent. La capacité à attirer la clientèle, qui fonde l’essentiel de la valeur du fonds de commerce justifie cependant une qualification de meuble incorporel.

Le fonds de commerce a pour finalité d’attirer la clientèle, autrement dit la clientèle est la condition première de l’existence d’un fonds de commerce. Sans clientèle, il n’y a pas de fonds de commerce, sachant que la clientèle doit présenter trois caractères.

D’abord elle doit être commerciale, c’est-à-dire elle doit résulter d’actes de commerce.

La deuxième caractéristique est qu’il faut que la clientèle soit personnelle au titulaire du fonds de commerce. La clientèle ne doit pas dériver du travail d’autrui.

Il existe en pratique deux difficultés, d’abord pour les commerces intégrés. Imaginons un hôtel et dans le hall de cet hôtel il y a une personne qui vend des souvenirs, et cette personne loue un local et voudrait bénéficier d’un droit au renouvellement au bail. Il faut donc se prévaloir de l’existence d’un fonds de commerce, il faut donc démontrer une clientèle commerciale, or la clientèle dans cet hôtel est celle de l’hôtel. Dans ce cas de figure, il y a de gros doutes à ce que la clientèle soit considérée comme celle du fonds de commerce. On ne peut pas se prévaloir d’une clientèle personnelle, ne réunissant ainsi pas les caractéristiques du fonds de commerce. La difficulté se situe essentiellement pour ce qu’on appelle les commerces intégrés où la clientèle est souvent attachée à cet hôtel par exemple.

Ensuite deuxième difficulté avec le système de franchise, il s’est posé la question de savoir si la clientèle est vraiment la leur ou de celle de leur enseigne. Cette fois-ci la Cour de cassation est ferme est dit qu’il y a un fonds de commerce.

La troisième exigence, la clientèle doit être actuelle, c’est-à-dire qu’elle doit être le résultat d’une exploitation en cours.

Véritablement les enjeux sont colossaux, c’est peut-on bénéficier des statuts des baux commerciaux, ou encore sommes-nous soumis au régime de la cession du fonds de commerce ?

Le bénéfice des baux commerciaux est le fait de bénéficier d’un droit au renouvellement du bail, c’est ce qu’on appelle la propriété commerciale.

Section II   : Les éléments constitutifs du fonds de commerce

Le fonds de commerce est constitué d’éléments incorporels et d’éléments corporels.

S’agissant des éléments incorporels, l’élément essentiel est la clientèle. On peut lire des fois le terme d’achalandage.

Il y a aussi ce qu’on appelle des signes distinctifs : c’est le nom commercial, l’enseigne, la marque, il peut y avoir des droits de propriété industrielle tels les brevets. On peut également avoir des licences ou autorisations accordées par l’administration au propriétaire du fonds. Un autre élément souvent présent c’est le droit au bail. C’est l’hypothèse dans laquelle le commerçant exploite son fonds de commerce dans un local qui ne lui appartient pas, il a donc le droit de jouir de son local de façon pérenne.

Puis il y a les éléments corporels, on songe au matériel et à l’outillage, le mobilier affecté à l’exploitation, les véhicules, et surtout les marchandises appelées les stocks.

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Les immeubles ne font jamais partie du fonds de commerce.

Section III   : Le bail commercial

Ce contrat est un contrat qui est indispensable à l’activité du commerçant sauf si le commerçant est propriétaire des locaux dans lesquelles il exploite son fonds. C’est un contrat de location qui porte donc sur l’immeuble dans lequel est exploité le fonds.

Un autre contrat est celui de la location-gérance, c’est un contrat qui porte sur le fonds, tandis que le bail commercial porte sur l’immeuble dans lequel le fonds est exploité.

Le locataire devait être protégé, d’où une réglementation rigide qui figure aux articles L145_1 et suivants du Code de commerce. Pour l’essentiel, ces textes offrent au locataire un droit au renouvellement de son bail et dans l’hypothèse où le propriétaire ne veut pas renouveler le bail, il doit alors verser une indemnité d’éviction au locataire.

I / Les conditions d’application du statut des baux commerciaux

Il existe trois catégories de conditions qui tiennent aux parties aux contrats, qui tiennent à l’objet du contrat, et qui tiennent ensuite à sa durée.

A – Les parties au bail

Dans un contrat de bail, on a d’un côté le locataire qu’on appelle preneur, et de l’autre on a le propriétaire des murs que l’on appelle bailleur.

1. Le preneur ou locataire

L’article L145_1 nous dit que le preneur doit être soit un commerçant immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS), soit un artisan immatriculé au répertoire des métiers.

Il y a d’autres personnes qui peuvent bénéficier de ce statut des baux commerciaux, et parmi ces personnes il y a l’artisan immatriculé au répertoire des métiers.

2. Le bailleur

Le bailleur c’est le propriétaire des murs. Il n’y a pas d’exigence particulière si ce n’est des exigences liées à sa situation patrimoniales : ainsi si l’immeuble dépend d’une communauté de biens entre époux, l’article 1425 du Code civil prévoit que les époux ne peuvent l’un sans l’autre le donner à bail. Si la location était consentie par l’un uniquement, l’autre peut s’y opposer dans un délai de 2 ans.

B – L’objet du bail

Le bail porte sur un immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce. Sur l’immeuble, on entend par là un immeuble bâti. Le principe est qu’on ne peut pas consentir un bail commercial sur des terrains nus.

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Sur le fonds de commerce, en sus des éléments constitutifs du fonds de commerces, les textes visent aussi les locaux d’immeuble accessoires à l’exploitation du fonds de commerce.

C – La durée du bail

Cette durée ne peut être inférieure à 9 ans. C’est l’article L145_4 du Code de commerce.

Le respect de cette durée ne s’impose pas de la même manière au bailleur et au preneur. Le preneur peut résilier le contrat à l’expiration de chaque période triennale moyennant respect d’un préavis de 6 mois.

Le bailleur de son côté ne peut rompre à l’expiration de chaque période triennale que pour des raisons bien précises qui figurent dans le Code de commerce, et notamment lorsqu’il s’agit de reconstruire l’immeuble.

L’article L145_5 du Code de commerce prévoit que les parties peuvent lors de l’entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions du bail commercial à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à 2 ans. Cette disposition est dangereuse c’est pourquoi le texte prévoit que si à l’expiration de la durée de 2 ans le preneur est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail qui sera soumis au statut des baux commerciaux.

Les textes disent que ne bénéficient pas du statut des baux commerciaux les locations saisonnières (ce qui est assez logique car on loue le temps de la saison) et les conventions d’occupation précaires définies par la jurisprudence comme un bail affecté d’une précarité objective tenant à une circonstance particulière, comme par exemple une menace d’expropriation ou la démolition prochaine de l’immeuble.

II / La protection du locataire

Elle passe par deux règles. Elle passe parce qu’on appelle la propriété commerciale, mais il y a une autre règle qui illustre la protection du locataire, c’est le plafonnement du montant du loyer. Lorsqu’un locataire entre dans des locaux, les parties sont libres de déterminer le montant du loyer.

Lorsque le locataire entre dans les lieux, on lui demande une somme, le pas-de-porte, qui vient en quelque sorte payer le bailleur de son absence de liberté. C’est le droit d’entrée dans les locaux, qui peut être assez conséquent. Ensuite, la protection du locataire passe par un plafonnement de la révision du loyer.

A – Les conditions du droit au renouvellement

On peut faire plusieurs remarques.

La première remarque, c’est que le droit au renouvellement ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux loués. En pratique, cette condition ne pose pas de difficulté car l’exploitant du fonds est le locataire de l’immeuble. Il y a deux situations dans lesquelles il peut y avoir difficulté.

Tout d’abord c’est l’hypothèse de la location-gérance, c’est un contrat dans lequel on loue le fonds de commerce. Dans les locaux on a le propriétaire du fonds, et une autre

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personne qui exploite le fonds. Le droit au renouvellement appartient au propriétaire du fonds.

La deuxième situation, c’est l’hypothèse de la sous-location. En principe, il est interdit au locataire de sous-louer les lieux. Par exception il est possible de sous-louer avec l’accord du propriétaire. Dans ce cas-là, on considère que le droit au renouvellement appartient au sous-locataire.

La deuxième remarque, le droit au renouvellement ne peut être invoqué que si le fonds de commerce a été effectivement exploité pendant les 3 années qui ont précédé le renouvellement.

La dernière remarque, le renouvellement suppose que le bailleur n’exerce pas son droit de reprise. Il y a deux situations dans lesquelles le bailleur peut ne pas renouveler le bail, il récupère donc les locaux. Ces deux situations sont prévues par l’article L145_17 du Code de commerce.

D’abord, il peut ne pas renouveler le bail s’il ne justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire. L’hypothèse fréquente, c’est celle dans laquelle le bailleur invoquerait une violation du contrat. Par exemple c’est l’hypothèse où le locataire avait sous-loué sans autorisation.

C’est la porte ouverte à certaines dérives, c’est la raison pour laquelle si le propriétaire du local reproche des manquements au locataire, il va mettre en demeure le locataire de se mettre en conformité, et ce n’est qu’au bout d’un mois après qu’il pourra invoquer son droit de reprise.

La deuxième hypothèse c’est celle dans laquelle l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli en raison de son insalubrité ou s’il est établi qu’il ne peut être occupé sans danger.

Sinon, le propriétaire du local est tenu de renouveler le bail.

B – Refus de renouvellement

Si le bailleur refuse de renouveler le contrat de bail, il est tenu de payer au locataire une indemnité d’éviction qui est égal au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend la valeur marchande du fonds de commerce, (cette valeur est classiquement déterminée au regard du chiffre d’affaires) augmentée des frais de déménagement et de réinstallation et augmentée des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur.

D’où, une fois le montant de l’indemnité fixée, le bailleur dispose d’un droit de repentir.

Section IV   : Les opérations portant sur le fonds de commerce

Il y a trois types d’opérations qui vont nous intéresser : la vente du fonds (cession, mutation), il y a le nantissement du fonds de commerce, et il y a la location-gérance.

I / La cession du fonds de commerce

La cession du fonds de commerce est régie par une loi du 17 mars 1909, on trouve les dispositions aux articles L141_1 et suivants du Code de commerce.

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La vente du fonds de commerce est un acte de commerce, c’est un acte très formaliste, dans le souci de protéger les intérêts en présence : ceux de l’acquéreur, ceux du vendeur, et ceux des créanciers du vendeur.

A – Les conditions de la cession

On fait la distinction entre les conditions de fonds et les conditions de forme.

1. Les conditions de fonds

S’agissant des conditions de fonds, il s’agit des mêmes conditions que de tout contrat : consentement, capacité, objet, cause (1108 du Code civil).

S’agissant de la capacité, du côté d’un acte de commerce on requière la capacité commerciale.

Ensuite s’agissant du consentement, il doit exister et il ne doit pas être vicié. En matière de vente de fonds de commerce, il existe une obligation spécifique d’information.

S’agissant de l’objet du contrat, il s’agit du fonds. Le prix doit être déterminé ou déterminable, on craint néanmoins les dessous-de-table, c’est-à-dire une dissimulation du prix réellement payé de façon à éviter une taxation trop importante. La pratique des dessous-de-table qui consiste à dire un prix inférieur au prix réel, les textes prévoient alors la nullité des dessous-de-table mais pas la nullité de la vente. On fait peser sur le vendeur le risque du non-paiement du dessous-de-table.

Enfin la cause doit existée et doit être licite.

2. Les conditions de forme

Le vendeur doit énoncer dans l’acte de vente du fonds, l’acte n’étant pas nécessairement notarié, le nom du précédent vendeur et le prix d’acquisition.

On doit également indiquer l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds, le chiffre d’affaires réalisé au cours des 3 dernières années, sachant qu’il révèle l’importance de la clientèle, les bénéfices, et le bail.

La sanction du non-respect de ces conditions c’est la nullité de la vente laquelle peut être demandée dans un délai d’1 ans de la vente.

Quand on est dans la situation de chiffre d’affaires artificiellement gonflé, la sanction est l’action rédhibitoire (résiliation de la vente) ou estimatoire (réduction du prix), dans un délai de 1 ans à compter de la vente. Ces actions-là n’empêchent l’action pour dol.

B – La protection des créanciers

Il s’agit ici d’envisager la protection des créanciers du vendeur. Cette protection passe par la publicité, il faut savoir que le fonds est bien souvent le seul bien dont dispose les commerçants et c’est le gage général des créanciers.

1. La publicité de la vente du fonds

C’est l’article L141_12 du Code de commerce qui exige deux types de publicité. D’abord il doit y avoir une publicité dans la quinzaine de sa date dans un journal habilité

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à recevoir les annonces légales dans le département dans lequel le fonds est exploité ; et puis une publicité dans la quinzaine de cette publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

2. Le droit d’opposition des créanciers

A partir de la publicité, le créancier peut se manifester. Et plus précisément dans un délai de 10 jours à compter de la publication au BODACC, les créanciers du vendeur peuvent faire opposition, c’est-à-dire faire interdire à l’acquéreur de payer le prix entre les mains du vendeur.

L’acquéreur ne doit absolument pas payer le vendeur durant les 10 jours du délai d’opposition parce que si un créancier fait opposition, l’acquéreur va payer deux fois. De plus, on met en place un séquestre.

3. Le droit de surenchère des créanciers

Le souci est de protéger des créanciers qui voient le bien sortir du patrimoine de leur débiteur. On leur accorde un droit de surenchère pour les protéger contre la stipulation d’un prix dérisoire.

L’article L141_19 du Code de commerce, nous dit que dans le délai de 10 jours à compter de la publication au BODACC, si le prix ne suffit pas à désintéresser tous les créanciers, ceux-ci peuvent former une surenchère, c’est-à-dire demander la mise en vente aux enchères du fonds de commerce. Si la demande est entendue, le fonds est mis aux enchères à un prix au moins égal au prix de vente majorée du sixième du prix des éléments incorporels.

Le droit de surenchère est dangereux. Soit on a une personne qui surenchérit, du coup le fonds fait va se vendre à un prix supérieur à un prix initial. Mais s’il n’y a pas de surenchère, alors c’est le créancier qui a sollicité la surenchère qui sera déclaré adjudicateur, c’est-à-dire acheteur du fonds de commerce.

C – Les effets de la cession

On va distinguer entre d’une part les obligations du vendeur, et d’autre part les obligations de l’acquéreur.

1. Les obligations du vendeur

Le vendeur a deux catégories d’obligations : d’abord une obligation de délivrance, il doit faire en sorte que l’acquéreur entre en possession des éléments du fonds de commerce.

En outre, il y a une obligation de garantie, en fait il doit permettre à l’acquéreur de jouir paisiblement du fonds. Classiquement, cette obligation se traduit par une obligation pour le vendeur de non-concurrence.

Cette obligation de non-concurrence est inhérente au contrat. Cela dit en pratique pour rassurer, on prévoit dans le contrat de vente une clause de non-concurrence. Le plus souvent cela rasure les parties que d’introduire dans la vente du fonds le périmètre de la prescription, et sa durée.

Les conditions de cette clause sont qu’elle doit être limitée dans le temps, dans l’espace, et par rapport à l’activité exercée.

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La clause de non-concurrence est contrôlée, on l’admet mais aux conditions indiquées : elle ne doit pas empêcher toute capacité d’entreprendre, elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace, et quant à l’activité exercée.

2. Les obligations de l’acquéreur

L’obligation principale est de payer le prix sachant que la créance de prix est garantie par le privilège du vendeur. Ce privilège doit être inscrit par le créancier au greffe du Tribunal de commerce dans les 15 jours de la vente.

Se faisant, si le prix n’est pas payé, le vendeur peut soit faire vendre le fonds et bénéficier d’un droit de préférence sur le prix, soit il exerce l’action résolutoire qui lui permet de récupérer le fonds de commerce. Evidemment, cela suppose qu’il ait inscrit son privilège.

II / La location-gérance du fonds de commerce

C’est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce le concède à un gérant qu’il exploite à ses risques et périls. C’est un contrat de location, mais l’objet c’est le fonds. Dans le bail commercial, l’objet est le local.

Cela n’a rien à voir avec la gérance salariée, où la une personne salariée exploite le fonds mais pour le compte d’autrui, aux risques et périls d’autrui.

Le locataire-gérant est un commerçant, et celui qui lui loue va perdre sa qualité de commerçant.

Ce contrat est régi par une loi du 20 mars 1956 qui est désormais intégrée aux articles L144_1 et suivants du Code de commerce.

A – Les conditions

1. Une condition de fond   : l’exploitation personnelle du fonds de commerce par le propriétaire du fonds

L’article L140_3 du Code de commerce exige que les personnes physiques ou morales qui concèdent une location gérance aient auparavant exploité pendant au moins 2 ans le fonds mis en gérance. Pourquoi une telle exigence ? Il y a deux raisons.

La première, c’est qu’il s’agit de protéger le locataire-gérant. Le locataire-gérant, c’est celui qui va exploiter le fonds à ses risques et périls. On veut lui garantir une clientèle à exploiter.

La deuxième raison, c’est une idée qui véhiculait à l’époque, c’est qu’on refusait que l’on puisse spéculer sur un fonds de commerce.

A ce principe, il y a des exceptions à cette exigence d’exploitation personnelle du fonds de commerce pendant 2 ans. L’hypothèse type est celle dans laquelle un mineur hérite d’un fonds de commerce. Dans la mesure où il est mineur, il ne peut pas exploiter ce fonds : on lui permet de mettre son fonds de commerce en location-gérance le temps d’obtenir sa majorité pour exploiter sereinement le fonds de commerce.

Il y a aussi des exceptions judiciaires envisagées à l’article L144_4 du Code de commerce. Ce texte nous dit que le délai de 2 ans peut être supprimé ou réduit par ordonnance du président du TGI rendue sur requête de l’intéressé lorsque celui-ci

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justifie qu’il est dans l’impossibilité d’exploiter son fonds personnellement ou par l’intermédiaire de préposés.

Si on ne respecte pas ce principe, qu’on met en location-gérance sans avoir exploité le fonds personnellement pendant 2 ans, le contrat est nul de nullité absolue. 

2. Les conditions de forme

Aucune condition particulière n’est posée, l’acte peut revêtir la forme d’un acte authentique ou un acte sous seing privé.

La seule exigence que l’on a, c’est au niveau de la publicité, puisque cette situation modifie la situation du commerçant, dans les 15 jours dans un journal d’annonces légal. Le bailleur va se radier de la catégorie des commerçants car il ne fera plus d’actes de commerce à titre de profession habituelle.

B – Les effets de la location-gérance

1. Les effets entre les parties

Il n’existe aucune réglementation spécifique, c’est le droit commun des contrats qui s’applique ici, et le droit commun du contrat de louage, article 1714 et suivants du Code civil. Ainsi, celui qui met le fonds en location gérance doit permettre au locataire gérant de jouir paisiblement du fonds, ainsi il doit le garantir contre l’éviction (il ne doit pas le concurrencer).

Le locataire de son côté doit exploiter le fonds en bon père de famille et conformément à sa destination. Il ne doit pas mettre en péril l’existence du fonds de commerce.

Dans la location-gérance, il y a une redevance qui est versée périodiquement au propriétaire du fonds. Cela découle du contrat, et non pas d’une réglementation spécifique.

2. Les effets à l’égard des créanciers

Il faut distinguer selon que l’on parle des créanciers du propriétaire et des créanciers du locataire-gérant.

a. Les effets à l’égard des créanciers du propriétaire

Si ces créanciers justifient que le contrat de location-gérance risque de compromettre le recouvrement de leurs créances, ils ont alors la possibilité de demander au tribunal de commerce de déclarer leurs créances immédiatement exigibles. L’action doit être introduite dans un délai de 3 mois à compter de la publication du contrat de location gérance.

b. Les effets à l’égard des créanciers du locataire-gérant

Jusqu’à la publication du contrat de location gérance, et pendant un délai de 6 mois à compter de cette publication, le propriétaire du fonds de commerce est

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solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds.

3. Les effets à l’égard du propriétaire de l’immeuble

Il n’existe aucun lien contractuel entre le locataire-gérant et le propriétaire de l’immeuble dans lequel le fonds est exploité. Le bail commercial lie le propriétaire du fonds et le propriétaire des murs. De ce fait, le propriétaire des murs ne peut pas se retourner contre le locataire-gérant pour obtenir le paiement des loyers puisque ce sont deux relations distinctes.

Cela dit le locataire-gérant peut agir en responsabilité délictuelle contre le propriétaire des murs si le comportement de ce dernier lui a causé un préjudice. La Cour de cassation en effet a annoncé dans un important arrêt d’Assemblée plénière du 6 octobre 2006 que « le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ».

C – La fin du contrat de location-gérance

On applique le droit commun des contrats. Il n’y a pas de particularités. Cela veut dire que si le contrat de location-gérance a été conclu à durée déterminée, le contrat va prendre fin à l’arrivée du terme.

Il n’existe ici aucun droit au renouvellement du locataire-gérant. Si le contrat de location-gérance a été conclu à durée indéterminée, comme tout contrat à durée indéterminée, il a vocation à prendre fin par une éventuelle résiliation à l’initiative d’une des parties, moyennant le respect d’un préavis. C’est une retranscription pure et simple du droit commun des contrats.

Le contrat peut également prendre fin par suite d’une résiliation judiciaire en cas d’inexécution des obligations. Par exemple, le locataire-gérant qui ne paierait pas ses redevances ou le locataire-gérant qui n’exploiterait pas le fonds.

Souvent, on a dans les contrats de location-gérance des clauses résolutoires. Cela évite dans ce cas la saisine du juge.

Que se passe-t-il quand le contrat est ainsi achevé ? Le locataire-gérant doit restituer le fonds.

Il est tout à fait possible dans le cadre de l’exploitation du fonds qu’il y ait des salariés. C’est l’article L224_1 du Code du travail qui dispose que les contrats de travail sont rattachés à l’entreprise, ils ne sont pas attachés à la personne.

La restitution du fonds peut poser difficulté en cas d’amélioration du fonds ou en cas de dégradation du fonds.

La première hypothèse, s’il y a eu amélioration du fonds, cela ne signifiera pas pour autant que le locataire-gérant aura droit à une indemnité. En fait, les textes nous disent qu’une indemnité n’est possible que dans un cas qui est envisagé par l’article L145_46 du Code de commerce qui nous dit que lorsqu’il est à la fois propriétaire de l’immeuble loué et du fonds de commerce qui y est exploité, et que le bail porte en même temps sur les deux, le bailleur doit verser au locataire, à son départ, une indemnité correspondant au profit qu’il peut retirer de la plus-value apportée soit au fonds, soit à

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la valeur locative de l’immeuble par les améliorations matérielles effectuées par le locataire avec l’accord exprès du propriétaire.

La deuxième hypothèse c’est celle de la dégradation du fonds. S’il y a eu dégradation du fonds, à la condition d’avoir établi la faute du locataire-gérant, on estime qu’il devra réparer le préjudice subi. Il doit réparation au propriétaire du fonds.

La fin de la location-gérance fait l’objet d’une publicité dans la quinzaine de sa date sous la forme d’un avis dans un journal d’annonces légal.

La fin de la location-gérance rend immédiatement exigibles les dettes contractées par le locataire-gérant au cours de la gérance (les dettes, ce sont les dettes liées à l’exploitation du fonds, bien évidemment ce ne sont pas les dettes personnelles). C’est l’article L144_9 du Code de commerce.

III / Le nantissement du fonds de commerce

Le nantissement, c’est une sûreté. C’est une garantie qu’on offre aux créanciers afin de favoriser le crédit. Il n’y a pas que le nantissement du fonds de commerce, on peut avoir également le nantissement du matériel et de l’outillage. Et il y a des nantissements qui portent sur d’autres biens. Ce n’est pas réservé au fonds de commerce.

C’est une sûreté qui est intéressante parce que souvent le propriétaire d’un fonds de commerce n’a que ça comme élément qui a de la valeur.

C’est la loi du 17 mars 1909 qui régit cette sûreté. Et on a toute la règlementation aux articles L142_1 et suivants du Code de commerce.

C’est une sûreté réelle qui opère sans dépossession. La garantie est donnée à un créancier tout en conservant l’exploitation du fonds. C’est pour cela qu’on parle de gage sans dépossession.

Ce nantissement est inscrit sur un registre qui est tenu au greffe du tribunal de commerce. Son inscription est valable 10 ans et elle peut être renouvelée. Avant le terme des 10 ans on peut radier cette inscription, sachant que la dette est de droit si la dette est payée.

Il faut savoir que le nantissement peut être conventionnel ou judiciaire. Conventionnel, cela veut dire que c’est simplement par accord entre le

propriétaire du fonds et le créancier afin de garantir n’importe quelle dette. Il n’y a pas nécessairement un lien entre la dette garantie et le fonds.

Sinon, le nantissement peut être judicaire. Cela veut dire que c’est le juge qui l’accorde. Il peut l’accorder à toute personne dont la créance paraît fondée en son principe si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Cette garantie n’est pas inutile. Le créancier nanti sur le fonds bénéficie d’abord d’un droit de préférence. Autrement dit, il a le droit d’être payé en priorité sur le prix du fonds de commerce en cas de cession de celui-ci.

Et puis, on bénéfice quand on est créancier nanti d’un droit de suite. Cela veut dire que le privilège du créancier nanti suit le fonds en quelques mains qu’il se trouve.

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Titre second   : La concurrence

La concurrence est un facteur de progrès, d’innovation et de dynamisme. Cette concurrence est bénéfique aussi pour la clientèle qui peut comparer la qualité et les prix des produits et services qui lui sont offerts, et se décider au mieux de ses intérêts.

Au regard de ces éléments, les droits français et communautaire font en sorte que la concurrence soit à la fois loyale et libre.

La concurrence finalement, c’est le moteur. Sans concurrence, personne n‘y trouve son compte. Nous-mêmes consommateurs il y va de notre intérêt. C’est aussi très important pour les professionnels.

Section I   : La loyauté de la concurrence

La concurrence est bénéfique que dans la mesure où elle est loyale. Tout commerçant doit supporter la concurrence dans la mesure où il évolue dans une économie de marché libre et concurrentielle.

Il commet en revanche une faute si il s’approprie ou tente de s’approprier frauduleusement la clientèle d’autrui.

En l’absence de textes précis, les tribunaux se sont fondés sur l’article 1382 du Code civil pour réprimer la concurrence déloyale, et donc pour imposer la réparation du dommage. Si bien qu’il faut une faute, un préjudice et un lien de causalité.

§ 1 – Les comportements constitutifs de concurrence déloyale

A – La création d’un risque de confusion avec l’entreprise d’un concurrent

La concurrence déloyale est caractérisée toutes les fois où il apparaît qu’une entreprise a cherché à profiter de manière illégitime de la réputation d’un concurrent.

Autrement dit, il s’agit de sanctionner les agissements qui consistent à exploiter la notoriété d’une entreprise en se plaçant dans son sillage pour bénéficier sans bourse déliée de la réputation qu’elle a acquise.

On a deux illustrations à cela. La première illustration, c’est le fait d’utiliser les signes distinctifs d’un concurrent, et notamment l’utilisation du nom commercial d’un concurrent pour profiter d’une clientèle qui n’est pas la sienne.

Il y a eu une affaire il y a quelques années qui concernait le restaurant La Tour d’argent à Paris, et on a un restaurant concurrent qui s’est appelé de la même manière. On a considéré qu’il y avait une confusion qui avait été recherchée dans l’esprit de la clientèle.

La deuxième illustration, c’est le fait d’imiter les produits d’un concurrent.

B – La désorganisation de l’entreprise concurrente

La concurrence déloyale consiste ici en l’atteinte portée par une entreprise au fonctionnement d’une autre.

La première illustration réside dans le non-respect d’un réseau de distribution mis en place par un concurrent.

Pour la distribution de produits de marques ou de haute technicité, les fabricants organisent des réseaux de distributions. On parle de distribution exclusive ou de

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distribution sélective. L’idée, c’est que la vente des produits est réservée alors aux membres du réseau. En conséquence, commet un acte de concurrence déloyale un commerçant qui revend des produits commercialisés en principe en réseau alors qu’il ne fait pas partie du réseau. De ce fait, on considère comme une concurrence déloyale la fait de revendre les produits hors réseau quand on ne fait pas partie du réseau.

Ainsi, un revendeur hors réseau commet un acte de concurrence déloyale par le simple fait de la revente à la clientèle de produits qu’il a illicitement acquis ou de produits qu’il a gardé en stock malgré la résiliation de son propre contrat de distribution sélective.

La deuxième illustration c’est le détournement de clientèle. En principe, le fait d’ouvrir un commerce est licite, et le détournement de clientèle n’est pas considéré comme caractérisé dès lors que s’ouvre un commerce concurrent. Autrement dit, pour caractériser le détournement de clientèle abusif, il faut caractériser les procédés déloyaux. En fait, il y a deux cas que l’on peut caractériser.

C’est d’abord le fait de détourner des listes ou des fichiers clients. Cela caractérise un abus, une manœuvre illicite.

On peut rencontrer aussi le fait de procéder à un débauchage de personnel du concurrent. Il faut faire une distinction.

Il y a l’hypothèse où les salariés débauchés ne sont pas liés par une clause de non-concurrence. Autrement dit, ce salarié est libre, totalement libre de trouver un emploi où il le souhaite. Du coup, le débauchage ne sera pas sanctionnable sauf si les faits traduisent une désorganisation du fonctionnement de l’entreprise. Si l’entreprise débauche tous les salariés ou une partie, cela paraît être critiquable, parce qu’est générée à cela la désorganisation de l’entreprise. C’est une hypothèse assez théorique, parce qu’en pratique la difficulté est de démontrer cette désorganisation. Evidemment, s’il apparaît que ce débauchage s’accompagne d’un détournement des fichiers clients, il y a un comportement fautif et on tombe dans l’hypothèse précédente.

Les choses sont plus faciles pour la société victime dans l’hypothèse où il y a une clause de non-concurrence. En général les entreprises prennent soin d’imposer à ses employés importants des clauses de non-concurrence. Ceci fait que les employés ne sont pas libres de leur après-contrat de travail. Si l’entreprise concurrente débauche ce genre de personnel, elle se place elle-même en faute. En présence d’une clause de non-concurrence, le nouvel employeur se rend coupable de concurrence déloyale s’il engage des salariés alors qu’il connaissait l’existence de la clause de non-concurrence.

Il faut faire une remarque, le nouvel employeur peut malgré tout se poser le question de savoir s’il n’y a pas malgré tout l’intérêt à long terme du débauchage, même s’il devra payer une somme pécuniaire à l’ancien employeur, surtout si l’employé débauché a une compétence particulière. Il ne peut pas dire qu’il ne savait pas. Il faut quand même qu’il se renseigne. Il a un minimum de diligences. Le salarié qui est soumis à une clause de non-concurrence reçoit en outre une contrepartie financière lors de la signature de son contrat.

C – Le dénigrement

C’est une affirmation malicieuse contre un concurrent dans le but de détourner sa clientèle ou plus généralement de lui nuire. L’idée, c’est de jeter le discrédit sur un concurrent. On n’a pas le droit de le faire, même si ce qui est affirmé est vrai (c’est là toute la différence entre le dénigrement et la diffamation).

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Cela est déloyal dès lors que le concurrent est soit nommé, soit à tout le moins facilement identifiable.

Quid de la publicité comparative ? On n’est pas dans la même situation. La publicité comparative est admise aujourd'hui mais dès lors qu’elle ne conduit pas à un dénigrement. La réglementation de la publicité comparative se trouve aux articles L121_8 et L121_9 du Code de la consommation.

Pour qu’elle soit licite cette publicité comparative, il y a trois séries de conditions :

- elle ne peut pas être trompeuse ou être de nature à induire en erreur ; - elle doit porter sur des biens ou services répondant au même besoin ou ayant le

même objectif ; - on doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles,

pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services. Sachant qu’il peut très bien s’agir de comparer des prix. Cela rentre dans l’objet éventuel de la comparaison. Mais il s’agira de comparer le prix d’un bien identique. La publicité comparative ne doit pas être dénigrante. Il ne s’agit pas de dénigrer

le concurrent. Parfois il faut reconnaitre que la limite est difficile à expliciter.

§ 2 – L’action en concurrence déloyale

Cette action, dans la mesure où elle est fondée sur les principes généraux de la responsabilité civile délictuelle, article 1382 du Code civil, suppose pour aboutir la réunion de trois conditions : la faute, le préjudice, et le lien de causalité.

Le particularisme non négligeable de cette action apparaît dans l’appréciation qui est faite de ces conditions.

S’agissant de la faute, ce qui est notable, c’est que la jurisprudence n’exige pas la preuve de la mauvaise foi du commerçant poursuivi. Autrement dit, on peut très bien avoir un comportement fautif sans mauvaise foi. Il n’y a pas lieu de rechercher l’élément intentionnel.

S’agissant du préjudice, il va se traduire par une baisse d’activité parce qu’on a capté la clientèle.

S’agissant du lien de causalité, le plus souvent, il sera inféré de la concomitance des actes reprochés et de la baisse d’activité.

Quant à la réparation, généralement elle va se traduire par l’allocation de dommages et intérêts, voire par la condamnation de l’auteur de la faute à cesser son trouble concurrentiel, au besoin en arrêtant l’activité.

Section II   : La liberté de la concurrence

Cette liberté dérive d’une liberté première. La liberté de la concurrence dérive de la liberté du commerce et de l’industrie, laquelle trouve sa source dans la loi des 2 et 17 mars 1791 dit parfois décret D’Allarde précisant qu’ « il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ».

Cette liberté est une liberté publique à valeur constitutionnelle à laquelle le législateur ne peut apporter des restrictions que pour des raisons d’intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles et à condition que ces atteintes ne soient pas disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

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Cette liberté du commerce et de l’industrie s’exprime d’abord par la liberté d’entreprendre, c'est-à-dire que tout un chacun peut décider de se livrer à l’activité de son choix. Cette liberté du commerce et de l’industrie implique aussi la liberté d’exploiter sans contrainte. Ainsi, un commerçant est libre de faire ses choix de gestion. Il peut emprunter, il peut embaucher, il peut licencier, il peut acheter les produits qu’il veut, …

Enfin, la liberté du commerce et de l’industrie se manifeste par la liberté de la concurrence, laquelle passe par l’affirmation de principes, par la présence d’une autorité de contrôle de la concurrence et par la prohibition des pratiques restrictives de la concurrence.

§ 1 – L’affirmation de principes

Il y a deux principes qui sont fondamentaux : c’est la liberté des prix, et la transparence des prix.

A – La liberté des prix

Ce principe de liberté des prix est issu d’une ordonnance du 1er décembre 1986 qui est un texte très important dans la construction du droit de la concurrence.

Aujourd'hui, on a l’article L410_2 du Code de commerce qui dispose que « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Il y a des exceptions à cette liberté. Il y a quatre cas :

- les baux commerciaux : les prix des baux commerciaux sont plafonnés ; - les livres sont soumis à un régime dérogatoire ;- les prix des produits agricoles aussi sont soumis à un régime (cela dépend des

instances de l’UE) ; - et enfin, les tarifs des officiers publics ou ministériels (par exemple les notaires et

les huissiers) font l’objet d’une réglementation.

L’article L410_2 énonce deux dispositions qui sont intéressantes. D’abord, l’article prévoit une exception générale. Il nous dit : « dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix ».

Puis l’article L410_2 ajoute que le Gouvernement peut arrêter par décret en Conseil d'Etat, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires, motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé.

Il y a donc un principe de liberté des prix qui est assorti au fait que l’on est dans un système de libre concurrence.

B – La transparence des prix

Il faut comprendre qu’on parle de transparence des prix à l’égard des professionnels. Mais le commerçant lui-même est soumis à une exigence de

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transparence vis-à-vis de ses clients. Ici, on va parler de la transparence entre professionnels.

Cette transparence conduit à certaines exigences formelles. La première exigence, c’est la communication des conditions générales de vente qui se situent à l’article L441_6 du Code de commerce : « tout producteur prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle ».

Ces conditions doivent comprendre les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement. Le contrevenant encourt jusqu’à 15 000 € d’amende.

La seconde illustration, c’est l’obligation d’établir des factures. Il faut savoir que son contenu est déterminé à l’article L441_3 du Code de commerce dans lequel on nous dit que tout achat de produits ou toute prestation de services pour une activité professionnelle doit faire l’objet d’une facturation. Le vendeur doit délivrer la facture dès la réalisation de l’opération et l’acheteur doit la réclamer.

L’article L441_3 du Code de commerce détermine précisément le contenu de la facture, et la facture doit notamment mentionner le prix hors TVA de l’opération, ainsi que les réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de services.

La vente à perte est interdite, et le fait d’avoir le prix sur la facture permet de distinguer le seuil au-dessous duquel on ne peut pas aller. La facture indique le seuil de la revente à perte.

§ 2 – La présence d’une autorité de contrôle de la concurrence

Cette autorité a été instituée par la loi de modernisation de l’économie (loi LME) du 4 aout 2008. L’Autorité de la Concurrence a remplacé le Conseil de la concurrence et par la même occasion, l’Autorité s’est vue dotée de pouvoirs élargis et de moyens d’action renforcés.

Cette autorité, qui fait partie des Autorités Administratives Indépendantes, est investie d’une mission générale de contrôle de la concurrence ce qui lui permet d’intervenir à deux niveaux :

- d’abord elle va intervenir au niveau de l’établissement de la politique de concurrence par un rôle d’instance de consultation ;

- le deuxième niveau, elle intervient au niveau de la mise en œuvre du droit de la concurrence où elle est chargée d’assurer le contrôle des pratiques anti-concurrentielles dans le cadre desquelles elle peut prononcer des injonctions et des sanctions, et celui des concentrations d’entreprises où elle est amenée, lorsque des seuils sont atteints, autrement dit quand la concentration a une certaine envergure, à autoriser l’opération ou pas.

A propos de sa composition, cette autorité de contrôle de la concurrence est composée de 17 membres nommés pour 5 ans par décret parmi des magistrats et des professionnels de différents secteurs (production, distribution, artisanat, secteur libéral, service…). 

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§ 3 – La prohibition de pratiques anti-concurrentielles

Il faut distinguer deux catégories : la première catégorie ce sont les pratiques restrictives de concurrence per se, c’est-à-dire les pratiques restrictives de concurrence en elles-mêmes ; et la seconde catégorie ce sont les pratiques qui ont un effet anti-concurrentielles sur un marché.

L’Autorité de la Concurrence n’intervient que pour la deuxième catégorie, autrement dit les pratiques per se relèvent de la compétence judiciaire.

A – Les pratiques restrictives de concurrence per se

Il s’agit d’évoquer ici des pratiques qui sont sanctionnées en elles-mêmes sans qu’il soit nécessaire d’établir leur influence négative sur le marché. C’est pour cette raison d’ailleurs que leurs connaissances échappe à la compétence de l’Autorité de la Concurrence et relèvent donc du juge judiciaire.

1. La revente à perte

C’est une pratique prohibée par l’article L442_2 du Code de Commerce. Cet article punit d’une amende de 75 000 € le fait pour tout commerçant de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif.

Cette pratique est interdite : elle jugée dangereuse car elle risque de conduire à l’élimination des concurrents pour le plus grand profit de celui qui la pratique et qui une fois seul sur le marché peut alors rattraper ses pertes antérieures par la fixation de prix excessifs.

Il y a des exceptions à cette interdiction : la vente de produits soldés, la vente de produits démodés ou obsolètes…

2. Le prix minimum imposé

C’est une pratique proscrite car c’est un obstacle à la baisse des prix. C’est l’article L442_5 du Code de Commerce qui punit d’une amende de 15 000 € le fait pour toute personne d’imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien au prix d’une prestation de services ou à une marge commerciale.

Cette pratique est assez tentante, notamment dans le cadre des réseaux de distribution. Néanmoins, la loi n’interdit pas la pratique du prix maximum et il n’est pas non plus interdit la pratique des prix conseillés.

Cette réglementation ne s’impose pas dans le domaine de la vente de livres, où cette infraction n’est pas applicable.

3. La vente avec prime

C’est une pratique estimée dangereuse pour le consommateur parce qu’on craint qu’il soit ainsi incité à des achats inconsidérés.

C’est une pratique proscrite car on considère qu’elle est également dangereuse pour les concurrents qui n’ont pas toujours les moyens de recourir à des primes.

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L’interdiction est visée à l’article L121_35 du Code de la Consommation qui dispose qu’ « est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou toute prestation de services faite au consommateur et donnant droit à titre gratuit immédiatement ou à terme à une prime consistant en produit, bien ou service ».

La sanction est une amende de 1500€ par article mis en vente de manière illicite. En revanche, il y a trois cas où cette réglementation ne s’applique pas :

- l’attribution de produits identiques à ceux vendus ;- l’attribution de bons d’achats, ce qui permet de fidéliser la clientèle ;- l’attribution de menus objets, d’échantillons.

4. Les pratiques para-commerciales

C’est le Code de Commerce qui sanctionne la para-commercialité, il s’agit de lutter contre les ventes sauvages ou les ventes à la sauvette par des vendeurs non-patentés qui troublent le jeu normal du marché.

L’idée est qu’on ne veut pas subir la concurrence de vendeurs qui ne paieraient pas de charges, qui ne paieraient pas leurs impôts.

On a d’abord l’article L442_7 du Code de Commerce qui prévoit qu’aucune association ou coopérative d’entreprises ne peut de façon habituelle offrir des produits à la vente ou fournir des services si ces activités ne sont pas prévues par ses statuts.

Le second texte est l’article L442_8 du même code qui dispose : « est interdit à toute personne d’offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant dans des conditions irrégulières le domaine public de l’Etat, des collectivités locales, et de leurs établissements publics ».

5. Le refus de vente

La loi distingue selon le destinataire du refus. Le refus de vente est interdit en tant que tel lorsqu’il est fait à un consommateur.

Il convient donc de distinguer selon la personne destinataire du refus de vente : ainsi, si le refus est opposé à un consommateur, il est sanctionné. Cette prohibition est posée à l’article L122_1 du Code de la Consommation.

Ce texte sanctionne aussi le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat d’un autre produit ou d’un autre service.

La loi réserve néanmoins des motifs légitimes, qui peuvent résider dans la rupture des stocks par exemple, ou alors l’insolvabilité de l’acquéreur.

Si le refus de vente est opposé à un professionnel, il n’est plus sanctionné en tant que tel. C’est une loi importante en droit de la concurrence, c’est la loi du 1er juillet 1996 qui a libéralisé la pratique, c’est la loi dite Galland.

Pourquoi avoir dissocié ? Le législateur a pris conscience d’un déséquilibre entre les petits producteurs et les grands réseaux de distribution. L’idée est de permettre au producteur de dire non à une grande surface, une centrale d’achat. Le motif de l’initiative de la loi Galland c’est d’éviter que les acheteurs de la grande distribution puissent arguer d’un droit à l’achat.

Ce n’est pas à dire qu’une telle pratique n’est jamais sanctionnée, elle le sera ainsi lorsque elle est la manifestation d’une entente ou d’un abus de domination perturbant le fonctionnement du marché.

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6. Les abus de relations commerciales

Ces pratiques sont visées par l’article L442_6 I du Code de Commerce. On peut citer trois abus particulièrement intéressants.

Le premier est qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».

Cette disposition a été conçue pour lutter contre les pratiques de certains distributeurs qui exigent de leurs fournisseurs des participations financières destinées à des opérations qui n’ont pas toujours un réel intérêt pour eux. Par exemple, il y a la pratique de la corbeille de la mariée, c’est un distributeur qui envisage de se restructurer et sollicite de son fournisseur une participation. Il y a aussi la pratique de faire payer le fait que le produit sera en tête de gondole.

Engage aussi la responsabilité des personnes précitées deux autres faits, d’abord le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente.

Et le troisième abus, c’est le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis.

B – Les pratiques dotées d’un effet anti-concurrentiel sur le marché

Pour parachever sa défense de la libre concurrence, le législateur s’attaque dans le Code de Commerce à certaines pratiques dites d’ententes, d’abus de position dominante, d’abus de dépendance économique à la condition que soit établi leur effet anti-concurrentiel sur le marché ou à tout le moins leur capacité à avoir un tel effet.

1. La prohibition des ententes

C’est l’article L420_1 du Code de Commerce qui dispose que « sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché les actions concertées, les conventions, les ententes expresses ou tacites ou coalition, notamment lorsqu’elles tendent à :

- premièrement limiter l’accès aux marchés ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;

- deuxièmement faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

- troisièmement limiter ou contrôler la production, les débouchées, les investissements ou les progrès techniques ;

- quatrièmement répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement. »

Il faut faire des précisions sur les auteurs d’une entente : tout le monde est susceptible d’être auteur d’une entente dès lors qu’il a une activité économique.

Ensuite sur la nature de l’entente, il y a plusieurs formes d’entente. Lorsque l’entente concerne les producteurs, on parle d’entente horizontale. Lorsque l’on est dans

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une atteinte entre producteur et distributeur, on parle d’entente verticale. Quand il est question d’entente entre distributeurs, on parle d’entente en étoile.

Sur les conditions de sanction, il faut rapporter la preuve d’une action menée de concert par les différents partenaires et établir que l’entente est suffisamment sensible et affecte le marché, ou à tout le moins est de nature à affecter le marché.

Concrètement, qu’elles peuvent être ces ententes ? Il peut s’agir de s’entendre pour orchestrer le boycott d’un fournisseur. A l’inverse, il peut s’agir d’une entente pour ne s’approvisionner qu’auprès d’un fournisseur. Il peut s’agir d’une entente pour fixer des tarifs communs, il peut s’agir d’une entente pour se répartir des zones géographiques. On peut s’entendre aussi pour soumissionner dans des marchés publics.

2. La prohibition de l’abus de position dominante

C’est l’article L420_2 du Code de Commerce qui nous dit que « est prohibée l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ».

Le texte ajoute « ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en vente liée (c’est-à-dire le fait de subordonner la vente à l’achat d’autre chose), ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ».

Il est important de noter que ce n’est pas d’être en position dominante qui est condamnable. Ce qui l’est en revanche c’est le fait d’abuser de cette position pour fausser la concurrence.

Pour la jurisprudence, une entreprise est en position dominante si elle a une position de directeur sur le marché. Concrètement, c’est le fait pour une entreprise de pouvoir s’abstraire des contraintes du marché et d’obliger les concurrents à s’aligner sur son propre comportement.

3. La prohibition de l’abus de dépendance économique

C’est l’article L420_2 du Code de commerce, alinéa 2 cette fois-ci, qui dispose que « est prohibée dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente au fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en un refus de vente, en vente liée ou pratique discriminatoire ».

A titre d’exemple, on a l’abus de puissance d’achat.

4. La justification exceptionnelle des ententes et abus de domination

Un abus de domination recoupe un abus de dépendance économique et un abus de position de dominante.

On a dit que ces pratiques, si elles ont un effet néfaste, ou sont susceptibles d’avoir un effet néfaste sur le marché, doivent être condamnées.

Mais l’article L420_4 du Code de Commerce dispose que « les auteurs de pratiques concurrentielles peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès

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économique y compris par la création ou le maintien d’emplois et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ».

L’application de ce texte conduit l’Autorité de la Concurrence a procédé à une analyse économique de la situation et à considérer les avantages et les inconvénients de la situation.

Il convient de relever sans qu’il est toutefois possible de parler de justifications que depuis la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) du 15 mai 2001, les auteurs d’ententes prohibées peuvent obtenir de l’Autorité de la concurrence un avis de clémence lorsque après avoir mis en œuvre avec d’autres une telle pratique, ils ont contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs en apportant des éléments d’informations dont l’Autorité ne disposait pas antérieurement.

Ils dénoncent en fait l’entente pour échapper à une sanction eux-mêmes.

5. Les sanctions encourues

Elles sont susceptibles d’être prononcées par l’Autorité de la Concurrence. Cette Autorité va enjoindre de mettre fin aux pratiques anti-concurrentielles, puis elle inflige des sanctions pécuniaires.

En outre, des sanctions pénales peuvent être infligées, elles sont prévues à l’article L420_6 du Code de Commerce qui dispose qu’est puni d’un emprisonnement de 4 ans et d’une amende de 75 000 € le fait pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle déterminante dans la conception, l’organisation, ou la mise en œuvre d’une entente ou d’un abus de domination.

Les poursuites peuvent être déclenchées par la victime, par l’Autorité de la Concurrence, qui transmet le dossier au Parquet ou par le Parquet de sa propre initiative.

Titre troisième   : Les difficultés des entreprises

En 2011, à peu près 55 000 entreprises ont connu en France de graves difficultés. La majorité de ces entreprises va en liquidation judiciaire.

Face aux difficultés d’un débiteur, le droit commercial a toujours eu une réaction différente du droit civil. En droit civil, on parle de déconfiture, si un débiteur ne paie plus ses dettes, chaque créancier agit et c’est à celui qui agit le plus vite, c’est ce qu’on appelle le prix de la course.

Le droit commercial en revanche a toujours tenté d’organiser un traitement collectif des difficultés pour assurer une certaine égalité des créanciers.

Traditionnellement, on parlait de faillite, l’idée étant de sortir des circuits économiques les commerçants défaillants et d’apurer les passifs de la façon la plus équitable possible pour les créanciers.

Ces procédures collectives existent depuis le Moyen-Âge où elles ont vu le jour dans les villes d’Italie du Nord, elles avaient un rôle essentiellement sanctionnateur.

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En 1807, le failli devait déposer son bilan dans les trois jours de sa cessation des paiements, et une procédure très rigoureuse était organisée à l’initiative de ses créanciers.

Depuis la législation n’a cessé de s’assouplir au profit des débiteurs en difficultés, progressivement est mis en place une procédure de règlements judiciaire pour les débiteurs de bonne foi à côté des procédures de faillite sanctionnatrices pour les commerçants indignes.

Ensuite, on va prendre en considération que l’homme et l’entreprise sont deux choses distinctes. L’idée d’assurer la distinction entre l’homme et l’entreprise apparaît avec la loi du 13 juillet 1967.

Autrement dit, deux procédures existent à l’époque : le règlement judiciaire pour les entreprises viables et la liquidation judiciaire pour les autres. C’est là l’origine de ce qu’on connaît aujourd’hui.

Ensuite, arrivent deux lois importantes : la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable et la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.

Ces lois ont été codifiées en 2000 dans un livre 6 du Code de commerce. L’inspiration de ces textes est plus idéaliste. Depuis ces textes, les objectifs de la loi en la matière sont le sauvetage de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Le paiement des créanciers arrive en troisième place, contrairement à 1807.

La dernière loi qui constitue notre droit positif, loi fondamentale, c’est la loi du 26 juillet 2006 sur la sauvegarde des entreprises en difficulté, qui opère une nouvelle réforme en la matière et qui constitue notre droit positif.

Cette loi a fait l’objet d’une modification par un texte tout aussi important, c’est l’ordonnance du 18 décembre 2008.

Pour résumer aujourd’hui, lorsque les difficultés sont décelées, il est possible d’accompagner le commerçant pour tenter de sauver son entreprise. Notre droit n’est alors pas dépourvu, il propose 4 procédures : une procédure amiable que l’on appelle la conciliation, et trois procédures collectives qui sont la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire. La notion centrale qui permet de faire un choix entre ces procédures, c’est la notion de cessation des paiements.

Quand l’entreprise n’est pas en cessation des paiements, elle peut bénéficier de la sauvegarde. Si elle n’est pas en cessation des paiements, ou qu’elle l’est depuis moins de 45 jours, elle peut solliciter une conciliation, et si elle est en cessation depuis plus de 45 jours, elle doit passer par la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

D’où l’intérêt de définir la notion de cessation des paiements, c’est l’article L631_1 du Code de Commerce qui propose une définition : c’est l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. L’actif disponible, c’est tout ce qui est immédiatement réalisable.

Chapitre 1   : La détection des difficultés

La prévention des difficultés des entreprises passe nécessairement par une information sur sa situation et par la mise en place d’outils qui permettent de détecter d’éventuelles difficultés.

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Section I   : Les outils de la détection

§ 1 – L’information interne

A – L’information par la comptabilité

L’idée ici est de comprendre comment l’entreprise peut avoir conscience qu’il faut qu’elle réagisse, s’avouer que ça ne va pas bien.

Dans les grandes entreprises, le Code de commerce exige que soit tenu des documents prévisionnels. L’article L232_2 du Code de commerce prévoit en effet que le Conseil d’administration, le directoire ou les gérants sont tenus d’établir une situation de l’actif réalisable et disponible, et du passif exigible, un compte de résultats prévisionnels, un tableau de financement, et un plan de financement prévisionnel.

On peut constater qu’on a deux documents qui sont rétrospectifs, et deux documents qui sont tournés vers l’avenir. L’idée est de permettre de déceler les difficultés qui seraient susceptibles de s’annoncer à moyen terme.

Ne sont visées par cette obligation que les sociétés commerciales qui, à la clôture d’un exercice social, compte 300 salariés au moins, ou dont le montant net du chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 18 millions d’euros.

Dans les sociétés anonymes, ces documents sont analysés dans des rapports écrits sur l’évolution de la société établis par le Conseil d’administration ou le directoire.

Les documents et rapports sont ensuite communiqués au Conseil de surveillance (si on est dans une SA de type dualiste), au commissaire aux comptes et au comité d’entreprise.

Dans les autres sociétés (autre qu’une SA), ce sont les gérants qui établissent les rapports, lesquels sont communiqués au commissaire aux comptes (s’il y en a un) et au comité d’entreprise (s’il y en a un).

B – La technique des questions écrites

Dans les sociétés de personnes et dans les SARL, les associés ont la faculté, après avoir obtenu communication du rapport de gestion, de poser par écrit des questions auxquelles le gérant est tenu de répondre au cours de l’assemblée d’approbation des comptes (qui est une assemblée annuelle). Ainsi, si l’association relève des éléments de nature à laisser présager des difficultés, il peut interroger les dirigeants dans le but de les faire réagir.

S’agissant des sociétés par actions, l’approche est un peu différente. C’est l’article L225_232 du Code de commerce qui prévoit que « un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social peuvent deux fois par exercice poser par écrit des questions au président du Conseil d’administration ou au directoire sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

C – L’expertise de gestion

Cette expertise de gestion est également appelée expertise de minorité. L’idée, c’est que si les associés ou actionnaires ont de vrais doutes sur la validité

ou l’opportunité d’une opération passée par les dirigeants, ils ont la possibilité de

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s’adresser au juge afin qu’il désigne un expert chargé de se prononcer sur cette validité ou sur cette opportunité.

Dans les SARL, c’est l’article L223_37 du Code de commerce qui prévoit cette technique. Etant à remarquer que c’est une prérogative qui profite à un ou plusieurs associées représentant au moins le 10% du capital social. Si le juge fait droit à la demande de ces associés, il va devoir déterminer l’étendue de la mission de l’expert.

L’expert établira un rapport qui sera adressé au demandeur, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes et au gérant. Ce rapport sera annexé au rapport du commissaire aux comptes, si bien que les associés ont vocation à connaitre le contenu du rapport, ce qui peut amener à une prise de conscience.

Dans les sociétés par actions, la procédure n’est pas tout à fait identique. L’article L225_231 du Code de commerce impose une phase préalable de questions écrites aux dirigeants. Autrement dit, au terme de ce texte, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social peut (ou peuvent) poser par écrit au président de Conseil d’administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Et c’est seulement à défaut de réponse dans un délai de un mois, ou de réponse insatisfaisante, que les actionnaires qui ont posé la question peuvent demander au juge des référés la désignation d’un expert en gestion.

Si la demande aboutie, le juge va désigner un expert, lequel va établir un rapport qui sera adressé au demandeur, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes et au Conseil d’administration (ou au directoire selon les cas). Lorsque la société anonyme a des actions qui sont admises aux négociations sur un marché réglementé (c’est lorsque la société est cotée en bourse), dans ce cas, le rapport est communiqué à l’AMF (l’Autorité de régulation des Marchés Financiers) qui est une AAI.

§ 2 – L’information par les registres tenus par le greffe du Tribunal de commerce

Il y a un registre essentiel, c’est le registre du commerce et des sociétés. A coté du registre du commerce et des sociétés, il y a d’autres registres qui peuvent renseigner sur la santé de l’entreprise. Le greffe du tribunal de commerce tient des registres spéciaux pour assurer la publicité de certains évènements et de certains droits ou privilèges.

D’abord on a un registre qui va faire état des inscriptions de nantissement de fonds de commerce, et de nantissement sur l’outillage et le matériel d’équipement. Il s’agit de montrer aux tiers que le fonds de commerce est grevé d’une sûreté particulière : le nantissement du fonds.

Ensuite, il y a un registre qui fait état des privilèges généraux du Trésor et de la sécurité sociale. Les créanciers ont un droit de gage général sur le patrimoine de leurs cocontractants, mais la situation se complexifie lorsque certains créanciers se voient dotées de certaines garanties particulières. Il faut donc que les autres créanciers soient au courant.

Il y a un autre registre qui est très important qui est le registre de publicité des opérations de crédit-bail. Ce registre permettant d’avoir une information sur la solvabilité réelle du débiteur.

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Le crédit-bail est une opération par laquelle un établissement de crédits achète un matériel afin de le louer à un utilisateur qui dispose à l’issue du contrat d’une option d’achat pour un prix résiduel. Ce contrat de crédit-bail ne confère donc aucune propriété tant que l’option d’achat n’a pas été levée.

Il faut faire deux observations. D’abord il peut être utile de consulter le bureau de conservation des hypothèques auprès duquel on aura des renseignements sur les garanties qui grèvent les biens immobiliers.

Il faut savoir également que les sociétés commerciales doivent déposer leurs comptes annuels, c'est-à-dire assurer la communication de leurs comptes annuels, de façon à ce que les tiers aient connaissance de leurs comptes annuels.

Si les sociétés commerciales ne déposent pas leurs comptes annuels, le président du tribunal de commerce peut enjoindre cette communication sous astreinte. Parfois les sociétés ne publient pas leurs comptes parce qu’ils ne sont pas très bons. L’idée, c’est de leur dit que s’ils ne sont pas bons, autant qu’on le sache.

Le dispositif qui permet au président du tribunal d’enjoindre la communication des comptes a fait l’objet d’une QPC, et la Cour de cassation a considéré que cette question n’était pas sérieuse. Il demeure donc, et c’est l’article L611_2 alinéa 4 du Code de commerce.

Section II : Les procédures d’alerte

Il est parfois nécessaire de tirer la sonnette d’alarme de façon à solennellement prendre la mesure de la difficulté et à demander au dirigeant de prendre des mesures appropriées pour redresser l’affaire.

Il existe plusieurs procédures d’alerte soumise à des règles variables en fonction de l’auteur de l’alerte et de la forme de l’entreprise.

En cas d’inaction ou si les mesures envisagées paraissent insuffisantes, le juge est informé pour qu’il puisse prendre toute initiative en vue de la protection de l’intérêt général.

Quel que soit l’auteur de l’alerte, on va voir que le problème de ces procédures vient de la détermination du moment de l’alerte. Il ne faut pas la déclencher trop tôt, pour ne pas inquiéter les partenaires de l’entreprise. Mais il ne faut pas non plus la déclencher trop tard, parce qu’on perdrait alors toute les chance de maitriser les difficultés.

§ 1 – L’alerte déclenchée par le commissaire aux comptes

D’abord l’alerte provoquée par le commissaire aux comptes, c’est l’article L234_1 du Code de commerce pour les SA, L234_2 du Code de commerce pour les autres sociétés commerciales, et L612_3 du Code de commerce pour les personnes morales de droit privé qui ont une activité économique (autres que les précédentes).

Les commissaires aux comptes sont à même de découvrir à l’occasion de leurs fonctions les indices de la dégradation de la situation de la société. C’est pourquoi le législateur leur confère la mission de déclencher l’alerte lorsqu’il relève « des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

Concrètement, il peut constater le non paiement des cotisations sociales, le non paiement des impôts. Cela peut encore être la perte d’un gros client, d’un gros contrat,

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ou le fait que l’entreprise procède à des réductions d’effectif de façon massive (licenciements massifs).

La procédure est la suivante : il faut distinguer selon qu’on se trouve au sein d’une société anonyme ou dans une autre société.

Dans les sociétés anonymes, lorsque le commissaire aux comptes estime qu’il a connaissance de faits qui sont de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il va demander des explications sur ces faits au conseil d’administration ou au directoire. On doit lui répondre sous 15 jours.

Si il n’a pas de réponse, ou si il estime que la réponse n’est pas satisfaisante, il va inviter par un écrit, dont il transmet copie au président du tribunal de commerce, le président du Conseil d’administration ou le directoire à faire délibérer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance sur les faits relevés. Il va assister à la réunion lui-même. La délibération du Conseil d’administration ou du conseil de surveillance est communiquée au président du Tribunal de commerce et aux représentants du personnel (comité d’entreprise ou à défaut comité du personnel). Si le commissaire aux comptes n’est pas convaincu des délibérations, il fait en sorte qu’une assemblée générale soit convoquée. Et à l’occasion de cette assemblée, il établira un rapport sur ces faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. En parallèle, il tient informer le président du tribunal de commerce.

En informant les associés, il s’agit éventuellement de les mettre face à leurs responsabilités et mettre en place par exemple la révocation du dirigeant.

L’alerte du commissaire aux comptes est une obligation, ce n’est pas un droit. Lorsqu’il a connaissance de faits de ce genre, il doit le faire.

Dans les autres sociétés, s’il y a un commissaire aux comptes, C’est grosso modo la même chose. Il y a une demande d’explication au dirigeant, et une réponse qui doit intervenir dans les 15 jours.

En cas de non réponse ou en cas de réponse non satisfaisante, le commissaire au compte établi un rapport pour une assemblée générale convoquée à cette effet. En parallèle, on a toujours le président du tribunal de commerce qui suit l’affaire.

§ 2 – Le droit d’alerte du comité d’entreprise

Ce droit d’alerte, c’est un droit qui est envisagé par le Code du travail, article L23_23_78, cet article disposant que le comité d’entreprise peut demander à l’employeur de lui fournir des explications lorsqu’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise.

Pour établir un rapport et analyser la situation, le comité d’entreprise peut se faire assister d’un expert-comptable payé par l’entreprise.

A propos de la procédure, si le comité d’entreprise n’a pas obtenu de réponse de l’employeur ou de réponse qui l’ont rassuré, il va faire un rapport, et ce rapport est transmis à l’employeur, au commissaire aux comptes et éventuellement il peut décider de communiquer le rapport au conseil d’administration ou au conseil de surveillance (s’ils existent), ou aux associés eux-mêmes.

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§ 3 – L’alerte par le président du Tribunal de commerce

Cette alerte est envisagée par l’article L611_2 du Code de commerce qui nous dit que lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure, qu’une société commerciale ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale, connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du Tribunal de commerce pour que soit envisagée les mesures propres à redresser la situation.

Comment le président du Tribunal de commerce peut prendre conscience des difficultés de l’entreprise ? D’abord, il y a le fait qu’ils n’aient pas déposés leur compte annuel. Ensuite, il y a les registres. Il peut être informés par le Parquet, par des administrations. Il peut être informé par les salariés eux-mêmes. Il peut y avoir aussi la rumeur publique. Il y a aussi des chambres de prévention : c’est une sorte de réunion un peu informelle qui est réalisée par les chefs d’entreprises qui estiment qu’il y a un problème.

Chapitre 2   : La procédure de conciliation

Dans le droit des entreprises en difficulté on a 4 procédures : 3 procédures collectives et une procédure à l’amiable, c’est-à-dire la procédure de conciliation.

L’objectif de cette procédure de conciliation, c’est d’aider le débiteur à trouver un accord amiable avec ses créanciers, sachant que les deux, les créanciers d’un coté et le débiteur de l’autre, peuvent avoir intérêt à trouver un terrain d’entente. Le commerçant à intérêt à sauver son entreprise. Et les créanciers de leurs coté savent que s’ils ne concèdent pas, ils risquent de perdre la totalité de leurs créances.

C’est la loi du 1er mars 1984 qui a créé la première procédure amiable : elle s’appelait le règlement amiable.

La loi du 26 juillet 2005 qui constitue le droit positif en la matière a remplacé cette procédure de règlement amiable par la procédure de conciliation.

§ 1 – Les conditions d’ouverture de la conciliation

Elles sont envisagées par l’article L611_4 qui nous dit qu’est instituée une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les personnes physiques ou morales exerçant une activité commerciale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouve pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

Comme exemple de difficultés prévisibles, c’est lorsque le plus gros client d’une entreprise va chez le concurrent direct de cette entreprise, ou lorsque commence une procédure de contrôle fiscal.

La demande d’ouverture d’une procédure de conciliation est adressée au président du Tribunal de commerce par le biais d’une requête dans laquelle le débiteur expose sa situation financière, économique et sociale, ses besoins de financement et les moyens d’y faire face.

Face à une telle demande, le président à le choix : soit il ouvre la procédure de conciliation et il estime que l’on est dans les conditions d’ouverture, soit il refuse d’ouvrir la procédure de conciliation, en particulier il le fait il lorsque l’entreprise est en

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cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Dans ce cas, il renvoie l’affaire devant le tribunal qui pourra ouvrir d’office la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judicaire.

§ 2 – La mise en œuvre de la procédure de conciliation

On part du principe que le président du tribunal a ouvert la procédure de conciliation. Il va nommer un conciliateur pour une durée qui ne peut être supérieure à 5 mois, ce qui est très court. Sa mission va être de parvenir à un accord entre le débiteur et ses créanciers.

A – La recherche d’un accord

Le conciliateur a un rôle d’intermédiaire, il est chargé de rapprocher le débiteur (le commerçant, l’entreprise, la société) de ses créanciers pour finaliser un accord comportant des remises de dettes et/ou des délais de paiement.

Tout repose sur la bonne volonté des créanciers. Autrement dit, participe qui veut. Il n’y a rien d’imposé.

Si le conciliateur n’aboutit pas à l’accord souhaité, dans ce cas, il rend compte au président du tribunal qui mettra fin à sa mission. Généralement, il y aura une procédure collective après.

B – L’accord de conciliation

Une fois cet accord conclu, deux solutions sont possibles. Premièrement, l’accord peut être simplement constaté. Dans cette hypothèse de

constatation, le président donne à l’accord force exécutoire. Dans ce cas-là, la procédure est et reste confidentielle. Ce qui est important dans la conciliation, c’est que lorsque le conciliateur va chercher un accord avec les créanciers, les personnes extérieures n’ont pas à avoir connaissance des difficultés de l’entreprise. Cette issue de la conciliation reste confidentielle.

Deuxièmement il y a la voie de l’homologation. La voie de l’homologation a pour conséquence, autre de donner force exécutoire à l’accord, d’accorder certains avantages aux créanciers (notamment elle donne un privilège à certains), mais elle présente un inconvénient majeur, c’est qu’elle est publiée. Du coup on n’a plus l’avantage de la conciliation qui est la confidentialité : on révèle pour la première fois aux tiers que l’entreprise a eu des difficultés.

C – Les effets de l’accord

Pendant la durée de son exécution, l’accord constaté ou homologué interrompt ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet.

Les garants du débiteurs, c'est-à-dire notamment les cautions, peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord.

Enfin, si l’accord n’est pas respecté, le tribunal va prononcer sa résiliation, laquelle entrainera la déchéance de tout délai de paiement accordé.

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Chapitre 3   : Les procédures collectives   : les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire

Section I   : Les règles communes aux procédures collectives

§ 1 – Les intervenants à la procédure

Le tribunal

Pour notre matière, c’est le Tribunal de commerce qui est compétent. Le tribunal de commerce va prononcer les décisions les plus importantes tout au long de la procédure collective.

Le tribunal délègue un juge qui a pour mission de suivre la procédure. On dit que c’est le chef d’orchestre. On l’appelle le juge-commissaire. Ce juge a un rôle important. Il dispose d’un pouvoir juridictionnel propre et il est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.

Le ministère public

On l’appelle la soupape de sécurité. Il est important de noter que la matière touche à l’ordre public économique et elle a des répercussions sur l’emploi. Généralement quand une entreprise va mal, elle procède à des réductions d’effectif. Le parquet économique veille aux intérêts de l’entreprise autant qu’au respect de la moralité de la procédure et de la transparence.

Le ministère public est constamment informé de l’évolution de la procédure et dispose de moyens d’intervention propres, par exemple il détient la possibilité d’exercer des voies de recours dans des cas où personne d’autre n’a des moyens d’agir.

Les contrôleurs

C’est une casquette, c’est-à-dire une mission, qu’acceptent d’endosser certains créanciers.

L’administrateur judiciaire

Il s’agit d’une profession particulière. L’administrateur judiciaire a pour mission de gérer l’entreprise soumise à une procédure collective ou, à tout le moins, d’assister le chef d’entreprise dans la gestion de celle-ci.

L’administrateur judiciaire n’est pas systématiquement désigné. Dans les petites structures il n’y a pas d’administrateur judiciaire parce que cela coute cher. L’administrateur judiciaire est nommé dans les procédure collectives d’entreprises ayant au moins 20 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires hors taxe supérieur à 3 millions d’euros. Sinon, en principe il n’y a pas d’administrateur judiciaire.

Administrateur judicaire, c’est un métier. Il n’y en a pas beaucoup en France, ils sont de l’ordre de 140.

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Le mandataire judiciaire

Il a pour rôle de représenter les créanciers et éventuellement de procéder à la liquidation judiciaire de l’entreprise. Ce mandataire est désigné dans le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Il a pour fonction de vérifier le passif et donc il reçoit les déclarations de créances. En outre, ce mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt

des créanciers. En cas de liquidation judiciaire, son rôle est celui du liquidateur, il a alors pour

rôle de poursuivre les opérations de liquidation.Ils sont environ 300 en France.

Le commissaire à l’exécution du plan

Ce n’est pas une profession, c’est une mission, si le tribunal arrête un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le tribunal nomme pour la durée du plan l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Ce commissaire a une mission de surveillance, il veille à la bonne exécution du plan, mais il ne s’immisce pas dans la gestion de l’entreprise.

Il doit saisir le tribunal de tout fait de nature à empêcher l’exécution du plan. Il reçoit les deniers qu’il doit distribuer dans le cadre du plan.

Les salariés

Tout au long de la procédure collective, les institutions représentatives du personnel (le comité d’entreprise ou les délégués du personnel) sont informées et consultées avant toute opération importante.

Les salariés élisent dans le cadre de la procédure collective un personnage spécifique qui s’appelle le représentant des salariés, qui se voit attribuer des fonctions spécifiques à la procédure et notamment ce représentant des salariés participent à la vérification des créances salariales.

§ 2 – L’ouverture d’une période d’observation

Cette période est celle au cours de laquelle les organes de la procédure collective vont apprécier la situation de l’entreprise. Elle s’ouvre avec le jugement d’ouverture d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire.

Dès l’ouverture de la procédure collective, le débiteur doit établir l’inventeur de ses biens, et en outre il doit dresser un état complet des créances et des dettes, ainsi que des contrats en cours.

A – L’administration de l’entreprise

On est dans la phase d’observation, la question est de savoir qui gère l’entreprise durant cette période.

Le principe est que l’entreprise est gérée par le chef d’entreprise. Cela étant dit, un administrateur judiciaire peut être désigné (cf. la partie sur l’administrateur judiciaire et les seuils précédemment cités).

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Quand cet administrateur judiciaire est désigné, il a pour mission soit de surveiller, soit d’assister le débiteur dans une procédure de sauvegarde, soit de l’assister ou de le représenter en redressement judiciaire. Selon la procédure, la mission peut changer.

L’assistance, c’est la co-signature, et quand il représente, il remplace purement et simplement le chef d’entreprise.

Certains actes sont complètement interdits au débiteur ou à l’administrateur judiciaire à peine de nullité absolue.

La première série d’actes, il est absolument interdit de payer toutes créances nées antérieurement au jugement d’ouverture. Il y a des exceptions à ce principe d’interdiction des paiements, parmi celles-ci le juge commissaire peut autoriser le débiteur à payer des créances antérieures au jugement d’ouverture pour retirer un bien légitimement retenu.

La deuxième catégorie, le jugement d’ouverture de la procédure collective entraine interdiction de payer toutes créances nées après le jugement, mais qui ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, par exemple les loyers d’un crédit-bail qui dure avant et après le jugement d’ouverture.

Pendant la période d’observation, le juge-commissaire doit autoriser certains actes. Il doit autoriser les actes de dispositions étrangers à la gestion courante de l’entreprise (par exemple la vente d’un bien). Il doit également consentir à une hypothèque, un nantissement. Enfin, il est amené à autoriser le paiement des créances antérieures pour retirer un bien légitimement retenu lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l’activité.

B – Le sort des contrats en cours

Pour poursuivre l’activité, il est souvent indispensable de continuer les contrats en cours au jour du jugement d’ouverture. Le risque est cependant de maintenir artificiellement une affaire en vie au détriment des cocontractants qui peuvent être mis en péril.

Il faut donc essayer de trouver une solution équilibrée, laquelle vaut en sauvegarde, en redressement judiciaire, voire en liquidation judiciaire.

S’agissant de la continuation des contrats en cours, la continuation s’impose à tous les contrats, même conclus intuitu personae. Il faut que le contrat soit en cours, c’est-à-dire qu’il ne soit pas résilié, ou éteint à la date de l’ouverture de la procédure collective.

La continuation s’impose malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Celui-ci n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.

Ce dispositif de continuation des contrats en cours s’applique nonobstant toutes dispositions légales ou toutes clauses contractuelles. Un contrat ne peut pas être automatiquement résilié du fait de l’ouverture d’une procédure collective.

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Qui peut demander la continuation du contrat ? Si un administrateur a été désigné, c’est lui quelle que soit sa mission. A défaut, c’est le chef d’entreprise qui exerce cette faculté après avis conforme du mandataire judiciaire.

Pour que le cocontractant ne reste pas dans l’incertitude quant à la continuation de son contrat, il est prévu qu’il peut mettre en demeure l’administrateur de se prononcer. Si l’administrateur ne répond pas dans le délai d’un mois, le contrat est considéré comme étant résilié de plein droit.

Le contrat poursuivi doit être pleinement exécuté pour l’avenir. Autrement dit le débiteur doit fournir la prestation promise au cocontractant et lorsque la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent, ce paiement doit se faire au comptant.

C – Le sort des créanciers

On a les créanciers antérieurs (avant le jugement d’ouverture), les créanciers postérieurs (après le jugement d’ouverture), et les salariés.

1. Le sort des créanciers antérieurs

Il faut retenir que ces créanciers sont soumis à une discipline collective, d’où le nom de procédure collective, car on les traite collectivement.

a. La déclaration des créances

Tous les créanciers à partir de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, à l’exception des salariés, doivent adresser la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire.

Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée, par exemple une hypothèque, ou les créanciers titulaires d’un contrat publié, par exemple crédit-bail, sont avertis personnellement d’avoir à déclarer leurs créances.

La déclaration doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement au BODACC, ou deux mois à compter de la notification de l’avertissement personnel pour les créanciers publiés.

A défaut de déclaration, dans ce délai, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes. Autrement dit, la créance devient inopposable à la procédure collective. Cela suppose que lorsqu’on est créancier, on lise tous les jours le BODACC.

Ce délai de 2 mois expiré, il est toutefois possible de solliciter du juge-commissaire un relevé de forclusion dans un délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC ou à compter de l’avertissement ou de l’avertissement personnel.

Le créancier devra alors démontrer que sa défaillance n’est pas due à son fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers.

b. L’arrêt des poursuites individuelles

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Cette règle résulte de l’article 622_21 du Code de commerce qui dispose que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers, et tendant soit à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, soit à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Le jugement d’ouverture arrête ou interdit également toute voie d’exécution de la part de ces mêmes créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles.

c. L’interdiction des inscriptions

Les hypothèques, les nantissements, les privilèges, ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture.

d. L’arrêt du cours des intérêts

Le jugement d’ouverture arrête de pleins droits le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tout intérêt de retard et majoration. On ne veut pas aggraver le passif de l’entreprise, les créances ne vont plus générer des intérêts. Il s’agit de ne pas grever d’avantage le passif de l’entreprise.

L’exception est que les intérêts résultants de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an continuent de courir.

e. L’absence de déchéance du terme

Cette règle est formulée à l’article L622_29 du Code de commerce qui dispose que le jugement d’ouverture ne rend pas exigible les créances non échues à la date de son prononcé. Le texte ajoute que toute clause contraire est réputée non écrite.

2. Le sort des créanciers postérieurs

Ces créanciers bénéficient d’un traitement de faveur par rapport aux créanciers antérieurs puisque ces créanciers postérieurs doivent être payés à échéance.

Il existe simplement des conditions à ce paiement : leur créance doit être née régulièrement et elle doit être utile, c’est-à-dire être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

3. La situation des salariés

Les salariés sont des créanciers de l’entreprise d’un type particulier. C’est pourquoi le législateur a prévu pour eux des règles spécifiques, il y en a trois.

La première c’est que les salariés n’ont pas à déclarer leurs créances. La deuxième règle, prévue par le Code du Travail, c’est que le salarié bénéficie

d’un privilège sur les meubles et immeubles. Ils disposent d’un super-privilège pour les 60 derniers jours de travail précédant l’ouverture de la procédure collective.

La troisième règle, les créances salariales sont garanties. Il a été créé en effet en 1973 une assurance pour couvrir le risque de non-paiement des salaires par l’employeur. Cette assurance s’appelle l’AGS, Association pour la Gestion du régime

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d’assurance des créances des Salariés. Pour faire plus simple, on dit assurance garantie des salaires. L’AGS est gérée par l’UNEDIC (Union Nationale Interprofessionnelle pour l'Emploi Dans l'Industrie et le Commerce).

L’AGS, si elle est amenée à payer à la place de l’employeur par hypothèse insolvable, elle va être remboursée par le mécanisme de subrogation, l’AGS est subrogée dans les droits des salariés. On transfert le risque sur l’AGS. 

Section II   : Les règles spécifiques à chaque procédure collective

§ 1 – La procédure de sauvegarde

C’est l’innovation majeure de la loi du 26 juillet 2005, elle permet d’instaurer un mécanisme incitatif et protecteur destiné au débiteur en difficulté qui peut se mettre sous la protection du tribunal le temps de restructurer son entreprise et de négocier ses dettes avec ses créanciers sans attendre que la situation se dégrade et sans attendre une éventuelle cessation des paiements.

C’est une procédure judiciaire de prévention-traitement. Cette procédure est ouverte aux commerçants notamment qui justifient de difficultés qu’ils ne sont pas en mesure de surmonter (par exemple la perte d’un gros client, la menace d’une résiliation d’un contrat…).

Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi, et l’apurement du passif. Seul le chef d’entreprise, le débiteur, peut demander son ouverture, ce qui en fait une procédure volontaire.

Elle a donc vocation à se terminer par un plan de sauvegarde qui va déterminer les modalités de règlement du passif, qui va déterminer le niveau et les perspectives d’emploi, qui va déterminer les moyens de financement possibles, qui va déterminer une éventuelle cession partielle d’activités ou encore une cessation partielle d’activités. Autrement dit, on se rend compte que l’entreprise est viable.

En revanche à aucun moment le plan de sauvegarde peut prendre la forme d’un plan de cession totale. On peut donc envisager une cession partielle mais pas de cession totale, car la sauvegarde est une procédure volontaire, on ne va en sauvegarde que si l’on veut (on n’a pas d’expropriation possible en sauvegarde).

En cas d’inexécution du plan, le tribunal en prononcera la résolution, et une procédure de redressement judiciaire, voire de liquidation judiciaire, pourra être ouverte.

§ 2 – Le redressement judiciaire

Cette procédure a les mêmes objectifs que la procédure de sauvegarde : le maintien de l’activité, le maintien de l’emploi, et l’apurement du passif.

Elle se différencie de la procédure de sauvegarde en ce qui concerne les conditions d’ouverture. Le redressement judiciaire suppose en effet que le débiteur soit en cessation des paiements. Le redressement judiciaire diffère en outre de la sauvegarde en ce qui concerne les demandeurs : le redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur dans les 45 jours de cet état sauf s’il a sollicité entre temps une procédure de

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conciliation ; en outre, le redressement judiciaire peut être sollicité par un créancier ou par le ministère public.

Le tribunal ne peut pas s’autosaisir depuis une décision du Conseil constitutionnel de décembre 2012.

Dans la mesure où il y a cessation des paiements, il appartient au tribunal de fixer cette date effective de cessation des paiements. Cette fixation fait apparaître rétrospectivement une période que l’on appelle la période suspecte. Il peut remonter jusqu’à 18 mois en arrière, au-delà il ne peut pas par souci de sécurité juridique.

On fait apparaître la date de cessation des paiements, et de cette date au jugement d’ouverture, on appelle cette période « période suspecte », ce qui n’est pas un terme légal.

Cette période est dite suspecte car il est à craindre que pendant cette période, se sachant en état de cessation des paiements, l’entreprise ait accompli des actes frauduleux au détriment de l’ensemble des créanciers (par exemple un débiteur qui fait des donations à ses enfants, le débiteur étant tenté d’amoindrir sa capacité de remboursement) ou ait accompli des actes gravement inégalitaires entre les créanciers parce qu’il aurait voulu avantager l’un d’eux.

Le législateur a prévu, articles L632_1 et L632_2 du Code de commerce, que les actes passés pendant cette période peuvent être annulés. Plus précisément, ces articles distinguent deux types de nullité :

- il y a des nullités de droit que le tribunal est obligé de prononcer (par exemple : est nul de droit le fait de payer un créancier alors que l’échéance n’est pas arrivée, ou encore sont nulles de droit les donations) ;

- puis il y a des nullités facultatives, c’est-à-dire que le tribunal peut prononcer (ces nullités concernent tous les actes à titre onéreux passés pendant la période suspecte, sachant que ces actes peuvent être annulés s’il est établi que le créancier avait connaissance de l’état de cessation des paiements du débiteur au moment où l’acte a été passé).

S’agissant de ces nullités de la période suspecte, l’action en nullité est une action attitrée, ce qui veut dire qu’elle peut être exercée par des personnes limitativement énumérées : il y a donc l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, et le ministère public.

Comme en matière de sauvegarde, la procédure de redressement a vocation à se terminer par un plan appelé plan de redressement. Le plan de redressement peut prévoir la continuation de l’activité entre les mains du débiteur, du chef d’entreprise initial.

En revanche, contrairement à la sauvegarde, le plan de redressement peut prévoir la cession de l’entreprise (dès l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les tiers sont admis à proposer des offres de reprises).

Lorsque le plan de redressement est adopté, il peut donner lieu à inexécution, et dans ce cas le plan sera résolu et le tribunal pourra prononcer la liquidation judiciaire.

§ 3 – La liquidation judiciaire

Il faut savoir que la procédure de liquidation judiciaire concerne les débiteurs en cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible. L’article L640_1 du Code de commerce dispose que la procédure de liquidation judiciaire est

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destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ces droits et de ces biens.

La procédure de liquidation peut être ouverte soit sur conversion d’une période d’observation, soit il n’a pas lieu d’observer et on prononce la liquidation judiciaire immédiatement.

Une fois que la liquidation judiciaire est ouverte, les choses se font en deux étapes. On a donc l’ouverture de la liquidation judiciaire, et ensuite on a toute la période de liquidation où on va vendre les biens du débiteur, et enfin on a la clôture de la liquidation judiciaire.

Le jugement de liquidation judiciaire, celui qui ouvre la liquidation judiciaire désigne le liquidateur, c’est le mandateur judiciaire qui endosse la casquette de liquidateur.

La décision prononçant la liquidation judiciaire ouvre une phase liquidative consacrée à la réalisation de tout l’actif et à l’apurement du passif.

Pendant cette phase de liquidation, le débiteur, chef d’entreprise, est dessaisi. Cela veut dire que pendant toute la période de liquidation judiciaire, tous les droits et actions du débiteur sont exercés par le liquidateur.

En fait pendant cette période, on va traiter le débiteur comme un incapable. Il y a des nuances toutefois, et bien évidemment il conserve le droit de toutes les actions d’Etat.

S’agissant de cette période également, l’entreprise elle-même a vocation à cesser son activité, si ce n’est déjà fait.

La loi du 26 juillet 2005 a créé une variante de la liquidation judiciaire qui prend le nom de liquidation judiciaire simplifiée. Cette procédure est réservée aux petites entreprises disposant de peu de biens. Elle est réglementée par des dispositions plus souples pour permettre une réalisation plus rapide des actifs. Aujourd’hui, on a donc trois situations possibles :

- la procédure simplifiée obligatoire, lorsque le débiteur n’a aucun bien immobilier, qu’il a au plus un salarié et que son chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 300 000€ ;

- ensuite on a la procédure simplifiée facultative, lorsque l’entreprise n’a aucun bien immobilier, l’entreprise à jusqu’à 5 salariés, et elle réalise un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 750 000€ ;

- au-delà des seuils, ou quand il y a des biens des immobiliers (un au moins), c’est la liquidation judiciaire normale.

Pendant la phase de liquidation judiciaire, le liquidateur va procéder à la vente des actifs du débiteur, en vue de payer les créanciers.

On distingue deux situations possibles, il est d’abord envisageable de procéder à une cession globale de l’entreprise, ou alors il est envisageable de procéder à une cession séparée des actifs du débiteur.

Dans cette dernière hypothèse, il faut distinguer à nouveau selon que l’on est en présence de biens mobiliers ou de biens immobiliers. Si on a des biens immobiliers, on ne peut pas avoir alors de procédure de liquidation judiciaire simplifiée, cette vente se fait alors selon les formes prescrites en matière de saisie immobilière ou par cession amiable.

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S’agissant de la vente des autres biens, le liquidateur a un choix également entre la vente aux enchères publiques, ou la vente de gré à gré, c’est-à-dire amiable. La spécificité ici c’est que le liquidateur a trois mois pour procéder à la vente des biens. Lorsqu’il y a une liquidation judiciaire simplifiée, il faut que la clôture de la procédure intervienne dans un délai d’un an.

Sur la clôture, on veut faire en sorte que la clôture arrive vite, car le débiteur est traité comme un incapable. La France a été condamnée par la CEDH dans la mesure où on avait un débiteur soumis à une liquidation judiciaire depuis 21 ans.

Il faut noter qu’une fois qu’on a réalisé l’actif, on va essayer de payer les créanciers. Deux situations sont possibles, la première ne se réalisant quasiment jamais, on paie alors tout le monde, c’est la clôture pour extinction du passif.

La deuxième situation, plus courante, c’est celle dans laquelle on n’a pas assez d’actifs pour payer les créanciers, c’est ce qu’on appelle la clôture pour insuffisance d’actifs, il y a donc un jugement de clôture qui ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Autrement dit, la règle qui s’applique est la règle de la purge des dettes.

Cela peut paraître amoral, mais il y a deux explications à cela. On a deux types de débiteurs : la personne physique et la personne morale. Lorsqu’une personne morale est liquidée, elle disparaît donc si c’est un débiteur personne morale qui est liquidé, cette personne disparaît. La personne physique aurait quant à elle vocation à payer, il y aurait alors un traitement inégalitaire.

La deuxième raison c’est que quelque part il y a une idée de pardon. S’il s’avère qu’on est récidiviste en liquidation judiciaire, on n’accordera pas la règle de la purge des dettes.

Chapitre 4   : Responsabilité et sanctions

Le législateur a fait une distinction entre le sort de l’entreprise et l’homme a sa tête. Cet homme peut avoir fait preuve de comportements frauduleux. Finalement le législateur a envisagé de le sanctionner.

Le droit des procédures collectives a prévu des sanctions lorsque les dirigeants de l’entreprise ont eu un comportement fautif. Le droit des procédures collectives propose trois catégories de sanctions.

Il y a d’abord la sanction patrimoniale qui prend le nom d’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs. La deuxième catégorie, c’est la celle des sanctions professionnelles. La troisième catégorie relève du droit pénal, la principale étant la banqueroute.

Section I   : L’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs

Elle est envisagée par l’article L651_2 du Code de commerce. Ce texte dispose que « lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actifs, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actifs décider que le montant de cette insuffisance d’actifs sera supporté en tout ou partie par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ». Le texte ajoute qu’ « en cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut les déclarer solidairement responsables ».

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Cette action en responsabilité pour insuffisance d’actifs ne vise que les dirigeants de personne morale. Autrement dit, lorsque le débiteur est une personne physique, le texte n’est pas applicable, ce qui est assez logique puisque son patrimoine est déjà impliqué.

En outre, le dirigeant est celui de droit ou de fait. Troisième observation, la faute de gestion n’est pas définie. C’est la jurisprudence

qui donne des exemples, par exemple le fait d’avoir entretenu des activités déficitaires, d’avoir fait des investissements trop onéreux pour la société, d’avoir fait une concurrence déloyale à la société…

Quatrième observation, le tribunal doit présenter un préjudice, l’insuffisance d’actifs, et un lien de causalité. S’agissant du lien de causalité, il suffit que la faute ait contribué à l’insuffisance d’actifs.

Egalement, le tribunal a un large pouvoir d’action puisque le juge n’est pas obligé de condamner le dirigeant à payer toute l’insuffisance d’actifs.

Enfin, l’action se prescrit par trois ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, c’est une action attitrée. Ne peuvent agir que le liquidateur, le ministère public et les contrôleurs.

Section II   : Les sanctions professionnelles

Il s’agit de la faillite personnelle, et la seconde est l’interdiction de gérer. Par cette faillite personnelle, on interdit au dirigeant qui a commis un certain

nombre de fautes de gérer, administrer, toute entreprise commerciale, artisanale, agricole, pendant maximum 15 ans.

Ces actes sont visés par l’article L653_3 du Code de commerce, par exemple c’est le fait d’avoir disposer des biens de la personne morale comme de ses biens propres…

L’interdiction de gérer est un diminutif de la faillite personnelle en ce sens que le tribunal peut dans les mêmes cas que ceux envisagés pour la faillite personnelle, prononcer l’interdiction de diriger, gérer, administrer, contrôler, soit toute entreprise commerciale, soit toute entreprise artisanale, soit toute entreprise agricole, soit une de ces entreprises. On réduit en fait le champ d’application de l’interdiction.

Section III   : Les sanctions pénales

C’est la banqueroute, les faits visés passibles de banqueroute sont visés à l’article L653_3 du Code de commerce. Elle expose l’auteur à 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende, c’est par exemple le fait d’avoir tenu une comptabilité fictive.

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