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8 Le Soir Vendredi 7 janvier 2022 8 à la une MAURIN PICARD CORRESPONDANT À NEW YORK J oe Biden a toujours pris grand soin d’éviter de nommer son prédéces- seur, depuis son entrée à la Mai- son-Blanche le 20 janvier 2021. Le 46 e président des Etats-Unis tenait à se concentrer sur les priorités économiques et sanitaires du pays, et à réconcilier une Amérique déchirée par les passions politiques et raciales. Trop de travail, ar- guait-il, pour être pollué par le souvenir de l’ex-occupant du Bureau ovale. Un an plus tard, Joe Biden est apparu sous les ors du Congrès pour célébrer un triste anniversaire, celui de l’assaut san- glant contre le Capitole du 6 janvier 2021 (cinq morts, et quatre suicides ulté- rieurs). Et cette fois, l’ombre de Donald Trump rôdait derrière chaque tournure de phrase, bien que le dirigeant démo- crate se garde de le citer nommément. « Une dague à la gorge de la démocratie américaine » « Voici la vérité, a expliqué ce dernier. L’ancien président des Etats-Unis d’Amérique a créé et répandu un tissu de mensonges sur l’élection de 2020. Il l’a fait parce qu’il valorise le pouvoir au dé- triment des principes. Parce qu’il consi- dère que son propre intérêt est plus im- portant que celui de l’Amérique. Et parce que son ego meurtri compte plus pour lui que notre démocratie ou notre constitu- tion. Il ne peut pas accepter qu’il ait per- du, même si 93 sénateurs, son propre procureur général, son propre vice-pré- sident, des gouverneurs et des respon- sables de tous les Etats clés ont déclaré qu’il avait perdu. C’est ce que 81 millions d’entre vous ont dit en votant pour une nouvelle voie. Il a fait ce qu’aucun pré- sident dans l’histoire américaine n’a jamais fait. Il a refusé d’accepter les résultats d’une élection et la volonté du peuple américain. » « Pour la première fois dans notre his- toire », a ajouté Joe Biden, « un pré- sident n’a pas seulement perdu une élec- tion, il a essayé d’empêcher le transfert pacifique du pouvoir alors qu’une foule violente faisait irruption dans le Capi- tole. Mais ils ont échoué. » Tandis que Joe Biden s’exprimait de- puis la colline du Capitole, accusant Trump et ses disciples de tenir « une dague à la gorge de la démocratie améri- caine », Donald Trump publiait un com- muniqué depuis sa résidence de Mar-a- lago. Toujours privé de réseaux sociaux depuis un an, l’ex-président a menti dès la première phrase, accusant son succes- seur d’avoir utilisé son nom lors de son discours au Capitole. La suite reprenait la complainte habituelle de l’ex-magnat new-yorkais : « élection volée », « fraudes massives ». S’agissant du 6-Janvier, Trump rejette – évidem- ment – toute responsabilité. Aucun élu du Grand Old Party (GOP, conservateur) n’était présent dans la salle aux statues, pour écouter le dis- cours du président démocrate. Lindsey Graham, sénateur de Caroline du Sud réputé proche de Trump, a dénoncé via Twitter la « politisation sacrément culot- tée du 6-Janvier par le président Biden ». Graham, réputé pour ses chan- gements de cap dignes d’une poupée gi- gogne, faisait partie de ces édiles qui avaient crié « stop » lors de la tragédie : « Tout ce que je peux dire, c’est qu’il ne faut plus compter sur moi. Ça suffit », avant de rétropédaler et prêter allé- geance au néo-retraité de Mar-a-lago. Joe Biden s’en prend à son prédécesseur ÉTATS-UNIS Le président démocrate a marqué l’anniversaire de l’assaut contre le Capitole en promettant qu’il empêcherait tout nouvel incident similaire. En l’absence des Républicains. Le président américain a visé Donald Trump en évitant de le nommer. © PHOTO NEWS. PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE Valérie Pécresse veut « nettoyer les quartiers » « Je vais ressortir le Kärcher » : en déplace- ment jeudi dans le sud-est de la France, la candidate de la droite à la présidentielle Valérie Pécresse, reprenant une expres- sion controversée de l’ex-président Nico- las Sarkozy, a promis de « nettoyer les quartiers » des trafics et de la criminalité. Après la tempête parlementaire du pass vaccinal, attisée par la charge frontale d’Emmanuel Macron contre les non- vaccinés, sa rivale a ainsi replacé la sécuri- té au centre de la campagne pour l’élec- tion prévue en avril. Pour ce premier gros déplacement de 2022, la candidate du parti conservateur Les Républicains avait choisi deux dépar- tements – Bouches-du-Rhône et Vau- cluse – où le parti Rassemblement natio- nal (RN, extrême droite) de Marine Le Pen atteint des scores élevés : elle y a insisté sur le thème de la sécurité dont elle compte faire un marqueur. Celle qui assure vouloir « remettre de l’ordre » s’est rendue dans le centre de surveillance urbaine de Salon-de-Pro- vence (sud-est), s’intéressant aux 151 caméras et aux drones utilisés dans cette ville, avant d’aller sur un point de deal démantelé. « Il faut ressortir le Kärcher car il a été remis à la cave par (l’ancien président) François Hollande et (l’actuel chef d’Etat) Emmanuel Macron depuis dix ans », a-t-elle asséné lors d’un point presse devant un commissariat. Elle reprenait ainsi une formule offensive employée par M. Sarkozy alors qu’il était ministre de l’Intérieur, qui avait fait polémique. AFP FRANCE Soupçons d’emplois fictifs : le Modem et l’UDF mis en examen Le Modem et l’UDF ont été mis en exa- men en décembre pour « complicité et recel de détournement de fonds publics » dans l’enquête sur des soupçons d’em- plois fictifs d’assistants parlementaires d’eurodéputés centristes, a-t-on appris jeudi de sources proches du dossier. Quinze personnes, dont François Bayrou, l’ancien garde des Sceaux Michel Mercier et les anciens eurodéputés Sylvie Gou- lard, Nathalie Griesbeck et Jean-Luc Bennahmias, sont déjà poursuivies dans cette information judiciaire menée de- puis 2017 par des juges d’instruction du pôle financier du tribunal judiciaire de Paris. L’enquête porte sur l’organisation du travail de personnes embauchées avec les crédits européens en tant qu’assis- tants parlementaires pour les eurodépu- tés, mais qui auraient pu occuper un emploi, à temps plein ou partiel, à l’UDF puis au Modem. L’UDF, avalée par le Modem lors de sa création en 2007, a conservé une existence juridique. Contac- té, l’avocat des deux partis n’a pas souhai- té réagir. Le parquet de Paris avait ouvert une enquête en mars 2017 après la dénoncia- tion d’une ancienne élue du Front natio- nal, Sophie Montel, sur des emplois fictifs de collaborateurs de 19 de ses collègues de tous bords, dont deux du Modem : Robert Rochefort et Marielle de Sarnez – décédée en janvier 2021 – bras droit du président du parti François Bayrou. AFP François Bayrou. © PHOTO NEWS. ANALYSE PHILIPPE DE BOECK D es dizaines de manifestants tués par la police, plus d’un millier de blessés, deux mille arrestations, des images de pillages et d’incendies, la situation au Kazakhstan a subitement viré au chaos mercredi. Le mouvement de colère, qui a débuté ce week-end à l’ouest du pays (la partie la plus riche où se trouvent les gise- ments de pétrole) suite à un double- ment du prix du gaz, s’est ensuite éten- du à la plus grande ville du pays, Alma- ty, où il a viré à l’émeute malgré les concessions du pouvoir en place. Les manifestants se sont emparés de plusieurs bâtiments administratifs, de chaînes de télévision et même de l’aéro- port durant quelques heures. D’après les slogans, leur colère est surtout diri- gée vers l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev (81 ans), qui a régné sur le pays de 1989 à 2019 et tire toujours les ficelles en coulisses. « On sait quand les Russes arrivent, jamais quand ils partent » Visiblement dépassé par les événe- ments, le président Kassym-Jomart To- kaïev a appelé Moscou et ses alliés de l’Organisation du Traité de sécurité col- lective (OTSC) à la rescousse. Les pre- mières troupes russes sont arrivées dans le pays dès jeudi matin pour une « pé- riode limitée ». Américains, Européens et l’ONU ont appelé toutes les parties « à la plus grande retenue ». Ce qui n’augure rien de bon, d’après Marie Dumoulin, directrice du pro- gramme « Europe élargie » du Conseil européen des relations extérieures (EC- FR). « C’est inquiétant, parce qu’une in- tervention russe, on sait quand ça com- mence mais on ne sait jamais quand ça se termine… Je comprends la logique de Tokaïev avec, d’un côté, un message in- terne aux manifestants pour leur dire de rentrer chez eux, et, de l’autre, un mes- sage vis-à-vis de la Russie pour lui dire que le Kazakhstan n’a pas l’intention de sortir de sa sphère d’influence. Cela lui permet aussi d’obtenir le soutien de Moscou dans les querelles intestines qu’il va forcément y avoir dans les se- maines qui viennent autour de la suc- cession de Nazarbaïev. Cela dit, Tokaïev risque d’être contesté en interne pour avoir fait appel à Moscou. L’équilibre interethnique est compliqué dans le pays avec une minorité russe qui était majoritaire au moment de l’indépen- dance. L’intervention russe pourrait bouleverser cet équilibre », démontre Marie Dumoulin. « Une répression brutale » Pourquoi une telle explosion mainte- nant ? « Il y a d’une part un terreau de contestation présent de longue date sur des problèmes économiques et sociaux qui se superpose avec la gestion très er- ratique de la pandémie et ses consé- quences économiques », explique Marie Dumoulin. « Le facteur déclencheur n’a rien à voir avec le prix du gaz au niveau mondial, mais avec un changement du mode de calcul du gaz liquéfié très utili- sé à l’ouest du pays et bon marché parce que largement subventionné. Le prix a doublé du jour au lendemain, ce qui a suscité des contestations. Mais cela n’explique pas l’ampleur de la contesta- tion dans le pays. » D’après Marie Dumoulin, les deux éléments nouveaux sont l’ampleur na- tionale de la contestation et la coïnci- dence entre des revendications sociales et politiques. « Dans un premier temps, le président Tokaïev a essayé de ré- pondre en prenant des mesures sur le plan social et en limogeant le gouverne- ment. Mais cela n’a pas calmé le mouve- ment de protestation… Et la répression a été brutale. » « Un côté assez inquiétant » Marie Dumoulin a toutefois été surprise par l’ampleur du mouvement de ces derniers jours. « Les images sont im- pressionnantes, mais ce ne sont pas des centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans la rue comme en Biélorussie. Le mouvement est très hé- téroclite et il n’y a vraiment pas de lea- der. Des retours que j’ai de contacts sur place, on me dit que tout cela est trop bien organisé pour être spontané. Mais quand je vois les images, ce n’est pas l’impression que ça me donne. Cela dit, on a vu des gens mercredi qui, de ma- nière ciblée, ont pris d’assaut certains bâtiments officiels et le siège des forces de sécurité pour récupérer des armes. Tout cela a un côté assez inquiétant ». Qui aurait intérêt à déstabiliser le Ka- zakhstan ? Les autorités ont laissé en- tendre que tout cela était financé de l’extérieur. « Mais je ne vois pas par qui ? Beaucoup de fausses nouvelles cir- culent », conclut Marie Dumoulin. L’intervention russe suscite des inquiétudes KAZAKHSTAN Les émeutes dans cette ex-république soviétique ont fait plusieurs dizaines de victimes et des centaines de blessés. La hausse du prix du gaz n’est pas la seule explication de ce brusque déchaînement de violence. Le président kazakh Tokaïev a appelé Mos- cou et ses alliés de l’Or- ganisation du Traité de sécurité collective (OTSC) à la rescousse. © EPA/RUSSIAN DEFENCE MINISTRY. Noursoultan RUSSIE KAZAKHSTAN CHINE

Joe Biden s’en prend à son prédécesseur

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Le Soir Vendredi 7 janvier 2022

8 à la une

MAURIN PICARDCORRESPONDANT À NEW YORK

J oe Biden a toujours pris grand soind’éviter de nommer son prédéces-seur, depuis son entrée à la Mai-

son-Blanche le 20 janvier 2021. Le46e président des Etats-Unis tenait à seconcentrer sur les priorités économiqueset sanitaires du pays, et à réconcilier uneAmérique déchirée par les passionspolitiques et raciales. Trop de travail, ar-guait-il, pour être pollué par le souvenirde l’ex-occupant du Bureau ovale.

Un an plus tard, Joe Biden est apparusous les ors du Congrès pour célébrer untriste anniversaire, celui de l’assaut san-glant contre le Capitole du 6 janvier 2021(cinq morts, et quatre suicides ulté-

rieurs). Et cette fois, l’ombre de DonaldTrump rôdait derrière chaque tournurede phrase, bien que le dirigeant démo-crate se garde de le citer nommément.

« Une dague à la gorgede la démocratie américaine »« Voici la vérité, a expliqué ce dernier.L’ancien président des Etats-Unisd’Amérique a créé et répandu un tissu demensonges sur l’élection de 2020. Il l’afait parce qu’il valorise le pouvoir au dé-triment des principes. Parce qu’il consi-dère que son propre intérêt est plus im-portant que celui de l’Amérique. Et parceque son ego meurtri compte plus pour luique notre démocratie ou notre constitu-tion. Il ne peut pas accepter qu’il ait per-du, même si 93 sénateurs, son propreprocureur général, son propre vice-pré-sident, des gouverneurs et des respon-sables de tous les Etats clés ont déclaréqu’il avait perdu. C’est ce que 81 millionsd’entre vous ont dit en votant pour unenouvelle voie. Il a fait ce qu’aucun pré-sident dans l’histoire américaine n’ajamais fait. Il a refusé d’accepter lesrésultats d’une élection et la volonté dupeuple américain. »

« Pour la première fois dans notre his-toire », a ajouté Joe Biden, « un pré-sident n’a pas seulement perdu une élec-tion, il a essayé d’empêcher le transfertpacifique du pouvoir alors qu’une foule

violente faisait irruption dans le Capi-tole. Mais ils ont échoué. »

Tandis que Joe Biden s’exprimait de-puis la colline du Capitole, accusantTrump et ses disciples de tenir « unedague à la gorge de la démocratie améri-caine », Donald Trump publiait un com-muniqué depuis sa résidence de Mar-a-lago. Toujours privé de réseaux sociauxdepuis un an, l’ex-président a menti dèsla première phrase, accusant son succes-seur d’avoir utilisé son nom lors de sondiscours au Capitole. La suite reprenaitla complainte habituelle de l’ex-magnatnew-yorkais : « élection volée »,« fraudes massives ». S’agissant du6-Janvier, Trump rejette – évidem-ment – toute responsabilité.

Aucun élu du Grand Old Party (GOP,conservateur) n’était présent dans lasalle aux statues, pour écouter le dis-cours du président démocrate. LindseyGraham, sénateur de Caroline du Sudréputé proche de Trump, a dénoncé viaTwitter la « politisation sacrément culot-tée du 6-Janvier par le présidentBiden ». Graham, réputé pour ses chan-gements de cap dignes d’une poupée gi-gogne, faisait partie de ces édiles quiavaient crié « stop » lors de la tragédie :« Tout ce que je peux dire, c’est qu’il nefaut plus compter sur moi. Ça suffit »,avant de rétropédaler et prêter allé-geance au néo-retraité de Mar-a-lago.

Joe Biden s’en prendà son prédécesseur

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Le président démocratea marqué l’anniversairede l’assaut contre leCapitole en promettantqu’il empêcherait tout nouvel incidentsimilaire. En l’absencedes Républicains.

Le président américain avisé Donald Trump enévitant de le nommer.© PHOTO NEWS.

PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE

Valérie Pécresseveut « nettoyerles quartiers »« Je vais ressortir le Kärcher » : en déplace-ment jeudi dans le sud-est de la France, lacandidate de la droite à la présidentielleValérie Pécresse, reprenant une expres-sion controversée de l’ex-président Nico-las Sarkozy, a promis de « nettoyer lesquartiers » des trafics et de la criminalité.Après la tempête parlementaire du passvaccinal, attisée par la charge frontaled’Emmanuel Macron contre les non-vaccinés, sa rivale a ainsi replacé la sécuri-té au centre de la campagne pour l’élec-tion prévue en avril.Pour ce premier gros déplacement de2022, la candidate du parti conservateurLes Républicains avait choisi deux dépar-tements – Bouches-du-Rhône et Vau-cluse – où le parti Rassemblement natio-nal (RN, extrême droite) de Marine Le Penatteint des scores élevés : elle y a insistésur le thème de la sécurité dont ellecompte faire un marqueur.Celle qui assure vouloir « remettre del’ordre » s’est rendue dans le centre desurveillance urbaine de Salon-de-Pro-vence (sud-est), s’intéressant aux151 caméras et aux drones utilisés danscette ville, avant d’aller sur un point dedeal démantelé.« Il faut ressortir le Kärcher car il a étéremis à la cave par (l’ancien président)François Hollande et (l’actuel chef d’Etat)Emmanuel Macron depuis dix ans »,a-t-elle asséné lors d’un point pressedevant un commissariat.Elle reprenait ainsi une formule offensiveemployée par M. Sarkozy alors qu’il étaitministre de l’Intérieur, qui avait faitpolémique. AFP

FRANCE

Soupçonsd’emplois fictifs :le Modem etl’UDF misen examenLe Modem et l’UDF ont été mis en exa-men en décembre pour « complicité etrecel de détournement de fonds publics »dans l’enquête sur des soupçons d’em-plois fictifs d’assistants parlementairesd’eurodéputés centristes, a-t-on appris

jeudi de sources proches du dossier.Quinze personnes, dont François Bayrou,l’ancien garde des Sceaux Michel Mercieret les anciens eurodéputés Sylvie Gou-lard, Nathalie Griesbeck et Jean-LucBennahmias, sont déjà poursuivies danscette information judiciaire menée de-puis 2017 par des juges d’instruction dupôle financier du tribunal judiciaire deParis.L’enquête porte sur l’organisation dutravail de personnes embauchées avecles crédits européens en tant qu’assis-tants parlementaires pour les eurodépu-tés, mais qui auraient pu occuper unemploi, à temps plein ou partiel, à l’UDFpuis au Modem. L’UDF, avalée par leModem lors de sa création en 2007, aconservé une existence juridique. Contac-té, l’avocat des deux partis n’a pas souhai-té réagir.Le parquet de Paris avait ouvert uneenquête en mars 2017 après la dénoncia-tion d’une ancienne élue du Front natio-nal, Sophie Montel, sur des emplois fictifsde collaborateurs de 19 de ses collèguesde tous bords, dont deux du Modem :Robert Rochefort et Marielle de Sarnez –décédée en janvier 2021 – bras droit duprésident du parti François Bayrou. AFP

François Bayrou. © PHOTO NEWS.

ANALYSEPHILIPPE DE BOECK

D es dizaines de manifestants tuéspar la police, plus d’un millier de

blessés, deux mille arrestations, desimages de pillages et d’incendies, lasituation au Kazakhstan a subitementviré au chaos mercredi.

Le mouvement de colère, qui a débutéce week-end à l’ouest du pays (la partiela plus riche où se trouvent les gise-ments de pétrole) suite à un double-ment du prix du gaz, s’est ensuite éten-du à la plus grande ville du pays, Alma-ty, où il a viré à l’émeute malgré lesconcessions du pouvoir en place.

Les manifestants se sont emparés deplusieurs bâtiments administratifs, dechaînes de télévision et même de l’aéro-port durant quelques heures. D’aprèsles slogans, leur colère est surtout diri-

gée vers l’ancien président NoursoultanNazarbaïev (81 ans), qui a régné sur lepays de 1989 à 2019 et tire toujours lesficelles en coulisses.

« On sait quand les Russes arrivent,jamais quand ils partent »Visiblement dépassé par les événe-ments, le président Kassym-Jomart To-kaïev a appelé Moscou et ses alliés del’Organisation du Traité de sécurité col-lective (OTSC) à la rescousse. Les pre-mières troupes russes sont arrivées dansle pays dès jeudi matin pour une « pé-riode limitée ». Américains, Européenset l’ONU ont appelé toutes les parties« à la plus grande retenue ».

Ce qui n’augure rien de bon, d’aprèsMarie Dumoulin, directrice du pro-gramme « Europe élargie » du Conseileuropéen des relations extérieures (EC-FR). « C’est inquiétant, parce qu’une in-tervention russe, on sait quand ça com-mence mais on ne sait jamais quand çase termine… Je comprends la logique deTokaïev avec, d’un côté, un message in-terne aux manifestants pour leur dire derentrer chez eux, et, de l’autre, un mes-sage vis-à-vis de la Russie pour lui direque le Kazakhstan n’a pas l’intention desortir de sa sphère d’influence. Cela luipermet aussi d’obtenir le soutien deMoscou dans les querelles intestinesqu’il va forcément y avoir dans les se-maines qui viennent autour de la suc-cession de Nazarbaïev. Cela dit, Tokaïevrisque d’être contesté en interne pour

avoir fait appel à Moscou. L’équilibreinterethnique est compliqué dans lepays avec une minorité russe qui étaitmajoritaire au moment de l’indépen-dance. L’intervention russe pourraitbouleverser cet équilibre », démontreMarie Dumoulin.

« Une répression brutale »Pourquoi une telle explosion mainte-nant ? « Il y a d’une part un terreau decontestation présent de longue date surdes problèmes économiques et sociauxqui se superpose avec la gestion très er-ratique de la pandémie et ses consé-quences économiques », explique MarieDumoulin. « Le facteur déclencheur n’arien à voir avec le prix du gaz au niveaumondial, mais avec un changement dumode de calcul du gaz liquéfié très utili-sé à l’ouest du pays et bon marché parceque largement subventionné. Le prix adoublé du jour au lendemain, ce qui asuscité des contestations. Mais celan’explique pas l’ampleur de la contesta-tion dans le pays. »

D’après Marie Dumoulin, les deuxéléments nouveaux sont l’ampleur na-tionale de la contestation et la coïnci-dence entre des revendications socialeset politiques. « Dans un premier temps,le président Tokaïev a essayé de ré-pondre en prenant des mesures sur leplan social et en limogeant le gouverne-ment. Mais cela n’a pas calmé le mouve-ment de protestation… Et la répressiona été brutale. »

« Un côté assez inquiétant »Marie Dumoulin a toutefois été surprisepar l’ampleur du mouvement de cesderniers jours. « Les images sont im-pressionnantes, mais ce ne sont pas descentaines de milliers de personnes quisont descendues dans la rue comme enBiélorussie. Le mouvement est très hé-téroclite et il n’y a vraiment pas de lea-der. Des retours que j’ai de contacts surplace, on me dit que tout cela est tropbien organisé pour être spontané. Maisquand je vois les images, ce n’est pasl’impression que ça me donne. Cela dit,on a vu des gens mercredi qui, de ma-nière ciblée, ont pris d’assaut certainsbâtiments officiels et le siège des forcesde sécurité pour récupérer des armes.Tout cela a un côté assez inquiétant ».

Qui aurait intérêt à déstabiliser le Ka-zakhstan ? Les autorités ont laissé en-tendre que tout cela était financé del’extérieur. « Mais je ne vois pas parqui ? Beaucoup de fausses nouvelles cir-culent », conclut Marie Dumoulin.

L’intervention russe suscite des inquiétudes

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Les émeutes dans cetteex-république soviétiqueont fait plusieurs dizainesde victimes et descentaines de blessés. La hausse du prix du gazn’est pas la seuleexplication de ce brusquedéchaînement de violence.

Le président kazakhTokaïev a appelé Mos-cou et ses alliés de l’Or-ganisation du Traité de sécurité collective(OTSC) à la rescousse.© EPA/RUSSIAN DEFENCE MINISTRY.

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