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XVII e SIE ` CLE Une pièce de théa ˆ tre Nouvelle édition MOLIE ` RE L’Avare (ISBN : 9782081209572 – 2,70 ) I. Pourquoi étudier L’Avare en classe de Quatrième ? L’Avare occupe aujourd’hui une place de choix à l’affiche des théa ˆ tres comme dans les programmes scolaires du collège, peut- être pour les mêmes raisons qui ont entravé son succès lors de sa création : le choix de la prose et un héros aux contours très stylisés dont la violence extraordinaire tantôt rappelle les outrances comiques de la farce, tantôt préfigure les accents pathétiques du drame bourgeois. Tout ce qui pouvait choquer un public habitué à d’autres usages et à d’autres nuances fait aujourd’hui de cette pièce la plus abordable et la plus séduisante des comédies de mœurs et de caractère. Toutefois, ne nous y trompons pas : L’Avare reste une grande comédie de la maturité, à la fois complexe et profonde. La pein- ture des caractères, la violence des rapports familiaux et des enjeux matrimoniaux, la mixité des registres comique et tragique et une composition dramatique très riche ou ` les personnages, pour se convaincre, s’affronter et souvent se mentir, mettent à profit toutes les ressources du dialogue théa ˆtral, sont autant d’intérêts que l’on ne saurait aborder avec un public trop jeune. C’est donc une lecture toute désignée pour des élèves de Quatrième, qui entrent dans l’adolescence et auxquels les pro- grammes réservent l’étude du théa ˆtre autour d’une pièce de L’Avare 81

I.Pourquoiétudier L’Avare enclassedeQuatrième?murielle1423.free.fr/michael2/choupette/CO_FLAM_L_Avare.pdf · 2012-04-17 · NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 125 x 178 — 25-02-08

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XVIIe SIECLE

Une pièce de théatre

Nouvelle édition

MOLIERE

L’Avare(ISBN : 9782081209572 – 2,70 €)

I. Pourquoi étudier L’Avareen classe de Quatrième ?

L’Avare occupe aujourd’hui une place de choix à l’affiche desthéatres comme dans les programmes scolaires du collège, peut-être pour les mêmes raisons qui ont entravé son succès lors desa création : le choix de la prose et un héros aux contours trèsstylisés dont la violence extraordinaire tantôt rappelle lesoutrances comiques de la farce, tantôt préfigure les accentspathétiques du drame bourgeois. Tout ce qui pouvait choquerun public habitué à d’autres usages et à d’autres nuances faitaujourd’hui de cette pièce la plus abordable et la plus séduisantedes comédies de mœurs et de caractère.

Toutefois, ne nous y trompons pas : L’Avare reste une grandecomédie de la maturité, à la fois complexe et profonde. La pein-ture des caractères, la violence des rapports familiaux et desenjeux matrimoniaux, la mixité des registres comique et tragiqueet une composition dramatique très riche ou les personnages,pour se convaincre, s’affronter et souvent se mentir, mettent àprofit toutes les ressources du dialogue théatral, sont autantd’intérêts que l’on ne saurait aborder avec un public trop jeune.

C’est donc une lecture toute désignée pour des élèves deQuatrième, qui entrent dans l’adolescence et auxquels les pro-grammes réservent l’étude du théatre autour d’une pièce de

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Molière, une initiation aux différentes formes de dialogue ainsiqu’une approche du discours argumentatif, qui sera approfon-die en classe de troisième.

II. Objectifs de la séquence

Une problématique générale articulera entre eux ces différentsobjets d’étude : Qu’est-ce que le théatre ? Cette questionambitieuse, à laquelle nous répondrons avec la modestie qu’im-posent les limites d’une séquence pédagogique et la maturitéd’un public de collégiens, peut se reformuler de deux façons :

— Comment écrire une pièce de théatre ? On expliquera lesdifférentes dimensions de l’écriture théatrale : la structure dra-matique (exposition, nœud, péripéties, coups de théatre etdénouement), le comique, que l’on mettra en rapport avec letragique pour esquisser une approche des genres et des registres,et le dialogue théatral (la double énonciation et les modalitésd’expression d’une opinion).

— Comment interpréter une scène de théatre ? On tachera derappeler régulièrement aux élèves que le théatre est par essence unspectacle vivant et que le texte écrit qu’ils ont sous les yeux n’estqu’un support à l’interprétation. A partir de la deuxième séance,chaque cours fera la place à une activité ou ils pourront jouer lacomédie et appliquer les procédés d’écriture qu’ils auront étudiéspour mieux en comprendre le sens et les enjeux.

III. Tableau synoptique de la séquence

La complexité de la langue et du propos des premières scènespeut décourager certains élèves. Aussi proposons-nous de lire etd’expliquer en classe l’ensemble du premier acte, qui corres-pond à l’exposition du drame (séances 1 à 3). On fera demême pour les dernières scènes de la pièce (séance 6), afin des’assurer que tous auront lu et compris le dénouement et sonrapport avec la situation initiale. Entre-temps (séances 4 et 5),les élèves, pour chaque cours, liront à la maison un certainnombre de scènes qui feront chaque fois l’objet d’un bilan de

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lecture : cette récapitulation sera l’occasion de faire interpréterà la classe quelques morceaux choisis.

Séances Supports Objectifs Durée

1. Les enfants amoureux Acte I, scènes 1-2 Une scène d’exposition 2 heures

2. Un avare inquiet Acte I, scène 3 — A qui parle-t-on au 2 heuresthéatre (aparté et doubleénonciation) ?— Introduction àl’interprétation théatrale

3. Un avare de père Acte I, scènes 4- — Le nœud du drame 2 heures5 — Prendre position dans

un dialogue

4. Un avare de maître Acte III, scène 1 Une scène comique 2 heures

5. L’affrontement avec Acte IV, scène 3 Une scène tragique ? 2 heuresCléante Différence entre tragédie

et comédie

6. L’affrontement avec Acte V, scènes 3-6 — Le quiproquo 2 heuresValère et le dénouement — Le dénouement

IV. Déroulement de la séquence

Séance no 1 : les enfants amoureux

Objectif → Une scène d’exposition.Supports → Acte I, scènes 1 et 2, p. 37-45.

On lira ces deux scènes en classe en aidant les élèves à surmon-ter la complexité d’une langue galante que les jeunes amoureuxsemblent ici imiter des romans de Mlle de Scudéry et des pasto-rales de Rotrou ! Sans hésiter à reformuler certaines répliques,on aidera les élèves à comprendre non seulement le contenu desinformations livrées par les personnages sur la situation initiale,mais encore les qualités d’écriture et de composition qui évitentà l’exposition de tomber dans le travers de la monotonie. Parailleurs, le discours galant fait ici régner une atmosphère de dou-ceur et d’humanité en regard de laquelle la violence bestiale dupersonnage d’Harpagon qui surgit à la scène 3 ne prendra queplus de relief.

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■ Lire et comprendre

Scène 1. Les amours d’Elise et de Valère

Au cours de la lecture, des questions permettront de s’assurerque les élèves ont bien saisi :

— les informations sur les personnages, leur famille et leurpassé (l’aventure de leur rencontre notamment) ;

— la nature de leur relation amoureuse : l’amour n’est pasconsommé mais ils sont déjà « engagés » (l. 5), c’est-à-dire fiancés ;

— la complexité du personnage de Valère, aux originesencore mystérieuses et au statut incertain : un homme bien nécaché sous l’habit de domestique. Le cynique plaidoyer qu’il faità l’honnête Elise (l. 76-93) révèle un caractère ambivalent, à lacroisée de types dramatiques très différents : le jeune premieramoureux ; l’hypocrite (à la manière de Tartuffe ou du médecinqui flatte la manie du maître de maison pour en tirer profit) ; levalet fourbe, dans le sillage de Mascarille ou de Scapin, fier deses talents d’illusionniste qu’il met au service des projets amou-reux des enfants de la maison ; le raisonneur, qui livre ici uneréflexion générale sur la nature humaine ; par son style senten-cieux (voyez la pointe rhétorique avec laquelle il trousse satirade : l. 92-93) et le regard pessimiste qu’il porte sur l’homme,il prend la pose d’un La Rochefoucauld ou d’un Pascal.

Scène 2. Les amours de Cléante et de Mariane

On soulignera la coïncidence surprenante qui ouvre la scène(l. 105-111) : Cléante fait à sa sœur le type de confidence qu’elleétait chargée par Valère de lui faire. L’intérêt du procédé est triple :

— l’effet de surprise relance l’action et stimule l’intérêt duspectateur, qui se voit promettre un récit inédit (les amours deCléante) au lieu de celui déjà connu des amours d’Elise ;

— le dramaturge évite la répétition d’une scène d’exposition :c’est le principe d’économie dramatique auquel Molière sacri-fie mieux que quiconque ;

— la précipitation de Cléante en dit long sur la naïveté deson caractère : il est à cent lieues de se douter que sa sœurpuisse avoir le même type de confidence à lui faire, il la croitacquise aux principes autoritaires de son père (l. 129-131) ettotalement étrangère aux choses de l’amour (l. 133-135), ce qui

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explique les précautions oratoires dont il entoure sa confidence(l. 112-126). En réalité – ironie de la situation ! – sa sœur en afait bien plus que lui, puisqu’il ne s’est pas engagé avec Mariane(l. 129).

Bilan : comparaison entre les deux couples

Au-delà de cette différence essentielle entre les deux couples,on soulignera les nombreux points communs qui les rappro-chent : ils partagent les mêmes sentiments (l’amour), rencon-trent les mêmes obstacles (la pauvreté et l’hostilité présuméed’Harpagon) et envisagent la même solution – trouver l’appuid’un tiers pour parler à Harpagon (l. 98-101, l. 181-182).

■ Une scène d’exposition

Qu’est-ce qu’une scène d’exposition ?

Après avoir rappelé la notion de situation initiale, déjà ren-contrée en Sixième et en Cinquième, on définira ce qu’est l’ex-position au théatre : acte ou scène présentant la situation initialede la pièce et le caractère des principaux personnages, présentsou absents de la scène.

On relèvera ensuite tous les éléments de la situation apportés parces deux scènes, en ouvrant une page qui sera consacrée à la« Structure de la pièce ». L’exposition en occupera la première par-tie, de la place étant réservée pour le nœud, les péripéties, et ledénouement. Pour l’exposition, on distinguera au moins deuxrubriques :

— les personnages et les liens qui les unissent (filiation,amour, amitié, crainte, servitude...) ;

— leurs préoccupations et leurs projets (Valère et Elise veulentse marier, Cléante cherche de l’argent pour aider Mariane...).

Nous proposons un exemple de correction en annexe de cetteséquence.

On fera remarquer que l’ensemble des projets des person-nages soulève des questions (par exemple : Harpagon va-t-ilconserver sa cassette ?) qui sont autant d’enjeux pour la suite del’action. Les péripéties y répondront provisoirement (La Flèchedérobera la cassette d’Harpagon), le dénouement y apporteraune réponse finale (Cléante lui rapportera son argent, en

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échange de la main de Mariane). Une bonne scène d’exposition,rappelons-le, est plus riche de mystères que d’éclaircissements.

Qu’est-ce qu’une scène d’exposition bien écrite ?

La question est plus difficile : on se contentera de fairecomprendre que la façon de présenter les éléments du drame(événements et personnages) compte autant que la nature de ceséléments eux-mêmes.

1. On reviendra sur l’impression d’ennui que ces deux scènesn’auront pas manqué de susciter sur certains élèves. En les pre-nant au mot, on leur demandera d’écrire le canevas d’uneautre exposition possible de la pièce (une ou deux scènes),plus intéressante ou plus dynamique à leur goût. Les élèves serontlibres du choix des circonstances spatio-temporelles, des person-nages présents, du sujet et du ton de la conversation, mais nedevront pas contredire les éléments déjà connus de la situationinitiale.

2. La plupart des propositions commenceront in medias resen présentant d’emblée le personnage d’Harpagon, tantôt seul,tantôt en conflit avec ses enfants. On pourra faire remarquerque ce fut le parti pris de certains metteurs en scène qui, trou-vant ennuyeux les deux premiers dialogues, firent commencerla pièce à la scène 3 1.

3. On s’interrogera sur le bien-fondé de cette mutilation, enfaisant remarquer la première ingéniosité de l’écriture drama-tique de Molière : la mise en attente du personnaged’Harpagon présenté par ses victimes comme un être redou-table. Effet de suspens courant au théatre, mais que Molière saitparticulièrement bien ménager 2. Notons que cette mise enattente s’étend à d’autres personnages (les parents de Valère) età l’ensemble des projets évoqués dans la scène.

Souvenons-nous aussi de tout ce qui tient en éveil l’intérêt duspectateur dans ces scènes : l’effet de surprise du début de lascène 2, la méprise de Cléante sur sa sœur, mais aussi l’atmos-phère de confidence, qui donne du piquant à l’ensemble desinformations que le spectateur dérobe à l’intimité des amants

1. Voir M. Descotes, Les Grands Rôles du théatre de Molière, PUF, 1960, p. 133.2. Pensons au Tartuffe.

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comme autant de secrets dont il n’est pas censé être le destina-taire. On rappellera la convention du quatrième mur, mur imagi-naire qui ferme la scène rectangulaire du théatre à l’italienne,opaque pour les personnages mais transparent pour des specta-teurs qui sont des voyeurs de l’action.

Bilan

L’étude de ces deux scènes d’exposition aura permis de recon-naître les trois grandes qualités d’écriture et de composition deMolière : clarté, variété et dynamisme 1.

Séance no 2 : un avare inquiet

Objectifs → A qui parle-t-on au théatre (aparté et doubleénonciation) ?

→ Introduction à l’interprétation théatrale.Supports → Acte I, scène 3 et début de la scène 4, p. 46-51.

■ Lire et comprendre

A la suite de la scène 3, on lira le monologue avec lequelHarpagon ouvre la scène 4 et apprend au spectateur la raisonde son comportement soupçonneux et inquisiteur : il a effective-ment de l’argent caché (l. 298-308).

Au cours de la lecture on attirera l’attention des élèves surquelques points :

— L’identification d’Harpagon. Le protagoniste ne serapas nommé avant la scène 4 de l’acte II, et le spectateur, quin’est pas lecteur, ne lit évidemment pas son nom devant chaqueréplique. On demandera donc aux élèves de reconnaître les élé-ments qui permettent au spectateur de l’identifier.

— Le changement de scène. On rappellera qu’il est condi-tionné par l’entrée ou la sortie d’un personnage, ce qui expliquequ’Harpagon parle sans crainte de son secret au début de lascène 4 : La Flèche est sorti.

— Nous restons ici dans l’exposition de la pièce : un nou-veau personnage apparaît, La Flèche (à reporter dans la synthèse ;

1. G. Conesa, Le Dialogue moliéresque, PUF, 1983.

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voir annexe à la fin de cette séquence). Harpagon a déjà été pré-senté scène 1.

■ A qui parle-t-on au théatre ?(aparté et double énonciation)

L’aparté

On fera remarquer aux élèves qu’il n’y a pas ici de véritabledialogue, comme dans les scènes précédentes, dans la mesure oules deux locuteurs ne s’adressent pas toujours l’un à l’autre. Onintroduira la notion d’aparté dont on donnera une définition :« mot ou parole que l’acteur dit à part soi et que le spectateur seulest censé entendre » (d’après Le Robert, 1991).

Les élèves relèveront ensuite l’ensemble des apartés de l’ex-trait en précisant pour chaque cas :

— à qui ils s’adressent ;— pour quelle raison le locuteur ne veut pas se faire entendre de

son interlocuteur présent sur scène (énonciation entre personnages) ;— quel est, néanmoins, l’intérêt pour le spectateur d’en-

tendre l’aparté (énonciation de personnage à spectateur).On peut envisager le tableau suivant :

Locuteur et Destinataire Motif de l’aparté Intérêtréplique pour le dramatique pour

personnage le spectateur

La Flèche : « Je n’ai Lui-même ; le Dire ce qu’il pense Comique dejamais rien vu de si public ? ; Harpagon ? d’Harpagon sans situation (le valetméchant que ce (pas de didascalie s’exposer à son injurie le maître à samaudit vieillard et « A part ») courroux barbe)je pense, saufcorrection, qu’il a lediable au corps. »(l. 199-201)

Harpagon : « (A part.) Lui-même ; le Exprimer sa peur Le public apprendJe tremble qu’il n’ait public ? sans se faire qu’Harpagon asoupçonné quelque entendre de effectivement dechose de mon La Flèche l’argent cachéargent. » (l. 222-223)

Harpagon : « (A Lui-même ; le Exprimer sa nervosité Comique (depart.) J’enrage. » public ? en sauvant les caractère) 1

(l. 227) apparences devant ledomestique

1. La typologie des formes de comique sera abordée ultérieurement.

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Locuteur et Destinataire Motif de l’aparté Intérêtréplique pour le dramatique pour

personnage le spectateur

La Flèche : « Ah ! Lui-même ; le Exprimer ce qu’il — Prolepse :qu’un homme public ? pense d’Harpagon La Flèche conçoit-ilcomme cela sans s’exposer à son déjà son futurmériterait bien ce courroux larcin (IV, 6) ?qu’il craint ! et que — Comique dej’aurais de joie à le situation : c’estvoler ! » (l. 250-251) l’excès de suspicion

dont il est l’objetqui pousse le valetinnocent à envisagerle vol

La Flèche : « La Lui-même ; son Idem Comique (depeste soit de « bonnet », comme situation) : le valetl’avarice et des il le prétend injurie le maître,avaricieux ! » (l. 259) ensuite ? ! le renversement

public ? Harpagon ? carnavalesque desvaleurs

Synthèse : double énonciation et théatre

La correction de l’exercice mettra en évidence le phénomènede la double énonciation, inhérent à toute parole théatralemais particulièrement visible dans cette scène ou bon nombrede répliques semblent réservées exclusivement au public.

La deuxième colonne (la question du destinataire) pose plu-sieurs problèmes intéressants :

1. La Flèche s’adresse-t-il à Harpagon ? Ses apartés, contraire-ment à ceux de l’Avare, ne sont pas explicitement signalés parla didascalie : « (A part) ». Seul le contexte et la réaction de l’in-terlocuteur permettent de comprendre qu’il ne parle pas assezdistinctement pour être compris de lui : néanmoins, il parleassez fort pour en être partiellement entendu ! Une astuce devalet destinée à faire enrager son maître. Tandis que pourHarpagon l’aparté est une dissimulation absolue (il ne tientpas du tout à être entendu du valet), il est pour La Flèche uneautre manière de s’adresser à l’interlocuteur, qui permet decontourner les usages de la société (le respect dû par un domes-tique à un maître).

2. Les deux personnages s’adressent-ils au public ? Lesrépliques ne sont pas explicitement destinées au public :c’est l’auteur dramatique qui met en scène la parole des person-nages de manière qu’elle soit entendue du public. La Flèche etHarpagon sont censés se parler à eux-mêmes, se croyant seuls,

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enfermés entre les quatre murs de la scène. La précision estimportante car elle permettra de saisir toute l’originalité del’adresse d’Harpagon au public (acte IV, scène 7), qui brise laconvention théatrale du quatrième mur.

3. On fera de plus remarquer que la double énonciation estune propriété inhérente à chaque réplique théatrale : touteparole destinée à un interlocuteur présent sur scène s’adresseégalement au public, et, contrairement à ce que l’étude de cettescène pourrait laisser penser, il ne s’agit pas de distribuer laparole théatrale en deux groupes de répliques : « Répliquesadressées à l’interlocuteur » et « Répliques destinées au public » !

4. Tout cela permet finalement de réfléchir avec les élèves à laquestion « Quand y a-t-il théatre ? » et d’affiner la perceptionparfois stéréotypée qu’ils ont du genre. Pas besoin pour fairethéatre d’un texte appris par cœur, ni d’un rideau de scène oude costumes d’époque : il suffit de la présence d’un événement,d’un public et d’une situation d’énonciation particulière (ladouble énonciation), le tout organisé dans un espace bien défini,qui n’est pas nécessairement notre espace familier du théatre àl’italienne. La vie quotidienne le montre bien, ou une situationpolémique peut se transformer en théatre lorsqu’un protago-niste se sert de l’aparté pour prendre à témoin ou faire rire unpublic dont il cherche le soutien, transformant son adversaireen « dindon de la farce ».

Ces réflexions mèneront directement au premier exercice demise en scène et de jeu théatral, ou il s’agira de créer les condi-tions d’un théatre dans les limites d’un groupe restreint d’élèveset d’une salle de classe.

■ Préparation à l’interprétation de la scènePour la séance no 3, les élèves, réunis par groupes de deux,

auront à apprendre et à interpréter un extrait de la scène 3 del’acte I.

Ils ne pourront se contenter de réciter leur texte, mais devrontproposer une mise en scène et une interprétation expressivesauxquelles les prépareront des activités dont voici quelquespropositions 1.

1. On pourra également s’en servir pour travailler l’interprétation des morceauxchoisis (séances no 4 à no 6).

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Exercice de mise en scène

Sur un espace scénique prédéfini, on demandera aux élèvesde réfléchir aux déplacements, aux gestes, aux costumes et audécor. Ce sera l’occasion d’attirer leur attention sur les didasca-lies, auxquelles ils devront toujours se reporter. On peut deman-der à deux élèves « cobayes » de lire la scène, en s’interrompantfréquemment : les autres élèves interviendront pour donner unavis, « sculpter » la position des acteurs et proposer des exemplesd’interprétation.

Exercices d’interprétation

On travaillera ensuite le jeu de l’acteur sur quelques répliquesde la scène.

1. La file anglaise, pour « briser la carapace », en forçant l’ex-pression jusqu’à l’exagération burlesque. Les élèves sont rangés endeux files A et B confrontées l’une à l’autre : en tête de chaquefile, deux acteurs A1 et B1 se font face. A1 lance à B1 une courteréplique (par exemple « Hors d’ici tout à l’heure ! »), puis s’en va ;B1 se retrouve devant un nouvel élève A2 à qui il répète la répliqueen reproduisant le jeu de A1, mais en rajoutant un élément d’ex-pression (un geste, une mimique, une intonation...). A2 prend lerelais, en renchérissant sur le jeu de B1, etc. Celui qui n’a pasréussi à reproduire ou à renchérir correctement reprend la queuede la file, pour passer une nouvelle fois.

2. Le miroir, pour travailler la posture et l’attitude. Lesélèves sont répartis par groupes de deux, face à face : un mimeet un « miroir » qui reproduit le plus fidèlement possible lesgestes, les postures et les mimiques du premier.

3. Le baragouinage, pour travailler l’état et l’intonation. Lesélèves interprètent la scène en usant d’un sabir de leur choixfacilement prononçable (ex. barababi, taratata...) : il s’agit de semettre dans « l’état » du maître soupçonneux et du valet rouésans se soucier du texte.

4. L’improvisation sur un sujet analogue convient auxélèves hardis et imaginatifs. On leur demande de respecter lethème général de la scène (un homme suspecte un autre del’épier et de l’avoir volé). Cet exercice très libre donnera parfoislieu à des trouvailles d’acteur que l’on adaptera à l’interpréta-tion du texte de Molière.

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A faire pour la séance no 3 : apprendre une partie du texte (donton proposera plusieurs extraits), et proposer une interprétationdynamique, qui tienne compte des déplacements et du mime, etintègre trois accessoires (éléments de décor et/ou de costume).Sur ce dernier point, on laissera aux élèves une grande liberté dechoix, en n’exigeant ni la complexité ni la fidélité historique. Onvalorisera au contraire l’originalité et la pertinence dans l’usagede ces accessoires. Les élèves travailleront bien entendu pargroupes de deux.

Séance no 3 : un avare de père

Objectifs → Le nœud du drame.→ Prendre position dans un dialogue.

Supports → Acte I, scène 3, p. 46-51 (pour l’interprétation).→ Acte I, scènes 4 et 5, p. 51-63 (pour la leçon).

■ Interprétation de l’acte I, scène 3

Mise en application des exercices proposés ci-avant.

■ Lire et comprendre (acte I, scènes 4-5)

On lira avec les élèves les deux scènes en s’arrêtant, à l’oral,sur quelques enjeux essentiels du texte.

Scène 4. La tyrannie d’un père

— On relèvera tout ce qui révèle la perversion des rapportsfamiliaux : méfiance, mensonges, violence et malentendus quis’accumulent entre le père et ses enfants.

— On insistera sur le dynamisme d’un coup de théatre endeux temps : Harpagon parle de Mariane et de mariage d’unefaçon générale (l. 393-429), puis il précise qu’il parle pour lui-même (l. 431-434) : Cléante s’effondre aussi vite qu’il s’étaitimprudemment réjoui !

Scène 5. Valère entre deux feux

— Cette scène est comme la mise à l’épreuve de la straté-gie du courtisan que Valère vient d’exposer à Elise avec unecertaine pédanterie (I, 1, l. 76-93) : c’est un véritable fiasco. En

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donnant à Harpagon un blanc-seing sans savoir de quoi il parle,Valère se révèle un bien piètre manipulateur, il n’est pas à lamesure de l’habit du fourbum imperator dont il s’est revêtu.

— On notera l’intérêt dramatique de l’éclipse d’Harpagon(l. 545-570), procédé un peu artificiel, convenons-en, qui per-met aux amants de s’expliquer.

— Cette explication (l. 548-573) révèle le contraste entre lescaractères des deux jeunes gens : Elise est alarmiste tandis queValère envisage des solutions qui rappellent les meilleurs momentsde la farce (l. 563-573). Qui des deux personnages a raison ? Dansce conflit de points de vue, c’est la question du registre, voire dugenre de l’œuvre, qui est en balance, et qui le restera jusqu’audénouement : drame ou comédie (voir séance no 5) ?

— On remarquera enfin que le retour d’Harpagon trans-forme immédiatement le ton et le sujet de la conversation entreles deux amants (l. 573-602). La leçon de morale que Valèredébite ensuite à Elise s’adresse surtout à son père, qui est ici, àson insu, le public d’une scène de comédie. Cette irruption duthéatre dans le théatre n’est pas seulement un jeu plaisant,mais le symptôme de la profonde méfiance qui règne entreHarpagon et le reste de sa maisonnée : toutes les scènes étudiéesont déjà montré que la présence de l’un transforme les autres enacteurs, et vice versa. On comprend en outre que la doubleénonciation ne fonctionne pas seulement entre les personnageset le public, mais aussi entre les personnages eux-mêmes.

■ Nouement de l’actionet dialogue théatral (acte I, scènes 4-5)

Le nœud

— C’est avec la scène 4 que s’achève l’exposition : on yapprend les préoccupations d’Harpagon (il a caché de l’or dansson jardin) et les projets matrimoniaux qu’il a conçus pour lui-même et pour ses enfants ; d’ou une nouvelle série de questionsqui se posent pour la suite. Notons enfin la présentation dupersonnage d’Anselme.

— En même temps apparaît la contradiction entre deux élé-ments de l’exposition : les projets d’Harpagon et ceux de sesenfants. C’est ainsi que se noue le drame.

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Tout cela sera reporté sur la fiche de synthèse (voir annexe).

Prendre position dans un dialogue 1

On rendra les élèves sensibles aux multiples moyens utilisésici par les personnages pour exprimer et faire prévaloir leur avis.On limitera l’étude à la discussion sur les projets de mariage(l. 431-602), en répondant successivement à trois questions.

Que disent les personnages ? Les élèves devront écrire unecourte scène, à quatre personnages et à quatre répliques, quirésume très brièvement ce qui se dit dans cette discussion.

Voici une proposition :Harpagon. – Je veux prendre Mariane pour épouse, mariermon fils à une riche veuve et ma fille au seigneur Anselme.Cléante. – Je me sens mal... (Il sort).Elise. – Je ne veux pas me marier !Valère. – Vous avez raison, mais Elise n’a pas tout à fait tort.

Avec quelle force ? On peut ainsi comprendre le fonctionne-ment du dialogue et caractériser les prises de position de cha-cun. Harpagon ouvre l’échange en imposant une décision, àlaquelle les trois jeunes gens réagissent avec plus ou moins defermeté : Cléante perd ses moyens et s’efface ; Elise, de loin laplus courageuse, s’oppose franchement ; Valère, diplomate, pro-pose en vain une alternative.

On a donc une gradation dans l’ordre de l’affirmation de sonopinion : Cléante < Valère < Elise < Harpagon.

Avec quels moyens ? On relèvera ensuite les modalitésselon lesquelles les personnages imposent avec plus ou moinsde force leur avis. On les reportera, avec les informations précé-dentes, dans un tableau dont voici le modèle :

1. Sans reprendre le jargon des linguistes, nous adoptons ici la perspective pragma-tiste des théoriciens des actes de langage qui considèrent que les énoncés sont inves-tis, au-delà de leur contenu prépositionnel (l’acte locutoire), d’une fonction (l’acteillocutoire : répondre, décrire, suggérer, ordonner, promettre...) qui les apparente àdes actions. Voir John L. Austin, Quand dire, c’est faire, Seuil, 1962, trad. fr. 1979.C’est à la variation de la force illocutoire des actes de langage que l’on s’intéresse ici.

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Que dire ? Avec quelle force ? Avec quels moyens ?(Avis exprimé par (degré d’affirmation) (mode d’expression)les personnages)

Cléante. – Je me sens Il s’effondre (degré zéro — L’aporie et le trouble (« unmal... (Il sort). de l’affirmation) éblouissement », l. 441)

— La fuite (il sort)

Valère. – Vous avez Il propose — Des arguments en deux partiesraison, mais Elise n’a qui commencent par une captatiopas tout à fait tort. benevolentiae : « Vous avez raison,

mais... »— Le masque : Valère exprime sonopposition, sous le point de vued’autrui (« Mais elle pourrait vousdire [...] », l. 508, « Il y a des gens quipourraient vous dire... », l. 528) 1

— L’art de la litote : « c’est un peuprécipiter les choses [...] » (l. 508-509)

Elise. – Je ne veux pas Elle s’oppose, de plus — La négation polie, sous l’apparenceme marier ! en plus fermement de la demande (Elle fait une révérence,

« Je ne veux point [...] s’il vous plaît »,« Je vous demande pardon », « avecvotre permission », l. 452-459) –contrairement à Valère, Elise s’opposeen son nom propre— La négation sans nuance (« Celane sera pas [...] non. [...] Je me tueraiplutôt que [...] » l. 464-472)— L’effet de stichomythie : Elisereprend mot pour mot l’injonctiond’Harpagon en la niant (l. 476, 480).Procédé particulièrementimpertinent, qu’elle reprend à soninterlocuteur ! (voir infra)

Harpagon. – Je veux Il impose — L’affirmation sans nuance du projet,prendre Mariane pour sans consulter l’interlocuteur (« je luiépouse, marier mon fils destine [...], je te donne », l. 446-448)à une riche veuve et — L’effet de stichomythie (voirma fille au seigneur supra, l. 454, 457, 460...)Anselme. — Le mépris et l’injure

(« damoiseaux flouets [...] poules »,l. 444-445 ; « la coquine », l. 495)— L’argument (l. 504-507, l. 512-514)— L’argument obstiné (« Sans dot »)— L’interruption (il coupe la parole àValère : l. 503 et 542)

A faire pour la séance no 4 :— Lire l’acte II.— Morceaux choisis : les élèves travailleront par groupe dedeux. A chaque groupe sera distribué un extrait différent del’acte II. L’extrait sera très bref (quelques répliques), il ne

1. Larvatus prodeo, pourrait dire l’intendant philosophe !

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mentionnera ni les personnages ni la scène dont il est issu et l’onfera en sorte que soient représentées toutes les scènes de l’acte.Les élèves devront mémoriser le texte et en retrouver l’origine.Lors de la séance suivante, ils l’interpréteront devant la classe,qui devra à son tour l’identifier.

Séance no 4 : un avare de maître

Objectif → Une scène comique.Supports → Acte II, p. 64-85 (pour le bilan de lecture).

→ Acte III, scène 1, p. 86-95 (pour la leçon).

■ Que s’est-il passé entre-temps (acte II) ?

On s’assurera que les élèves ont lu et compris l’acte au moyende deux activités.

Interprétation des morceaux choisis

Voir supra, « A faire pour la séance no 4 ».A l’issue de chaque interprétation, on résumera la scène dont

provient l’extrait par une courte phrase que l’on marquera autableau. Après le passage de tous les élèves, on aura ainsi lesynoptique de l’ensemble de l’acte II, mais dans le désordre.

Reconstitution du plan de l’acte

Les élèves remettront dans l’ordre les titres des scènes notésau tableau.

On identifiera enfin le thème central de l’acte II : les bonnesaffaires (d’argent et d’amour) d’Harpagon.

■ Lire et comprendre (acte III, scène 1)

On révisera ce qui a été vu sur le dialogue en étudiant la façondont les cinq domestiques d’Harpagon présents dans cette scèneprennent position face à leur maître. On pourra reproduire lestrois questions et le tableau (voir séance no 3).

On fera remarquer que Valère et maître Jacques reproduisentle couple du flatteur et du raisonneur qui s’affronte souventdans le théatre de Molière autour du héros maniaque (voir pré-sentation de l’édition, p. 17).

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■ Le comique (acte III, scène 1)

On demandera enfin aux élèves ce qui les fait rire dans lascène, en orientant au besoin leur recherche sur quelques pas-sages. Les réponses seront réparties en quatre rubriques.

Comique de gestes de mots de caractère de situation

— Harpagon — Harpagon : « les — Harpagon : son — Harpagon priantmettant la main sur armes à la main ; je avarice, ses son fils de « régalerla bouche de maître vous commets au préventions d’un bon visage »Jacques soin ; le maniaques et (l. 47) sa future— Maître Jacques gouvernement des tatillonnes belle-mèrechangeant d’habit bouteilles » (l. 4-8) — La Merluche et (Mariane)— ... — Maître Jacques : Brindavoine, deux — Le domestique

« chatiment gaillards benêts et qui, pour complairepolitique » (l. 11) balourds à son maître,— ... — Valère, flatteur l’accable d’injures

fanatique qui — ...pousse jusqu’àl’absurde lesobsessions de sonmaître— ...

En guise d’exercice, on pourra proposer le même travail surla scène 3 de l’acte I, déjà étudiée en détail, qui fournit denombreux exemples des quatre types de comique.

A faire pour la séance no 5 :— Lire les scènes suivantes (acte III, scène 2-acte IV, scène 2)— Morceaux choisis parmi les scènes à lire : les apprendre. Voirséance no 3.

Séance no 5 : l’affrontement avec Cléante

Objectif → Une scène tragique ? Différence entre tragédie etcomédie.

Supports → Acte III, scène 2-acte IV, scène 2, p. 95-112 (pour lebilan de lecture).

→ Acte IV, scène 3, p. 113-116 (pour la leçon).→ Racine, Mithridate, acte III, scènes 4-6, dossier,

p. 164-169 (pour la leçon).

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■ Que s’est-il passé entre-temps ?(acte III, scène 2-acte IV, scène 2)

On contrôlera la lecture des élèves sur le modèle de ce qui adéjà été fait.

Interprétation des morceaux choisis

Voir séance no 4.

Reconstitution de l’ordre des scènes

Voir séance no 4.

■ Lire et comprendre (acte IV, scène 3)

— Les élèves identifieront d’abord les principales étapes dela scène :

1. Harpagon interroge son fils, qui prétend trouver Marianesans attraits (l. 110-128).

2. Le piège (l. 129-156).3. La confession (l. 157-179).4. L’affrontement (l. 180-207).— On expliquera les mécanismes du piège qu’Harpagon

tend à son fils.— Deux éléments nous mettront sur la piste de la tragédie

dont cette scène est très proche : d’une part le machiavélismeet le sang-froid étonnants d’Harpagon qui ne montre plus riendu vieillard inquiet et maladroit qui nous faisait rire dans lespremières scènes ; d’autre part la menace du baton qui clôt lascène : jusque-là, cette menace avait toujours été comique, carproférée entre maître et valet (I, 3 ; III, 1 ; III, 2), c’est-à-direentre deux personnes que tout oppose et que la farce montretoujours en conflit. La bastonnade est-elle toujours comiquequand elle oppose un père à son fils ? Sommes-nous pourautant ici dans une tragédie ?

■ Une scène tragique ?Mithridate (III, 4-6) et L’Avare (IV, 3)

On essaiera de répondre à ces questions en comparant lascène à un extrait de Mithridate de Racine que nous avons

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reproduit dans le dossier (p. 164-169) parce qu’il rappelle àmaints égards l’affrontement entre Harpagon et son fils. Onrépondra au questionnaire proposé à la suite, qui relève d’abordles similitudes entre les deux scènes (p. 171), puis en souligneles différences (p. 172), pour permettre aux élèves de définir enmiroir tragédie et comédie, et de comprendre pourquoi L’Avare,en dépit de ses résonances tragiques (similitude de registre),n’est résolument pas une tragédie (différence de genre).

Voici les deux définitions que le questionnaire conduit àformuler :

La tragédie représente des personnages nobles du tempspassé que leurs passions hors du commun entraînent dans unconflit à l’issue malheureuse.

La comédie représente des personnages contemporains etordinaires que des sentiments souvent capricieux et ridiculesentraînent dans un conflit à l’issue heureuse.

On pourra compléter ces définitions par l’effet que chaquegenre est censé produire sur le spectateur, mais attention ! Si, àen croire Aristote, susciter la terreur et la pitié est un objectifessentiel à la tragédie, on rappellera que le rire appartient strictosensu au domaine de la farce. Ce n’est qu’avec Molière qu’ildevient une caractéristique essentielle de la comédie (voir pré-sentation de l’édition, p. 18).

A faire pour la séance no 6 :— Lire les scènes suivantes : acte IV, scène 4-acte V, scène 2.— Morceaux choisis parmi les scènes à lire. Voir séance no 3.On autorisera évidemment les élèves à travailler seuls (c’estindispensable pour l’acte IV, scène 7 !).

Séance no 6 : l’affrontement avec Valèreet le dénouement

Objectifs → Le quiproquo.→ Le dénouement.

Supports → Acte IV, scène 4-acte V, scène 2, p. 117-129 (pour lebilan de lecture).

→ Acte V, scène 3-6, p. 130-145 (pour la leçon).

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■ Que s’est-il passé entre-temps ?(acte IV, scène 4-acte V, scène 2)

Interprétation des morceaux choisis

Voir séance no 4.

Reconstitution de l’ordre des scènes

Voir séance no 4.

■ Lire et comprendre (acte V, scènes 3-6)

— On identifiera d’emblée le quiproquo de la scène 3 etl’on donnera une définition de la notion : méprise consistant àprendre une personne pour une autre, ou le discours qu’il tientpour un autre.

— On fera remarquer ensuite que, du côté d’Harpagon, laméprise dure jusqu’à l’intervention de Cléante (scène 6).

— Parmi ces quatre scènes, on distinguera les scènes de crise(scènes 3-4) des scènes de dénouement (scènes 5-6) : commeFrosine le commente elle-même (l. 278), le nœud est bienserré jusqu’à la fin de la scène 4 !

■ Le quiproquo (acte V, scène 3)

Le fonctionnement du quiproquo : tableau explicatif

Le malentendu repose ici sur un problème de codage et dedécodage d’un même message. Quand Harpagon dit « crime »,le mot qu’il emploie exprime (ou code) le concept « vol de macassette », mais Valère entend (ou décode) « subornationd’Elise ». Le quiproquo naît à la fois de l’absence de codecommun entre destinateur et destinataire (Valère entend« amour » quand Harpagon parle d’argent, et vice versa), et del’ambiguïté d’un message (« crime », « trésor »...) assez imparfai-tement codé par l’encodeur pour permettre au décodeur uneinterprétation déviante 1.

1. Nous empruntons les concepts de code, d’encodage et de décodage àR. Jakobson, Essais de linguistique générale, Minuit, 1963, p. 25-42 et p. 209-248.

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Bien entendu, on n’assommera pas les élèves avec cette termi-nologie. On pourra en revanche leur faire comprendre le proces-sus qu’elle désigne sous la forme d’un tableau. Seule seraremplie la colonne centrale, qui reprend de la bouche de Valèreet d’Harpagon quelques messages ambigus prétextes au quipro-quo. De part et d’autre du message seront notés par les élèvesles sens opposés que les deux personnages donnent de cemessage, soit comme encodeur, soit comme décodeur.

Ce que pense Ce que disent Harpagon → Ce que pense ValèreHarpagon (H.) et Valère (V.)

Voleur de ma cassette H. voleur infame (l. 136) Suborneur d’Elise

Mon or H. mon sang, mes Son enfantentrailles (l. 146)

Me restituer mon argent V. bien réparer (l. 150) Donner un nom et unefortune à ma futureépouse en rétablissant lavérité sur mes origines(cf. I, 1)

L’argent contenu dans H. mes louis d’or (l. 163) La dot qu’on peut espérerma cassette en se mariant avec une

jeune fille riche

Ma cassette H. et V. un trésor (l. 172- Mon amante173)

Elise n’est pas complice V. votre fille en tout ceci Elise n’a pas prisdu vol de la cassette n’est aucunement l’initiative de nos

coupable (l. 197-198) fiançailles

Dépenser l’argent de la H. et V. y toucher (l. 208- Profiter sexuellementcassette 209) d’Elise

... ... ...

Les causes du quiproquo

On relèvera ensuite les champs lexicaux des termes dechaque colonne : champ lexical de l’argent et du vol du côtéd’Harpagon, de l’amour et du mariage du côté de Valère,champ lexical ambivalent pour les mots employés par l’un etl’autre (colonne centrale). On fera ainsi comprendre les deuxcauses directes de la persistance du quiproquo : la divergencedes interprétations et l’ambiguïté du message.

L’intérêt du quiproquo : la comédie de mœurs et de caractère

1. La divergence d’interprétation entre les deux hommesrévèle un conflit de valeurs et de caractères : chacun parle de

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ce qu’il tient à plus haut prix et n’envisage pas que son interlocu-teur parle d’autre chose. Le procédé dramatique sert donc direc-tement le propos analytique et critique de la comédie decaractère : il dénonce l’avarice inhumaine et desséchante d’unvieillard pour qui seul l’argent est digne d’amour, le sentimenta-lisme un peu niais d’un jeune premier pour qui le discours del’argent ne peut être que la métaphore de ce qui compte vrai-ment : son amour. Molière renvoie dos à dos ces deux rivauxqui ne connaissent que leur « trésor », rongés chacun par l’uni-verselle obsession (la bêtise ?) qui menace le caractère de tousles hommes.

De ce point de vue, cette scène est d’un intérêt bien supérieuraux autres scènes de quiproquo de la pièce, qui opposent toutesCléante et son père. Revenons-y :

— I, 4. Quiproquo entre Cléante et Harpagon à propos deMariane : le fils croit que son père lui propose son amante enmariage ; mais Harpagon parle pour lui-même et ignore que sonfils connaît Mariane.

— II, 1-2. Quiproquo entre Cléante et Harpagon, à proposd’argent : Cléante ignore qu’Harpagon est son usurier, Harpa-gon ignore que son fils est son emprunteur.

— IV, 4-5. L’entremise malicieuse de maître Jacques faitcroire à chacun que l’autre lui abandonne Mariane.

Dans ces scènes, Harpagon et son fils parlent de la mêmechose, et des tableaux similaires à ceux élaborés pour l’acte Vscène 3 ne laisseraient pas apparaître de différence entre leschamps lexicaux des colonnes : quand Cléante parle d’argentpar l’intermédiaire de maître Simon, Harpagon lui fait uneréponse d’usurier (II, 1) ; quand Harpagon parle de mariage,Cléante lui fait une réponse d’amoureux (I, 4 ; IV, 4-5). Lemalentendu ne porte pas sur la nature des vœux de chaque per-sonnage, mais sur l’espoir qu’ils nourrissent dans leur réalisa-tion. Les intérêts du père et du fils convergent, ils ne convergentd’ailleurs que trop : c’est la source de leur conflit. Seul le quipro-quo de la scène 3 de l’acte V révèle une profonde divergence devaleurs qui empêche les personnages de s’entendre.

2. L’ambiguïté du message non seulement permet cette diver-gence d’interprétation, mais est elle-même porteuse d’une autreleçon. L’ambiguïté d’une expression comme « l’amour de mes

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louis d’or » (l. 162-163), que Valère comprend comme « larecherche d’une dot intéressante », n’est possible que dans unsiècle qui confond mariage et intérêts d’argent (voir présentationde l’édition, p. 22), un problème de société ou de mœurs queMolière a toujours mis en scène comme un scandale, duMariage forcé au Malade imaginaire. C’est pourtant de cetteambivalence terminologique entre amour et argent que jaillittout le comique de la scène ! Rien ne saurait mieux montrer quele rire de la grande comédie de mœurs est ambigu : c’est un riresérieux, ou profond.

L’étude du quiproquo permet donc de distinguer les princi-pales caractéristiques d’une grande comédie : c’est une analysecritique des mœurs et des caractères des hommes, ou le rire faitréfléchir autant qu’il divertit 1.

■ Le dénouement (acte V, scènes 5-6)

— On identifiera enfin les différents événements qui contri-buent, dans les deux dernières scènes, à répondre aux questionsposées par l’exposition et à résoudre le conflit (ou le nœud)apparu à la fin de celle-ci.

— C’est seulement après avoir posé les éléments du dénoue-ment et compris leur rapport logique avec la situation initialeque l’on reviendra sur les péripéties, à comprendre comme unlien organique entre ces deux pôles.

— On mettra enfin en valeur par un code spécial (le signedans notre fiche) les coups de théâtre qui interviennent à lafois dans l’exposition, dans les péripéties et dans le dénoue-ment. On fera remarquer leur double fonction : ils structurentla pièce – moteurs du nœud (I, 4) et du dénouement (V, 4-5),principales péripéties de l’action ; ils soutiennent l’attention duspectateur – Molière a ménagé un coup de théatre par acte, saufdans l’acte central (III).

1. Voir presentation de l’édition, p. 15-18.

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V. Annexe : fiche de synthèsesur la structure dramatique de L’Avare

Voici une proposition exhaustive de l’état final de la fiche desynthèse que les élèves auront complétée au cours de la séquence.

■ Situation initiale (acte I, scènes 1-4 : scènesd’exposition)

Les personnages Leurs préoccupations, leurs projets

— Elise : fille d’un 1. Valère et Elise veulent se marier (scène 1)homme riche et 2. Valère recherche l’identité de ses parents et la preuve deavare, amoureuse ses origines aristocratiques (scène 2)de Valère 3. Cléante et Mariane veulent se marier (scène 2)— Valère :... 4. Cléante cherche de l’argent pour aider Mariane et sa— Cléante :.... mère (scène 2)— La Flèche :... 5. Harpagon a de l’argent caché et craint qu’on ne le lui— Harpagon :... dérobe (scène 4)— (Mariane) :... 6. Harpagon veut épouser Mariane et marier Cléante à— (Anselme) :... une riche veuve (nouement de l’action, scène 4)— (Une 7. Harpagon veut marier Elise au seigneur Anselmeservante) 1 :... (nouement de l’action, scène 4)

→ Préoccupations et projets soulèvent chacun desquestions :— Qui réalisera ses projets de mariage ?— Valère retrouvera-t-il ses parents ?— Cléante trouvera-t-il de l’argent pour faire vivreMariane ?— Harpagon conservera-t-il sa cassette ?

→ Certains de ces projets entrent en contradiction, faisantnaître un nœud (un conflit d’intérêts à résoudre). Le nœudest double dans L’Avare :— conflit entre les projets de mariage d’Elise et de sonpère (1 ≠ 7) ;— conflit entre les projets de mariage de Cléante et de sonpère (3 ≠ 6) ;— un troisième nœud apparaît tardivement quandLa Flèche dérobe la cassette d’Harpagon (IV, 6) : il redouble leconflit entre les projets de Cléante et les préoccupations deson père (4 ≠ 5), tout en permettant de le résoudre (voir V, 6).

Légende : : coup de théatre ; (Mariane) : personnage cité dans une scèned’exposition mais absent de la scène.

1. Dame Claude : on apprendra son nom à l’acte III, scène 1.

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Questions et nœud amorcent l’action dramatique, qui aurapour objet de :

— répondre aux questions ;— dénouer le nœud.

■ Péripéties (acte I, scène 5-acte V, scène 4)

Elles apportent une réponse provisoire aux questions etcontribuent à resserrer le nœud.

Acte I — Valère entre deux feux (I, 5)

Acte II — Père usurier et fils emprunteur (II, 1-2), Cléante découvre queson père est son usurier— Visite de Frosine (II, 3-5)

Acte III — Des domestiques turbulents (III, 1-3)— Visite de Mariane (III, 4-9) : elle s’aperçoit que son amant est le filsd’Harpagon

Acte IV — Frosine change de camp (IV, 1)— Père et fils, amants rivaux (IV, 2-5). Harpagon découvre la liaisonentre Mariane et Cléante— Au voleur ! (IV, 6-7) : La Flèche a dérobé la cassette d’Harpagon

Acte V — La vengeance de maître Jacques (V, 1-2)— Affrontement entre Harpagon, Valère et Elise (V, 3-4) : Harpagondécouvre la liaison entre Elise et Valère

■ Dénouement (V, 5-6)

Il répond définitivement aux questions posées par les projetsdes personnages et résout les conflits d’intérêts entre ces pro-jets (le nœud).

Un événement... répond à la question... et contribue à régler leconflit

Les masques tombent — Valère rétablira-t-il la entre Harpagon et Elise(scène 5) : Anselme se vérité sur ses origines ? (Oui) (Valère devient un partirévèle être le père de — Cléante trouvera-t-il de intéressant pour sa fille)Valère et de Mariane l’argent pour faire vivre

Mariane ? (La questiontombe, Mariane se révélantune jeune fille fortunée)

— Cléante pourra-t-il entre Harpagon et CléanteLa cassette retrouvéeépouser Mariane (Oui... si (Harpagon donne(scène 6), Cléante la troqueAnselme donne son partiellement son accordcontre la main de Marianeconsentement) au mariage entre son fils— Harpagon conservera- et Mariane)t-il sa cassette ? (Oui... siAnselme donne Mariane àCléante)

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Un événement... répond à la question... et contribue à régler leconflit

La clémence d’Anselme — Elise pourra-t-elle — entre Harpagon et(scène 6) : il abandonne épouser Valère ? (Oui) Cléante ;Elise à son fils, accorde la — Cléante pourra-t-il — entre Harpagon et Elisemain de Mariane à Cléante épouser Mariane ? (Oui) (Harpagon finit paret consent à toutes les — Harpagon pourra-t-il consentir aux projetsexigences financières mener à bien ses projets matrimoniaux de ses deuxd’Harpagon matrimoniaux ? (Non) enfants, et renonce aux

— Harpagon retrouvera- siens)t-il sa cassette ? (Oui)

VI. Orientations bibliographiquesSur Molière

BOULGAKOV, Mikhaïl, La Vie de Monsieur Molière, Seuil, 1955.BRAY, René, Molière, homme de théatre, Mercure de France, 1954.COPEAU, Jacques, Molière, Gallimard, 1976.MONGREDIEN, Georges, Recueil des textes et des documents du

XVIIe siècle relatifs à Molière, Editions du CNRS, 1965.SIMON, Alfred, Molière, Seuil, 1957.

Sur le théatre de Molière

COLLINET, Jean-Pierre, Lectures de Molière, Armand Colin, 1974.CONESA, Gabriel, Le Dialogue moliéresque, PUF, 1983.GUTWIRTH, Marcel, Molière, ou l’Invention comique, Minard, 1966.

Sur le XVIIe siècle

BENICHOU, Paul, Morales du Grand Siècle, Gallimard, 1948.MONGREDIEN, Georges, La Vie quotidienne des comédiens au temps

de Molière, Hachette, 1966.

Filmographie

L’Avare, de Jacques Mauclair, avec Jacques Mauclair, 1989.L’Avare, de Jean Girault et Louis de Funès, avec Louis de Funès et

Michel Galabru, 1979.L’Avare, de Jean Vilar, avec Jean Vilar et Jean-Pierre Cassel, 1975.Molière, d’Ariane Mnouchkine, 1978.

Site Internet

www.toutmoliere.net

Christian KEIME.

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XIXe SIECLE

Une nouvelle – Le fantastique

HOFFMANN

Le Violon de CrémoneLes Mines de Falun(ISBN : 9782081212183 – 3,20 €)

I. Pourquoi étudier Le Violon deCrémone en classe de Quatrième ?

L’étude d’une œuvre européenne du XIXe siècle est inscrite auprogramme de français de la classe de Quatrième. Choisir unenouvelle d’E.T.A. Hoffmann permet d’aborder l’étude d’ungenre, le récit bref, ainsi que celle des registres, plus particulière-ment le fantastique. Il paraît assez judicieux de travailler sur uneœuvre écrite par celui que l’on considère comme le fondateurdu fantastique afin d’étudier les caractéristiques propres d’unrécit mêlant l’étrange et le merveilleux. On peut aussi envisagerles prolongements de l’œuvre d’Hoffmann, comme source d’ins-piration, dans les récits fantastiques français du XIXe siècle.

Le Violon de Crémone est construit selon une narrationcomplexe, permettant ainsi d’aborder les notions de narrateuret d’ordre du récit. Cette séquence peut être proposée aux élèvesaprès une séquence sur le récit bref, pour mettre en lumière ladiversité propre au genre de la nouvelle. L’œuvre d’Hoffmannest susceptible d’intéresser les élèves par sa brièveté et par lesuspens maintenu jusqu’au dénouement. Cependant, elle peutêtre perçue comme difficile d’accès par certains élèves, notam-ment à cause de la complexité de sa construction. On proposeradonc cette œuvre à une classe d’un bon niveau.

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II. Exploitation des Mines de Falun enlecture cursive

Afin de compléter l’approche du récit fantastique, on inviteles élèves à lire Les Mines de Falun, seconde nouvelle proposéedans l’édition, en lecture cursive, et on leur demande d’effectuerle travail suivant :

Après avoir lu attentivement Les Mines de Falun, composezvotre propre version de la couverture de la nouvelle, sur unefeuille au format A4. Cette couverture, ou apparaîtront les infor-mations données habituellement sur une première de couverture,doit avoir un lien étroit avec le texte. Vous accompagnerez cettecouverture d’un texte argumentatif ou vous donnerez un avis per-sonnel sur l’œuvre. Proposez au moins trois arguments déve-loppés, en rédigeant un paragraphe pour chacun d’eux.

On laisse aux élèves le temps du déroulement de la séquencepour effectuer ce travail.

III. Etude du Violon de Crémoneen œuvre intégrale : planet développement de la séquence

Plan de séquence

Interrogation de lecture

Séance no 1 : un personnage étrange, le conseiller KrespelObjectifs :— Dégager les informations données dans l’incipit de lanouvelle— Etablir le portrait du conseiller Krespel— Etudier les choix de narrationSupport : du début du récit à « J’aperçus dans la glace qu’ilavait les yeux pleins de larmes », p. 17-22

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Séance no 2 : le mystère entretenu autour d’AntonieObjectifs :— Etudier la composition d’un portrait— Comprendre les relations entre les personnagesSupport : de « Le refus abrupt opposé à ma requête concer-nant Antonie semblait faire présager que je ne serais jamaisadmis à la rencontrer » à « venaient souvent jeter au plusprofond de mon ame une douce et consolante lueur derose », p. 27-30

Séance no 3 : travail de réécritureObjectifs :— Réécrire un extrait de la nouvelle en changeant de pointde vue— Ecrire un portraitSupport : le même extrait que pour la séance précédente

Séance no 4 : le schéma actantiel, étude des liens entre lespersonnages

Objectifs :— Savoir appliquer le schéma actantiel à un texte— Interpréter un schéma actantiel— Comprendre la composition des forces en présence dansla nouvelleSupports :— Le passage étudié lors de la séance no 2— L’ensemble de la nouvelle

Séance no 5 : la folie de KrespelObjectif : étudier un thème récurrent du fantastique, la folieSupport : de « Comme j’entrais dans l’allée qui mène à unpavillon de jardin, le spectacle le plus étrange s’offrit à mavue [...] » à « Il a tenu cette promesse, je l’ai su plus tard »,p. 31-33

Séance no 6 : la construction du récitObjectif : étudier l’ordre du récit et comprendre l’intérêt deschoix de narration pour la mise en place du fantastiqueSupport : l’ensemble de la nouvelle

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Séance no 7 : la mort énigmatique d’AntonieObjectifs :— Comprendre les ressorts du fantastique— Etudier des thèmes clés du fantastique : le rêve et l’objetmerveilleuxSupport : de « Quand le conseiller eut acheté le merveil-leux violon qu’il enterra avec Antonie » à « Mais elle étaitmorte », p. 41-43

Séance no 8 : définition du fantastiqueObjectifs :— Comprendre les caractéristiques du fantastique— Trouver des points communs à un corpus de textesSupports :— L’ensemble de l’œuvre et particulièrement le dernierextrait étudié— Les Mines de Falun— Le corpus de textes proposé dans le dossier de l’édition

Séance no 9 : évaluation

Interrogation de lecture

On demande aux élèves d’avoir lu l’œuvre pour le début dela séquence et on leur propose de répondre aux questionssuivantes.

1. Répondez aux questions suivantes par des phrases en déve-loppant vos explications (14 points).

a. Qui est le narrateur de cette nouvelle (2 points) ?b. Pourquoi peut-on dire que le conseiller Krespel est un per-

sonnage étrange ? Développez votre réponse en vous appuyantprécisément sur le texte (2 points).

c. Quel est le lien qui unit le conseiller Krespel et Antonie(1 point) ?

d. Quels sont les sentiments du narrateur pour Antonie(1 point) ?

e. Pourquoi Krespel interdit-il à Antonie de chanter(1 point) ?

f. Expliquez le titre de la nouvelle (3 points).

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g. Le narrateur laisse la parole à deux autres personnes. Les-quelles (2 points) ?

h. Pourquoi Antonie meurt-elle ? Qu’avez-vous compris(2 points) ?

2. Ces phrases – qui ne figurent pas dans l’ordre du récit –sont tirées du Violon de Crémone. Expliquez-les en les resituantdans leur contexte (2 points par explication).

a. Deux ans après – j’étais déjà en fonctions à B** – j’entre-pris un voyage dans l’Allemagne du Sud. Je vis dans les brumesdu soleil couchant les tours de H. A mesure que j’approchais,un sentiment indescriptible de cruelle angoisse s’emparait demoi ; il me semblait sentir sur ma poitrine un fardeau oppres-sant, je ne pouvais plus respirer.

b. Le conseiller semblait changé en statue ; mais soudain,comme sortant d’un rêve, il saisit la signora avec une forcesurhumaine, la jeta par la fenêtre de sa propre villa et s’enfuitsans demander son reste, à Venise d’abord, puis en Allemagne.

c. Mais bientôt on entendit s’élever le chant d’une voix defemme absolument merveilleuse, qu’accompagnait un piano.Puis s’élevèrent les sons d’un violon qui rivalisaient de vivacitéet de flamme avec la voix. On reconnut tout de suite le jeu duconseiller. Moi-même je me mêlai à la foule que cet admirableconcert avait assemblée devant la demeure du conseiller, et jedois avouer qu’à côté de la manière si expressive et si péné-trante dont chantait l’inconnue, le chant des plus illustres canta-trices que j’avais entendues me paraissait terne et insipide.

Séance no 1 : un personnage étrange,le conseiller Krespel

Objectifs → Dégager les informations données dans l’incipit de lanouvelle.

→ Etablir le portrait du conseiller Krespel.→ Etudier les choix de narration.

Support → Du début du récit à « J’aperçus dans la glace qu’ilavait les yeux pleins de larmes », p. 17-22.

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■ Les informations délivrées dans l’incipit

1. Quels sont les indices donnés sur le cadre spatio-temporeldans ce début de récit ?

L’histoire se déroule dans la ville de H., située en Allemagnedu Sud, qui pourrait être n’importe quelle ville d’Allemagne.Quant à l’époque du récit, aucune date n’est proposée dansl’incipit, ce qui nous amène à penser que le temps de l’énoncédoit être contemporain du temps de l’écriture (1820). Ainsi lecadre spatio-temporel est-il volontairement peu détaillé, appa-raissant comme secondaire par rapport à l’intrigue.

2. Qui est le narrateur de ce récit ? Que sait-on de lui ?La première phrase de la nouvelle laisse penser que la narration

est à la troisième personne du singulier : « L’homme dont je vaisvous parler, dit Théodore, n’est autre que le conseiller Krespel. »Ensuite, Théodore commence son récit sur le fameux conseiller.Ainsi la narration est-elle effectuée par un narrateur personnagequi s’exprime à la première personne du singulier. Il semblenécessaire de préciser que Le Violon de Crémone est tiré d’uneœuvre intitulée Les Entretiens des frères Sérapion (Serapions-brüder en allemand), qui n’est pas encore traduite dans son inté-gralité en français. Dans cette œuvre, Hoffmann s’inspire de sesamis pour créer une confrérie imaginaire ou l’on discute littéra-ture, peinture, etc., en buvant et en fumant, la conversation étantentrecoupée de récits et de contes étranges. Cette technique litté-raire a permis à Hoffmann de lier entre eux des récits divers.Cette première phrase nous renseigne sur l’identité du narrateur.Théodore est un personnage témoin. En effet, très peu d’informa-tions sont données sur lui et il n’est pas le personnage principal ;c’est donc un narrateur homodiégétique.

3. Dressez la liste des personnages évoqués dans l’incipit etexpliquez qui est le personnage principal.

Les personnages : le conseiller Krespel, le professeur M., lanièce du professeur M., ainsi que sa femme, Antonie, le princeAllemand, le maître maçon et les ouvriers, les enfants présentsau dîner donné par le professeur M. et la foule qui observe laconstruction de la maison du conseiller. Le conseiller Krespelsemble mis en valeur car le narrateur concentre toute son atten-tion sur lui. Le titre allemand de la nouvelle, Rat Krespel (« LeConseiller Krespel »), mettait l’accent sur le personnage. Le titre

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français, Le Violon de Crémone, détourne l’attention du lecteur.Antonie, quant à elle, mentionnée à la fin du passage, suscitebon nombre d’interrogations. En effet, la simple évocation dece personnage par la nièce du professeur suffit à mettre Krespelhors de lui. Le lecteur comprend ainsi que l’élucidation des liensentre Krespel et Antonie va constituer l’essentiel de l’intrigue.

■ Le conseiller Krespel et sa maison

Pour cette deuxième partie, le travail porte sur le passage quiva de « L’homme dont je vais vous parler » à « avec qui j’avaisfait plus ample connaissance, m’y introduisit », p. 17-19.

1. Relevez dans l’extrait les mots ou expressions caractérisantl’originalité du conseiller et celles qui suggèrent sa folie.

L’originalité de Krespel La folie de Krespel

— « l’un des hommes les plus — « l’une de ses plus follesexcentriques » excentricités était justement dans sa— « son bizarre costume (confectionné fleur »par lui-même selon des principes tout — « pêle-mêle », « n’avait établi aucunpersonnels) » plan », « il n’en était nul besoin »— « il courut », « revint à pas lents », — « effrayé de la folie de Krespel »« il secoua la tête d’un air mécontent », — « construction insensée »« courut », « revint jusqu’au bloc »,« hocha de nouveau la tête », « ilrépéta plusieurs fois ce manège », « ilvînt presque donner de son nez pointusur le mur », « Krespel se mit à marcherde long en large à l’intérieur, d’un airpensif »— « cette singulière façon de batir »

Par l’accumulation de verbes de déplacement, le narrateursouligne la conduite incompréhensible du conseiller. La limiteentre l’originalité et la folie est mince. Le personnage apparaîtcomme étonnamment serein (« tout ira très bien comme cela »,« tout marcherait très bien sans cela ») dans cette situation pourle moins singulière. Sa détermination, son assurance et son épa-nouissement font de lui un personnage à part qui attire l’atten-tion de tous.

2. Quel est le point de vue adopté dans cet extrait ?Le récit se fait par le biais d’un narrateur homodiégétique.

Théodore, personnage témoin de l’histoire de Krespel, livre un

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récit du point de vue interne puisqu’il emploie la première per-sonne. Théodore ne peut nous rapporter que ses observationssur le comportement de Krespel. Le conseiller est donc présentéd’un point de vue externe. Ainsi ses extravagances restent-ellesinexpliquées et le lecteur n’a pas accès à la conscience du per-sonnage. Le choix d’un narrateur homodiégétique, assez effacéet auquel le lecteur peut facilement s’identifier, restreint le pointde vue au seul narrateur. Celui-ci va chercher à comprendre lapersonnalité ambiguë de Krespel, personnage mystérieux qui nese livre qu’à la fin du récit.

3. En quoi la maison de Krespel est-elle atypique ? Pourquoiplacer en début de récit la présentation d’une telle maison ?

On fait avec les élèves la liste des expressions employées pourexpliquer la construction de la maison en insistant sur le passagesuivant : « [...] on vit s’élever une maison complètement achevéequi offrait du dehors l’aspect le plus fou, car il n’y avait pas deuxfenêtres semblables, etc., mais dont l’ordonnance intérieureavait un agrément tout particulier. Du moins était-ce l’avis detous ceux qui y pénétraient, et j’éprouvais la même impressionle jour ou Krespel [...] m’y introduisit. » Cet édifice insensé sym-bolise la folie de Krespel, mais aussi son génie car il le faitconstruire à vue d’œil. Tout comme le conseiller, cette maisonattire les regards car elle est hors norme. La description de l’édi-fice nous renseigne sur le caractère de son propriétaire, extrava-gant en apparence mais recelant des qualités certaines. Laprolepse de la fin du passage indique que le narrateur aura l’oc-casion de dépasser ces apparences pour nous livrer un portraitplus approfondi du conseiller.

■ Première rencontre entre le narrateur et Krespel

Pour cette troisième partie, le travail s’effectue sur le passagequi va de « Jusqu’alors en effet je n’avais pas eu l’occasion deparler avec cet homme étrange » à « qu’il avait les yeux pleinsde larmes », p. 19-22.

1. Comment est organisé le portrait de Krespel ? Sur quellefigure de style repose ce portrait ?

Le portrait en acte de Krespel souligne l’étrangeté du person-nage dont les mouvements sont étonnants. Par l’emploi d’anti-thèses, le narrateur livre un portrait contrasté du conseiller. En

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effet, il est « raide et gauche dans ses mouvements » mais on peutle voir « tourner à grands pas autour de la table », « s’élancer »,« s’emparer d’un vase à fleurs », « le faire tournoyer ». L’accumu-lation de verbes de mouvement traduit une aisance qui s’inscriten contradiction avec les adjectifs péjoratifs cités précédemment.L’emploi de l’adverbe « tantôt » permet d’exprimer le caractèrechangeant du personnage : « tantôt [...] il passait rapidementd’un sujet à un autre, tantôt il n’arrivait plus à lacher une idée ».De même, le ton de sa voix est « tantôt rauque, violent et criard,tantôt sourd, traînant et chantant », « toujours en désaccord avecce qu’il disait ». Le caractère de Krespel est déconcertant et insai-sissable car il ne semble pas agir avec raison.

2. En quoi peut-on dire que le conseiller est diabolique ?Comment se comportent les personnages qui l’entourent ?

Les prises de parole de Krespel sont énigmatiques. En effet, ilemploie un vocabulaire en rapport avec la religion : « Satan aunoir plumage », « la gueule de l’enfer », « ange du ciel », « Dieu ».Il semble lui-même tiraillé par cette dualité entre le Bien et leMal. Il transmet la joie de vivre autour de lui, mais, au momentou Antonie est évoquée, il semble totalement transformé : « unmasque hideux ou s’épanouissait un rictus de colère et d’amer-tume qui me sembla diabolique ». Le narrateur emploie un voca-bulaire péjoratif pour décrire Krespel, de manière à faireressortir son aspect repoussant. Les enfants qui sont présentsau repas regardent Krespel « avec beaucoup d’amitié », « ils selèv[ent] et s’approch[ent] de lui, mais timidement, à la distancerespectueuse de trois pas ». Ils semblent à la fois fascinés etcraintifs. Le narrateur, quant à lui, s’interroge : « Qu’est-ce quecela signifie ? » Il observe Krespel avec insistance afin de donnerun sens à son comportement.

Travail complémentaire : on travaille avec les élèves sur lesexpansions du nom à partir de l’extrait étudié dans cette premièreséance. On peut relever un certain nombre d’expansions du nomet demander aux élèves d’observer la manière dont ces groupesnominaux étendus sont constitués pour ensuite parvenir à unclassement en quatre catégories distinctes : les adjectifs qualifica-tifs, les propositions subordonnées relatives, les groupes préposi-tionnels et les groupes détachés en apposition.

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Séance no 2 : le mystère entretenuautour d’Antonie

Objectifs → Etudier la composition d’un portrait.→ Comprendre les relations entre les personnages.

Support → De « Le refus abrupt opposé à ma requêteconcernant Antonie semblait faire présager que je neserais jamais admis à la rencontrer » à « venaientsouvent jeter au plus profond de mon ame unedouce et consolante lueur de rose », p. 27-30.

■ Le portrait d’Antonie

1. Relevez dans le passage les mots ou expressions employéspour décrire Antonie. Analysez ensuite le portrait de la jeunefille.

« L’extérieur d’Antonie », « ses yeux bleus », « ses douces lèvresde rose », « ses formes extraordinairement frêles et gracieuses »,« fort pale », « un vif reflet d’incarnat », « accompagné d’un douxsourire », « une lueur rosée » et « les joues d’Antonie s’empour-prèrent ». Le portrait valorisant fait par le narrateur donne uni-quement des détails sur le physique de la jeune femme enmettant en valeur sa douceur. Il insiste aussi sur son teint avecles adjectifs de couleur « rose », « incarnat », « rosée » et le verbe« s’empourprèrent ». On saisit ici une allusion implicite à lamaladie d’Antonie interprétable a posteriori.

2. Relevez les expressions qui marquent le jugement du narra-teur dans la composition de ce portrait.

Le narrateur livre son point de vue sur Antonie par l’em-ploi d’adverbes intensifs qui renforcent les impressions deThéodore : « extraordinairement », « fort ». Le narrateur insistesur la nécessité de regarder Antonie avec précision pour décou-vrir ses charmes. A travers ce court portrait, on comprend quele narrateur est tout de suite tombé sous le charme de la fille duconseiller.

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■ Le mystère autour de la voix d’Antonie

1. Comment la détermination du narrateur à entendre chanterAntonie est-elle mise en valeur ?

On relève les expressions suivantes : « Je ne me décourageaipoint », « Avec les obstacles que m’opposait le conseiller croissaitaussi mon courage à les surmonter », « il fallait absolument quej’entendisse chanter Antonie ». Le narrateur semble s’être forgéune mission : entendre Antonie chanter. Il en fait un devoirimpérieux par l’emploi du verbe « falloir », renforcé par l’ad-verbe modalisateur « absolument ». Il se met en valeur enemployant le champ lexical de la détermination. On pourraitcomparer la mission poursuivie par le narrateur à une prouessechevaleresque. En effet, s’il parvient à entendre la belle chanter,on imagine que Théodore souhaitera ensuite la sauver desgriffes de Krespel, pour mieux gagner l’amour de cette dernière.

2. De quelle manière le narrateur s’y prend-il pour tenter defaire chanter la belle ?

Le narrateur profite de la bonne humeur de Krespel pouraborder le thème de la musique : « Je réussis à l’échauffer en lefaisant parler de la véritable technique du violon. » Il détournela méfiance de Krespel en utilisant l’humour. Comme nousavons accès aux pensées de Théodore, nous comprenons quetoutes ses actions sont calculées dans le seul but d’accomplir samission. On le constate notamment dans l’extrait suivant : « Ehbien, me dis-je, voici le moment ! » Mais c’est sans compter lavigilance de Krespel.

■ Le discours du conseiller

1. Expliquez en quoi le discours du conseiller est contradictoire.Le conseiller s’exprime dans un langage soutenu et utilise des

phrases complexes. Il emploie des marques de politesse : « chermonsieur l’étudiant », « mon cher ». Il explique que le savoir-vivre et les bonnes manières n’admettent pas de parolesmenaçantes, mais par une prétérition il cherche à intimider lenarrateur : « Certainement, cher monsieur l’étudiant, il seraitcontraire à toutes les règles de savoir-vivre et aux bonnesmanières, je l’avoue, d’exprimer tout haut et avec vivacité levœu que le grand diable d’enfer vous tordît tout doucement le

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cou. » L’emploi du conditionnel souligne qu’il est en train defaire le contraire de ce qu’il dit. Ses menaces sont dissimuléessous un discours courtois.

2. De quoi le conseiller menace-t-il le narrateur ? Comment s’yprend-il (en dehors de la politesse) pour masquer ses menaces ?

Krespel souhaite la mort lente et douloureuse de Théodore :« Le vœu que le grand diable d’enfer vous tordît tout doucementle cou. » Mais ses menaces ne sont pas proférées directement.Par une longue périphrase, il exprime de manière imagée toutela haine qu’il a en lui. On peut relever le passage ou Krespelexplique que Théodore risquerait d’« endommager [ses] pré-cieux os » s’il ne partait pas sur-le-champ et lui conseille de ren-trer chez lui « bien gentiment ». Il lui fait ainsi remarquer que savie est précieuse et qu’il serait facheux qu’il lui arrive quelquechose, sous-entendant qu’il ne se gênera pas pour lui porteratteinte physiquement. Enfin, il se place en position de supério-rité par l’emploi d’expressions telles que « bien gentiment » ou« mon cher », ne lui laissant pas d’autres choix que celui d’obéir.

Séance no 3 : travail de réécriture

Objectifs → Réécrire un extrait de la nouvelle en changeant depoint de vue.

→ Ecrire un portrait.Support → Le même extrait que pour la séance précédente.

On propose aux élèves de travailler à partir du sujet suivant :Antonie, après l’altercation entre son père et Théodore, confie

à son journal intime ses impressions sur les événements qu’ellevient de vivre. Elle relate sa première rencontre avec Théodore,tout en faisant son portrait, et donne son avis sur le jeune homme.Elle commente ensuite l’attitude pour le moins étrange de sonpère.

On veillera à faire avec les élèves la liste des contraintes quisont imposées par le sujet.

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Séance no 4 : le schéma actantiel,étude des liens entre les personnages

Objectifs → Savoir appliquer le schéma actantiel à un texte.→ Interpréter un schéma actantiel.→ Comprendre la composition des forces en présence

dans la nouvelle.Supports → Le passage étudié lors de la séance no 2.

→ L’ensemble de la nouvelle.

On propose aux élèves de réaliser deux schémas actantielsdistincts : l’un ayant pour sujet le narrateur et l’autre ayant poursujet Krespel. La confrontation de ces deux schémas doit per-mettre de mettre en évidence le conflit d’intérêts entre les deuxpersonnages.

Selon le sujet choisi, deux missions différentes apparaissent :faire chanter Antonie ou au contraire lui interdire de chanterpour la préserver. De là va naître un conflit entre les deux sujets

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de l’histoire, le narrateur et Krespel. Le narrateur va se mettreen tête de sauver Antonie des griffes du conseiller. PercevantKrespel comme un opposant, le narrateur fait de lui un être dia-bolique, créant ainsi de bonnes raisons pour sauver Antonie.Selon le deuxième schéma, Krespel est un père aimant quicherche à protéger sa fille. Sa véritable personnalité est livrée aulecteur dans l’analepse finale. C’est parce que, tout comme lenarrateur, le lecteur ignore la véritable mission de Krespel quele personnage semble inquiétant et tyrannique.

Séance no 5 : la folie de Krespel

Objectif → Etudier un thème récurrent du fantastique : la folie.Support → De « Comme j’entrais dans l’allée qui mène à un

pavillon de jardin, le spectacle le plus étrange s’offrità ma vue [...] » à « Il a tenu cette promesse, je l’ai suplus tard », p. 31-33.

■ La démence de Krespel

1. Etudiez dans les paroles rapportées de Krespel les procédésemployés pour montrer la folie du personnage.

— L’emploi des points de suspension : « Je suis libre... libre...libre... hourrah !... » Les phrases de Krespel sont interrompues,ce qui souligne ses hésitations et l’incohérence de son discours.

— La modalité exclamative qui montre la joie du personnagecontradictoire avec le deuil de sa fille : « hourrah ! plus deviolons ! ».

— Des répétitions qui mettent en valeur l’incohérence de sondiscours et son acharnement sur les mêmes idées : « Pas du tout,pas du tout ! », « plus de violons... plus de violons... plus deviolons ».

— L’oxymore « une mélodie d’une gaieté sinistre » quimontre l’inadéquation du ton choisi par rapport aux parolesproférées.

— Ses propos sont peu compréhensibles : « Je me suis faitune robe de chambre dans laquelle je voulais ressembler au Des-tin ou à Dieu le Père. » Le rapprochement burlesque entre Dieule Père et la robe de chambre est difficilement interprétable.

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Notons seulement que lorsqu’il parle du violon si cher àAntonie, le ton sérieux qu’il adopte est en adéquation avec sespropos, ce qui doit attirer l’attention du lecteur.

2. Quels sont les sentiments de Théodore face à Krespel ?— Il éprouve tout d’abord de la tristesse.— Ensuite, il est effrayé par le conseiller. Il pousse « un cri

aigu » lorsque le conseiller s’approche de lui et il a peur à l’idéed’être « envelopp[é] et entraîn[é] dans le gouffre noir et horriblede la démence ». Le narrateur semble horrifié de pouvoir êtrehappé par la folie de Krespel, la démence étant montrée commeun enfer par l’emploi d’un vocabulaire péjoratif. On trouve l’ad-jectif épithète détaché en début de phrase, « horrifié », ainsi quele groupe nominal « folies assez effrayantes ». La curiosité quesuscitait le personnage a cédé la place à la peur.

■ Le discours raisonné du professeur M.

1. Par quelle métaphore le professeur M. explique-t-il lecomportement de Krespel ?

La métaphore filée de l’insecte et de « la carapace souslaquelle nous autres nous faisons nos folies sans qu’on les voie »permet au professeur M. d’apporter une réponse imagée pourdécrire le comportement de Krespel. Il explique ainsi que « [desgens] ressemblent à ces insectes dont le tégument est si mincequ’ils paraissent difformes dans le jeu rapide et toujours visiblede leurs muscles ». Cette métaphore permet de saisir quel’homme cache généralement ses pensées les plus profondes der-rière une carapace, mais que Krespel au contraire ne dissimulerien et que toute pensée se traduit physiquement ou à traversses paroles.

2. Quelle image de l’humanité est ici proposée par le pro-fesseur M. ?

Par l’emploi d’un vocabulaire péjoratif, il propose une imageplutôt sombre de l’humanité. L’homme est montré commecontradictoire car il souligne « l’amère ironie que notre esprit[...] est si souvent tenté d’exprimer », dissimulant ses véritablespensées. Il insiste aussi sur le fait que l’homme « est prisonnierde la gangue de la vie », il est donc condamné à l’enfermementet à la dissimulation. On note aussi une contradiction entre leterrestre et le divin : « activité terrestre », « ce qui vient de la terre,

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il le rend à la terre, mais il s’entend à conserver ce qui est divin ».Ainsi l’homme est-il montré comme partagé entre la vie terrestre– ce qui est confirmé par l’image de l’insecte rampant – et lesaspirations divines. Krespel, lui, tenterait de se protéger (« para-tonnerre »), ce qui se traduit par un comportement insensé. Sousson apparente folie se cache une conscience « fort saine ». Cepassage incite donc à s’interroger sur la folie.

Activité complémentaire : on propose aux élèves de prolongercette séance par la lecture de l’extrait de La Chevelure deMaupassant reproduit dans le dossier de l’édition. On leurdemande ensuite de répondre aux questions posées à la suite dupassage.

Séance no 6 : la construction du récit

Objectif → Etudier l’ordre du récit et comprendre l’intérêtdes choix de narration pour la mise en place dufantastique.

Support → L’ensemble de la nouvelle.

On demande aux élèves de remettre le récit dans l’ordre chro-nologique tel qu’il est proposé dans la deuxième question de lasection « Le fil de l’histoire » dans le dossier de l’édition. Onrépond ensuite aux questions suivantes.

1. Sur combien de temps s’étale le récit ? Quelle est la duréede l’action à partir du moment ou Théodore arrive à H. ?

Lorsque Krespel livre son histoire peu avant la fin de la nou-velle, il fait un retour en arrière « vingt ans auparavant ». Ilremonte au moment ou il a rencontré Angela. En revanche, ladurée de l’action à partir de l’arrivée de Théodore à H. n’excèdepas trois années, sans oublier l’ellipse qui, durant ces troisannées, passe deux ans sous silence.

2. Un événement dans la nouvelle est relaté deux fois mais dedeux points de vue différents. Quel est cet événement et quel estl’intérêt d’une telle réécriture ?

Le récit de la soirée ou Krespel découvre la maladie d’Antonieest proposé deux fois, c’est à ce moment-là que Théodore cèdela parole à deux autres narrateurs : le professeur M. et Krespel.

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Le professeur M. relate cette soirée dans le passage qui va de« Dans la soirée qui suivit son retour, les fenêtres de Krespels’illuminèrent de manière inhabituelle » à « Mais il avait dû repar-tir aussitôt pour se plier aux ordres du conseiller ». Il se trouvealors dans la foule qui écoute le chant merveilleux d’Antoniesous les fenêtres de Krespel. Cette soirée est relatée une secondefois lorsque Krespel livre à Théodore le récit de son passé dansle passage qui va de « Le conseiller et Antonie disparurent de F.et vinrent à H. » à « ne fit qu’un bond jusqu’à la porte et dégrin-gola l’escalier ». Dans cette seconde version de la soirée, de nom-breuses informations supplémentaires sont livrées. On comprendla cause du cri poussé par Antonie et ce qui incite le fiancé àprendre la fuite. La première version de la scène éveillait la curio-sité du professeur ainsi que celles du narrateur et du lecteur. Cechoix de narration crée un certain suspens, une énigme autourdes personnages de Krespel et d’Antonie.

3. Pourquoi l’auteur a-t-il choisi d’écrire cette histoire dans ledésordre ?

— Pour maintenir un certain suspens.— Pour donner plusieurs points de vue sur une même scène

(différentes lectures selon les informations détenues par lespersonnages).

— Pour créer un mystère autour de certaines situations quivont accentuer la folie de Krespel : interdiction de chanter pourAntonie, sans raison apparente, et mystère autour du violon.

— Pour donner à lire une histoire qui est construite sous laforme d’une enquête policière : le narrateur cherche à élucider lelien qui unit Krespel à Antonie, puis il veut démasquer l’assassind’Antonie. Le récit serait faussé s’il était raconté dans l’ordrechronologique.

Séance no 7 : la mort énigmatique d’Antonie

Objectifs → Comprendre les ressorts du fantastique.→ Etudier les thèmes clés du fantastique : le rêve et

l’objet merveilleux.Support → De « Quand le conseiller eut acheté le merveilleux

violon qu’il enterra avec Antonie » à « mais elle étaitmorte », p. 41-43.

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■ Le lien entre Antonie et le violon

1. Cherchez le sens de l’adjectif « merveilleux » dans le diction-naire. Quel sens prend cet adjectif dans l’expression « le merveil-leux violon qu’il enterra avec Antonie » ?

Merveilleux est ici employé dans les deux sens proposés pourl’adjectif. En effet, le violon est tout d’abord merveilleux par lesqualités qu’il présente en tant qu’instrument de musique. Maisil est surtout merveilleux dans la mesure ou ce qui le lie àAntonie est inexplicable et inexpliqué.

2. Expliquez les raisons pour lesquelles le violon de Crémoneest en quelque sorte un violon magique en relevant des expres-sions qui peuvent justifier cette hypothèse.

On relève plusieurs expressions qui soulignent le caractèreinexplicable du lien qui unit Antonie au violon : « Le conseillerne savait pas lui-même quelle force inconnue l’obligea à laisser leviolon intact », « les sons argentins de l’instrument avaientquelque chose de miraculeux ». On note, de plus, que le violona la capacité de reproduire la voix d’Antonie, puisque les sons« sembl[ent] jaillir d’une poitrine humaine » et Antonies’exclame : « Mais c’est moi-même, je chante de nouveau ! »Hoffmann évoque ici les pouvoirs magiques de la musique, leviolon étant conçu comme un être vivant. Aucune explicationn’est fournie pour éclaircir cette proximité, cette fusion entre lajeune fille et l’instrument, et les personnages semblent accepterce fait sans se poser aucune question. Ainsi le violon symbolise-t-il la jeune fille. Le récit s’aventure du côté du merveilleux parl’introduction d’un objet magique, le lecteur peut choisird’accepter le basculement du récit vers le merveilleux ou semettre en quête d’une explication plus rationnelle.

■ Rêve ou réalité ?

1. Relevez et analysez les expressions employées par le conseil-ler pour décrire son état lors de son rêve.

Les détails donnés laissent transparaître une angoisse forte,liée à un malaise physique. L’antithèse « affreuse angoisse »/« délice inexprimable » souligne la contradiction à laquelle estsoumis le conseiller : le plaisir et l’effroi liés à la voix d’Antonie.

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Le vocabulaire choisi laisse entendre que ce rêve s’apparente àune vision prémonitoire du conseiller.

2. Quelles explications sont données à la fin ? Quelles supposi-tions le lecteur peut-t-il faire ?

Le conseiller a fait un rêve et il semble qu’il y ait une conti-nuité entre ce rêve et la réalité : « Lorsqu’il s’éveilla, il éprouvaitencore la même terrible angoisse que dans le rêve. » La brièvetéde la dernière phrase, « Mais elle était morte », laisse le lecteursans explication. L’emploi de la conjonction de coordination« mais » souligne la contradiction entre la position de la jeunefille et son état réel. Le lecteur est contraint de chercher parlui-même un éclaircissement à cette fin énigmatique. On peutsupposer que le conseiller a fait un rêve prémonitoire, ce qui faitbasculer le récit du côté de l’étrange. On peut aussi penser quele rêve et la réalité se confondent et que c’est parce que leconseiller a rêvé qu’Antonie est morte, explication merveilleuse.

Travaux complémentaires :– on peut compléter cette séance par la lecture de l’extrait de LaVénus d’Ille de Mérimée (reproduite dans le dossier de l’édition,p. 101) ; on demande aux élèves de répondre aux questionsposées à sa suite pour approfondir le thème de l’objet magiquedans la littérature fantastique ;– on leur demande de lire l’extrait du Pied de momie de Gautier(reproduit dans le dossier de l’édition, p. 103) et de répondre auxquestions posées à sa suite. Cette lecture doit permettre aux élèvesd’approfondir leurs connaissances sur le thème du rêve dans la litté-rature fantastique. L’étude de cet extrait permet d’entrevoir que lalittérature fantastique ne rime pas toujours avec terreur et angoisse.

Séance no 8 : définition du fantastique

Objectifs → Comprendre les caractéristiques du fantastique.→ Trouver des points communs à un corpus de textes.

Supports → L’ensemble de l’œuvre et particulièrement le dernierextrait étudié.

→ Les Mines de Falun.→ Le corpus de textes proposé dans le dossier de

l’édition, p. 101-109.

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On demande aux élèves de compléter le tableau suivant, enprenant soin de les guider pour qu’ils comprennent au mieuxles textes du corpus.

Nouvelle Thèmes abordés Hypothèses pour expliquer l’histoire

Le Violon de La folie, un objet — Le violon est un instrument d’une qualitéCrémone magique, la telle qu’Antonie est fascinée par les sons qu’il

confusion entre le émet et que sa douce musique lui donnerêve et la réalité l’impression de chanter

— Le violon de Crémone est un violon magiquequi est mystérieusement lié à Antonie— Le conseiller a fait un rêve prémonitoirel’avertissant de la mort d’Antonie— Antonie est morte parce que le conseiller arêvé qu’elle chantait, il s’est produit dans laréalité les mêmes événements que dans le rêve

La Chevelure La folie, la passion, — Le narrateur, obsédé par la chevelure, estle fantôme devenu fou et a inventé l’histoire du fantôme

— La morte, à laquelle appartenait lachevelure, est revenue parmi les vivants, et lenarrateur du journal en est tombé amoureux,raison pour laquelle tout le monde le prendpour un fou

La Vénus d’Ille L’objet magique, la — La jeune femme est devenue folle et afolie imaginé que la statue avait pris la place de son

mari dans le lit et tué ce dernier. Il a étéassassiné par une personne non identifiée— La Vénus d’Ille s’est vengée du fils deM. de Peyrehorade. La bague qu’il avait passéeau doigt de la statue était comme unepromesse de mariage. Se sentant trahie, elle l’atué

Le Pied de L’objet magique, le — Le narrateur a rêvé, l’alcool lui a faitmomie rêve imaginer toute cette histoire. L’apparition du

collier reste inexpliquée— Ce qui s’est produit dans le rêve dunarrateur s’est aussi réalisé dans la réalité. Lerêve et la réalité se confondent

Les Mines de La folie, le rêve, la — Elis Fröbom devient fou à cause desFalun passion, le fantôme profondeurs de la mine. Il a rêvé de Torbern et

a cru aux racontars des mineurs. Il est mortdans un éboulement de la mine. Sa fiancéeUlla, désespérée par la mort d’Elis, devient folleà son tour— Le fantôme du vieux Torbern a conduit Elisjusqu’à Falun. Celui-ci tombe sous l’emprise duméchant Torbern. Il lui permet de découvrir deriches veines de minerai. Tout comme Torbernen son temps, Elis est victime d’un éboulement.Ulla revient tous les ans à la Saint-Jean carTorbern lui a promis qu’elle reverrait son fiancé,ce qui se produit cinquante ans plus tard

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■ Analyse du tableau

Les extraits proposés tournent autour des mêmes thèmes – lerêve, la folie, la passion peuvent être décrits comme des étatsseconds dans lesquels la confusion vient bouleverser l’ordre duréel. Le phénomène fantastique peut donc être interne aux per-sonnages. Mais des phénomènes extérieurs peuvent intervenir etfaire surgir l’irrationnel dans un monde présenté comme réel.Le lecteur peut formuler au moins deux hypothèses pour expli-quer le phénomène fantastique : une explication rationnelle etune explication irrationnelle. C’est dans cette hésitation entreplusieurs explications que naît le fantastique. Le Pied de momiedéroge à la règle car le lecteur n’a pas de piste pour fournir uneexplication rationnelle pertinente.

■ Définition

Le fantastique peut être considéré comme l’apparition, dansun univers présenté comme réaliste, d’un phénomène apparem-ment surnaturel. Le dénouement conduit le lecteur à hésiterentre plusieurs hypothèses : soit il s’agit d’une illusion des sens,soit l’événement a bel et bien eu lieu.

Séance no 9 : évaluation

■ Argumentation

Lisez cet article de Walter Scott :Le goût des Allemands pour le mystérieux leur a fait inventerun genre de composition qui peut-être ne pouvait exister quedans leur pays et leur langue. C’est celui qu’on pourrait appelerle genre FANTASTIQUE, ou l’imagination s’abandonne à toutel’irrégularité de ses caprices et à toutes les combinaisons desscènes les plus bizarres et les plus burlesques. Dans les autresfictions ou le merveilleux est admis, on suit une règle quel-conque : ici l’imagination ne s’arrête que lorsqu’elle est épui-sée. Ce genre est au roman plus régulier, sérieux ou comique,ce que la farce, ou plutôt les parades de la pantomime sont àla tragédie et à la comédie. Les transformations les plus impré-vues et les plus extravagantes ont lieu par les moyens les plus

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improbables. Rien ne tend à en modifier l’absurdité. Il faut quele lecteur se contente de regarder les tours d’escamotage del’auteur, comme il regarderait les sauts périlleux et les méta-morphoses d’Arlequin, sans y chercher aucun sens, ni d’autrebut que la surprise du moment. L’auteur qui est la tête de cettebranche de la littérature romantique est Ernest ThéodoreGuillaume Hoffmann 1.

1. Relevez le vocabulaire péjoratif dans l’extrait.2. A quel genre de littérature Walter Scott compare-t-il la litté-

rature fantastique ?3. Quelle est l’opinion de Walter Scott sur les œuvres d’Hoff-

mann ? Expliquez son point de vue.4. Sujet d’écriture : A votre tour, donnez votre avis sur la

littérature fantastique en employant un vocabulaire évaluatif(péjoratif et/ou mélioratif). Vous développerez trois argumentspour défendre votre opinion personnelle et illustrerez votre tra-vail par des exemples tirés des textes étudiés.

■ Etude d’un extrait des Mines de Falun

Support → Extrait des Mines de Falun. De « Il arriva qu’ElisFröbom travaillait une fois tout au fond de la mine »à « Allons, bois, mon brave garçon, cela te fera dubien », p. 66-68.

1. L’univers de la mine

Un certain nombre d’expressions se rapportent aux cinq sensdans l’extrait. Faites un tableau en plusieurs colonnes et relevezces expressions. Proposez ensuite une analyse rédigée du tableauou vous expliquerez dans quelle atmosphère cette scène sedéroule.

2. Le personnage de Torbern

1. En quoi le personnage de Torbern est-il merveilleux ?2. Relevez le vocabulaire péjoratif dans le discours de Torbern.3. De quoi Torbern menace-t-il Elis et pour quelles raisons est-

il menaçant ?4. Comment Elis réagit-il face à Torbern ?

1. In Contes fantastiques d’Hoffmann, trad. Loève-Veimars, GF-Flammarion, t. I,1979, « Sur Hoffmann et les compositions fantastiques ».

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3. Un récit fantastique

1. Donnez la définition d’un récit fantastique.2. Formulez une hypothèse rationnelle pour expliquer l’appari-

tion de Torbern. Justifiez votre réponse par une citation du texte.3. Formulez ensuite une explication irrationnelle. Justifiez

votre réponse par une citation.

IV. Orientations bibliographiques

Sur le fantastique

CASTEX, Pierre-Georges, Le Conte fantastique en France de Nodier àMaupassant, José Corti, 1951.

LE GUENNEC, Jean, Raison et déraison dans le récit fantastique auXIXe siècle, L’Harmattan, 2003.

MALRIEU, Joël, Le Fantastique, Hachette, 1992.POLLET, Jean-Luc, Introduction à la nouvelle fantastique allemande,

Nathan, 1997.STEINMETZ, Jean-Luc, La Littérature fantastique, PUF, 1990.TODOROV, Tzvetan, Introduction à la littérature fantastique, Seuil,

1970.VIEGNES, Michel, Le Fantastique, Flammarion, 2006.

Sur E.T.A. Hoffmann

PEJU, Pierre, L’Ombre de soi-même, E.T.A Hoffmann une biographie,Phébus, 1992.

SCHNEIDER, Marcel, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann – Biographie,Julliard, 1979.

TEICHMANN, Elizabeth, La Fortune d’Hoffmann en France, Droz,1971.

Agnès CHOPOT.