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L’ AMANT D’UN JOUR UN FILM DE PHILIPPE GARREL TÉLÉRAMA LIBÉRATION POSITIF LES CAHIERS DU CINÉMA LE MONDE L’HUMANITÉ LES INROCKUPTIBLES BANDE À PART “UNE OEUVRE CONTEMPORAIRE ET CLASSIQUE, D’UN INCONSTESTABLE MODERNITÉ. […] PHILIPPE GARREL DÉROULE SON ART” “UN CHEF D’ŒUVRE. L’AMANT D’UN JOUR S’INSCRIT DANS LA CONTINUITÉ D’UNE SÉRIE DE FILMS POINTILLISTES, AUSSI CONCIS QUE DES NOUVELLES, BROSSÉS DANS DE SPLENDIDES LAVIS EN “UN NOUVEAU GARREL À PROMENER AVEC SOI.” “DEUX SCÈNES SEULEMENT ET LE DERNIER FILM DE GARREL EST DÉJÀ AU-DESSUS DE TOUT CE QU’ON A VU RÉCEMMENT.” “PHILIPPE GARREL CÉLÈBRE L’HUMAIN DANS SES MOINDRES RECOINS, DANS SES MOINDRES FRÉMISSEMENTS. CEUX DE L’ÂME ET DU CŒUR. UN DÉFRICHAGE EXISTENTIEL TOTAL, QUE SON ŒUVRE ENTIÈRE EXPOSE AVEC BRIO SANS CESSE RENOUVELÉ.” “C’EST LE SOMMET DE L’ART : LA SIMPLICITÉ.” “AUCUN CINÉASTE NE SAIT SAISIR CES SENTIMENTS AUSSI INTENSÉMENT.”

L’ AMANT D’UN JOUR - PANAME DISTRIBUTION...dévale les escaliers de l’université, pour rejoindre un amant dans les toileXes et jouir de son étreinte. Une seconde jeune femme

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L’ AMANT D’UN JOUR !!

UN FILM DE PHILIPPE GARREL !

TÉLÉRAMA

LIBÉRATION

POSITIF

LES CAHIERS DU CINÉMA

LE MONDE

L’HUMANITÉ

LES INROCKUPTIBLES

BANDE À PART

“UNE OEUVRE CONTEMPORAIRE ET CLASSIQUE, D’UN INCONSTESTABLE MODERNITÉ. […] PHILIPPE GARREL DÉROULE SON ART”

“UN CHEF D’ŒUVRE. L’AMANT D’UN JOUR S’INSCRIT DANS LA CONTINUITÉ D’UNE SÉRIE DE FILMS POINTILLISTES, AUSSI CONCIS QUE DES NOUVELLES, BROSSÉS DANS DE SPLENDIDES LAVIS EN

“UN NOUVEAU GARREL À PROMENER AVEC SOI.”

“DEUX SCÈNES SEULEMENT ET LE DERNIER FILM DE GARREL EST DÉJÀ AU-DESSUS DE TOUT CE QU’ON A VU RÉCEMMENT.”

“PHILIPPE GARREL CÉLÈBRE L’HUMAIN DANS SES MOINDRES RECOINS, DANS SES MOINDRES FRÉMISSEMENTS. CEUX DE L’ÂME ET DU CŒUR. UN DÉFRICHAGE EXISTENTIEL TOTAL, QUE SON

ŒUVRE ENTIÈRE EXPOSE AVEC BRIO SANS CESSE RENOUVELÉ.”

“C’EST LE SOMMET DE L’ART : LA SIMPLICITÉ.”

“AUCUN CINÉASTE NE SAIT SAISIR CES SENTIMENTS AUSSI INTENSÉMENT.”

! !“L’Amantd’unjour”:l’amour,cecontecrueltoujoursrecommencé

LecinéastePhilippeGarrelintègrecettefoisl’amitiéféminineàsapeinturedessentiments.!L’avisdu“Monde”:chefd’œuvre!

LedernierfilmendatedePhilippeGarrel,l’ex-pe5tfrèresoixante-huitarddelaNouvelleVague,aujourd’huil’undesplusgrandspeintresdenosfluctua5onsin5mesetsen5mentales,sortensallesdanslafouléedesaprésenta5onàlaQuinzainedes réalisateurs, àCannes, dont il revient récompenséduprix de la SACD (exæquoavecUnbeau soleilintérieur,deClaireDenis).L’Amantd’unjours’inscritdanslacon5nuitédurécentviragenégociéparGarrelavecLaJalousie(2013)etL’Ombredesfemmes (2015), qui dessinent une série de films poin5llistes, aussi concis que des nouvelles, brossés dans desplendideslavisennoiretblanc,etconsacrésàchaquefoisaurécitpar5culierd’un«épisode»amoureux.Sériequisedis5ngue non seulement par sa neXeté d’exécu5on et sa justesse synthé5que, mais aussi par la mise au jour deschémassecrets,enfouisaucœurdescomportementsamoureux,etdont larévéla5ondélicatedonneàchacundesfilmsl’allured’apologuessansemphase.L’Amantd’unjours’ouvre,defaçonfrappante,surdeuxpicsd’intensitéconsécu5fs.Uneétudiante(LouiseChevilloXe)dévale lesescaliersde l’université,pourrejoindreunamantdans les toileXeset jouirdesonétreinte.Unesecondejeunefemme(EstherGarrel),miseàlaportedechezsonpe5tami,s’écroulesurletroXoiretfondenlarmes.Entrel’orgasme et les pleurs, deux cris déchirent liXéralement la bande-son, avec une violence saisissante, comme pourrendreimmédiatementprésentslesdeuxpersonnagesféminins(au-delàdetoutecaractérisa5onpsychologique).Deuxcrisqui les iden5fient l’uneà l’autre,car issusd’émo5onsprimales,mais lesdissocientdansunmêmemouvement,puisqu’ilsappar5ennentauxdomaines inversésduplaisiretde ladouleur.L’étudiantevitunehistoired’amouravecsonprofesseurdephilosophie(EricCaravaca),dontellepartagel’appartement.Laseconden’estautrequelaproprefilledecedernier,venuefrapperàsaporteàlasuitedesarupture,etdevantdonccohabiteravecceXeconcubinequialemêmeâgequ’elle.Lesdeuxjeunesfemmessesou5ennentmutuellement,l’unepoursurmonterlestourmentsdela sépara5on, l’autrepourcacher ses fréquentes incartades.Des secretspartagés (une tenta5vedesuicideavortée,desphotoscompromeXantes)lesliguentdansledosdupère,maisleursethosamoureux,entouspointsopposés,lesconduisentàleurinsuàse5rerdanslespaXes.!Desaffectscontraires!C’estlapremièrefois,àtraverssesdeuxhéroïnes,quePhilippeGarrelinves5tavecautantd’aXen5on,etdansledétail,lemo5fdel’ami5éféminine,quis’ouvreicicommeuncontrechampàlarela5onhomme-femme,d’ordinairecardinaledanssoncinéma.Lecinéasteconstatetoujoursunedualitéirrémédiableentrelessexes(«Onfonc5onnepaspareil»,lâchel’étudiante),maisobservéeceXefoisàpar5rd’unesororitémimé5que.L’élémentféminin,dépliéendeuxpôles(filleetmaîtresse),désignelaliaisonamoureusecommeunehésita5onconstante(etœdipienne)entreledésiretlafilia5on.Enréunissantainsidansunmêmeappartementdeuxhistoiresd’amour,l’unequicommenceetl’autrequifinit,lerécitsuperpose des affects contraires qui finissent par se contaminer mutuellement. Combinant ainsi deux momentscontradictoires du cycle sen5mental, Garrel examine avec une acuité bouleversante ce drôle de paradoxe affec5f :l’amour n’est éternel qu’à condi5on de s’accepter comme entropique, c’est-à-dire toujours voué à sa propredestruc5on.L’événementmajeurrestel’arrivéedel’inconscientdansl’œuvreducinéasteMaisl’événementmajeurresteencorel’arrivéedel’inconscientdansl’œuvreducinéaste(sansdoutedueenpar5eàl’interven5onduscénaristeJean-ClaudeCarrière),jadissiré5fàtouteformedepsychologieretorse.Depuistroisfilms,unetrameinconscientedédoublecelledurécitamoureuxpourdébouchersurunesortedecontecruel(lestrompeurstrompésdeLaJalousieetL’Ombredesfemmes).DansL’Amantd’unjour,si l’ami5éentrelesdeuxfemmesrelèvedudomaineduconscient, l’inconscientrecouvreenquelquesortel’arèneimpitoyabledeleurrivalitésecrète.Ellesnepartagentnilemêmerapportaucorpsnilamêmetemporalité: l’une,rayonnantedesensualité,accèdeaudésirprésent,tandisquel’autre,apparemmentplusfragile,restechevilléedansleprojetderestaurersoncouple.Antagonismeaccentuépartouteuneséried’actesmanqués,degestesesquissés,deparoleséchappéesetdenon-ditsquiendisenttoujourstroplong.Alafin, l’uneauraraisondel’autre,maislapluscap5vedesdeuxn’estdésormaispluscellequel’oncroit.! MATHIEUMACHERET

!!!! !“PhilippeGarrel,rupturesdestyle”

Légèretéprimesautière,vitesse,autodérision:dans«l’Amantd’unjour»,lecinéasteBilmelesétatsd’âmed’unquinquagénaireconfrontéauregardamusédelamaîtressede23ansetdesaBilledumêmeâgequ’ilhébergesuiteàunedéceptionamoureuse.

PhilippeGarreln’aaufondfilméqu’unechose:desrencontres,dessépara5onset,entrelesdeux,desamourssepromeXantl’éternitéavantdesombrertroptôt.Aucuncinéastenesaitsaisircessen5mentsaussiintensément.Sansdouteparceque,danssesfilms,l’in5miténeselimitepasàladramaturgiemaisdevientbienplutôtcommeunesubstancesuspenduedansl’air,contenuedanslalumière-toujourssublime-quicirculeentrelesêtreslorsqu’ilsse5ennentensemble,marchentcôteàcôte,seseretrouventseulsenpensantàl’autre.

Longtemps,onaditdeGarrelqu’il étaitun roman5que.Chez lui, l’amourétait sacréet l’absencedésespérée,souventsuicidaire.Depuistroisfilms,laJalousie,l’Ombredesfemmesetaujourd’huil’Amantd’unjour,ilsepassequelquechosedetoutàfaitnouveau:onparleàsonproposdelégèreté.CeXe légèreté correspondd’abordàunedistancenouvelle. Il a longtempsfilmésavieauprésent,meXantenscènesesprochesdansdetaciturnespoèmes;puis,àpar5rdel’Enfantsecret,ilacommencéàseretournersursonpassépourenfairelama5èred’uneœuvrequel’onpouvaitalorsqualifierd’autobiographique.Danslesdeuxderniers films, le recul s’est creusé, son regard s’est doublé d’un autre point de vue, celui des femmes (cequ’aXestent les voix off féminines). La gravité s’est alors teintéed’une formed’ironie, comme si unmacho sevoyaitsoudainàtraverslesyeuxdesesconquêtes.Dansl’Amantd’unjour,présentéàCannesàlaQuinzainedesréalisateurs(lireLibéra5ondu20-21mai),l’homme(EricCaravaca)aunecinquantained’annéeset les femmesont toutes23ans :Ariane (LouiseChevilloXe),uneétudianteaimée,Jeanne(EstherGarrel),safille,réfugiéechezluiàcaused’unchagrind’amour.Ellesdeviennentamies, secomprennentd’une façonqui luiéchappe.Pourcethommedépassé, ladifférenced’âgevadepaireavecladifférencedesexe.!Çapassed’aborddemanièrephysique: ilestnonchalant,samaîtresseest impétueuse; ilestsombresousseslongs cheveux bruns, tandis que la peau blanche d’Ariane absorbe la lumière. Et Garrel, sans condamnerpersonne,sembleprendrelepar5d’Ariane,celuidelavitesse(lefilms’accélèredansladernièrepar5e)etdelasensualité(ilosefilmericidesnusetdesscènesd’amourfougueuses), laissantpeuàpeuenplanl’hommequirevendiquait la tolérance de son amour,mais qui n’en revient pas de découvrir qu’une femme peut aimer leplaisirpourleplaisir.L’Amant d’un jour n’a cependant rien d’une ode liber5ne, il est même traversé par de grands moments detristesse.Mais, toutallanttrèsvite, ledésespoirnesembleplustenir, ilestaussipassagerque l’amour.L’unetl’autresesuccèdentd’unemanièrequasisymétrique:lecouplequifaisaitl’amourdanslapremièrescèneafaitplaceàunautrecouples’embrassantdans ledernierplan. Ilssesontcroisés,ontagi l’unsur l’autre :Arianeasauvé Jeanne du suicide, Jeanne a présenté à Ariane celui qui sera son amant ; l’une a été quiXée, l’autre aretrouvésonamour;cellequipleuraitretrouvelajoie,l’autrepleureàsontour.EtlefilmressembleunpeuàceXefêteoùdescorpssetournentautour,s’enlacent,partentailleurs,reviennent,endansantsurcesmotsdeMichelHouellebecq:«Laviequis’envaenriant/Remplirdesen5tésnouvelles…»

MARCOSUZAL

LES INROCKUPTIBLESDate : 31 MAI / 06 JUIN17Pays : France

Périodicité : HebdomadaireOJD : 35898 Page de l'article : p.58

Journaliste : Jean-BaptisteMorain

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SBS2016 2987941500524Tous droits réservés à l'éditeur

L'Amant d'un jourde Philippe GarrelVu à la Quinzaine des réalisateurs, le nouveau Garrel atteintune sereine simplicité, avec même quèlques touches d'humour.

Une nuit, un père voit débarquer chez luisa fille en larmes. Elle vient de quitterson compagnon. Comme c'est un gentilpère et qu'il sait ce que c'est que lamour,la passion et ses affres, il l'accueilleà bras ouverts et Cappelle "ma fille".

Maîs il doit lui signaler qu'il y a une femme dansl'appartement, et même dans son lit. C'est une de sesétudiantes, ils vivent ensemble depuis trois mois etelle a le même âge que sa fille. C'est l'histoire du film

On retrouve dans ce nouveau film de Garrel toutson talent . sa direction d'acteurs, son sens du cadre,cette manière de fictionner sa propre vie. Entouréde scénaristes qui sont des noms Uean-ClaudeCarrière et Arlette Langmann, quand même), il creusede film en film sa veine autobiographique. Le noiret blanc est somptueux, ses deux actrices principales[Louise Chevillotte, dont c'est le premier film, et sa filleEsther] sont géniales et Eric Caravaca Ile père) sobreet déchirant Les cages d'escalier sont toujours crades,comme dans ses films des années 1970, on diraitqu'elles n'ont jamais été repeintes.

On pourrait dire que c'est de la routine maîs non,point du tout. C'est le sommet de l'art : la simplicité.Philippe Garrel n'a plus rien à prouver, il creuse son art,il est au travail, comme un peintre tous les jours dansson atelier, avec les mêmes pinceaux, les mêmescouleurs, il travaille et progresse, essaie d'être encoremeilleur. Il y a de la vitalité dans les films de Garrel,toujours, encore aujourd'hui.

C'est ainsi que, film après film, apparaît une certainesérénité chez cet auteur autrefois si torturé. Unetendresse, une bienveillance, une indulgence. Et aussi unsens de l'humour de plus en plus évident. On ne dira pasque ce nouveau film est une comédie maîs le rire y estde plus en plus présent, une légère ironie aussi. Même siGarrel ne plaisante jamais avec la douleur, physiqueet psychologique, que peut faire l'amour, la nuit, quandon se réveille soudain et qu'on se souvient de la réalité dujour, qui est que l'être aimé ne vous aime plus, et que vivreest tout simplement impossible. Jean-Baptiste Morain

L'Amant d'un jour de Philippe Garrel, avec Esther Garrel,Louise Chevillotte, Eric Caravaca (Fr, 2017. I h 16l

Un homme et une femme se rejoignent dans le couloir d'une fac, l'empruntentprestement.Puis l'imagepasseaussitôtaucoupleentraindefairel'amour,danslestoileXes. Plan rapproché sur le visage de la femme, sur sa jouissance. Etonnanteentrée en ma5ère, abrupte, vibrante, de la part de Philippe Garrel. L'auteur des

Amantsréguliers,volon5ersprudemaisaucinémasisensuel,n'avaitjamaisabordéainsidefrontune scène d'amour. Autre changement notoire, déjà amorcé, il est vrai, avec L'Ombre desfemmes : l'homme est relégué au second plan, ce sont les femmes qui prennent le pouvoir,occupentledevantdelascène.Enmajesté.!Le couple est formé par un professeur de philosophie (Eric Caravaca) et l'une de ses élèves,Ariane(LouiseChevilloXe).Elleal'âgedesafille.Laquelleapparaît.Elles'appelleJeanne(EstherGarrel),c'estfiniavecsonamoureux,ellepleuretoutesleslarmesdesoncorpsetvienttrouverrefuge chez son père. Un homme, deux jeunes femmes : voici reconduite la trinité chère aucinéastedepuisLeLitdelaVierge,maisrecomposée.Lesdeuxjeunesfemmes,ArianeetJeanne,se ressemblent et sont très différentes. Au début, Jeanne voit d'unmauvais oeil celle qu'ellecompare à sa mère. Puis elles apprennent à se connaître : Jeanne est une amoureuseroman5que,en5ère,fidèle;Ariane,undonJuanauféminin.!Ladouleuretlajoied'aimer,l'infidélité,l'harmonieetlarupture.Autantdethèmesallégoriques,déjàillustrésmaissanscesserégénérésàtraverslacamérafrémissantedePhilippeGarrel.Ilsaittransformer en poésie brute des situa5ons banales, ces femmes entre elles qui parlentouvertementd'adultèredanslacuisine.CesamisquisecroisentparhasardsurunboulevardenpentedoucedansParisdéserté.Oucesamantsquiseremémorent,dansuncafé,leurspremiersregardséchangés.LasplendideimageenCinémascopeetennoiretblanc,signéeRenatoBerta,concourtàl'ampleurdecethéâtredel'in5me,intemporelparfois(onsecroitdanslesannées60ou plus loin encore), tout en étant parfaitement inscrit dans le monde d'aujourd'hui. LouiseChevilloXe(charnelle,conquérante)etEstherGarrel(émouvantefunambule,Pierrotauféminin)incarnent chacuneà sa façonune idéede la jeunesse contemporaine. Il y aquelquechosedetroublantàvoir,d'ailleurs,la«dynas5e»desGarrelseprolonger.Aprèslegrand-père(Maurice),puis le fils (Louis), voici la fille invitée à entrer dans ce monde de fic5on à forte teneurautobiographique,richedejeuxdemiroirs,d'échosetderimes.!Curieuxménage à trois, où une 5erce personne est toujours tapie derrière le couple, où l'oncoucheparprocura5on,où l'on rechercheconsciemmentounon lepère.Autourducomplexed'OEdipe(oud'Electre),entrelessecretsbiengardésetlesrévéla5onscuisantes, lefilmoscille,sans jamais s'appesan5r. Avec les années, l'ancien chantre de l'underground a gagné enconcision,enforceexpressivedans lapeinturedessen5mentsetdesvisages,distorduspar lespleurs, rieurs aussi, sereins et lumineux. Lorsqu'une jeune fille en fleur et un garçon galants'embrassentdanslarue,luilasoulèveetelledécolledusol.QuiaditquelecinémadeGarrel

L’AMANT D’UN JOUR PHILIPPEGARREL!Unprofesseur,sacompagneetsafille…PhilippeGarrelrejouesonentêtantevalsedel’amour,avecunedistribu>oninédite.

JACQUESMORICE

“L’Amantd’unjour”:Laprosetranquilledel’ardeur!!L’Amantd’unjourformeundiptyqueavecL’Ombredesfemmes(2015):lesdeuxfilmssontécritsparlemêmecarrémagiquecomposédePhilippeGarreletCarolineDeruas,Jean-ClaudeCarrièreetArleXeLangmann;lecinéaste et sa compagne, une collaboratrice de longue date et un nouveau venu illustre dans l’universgarrélien.Lefilmprécédentavaitsurprisparsaformeclassique(incontestableapportdeCarrière),paruneévidence,unton«secunpeu»etun«déroulé»quasidéterministequiabou5ssaitauremariage.Lecontemoralavait savic5me (lepersonnagedeLenaPaugam),lajeuneinfidèle,cellepourquilemariquiXaitsafemme;elleaunautreamant,lafemmemariéel’apprend,toutlemondedoitsouffrir,maislaconversa5onducouplereprend,leurdésiraussietenfinletravail–ilsfontdesfilmsensemble.!L’Amant d’un jour peut d’abord apparaître comme une sub5le varia5on sur le même thème avec desingrédientsdifférents:unhommemûr,professeurdephilosophie,vitavecl’unedesesétudiantes;safille,quial’âgedesacompagne,vienthabiterchezluiàlasuited’unedouloureusesépara5on.Àlafindufilm,lejeunecoupleserareformé,maislecontemoralauradeuxvic5mes,lajeuneinfidèle(lepersonnagedeLouiseChevilloXe) et son compagnon, l’un et l’autre rendus à la solitude. Lediptyqueenmiroirsuffiraitànotrebonheur,tantl’absoluenécessitédel’intrigueenimposeetproposedesi5nérairesamoureuxoùlàencorelaconnaissance est fondée sur la souffrance. Mais il est moins ques5on ici de roman5sme que d’unauthen5que pathei mathos,expressionqui désignedepuis Eschyle la nécessaire traversée endurante dumalheur,nécessairepourensavoirunpeupluslongsursoi.Le«remariage»dujeunecoupleneleurrepascependant:laréunion«sympa»aurestaurantàlafindufilm,enprésencedupèresolitaireauquelon5entàapprendrelabonnenouvelle,prendunreliefbienironiquequandonserappellel’intensesouffrancedelafille(interprétéeparEstherGarrel)quiadonnésanotetragiqueàtoutledébut.Elleaussi,commebiendespersonnagesdel’œuvredeGarrel,avouluenfiniretellen’auraétésauvéedusautdanslevide,inextremis,queparlajeunecompagnedesonpère.!Mais,etc’estautrementimportant,cesmagnifiquesetpureslignesdescénarion’auraientsansdoutepasvaluuneheuredepeinesiellesnes’étaientpasimmédiatementtransmuéesenfilmdePhilippeGarrel–enémo5onpure,passeulementsen5mentale,maisphysique,simple,quo5dienne,sexuelle,parisienne,jeuneetmusicale.(Parenthèseàcepropos:laséquencedansée,chorégraphietroublanteetoriginaledejeunescoupes qui se frôlent, cemoment de pure grâce vaut tous les La La Landpassés, présents et,horrescoreferens,àvenir:ilfallaitquecelafûtdit.)Entermesdelumière,cesecondfilméclairéparRenatoBertafaitaussiéchoauprécédent,maisonpeutpréférerleschoixdeL’Amantd’unjour;quandl’imagedeL’Ombredesfemmestendaitversunelumièreblanche,quasisurexposéequirendait,certes,lemalaisepersistantducouple,celledudernierfilmjoue surtouteslesnuancesd’unnoiretblanclumineuxafindemontrerlepassagedel’ombreà lanuitetdujourà la lumière:onsongealorsàAlexandreau«TrainBleu»dansLaMamanetlaPutain,quandilexpliquaitàVeronikaqueMurnauétaitprécisémentlecinéastedupassage–de lavilleà lacampagneetde lanuitau jour.Sansformalismeaucunetexplorantobs5némentlenaturelpropreàsoncinéma,celuidelatradi5onfrançaise,deLumièredontilsaitdepuistoujoursqu’ilestl’ul5merejeton, PhilippeGarrel «déroule» lui aussi sonart, coupant ses séquencesenarêtesneXes,laissant lechampviergeenaXaquedeplan (leçondeBressonque seul Eustache avant lui a su intégrer à lamons-tra5ondelavieetdudésir)ets’aXachantdavantageencoreàsesacteurs;àbiendeségards,lefilmsemblese faire toutseul. Spectateurs très intrusifs, nous assistons à des scènes d’autant plus intéressantes quenotreplaceest soulignée,unpeu commeà laparade,pard’amusants5csde langage(ainsiÉricCaravacagra5fie toujoursEstherGarreld’un très rus5que«Bonjour,mafille »).Nous surprenons surtout, commesouventchezGarrelmaisavecunegrandeintensité,undésirbrutquisemonnaieenscènesdesexe:dèsl’ouverture,les«toileXesdesprofesseurs»sontvouéesàcetusage,etlarépé55ontardivedel’acteenuntel lieu,mais avecunautrehomme,marquera lafinde l’histoire pour le personnage incarné par LouiseChevilloXe.

!Entre-temps, le désir va où il veut, ou plutôt là où il croit pouvoirallerentoute impunité,maisseule laséquencedansée,délibérémentutopique,faitoublierlatensionduprésentetlasanc5onàvenir.Lajeunecompagneduprofesseursepaiedemots:elleesttombéeamoureuseenclasse,parletruchementd’unephrase,etellecroiraplustardàl’idéaldefranchise(sincéritéetaffranchissement)énoncéparl’homme.Lereprochededonjuanismequ’il luiadresseestfondécar ilprovientd’unci-devantséducteurquicroitbiencomprendrelesenjeuxdudésir.Lefilmmetparfaitementenévidencelesdifférencesd’âge:l’hommemûrcroitpouvoirénoncerunerègledefranchiseredoutantquelestenta5onsnesoientplusfortespoursajeuneamante;lasuitemontreraqu’ilseleurrait,parcequeallumeruncontre-feunepeutqu’ayserl’incendie.Lajeunessevautaussipourelle-même:lesdeuxfemmesontlemêmeâgeetviventd’évidencecommedessœurs improvisées, un peu trop tolérantes l’une avec l’autre, mais plutôt à l’aise dans la cohabita5on.L’échangedesecrets,laséancedephotospourl’une,latenta5vede suicidepourl’autre,noueentreellesunlientemporaireetdélibérémentar5ficiel.Cardans l’économiedufilm(autrepointcommunavecL’Ombredesfemmes)c’estlenarrateur,dansunmomentunpeutruffaldien,quienrévèlel’existenceauspectateur.Cesdissimula5ons,mensongesparomission,montrentqueleverestdanslefruit,cequiprendralaformed’une tromperiesans lendemainqui renvoieau5tredufilm.Ellesontpourcontre-par5e l’autrehistoired’amourquin’appellepasavantlafindufilmderencontredirecteentresesprotagonistes:lacompagnedupèreviendrachercherdesaffairesdelafillechezlecopainquel’ondécouvreàceXeoccasion,maistoutelacharge de l’histoire repose de fait sur les épaules d’Esther. Le cinéaste offre ici à sa fille le véritablepersonnagegarréliendel’histoire,celuiquisouffreetn’entendpluslaguitare…Etc’estnaturellementelle,lafemme d’un seul amour, qui se doit de provoquer la catastrophe finale, en trompant son ami parprocura5on,c’est-à-direparletruchementdelacompagnedesonpère.!EstherGarrel accomplitune formedeprodigeen incarnantuneauthen5quefilled’aujourd’hui (dans sesmimiquesetsesexpressions,sarela5onaumonde,auxautres,àsonpère)toutenconservantlamémoiredelasouffranceinhérenteàl’œuvreen5èreducinéaste.L’autrejeuneactrice,LouiseChevilloXe,confirmelaformidableplas5citéducinémadeGarrel,capabled’intégrerunepuissantenatured’actriceàunevisiondumondeàlapuretéinoxydable.L’Amantd’unjourestuneœuvrecontem-poraineetclassique,à l’imageduParispopulaireetnervalienmontréparlefilmetdesintérieurssimples,vieillots,bressoniens(onsecroiraitparfoisdansPickpocket),sansapprêtetàlafoisd’uneincontestablemodernité.

MARCCERISUELO

Date : 31 MAI 17

Périodicité : QuotidienOJD : 35835

Page de l'article : p.20Journaliste : DOMINIQUEWIDEMANN

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FESTIVAL DE CANNES

Concert de sentiments surle ton de la ritournelle

Le Très beau film de Philippe Garrel a remporté le prix de la SACD (Société desauteurs et compositeurs dramatiques), lors de la Quinzaine des réalisateurs.

L'AMANT D'UN JOUR,de Philippe Garrel.France, I h 13

Battant le pavé, échouée sur des marches, unejeune fille déverse toutes les larmes de soncorps. Près d'elle, la valise des abandons. Auplan suivant une femme, jeune elle aussi,s'engouffre subrepticement dans les

toilettes de la fac en compagnie d'un hommeaux bras duquel la jette une étreinte pas-sionnée. Autour d'eux, un escabeau incrustéau mur, un décor sale que la force du plaisirméprise. Philippe Garrel donne le troisièmevolet de la trilogie qu'il avait entamée avecJalousie, suivi de l'Ombre des femmes. Sachorégraphie des relations amoureusesreprend ses thèmes dans d'autres ordon-nancements, liés d'une irréfutable parenté. Lajeune fille en pleurs se prénomme Jeanne (EstherGarrel, fille du cinéaste dans la vraie vie). Larguée parson premier amour d'importance, Matteo, elle se retrouvesur le seuil de la maison de son père, Gilles (Éric Caravaca).Ce dernier, professeur de philosophie dans la cinquantaine,vit depuis peu avec Ariane (Louise Chevillotte), l'ardenteétudiante des toilettes. Le couple naissant mise sur lasuccession à demeure des jours et des nuits qui devronts'accommoder des élans au risque de les y remiser. Oude se briser le cœur.Une fois Jeanne installée sur le canapé de l'appartement

exigu, un trio s'est formé. Les géométries variables dessentiments se modifieront dans cette promiscuité.

1968SORTIE DU PREMIER

LONG MÉTRAGEDE PHILIPPE GARREL,

MARIE POUR MÉMOIRE.MARIE EST INTERPRÉTÉE

PAR L'ACTRICE ETCHANTEUSE

ZOUZOU.

Observateur à distance choisie des aspirations féminines audésir, Philippe Garrel éclaire de sa lanterne le « continent noir »freudien par la belle limpidité de sa maîtrise. La fraicheur qu'ilconfère aux expérimentations mille fois vécues ou entenduesbannit l'illustration. L'Amant d'un jour file en doux-amer lescontradictions inconciliables, l'espérance amoureuse et larésignation à ce qui ne marche jamais vraiment. Un ques-

tionnement vient ici se poser au centre des entrelacs decomplications : que signifie être fidèle ? À soi, à

l'autre, aux autres... Ce n'est pas affaire depoint d'arrivée mais d'ébranlements, de pul-sions et d'impulsions, de la disposition despierres d'achoppement.Jeanne et Ariane ont le même âge. La pre-

mière cherchera auprès de sa presque belle-mère réconfort et recettes. La seconde trouveavec des jeunes gens de sa génération la

sensation libre du coup sans lendemain,équilibre nécessaire ou indépassable écueil. Gilles,

qui a sans doute répété plusieurs fois la ritournelle,tremble de la perdre. Quèlques plans de rue, des embrasuresde fenêtre miteuses, la beauté d'Ariane hésitante et lumi-neuse comme un nu de Bonnard, la petite cuisine où l'oncause, une Jeanne parfaitement vibrante, le tour de pisteréussit. L'intemporalité des lieux et des costumes, leursobriété, la patine profonde du noir et blanc de Renato Bertafont que l'on s'étonne de l'apparition d'un téléphone por-table. Dans ce faux anachronisme, le fossé des générationscoule sans s'abîmer. Quoi de neuf en amour, sinon l'histoirequi vient de commencer ? Quoi de neuf au cinéma ? Unnouveau Garrel à promener avec soi.

DOMINIQUE WIDEMANN