Julien Damon : La classe moyenne américaine en voie d'effritement

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  • 8/10/2019 Julien Damon : La classe moyenne amricaine en voie d'effritement

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    Dcembre 2014

    Julien DAMON

    Les classesmoyennes

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    LA CLASSE MOYENNE AMRICAEN VOIE DEFFRITEMENT

    Julien DAMON

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    La Fondation pour linnovation politiqueest un think tank libral, progressiste et europen.

    Prsident : Nicolas BazireVice Prsident : Grgoire Chertok

    Directeur gnral : Dominique ReyniPrsidente du Conseil scientique et dvaluation : Laurence Parisot

    La Fondation pour linnovation politique publie la prsente notedans le cadre de ses travaux surla croissance conomique.

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    RSUM

    Les tats-Unis sont, comme la France, un grand pays de classes moyennes(mme si, outre-Atlantique, cest le singulier qui prvaut). Dune part, lapopulation sidentie trs majoritairement ces catgories intermdiaires.Dautre part, depuis quelques annes, le sujet y compte galement parmiles plus discuts, autant dans les sphres acadmiques que politiques. ladiffrence de la France, le constat dune dmoyennisation cest--diredun dclin relatif de la classe moyenne ne fait pas dbat. En raison dela rvolution numrique, des transformations du march du travail et desingalits, la classe moyenne amricaine se rtracte, les revenus mdians etmoyens stagnent. Et le mode de vie typique de la classe moyenne, si pris etsi clbr, rencontre des difcults grandissantes. Le thme est au cur desinterrogations sur le modle amricain.

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    La situation et les perspectives sont grises pour les classes moyennesaux tats-Unis. Le grand sujet tient de la dualisation grandissante de lasocit amricaine, entre, dune part, une classe relativement aise (sanstre forcment extrmement privilgie) qui exerce professionnellementdes mtiers grande valeur ajoute, et, dautre part, une classe bienmoins qualie de personnes travaillant dans le secteur des services auxpersonnes et les collectivits. Entre les deux, la classe moyenne seffrite etdoute. Management et corps intermdiaires se trouvent dpossds par la

    rvolution numrique. Les mnages aux revenus intermdiaires ressententvivement les nouvelles ingalits tout comme le renforcement des anciennes.Les contribuables au centre de la distribution des revenus se trouventcartels entre les pauvres qui bncient des programmes sociaux et lesriches qui bncient des rductions dimpt.Aux tats-Unis lexpressionmiddle class , rarement au pluriel, dsigne unecatgorie statistique centrale. Elle dsigne aussi un mode de vie et un espoirde mobilit sociale ascendante.Cest aux tats-Unis, dans un pays ptri dgalit et idologiquement peufru de lutte des classes, que la question des classes moyennes est devenue,au cours de la seconde partie du XXe sicle, particulirement problmatique.Historiquement, la classe moyenne amricaine sest constitue partir de

    LA CLASSE MOYENNE AMRICAEN VOIE DEFFRITEMENT

    Julien DAMONProfesseur associ Sciences Po, www.eclairs.fr

    membre du Conseil scientique et dvaluation de la Fondation pour linnovation politique

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    chefs dentreprise et de fermiers indpendants, subdiviss en plus ou moinsgros propritaires, producteurs et ngociants. Ces indpendants ont accdou ont t contraints au salariat. Aprs la guerre naissent, notammentdans les grandes entreprises, les cols blancs salaris, qui incarnent leshirarchies intermdiaires. Ils constituent une nouvelle classe moyenne amricaine. Le sociologue amricain Charles Wright Mills le note ds 1951,cet accroissement numrique des cols blancs donne un dmenti auxthoriciens du XIXe sicle qui prvoyaient une socit divise en patrons etouvriers1 . Et Mills dajouter que ces cols blancs, avec leurs aspirations etmodes de vie, ont profondment structur la socit amricaine. Ce col blanc,qui na pas de culture propre, sinon la civilisation de masse dont il est le

    produit , appartient au monde des employs et des cadres. Il exerce dans ununivers bureaucratique. Citadins, les cols blancs vivent la mtropolisationdes tats-Unis sur des standards de vie condenss et valoriss danslexpressionAmerican way of life . Mills observait lapparition, selon sestermes, dune masse dhommes sans conscience politique , en parcourssocial ascendant, rebours de la thorie marxiste de la proltarisation et delintensication de la lutte des classes.Le dbat sur le dclin des classes moyennes amricaines, aprs la priodedessor plutt heureux des cols blancs, a dbut partir de pronosticsalarmistes, ds les annes 1970, sur les consquences de la transition dunesocit industrielle vers une socit postindustrielle2. Cet alarmisme a ensuitefranchi lAtlantique. Le recul des emplois dans les industries cheminesdusine (smokestack industries ), comme la sidrurgie et lautomobile,sest accompagn dune augmentation des effectifs dans les branches plushaute intensit technologique. Lensemble sest traduit par une baisse des

    catgories de personnel de niveau intermdiaire. La polarisation sest accrueentre hauts et bas salaires. Un tel processus prsente le double inconvnientde rduire les possibilits de promotion sociale pour les salaris du bas delchelle et de compromettre lexpansion des entreprises fournisseuses debiens de consommation lintention de cette classe moyenne. Cette rosionde la middle class amricaine, annonce donc depuis des dcennies, estscrute et dplore dans la dcennie 2000.

    1. Charles Wright Mills,Les Cols blancs. Essai sur les classes moyennes amricaines [1951], Franois Maspero,1966.2. Voir Bernard Cazes,Histoire des futurs. Les gures de lavenir de saint Augustin au XXIe sicle [1986],LHarmattan, 2008.

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    UN NIVEAU LEV DIDENTIFICATION, MAIS EN DIMINUTIO

    Lamiddle class joue aux tats-Unis un rle important, ne serait-ce que dansles reprsentations. Or, depuis une vingtaine dannes, et singulirementdepuis le dbut du nouveau millnaire, le revenu des familles a globalementdcroch par rapport lvolution de certains postes de dpenses essentiels ce mode de vie comme le logement, la sant, lcole et luniversit. Cedcrochage des revenus, accentu par la crise ouverte depuis 2007, a unprofond effet sur le moral de ces catgories centrales de ldice conomique,social et politique amricain.

    Les enqutes internationales sur les valeurs (World Value Surveys) sontune premire source pour mesurer la prgnance de la question des classesmoyennes aux tats-Unis. Interrogs quant leur appartenance ressentie une classe sociale, les rpondants ont eu le choix, dans une centaine depays, entre quatre possibilits : classe suprieure, classe moyenne, classelaborieuse et classe infrieure. Les tats-Unis gurent parmi les pays o lescore des classes moyennes est le plus lev : entre 60 % et 68 % selon lesannes dobservation3.

    Tableau 1 :Appartenance dclare une classe sociale (en %)

    1995 1999 2005Upper class 1,7 2,2 1,2Middle class 60,5 67,7 60,6Working class 34,9 27,6 30,7Lower class 2,9 2,5 7,6

    Source :Donnes World Values Surveys

    Une tude du Pew Research Center apporte des prcisions4. Si la questionne porte pas sur une quadripartition mais sur une tripartition, alors ce sontla moiti des personnes vivant aux tats-Unis qui rpondent appartenir la catgorie centrale, la classe moyenne. Les femmes (53 %) rpondent plussouvent appartenir cette catgorie que les hommes (46 %), qui estimentplus souvent appartenir une classe infrieure ou suprieure. De plus, le

    sentiment dappartenance la classe moyenne est globalement quivalent

    3. En 2005, les tats-Unis se trouvent, avec cette enqute, parmi les vingt premiers sur une centaine, derrirela Suisse, lAllemagne, la Sude, mais aussi la Turquie ou la Jordanie. Curieusement, la question na pas tpose en France.4. Voir le rapport, qui a fait date et grand bruit, The Lost Decade of the Middle Class publi en aot 2012(www.pewsocialtrends.org/2012/08/22/the-lost-decade-of-the-middle-class/).

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    Cette rosion du niveau dauto-identication aux classes moyennes sedouble dune diminution de lopinion selon laquelle la situation de ces classesmoyennes samliore. En effet, 42 % des individus qui estiment tre dans lamiddle class pensent que leur situation sest dgrade entre 2008 et 2012,alors que seulement 32 % dentre eux pensent quelle sest amliore et 23 %dclarent ne pas percevoir de diffrence. En 2012, 62 % des classes moyennesindiquent avoir t contraintes de rduire les dpenses du mnage. Ce ntaitle cas que de 53 % dentre elles en 2008. De fait, les classes moyennes sontpartages. Si lon se penche sur des volutions un peu plus longues, alors ilapparat, en 2012, que 44 % des classes moyennes sestiment plus scurisessur le plan nancier tandis que 42 % considrent tre plus en inscurit

    quen 2002. Il y a certainement dans ces rsultats les consquences, commeen France, dune polarisation grandissante au sein des classes moyennes.La classe moyenne amricaine pour laquelle, soulignons-le nouveau, lesingulier compte beaucoup se voit elle-mme polarise entre une classemoyenne suprieure qui, sans bncier de lexplosion des ingalits, nestpas expose aux consquences de la crise, et une classe moyenne infrieure,dont les conditions se rapprochent de catgories moins favorises de lahirarchie sociale.Le dfaitisme conjoncturel lev de ces dernires annes nest pas pour autantun fatalisme structurel. En 2012, 60 % des classes moyennes rpondent queleur niveau de vie est plus lev et leur mode de vie plus favorable que ceuxde leurs parents au mme ge, 13 % seulement dclarent une dgradation. Unquart pensent quil ny a pas eu dvolution. Relevons que, quatre ans plustt, en 2008, ils taient 67 % souligner une amlioration gnrationnelle.Les classes moyennes amricaines estiment encore pour 43 % dentre elles

    que leurs enfants connatront, lavenir, une situation meilleure que la leur aumme ge ; 26 % pensent le contraire. En 2008, les Amricains de lamiddleclass taient encore majoritaires se dire optimistes pour leurs enfants. Il y adonc des mouvements dans lopinion lis la crise, mais lambiance gnralenest pas lalarmisme ni au pessimisme.Relevons, pour nir, que les apprciations subjectives des classes moyennesamricaines entrent en concordance avec des donnes plus objectives. Il enva ainsi de lestimation du budget familial ncessaire pour vivre comme

    une famille de la classe moyenne. Pour une famille de quatre personnes,les individus dclarant appartenir lamiddle class estiment pour la moitidentre eux que ce budget doit tre infrieur 70 000 dollars, tandis quelautre moiti estime quil doit tre suprieur ce chiffre. Cette mdiane auto-value correspond assez bien la mdiane des revenus pour un mnage dequatre personnes, qui tait de 68 274 dollars en 2011.

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    LE DCLIN DU REVENU MOYEN ET DU REVENU MDIAN AM

    Le pouvoir dachat des salaris amricains a stagn, quand il na pas baiss,au cours des annes 2000, tandis que les ingalits se sont accrues. Surla priode, le pouvoir dachat du salaire mdian sest amoindri. Lemploina pas augment au mme rythme que celui de la population en ge detravailler. Les prix de limmobilier nont cess de seffondrer, ce qui estpotentiellement favorable aux locataires mais est trs proccupant pourune classe moyenne propritaire ou accdant la proprit. Laccs la protection sociale (sant et retraite), qui dpend aux tats-Unis de la

    qualit de lemploi et de la carrire, sest lui aussi sensiblement dgraddepuis la n des annes 1990. Leffondrement sur la dernire dcennie dumodle social des grandes entreprises de lindustrie automobile (comme ila pu y avoir une sorte de modle Renault en France) reprsente la n dunepoque pour les classes moyennes amricaines, celle o lemploi stable danslindustrie, assorti davantages sociaux nancs par lemployeur et ngocispar des syndicats puissants, constituait une rfrence et pouvait entranerlensemble de la socit. Laugmentation dix fois plus rapide que le revenumdian des frais universitaires est un nouveau poids et offre une perspectivengative lamiddle class , qui place de lespoir dans la promotion sociale. Lesurendettement des jeunes diplms ( hauteur, au total, de 1 000 milliards dedollars) fait, lui aussi, peser de lourds nuages sur lavenir. la dliquescencedes revenus et des garanties sociales sadjoint galement la dvalorisationdes titres universitaires. Les perspectives et le risque de dclassement (pour prendre un vocabulaire trs franais) ont donc largement augment.

    Si, comme le fait le Pew Research Center, on prend une dnition de la classemoyenne comme la proportion des individus vivant avec des revenus situsdans une fourchette qui va de 67 200 % du revenu mdian (un intervalleque lon retrouve dans certaines enqutes internationales), on voit clairementltiolement de la classe moyenne amricaine. En termes montaires, pour2010, ces bornes de la classe moyenne donnent, pour une famille de troispersonnes, un plancher 40 000 dollars et un plafond 120 000 dollars.

    En 1971, 61 % des adultes avaient des revenus compris entre les deux limitesinfrieure et suprieure de la classe moyenne. Ce nest plus le cas que de51 % des adultes en 2011. Paralllement, les rangs des plus favoriss ontgrossi de 6 points, et ceux des moins favoriss de 4 points.

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    Source :Current Population Surveys

    Figure 1 :Distribution des adultes aux tats-Unis selon la catgorie de revenus

    Bas revenus Revenus moyens Revenus levs

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    29 2051

    28 1854

    27 1756

    26 1559

    25 1461

    Toujours avec cette convention de tripartition des revenus amricains, onobserve une concentration toujours plus importante du total des revenuschez les plus aiss, tandis que dcrot la part du revenu total qui revient la classe moyenne. Alors quen 1970 le revenu total de la classe moyenne(qui rassemblait environ trois Amricains sur cinq) correspondait troiscinquimes du revenu global, le revenu total de la classe moyenne en 2010,bien quelle ne reprsente plus que 51 % de la population, est de 45 % dutotal des revenus. Sur la priode 1970-2010, le revenu mdian a augment de43 % pour les plus aiss, de 34 % pour la classe moyenne et de 29 % pour lesmnages bas revenus. Ce sont donc les plus aiss qui ont capt lessentielde ces transformations.

    Source :Current Population Surveys

    Figure 2 :Distribution du total des revenus en fonction de trois catgories de revenus (en %)

    Bas revenus Revenus moyens Revenus levs

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    Source :Census Bureau

    Figure 3 :volution du revenu moyen et du revenu mdian aux tats-Unis

    Revenus mdians (en $ 2012) Revenus moyens (en $ 2012)

    45 000

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    En avril 2014, les rsultats dune tude Luxembourg Income Study (LIS)ont fait leffet dune petite bombe dans le dbat amricain sur les classesmoyennes. Sil est convenu depuis des annes que la classe moyenne amricainedcroche par rapport son pass, il navait pas t encore dmontr quelle

    dcrochait fortement par rapport dautres classes moyennes dans dautrespays riches. Alors que, dans les enqutes internationales, la classe moyenneamricaine pouvait tre considre comme la plus riche du monde, elle seraitmaintenant rattrape par celles de plusieurs pays, tels que la Norvge, etmme dpasse par la classe moyenne canadienne6.

    UN SUJET POLITIQUE CENTRAL :RECENSIONS DES OBSERVATIONS ET THORIES

    Dans le dbat public, les classes moyennes aux tats-Unis se dnissent,peut-tre comme en France, davantage par un mode de vie (propritaire desa rsidence et de sa voiture, accs aux loisirs et lducation) que parune catgorie de revenus. Aussi diffuse et fragile soit-elle, cette catgorie dela population conserve une cohrence sociologique la base sinon de lacohsion nationale du moins du discours politique amricain.

    6. Voir les donnes, analyses et graphiques de lenqute duNew York Times mene avec le LIS : The AmericanMiddle Class Is No Longer the Worlds Richest (22 avril 2014).

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    Unie dans le bnce des fruits de lexpansion conomique des annes1940, 1950 et 1960, lamiddle class se heurte prsent aux mmesdifcults (chmage, sant, retraite) et partage les mmes doutes (cot delducation, mobilit sociale rduite, modle de croissance moins favorable

    aux salaires). Cette classe moyenne se trouve cartele entre lexplosionvers le haut des revenus, particulirement en ce qui concerne le 1 % quele mouvement Occupy Wall Street a montr du doigt, et uneunderclass que les politiques publiques ont du mal rduire ; entre des avantagesscaux dont bncient les plus riches et des politiques daide sociale queladministration Obama cherche tendre. Cest dailleurs tout le dossier duObamacare, qui vise tendre lassurance maladie tous les plus dfavorissmais aussi, voire surtout, aux fractions infrieures de la classe moyenne qui,salaries dans des PME, ne peuvent se permettre de payer les primes levesdes assurances prives.Les classes moyennes sont, aux tats-Unis comme en France, au cur desdbats politiques et des interrogations qui portent la fois sur les volutionsdes ingalits et sur les performances des politiques sociales. Et, comme enFrance, il nen a pourtant pas toujours t ainsi. Le dbat public amricainsest en effet longtemps canalis sur dautres thmes : les impts des plus aiss,

    lassistance, la pauvret des enfants ou encore le systme public des retraites.Avec cette focalisation sur les plus jeunes, les plus vieux, les plus riches etles plus pauvres, on ne trouvait pas de place pour des politiques visant leshommes et les femmes qui travaillent et gagnent modestement leur vie, savoir les familles actives de la classe moyenne. Ladministration Clinton sentait empare durant un temps, mais cest surtout ladministration Obamaqui, crise oblige, a plac ces classes moyennes au cur de ses proccupationset propositions.Le problme, pour le synthtiser, est donc celui de ces mnages situs entreles riches, qui peuvent aisment se payer une couverture sant de qualit,et les trs pauvres, couverts par les mcanismes dassistance. Il ressurgitmaintenant loccasion de toutes les campagnes lectorales. Au cours de ladcennie 2000, il a pris une place capitale dans lagenda politique. Pour enrendre compte, on peut passer par la prsentation des thses contenues dansune srie dessais qui ont connu un puissant succs durant ces annes.

    Un premier ouvrage, sign par luniversitaire Theda Skocpol en 2000,rappelle que la classe moyenne a longtemps t oublie des discours etorientations politiques7. Du dbut des annes 1970 la n de la dcennie1990, signale lauteure, les revenus rels des familles situes au milieude lchelle ont trs peu volu alors que, dans ces mnages, les femmes

    7. Theda Skocpol,The Missing Middle. Working Families and the Future of American Social Policy , W.W. Norton,2000.

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    travaillent en moyenne quinze semaines de plus par an. Ces familles modestesconnaissent des difcults croissantes avec un systme de couverture santmoins performant. Pour Skocpol l oubli de la classe moyenne est nde la mise en balance des besoins des parents, des enfants et des grands-

    parents. Les grands perdants de ces comparaisons sont donc les parentsqui travaillent. Ce sont les proccupations des personnes ges soutenuespar un lobbying performant (le pouvoir gris ) qui ont pris la placela plus importante sur lagenda politique, au dtriment des autres sujets.Depuis le dbut des annes 1970, tout le monde parle, mais sans grandestraductions concrtes, des parents et de leurs enfants. Les dmocratessont daccord pour que les mnages pauvres soient un sujet prioritaire, lesrpublicains afchent leur souhait de sauver les enfants de programmessociaux jugs destructeurs. La progression de la pauvret juvnile est vue,de tous les horizons politiques, comme un problme srieux. Progressisteset conservateurs ont cependant des apprciations contraires du phnomne.Au-del de ces dbats, les familles ordinaires se trouvent, selon Skocpol,confrontes des ds matriels et moraux sans prcdent, entre autres pource qui relve de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. suivre lauteure, elles ont t laisses de ct car ni les progressistes ni

    les conservateurs nont rellement quelque chose de consistant dire surla situation du vaste ensemble des familles aux revenus modestes et auxopinions plutt modres. Pour Skocpol, la plus grande transformation deces dernires dcennies aura t lentre massive sur le march du travail desfemmes maries, mme quand elles ont de trs jeunes enfants. Paralllementaux familles monoparentales, cest en effet le nombre de familles biactivesqui augmente. Les foyers amricains vivent dsormais sur deux revenus. En1960, on comptait 60 % de mnages monoactifs, contre 20 % en 1990. Lafamille biparentale et biactive est assurment ce que la plupart des Amricainsconsidrent maintenant comme le modle normal, voire idal. La positionde Skocpol est simple et ambitieuse : il faut adapter le systme amricainde protection sociale la nouvelle donne des familles des classes moyennes.Les valeurs et les objectifs quelle soutient ont t pouss par une partie desdmocrates, et un temps par Bill Clinton. Le thme de la classe moyenne oublie a bien merg, mais il a t progressivement oubli dans les

    dcisions prises, jusquaux chocs conomiques de la n de la dcennie.Dans un assaut contre les ingalits, lconomiste de la Cornell UniversityRobert Frank signale combien, son avis, leur progression aux tats-Unisa pu avoir un impact nfaste sur la classe moyenne8. Coauteur avec PhilipCook du clbreThe Winner-Take-All Society , qui fustigeait une socit de

    8. Robert H. Frank,Falling Behind. How Rising Inequality Harms the Middle Class , University of California Press,1997.

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    march o le gagnant ramasse toute la mise, Frank dbute par un rappel desfaits. De 1949 1979, les ressources des Amricains ont augment peu prsdans les mmes proportions pour les diffrentes strates de la population. De1980 2000, le revenu moyen des 20 % les plus dfavoriss na augmentque de 9 %, celui des 20 % se situant au centre de la distribution a progressde 15 %, quand celui des 20 % les plus aiss sest accru de 68 %. Parmi cesderniers, les 1 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de plus de200 %. Autre statistique rappele par Frank : en 1980, les patrons des 200plus grandes entreprises gagnaient 42 fois plus que lemploy moyen ; en2000, ils gagnaient 500 fois plus. Frank martle que tout est contexte etcomparaison. la faon de Pierre Bourdieu, aurait pu signaler Frank, nous

    sommes soucieux de classements et, partant, inquiets de dclassements. Aveclexplosion des revenus des riches et la faible progression de ceux de la classemoyenne, ce qui est jug ncessaire est devenu plus coteux, notammentpour limmobilier (nombre de pices, quipements, amnagement intrieur,localisation). Pour tenter de suivre le rythme de consommation des riches,les mnages de la classe moyenne ont t forcs de travailler davantage,de sendetter, de passer plus de temps dans les transports. En un mot, lavie de la classe moyenne sest certes amliore, mais bien moins que ce quiaurait t possible si les ingalits avaient t plus restreintes. Do uneprconisation majeure, rebours de la politique conduite sous GeorgeBush : laugmentation des impts, en particulier des impts progressifs, pournancer des services publics, ceux-ci devant dabord bncier des classesmoyennes que Frank juge sacries .Le foss qui, incontestablement, slargit entre les plus riches (disons les 1 %et, parmi eux, les 0,1 % les mieux lotis) et le reste de la population est encore

    dcrit et expliqu par deux enseignants amricains de science politique, Jacob Hacker et Paul Pierson9, qui disculpent dabord les traditionnelsaccuss (la globalisation nancire ou le changement technologique), puis,revenant sur quarante ans dhistoire politique, soutiennent que cest toutelaction publique amricaine qui a t dtourne au prot des super-riches etau dtriment de la classe moyenne. La thse, qui nest pas forcment neuvemais qui est bien amene, nous plonge dans les arcanes dune dmocratieproblmatique. Depuis les annes 1970, que le pouvoir soit dans les mains

    des dmocrates ou des rpublicains, ce sont les mieux organiss (les plusaiss) qui ont su faire valoir leurs positions et propositions (en termes debaisse dimpts, notamment, ou de drgulation). En un mot, lebig business a pris le pouvoir Washington. Lhyperconcentration de la richesse a

    9. Jacob S. Hacker et Paul Pierson,Winner-Take-All Politics. How Washington Made the Rich Richer And TurnedIts Back on the Middle Class , Simon & Schuster, 2010.

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    transform le pays en un Richistan , pour reprendre le terme des auteurs,vivant aux dpens de lamiddle class , majoritaire mais moins puissante. Et cenest pas lconomie qui est en cause. Cest la politique.En raison de la situation dgrade de samiddle class , cest toute lAmriquequi serait dliquescente. Abandon des classes moyennes et incurie delestablishment sont dcrits par la clbre Arianna Hufngton dans un essaipolmique10. Cofondatrice et directrice du site inuent The Hufngton Post,cette ditorialiste, passe du conservatisme au progressisme, a pris la dfensedes classes moyennes. Celles-ci, selon elle, constitueraient la colonnevertbrale de la nation et auraient t abandonnes par les responsablespolitiques. Appuyant son analyse sur des rcits de familles dclasses, des

    extraits de tlralit et une multitude dtudes et de coupures de presse,lauteur dpeint les victimes de la crise immobilire de la n des annes2000. Elle relate la multiplication des saisies, les centaines de milliards dedollars de perte de valeur immobilire, et avec des accents misrabilistes la situation actuelle dun pays o, nous dit-elle, 2 % des enfants seraient sansabri (ce qui est parfaitement excessif). Hufngton souligne lenrichissementdes trs riches et la stagnation (voire la rgression) des revenus des autres.Elle met en parallle, dune part, les sommes gigantesques injectes, aprs2007, dans le sauvetage du systme bancaire et dans le secteur militaire, et,dautre part, celles conomises dans le cadre du dsengagement des servicessociaux. Son ide-force tient dans la trahison et l arnaque dont seraitvictime la classe moyenne. Tout serait li la cupidit de llite, la fusion entre Washington et Wall Street. Sa dnonciation du systme politique pourripar les lobbies se double dun tableau, souvent exagr, dune Amrique dlabre , aux infrastructures obsoltes et aux rseaux archaques. En unmot, les tats-Unis deviendraient actuellement un pays du tiers-monde avec,dun ct, les trs riches et, de lautre, tous les autres. Le titre de lditionoriginale tait mmeThird World America ( LAmrique du tiers-monde ).Toujours du ct dmocrate, ce sont deux anciens conseillers de Bill Clinton dont on se rappelle la formule : Its the economy stupid , qui ont prisla plume, avec un ton vif, pour soutenir la classe moyenne amricaine. Publiavant et pour la rlection de Barack Obama, louvrage de James Carville etStan Greenberg11, compilant donnes, dialogues des auteurs et entretiens, est

    une invitation xer la protection de la classe moyenne amricaine commepriorit absolue de laction publique. Sattaquer aux privilges des plus aiss,selon les deux auteurs, nest pas un retour la lutte des classes, mais une

    10. Arianna Huffington,LAmrique qui tombe. Comment les politiques ont trahi le rve amricain et abandonnla classe moyenne , Fayard, 2011 (1re d. 2010).11. James Carville et Stan Greenberg,Its the Middle Class Stupid! , Blue Rider Press, 2012.

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    question de survie pour le pays. Certes, il nest pas facile de faire entrer cetteclasse moyenne dans une bote de statistiques, mais ils rappellent que troisAmricains sur cinq estiment en faire partie. Les deux stratgistes politiquesont une dnition assez large de cet ensemble, qui va des familles tout justeau-dessus du seuil de pauvret celles qui disposent de 125 000 dollars paran. Moteur de lAmrique , cette catgorie centrale se distingue par sonengagement dans le travail, mais aussi par un relatif dclin de ses conditionsde vie, remettant donc en cause la clbreAmerican way of life . Sur les trentedernires annes, les mnages se situant autour du niveau de vie mdian ontvu leurs revenus augmenter jusqu la n des annes 1990, puis se stabiliser(effet Bush, selon les auteurs) et baisser (effet crise). Leur nombre annueldheures de travail a pourtant augment (200 heures de plus par rapport 1979), tout comme leur endettement. En un mot, tout va plus mal, et cepour la plus grande partie de la population des tats-Unis, tandis que les 1 %les plus aiss ont vu leurs conditions de vie samliorer plantureusement, ense dtachant dailleurs de lorbite des autres catgories. Quelles solutions ?Taxer massivement les plus riches et investir puissamment dans lducationet les quipements, tout en rduisant les dcits.Le camp progressiste et dmocrate nest pas le seul se soucier de lvolution

    de la stratication sociale et de lamiddle class amricaines. Dans le campconservateur, Charles Murray a lui aussi fait les mmes constats dinvolutionde la classe moyenne. Dans un livre que les deux prcdents auteurs recenssprsentent comme doctrinaire mais essentiel connatre, Murrayrevient sur les transformations rcentes de lamiddle class blanche et sur lascession de llite amricaine12. Alors quil a beaucoup crit sur les fracturesraciales, Murray analyse dans cet ouvrage les nouvelles sgrgations socialesdes tats-Unis. Une super classe (dont le nombre de personnes quila compose peut aller de quelques dizaines de milliers dindividus 5 %de la population) vit de plus en plus comme une vritable classe sociale,spare du reste de la socit. Plus riches et moins obses, plus diplmset au QI plus lev, ces individus connaissent une homogamie renforceet une concentration gographique accrue (dans des quartiers supercode postal ). La sgrgation territoriale passe, dabord, par le haut.Paralllement, la classe moyenne amricaine seffondre. Hommes et femmes

    ne se marient plus, ne sengagent plus dans la collectivit, gagnent moins,dpendent plus des transferts sociaux. Alors que les experts dmocrates, face ces ingalits de comportements, de situations et de destins, dnoncentune insupportable injustice que les pouvoirs publics doivent combattre,Murray crit que lessentiel doit venir dun sursaut civique dans toutes

    12. Charles Murray,Coming Apart. The State of White America, 1960-2010 , Crown Forum, 2012.

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    les composantes de la socit. Il en ressort un plaidoyer pour le mariage,lassiduit, la foi, lhonntet. Tente par le modle europen de dpensessociales (qui mnerait, selon Murray, la faillite), lAmrique doit se ressaisir.Le but nest pas de viser une mythique galit (que dmentent, toujoursselon Murray, neuroscience et gntique), mais dassurer un sentiment decommunaut et de responsabilit. Au nal, cet ouvrage est un brlot anti-galitaire dabord destin dune lite qui, valorisant des ides progressistespour tous, se comporte pour elle de faon conservatrice. Selon Murray, llitedevrait alors prcher pour que tout un chacun, notamment au sein de lamiddle class , se comporte comme elle. Cet ouvrage captivant, fait pour lacontroverse et dont les thses sont trs fortes, souligne sa faon que lamiddle class en tout cas le bas de la classe moyenne glisse dans une tripledchance : conomique, sociale et morale.La situation des classes moyennes amricaines, comprimes entre des richesplus riches et plus nombreux, et des pauvres un peu moins pauvres mais, euxaussi, plus nombreux, nest pas bonne. Et elle va encore, selon Tyler Cowen(lecteur, entre autres, de Charles Murray), empirer13. Sa thse centrale portesur la polarisation. Les gagnants (entre 10 et 15 % de la population), qui saventfaire fructier le numrique, vont prosprer et vivre de faon captivante.

    Les perdants, remplaables par des machines intelligentes et devenus ainsiinutiles et/ou dpossds de toute initiative, vont voir leurs revenus stagnerou baisser. En tat de subordination intgrale, ils passeront une partie deleur temps sous contrle total (des machines comme des consommateurs),et lautre partie en abrutissements vidos. Pour Cowen, leffritement desclasses moyennes et la croissance des ingalits, dans un pays vieillissant,ne conduiront donc pas lmeute mais labtissement. Au fond, laperspective nest pas neuve : il sagit de lannonce rcurrente des catastrophessociales attendre du progrs technique, ici automatisation et robotisationpousses leurs plus hauts niveaux. Selon Cowen, la fracture numrique vadgnrer en fracturation sociale, avec une intelligence articielle excluantles plus faibles intellectuellement. Il va au moins autant sagir de marketinget de design que dalgorithmes. Confronts une diminution des revenusmoyens, les Amricains vont demander des produits et services de plusfaible qualit, tout en rclamant des programmes sociaux plus rduits. La

    population, plus ge et moins aise, va aller vivre, tltravailler et tretlforme dans des territoires priurbains moins quips, mais moinscoteux. La classe moyenne typiquement amricaine sera conduite unefrugalit force. Le lecteur apprciera, ou non, ces pages sur luniversitcomme bureaucratie, qui risque dtre balaye par lenseignement distance,

    13. Tyler Cowen, Average Is Over. Powering America Beyond the Age of the Great Stagnation , Dutton, 2013.

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    ou encore ces dveloppements sur la science (naturelle ou conomique) quifera du chercheur un expert danalyse de donnes plutt quun thoricienperdu dans ses ides. Il nen reste pas moins, pour tous, un livre captivant,nourri de chiffres solides comme de rfrences de science-ction (MinorityReport, Gattaca, Star Trek ). Lensemble fait un peu penser Hannah Arendt(que Cowen ne cite pas) quand elle sinterrogeait sur lavenir de socits detravailleurs sans travail. Avec une perspective, ici, qui nest pas la rvolte nilapathie, mais la dfection et lhbtude.Sans appartenir au mme camp, loin de l, que Charles Murray et TylerCowen, Michael Sandel se penche sur la polarisation croissante de la socitamricaine. Le grand universitaire dHarvard regrette davantage quil ne

    prophtise le rtrcissement de la classe moyenne, en termes de situationssocio-conomiques mais aussi, plus fondamentalement, de valeurs. Sanscharge excessive, il propose le tableau critique dun monde o tout,progressivement, tend sacheter, au risque droder ce qui est vraimentvalable14. Sandel part dun constat : aux tats-Unis, notamment, tout estaujourdhui, effectivement ou potentiellement, vendre. Il en est ainsi desprisons, par exemple, o lon peut soffrir une cellule de meilleure qualit,ou des droits dimmigration (si lon peut investir 500 000 dollars). On peutaussi vendre ou louer une partie de son corps, ou encore se faire payerpour perdre son temps la place dun autre dans les les dattente. Cesmcanismes payants de coupe-le se gnralisent ainsi dans les attractions etdans les services publics. Le pire se trouvant, pour Sandel, dans ces systmesdont il dcrit lextension car sils amliorent le service pour quelques-uns, ilsdgradent en ralit lenvironnement pour tous. Les tarications diffrenciesdans des espaces collectifs comme les stades ne donnent prcisment plus de

    collectif mais une polarisation sociale grandissante entre une lite, qui peutse payer des services de haute qualit, et une population, qui y aspire sans lepouvoir. Avec, au centre, une classe moyenne qui stiole.

    Au-del de ces ouvrages, quelques illustrations bien senties apportent uneinformation claire. Sans se cantonner au cas amricain, on peut passer pardeux couvertures rcentes deThe Economist . Lhebdomadaire britannique,rendant dailleurs compte de certains des ouvrages que nous venons dvoquer(Tyler, Murray, Hufngton), estime que les classes moyennes sont en passedtre balayes par la rvolution numrique, vue comme une nouvellervolution industrielle, dtruisant les mtiers de cols blancs, si typiques des

    14. Michael J. Sandel,What Money Cant Buy. The Moral Limits of Markets, Farrar, Straus and Giroux, 2013.

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    classes moyennes. Cette dtrioration des conditions et positions des classesmoyennes est, dans ces analyses, mise au jour de manire gnrale maisconcerne trs particulirement et trs puissamment les tats-Unis15.

    The Economist , 18 janvier 2014

    Dans ce premier dossier, trs explicitepar la couverture, ce sont les emploisde bureau qui sont littralementbalays par le typhon de la rvolutionnumrique.

    The Economist , 29 mars 2014

    Dans ce second dossier, tout aussiexplicite, ce sont non seulement lesmtiers de bureau, mais aussi lesmtiers de la relation de services quisont remplacs par le numrique et larobotisation.

    Tous ces ouvrages chroniqus ici rapidement, avec leurs orientationsdiffrentes et parfois radicalement divergentes, soulignent les transformations

    de lamiddle class . Sur le temps dune gnration, la famille de lamiddle class aux tats-Unis a gagn un salaire, avec lactivit fminine, mais elle a vu son

    15. Une autre illustration visuelle, encore plus claire, provient dimages de centres commerciaux abandonns.Les malls ont t lincarnation de laccs la consommation des classes moyennes amricaines. Leurabandon, en raison de lessor du numrique, de la crise, de linscurit ou du changement de modes de viedes adolescents, est signe du dclin des classes moyennes, en tout cas de changement important dans leursmodalits de consommation (voir des photos sur le site http://www.buzzfeed.com/mjs538/completely-sur-real-pictures-of-americas-abandoned-malls).

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    pouvoir dachat stagner ou baisser, en raison des cots des assurances, delducation et des transports. Cliente de multiples crdits la consommation,cest en se surendettant quelle a cherch maintenir son train et son modede vie (avec la biactivit, la bimotorisation, deux enfants et deux cartes decrdit). Si certains auteurs exagrent quant leffondrement total de cettecatgorie centrale, tous argumentent, avec les mmes donnes, autour de cefait incontestable : lrosion de la classe moyenne. Le sujet, ct des relationsinternationales et des proccupations de scurit intrieure, est en premireplace des dossiers prioritaires. Rpublicains et dmocrates courtisent cettemiddle class , avec force propositions et explications qui fracturent lopinionamricaine. Bref, il y a entente sur la dgradation de la situation des classes

    moyennes16

    , mais les remdes font lobjet de querelles vigoureuses. Cest ce quoi est confronte ladministration Obama.

    RAGIR LA DMOYENNISATION :LES POSITIONS DE LADMINISTRATION OBAMA

    Le prsident Barack Obama est le premier prsident amricain mettreexplicitement laccent sur lamiddle class de manire si insistante. Si,depuis les annes 1990, le sujet a pu tre un des lments du dbat publicaccompagnant une lection prsidentielle, il est vraiment devenu lun despremiers dossiers lors des lections qui ont vu la victoire de Barack Obama.Celui-ci a innov et continue, notamment au cours de ses discours sur ltatde lUnion, mettre la question en avant. Cela a encore t le cas dbut 2014quand le Prsident a fait de la rduction des ingalits un objectif primordialpour son gouvernement. Annonant diverses mesures, dont laugmentationdu salaire minimum, il a donn une nouvelle fois la priorit la classemoyenne. Pendant ce discours, il a rendu hommage au prsident rpublicainde la Chambre des reprsentants, dont le pre tait grant dun bar. Suscitantchez lintress un lever de pouce complice, mais sans induire un accord surles propositions dmocrates.

    Informs dun dclassement objectivement indiscut et subjectivementlargement rpandu de lamiddle class, rpublicains et dmocrates sont daccord

    16. La sociologie et la statistique nourrissent mme, en commun, de nombreuses reprsentations gra-phiques et dynamiques du phnomne (voir, par exemple, lcrasement des classes moyennes (entredavantage de riches et davantage de pauvres) Chicago, entre 1970 et 2012 : http://thesocietypages.org/socimages/2014/04/03/chicagos-disappearing-middle-class/).

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    sur les constats mais sont en conit sur les explications et propositions. Quilsagisse de lvolution des salaires, de lemploi, de la couverture sociale (sant,retraites), de la mobilit sociale, de laccs lducation pour leurs enfants oudes perspectives dascension sociale, les classes moyennes sont aujourdhuidans une position moins favorable qu la n des annes 1990. Dans sondiscours sur ltat de lUnion, en 2010, le prsident Obama a mme voqu,avant le rapport du Pew Research Center, une dcennie perdue .Barack Obama sest prsent aux lections prsidentielles comme le candidatdes classes moyennes. Ds son arrive la Maison-Blanche, la rponse leurs difcults sest impose comme la ligne de cohrence du discours et duprogramme de la nouvelle administration. Le vice-prsident Joe Biden sest

    vu coner, pour le compte du Prsident, la responsabilit et la direction de laMiddle Class Task Force, de 2008 2012.Cette Task Force, typique de lorganisation administrative amricaine, a,pendant les quatre annes de son existence, t compose de reprsentantsde plusieurs dpartements ministriels (travail, sant, commerce) et desdiffrents conseils de lexcutif (notamment le Council of EconomicAdvisers). Elle a associ ses travaux des universitaires et des think tanks.Pour ladministration Obama, elle a constitu une plateforme de synthsepolitique. Il sagissait de montrer la contribution des diffrents domaines delaction gouvernementale (politique industrielle, politique environnementale,rforme de lassurance sant) la ralisation de lun des principauxengagements de cette administration : le renforcement des classes moyennesdont le revenu et les chances de promotion sociale ont eu tendance dclinerau cours de la prcdente dcennie. Cette Task Force a tenu des dizainesde runions, largement ouvertes au public, en diffrents lieux du territoire

    amricain, sur des thmes varis emplois verts, pensions, emploi, sant,famille et elle a publi, jusqu n 2012, des rapports de qualit etsuivi les volutions de la situation des classes moyennes, en proposant desvaluations de limpact des mesures en place ou des mesures voques17.Les analyses ralises par et pour cette Task Force considrent quelaffaiblissement du revenu des classes moyennes est li la baisseconjointe de lemploi industriel, de la comptitivit des tats-Unis et de lasyndicalisation dans les entreprises. Ces trois composantes du mal sontaussi les trois composantes du remde prconis par la Middle Class TaskForce de Joe Biden : enrayer le dclin industriel en multipliant les mesuresdencouragement lindustrie (notamment dans le domaine de lnergie et

    17. Pour plus de prcisions, voir www.whitehouse.gov/StrongMiddleClass/

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    maladie se traduirait invitablement par de nouvelles taxes et une limitationde la libert de choix concernant sa couverture sant.Pendant la campagne prsidentielle de 2012, chacun des deux camps a tenu, nouveau, se prsenter comme le meilleur protecteur et promoteur de ce

    cur conomique et social des tats-Unis. Les deux candidats, svertuanten propositions visant garantir lAmerican way of life pour lamiddle class ,se sont disputs cet lectorat. Signe de limportance et de la sensibilit dusujet, une gaffe du vice-prsident Biden, pourtant en charge du dossier, at largement commente. Lors dun meeting prcdant le premier dbatdes deux candidats, il a en effet mis en garde contre toute nouvelle atteinte,sur le plan scal, qui accablerait des classes moyennes, dj dvastesdepuis quatre ans , autrement dit sous le mandat Obama. Charg depromouvoir et protger les classes moyennes, le vice-prsident prenait actede leur dvastation sur le temps de son mandat. La gaffe, cependant, na past politiquement fatale.Aprs sa victoire, Barack Obama sest encore prsent, au dbut de sonsecond mandat, en dfenseur de la classe moyenne frappe par les difcultsconomiques. Dans son discours de dbut 2013 sur ltat de lUnion, il advoil son programme, en lanant un nouvel appel au compromis devant

    un Congrs divis. La cl de son propos tait de chercher rallumer levritable moteur de la croissance conomique amricaine, une classemoyenne vigoureuse et prospre . Souhaitant relever le salaire minimumpour lutter contre le phnomne des travailleurs pauvres, lancer un plandinvestissement pour la rfection des routes et des ponts, augmenter lesimpts des plus riches, investir pour que chaque enfant puisse aller lcolematernelle, il sest trouv confront la vive opposition de la Chambredes reprsentants, majoritairement rpublicaine. Mais si ses propositions

    concrtes se sont heurtes des barrages techniques et politiques, son ide-force consistant retrouver une classe moyenne ascendante et prospre a t trs bien reue.De toutes les volutions politiques et idologiques rcentes, il ressort que lamiddle class amricaine, plus que sacrie et oublie, est, dabord, dispute.Toutefois, en mettant la dispute politique de ct, force est de constater quele sujet est essentiel pour lavenir des tats-Unis. Les mesures conjoncturellesqui ont consist, du ct des mnages, sendetter et, du ct des pouvoirspublics, tenter de maintenir un pouvoir dachat et des services de qualit (ensendettant galement) ne permettent pas dendiguer la dmoyennisation du pays. Celle-ci, annonce donc depuis des dcennies, prcisment observedepuis 2000, commande des rformes structurelles. Si elles sont seulementpossibles. La dynamique amricaine de dmoyennisation conduit

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    une division toujours plus marque au sein de la population amricaine.Dun ct de cette polarisation croissante, il y a les services ne ncessitantpas de qualication et, de lautre, ceux hautement qualis dont les talentsschangent sur un march mondial. Au centre, les activits industriellescontinuent pricliter.

    CONCLUSION

    Avec la polarisation des revenus, des mtiers et des mnages, les tats-Unisconnaissent cette dualisation amenant ce qui, en France, a t annonc,sans tre empiriquement totalement vri, comme une socit en sablier18.Mieux, on pourrait dire que les tats-Unis retournent une socit enpyramide , avec une toute petite lite richissime de salaris de la nanceet un socle de personnes leur fournissant les services ncessaires un modede vie dexception. Au centre, la largemiddle class , rendue inutile, ne

    trouve quune place rduite entre les concepteurs et les excutants entre, dun ct, les manipulateurs de symbole et autres membres de la classe crative19 , et, de lautre, un univers peu organis et peu solidairedemploys et douvriers de service.Aux tats-Unis, la mtaphore dunehourglass society ( socit en sablier ,donc) est peu commune mais commence tre utilise dans certainscercles acadmiques. Elle incarne cette dmoyennisation luvreet cette proltarisation, encore relative, de lamiddle class . Pour forcer letrait, imaginons un Marx ressuscit qui verrait sa prdiction dinluctableproltarisation des classes moyennes se raliser au pays du capitalisme etdu libralisme Reste que la proltarisation demeure bien relative et quela dmoyennisation nest certainement pas inluctable. Mais elle est,actuellement, bien palpable20.

    18. Pour des descriptions en ces termes, voir Alain Lipietz,La Socit en sablier. Le partage du travail contre ladchirure sociale , La Dcouverte, 1996, et Jean-Marc Vittori, op. cit.19. Ces deux expressions, qui ont fait ors, sont respectivement des deux penseurs stratosphriques RobertReich, et de Richard Florida.20. Et plus que palpable, elle fait rgulirement lobjet de dossiers et denqutes trs fouilles. Voir rcemment,par exemple, dans leNew York Times, les articles Americas Sinking Middle Class (18 septembre 2013), etcelui, dj cit The American Middle Class Is No Longer the Worlds Richest (22 avril 2014).

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    ANNEXE

    Quatre schmas pour se reprsenter les classes moyennes

    On peut trouver dans la littrature quatre reprsentations habituelles des classesmoyennes. Celles-ci ne se comprennent que dans le cadre dune straticationsociale, cest--dire en les diffrenciant, dune part, des classes suprieures ou favorises et, dautre part, des classes infrieures ou dfavorises .Ces quatre schmas autorisent surtout quelques commentaires sur la situationcontemporaine des classes moyennes et les dynamiques qui les affectent, lafois dans les pays traditionnellement dvelopps et dans les pays mergents.Les classes moyennes occidentales sont reprsentes, par des experts

    optimistes, sous forme de montgolre, ou, par des experts pessimistes, sousforme de sablier. Pour les classes moyennes mergentes, cest limage de lapyramide qui prvaut.

    La montgolre La mtaphore et le graphique en forme de montgolredessinent une classe moyenne centrale et ascendante,avec une classe aise peu importante et des catgoriespauvres rduites. Limage est celle dun progrs commun,entran par le dynamisme des classes moyennes.Lillustration typique est celle des socits occidentales moyennises au cours des Trente Glorieuses, avecascension des classes moyennes. La plupart des pays delOCDE, mme sils sont affects conjoncturellementpar la pauvret et structurellement par la crise de leursclasses moyennes, ressemblent cette montgolre,

    mme si celle-ci monte moins vite.

    Le diamant Le graphique en forme de diamant ou, plus prcisment,de carr pos sur lun de ses pieds est plus un projetquune ralit. Cest celui dune socit quilibre, avecune classe moyenne trs garnie, avec une lite et unepopulation pauvre, toutes deux trs rduites. Cestlincarnation ou linterprtation mtaphorique detoutes les philosophies (dAristote Tocqueville) quiont insist sur limportance de ces classes moyennespour une vie politique saine.

    Lillustration est celle de socits idalises avecune tripartition quilibre. En termes de marchs, ilsagirait de socits dindiffrenciation.

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    Classes favorises

    Classes dfavorises

    Les classesmoyennes

    Classes favorises

    Classes dfavorises

    Les classesmoyennes

    F o n

    d a

    t i o n

    p o u r

    l i n n o v a

    t i o n

    p o

    l i t i q u e

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    Le sablier Le sablier est une mtaphore de lrosion des classesmoyennes, avec une classe moyenne disloquepar enrichissement de sa strate suprieure etappauvrissement de sa classe infrieure. Cest limage,commune maintenant en Occident, dun effondrementprogressif. La mort des classes moyennes serait contenuedans les ralits amenes par la socit postindustrielle.Tout ce qui est milieu et moyen seffacerait du fait dela nouvelle rvolution industrielle, de lcrasementdes hirarchies, de lclatement de la production entre

    haut et bas de gamme, abandonnant prcismenttout ce qui se situe au milieu. Alors que limage,tablie rtrospectivement, de la montgolre signaleune lvation collective, celle du sablier annonce uneprogressive dcrpitude, associe une dualisation.Cest, surtout, la promesse dascension sociale quivient faire dfaut.

    La pyramide Outil classique de la reprsentation dmographiquedes ges, la pyramide est galement utile pourreprsenter une stratication sociale. On y trouve unelite trs rduite, des populations pauvres trs largeset une classe moyenne qui, pour tre centrale dans lapyramide, nest pas forcment de grande taille. On

    trouve l typiquement les pays mergents, avec desclasses moyennes naissantes. La logique de marchsest celle du luxe pour le segment restreint (mais fort pouvoir dachat) des classes favorises, du BOP(bottom of the pyramid ) pour les moins favoriss quipeuvent accder la consommation, et la questionspcique de ces classes moyennes satisfaire, non parle luxe quelles ne peuvent pas encore soffrir, ni par les

    produits et services de base dont elles disposent dj.En termes de reprsentation, cette pyramide peut, poursintresser la consommation, tre calque sur laclbre pyramide de Maslow de hirarchie des besoins.

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    SRIE : CLASSES MOYENNES

    Portrait des classes moyennesLaure Bonneval, Jrme Fourquet,Fabienne Gomant, octobre 2011, 36 pages

    Les classes moyennes dans les paysmergents Julien Damon, avril 2013, 38 pages

    Le vote des classes moyenneslisabeth Dupoirier, novembre 2011, 40 pages

    Les classes moyennes et le logement Julien Damon, dcembre 2011, 40 pages

    Les classes moyennes et le crditNicolas Pcourt, octobre 2011, 32 pages

    Pour une complmentaire ducation :lcole des classes moyennesErwan Le Noan, Dominique Reyni,novembre 2014, 56 pages

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    Pour une complmentaire ducation : lcole des classes moyennesErwan Le Noan, Dominique Reyni, novembre 2014, 56 pagesLantismitisme dans lopinion publique franaise. Nouveaux clairagesDominique Reyni, novembre 2014, 48 pagesLa politique de concurrence : un atout pour notre industrieEmmanuel Combe, novembre 2014, 48 pagesuropennes 2014 (2) : pousse du FN, recul de lUMP et vote breton

    Jrme Fourquet, octobre 2014, 52 pagesuropennes 2014 (1) : la gauche en miettes

    Jrme Fourquet, octobre 2014, 40 pagesInnovation politique 2014Fondation pour linnovation politique, PUF, octobre 2014, 554 pagesnergie-climat : pour une politique efficaceAlbert Bressand, septembre 2014, 56 pagesLurbanisation du monde. Une chance pour la FranceLaurence Daziano, juillet 2014, 44 pagesQue peut-on demander la politique montaire ?Pascal Salin, mai 2014, 48 pagesLe changement, cest tout le temps ! 1514 - 2014Suzanne Baverez et Jean Sni, mai 2014, 34 pagesTrop dmigrs ? Regards sur ceux qui partent de France Julien Gonzalez, mai 2014, 48 pagesLOpinion europenne en 2014Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de Repres, avril 2014, 284 pagesTaxer mieux, gagner plusRobin Rivaton, avril 2014, 38 pagesL tat innovant (2) : Diversier la haute administrationKevin Brookes et Benjamin Le Pendeven, mars 2014, 52 pagesL tat innovant (1) : Renforcer les think tanksKevin Brookes et Benjamin Le Pendeven, mars 2014, 52 pagesPour un new deal scalGianmarco Monsellato, mars 2014, 8 pagesFaire cesser la mendicit avec enfants Julien Damon, mars 2014, 48 pagesLe low cost, une rvolution conomique et dmocratiqueEmmanuel Combe, fvrier 2014, 48 pagesUn accs quitable aux thrapies contre le cancerNicolas Bouzou, fvrier 2014, 48 pages

    NOS DERNIRES PUBLICATIONS

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    Rformer le statut des enseignantsLuc Chatel, janvier 2014, 8 pagesUn outil de nance sociale : les social impact bondsYan de Kerorguen, dcembre 2013, 36 pagesPour la croissance, la dbureaucratisation par la conancePierre Pezziardi, Serge Soudoplatoff et Xavier Qurat-Hment, novembre 2013,48 pagesLes valeurs des FranciliensGunalle Gault, octobre 2013, 36 pages Sortir dune grve tudiante : le cas du Qubec Jean-Patrick Brady et Stphane Paquin, octobre 2013, 40 pagesUn contrat de travail unique avec indemnits de dpart intgresCharles Beigbeder, juillet 2013, 8 pagesLOpinion europenne en 2013Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de Repres, juillet 2013, 268 pagesLa nouvelle vague des mergents : Bangladesh, thiopie, Nigeria, Indonsie,Vietnam, MexiqueLaurence Daziano, juillet 2013, 40 pagesTransition nergtique europenne : bonnes intentions et mauvais calculsAlbert Bressand, juillet 2013, 44 pages

    La dmobilit : travailler, vivre autrement Julien Damon, juin 2013, 44 pagesL KAPITAL. Pour rebtir lindustrieChristian Saint-tienne et Robin Rivaton, avril 2013, 42 pagesCode thique de la vie politique et des responsables publics en FranceLes Arvernes, Fondation pour linnovation politique, avril 2013, 12 pagesLes classes moyennes dans les pays mergents Julien Damon, avril 2013, 38 pages

    Innovation politique 2013Fondation pour linnovation politique, PUF, janvier 2013, 652 pagesRelancer notre industrie par les robots (2) : les stratgiesRobin Rivaton, dcembre 2012, 32 pagesRelancer notre industrie par les robots (1) : les enjeux Robin Rivaton, dcembre 2012, 40 pagesLa comptitivit passe aussi par la scalitAldo Cardoso, Michel Didier, Bertrand Jacquillat, Dominique Reyni, Grgoire

    Sentilhes, dcembre 2012, 20 pagesUne autre politique montaire pour rsoudre la criseNicolas Goetzmann, dcembre 2012, 40 pagesLa nouvelle politique scale rend-elle lISF inconstitutionnel ?Aldo Cardoso, novembre 2012, 12 pagesFiscalit : pourquoi et comment un pays sans riches est un pays pauvreBertrand Jacquillat, octobre 2012, 32 pages

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    Youth and Sustainable DevelopmentFondapol/Nomadis/United Nations, juin 2012, 80 pagesLa philanthropie. Des entrepreneurs de solidaritFrancis Charhon, mai / juin 2012, 44 pagesLes chiffres de la pauvret : le sens de la mesure Julien Damon, mai 2012, 40 pagesLibrer le nancement de lconomieRobin Rivaton, avril 2012, 40 pagesLpargne au service du logement social Julie Merle, avril 2012, 40 pagesLOpinion europenne en 2012Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de Repres, mars 2012, 210 pagesValeurs partagesDominique Reyni (dir.), PUF, mars 2012, 362 pagesLes droites en uropeDominique Reyni (dir.), PUF, fvrier 2012, 552 pagesInnovation politique 2012Fondation pour linnovation politique, PUF, janvier 2012, 648 pagesLcole de la libert : initiative, autonomie et responsabilitCharles Feuillerade, janvier 2012, 36 pagesPolitique nergtique franaise (2) : les stratgiesRmy Prudhomme, janvier 2012, 44 pagesPolitique nergtique franaise (1) : les enjeux Rmy Prudhomme, janvier 2012, 48 pagesRvolution des valeurs et mondialisationLuc Ferry, janvier 2012, 40 pagesQuel avenir pour la social-dmocratie en urope ?Sir Stuart Bell, dcembre 2011, 36 pagesLa rgulation professionnelle : des rgles non tatiques pour mieux responsabiliser Jean-Pierre Teyssier, dcembre 2011, 36 pagesLhospitalit : une thique du soinEmmanuel Hirsch, dcembre 2011, 32 pages12 ides pour 2012Fondation pour linnovation politique, dcembre 2011, 110 pagesLes classes moyennes et le logement

    Julien Damon, dcembre 2011, 40 pagesRformer la sant : trois propositionsNicolas Bouzou, novembre 2011, 32 pagesLe nouveau Parlement : la rvision du 23 juillet 2008 Jean-Flix de Bujadoux, novembre 2011, 40 pagesLa responsabilitAlain-Grard Slama, novembre 2011, 32 pages

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    Le vote des classes moyenneslisabeth Dupoirier, novembre 2011, 40 pagesLa comptitivit par la qualitEmmanuel Combe et Jean-Louis Mucchielli, octobre 2011, 32 pages

    Les classes moyennes et le crditNicolas Pcourt, octobre 2011, 32 pagesPortrait des classes moyennesLaure Bonneval, Jrme Fourquet, Fabienne Gomant, octobre 2011, 36 pagesMorale, thique, dontologieMichel Maffesoli, octobre 2011, 40 pages Sortir du communisme, changer dpoqueStphane Courtois (dir.), PUF, octobre 2011, 672 pages

    La jeunesse du mondeDominique Reyni (dir.), ditions Lignes de Repres, septembre 2011, 132 pagesPouvoir dachat : une politiqueEmmanuel Combe, septembre 2011, 52 pagesLa libert religieuseHenri Madelin, septembre 2011, 36 pagesRduire notre dette publique Jean-Marc Daniel, septembre 2011, 40 pages

    cologie et libralismeCorine Pelluchon, aot 2011, 40 pagesValoriser les monuments historiques : de nouvelles stratgiesWladimir Mitrofanoff et Christiane Schmuckle-Mollard, juillet 2011, 28 pagesContester les technosciences : leurs raisonsEddy Fougier, juillet 2011, 40 pagesContester les technosciences : leurs rseaux Sylvain Boulouque, juillet 2011, 36 pagesLa fraternitPaul Thibaud, juin 2011, 36 pagesLa transformation numrique au service de la croissance Jean-Pierre Corniou, juin 2011, 52 pagesLengagementDominique Schnapper, juin 2011, 32 pagesLibert, galit, FraternitAndr Glucksmann, mai 2011, 36 pagesQuelle industrie pour la dfense franaise ?Guillaume Lagane, mai 2011, 26 pagesLa religion dans les affaires : la responsabilit sociale de lentrepriseAurlien Acquier, Jean-Pascal Gond, Jacques Igalens, mai 2011, 44 pagesLa religion dans les affaires : la nance islamiqueLila Guermas-Sayegh, mai 2011, 36 pages

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    O en est la droite ? LAllemagnePatrick Moreau, avril 2011, 56 pagesO en est la droite ? La Slovaquietienne Boisserie, avril 2011, 40 pages

    Qui dtient la dette publique ?Guillaume Leroy, avril 2011, 36 pagesLe principe de prcaution dans le mondeNicolas de Sadeleer, mars 2011, 36 pagesComprendre le Tea PartyHenri Hude, mars 2011, 40 pagesO en est la droite ? Les Pays-BasNiek Pas, mars 2011, 36 pages

    Productivit agricole et qualit des eaux Grard Morice, mars 2011, 44 pagesL au : du volume la valeur Jean-Louis Chaussade, mars 2011, 32 pagesau : comment traiter les micropolluants ?Philippe Hartemann, mars 2011, 38 pagesau : ds mondiaux, perspectives franaisesGrard Payen, mars 2011, 62 pages

    Lirrigation pour une agriculture durable Jean-Paul Renoux, mars 2011, 42 pagesGestion de leau : vers de nouveaux modlesAntoine Frrot, mars 2011, 32 pagesO en est la droite ? LAutrichePatrick Moreau, fvrier 2011, 42 pagesLa participation au service de lemploi et du pouvoir dachat Jacques Perche et Antoine Pertinax, fvrier 2011, 32 pagesLe tandem franco-allemand face la crise de leuroWolfgang Glomb, fvrier 2011, 38 pages2011, la jeunesse du mondeDominique Reyni (dir.), janvier 2011, 88 pagesLOpinion europenne en 2011Dominique Reyni (dir.), dition Lignes de Repres, janvier 2011, 254 pages Administration 2.0Thierry Weibel, janvier 2011, 48 pagesO en est la droite ? La BulgarieAntony Todorov, dcembre 2010, 32 pagesLe retour du tirage au sort en politiqueGil Delannoi, dcembre 2010, 38 pagesLa comptence morale du peupleRaymond Boudon, novembre 2010, 30 pages

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    O en est la droite ? La Grande-BretagneDavid Hanley, avril 2010, 34 pagesRenforcer le rle conomique des rgionsNicolas Bouzou, mars 2010, 30 pages

    Rduire la dette grce la Constitution Jacques Delpla, fvrier 2010, 54 pages Stratgie pour une rduction de la dette publique franaiseNicolas Bouzou, fvrier 2010, 30 pagesO va l glise catholique ? Dune querelle du libralisme lautremile Perreau-Saussine, octobre 2009, 26 pageslections europennes 2009 : analyse des rsultats en urope et en FranceCorinne Deloy, Dominique Reyni et Pascal Perrineau, septembre 2009,

    32 pagesRetour sur lalliance sovito-nazie, 70 ans aprsStphane Courtois, juillet 2009, 16 pagesL tat administratif et le libralisme. Une histoire franaiseLucien Jaume, juin 2009, 12 pagesLa politique europenne de dveloppement : Une rponse la crise de la mondi-alisation ? Jean-Michel Debrat, juin 2009, 12 pagesLa protestation contre la rforme du statut des enseignants-chercheurs : dfensedu statut, illustration du statu quo.Suivi dune discussion entre lauteur et Bruno BensassonDavid Bonneau, mai 2009, 20 pagesLa lutte contre les discriminations lies lge en matire demploilise Muir (dir.), mai 2009, 64 pagesQuatre propositions pour que l urope ne tombe pas dans le protectionnismeNicolas Bouzou, mars 2009, 12 pages Aprs le 29 janvier : la fonction publique contre la socit civile ? Une question de

    justice sociale et un problme dmocratiqueDominique Reyni, mars 2009, 22 pagesLOpinion europenne en 2009Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de Repres, mars 2009, 237 pagesTravailler le dimanche: quen pensent ceux qui travaillent le dimanche ?Sondage, analyse, lments pour le dbatDominique Reyni, janvier 2009, 18 pages

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