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128 BALZAC Le Colonel Chabert Présentation et dossier de Nadine Satiat n° 9782081224728 / 2,30 I. POURQUOI ÉTUDIER LE COLONEL CHABERT AU LYCÉE ? « Faire un roman nommé La Bataille », qui raconterait une grande bataille napoléonienne : tel était le projet de Balzac au début des années 1820. Celui-ci ne fut jamais mené à bien. Après que Balzac eut entrepris, dans plusieurs nouvelles, d’évoquer des épisodes mili- taires célèbres 1 , c’est sur Le Colonel Chabert que se reporta la part d’héroïsme et d’épopée qui devait constituer la trame du roman longtemps rêvé. Publié successivement sous quatre titres différents La Transaction, La Comtesse à deux maris, Le Comte Chabert, puis Le Colonel Chabert –, ce roman prit finalement place en 1844 dans La Comédie humaine. Centré sur le drame individuel d’un homme incar- nant une époque révolue, Le Colonel Chabert met en scène un ancien héros de l’Empire qui, tenu pour mort à la bataille d’Eylau, rentre chez lui après des années d’errance. Mais la gloire a passé, et celui qui revient d’entre les morts est mort aux yeux des vivants : sa femme, en se remariant, l’a dépossédé de sa fortune; sa maison est détruite, sa rue débaptisée, et le nom « Chabert », sous la Restauration, ne signifie plus rien – il est devenu, pour celui qui le porte, « désagréable » (p. 70). Aux glorieux combats d’antan se subs- titue alors une bataille d’ordre juridique, l’héroïsme se voyant rem- placé par l’art de la « transaction » (p. 77, 89, 104, 108, 121). Souvent étudié au lycée, Le Colonel Chabert, court roman ou longue nouvelle, est un texte sombre, moralement ambigu, qui condense de façon remarquable tout l’art romanesque balzacien. Nous avons choisi, dans cette fiche, de privilégier les objets d’étude préconisés pour les classes de seconde, tout en fournissant des pistes qui pourront éga- lement être exploitées dans le cadre d’une séquence adressée aux classes de première. 1. Adieu, récit publié en 1830, est par exemple consacré au passage de la Bérézina (voir l’extrait reproduit dans le dossier, p. 142-146).

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BALZAC

Le Colonel Chabert

Présentation et dossierde Nadine Satiat

n° 9782081224728 / 2,30 €

I. POURQUOI ÉTUDIERLE COLONEL CHABERT AU LYCÉE ?

« Faire un roman nommé La Bataille », qui raconterait une grandebataille napoléonienne : tel était le projet de Balzac au début des

années 1820. Celui-ci ne fut jamais mené à bien. Après que Balzaceut entrepris, dans plusieurs nouvelles, d’évoquer des épisodes mili-taires célèbres 1, c’est sur Le Colonel Chabert que se reporta la partd’héroïsme et d’épopée qui devait constituer la trame du romanlongtemps rêvé. Publié successivement sous quatre titres différents – La Transaction, La Comtesse à deux maris, Le Comte Chabert, puis LeColonel Chabert –, ce roman prit finalement place en 1844 dans LaComédie humaine. Centré sur le drame individuel d’un homme incar-nant une époque révolue, Le Colonel Chabert met en scène un ancienhéros de l’Empire qui, tenu pour mort à la bataille d’Eylau, rentrechez lui après des années d’errance. Mais la gloire a passé, et celuiqui revient d’entre les morts est mort aux yeux des vivants : safemme, en se remariant, l’a dépossédé de sa fortune ; sa maison estdétruite, sa rue débaptisée, et le nom « Chabert », sous laRestauration, ne signifie plus rien – il est devenu, pour celui qui leporte, « désagréable » (p. 70). Aux glorieux combats d’antan se subs-titue alors une bataille d’ordre juridique, l’héroïsme se voyant rem-placé par l’art de la « transaction » (p. 77, 89, 104, 108, 121). Souventétudié au lycée, Le Colonel Chabert, court roman ou longue nouvelle,est un texte sombre, moralement ambigu, qui condense de façonremarquable tout l’art romanesque balzacien. Nous avons choisi,dans cette fiche, de privilégier les objets d’étude préconisés pour lesclasses de seconde, tout en fournissant des pistes qui pourront éga-lement être exploitées dans le cadre d’une séquence adressée auxclasses de première.

1. Adieu, récit publié en 1830, est par exemple consacré au passage de la Bérézina (voirl’extrait reproduit dans le dossier, p. 142-146).

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L e C o l o n e l C h a b e r t

• En seconde

En classe de seconde, Le Colonel Chabert permet d’aborder l’ob-jet d’étude « Le récit : le roman, la nouvelle ». Dominé par la figurebalzacienne du narrateur, ce récit très riche permet d’initier lesélèves au fonctionnement et à la spécificité du genre narratif, enexaminant tour à tour les questions de la focalisation, de la struc-ture temporelle, des formes du discours, de la description et duportrait, et en leur fournissant des outils d’analyse dont ils se res-serviront par la suite. L’œuvre pourra en outre être lue à la lumièrede l’objet d’étude « Un mouvement littéraire et culturel du XIXe siècle : le réalisme», dont l’auteur de La Comédie humaine est l’undes principaux représentants. On mettra à profit l’Avant-propos deLa Comédie humaine et l’introduction de Félix Davin aux Études demœurs, dont le dossier de l’édition GF propose de larges extraits(voir la partie « Le roman et ses personnages selon Balzac », p. 133-139),pour montrer par quels procédés Balzac en vient à « faire concur-rence à l’état-civil ». Le système du retour des personnages et la « loi du contraste » (p. 135-136) – manifeste à travers l’oppositionde l’Empire et de la Restauration, du pauvre quartier Saint-Marceau et du riche faubourg Saint-Germain, du comte Ferraudet du colonel Chabert – sont autant d’éléments qui pourront iciêtre illustrés. L’étude du réalisme n’interdit pas pour autantd’aborder ponctuellement la question du rapport de Balzac auromantisme : si Balzac, au gré des réécritures du Colonel Chabert,a pris ses distances par rapport au romantisme de sa jeunesse (voirla présentation, p. 40), il n’en demeure pas moins que certains passages du roman portent les traces d’un romantisme noir, quipourra donner lieu à un travail sur les différents registres de l’œuvre et à des lectures complémentaires. Enfin, dans la mesureoù ce récit a été plusieurs fois réécrit par l’auteur qui l’a modifiéde manière significative au gré de ses rééditions, il pourra fairel’objet d’une fructueuse séance consacrée au « travail de l’écriture »,laquelle s’appuiera sur l’appareil critique de l’édition GF, quiindique les principales variantes du texte et consacre un dévelop-pement à cette question (présentation, p. 26-30).

• En première

Pour les classes de première, Le Colonel Chabert offre un éclai-rage tout aussi riche à l’objet d’étude « Le roman et ses person-nages : visions de l’homme et du monde ». La nostalgie napoléo-nienne de Chabert, la question de l’accession à la pairie du comteFerraud, le rôle central joué par l’avoué Derville sont autant de

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L e C o l o n e l C h a b e r t

1. Le Colonel Chabert, un film d’Yves Angelo, d’après une adaptation d’Yves Angelo et JeanCosmos. Scénario et dialogues : Jean Cosmos. Production : Jean-Louis Livi et BernardMarescot. Musique : Régis Pasquier. Photographie : Bernard Lutic. Montage : ThierryDerocles. Décors : Bernard Vézat (certaines scènes d’intérieur ont été tournées au châ-teau de Bizy à Vernon). Pays d’origine : France. Genre : drame. Durée : 110 minutes.Date de sortie en France : 21 septembre 1994.

signes d’une époque en mutation, que le récit, situé sous laRestauration, met en scène à travers ses principaux personnages.L’auteur invente avec Chabert l’un de ses personnages les plus sai-sissants, incarnant à lui seul une époque et une vision du monderévolues, mais aussi, avec l’avoué Derville, une image du roman-cier, fin connaisseur de l’âme humaine ; il propose en outre, avecla comtesse Ferraud, un sombre portrait de femme. De plus, leprojet balzacien de peinture sociale et morale de l’homme pourraêtre abordé, comme y invitent les Instructions officielles, à traversdes textes critiques produits par le romancier lui-même (voir ledossier, p. 133-139).

Si le programme de seconde invite à réfléchir, via l’objetd’étude « Le travail de l’écriture », aux différents aspects de la créa-tion littéraire, le programme de première propose, lui, d’étendre laréflexion aux différentes formes de « réécritures », et notammentaux questions que soulève l’adaptation cinématographique d’unroman : Le Colonel Chabert, plusieurs fois adapté au cinéma (en1943 par René Le Hénaff, avec Raimu dans le rôle de Chabert ;en 1994 par Yves Angelo, avec Gérard Depardieu), se révèle parti-culièrement propice à ce type d’étude. Nous avons donc entrepris,dans le cadre de cette séquence, de comparer ponctuellementl’œuvre de Balzac à son adaptation cinématographique par le réa-lisateur Yves Angelo, associé au scénariste Jean Cosmos – adapta-tion à laquelle Nadine Satiat consacre une partie de son dossier (« Le Colonel Chabert au cinéma », p. 170-189) 1. En cherchant às’émanciper de la question de la supériorité d’un genre sur l’autre,il apparaît en effet nécessaire, à l’heure ou de nombreux classiquessont adaptés pour la télévision et le cinéma, de montrer aux élèves,à travers la différence des genres, les points communs mais surtoutla singularité et la richesse de deux gestes esthétiques.

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Séance Supports Objectifs Activités

Séance 1

Intégralité de l’œuvre ;première de couverture del’édition GF, présentation(p. 7-16), dossier (p. 139-147) et chronologie (p. 191-198).

Replacer Le ColonelChabert dans son contextehistorique et dans l’œuvrebalzacienne ; en compren-dre la genèse ; étudier letravail de l’écriture.

Lecture de l’œuvre ; travail de recherche à partir de l’appareil critique ; lecture del’image.

Séance 2

– L’incipit du roman, dudébut à « Tous les clercspartirent d’un grand éclatde rire » (p. 45-48).– Séquence de l’étudeDerville dans le filmd’Yves Angelo.

Étude d’un incipit ; le réalisme balzacien et la notion de type ; le montage des discours.

– Lecture analytique.– Prolongement :

la réécriture cinématographique.

Séance 3

Intégralité de l’œuvre,film d’Yves Angelo.

Étude des spécificités du genre narratif (narration, focalisation) ;leur transposition possibleau cinéma.

Séance de synthèse.Prolongement : la réécriture (étude comparée de la structureet de la focalisation dansle roman de Balzac et lefilm d’Yves Angelo).

Séance 4

– « Le colonel Chabertétait aussi parfaitementimmobile » à « Par là s’estenfuie l’intelligence ! » (p. 60-62).– « Huit jours après lesdeux visites que Dervilleavait faites » à « le tableaupar la description duquelcette histoire a commencé »(p. 104-105).

L’art du portrait ; montrerles différents registres à l’œuvre dans le roman à travers deux portraits du même personnage.

Lecture analytique.

Séance 5

– De « Là, quand je menommai » à « nous avonstous froid maintenant » (p. 73-74).– Dossier (p. 139-169).

Étude d’un récitenchâssé ; retour sur le contexte historique, qui permet de mieux saisir la vision du mondevéhiculée par les personnages balzaciens.

Lecture analytique ;recherche documentairepouvant prendre la formed’exposés.

Séance 6

– De « Lorsque je revins àmoi » à « en contact avec laneige » (p. 66-67).– Représentations de labataille d’Eylau dans le filmd’Yves Angelo (séquences 8 et 34).– Tableaux : Antoine JeanGros, Napoléon visitant lechamp de bataille d’Eylau(dossier, p.165), et CharlesMeynier, Napoléon visitant le champ de bataille au lende-main de la bataille d’Eylau.

Étude de l’écriture réalistede Balzac ; comparaisondu roman avec le filmd’Yves Angelo, marquépar une esthétique métaphorique.

Questionnaire de lecture ;lecture de l’image.

Séance 7De « Ces pilastres soute-naient une poutre » à « spec-tacle ignoble » (p. 82-83).

Étude d’une descriptionréaliste ; mise en évidencede l’intertexte.

Lecture analytique.

Séance 8

De « Quelle destinée !s’écria Derville » à la findu roman (p. 128-130).

Enjeux de l’excipit. Lecture analytique ; débaten classe.

Séance 9Évaluation. Commentaire littéraire ;

dissertation ; écriture d’invention.

II. TABLEAU SYNOPTIQUE DE LA SÉQUENCE

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L e C o l o n e l C h a b e r t

III. DÉROULEMENT DE LA SÉQUENCE

SÉANCE 1INTRODUCTION ET MISE EN CONTEXTE

� Intégralité de l’œuvre ; première de couverture de l’éditionGF, présentation (p. 7-16), dossier (« Rêves de batailles », p. 139-147) et chronologie (p. 191-198).

Objectifs : Replacer Le Colonel Chabert dans son contexte histo-rique et dans l’œuvre balzacienne ; en comprendre lagenèse ; étudier le travail de l’écriture.

• Travail préparatoire

– Lecture de l’intégralité de l’œuvre.– Lecture de la présentation, p. 7-16, sur la vie de Balzac au

moment d’entreprendre la rédaction du roman, et de la chro-nologie, p. 191-198.

– Recherche dans l’appareil critique de l’édition GF des élé-ments permettant de comprendre le contexte d’écriture et depublication. Quels ont été les titres successifs du roman ? Surquelle dimension de l’œuvre chacun met-il l’accent ?

• Lecture de l’image : l’illustration de couverture

La couverture proposée par l’édition GF est volontairementatypique : quels personnages peut-on reconnaître ? Les person-nages, aisément identifiables, sont l’avoué Derville, la comtesseFerraud et le colonel Chabert. De quelle façon l’illustrateur hiérar-chise-t-il la position respective de ces trois personnages ? Chabert,qui donne son nom au roman, fera l’objet d’un questionnementparticulier : pourquoi le représenter couché ? en habit d’apparat ?sans tête ?

Suscitant la curiosité et permettant de mettre en place les pre-miers éléments de l’analyse, le détail de cette couverture chercheégalement l’incongruité : quel élément de la couverture est le plussurprenant ? À quel épisode se réfère-t-il ? Cet élément, c’est bienévidemment le singe domestique, qui occupe le centre de l’image,et évoque la scène p. 99-101. Quelle interprétation peut-on endéduire sur les rapports de la comtesse et du colonel ? Chabert,dont les clercs, dès l’ouverture du roman, mettent en question lestatut d’être humain (« Si c’est un homme, pourquoi l’appelez-

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vous vieux carrick ? », p. 46), est-il moins bien traité que le singe dela comtesse ?

• Quelques repères contextuels

À partir de l’étude de la couverture, qui met en scène notam-ment la comtesse Ferraud – cette « comtesse de l’Empire » devenue« comtesse de la Restauration » (p. 113) – et, à ses pieds, le soldatnapoléonien, débris de l’Empire, on fournira aux élèves quelquesjalons chronologiques indispensables pour la compréhension del’œuvre. Né en 1799 et mort en 1850, Balzac fut le contemporainde ces événements historiques.

• La genèse de l’œuvre et sa première version

Les premières pages du dossier de Nadine Satiat (p. 139-142)ainsi que la présentation (p. 15) permettent de donner aux élèvesun aperçu de la genèse du roman et de ses enjeux. Balzac, au débutdes années 1830, songe à écrire un texte intitulé La Bataille, qui

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L e C o l o n e l C h a b e r t

Repères historiques

1799-1804Le Consulat. Issu du coup d’État du 18 brumaire, il met un terme au Directoire. Napoléon Bonaparte, Premier consul, a le pouvoir.

1804-1814

L’Empire. Conquêtes militaires et grandes batailles napoléoniennes (Iéna, 1806, voir p. 128 ; Eylau, 1807,etc.). Napoléon est renversé par une coalition étrangère (« première abdication de Napoléon », p. 74).

1815

Les Cent-Jours. Retour de Napoléon de sa prison de l’îled’Elbe ; conquête du pays ; défaite à Waterloo (p. 75,98) ; occupation de Paris par les armées étrangères (cf. les « Cosaques », p. 75). Exil de l’Empereur à Sainte-Hélène (p. 124).

1815-1830

La Restauration. Retour au pouvoir de la branche aînéedes Bourbons, avec Louis XVIII (1815-1824) et Charles X (1824-1830). Après avoir connu « de nombreuses infortunes causées par les […] désastresde nos temps révolutionnaires » (p. 47), l’aristocratie parisienne, qui habite le « faubourg Saint-Germain » (p. 95), domine la société.

1830-1848

La monarchie de Juillet. Louis-Philippe d’Orléans, issude la branche cadette des Bourbons, est au pouvoir. Les royalistes se partagent entre « orléanistes » (fidèles à la branche cadette) et « légitimistes » (fidèles à labranche aînée). En 1840, les cendres de Napoléon sont transférées aux Invalides.

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serait le centre de la série consacrée au Scènes de la vie militaire – ilhésite longuement, cependant, sur la bataille napoléonienne qu’ilsouhaite traiter. Finalement, ces Scènes de la vie militaire auxquellesaurait pu appartenir Le Colonel Chabert sont délaissées au profitdes autres Études de mœurs, et la première version du ColonelChabert paraît en 1832 dans une revue d’inspiration romantique,L’Artiste, sous le titre La Transaction.

Dans La Transaction, qui comporte quatre chapitres (voir lesnotes de l’édition GF p. 45, 59, 79, 104, 125), c’est l’intrigue judi-ciaire, incarnée par le personnage de Derville, qui occupe le devantde la scène. Ce titre attire l’attention du lecteur sur les scènes oùl’avoué tente de convaincre ses deux clients, Chabert et la com-tesse, qu’il faudra transiger ; et dans cette version, c’est l’échec dela « transaction » qui entraîne la perte de Chabert. Autre spécificitéde cette première version, absente du roman final : le colonelréclame, comme une clause de la « transaction », le droit de passerdeux nuits par mois avec la comtesse, qui resterait le reste du tempsla femme du comte Ferraud (voir la présentation, p. 28).

De La Transaction à La Comtesse à deux maris

C’est en 1835, lors de la parution chez la veuve Béchet desÉtudes de mœurs, que Balzac reprend le texte de La Transaction,qu’il juge « détestable, manquant de goût, de vérité » (lettre à Mme Hanska, 30 mars 1835, citée p. 27) 1. Cette nouvelle versionporte le titre La Comtesse à deux maris, mettant l’accent sur le per-sonnage féminin, qui accède au rang de type (« à deux maris »)2.

– Cette fois, la transaction échoue non du fait de la clause dusexe, mais pour une question financière : la comtesse est désormaisdépeinte comme une femme intéressée, ancienne prostituée desurcroît (présentation, p. 28-29). L’importance de l’argent subsis-tera dans la version finale de l’œuvre : voir la « chaîne d’or », pré-sentée comme « le plus fort des liens » (p. 98) ; et la réplique de lacomtesse : « Mais c’est beaucoup trop cher » (p. 108) – alors que,dans la version initiale, elle répondait plutôt sur le ton de la déri-sion (« “Les revenants coûtent cher !” dit en riant la comtesse »).

– Autre évolutions notable : le texte, qui s’apparentait initiale-ment à une nouvelle centrée autour de l’anecdote de la transac-tion, prend véritablement les proportions d’un roman. Le contextehistorique et social est développé (ajout du passage p. 94, de

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1. Notons qu’en 1832 le roman a été publié dans un recueil collectif, Le Salmigondis, sous le titre Le Comte Chabert – mais Balzac n’a pas pris part à cette publication ni auchoix de ce nouveau titre. (Présentation, p. 24.)2. Balzac a peut-être suivi le conseil de Jules Janin ? (Présentation, p. 23.)

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« Maintenant, se dit Derville » à « génie de l’avoué »), et, en ajoutantl’épilogue donnant à voir Chabert à la fin de sa vie, Balzac étire letemps pour couvrir l’ensemble de la « destinée » (p. 128) de sonpersonnage.

– Enfin, des ajouts sont apportés par l’auteur en vue de créerdes passerelles avec les intrigues de ses autres œuvres, comme entémoigne l’allusion à Roguin, personnage d’Eugénie Grandet(p. 79-80). Balzac, qui vient en effet d’inventer le procédé deretour des personnages, fait d’ailleurs apparaître Derville dans LePère Goriot, ce qui l’autorise, dans l’édition Béchet du ColonelChabert, à présenter l’avoué comme un « célèbre légiste » (p. 59).

Le Colonel Chabert dans La Comédie humaine

En 1842, Balzac lance La Comédie humaine (choix du titre,rédaction de l’Avant-propos), qui paraîtra dans l’édition Furne. Àcette occasion, il retravaille l’ensemble de ses œuvres, et notam-ment La Comtesse à deux maris, réédité en 1844 dans le tome XIIde l’édition complète sous le titre Le Colonel Chabert. Ce change-ment de titre met l’accent sur l’identité du personnage principal,et non plus sur l’intrigue judiciaire ni sur la comtesse, commec’était le cas dans les précédentes versions. Parmi les autres chan-gements notables :

– Disparition de la division en chapitres : Le Colonel Chabertdevient ainsi un chapitre des Scènes de la vie parisienne, qui sontune partie de La Comédie humaine. L’ouvrage, dès 1845, seracependant déplacé dans les Scènes de la vie privée, et Balzac, dansla dernière édition Furne, corrigée de son vivant (1847), situe leroman entre Le Père Goriot et La Messe de l’athée.

– Inscription du roman dans le cycle romanesque : ajout dudéveloppement sur les différents procès en cours (p. 58), qui per-met de faire allusion à d’autres personnages de La Comédiehumaine : la vicomtesse de Grandlieu (Les Dangers de l’inconduite),Navarreins (La Duchesse de Langeais).

– Quelques modifications stylistiques, allant dans le sens d’uneffacement du narrateur : « cette scène représente un des mille plaisirsqui, plus tard, nous font dire en pensant à notre jeunesse » (éd. Béchet)devient « Cette scène représente un des mille plaisirs qui, plus tard,font dire en pensant à la jeunesse » (p. 59).

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SÉANCE 2ÉTUDE DE L’INCIPIT

� L’incipit du roman, du début à « Tous les clercs partirent d’un grand éclat de rire » (p. 45-48).

Objectifs : Lecture analytique : étude d’un incipit ; le réalisme balzacien et la notion de type ; le montage des dis-cours ; la réécriture cinématographique.

• Travail préparatoire

Lecture des extraits de l’introduction de Félix Davin aux Étudesde mœurs proposés dans le dossier (p. 133-138) et de l’Avant-propos de La Comédie humaine, nécessaire préalable à une étude destypes balzaciens : les avoués et les clercs de l’étude, ou encore le « saute-ruisseau » Simonnin.

• Un rythme enjoué

Le lecteur entre de plain-pied dans le monde de la « chicane »(p. 49), au milieu des rires et plaisanteries des avoués, par uneexclamation à laquelle il ne donne pas tout de suite sens : «Allons ! ».Le montage et la superposition des discours (en italique, lesphrases dictées par le clerc Godeschal ; en incise entre paren-thèses, ses commentaires) et le mélange des tons (registre élevé dutexte dicté ; parler populaire et régional des clercs : cf. « saquerlotte »,p. 49 et note 1) contribuent à donner à l’extrait sa cadence enle-vée. Ce tempo précipité, marqué par de nombreuses exclamations(voir aussi, un peu plus loin, la série de jurons, p. 55), est égale-ment rythmé par les effets comiques – jeux de langage (« les pointssur les i et sakerlotte avec un k »), marques de la bêtise de certainsclercs –, et par la gaieté facétieuse des personnages, manifeste àtravers le motif de la farce (« Quel tour pourrions-nous jouer […] ? » ;le lancer de boulette de pain). Ici, le plus remarquable est que« Tout march[e] à la fois, la requête, la causerie et la conspiration »(p. 48). Par ce montage romanesque efficace et vivant, Balzacouvre son roman sur un triple niveau de signification et de dis-cours : la dispute comique entre des clercs sert de toile de fond àl’entrée du personnage principal, tout en jouant aussi son rôled’exposition.

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• Le type du saute-ruisseau

Dans cette scène qui se déroule « rue Vivienne » (p. 46), à Paris,chez maître Derville, sous la Restauration, une véritable sociologieest esquissée en quelques lignes : les « néophytes » provinciauxcôtoient les clercs expérimentés, au sein d’un univers très hiérar-chisé. On sera sensible à la typologie des personnages : Simonninapparaît comme le type même du « saute-ruisseau », ainsi que lesuggère l’emploi du présent et de formules à caractère général (« Le saute-ruisseau est généralement », « Cet enfant est presquetoujours… », « presque tous les petits clercs », p. 46). Balzac,comme il l’écrit dans l’Avant-propos de La Comédie humaine,entend bien ici « faire concurrence à l’état civil ».

• Un personnage mystérieux et sans nom

Ce passage comprend une première description, lacunaire etdévalorisante, du colonel Chabert : « le vieux carrick » ; « uninconnu » ; « un pauvre » ; « ce chinois-là » ; « le vieux malfaiteur » (p. 45-48). Quelles conjectures peut-on faire, à partir de ces élé-ments, sur le personnage ? Il s’agit d’un homme qui s’est déplacépour résoudre une affaire importante, et qui est l’objet des raille-ries des clercs. Le roman fournit en quelques lignes toutes lesinformations nécessaires pour mettre en place l’intrigue, mais pré-serve cependant le mystère de l’identité du colonel, qui sera par lasuite mise en question (« le prétendu colonel », p. 59 et 71).

• Une réécriture : l’ouverture du film d’Yves Angelo

Le cinéma n’a pas recours aux mêmes effets d’exposition que leroman, puisque l’image offre plus d’information immédiate. Latoute première séquence du film d’Yves Angelo, celle du champ debataille, situe la scène au début du XIXe siècle (mention de labataille d’Eylau et de l’Empire) – une information qu’explicite laformule de Godeschal, reprise du roman : « Sa MajestéLouis XVIII, au moment où Elle reprit… » (p. 47). Les premièresimages de l’étude, quant à elles, sont éloquentes : l’endroit est gris,vieux et sale. Une comparaison avec le passage descriptif dans leroman témoigne de la fidélité au texte de Balzac (p. 49-51) :affiches, casier gigantesque, nourriture. Une réplique de Huré,absente du roman, vise à expliciter dans le film les éléments del’exposition : « Vous êtes ici dans l’étude de maître Derville. »

Au savant montage des discours qui caractérise le roman fontécho, dans le film, les montages sonore et visuel. Le montagesonore crée un effet de brouhaha – on distingue d’ailleurs des

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éléments de phrases qui ne sont pas dans le roman. Le montagede l’image est comparable : la caméra suit alternativement cha-cun des avoués, de façon à créer un effet de dynamisme (dépla-cement à droite, à gauche, recul). Dès les premiers plans, l’appa-rition successive des différents clercs – Godeschal, Desroches,Huré et Boucard – sert l’effet de confusion, renforcé par le mon-tage en plans alternés et l’utilisation de l’arrière-plan (lorsqueDesroches raccompagne un client, lorsque Simonnin verse del’encre). Mais ce montage confère aussi au début du film sonunité, finalement résumée dans le plan d’ensemble qui laisseapparaître le titre, Le Colonel Chabert.

Parmi les infidélités du film, on sera sensible au traitement despersonnages : peu de mystère et d’ambiguïté planent ici surl’identité et l’histoire de Chabert (dès la première séquence, onvoit Chabert dans la fosse commune à Eylau, alors que, dans leroman, cet épisode est relaté plus loin, p. 65 sq.). Le lexique aévolué (l’insulte « vieux carrick » est transformée en une allusion àl’« odeur de cocher »), et Simonnin, type du saute-ruisseau à quiBalzac consacre une description particulière, devient dans le filmun personnage beaucoup plus sage.

• Prolongement de lecture

Sur les études de notaire et le type du « saute-ruisseau » : Balzac,« Le notaire », brève physiologie parue dans le collectif Les Françaispeints par eux-mêmes (1839-1842).

SÉANCE 3CARACTÉRISTIQUES DU GENRE NARRATIF

� Intégralité de l’œuvre.

Objectifs : Étude des spécificités du genre narratif (narration,focalisation) ; leur transposition possible au cinéma.

• Travail préparatoire

Proposez un découpage du texte en parties principales. Vousargumenterez ce découpage en vous fondant sur la matière narra-tive, la temporalité du récit, la logique des points de vue.

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• Tableau : la structure du Colonel ChabertCe tableau permet d’exposer les principales caractéristiques

narratives du texte. Les élèves pourront, en groupes, proposer uncompte rendu de chacune des parties en évoquant, exemples àl’appui, ses principales spécificités.

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Pages Chronologie RésuméFocalisation principale

Procédé narratif

Du début à « C’était le bontemps ! » (p. 45-59).

Durant la matinée.

Plaisanteries potachesentre les clercs del’étude Derville.Arrivée de Chabertqui veut voir Derville,« pour la cinquièmefois » (p. 52).

Focalisationexterne : l’inté-rieur de l’étude.Focalisationinterne : les clercss’interrogent surl’identité deChabert.

Dialogue.Récit rétrospectif(« c’était le bontemps », p. 59).

De « Vers une heure du matin » à « fumer des cigares, se dit-il » (p. 59-79).

Le lendemain,vers une heuredu matin.

Chabert rencontreDerville de nuit. Il luifait le récit de sonaventure : il est lecolonel mort à labataille d’Eylau et ilrevient pour réclamerson nom, son rang etsa fortune.

Focalisationexterne : l’inté-rieur de l’étude(point de vue deDerville ou de Boucard).

Focalisationinterne : le récit de Chabert.

Portrait.Dialogue.Narration rétrospective de Chabert.

De « Environtrois mois après »à « en plaidantaussi bien le Pour que le Contre » (p. 79-81).

Environ troismois plus tard.

Derville reçoit lespièces attestant labonne foi de Chabert.Il questionne Crottatsur l’affaire de la suc-cession Ferraud.

Focalisationinterne : Derville.

Dialogue.

De « Le comteChabert, dontl’adresse » à « qu’y avait jetéel’espérance » (p. 81-85).

Récit de la visite de Derville chezVergniaud, où habiteChabert

Focalisationexterne.

Simultanéité.Pause descriptive.

De « La fuméede la pipe » à « sembla s’épanouir » (p. 85-94).

Dialogue de Dervilleavec Chabert, puis de Derville avecVergniaud.

Focalisationexterne.

Dialogue.

De« Maintenant,se dit Derville »à « en montantle perron » (p. 94-99).

Réflexion de Dervillesur la comtesseFerraud.

Focalisationinterne (Derville).

Simultanéité.

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Pages Chronologie RésuméFocalisation principale

Procédé narratif

De « Dervilleavait, sans lesavoir » à « ditDerville ensaluant la comtesse » (p. 99-104).

Dialogue de Dervilleet de la comtesseFerraud.

Focalisationexterne.

Simultanéité.Dialogue.

« Huit joursaprès les deuxvisites » à « àGroslay dit-elle »(p. 104-110).

Huit joursaprès les deuxvisites.

Entrevue de la com-tesse, de Chabert et de Derville.

Focalisationexterne.

Simultanéité.Dialogue.

De « Les chevaux partirent » à « que le coloneleut honted’avoir conçus »(p. 110-114).

Entretien entre lacomtesse et Chabertsur la route de Groslay.

Focalisationexterne.

Sommaire.Dialogue.

De « Pendanttrois jours, lacomtesse » à « venait laretrouver » (p. 114 -115).

Trois joursaprès

Trois jours de bonheurpour Chabert.La comtesse écrit unelettre à Delbecq.

Focalisationexterne.

SommaireDialogue.

De « Hélas ! dit-elle à hautevoix » à « Je nele dois pas » (p. 115-118).

Soir du troisième jour à Groslay.

Dialogue entre la comtesse et Chabert.

Focalisationexterne.

Dialogue.

De « Delbecqétait arrivédepuisquelques jours »à « ce loyal soldat » (p. 118-121).

Quelques joursaprès l’arrivéede Delbecq.

Le complot de la com-tesse et de Delbecqéchoue.Chabert, méprisant safemme, se retire.

Focalisationexterne.Focalisationinterne (Chabert).

Sommaire.Scène.Ellipse.

De « Chabertdisparut eneffet » à « l’avoué du comteChabert » (p. 121-125).

« six mois aprèscet événement »(p. 121).

« Quelquetemps après laréception decette lettre » (p. 122).

Derville réclame lessommes que lui doitChabert et se voitrépondre par Delbecqque ce dernier était unimposteur.Condamnation deChabert.Écriture du billlet parlequel il demande à lacomtesse Ferraudremboursement dessommes engagées.

Focalisationexterne.

Focalisationinterne (Derville).

Sommaire.

Description.Sommaire.Ellipse.

De « En 1840 ,vers la fin dumois de juin » à la fin (p. 125-130).

« En 1840 , vers la fin dumois de juin »(p. 125).

Derville et Godeschalretrouvent le « numéro 164, septième salle » (p. 127).

Focalisationinterne (Derville).

Dialogue.

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• Temps du récit, temps de la narration

Le roman de Balzac se divise en cinq parties séparées par desellipses temporelles ou des récits rétrospectifs qui permettentd’isoler chaque épisode de manière claire. Le dernier passage, quise déroule à plusieurs années de distance de l’action principale,fonctionne sur le modèle de l’épilogue.

Les élèves pourront travailler sur les différentes formes tempo-relles du récit balzacien :

– les sommaires, comme le voyage en voiture à Groslay(p. 110-113), les trois jours de bonheur que Chabert passe encompagnie de la comtesse (p. 114), ou encore la tentative decontrat scélérat dont Chabert manque d’être la victime ;

– les scènes simultanées, c’est-à-dire où la narration court aumême rythme que le récit : dans les dialogues, mais aussi dansd’autres passages – par exemple, lorsque Derville, le temps du tra-jet qui le conduit de chez Vergniaud à son étude, réfléchit au casde la comtesse Ferraud (p. 94-100) ;

– les descriptions et pauses narratives : la description del’étude Derville (p. 49-51) ou de chez Vergniaud (p. 81-85) consti-tuent des pauses dans le récit ; elles sont chargées de donner aumonde romanesque sa profondeur et sa signification ;

– les ellipses : de nombreuses ellipses sont repérables, quiconcernent surtout Chabert (voir notamment sa « disparition », p. 121) – une façon de montrer l’impossibilité pour le personnaged’accéder à l’existence, y compris romanesque ?

• Focalisation

Plutôt objective et externe au début (rencontre de Chabert etDerville), la focalisation pénètre ensuite les personnages pourlivrer leurs pensées (retour de Derville chez la comtesse). Danssa présentation (p. 29), Nadine Satiat explique à quelle refontes’est livré Balzac en matière de points de vue lorsqu’il a reprisl’écriture de ce qui n’était encore que La Transaction.

• Du roman au film…

Temporalité du filmLe cinéma ne dispose pas des mêmes moyens que la littérature

pour exprimer l’écoulement du temps (voir à ce sujet, dans le dos-sier de l’édition GF, l’entretien avec le réalisateur Yves Angelo etJean Cosmos, p. 175). On s’interrogera donc sur ce qui, dans lefilm, structure la narration.

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Le film modifie l’équilibre général du roman en étoffant laseconde partie, celle qui se déroule à Groslay. Tandis que laseconde moitié du roman fait une large utilisation des ellipses, YvesAngelo donne à l’épisode de Groslay une ampleur nouvelle, à tra-vers l’affrontement de la vertu et de l’intérêt. Parmi les passagesréinventés : le dîner, la promenade de Chabert qui découvre lesœufs du héron – évocation symbolique annonçant la rencontreavec les enfants, qui a lieu juste après.

En s’aidant du tableau ci-dessus, et en rapprochant cettequestion du projet d’Yves Angelo (faire un récit « métaphorique » :voir dossier, p. 177), on montrera comment le réalisateur substi-tue à l’architecture chronologique de la narration balzacienneune progression dans l’intimité morale du personnage deChabert, qui tend à approcher de plus en plus le mystère de lamort – en témoigne la voix off dans la dernière scène du film : « Mais je sais quoi dire sur la mort : la mort, c’est rouge et puisc’est bleu, et puis c’est froid, et par-dessus tout, ça devient unsilence. La mort, c’est un silence de mort. »

Effets de focalisationDans le film, c’est l’utilisation de la caméra qui permet de

créer des effets de focalisation. Un plan filmé depuis l’endroit oùse trouve l’un des personnages permet souvent d’introduire unpoint de vue subjectif. Lorsque le jeune Simonnin ouvre la portede l’étude, par exemple, le plan en contre-plongée est certes jus-tifié par la petite taille du personnage, mais il présente en mêmetemps un intérêt cinématographique : il met l’accent sur le colo-nel Chabert, qui apparaît ici pour la première fois. Les élèvesseront conduits à réfléchir sur la façon dont est traité le portraitcinématographique, de nature synoptique bien plus qu’analy-tique, à la différence du portrait romanesque. Autre procédé defocalisation auquel le film a plusieurs fois recours : l’effet de zoomsur le visage d’un personnage, immédiatement suivi par un plannon raccordé au précédent. C’est ainsi que sont introduites lesanalepses du film (ou flashbacks), lorsque Chabert se souvient deson passé.

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SÉANCE 4PORTRAITS DU COLONEL CHABERT

� Portrait n° 1 : de « Le colonel Chabert était aussi parfaite-ment immobile » à « Par là s’est enfuie l’intelligence ! » (p. 60-62).

� Portrait n° 2 : de « Huit jours après les deux visites queDerville avait faites » à « le tableau par la description duquelcette histoire a commencé » (p. 104-105).

Objectifs : Lecture analytique : l’art du portrait ; montrer les dif-férents registres à l’œuvre dans le roman à travers deuxportraits du même personnage.

• Travail préparatoire

Quelles différences relevez-vous entre les deux portraits ?Qu’ont-ils en commun ?

• Portrait physique, portrait moral

Le portrait n° 1 intervient dans le récit à travers le point de vuede Derville (« Le jeune avoué demeura pendant un moment stupé-fait en entrevoyant […] le singulier client qui l’attendait », p. 60). Ildonne à voir un personnage tout d’abord caractérisé par sa vieil-lesse (« vieux soldat », « sec et maigre », « vieille tête », « rides blanches ») : Chabert apparaît, dans l’ensemble du roman, commeun « débris » de l’Empire (p. 105), l’incarnation d’une époque révo-lue. Cette description dévoile aussi la misère économique (« haillon »)et morale du personnage (« triste », « douleur profonde »), et metl’accent sur la déchéance de l’homme (« défiguré »). Surtout, le por-trait est placé sous le signe du mystère : les verbes « paraissaient », « sembler », les expressions « effet bizarre », « je ne sais quoi de funeste »(p. 61) suggèrent qu’il s’agit là d’un personnage énigmatique, àdécoder, comme peuvent le faire des hommes qui connaissent lanature humaine : « un médecin, un auteur, un magistrat », ou encore« un observateur ». Le romancier, par les quelques traits physiquesesquissés, suggère que « tout un drame » s’est joué.

• Un mort-vivant

Le champ lexical de la mort domine la description physique dupersonnage (« le visage pâle et livide, et en lame de couteau, sem-

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blait mort », regard « transparent », « physionomie cadavéreuse »)comme sa description vestimentaire (noirceur du chapeau p. 61 ;voir aussi p. 60 : « le cou était serré par une mauvaise cravate », quiévoque la cravate avec laquelle se pend Lucien de Rubempré dansSplendeurs et misères des courtisanes) ou encore l’évocation de sa ges-tuelle (« immobile », identification de Chabert à une « figure de cire »de Curtius ; « absence de tout mouvement dans le corps », p. 61).Plus loin, le narrateur parle de Chabert comme du « défunt », enune formule oxymorique qui présente le personnage comme unmort-vivant (p. 63 : « dit le défunt »), et Chabert lui-même évoquesa « face de requiem » (p. 72) – précision d’ailleurs conservée dansle film.

• Un portrait fantastique

Ce portrait décrit une apparition à mi-chemin entre le person-nage de roman et la vision hallucinée. Personnage énigmatiquerecelant « quelque chose de mystérieux », Chabert apparaît à demifou (« démence », « idiotisme », « par là s’est enfuie l’intelligence »).Son portrait, parsemé de références artistiques, fait de lui une véri-table œuvre d’art fantastique : il est un « spectacle surnaturel »,autrement dit un tableau, un « portrait de Rembrandt, sans cadre »(le topos fantastique du personnage sorti de son cadre apparaît àplusieurs reprises dans La Comédie humaine, notamment dans LeChef-d’œuvre inconnu, où Rembrandt est également évoqué) ; il res-semble à « un beau marbre », ou encore aux « fantaisies que lespeintres s’amusent à dessiner […] au bas de leurs pierres lithogra-phiques ». La description, placée sous le signe du jeu d’ombres etde lumières et du « clair-obscur », confine à l’hypotypose : elle sefait tableau de Rembrandt (voir la comparaison des yeux à « de lanacre sale dont les reflets bleuâtres chatoyaient à la lueur des bougies », p. 60). La scène finale où Chabert dévoile son « crânefendu » par une ignoble « cicatrice transversale » marque quant àelle une inflexion de registre : la description verse du fantastique àl’horreur et à l’épouvante (« épouvantable »).

• D’un tableau à l’autre

Dans le second portrait, celui qui n’était au début du romanqu’une apparition fantasmatique a désormais pris corps. Chabert,qui a « rajeuni », ne se situe plus dans l’obscurité de l’étude, maisen pleine lumière, et il est désormais revêtu de tous les attributs dupersonnage de roman : il porte un habit, une perruque qui cettefois « tient à sa tête » ; il se déplace en « cabriolet » et semble avoir

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retrouvé un rang social – il est même appelé dans ce passage « lecomte ». Sa physionomie n’est plus énigmatique. Pourtant, il resteun personnage de tableau : il « emprunt[e] à la peinture une de sesexpressions les plus pittoresques ». Le portrait sur fond noir à laRembrandt cède ici la place aux soldats mis en scène par les pein-tres des batailles napoléoniennes : « Ces vieux soldats sont toutensemble des tableaux et des livres » (p. 105 ; voir aussi lesséances 5 et 6). Il est une légende vivante, un personnage« héroïque » et épique – le reste, en somme, d’une geste disparue.

SÉANCE 5DE L’EMPIRE À LA RESTAURATION

� De « Là, quand je me nommai » à « nous avons tous froidmaintenant » (p. 73-74).

� Dossier de l’édition GF (p. 139-169).

Objectifs : Lecture analytique : étude d’un récit enchâssé ; retoursur le contexte historique, qui permet de mieux saisirla vision du monde véhiculée par les personnages balzaciens.

• Travail préparatoire

Travail de recherche sur la légende et les conquêtes napoléo-niennes : quels artistes – peintres, poètes, romanciers – ont misen scène les grandes batailles de Napoléon ? Pour entreprendreces recherches, les élèves s’appuieront sur les différentes pistesfournies dans le dossier de l’édition GF :

– Balzac, Adieu, p. 142-146 (la bataille de la Bérézina).– Stendhal, La Chartreuse de Parme, p. 148-156 (Fabrice à la

bataille de Waterloo).– Victor Hugo, La Légende des siècles (« Le cimetière d’Eylau »),

p. 157-164.– Tableaux : Jean Charles Langlois, Le Passage de la Bérézina,

p. 147, et Antoine Jean Gros, Napoléon visitant le champ de batailled’Eylau, p. 165.

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• Chabert narrateur

Cet extrait prend place dans le long passage où Chabert relateson histoire à Derville, dans l’espoir de remédier, par le recours àla justice, à sa situation : il espère résoudre son contentieux avec lacomtesse Ferraud, et, plus généralement, recouvrer son identité – à commencer par son nom, que les autres personnages, tout aulong du récit, lui refusent (il est « le faux colonel Chabert », p. 122)ou ne lui concèdent que par hypothèse (« Si c’eût été le colonelChabert », p. 57 ; « Si vous êtes le colonel Chabert », p. 71 et 78). Le passage qui nous intéresse est extrait de cette narration ausecond degré : Chabert y raconte ses retrouvailles avec Boutin, uncamarade de la Grande Armée. Ici, l’histoire individuelle passe ausecond plan, au profit de l’histoire napoléonienne et de l’épopée dedeux soldats.

• Une scène de genre

La scène de reconnaissance qui survient entre les deux ancienscombattants a tout d’une scène de genre pittoresque. L’endroit oùelle a lieu, le « cabaret », en est un premier signe. Les retrouvaillesse déroulent en plusieurs étapes prévisibles : méconnaissance,preuve, reconnaissance. L’anecdote de campagne est évoquée surle mode de la prétérition (« Je ne vous dirai pas comment… »), etChabert semble esquisser les traits d’une sombre histoire de jalou-sie amoureuse à Ravenne, en Italie, conforme aux clichés du genrede l’anecdote troupière (« des détails qui ne pouvaient être connusque de nous seuls », p. 73). Cliché, aussi, la réputation des « cava-liers », hommes aventureux, « ingambes », agiles, et amateurs defemmes.

• L’épopée napoléonienne : élégie pour une époque révolue

Chabert et Boutin, qui se sont mutuellement sauvé la vie, sontunis par des valeurs militaires, mises en valeur par des superlatifs :l’amitié, la loyauté, l’honneur. Le colonel, dont on apprend iciqu’il est un enfant trouvé (« un enfant d’hôpital »), et pour quiNapoléon est un père (« J’avais un père, l’Empereur »), se fait leporte-parole des valeurs bonapartistes, patriotiques et guerrières,dans un passage marqué par son éloquence : « je suis […] un sol-dat qui pour patrimoine avait son courage, pour famille tout lemonde, pour patrie la France » (anaphore de « pour », balancementbinaire, appositions).

Les retrouvailles de Chabert et de Boutin sont un moyen defaire revivre le souvenir glorieux de leurs aventures, qui se mani-

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feste par l’usage des hyperboles (« mille interrogations » ; « extraor-dinaires »), des superlatifs (« le plus lestement ») et des adverbes (« victorieusement »). La Grande Armée lancée à la conquête dumonde trouve un sommaire de ses prouesses dans la longue énu-mération des pays parcourus par les deux hommes (« À nous deux,nous avions vu l’Égypte, la Syrie, l’Espagne, la Russie… », p. 74).L’époque napoléonienne, marquée par son exotisme – Boutin vitgrâce à deux ours blancs qu’il a ramenés de voyage –, est d’abordperçue comme un événement universel. L’emploi du passé, cepen-dant, suggère que ce temps est révolu, et le récit est marqué parl’expression de la souffrance et du deuil : en témoignent les excla-mations, les interjections, le vocable employé (« vifs chagrins » ; « leplus de mal »).

• Les débris de l’Histoire

D’autres indices suggèrent que l’Empire n’est plus, à commen-cer par la métaphore du « soleil » – allusion au soleil d’Austerlitz –,qui désormais s’est « couché ». La dernière phrase de l’extrait (« Nous avons tous froid maintenant »), qui suggère qu’une desti-née nationale accompagnait l’Empereur, file cette métaphore.Ailleurs dans le roman, on retrouve l’antithèse du soleil et de laglace, image de la gloire impériale qui a sombré dans la retraiteglacée de Russie (voir la comparaison p. 105 : « comme un éclat deglace illuminé par le soleil »).

Ce récit est du même coup sous-tendu par le thème de la trans-formation. Sous l’Empire et aux yeux de Napoléon, Chabert avaitun nom – nom que la Restauration a effacé des mémoires (« S’ilétait debout […], et qu’il vît son Chabert, comme il me nommait,dans l’état où je suis, il se mettrait en colère »). Le passage dutemps, les événements de l’Histoire ont rendu Chabert « mécon-naissable » (p. 73 ; voir aussi p. 109) et l’ont transformé en « men-diant ». Son visage, dont la description est marquée par la triplenégation coordonnée (« ni cheveux, ni dents, ni sourcils ») et par leterme « Albinos » (qui suggère la privation de couleur), trahit sasouffrance. Celle-ci trouve un écho en celle de Boutin, dont le rireest comme un « mortier qui crève ». Le colonel Chabert et Boutinlui-même, qui périra à Waterloo (p. 75), sont qualifiés de « débriscurieux ». Leurs péripéties, quoique différentes, ne sont pas si éloi-gnées (« Il me raconta ses aventures, elles n’étaient pas moinsextraordinaires que les miennes », p. 74) : Chabert a voyagé parmiles morts, Boutin dans des contrées lointaines, notamment laChine (voir aussi p. 47 où Chabert est traité de « chinois »).

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SÉANCE 6CHABERT ET LA BATAILLE D’EYLAU

� De « Lorsque je revins à moi » à « en contact avec la neige »(p. 66-67).

� Représentations de la bataille d’Eylau dans le film Le Colonel Chabert d’Yves Angelo (séquences 8 et 34).

� Tableaux : Antoine Jean Gros, Napoléon visitant le champ debataille d’Eylau (p. 165), et Charles Meynier, Napoléon visi-tant le champ de bataille au lendemain de la bataille d’Eylau.

Objectifs : Étude de l’écriture réaliste de Balzac ; comparaison duroman avec le film d’Yves Angelo, marqué par uneesthétique métaphorique (voir l’entretien d’YvesAngelo reproduit dans le dossier, p. 170) ; lecture del’image.

• Travail préparatoire

1. Les élèves utiliseront leur manuel d’histoire et les notes del’édition GF (notamment note 1, p. 63) pour réunir les infor-mations suivantes sur la bataille d’Eylau :

– Quelle est la date de la bataille d’Eylau ?– Où se trouve cette ville ?– Quelles armées s’y sont affrontées ? dans quel contexte ?– Qui fut le vainqueur ?

2. Selon Balzac, quel rôle a joué le colonel Chabert dans labataille d’Eylau ? (Voir p. 63.)

3. Les élèves observeront le tableau Napoléon visitant le champ debataille d’Eylau d’Antoine Jean Gros (dossier, p. 165), et effec-tueront des recherches en vue de répondre aux questions sui-vantes :

–Qui était Antoine Jean Gros ? Dans quelle circonstances a-t-ilpeint cette toile ?

–Décrivez les différents groupes de personnages ; commentsont-ils disposés sur la toile ?

– Que se passe-t-il au premier plan de l’œuvre ?–Quelle place occupe l’Empereur ? Que peut-on en conclure ?

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• Questionnaire de lecture

1. Montrez que la description de Chabert vise à montrersans fard l’horreur de sa situation. Y parvient-il pourautant ? Qu’est-ce qui s’y oppose ?

C’est à travers l’utilisation d’un lexique très imagé que toutel’horreur de la situation de Chabert transparaît (« fumier humain »,« couverture de chair ») : le réalisme est donc ici le fruit d’une créa-tion du langage. Pourtant, l’expérience du soldat de Napoléondépasse l’entendement comme l’expression, et la descriptionéchoue à témoigner exactement de cette expérience (« une atmo-sphère dont je ne vous donnerais pas une idée en vous entretenantjusqu’à demain » ; « douleur inexprimable », p. 66) Entre réalisme etindescriptible, ce passage tire son expressivité des limites de l’ex-pression.

2. En quoi ce passage donne-t-il à voir une renaissance ?

Chabert renaît d’entre les morts (présentation, p. 31-33). Lesnégations du début du texte (« Je […] ne trouvai point », « je ne visrien », « l’air ne se renouvelait point ») suggèrent qu’il est toutd’abord, dans la fosse commune, privé d’existence, réduit à néant.Son retour à la vie se fait par étapes : d’abord, il croit entendre « des gémissements », ceux des morts ; puis il se saisit du bras d’uncadavre (« Un bon os ») pour se frayer un chemin, à travers lescorps, hors de la terre. Enfin, c’est couvert de « sang », à l’imaged’un nouveau-né, qu’il « voit le jour ». Mais Chabert fait égalementl’expérience, à travers sa pseudo-mort, de quelque chose d’indici-ble : « le vrai silence » de la mort : sa renaissance est aussi une révé-lation sur la mort.

• Le film : scènes de la bataille d’Eylau

Si le passage précis où Chabert parvient à s’extraire de la fossecommune est absent du film alors même qu’il constitue l’une desscènes les plus réalistes et les plus marquantes du roman, labataille d’Eylau, en revanche, est dépeinte dans les premiers plansdu film ainsi qu’à intervalles réguliers (séquences 8, 10, 20 et 34) :on projettera en classe les séquences 8 (récit de Chabert relatantla charge d’Eylau et la renaissance) et 34 (évocation du champ debataille couvert de morts), après avoir soumis aux élèves la ques-tion suivante : en quel sens peut-on dire qu’Yves Angelo, dans samanière de représenter les scènes de bataille, cherche à s’éloignerdu réalisme ?

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Pour répondre à cette question, les élèves devront être attentifsà la bande-son, aux mouvements de caméra et au traitement del’image. Les effets de fondu enchaîné dans la dernière séquence(voir l’entretien avec Yves Angelo et Jean Cosmos dans le dossier,p. 170), l’utilisation des silences et de la musique, le recours à desfiltres à dominante bleue – à rapprocher de la réplique finale, envoix off, « la mort, c’est rouge, et puis c’est bleu » –, participent d’untraitement sur le mode métaphorique, conformément à ce que pré-cise dans son entretien le réalisateur, qui entend donner ici « unemétaphore et non pas […] une histoire réaliste » (dossier, p. 177).

• Lectures de l’image

Antoine Jean Gros, Napoléon visitant le champ de bataille d’Eylau

Les scènes de bataille, dans le film, ne sont pas sans évoquer lapeinture militaire du début du XIXe siècle, et notamment la toiled’Antoine Jean Gros reproduite p. 165 de l’édition GF, qui pourradonner lieu à un travail intéressant sur la représentation de laguerre et de la mort dans la peinture d’histoire (voir aussi lanote 1, p. 39). On s’interrogera sur les enjeux de la représentationde la bataille, de la glorification impériale à l’expression brutale dela mort.

Aussitôt après la bataille d’Eylau, l’empereur Napoléon orga-nise un concours de peinture destiné à sublimer dans les espritscette victoire coûteuse en hommes pour l’Empire. À partir d’unedescription de Vivant Denon, alors directeur du musée du Louvre,Antoine Jean Gros réalise un tableau aux proportions gigan-tesques, aujourd’hui exposé au Louvre. La dimension patriotique,voire de propagande, est manifeste dans cette œuvre, fruit d’unecommande officielle : au centre, Napoléon, dont la silhouetteévoque la stabilité et la force, semble indifférent aux mouvementsconfus qui l’entourent et à la bataille qui semble se poursuivreautour de lui. Un officier lituanien prisonnier, à genou, remerciel’Empereur pour sa bienveillance envers l’ennemi, laissé sauf. Legroupe de gauche est entièrement tourné vers Napoléon. À droiteet au premier plan, les cadavres amoncelés frappent par leur réa-lisme et la crudité de leurs détails (rictus) : cette toile, annonçantLe Radeau de la Méduse de Géricault, incarne un tournant dans lareprésentation de la guerre et de la mort, celle-ci ayant désormaisperdu son aura sacrée.

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Napoléon visitant le champ de bataille au lendemain de la bataille d’Eylau, le 9 février 1807

par Charles Meynier (1768-1832)© RMN / Gérard Blot / Jean Schormans

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Charles Meynier, Napoléon visitant le champ de batailleau lendemain de la bataille d’Eylau

Ce tableau, qui représente la même scène que celui d’AntoineJean Gros et fut composé dans les mêmes circonstances suite à unecommande de l’Empereur, obéit cependant à un traitement trèsdifférent. De petite taille et presque monochrome, il se compose dedifférents groupes, agencés autour de Napoléon qui se distingue aucentre, sur son cheval blanc, et qui est entouré de ses officiers.Détaché au premier plan, un amas de cadavres : ces corps dénudéstraités de manière très classique, tout en contribuant à instaurerune atmosphère tragique, déréalisent la scène – est-il vraisemblablequ’ils ne présentent aucune blessure visible ? À la différence dutableau de Gros, cette composition académique offre de la guerreune image conventionnelle, sans mettre l’accent sur son horreur.

• Lecture complémentaire

Le thème du personnage enterré vivant apparaît dans plusieursœuvres de la littérature du XIXe siècle, du Chat noir d’Edgar AllanPoe aux Misérables de Victor Hugo (VIII, 6 : «Entre quatre planches »).En complément de cette séance, on pourra s’attacher plus particu-lièrement à la lecture de La Mort d’Olivier Bécaille : Zola, sans per-dre de vue sa posture naturaliste, joue dans cette nouvelle des ressorts traditionnels du fantastique (Contes et nouvelles de Zola 2,GF-Flammarion, 2008, p. 77-113 ; voir la fiche pédagogique dispo-nible sur le site Enseignants des Éditions Flammarion, séance 5).

SÉANCE 7UNE DESCRIPTION : CHEZ VERGNIAUD

� De « Ces pilastres soutenaient une poutre » à « spectacleignoble » (p. 82-83).

Objectifs : Lecture analytique : étude d’une description réaliste ;mise en évidence de l’intertexte.

Questionnaire de lecture

1. Relevez tous les mots qui servent à désigner l’habitation ;commentez leur ordre d’apparition et l’effet ainsi produit.

Le lexique servant à désigner l’habitation exprime l’idée d’unbâtiment de plus en plus frêle et mal construit : « maison », «masure »,

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« chétive habitation », « cabane », « chétif logis ». À l’image de la mai-son, la description, par l’emploi de ces différentes expressions, esten outre marquée par un effet de disparate.

2. Quelle est la fonction de la pancarte située à l’entrée ?

Dans Le Père Goriot, la pension Vauquer est annoncée par unécriteau indiquant « MAISON VAUQUER, et dessous : Pension bour-geoise des deux sexes et autres 1 ». De même, la pancarte « VERGNIAUD,NOURICEURE » indique ici l’entrée de la masure. Dans les deuxromans, l’écriteau désigne la fonction du bâtiment. Balzac, enreproduisant la faute d’orthographe qui est censée figurer sur lapancarte (« nouriceure » au lieu de « nourrisseur »), vise en outre uneffet de réel : l’écriture feint de restituer la réalité fidèlement ; et lafaute suggère l’ignorance de Vergniaud, l’« égyptien » (p. 86) dont lesenfants sont éduqués par Chabert (p. 93). De plus, on remarqueque les dessins sur la pancarte font de celle-ci une réplique minia-ture de l’endroit (« À droite […] se voyaient des œufs », « à gaucheune vache »…).

3. Par qui cette cour est-elle habitée ? Comment Balzacinsiste-t-il sur la misère du lieu ?

La cour et la maison de Vergniaud sont peuplées d’animaux (« lapins », « vacherie », « basse-cour », « cochons »…). Or ces ani-maux semblent envahir de leur présence le territoire habituelle-ment réservé à l’homme : « une chèvre » broute la mousse sur « lemur de la maison » ; le chat lèche les pots à crème… Le bâtimentoù vit Chabert est investi par les bêtes. On rappellera en passantque les types balzaciens se définissent souvent par rapport à desmétaphores animales – Chabert, dans le roman, est par exemplequalifié de « vieux cheval » (p. 119).

La misère, par ailleurs, transparaît à travers la description d’un lieudifforme (« Les fenêtres […] se trouvaient bizarrement placées », « exhaussé d’un côté »), composé de bric et de broc («un volet faitavec les planches d’une enseigne »), sale et mal entretenu.

4. Montrez que par cette description Balzac vise à évoquerune réalité plus large que la seule maison de Vergniaud.

La maison de Vergniaud n’est pas, nous laisse entendre Balzac, laseule dans ce bourbier qu’est Paris : elle a valeur exemplaire, etincarne un type. Il s’agit de « l’une de ces masures », comparable à« presque tous les endroits » du même type. C’est dans ce sens qu’on

1. Le Père Goriot, GF-Flammarion, rééd. 2006, p.45.

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peut commenter les démonstratifs (« ces grands vases », « ce cheval »),qui introduisent les éléments que l’on retrouve d’une masure à l’au-tre. Le réalisme balzacien trace entre les passions, les hommes, lesanimaux et les choses du monde des liens logiques qui construisentun système romanesque tout entier (voir le dossier, p. 134).

5. À quel lieu peut-on opposer, dans le roman, ce lieu demisère ?

Dans Le Colonel Chabert, la masure où est logé le colonel, et plusgénéralement le quartier Saint-Marceau, s’opposent au faubourgSaint-Germain, où vit l’aristocratie, « société dédaigneuse » (p. 95)dont l’une des figures de proue est le comte Ferraud.

• Chabert, Ulysse du XIXe siècle

Cette séance, à partir du détail de l’écriteau, sera égalementl’occasion de montrer aux élèves que Le Colonel Chabert peut, dansune certaine mesure, être lu comme une réécriture de l’Odyssée.Dans l’œuvre d’Homère, en effet, Ulysse se cache chez le porcherEumée en arrivant dans l’île d’Ithaque : ici, de même, Chabert seréfugie chez Vergniaud, dont la demeure abrite notamment un « toit à cochons »… Le personnage de Vergniaud, « nouriceure » quiproduit le « lait » destiné à nourrir la capitale, n’évoque-t-il pas éga-lement la figure d’Euryclée, la nourrice qui reconnaît Ulysse ?Dans l’ensemble du roman, Chabert s’apparente à Ulysse qui,suite au sort jeté par Athéna, a pris les traits d’un vieillard ; commeUlysse, il erre sans pouvoir rentrer chez lui (« j’ai constamment errécomme un vagabond, mendiant mon pain », p. 69), et porte une « cicatrice » (p. 62). Mais ici, l’intertexte est détourné, et le carac-tère épique subverti : son ancienne femme, loin d’être constantecomme Pénélope, s’est remariée…

• Lecture complémentaire

On rapprochera ce passage de la description de la pensionVauquer dans Le Père Goriot (GF-Flammarion, 2006, p. 47-49, de« Cette première pièce » à « en pourriture » ; voir aussi la fiche péda-gogique sur le site Enseignants des Éditions Flammarion, séance 4).Quelle expression est commune aux deux descriptions ? Que peut-on en conclure ? (cf. Le Colonel Chabert : « ces masures […] qui nesont comparables à rien, pas même aux plus chétives habitations dela campagne, dont elles ont la misère sans en avoir la poésie », p. 82 ; et Le Père Goriot : « Enfin, là règne la misère sans poésie »).

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SÉANCE 8ÉTUDE DE L’EXCIPIT

� De « Quelle destinée ! s’écria Derville » à la fin du roman (p. 128-130).

� Dossier « Le Colonel Chabert au cinéma » (p. 185-189).

Objectifs : Lecture analytique : enjeux de l’excipit ; étude du dis-cours ; débat sur la dimension morale de l’œuvre bal-zacienne et de son adaptation filmique.

• Un résumé

L’excipit a pour fonction de résumer le récit tout en refermantles possibles narratifs. Juste avant ce passage, Chabert, définitive-ment réduit à l’anonymat, a formulé l’échec de sa quête d’identitéet le renoncement à retrouver son nom : « Pas Chabert ! PasChabert ! Je me nomme Hyacinthe […]. Je ne suis plus un homme,je suis le numéro 164 » (p. 127). Ici, le roman se referme définiti-vement, et une formule-sommaire condense en quelques mots la « destinée » du protagoniste : « Sorti de l’hospice des Enfants trou-vés, il revient mourir à l’hospice de la Vieillesse, après avoir […]aidé Napoléon à conquérir l’Égypte et l’Europe. » Comme souventdans les romans de Balzac, les vertueux renoncent et les mauvaistriomphent (présentation, p. 22). L’emploi des articles définis,l’utilisation des participes présents, les effets de structure(chiasmes, répétitions, antithèses), les exclamations donnent àl’évocation des vices sociaux par Derville l’aspect d’un foisonnanttableau vivant : celui, précisément, de la comédie humaine, dontl’avoué apparaît comme l’un des témoins privilégiés.

• Un manifeste ?

L’« Homme de justice », au même titre que le « Prêtre », le« Médecin » (p. 128) ou encore « l’auteur » (p. 61), est présentécomme un spectateur privilégié de la comédie humaine (le discoursde Derville est marqué par l’anaphore de la formule « j’ai vu »). Nepeut-on voir en Derville une figure du romancier réaliste, quecaractérise son sens de l’observation et sa posture singulière dansle monde ? Ne peut-on lire, à travers son discours, un manifeste,qui serait celui du romancier réaliste : dire les « crimes contre les-quels la justice est impuissante » (p.130) ? Mais dans ce cas, de

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même que l’avoué est impuissant à dénoncer ces crimes (« Je nepuis vous dire tout ce que j’ai vu… »), le romancier n’est-il pascondamné à être toujours infidèle à la réalité (« toutes les horreursque les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de lavérité ») ? Comme Chabert, retiré dans son hospice, commeDerville, qui décide de quitter l’« égout » parisien (« moi, je vaisvivre à la campagne »), le romancier, fin connaisseur de l’âmehumaine, est-il condamné à demeurer en marge du monde ?

• Une ouverture sur La Comédie humaineLa fin du Colonel Chabert, loin de ne proposer qu’un effet de

clôture, ouvre le roman sur d’autres volumes de La Comédiehumaine (Le Père Goriot, Gobseck, Un début dans la vie : voir lesnotes p. 130), et donne les clés du procédé balzacien de retour despersonnages : c’est par l’expérience acquise que les personnagestrouvent leur signification morale. On rappellera également que lascène finale se déroule « en 1840 » (p. 125), soit une vingtaine d’an-nées après l’histoire racontée dans le roman : cet épilogue tardifn’a d’autre fonction que d’opérer la jonction avec le reste de l’œu-vre de Balzac, et notamment le cycle de Vautrin où Derville réap-paraît.

• Du roman au film

La fin désabusée du roman de Balzac (présentation, p. 30) esttempérée dans le film d’Yves Angelo par le divorce du comte et dela comtesse Ferraud, ainsi que par l’exil de cette dernière (dossier,p. 176 et 187). À titre de conclusion, et après avoir visionné enclasse l’intégralité du film, on posera aux élèves les questions sui-vantes :

1. Pourquoi Yves Angelo et Jean Cosmos ont-il choisi de dépla-cer une partie du discours de Derville, qui dans le roman figuredans l’épilogue, au début du film, dans la scène où Derville ren-contre Chabert ?

2. Caractérisez le personnage de Chabert dans la dernièrescène du film. En quel sens peut-on considérer que le dénouementdu film est différent de celui du livre ? Quel vous semble être lesens final de cette dernière séquence ? La partie du dossier com-prenant des critiques du film (« Le Colonel Chabert au cinéma », p. 185-189) permettra de nourrir le débat.

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SÉANCE 9ÉVALUATION

Commentaire littéraireÉtude du passage suivant : de « La vérité s’était montrée dans sa

nudité » à « Adieu… » (p. 119-121).

DissertationBalzac écrit dans l’Avant-propos de La Comédie humaine : « Le

hasard est le plus grand romancier du monde : pour être fécond, iln’y a qu’à l’étudier. » En quoi cette phrase vous semble-t-elle rendre compte de son roman Le Colonel Chabert ?

Écriture d’inventionVous proposerez un portrait de l’avoué Derville, lors de sa ren-

contre nocturne avec Chabert. Ce portrait, uniquement physique,traduira les traits psychologiques du personnage.

IV. ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

Voir la bibliographie très complète donnée à la fin de l’éditionGF, p. 199 sq.

Étienne LETERRIER.

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