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Dossier : La Colombie au delà des clichés 2 La Colombie au delà des clichés Camilo Granada 4 La Colombie en quelques chiffres 6 La Colombie d’aujourd’hui Álvaro Uribe Vélez 8 La France et la Colombie : des relations bilatérales en plein développement Jean Michel Marlaud 10 La présence de la Colombie en France Fernando Cepeda Ulloa 13 La présence de la culture juridique française en Colombie Fernando Hinestrosa 15 Le Conseil d’Etat colombien. Une institution avec un fort accent français William Zambrano Cetina 17 La lutte anti terroriste en Colombie : la survie de la démocratie Camilo Granada 19 Drogues et Démocratie: vers un nouveau paradigme César Gaviria 21 La Loi de Justice et Paix: une expérience innovante et prometteuse Eduardo Pizarro Leongómez 23 Migrants et Politique Publique en Colombie Mauricio Vasco 25 La Colombie, la « malédiction du second mandat » Jaime Castro 27 Le système électoral colombien Claudio Galán Pachón 29 La réforme de l’État en Colombie. Vers un État Communautaire : un État au service du citoyen Claudia Jiménez 31 Du pouvoir formel au pouvoir effectif. Défis pour la femme dans la démocratie colombienne Martha Lucía Ramírez de Rincón 33 Les investissements français à la lumière des défis de l’économie colombienne Hélène Dezoteux et Philippe Cristelli 36 Le Café Andrés Augusto Reyes Puerto 39 La production de biodiesel en Colombie Andrés Castro Forero 42 La Colombie et les États-Unis, un partenariat privilégié ? Juan Pablo Parra 44 Bogotá, Medellín et le désert colombien Elkin Velasquez 46 La « culture citoyenne » à Bogotá Antanas Mockus 48 Les politiques culturelles : une contribution à l’imagination et à la transformation d’un pays Paula Marcela Moreno Zapata 50 La diversité culturelle et la création de l’État en Colombie David Soto 52 Le droit a l’éducation différentiée des peuples indigènes dans un contexte multiculturel Juan Sebastian Calderón 54 Le réseau de l’Alliance française en Colombie Liliam Suarez Melo 56 Quelques figures colombiennes des arts et des lettres Claire Durieux 59 Carnets - Liste des anciens élèves colombiens Photos : Sergio Serrano & Colombia es pasion sommaire Septembre 2009 – Numéro hors série – 9 226, boulevard Saint-Germain – 75007 Paris Tél. : 01 45 44 49 50 – Fax : 01 45 44 02 12 site : http://www.aaeena.fr Mél : [email protected] Directeur de la publication : Arnaud Teyssier Directeur de la rédaction : Karim Émile Bitar Directeur adjoint de la rédaction : Jean-Christophe Gracia Conseiller de la rédaction : François Broche Secrétaire de rédaction : Bénédicte Derome Comité de rédaction : Isabelle Antoine, Jean-Denis d’Argenson, Didier Bellier-Ganière, Jean-Marc Châtaigner, Robert Chelle, Laurens Delpech, Emmanuel Droz, Bernard Dujardin, Stephan Geifes, Isabelle Gougenheim, Françoise Klein, Arnaud Roffignon, Jean-Charles Savignac, Didier Serrat, Maxime Tandonnet, Laurence Toussaint, Denis Vilain. Conseil d’administration de l’association des anciens élèves de l’école nationale d’administration : Bureau Président : Arnaud Teyssier Vice-présidents : Pierre Dasté, Odile Pierart, Jean-François Verdier Secrétaire général : Christine Demesse Secrétaires généraux adjoints : Sébastien Daziano, Arnaud Geslin Trésorier : Véronique Bied-Charreton Trésorier adjoint: Jean-Christophe Gracia MEMBRES DU CONSEIL Didier Bellier-Ganière, Béatrice Buguet, Jean Daubigny, Jean-Yves Delaune, Fabrice Dubreuil, Francis Etienne, Arnaud Geslin, Edmond Honorat, Régis de Laroullière, Olivier Martel, Myriem Mazodier, Jeanne Penaud, Antoine Pitti-Ferrandi, Nicolas Polge, Charles-Henri Roulleaux-Dugage, Isabelle Saurat, Benoît Taiclet, Bénédicte Thiard, Christophe Vanhove. Publicité : MAZARINE Tél. : 01 58 05 49 17 – Fax : 01 58 05 49 03 Directeur : Paul Emmanuel Reiffers Annonces et publicités : Yvan Guglielmetti Mise en page, fabrication : Olivier Sauvestre Conception maquette et Direction artistique : Bruno Ricci – [email protected] Compogravure, impression et brochage : Imprimerie des Deux-Ponts Dépôt légal : 36914 © 2003 L’ENA Hors les murs N° de commission paritaire : 0409 G84728/ISSN 1956-922X Prix : 9,00 Abonnement normal : 52,00 Anciens élèves : 35,00 Étranger : 85,00 / hors série / septembre 2009 1 dossier « C’est que nous avons, à la vérité, renversé toutes les tyrannies, sauf une seule, la plus dure : la tyrannie des préjugés» Charles Benoist – 1893. Ce numéro de L’Ena Hors Les Murs spécial Colombie a été réalisé par l’Association Colombienne des anciens élèves de l’Ena.

La Colombie au delá des clichés

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Dossier : La Colombie au delà des clichés2 La Colombie au delà des clichés Camilo Granada 4 La Colombie en quelques chiffres6 La Colombie d’aujourd’hui Álvaro Uribe Vélez8 La France et la Colombie :

des relations bilatérales en plein développement Jean Michel Marlaud 10 La présence de la Colombie en France Fernando Cepeda Ulloa 13 La présence de la culture juridique française en Colombie Fernando Hinestrosa 15 Le Conseil d’Etat colombien.

Une institution avec un fort accent français William Zambrano Cetina17 La lutte anti terroriste en Colombie : la survie de la démocratie Camilo Granada19 Drogues et Démocratie: vers un nouveau paradigme César Gaviria 21 La Loi de Justice et Paix :

une expérience innovante et prometteuse Eduardo Pizarro Leongómez23 Migrants et Politique Publique en Colombie Mauricio Vasco25 La Colombie, la «malédiction du second mandat » Jaime Castro27 Le système électoral colombien Claudio Galán Pachón 29 La réforme de l’État en Colombie.

Vers un État Communautaire : un État au service du citoyen Claudia Jiménez 31 Du pouvoir formel au pouvoir effectif.

Défis pour la femme dans la démocratie colombienne Martha Lucía Ramírez de Rincón 33 Les investissements français

à la lumière des défis de l’économie colombienne Hélène Dezoteux et Philippe Cristelli 36 Le Café Andrés Augusto Reyes Puerto 39 La production de biodiesel en Colombie Andrés Castro Forero 42 La Colombie et les États-Unis, un partenariat privilégié ? Juan Pablo Parra 44 Bogotá, Medellín et le désert colombien Elkin Velasquez 46 La « culture citoyenne» à Bogotá Antanas Mockus 48 Les politiques culturelles : une contribution à l’imagination

et à la transformation d’un pays Paula Marcela Moreno Zapata 50 La diversité culturelle et la création de l’État en Colombie David Soto 52 Le droit a l’éducation différentiée des peuples indigènes

dans un contexte multiculturel Juan Sebastian Calderón 54 Le réseau de l’Alliance française en Colombie Liliam Suarez Melo 56 Quelques figures colombiennes des arts et des lettres Claire Durieux 59 Carnets - Liste des anciens élèves colombiens

Photos : Sergio Serrano& Colombia es pasion

sommaireSeptembre 2009 – Numéro hors série – 9 €

226, boulevard Saint-Germain – 75007 ParisTél. : 0145444950 – Fax : 0145440212site : http://www.aaeena.frMél : [email protected]

Directeur de la publication : Arnaud Teyssier

Directeur de la rédaction : Karim Émile Bitar

Directeur adjoint de la rédaction : Jean-Christophe Gracia

Conseiller de la rédaction : François Broche

Secrétaire de rédaction : Bénédicte Derome

Comité de rédaction : Isabelle Antoine, Jean-Denis d’Argenson, Didier Bellier-Ganière, Jean-Marc Châtaigner, Robert Chelle,Laurens Delpech, Emmanuel Droz, Bernard Dujardin,Stephan Geifes, Isabelle Gougenheim, Françoise Klein,Arnaud Roffignon, Jean-Charles Savignac, Didier Serrat,Maxime Tandonnet, Laurence Toussaint, Denis Vilain.

Conseil d’administration de l’association des anciens élèves de l’école nationale d’administration :

BureauPrésident : Arnaud Teyssier

Vice-présidents : Pierre Dasté, Odile Pierart, Jean-François Verdier

Secrétaire général : Christine Demesse

Secrétaires généraux adjoints : Sébastien Daziano, Arnaud Geslin

Trésorier : Véronique Bied-Charreton

Trésorier adjoint : Jean-Christophe Gracia

MEMBRES DU CONSEILDidier Bellier-Ganière, Béatrice Buguet, JeanDaubigny, Jean-Yves Delaune, Fabrice Dubreuil,Francis Etienne, Arnaud Geslin, EdmondHonorat, Régis de Laroullière, Olivier Martel,Myriem Mazodier, Jeanne Penaud, Antoine Pitti-Ferrandi, Nicolas Polge, Charles-Henri Roulleaux-Dugage, Isabelle Saurat, Benoît Taiclet, Bénédicte Thiard, Christophe Vanhove.

Publicité : MAZARINETél. : 0158 05 49 17 – Fax : 01 58 05 49 03Directeur : Paul Emmanuel ReiffersAnnonces et publicités : Yvan GuglielmettiMise en page, fabrication : Olivier SauvestreConception maquette et Direction artistique :Bruno Ricci – [email protected], impression et brochage :Imprimerie des Deux-PontsDépôt légal : 36914

© 2003 L’ENA Hors les mursN° de commission paritaire :0409 G84728/ISSN 1956-922XPrix : 9,00 €

Abonnement normal : 52,00 €

Anciens élèves : 35,00 €

Étranger : 85,00 €

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« C’est que nous avons, à la vérité, renversé toutes les tyrannies,sauf une seule, la plus dure : la tyrannie des préjugés»Charles Benoist – 1893.

Ce numéro de L’Ena Hors Les Murs spécial Colombie a été réalisé par l’Association Colombiennedes anciens élèves de l’Ena.

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Colombie,au delà des clichés

Par Camilo GranadaJean Monnet 1990Président de l’Associationcolombienne des anciens élèves de l’Ena

Chers camarades,

Bienvenus à ce numéro spécial sur laColombie de la revue l’Ena Hors Les Murs.Avant tout, je dois remercier l’Associationdes Anciens Élèves de l’École d’avoir offertcette opportunité aux anciens élèvescolombiens de présenter notre pays et devous donner un aperçu plus complet, bienque rapide, de notre pays, de ses pointsforts et de ses défis présents et à venir. Jedois aussi remercier tout particulièrementM. Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de

la France en Colombie, qui a su donner unnouvel élan à notre Association et reprendrecontact avec les anciens élèves. PhilippeValeri, ancien conseiller de coopération etd’action culturelle à l’ambassade, a travaillésans relâche pour que ce projet aboutisseet Claire Durieux, sa remplaçante, a reprisle flambeau ; à Philippe, à Claire et à touteleur équipe, en particulier à Louise ArendSalaverry un grand merci.La Colombie est un pays qui offre descontrastes forts. Avec un dynamisme éco-nomique soutenu et un potentiel indéniable,

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Colombie,au delà des clichés

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un système démocratique bien enraciné etloin des tentations militaristes, il souffreen même temps des problèmes classiquesdes pays en développement de l’Amériquelatine: pauvreté frappant encore près de50% de la population, distribution de larichesse bien trop inégale et présenceencore précaire des institutions de l’Étatdans une partie du territoire. À cela s’ajou-tent les fléaux qui façonnent son image àl’étranger et font la une des journaux enFrance et en Europe : le trafic des drogueset la violence terroriste. Évidemment, la Colombie est bien pluscomplexe et riche que cela. Son plus fortatout est constitué par ses habitants. LesColombiens sont instruits (plus que lamoyenne latino-américaine), ce sont destravailleurs d’exception et ils possèdentune volonté de progrès qui n’a d’égale que

leur joie de vivre (malgré toutes nos diffi-cultés les Colombiens sont, d’après les son-dages, l’un des peuples plus heureux de laplanète). Mais la Colombie est avant toutun pays en construction, où la modernité,l’Internet et la recherche côtoient les cul-tures indigènes et les traditions ancestrales.Un pays en construction pour lequel lespouvoirs publics, et la société dans sonensemble ont à faire des choix de poli-tiques publiques essentiels pour le courtet le long terme. Pour toute personne s’in-téressant à la res publica, la Colombieoffre un endroit idéal pour réfléchir, travailleret s’engager. Pour nous tous qui avonschoisi le service public, qui avons à cœurde contribuer à améliorer les choses, laColombie est un pays où il fait bon vivre.Les articles que nous avons recueillis pource numéro spécial ont pour but de vous

présenter ce pays vibrant et attrayant, dif-ficile à comprendre, voire parfois choquant,mais qui ne laisse pas indifférent. Ilsconcernent les principaux aspects de notrevie institutionnelle, économique, sociale,politique et culturelle, et offrent égalementun aperçu de nos principaux débats tantinstitutionnels que de politique publique.Une place importante est laissée aux liensprofonds, historiques et actuels avec laFrance, pays qui a marqué de son influencela Colombie, depuis sa naissance républi-caine, il y a bientôt deux cents ans. Au nom des plus de soixante anciensélèves colombiens de l’Ena, j’espère quevous trouverez dans ces pages, non desréponses toutes faites, mais des pistes quivous inviteront à découvrir notre pays.

Merci, et bonne lecture. ■

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Coucher de soleil sur Bogotá

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La Colombie en quelques chiffres

© MINEFE – DGTPE – Avec l’aimableautorisation de la Mission Economique àBogotá

Données généralesNom officiel : République de ColombieForme de l’État : République présidentielleCapitale : Bogotá (près de 8 millions d’habitants)Langue officielle : EspagnolSuperficie : 1 141 748 km2 (2 fois la surface de la France métro-politaine) Population : 44 millions d’habitantsMonnaie : Peso colombien Décalage horaire avec Paris : Eté : -7 heures, Hiver : -6 heuresTaux d’alphabétisation : 94 %Croissance du PIB en 2008 : 2,5 % Estimation de la croissance du PIB en 2009 : 0 %Compétitivité1 : 41e pays le plus compétitif au monde et 3e enAmérique Latine après le Chili et le Pérou.Biodiversité : 4e biodiversité au monde (d’après Clearing HouseMecanism Colombia).

Données géographiques et démographiques : le seul pays d’Amérique du Sud à posséder des côtes sur les deux océansRégions : Andine, Amazone, Caribéenne, Pacifique, OrénoqueFrontières terrestres : Brésil, Equateur, Panama, Pérou, VenezuelaLittoraux : Océan Pacifique (1 448 km) et Mer des Caraïbes (1760 km)Climat : Tropical avec plaques thermiques (changement de latempérature et de climat en fonction de l’altitude) ; Bogotá :TempéréRessources naturelles : Pétrole, gaz naturel, charbon, nickel, fer,or, cuivre, émeraudes…Répartition de la population : 77 % urbaine, 33 % ruralePopulation colombienne expatriée : 10 %Croissance démographique en 2007 : 1,5 %Espérance de vie : 72 ans Taux de migration nette : -0,28 migrants pour 1000 habitantsCommunauté française en Colombie : 3 600 immatriculés.

Données politiques :la plus ancienne démocratie d’Amérique LatineIndépendance : 1810 (Espagne)Régime politique : DémocratieNature du régime : PrésidentielNature de l’État : Décentralisé (32 départements)Président : Álvaro Uribe (élu pour 4 ans en 2002, réélu en 2006) Système électoral : Scrutin majoritaire à deux toursParlement : Composé de deux chambres : Chambre des députés(165 membres) et Sénat (102 membres), élus pour 4 ansDroit de vote : 18 ansVote des femmes : 1954Séparations des pouvoirs : Législatif, exécutif, judiciaireSystème légal : Code civil et Droit administratif sur le modèlefrançais Constitution politique : 1991

Données économiques

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2006 2007 2008 2009 (e)

PIB (Mds d’USD) 162 206 242 212

PIB par habitant (USD) 2 471 4 338 5 027 4 335

PIB (variation annuel %) 6,9 7,5 2,5 0

Consommation (var. annuelle %)

6,2 6,9 2,3 1,1

Investissement (var. annuelle %)

19,2 13,7 7,7 -0,6

Chômage 11,8 9,6 10 13,7

Solde budgétaire -0,4 -0,4 -0,9 -2,6

Inflation 4,5 5,7 7,7 4,8

Taux d'intérêt(DTF, 90 jours)

6,8 9,2 9,8 6,1

Taux de change (COP/USD)

2 239 2 053 2 300 2 200

Balance de compte courant (% PIB)

-1,8 -2,8 -2,8 -3,7

Réser. Internationales(mois d´importations)

7,1 7,6 7,2 7,7

Dette externe (% PIB) 24,2 20,9 22,3 22,51 - World Competitiveness Yearbook 2008

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La Colombie d’aujourd’hui

La Colombie, tout commeles autres pays d’Amériquelatine, affronte deuxgrands défis : assurer un ordre politiquedémocratique pourvud’institutions dereprésentativité croissanteet de meilleure qualité,garantissant uneparticipation citoyennecroissante dans les processus décisionnaires ;et assurer, grâce à uneaction gouvernementaleefficace, la modernité, le développement soutenude l’économie et l’éradication de la pauvreté.

Par Álvaro Uribe VélezPrésident de la République de Colombie

N ous croyons que nos nations ne doi-vent pas se limiter à une discussion

entre la gauche et la droite, qui a perdutout sens dès lors que tous les pays ontadopté la règle démocratique, qui dansla pratique, aujourd’hui, montre peu dedifférences. Cette division devenue obsolèteavait sa raison d’être lorsque les dictaturesrégnaient dans certains pays d’Amériquelatine.Aujourd’hui nos pays doivent lutter pourune démocratie moderne qui garantissela sécurité, les libertés, la cohésion sociale,l’indépendance des différentes institutionsqui constituent l’État et la transparence,comme facteur de confiance de chaqueindividu dans le corps, et de chaque indivi-du et du groupe social, dans les institutionsde l’État.À partir de ces paramètres, notre gouver-nement a mis en œuvre une série d’actionsbasées sur des principes à long terme,simples mais fondamentaux, que noussouhaitons graver dans le cœur desmajorités populaires, afin de matérialiserl’avancée du pays. Notre action, en tantque gouvernement, est guidée par le mot« confiance », que nous faisons reposer

sur trois piliers : la sécurité à partir de ladémocratie, la confiance pour entreprendreavec responsabilité sociale et la recherchede la cohésion sociale.Ainsi un cercle vertueux est créé, parcequ’un environnement de sécurité et d’in-vestissement soutenu dans le tempsengendre de la prospérité qui se convertiten surpassement de la pauvreté et enconstruction de l’égalité, qui, à leur tour,deviennent des générateurs de sécuritéet d’investissement.

Sécurité démocratiqueNous défendons la sécurité comme unevaleur démocratique en elle-même,comme une exigence propre pour que leslibertés et les droits soient considéréscomme un droit auquel tous les citoyensdoivent avoir accès à égalité de condition.Notre projet de sécurité protège pareille-ment les entrepreneurs, les représentantsdes travailleurs, les amis des thèses poli-tiques du gouvernement et leurs plusdurs opposants. C’est une sécurité pourtous les Colombiens. Ce projet n’exclutpas la réconciliation, au contraire, il larend viable. Ce n’est qu’ainsi que peut

Aujourd'hui nos pays doivent lutter pour une démocratie moderne

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être expliquée la démobilisation de plusde 50000 membres des groupes terroristes,dont plus de 15000 appartiennent auxguérillas.Grâce à la politique de sécurité démocra-tique, nous avons atteint, en plus d’im-portantes avancées dans la réduction desdélits majeurs, des faits intangibles degrande importance :– nous avons récupéré une chose que

nous n’aurions jamais dû perdre, lemonopole de l’État pour combattre lescriminels et le monopole de la justiceinstitutionnelle ;

– la visibilité des victimes et le travailpour leur indemnisation, qui, même sielle ne peut être totale, est nécessaire,parce qu’elle annule les germes de lavengeance, permet de dépasser lahaine et nous incite à la réconciliation ;

– la mise en place d’une politique desécurité dans le cadre d’une législationordinaire, sans la moindre diminutiondes libertés publiques, sans législationmartiale, sans législation d’état desiège, honore les forces armées et lepeuple colombien, parce que dans notrepays, la montée du terrorisme s’estaccompagnée d’une terrible limitation

des libertés. Premièrement avec lesguérillas marxistes qui ont pratiqué lacombinaison de toutes les formes delutte, qui ont assassiné et pénétré lemouvement syndical, le mouvementétudiant, la politique et le journalisme.Ensuite, avec les « paramilitaires » quiont agi de la même façon.

Nous avons affirmé que la sécurité n’estpas une fin en soi, mais un moyen pour queles nouvelles générations de Colombienspuissent vivre dans la prospérité et la paix.

Confiance pour l’investissementNous avons accompagné la politique desécurité d’un assainissement macroéco-nomique, en favorisant la stabilité desrègles du jeu et en stimulant l’investisse-ment afin de faire renaître la confiancedes entrepreneurs.Ainsi, alors que dans de nombreux paysd’Amérique latine, l’investissement privéest considéré avec dédain, dans uneépoque de nouvel étatisme, la Colombieest décidée à donner toutes les garantiesau capital privé national et international,avec l’exigence de responsabilité sociale.Cette responsabilité se traduit par latransparence des relations entre les

investisseurs et l’État, par le compromisde solidarité avec la communauté, au-delà des conditions minimales légales ;par des relations de travail, non pas decapitalisme sauvage ni de haine desclasses, mais des relations fraternelles,et par la promotion du capital productifet non pas spéculatif. Notre engagementest de trouver une croissance écono-mique soutenue qui se traduise end’avantage et en de meilleures opportunitéspour tous les Colombiens.En remerciant cet espace que l’Associationdes anciens élèves de l’École nationaled’administration procure à notre pays,nous vous invitons à mieux connaître laColombie, à parler à nos compatriotes età percevoir la volonté collective de lutterpour la joie des nouvelles générations.Notre travail est une tâche de toutes lesheures et de tous les jours pour unesociété sans exclusion et sans haine declasses, dans un débat constructif perma-nent, qui ne s’arrête pas aux antagonismesinsurmontables, une société respectueusede sa Constitution démocratique et guidéepar une vision à long terme nourrie par undialogue intégrateur. ■

Centre de convention de Carthagène

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La France et la Colombie :des relations bilatéralesen plein développement

Pour beaucoup, en Francecomme ailleurs, Colombierime avec narcotrafic etavec prises d’otages. Àjuste titre. Il seraittoutefois dommage des’arrêter à ces quelquesclichés. D’abord parce quela Colombie représentepour notre pays un enjeuimportant. De plus, en cesjours où l’on parlebeaucoup de diplomatied’influence, ce payss’intéresse à nous, à nospositions politiques maisaussi à nos débats d’idées,à nos avancéesscientifiques ettechnologiques. Il peutêtre aussi une sourced’inspiration pour nospropres décideurs. Nosrelations bilatérales sonttout naturellement le refletde ces caractéristiques.

Par Jean Michel MarlaudPierre Mendès France 1978Ambassadeur de France en Colombie

La Colombie a un problème d’image.Pour beaucoup, en France commeailleurs, Colombie rime avec narcotraficet avec prises d’otages. À juste titre :malgré une politique sans concessions,ce pays produit 60% de la cocaïne mon-diale et lutte depuis plus de quarante anscontre une guérilla qui se finance enrecourant au trafic de drogue et à l’extorsion.Il serait toutefois dommage de s’arrêter àces quelques clichés. D’abord parce quela Colombie représentepour notre pays un enjeuimportant : avec plusd’un million de kilo-mètres carrés, (deux foisla France) il est le troisiè-me pays le plus peupléd’Amérique latine. Il aconnu au cours des der-nières décennies un desplus forts taux de crois-sance du continent et il est aujourd’huiplutôt mieux armé que d’autres pour faireface à la crise. Il dispose d’institutionssolides et démocratiques.De plus, en ces jours où l’on parle beau-coup de diplomatie d’influence, laColombie est un pays qui s’intéresse ànous, à nos positions politiques maisaussi à nos débats d’idées, à nos avan-cées scientifiques et technologiques. Ellepeut être aussi une source d’inspirationpour nos propres décideurs : quiconque aparcouru à Medellín le «Metrocable »(téléphérique qui fait partie intégrante du système de transport en commun)voit, au-delà de l’exploit technique del’entreprise (française) Pomagalski le travail exemplaire qui a été réalisé entermes de récupération de quartier sensible.

Nos relations bilatérales sont tout naturel-lement le reflet de ces caractéristiques. Les entreprises françaises s’intéressentau marché colombien. Nos échanges res-tent modestes – 900 millions d’euros decommerce bilatéral en 2008 – mais pro-gressent rapidement – ils n’étaient quede 700 millions en 2007. La France estici le troisième investisseur étranger, lepremier en termes d’emplois créés.Aujourd’hui, le consommateur colombienprend sa Renault (assurée chez AGF)

pour aller chez Carrefourou Exito (du groupe Casino)acheter ses yaourts Danonedont les emballages serontretraités grâce à Véolia.Non seulement le nombred’entreprises implantéesen Colombie est supérieurà la centaine, mais on lesretrouve dans tous les sec-teurs et les petites côtoient

les plus grandes.Les négociations en cours de l’accordd’association avec l’UE et d’accords bila-téraux de protection des investissementset de non double imposition devraientnous permettre de consolider cette rela-tion, tandis que la création début 2009d’un Conseil franco-colombien des entre-preneurs permettra d’attirer de nouvellesentreprises.

Proximité intellectuelleLe président du patronat colombien,dans ses interventions, le souligne volon-tiers : un des atouts de son pays pourattirer les investisseurs français est notreproximité linguistique et culturelle. LaColombie compte trois lycées français,qui enseignent à plus de 3000 élèves, unréseau de onze Alliances Françaises

«…un des atouts deson pays pour attirer

les investisseursfrançais est notre

proximité linguistiqueet culturelle. »

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quées plus haut, sans porter atteinte àses principes démocratiques. Elle abesoin pour cela de l’appui de la com-munauté internationale, et donc dunôtre. C’est la raison de notre engage-ment (police, gendarmerie, douanes,MILDT) dans la lutte contre le narcotra-fic, de notre rôle actif au sein du G24,groupe de pays amis chargés d’accom-pagner la recherche de la paix et du dia-logue avec la société civile que nous pré-sidons en ce deuxième semestre, de lacréation sous notre présidence d’unmécanisme de consultations UE-Colombieen matière de droits de l’Homme.Les noms de Pérou de Lacroix, compa-gnon d’armes de Bolivar, du docteurRévérend, médecin qui accompagna leLibertador dans ses derniers instants,sont bien oubliés en France. Ils nous rap-pellent cependant que la Colombie indé-pendante, qui célèbrera bientôt sonbicentenaire, est née des idéaux de laRévolution française. Ces idéaux existenttoujours. La réalisation de ce numérospécial réalisé sous la responsabilité del’association colombienne des anciensélèves de l’Ena montre qu’ils se tradui-sent dans la réalité politique et adminis-trative contemporaine. ■

Le Metrocable, service de transport public à Medellín

implantées dans treize villes différenteset dont la principale, à Bogota, est ladeuxième du monde. Le nombre d’étu-diants colombiens en France (2200) estle plus élevé de toute l’Amérique latineaprès le Brésil. Cette proximité intellectuelle est appeléeà se développer : l’Alliance Françaiseinaugurera prochainement le nouveaubâtiment de sa troisième implantationdans Bogota, un immeuble de septétages conçu par l’architecte franco-colombien Rogelio Salmona, à qui la Cité

de l’Architecture rendait récemmenthommage. Les accords de co-diplômesentre universités des deux pays (plus dequarante à ce jour) se développent à untel rythme qu’un grand nombred’Universités colombiennes ont décidéde créer en leur sein des filières franco-phones, tandis que notre langue, quiavait disparu des écoles secondaires, yest progressivement réintroduite.Faut-il en conclure que tout va pour lemieux ? Non, bien sûr. La Colombie doittoujours faire face aux menaces évo-

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La présence de la Colombie en France

La relation de la France etde la Colombie a toujoursété marquée par un courantnaturel d’admiration et desympathie des Colombienspour la France. Laréciproque est loin d’êtrevraie, mais les choses ontbeaucoup évolué. Il n’estpas exagéré de direqu’aujourd’hui il existe une relation fluide,cordiale, constructive entreles deux pays à tous les niveaux

Par Fernando Cepeda Ulloa Ambassadeur de Colombie en France L a relation bilatérale franco-colom-

bienne est sur le point de fêter ses180 ans. Elle a connu diverses étapesqui, grosso modo, pourraient être ainsirésumées :Le XIXe siècle, si nous nous en tenonsaux annales diplomatiques et consulairespubliées par Antonio José Uribe, révèlentune relation médiocre, où prédominentles discussions sur des accords commerciaux(et non des traités) et différents types dedisputes d’ordre judiciaire. Aucune don-née sur le commerce ou l’investissementn’est présente dans les rapports des ministresdes Relations extérieures au Congrès.L’Angleterre avait pris l’avantage sur laFrance en Colombie et en Amérique latineen matière commerciale. Comme l’écritde manière synthétique Christine Bellecdans son travail original, ce manque d’at-trait de la France pour la Colombie tientà plusieurs facteurs : tout d’abord, l’his-toire politique internationale, puis com-merciale; ensuite, des motifs intérieurs à laColombie: son défaut de voies de commu-nication, ses guerres civiles incessantes,ses politiques économiques changeantes ;enfin, les problèmes internes de la France,dont l’histoire ne fut pas moins mouve-mentée au long du XIXe siècle. (p.271)1.Une seconde étape serait liée à l’intérêtfrançais pour le formidable projet de laconstruction du Canal de Panama. L’onpourrait dire qu’il s’agit d’une période inten-se et brève, qui eut une fin désastreuse.Une troisième étape peut être identifiée àpartir de la perte du Panama en 1903 (etde l’indemnisation de la Colombie par lesÉtats-Unis) et avec l’évolution de la dis-tribution du pouvoir mondial après laPremière Guerre mondiale. Ces deux cir-constances principales aboutirent à uneposition colombienne qui privilégia lesrelations avec les États-Unis. Il s’agit ducélèbre «Respice Polum » formulé parMarco Fidel Suarez.

Une relation très importanteAu XXIe siècle, après les terribles actesterroristes du 11 septembre 2001, lesliens entre les États-Unis et la Colombiese sont renforcés laissant place à un cor-dial désaccord avec l’Union européenne,en particulier avec la France. Deux visionssur la manière d’affronter le narco-terrorismeen Colombie se heurtaient. Cependant, larelation de la France et de la Colombie,au fil de ces étapes, a toujours été mar-quée par un courant naturel d’admirationet de sympathie des Colombiens pour laFrance. Plusieurs facteurs l’ont alimenté :une passion pour les affaires culturelles,une obsession pour la maîtrise de lalangue et une commune implication pourles Droits de l’Homme, rendue évidentedès la traduction par Antonio Nariño dela Déclaration des Droits de l’Homme etdu Citoyen. L’ambassadeur Jean-Michel Marlaud apportedes éléments qu’il n’est nul besoin de répé-ter. Ils révèlent que la relation entre laFrance et la Colombie est très importantepour cette dernière. Évidemment il n’en vapas de même pour la France. Et sur cepoint il convient de faire quelques réflexions.Les intérêts de la Colombie et de la Francecoïncident sur de nombreux aspects. Auniveau politique, cela va de soi. Auniveau de l’investissement, la Colombiesouhaite attirer encore plus de capitauxfrançais, déjà investis dans des propor-tions significatives. Elle souhaiterait queles produits colombiens trouvent un largemarché en France, ce qui n’est pas lecas. De la même manière, elle espèreque bien plus de touristes français viennentprofiter de la beauté de son territoire et desa richesse culturelle. Récemment, à lasuite de l’assouplissement des conseilsaux voyageurs demandé par les ministresJaime Bermúdez et Luis Guillermo Plataà Bernard Kouchner, Proexport a mis enœuvre un programme pour attirer lestouristes français.

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Un Conseil de présidents d’entreprisesfonctionne sous la conduite de Luis CarlosVillegas en Colombie et de Philippe Favreen France. C’est un autre résultat de laréunion bilatérale de février 2009.

Pour un effort partagéEn matière culturelle, la Colombie ne dis-pose pas d’équivalents de l’AllianceFrançaise ou des lycées français, ce quiest déplorable. Le prestige du castillanparlé en Colombie justifierait pleinementque nous ayons un équivalent desAlliances ou de l’Institut Cervantesd’Espagne, dans divers endroits dumonde. Ils pourraient porter le nom pres-tigieux de García Marquez. Personne nemet en doute la solvabilité colombiennedans ce domaine.En 2010 la Colombie sera invitée d’hon-neur d’une intéressante manifestationintellectuelle, Les Belles Etrangères,organisée par le Centre national du Livrefrançais, qui permettra la présence deplus de dix écrivains colombiens dansdifférentes villes de France pour des pré-sentations et participer à des débats.Cette activité sera l’occasion de publierdes traductions de livres d’auteurscolombiens ; il s’agit d’une entreprise quela Colombie devrait stimuler.Qu’il soit dit au passage que la précaritéde la bibliographie colombienne dans leslibrairies françaises est affligeante ; et lemanque de livres colombiens dans lesbibliothèques, mêmes spécialisées, est

préoccupant. C’est un autre secteur danslequel la Colombie doit faire un effort. Ilest indispensable d’encourager des pro-grammes qui permettent le séjour d’uni-versitaires français en Colombie et deColombiens en France pour des périodesd’un ou deux ans, permettant unemeilleure connaissance des aspects cen-traux de la vie des deux pays.Le même constat peut être fait à proposdes échanges éducatifs. La Colombieenvoie un nombre très élevé d’étudiantsen France : 2200 selon l’ambassadeurMarlaud ; certains disent davantage.Mais combien d’étudiants français sonten Colombie ? Quand la notation des uni-versités et des programmes académiquesprend comme critère fondamental ledegré d’internationalisation, la Colombiese trouve avec un handicap considérableparce que des questions de sécurité ontbloqué la présence d’étudiants et de pro-fesseurs étrangers.Historiquement la médecine, le droit, leshumanités dans leur plus large concep-tion ont trouvé en France les sourcesd’apprentissage et d’inspiration. Cettetradition se maintient, en particulier pourle droit et les humanités. L’anthropologiecolombienne, et en général les sciencessociales, ont trouvé un élan appréciableavec la présence de Paul Rivet, invité enColombie par le président EduardoSantos, de 1941 à 1943. Et dans cesdomaines, la collaboration a beaucoupprogressé comme le signale justement

l’ambassadeur Marlaud en mentionnantles nombreux programmes de doublediplôme (inconcevables il y a vingt ans)et les différents accords de coopération. Il est indispensable de faire un effort par-tagé pour que les étudiants et les ensei-gnants colombiens puissent bénéficier duhaut niveau académique des «GrandesEcoles». C’est un objectif que nous devrionspoursuivre avec obstination. La constructionde la Maison de la Colombie à la CitéUniversitaire Internationale de Paris estun projet que nous impulsons de maniè-re bilatérale. L’ambassadeur Marlaud, leprésident de la Cité universitaire MarcelPochard, le recteur Fernando Hinestrosaet d’autres dirigeants d’universités, l’ar-chitecte Victor Castro, l’entrepreneurRafael Najar, le maire Bertrand Delanoéappuient cette initiative et avancent versson éventuelle matérialisation. Ce n’estpas simple.La relation bilatérale a fait un pas trèsimportant avec la réunion du mécanismede consultations franco-colombiennes,établi par les présidents Uribe et Sarkozyà New York en septembre 2007, qui a eulieu en février 2009. Un agenda bilatérala été adopté ; les deux pays le suiventavec une attention spéciale. Le 25 juin àParis, une révision bilatérale a été décidée.

1 - Christine Bellec, « Les premières relations diplomatiques et écono-miques entre la France et les principaux ports Atlantiques deColombie de 1830 à 1889 », Université de Paris X – Nanterre, thèsede Doctorat de troisième cycle, 1982.

Vue de Carthagène

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Une relation fluide et constructiveIl n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’huiil existe une relation fluide, cordiale,constructive entre la France et laColombie à tous les niveaux. Le dialogueentre les présidents, entre les ministresdes Affaires étrangères, entre d’autresministres se développe naturellement.L’intérêt des parlementaires va crois-sant, de part et d’autre, et cette mêmetendance commence à s’observer entreles gouvernements départementaux et lesmunicipalités (Antioquia, Medellín, Bogotá,Cartagena).Un grave défaut dans la relation bilatéra-le – de vieille date – est l’absence d’unepolitique face aux liens qui doivent s’éta-blir avec les gouvernements décentrali-sés (régions, départements, municipali-tés). Une stricte politique d’austérité abloqué cette dimension fondamentale.De la sorte, il y a des ambassades dans lescapitales mais il n’y a pas d’ambassadedans les pays pris comme une totalité.

Fréquemment nous nous demandons sil’Europe est réellement intéressée parl’Amérique latine. Et cette questioninclut, bien sûr, la France. La nouvelleconjoncture mondiale met en évidencequelques signes qui laissent penser quel’Amérique latine pourrait devenir unerégion attractive pour l’Europe, et pourla France. Ce pays, curieusement, àl’instar des États-Unis, privilégie la rela-tion avec le Brésil et le Mexique. Maisj’ose affirmer qu’il montre un intérêt nonmoins grand pour l’Argentine, pour le Chiliet pour la Colombie. La création de l’Institutdes Amériques, promue par le professeurJean-Michel Blanquer, recteur del’Académie de Créteil, président du grou-pe d’intérêt scientique Amérique latine,va donner un nouveau souffle et unimpact constructif aux études et auxdébats sur l’Amérique latine. Une anten-ne de cet Institut qui associe quaranteentités françaises s’est installée enColombie.

Pour finir rappelons que l’homme de lois,Francisco de Paula Santander, dont lastatue orne la place de la Colombie aubout de l’élégante avenue Henri Martin àParis, inclut cette phrase dans le titre deson journal sur sa présence en Europe :«… lequel contiendra de nombreusesanecdotes que d’autres estimerontsuperflues mais que je note par curiosi-té et parce qu’en Colombie l’on neconnaît pas ce qu’est l’Europe ». Ilconviendrait de se demander si cettepréoccupation est toujours valable… etsi elle l’est pour les deux parties. C’estdire que le problème d’image que poseavec raison l’ambassadeur Marlaud aune vieille histoire.Les anciens élèves colombiens de l’Enaferaient bien de vivifier le très puissantréseau de leurs camarades et homo-logues en France pour favoriser unecompréhension différente de laColombie. Cette publication en offrel’opportunité. ■

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La place Simon Bolivar à Bogotá

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La présence de la culture juridiquefrançaise en Colombie

Le Code civil colombienprocède directement duCode civil napoléonien etcette influence n’a fait quese renforcer depuis deuxsiècles. Les grandsthéoriciens français dudroit n’ont cessé d’être desréférences fondamentalespour les juristescolombiens et leséchanges réguliers entreles universitéscolombiennes et françaisestémoignent de laconsolidation croissantedes liens culturels entreles deux pays.

Par Fernando HinestrosaRecteur de l’Université Externado deColombia

C olonisée par la monarchie espagnole,la Nouvelle Grenade – aujourd’hui

Colombie – a été régie pendant 350 anspar le droit castillan renvoyant à la tradi-tion romaniste, et ce jusqu’à la mi-XIXe

siècle, quand une fois consolidée l’indé-pendance nationale, elle a commencé àse donner sa propre législation. La ruptureavec la métropole hispanique et le moindredéveloppement juridique de cette dernièreauxquels s’ajoutait l’auréole gagnée parles codes napoléoniens, ont fait tournerles yeux des pays de l’ancien Royaumedes Indes vers la codification napoléo-nienne, à partir du Code civil. Andrés Bello (1781-1865), humanistevénézuélien, résidant au Chili depuis lesannées 1830, a élaboré avec applica-tion, talent et discernement, un projet deCode civil qui a inspiré le Code civil chiliende 1855 et s’est rapidement étendu surle continent. Les États de la ConfédérationGrenadine1 l’ont adopté successivementavec quelques modifications, et ensuite,lorsque la République de Colombie s’estconstituée, il est devenu le Code civilcolombien. Pour souligner l’éclat de cesuccès, il est utile de tenir compte de lasignification historique de la «ConstituciónCivil de los Franceses », ainsi que l’im-portance propre de l’ordre régulateur desrelations des particuliers entre eux.Ce Code civil colombien, d’origine françaises,surtout quant au régime des obligationset des contrats, est toujours en vigueur ;et ne sont pas rares les amendementsintroduits qui ont cette même référence.Il en va de même pour le Code du com-merce, contemporain de ce dernier, éga-lement emprunté au Chili et fondé surl’ordre français. Il a été en vigueur jus-qu’en 1971, quand fut instauré un nou-vel ordre commercial, reprenant en cettematière le Code civil italien de 1942,comme divers pays latino-américains.

La doctrine civiliste et que la jurisprudencefrançaise ont orienté la doctrine et lajurisprudence colombiennes. L’école del’exégèse a occupé l’enseignement et lapratique nationaux jusqu’à la moitié desannées 1930, quand un revirement ins-titutionnel a eu lieu avec la rénovation etl’actualisation des institutions publiqueset privées inspirée du droit français. Laréforme constitutionnelle de 1936, avecun accent solidaire manifeste, a eu pourréférence les Constitutions de Weimar etde la République espagnole, mais sonmentor idéologique fut le grand théori-cien français de l’Etat Léon Duguit (1859-1928). Le droit administratif, à commen-cer par le Conseil d’Etat, juge administra-tif et conseiller du Gouvernement, a acquisautorité dans le pays et s’est développéselon ce modèle ; Hauriou et Jéze ont étéétudiés et cités dans leur temps. Enmatière de droit civil, l’avancée française– à partir de l’école libre d’interprétationde Geny et Saleilles, suivie par les clas-siques du droit moderne (Planiol, Ripert,Demogue, Colin, Capitant, Bonnecase,Josserand, les frères Mazeaud, E. Gaudemet)a inspiré les créations prétoriennes denotre jurisprudence de ce temps. Le droitfrançais a été notre ligne pédagogique etherméneutique, lu directement ou en tra-duction immédiate. Le doyen Léon Julliotde la Morandière (1885-1968) a conseilléla Commission qui menait le premier projetde modernisation de notre Code civil entre1939 et 1941.

Une vigueur et une énergiemagnifiquesMalheureusement cette proximité etcette compréhension se sont affaiblies.La guerre et l’occupation de la France ont

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1 - La Confédération Grenadine a succédé en 1858 à la Républiqueunitaire de Nouvelle-Grenade. En 1863, elle a pris le nom d’Etats-Unis de Colombie (note de la Rédaction).

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entraîné un éloignement forcé, la languefrançaise a disparu des matières du bac-calauréat, les traductions du français sesont faites plus rares et le coût des livresa augmenté. Tout cela a conduit à unhiatus. Des années plus tard le droit fran-çais a repris sa position prééminentedans le concert mondial. Avec les traitéstraditionnels, abondent les collections dethèses doctorales profondes et inno-vantes, la mise à jour de la jurispruden-ce avec des avancées audacieuses, et lapublication dans les revues, les tradition-nelles et les récentes, d’essais, decomptes rendus et de commentaires surles thèmes les plus actuels et débattus.Ce sont là les preuves qui témoignentd’une vigueur et d’une énergie magni-fiques. Une nouvelle fois les noms et lesfigures des juristes français les plusremarqués nous sont redevenus fami-liers : Carbonnier, Flour, Terré, Ghestin etses disciples, outre les publicistesFavoreu, Drago, Y. Gaudemet ;, plusieursd’entre eux ont visité nos établissementsuniversitaires. Les juristes colombiensmaintiennent leurs liens avec la Sociétégénérale de Législation comparée et legroupe colombien de l’Association HenriCapitant des amis de la culture juridique

française participe activement, depuisdeux décennies, aux travaux d’actualisa-tion et de diffusion des valeurs de la tra-dition juridique continentale, et françaiseen particulier, que cette organisationmène avec ténacité. Quatre journées detravail se sont tenues à Bogota sous ladirection de M. Grimaldi et D. Mazeaud.Le droit public, constitutionnel et admi-nistratif, de contour français, a pris del’importance théorique et pratique,encouragé par l’essor des études à Paris.De nombreux jeunes Colombiens y ontsuivi leur DSU ou leur DEA et, à leurretour, sont entrés dans l’enseignementou ont occupé des magistratures au seinde la juridiction du contentieux adminis-tratif et se sont placés à l’avant-gardedoctrinale. Leurs liens avec l’Universitéfrançaise se sont concrétisés dans latenue de rencontres binationales de lajuridiction et dans des programmes d’as-sistance pour la réforme des statuts deprocédure. De cette manière, le droitfrançais a maintenu sa suprématie ausein de ces branches du droit. De lasorte, la jurisprudence et la doctrinecolombiennes, sans cesser d’affirmer leuridentité, conservent un penchant pour ledroit français.

À nouveau, les Universités de Paris I etParis II, sont fréquentées par les étu-diants en droit colombiens. Ils sont deplus en plus nombreux à suivre un mas-ter ou un doctorat en droit, avec uneinclination marquée pour le droit civil.Leurs bons résultats et l’attention desenseignants pour les orienter et dirigerleurs thèses ont favorisé les échangesuniversitaires : accords de double-diplô-me, co-tutelle de thèses de doctorat,reconnaissance des études suivies dansl’autre pays.L’ouverture culturelle sur les deux rivesde l’Atlantique, l’engagement de l’Etatfrançais d’accueillir les étudiantsd’Amérique latine avec programmes debourses et hospitalité, et l’effort des ins-titutions nationales pour stimuler lesétudes supérieures de niveau master etdoctorat, ont créé un climat propice àl’échange culturel, tout en favorisant laconscience de la hauteur des valeurs dudroit continental de tradition romano-germanique, dans le contexte de la com-pétition entre les systèmes juridiques, etsa signification pour l’affirmation denotre identité nationale.Ainsi, il convient de célébrer la consoli-dation de la présence de la culture fran-çaise en Colombie,. Sa force actuellepermet d’augurer un développementintense et fructueux. ■

La bibliothèque Virgilio Barco, réalisée par l'architecte Rogelio Salmona

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Le Conseil d’État colombien :une institutionavec un fort accent français

L’antécédent napoléonienn’est pas la seule sourcede rapprochement entre leConseil d’État français et le colombien. La dualité de juridictions –administrative et judiciaire –,et la double fonction duConseil d’État – consultativeet juridictionnelle –,caractérisent la spécificitécolombienne en matièrejuridique en Amérique latine.La Colombie est en effet le seul pays de la régionqui a adopté et maintenucette structure. Étude comparée dufonctionnement de deuxinstitutions essentiellespour la défense de l’État de droit.

Par William Zambrano Cetina J’accuse 1998 Cycle international courtConseiller d’État Président de la Section Consultative

B ien que l’on puisse voir clairementdes antécédents dans la législation

coloniale espagnole, en particulier dansles fonctions attribuées aux «RoyalesAudiences », tribunaux qui « à l’instar despéninsulaires, furent conçus pour qu’ilssoient non seulement des organes de jus-tice, mais aussi de contrôle du gouverne-ment et de consultation pour les autresautorités»1 de nombreux auteurs coïnci-dent en affirmant que la création duConseil d’État dans l’ordre juridiquerépublicain de la Colombie eut son anté-cédent le plus plausibledans l’institution crééepar Napoléon Bonaparteen 1799.Simon Bolivar, sur qui l’im-pact de l’épopée napoléo-nienne est bien connu,aurait trouvé là sa sourced’inspiration pour l’expé-dition à Angostura du décretdu 30 octobre 1817 créantle Conseil d’État. Chef suprême de laRépublique du Venezuela, capitaine généralde ses armées et des armées de la NuevaGranada, il justifia la création d’un telorganisme par sa volonté que « les dispo-sitions importantes, les lois, les règle-ments ou les instructions salutaires qui,entretemps, doivent être publiées pourl’administration et l’organisation des pro-vinces déjà libres ou qui se libèrent »,soient « des propositions, discutées etconvenues par une assemblée qui, enraison du nombre et la dignité de ceuxqui la composent, en viennent à mériterla confiance publique». Ce Conseil étaitcomposé des chefs militaires, civils et dela justice, et comprenait trois sections : la première, de L’État et du Trésor ; la

deuxième, de Marine et de Guerre ; latroisième, de l’Intérieur et de la Justice.

Un dialogue permanentMais l’antécédent napoléonien n’est pasla seule source de rapprochement entrele Conseil d’État français et le colombien.La dualité de juridictions – administrati-ve et judiciaire –, et la double fonction duConseil d’État – consultative et juridic-tionnelle –, caractérisent la spécificitécolombienne en matière juridique enAmérique latine. La Colombie est en effet

le seul pays de la régionqui a adopté et maintenucette structure. Les deux Conseils naissentfondamentalement commeconseillers du gouverne-ment. Le Conseil d’Étatfrançais ajoute à cettefonction, à partir de 1872,celle d’administrer la jus-tice au nom du peuple ;

ce qui arrivera en Colombie avec laConstitution de 1886, et de façon défini-tive à partir de 1913, date à partir delaquelle le Conseil d’État est devenu letribunal suprême du contentieux adminis-tratif, en même temps que l’acte législatifde 1914 ratifiera sa qualité d’organeconsultatif suprême du gouvernement.Depuis lors, les œuvres de Cormenin,Laferrière, Hauriou, Duguit, Rolland, Jèze,Carré de Malberg, Rivero, Laubadère,Waline, Eisenmann, Vedel, Drago, Delvolvé,Chapus, Moreau, Moderne – parmi d’autres –,mais aussi la jurisprudence du Conseilfrançais, seront couramment lues par les

(…) le problèmerécemment résolu par

le Conseil d’Étatfrançais (…) fut

discuté et résolu enColombie en 1945

1 – Fernando Mayorga: “La Real Audiencia. Órgano colegiado de justiciaen el período hispánico”. Revista Credencial Historia. Edición 148.Abril de 2002.

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auteurs et juges colombiens, et souventcitées dans leur jurisprudence. La naturedu droit administratif colombien, les spé-cificités de son système de contrôle deconstitutionnalité – plus ancien et pluscomplexe que le français2 – et même ladifférence des réalités auxquelles chaquepays fait face (qui expliquent parexemple l’explosion de l’utilisation enColombie d’un instrument comme « l’ac-tion de tutela »3), n’ont pas empêché, aucontraire ont stimulé un dialogue perma-nent entre les deux systèmes juridiques.En témoignent de nombreuses réunionsentre les deux institutions, comme cellequi s’est déroulée en 1997 à Carthagène,pour fêter le bicentenaire du Conseil français,ou la dernière réalisée à Bogotá au moisde mai 2009, sur la fonction consultativeet la qualité de la loi, l’expérience française,espagnole et de l’Amérique andine.

Une problématique communeAujourd’hui, les deux Conseils d’État sui-vent un processus de modernisation. Lesapproches sur ce qu’il faut changer nesont pas les mêmes, mais se font jour àl’intérieur d’une problématique commu-ne. Ainsi, le problème récemment résolupar le Conseil d’État français, avec ledécret du 6 mars 2008 qui précise lacoexistence des fonctions consultativeset juridictionnelles, fut discuté et résoluen Colombie en 1945 avec la création desalles totalement distinctes. Dans lemême temps, une bonne partie des pro-blèmes que se pose aujourd’hui la

Commission de réforme de la juridictiondu contentieux administratif en Colombietrouvent d’intéressantes possibilités desolution dans les dernières réformes réa-lisées en France. Avec des différences aussi, l’importancedonnée en France à la fonction consulta-tive pour la préparation de la législationest claire. En Colombie, bien qu’elle sesoit maintenue au long de l’histoire etqu’elle ait connu des moments impor-tants4, cette fonction n’a pas toujoursdéployé sa véritable potentialité.Contrairement à la France, le nombre decas où le Conseil d’État doit être consul-té est réduit, et au contraire de ce qui sepasse dans ce pays, dans seulement trèspeu de cas au cours de notre histoire ins-titutionnelle il a été prévu que l’exécutifnécessite un avis préalable favorable duConseil d’État pour prendre une décision.Dans les deux cas sans doute, l’objectivitéet l’indépendance dans l’exercice de leursfonctions sont les éléments essentiels quileur permettent de maintenir leur autori-té, c’est là que réside leur force, enFrance tout comme en Colombie.Autorité et autonomie qui, dans le cas duConseil d’État français, trouvent un appuiadditionnel dans les textes et la jurispru-dence constitutionnelle, et qui dans lecas colombien se trouvent reflétéesdepuis plus d’un siècle dans l’apparte-nance du Conseil d’État – la SectionConsultative comprise –, au pouvoir judi-ciaire.

2 – Le système de contrôle de constitutionalité colombien (des lois etdes actes de l’exécutif) qualifié de diffus ou de complexe par la doc-trine colombienne, qui tient compte des organes qui l’exercent ainsique du mélange de procédures préventives, automatiques et a pos-teriori qui le caractérisent, fut organisé à l’origine en 1910. Il octroiedepuis à tout citoyen la possibilité d’attaquer par voie d’action, hierdevant la Cour Suprême de Justice, aujourd’hui –depuis 1991–devant la Cour Constitutionnelle, toutes les lois et certains décrets,ainsi que d’intervenir devant cette même juridiction pour défendreou attaquer la constitutionalité de certains décrets d’exception quifont l’objet d’un contrôle automatique, de même que les traités inter-nationaux et les lois qui les approuvent. Tout citoyen peut égalementdemander pour vices de procédure la constitutionalité des actes parlesquels le Parlement modifie la Constitution, ainsi qu’intervenirdans le processus de contrôle automatique des lois qui ont commeobjectif une réforme de la Constitution, par voie de référendum ou del’Assemblée Constituante. Tous les autres décrets dont le contrôlen’est pas expressément attribué à la Cour constitutionnelle peuventêtre attaqués par voie de l’action en nullité pour inconstitutionnalitédevant le Conseil d’État, organe qui de ce fait participe lui aussiau contrôle de constitutionalité. En vertu de la primauté que laConstitution confère à ses propres normes dans son article 4, lescitoyens sont aussi en mesure de demander aux juges l’applicationde l’exception d’inconstitutionnalité pour des cas concrets.

3 – Établie pour garantir la protection des droits fondamentaux, l’actionde « tutela » peut être invoquée par tout citoyen grâce à une procé-dure sommaire pour demander à toutes les autorités publiques,– leConseil d’État et la Cour Suprême de Justice inclus – et même à cer-tains particuliers, que les droits constitutionnels soient respectés.

4 – À titre de simple exemple nous pouvons rappeler les expressions dePombo et Guerra déplorant la suppression temporaire du Conseild’État entre 1905 et 1914 : « Comme collaborateur du corps législa-tif, le labeur du Conseil d’État n’était pas moins excellent, car tra-vaillant dans le silence et le recueillement il pouvait préparer avecgrande justesse les projets de codes et de lois généraux, comme ilen prépara beaucoup, qu’il était impossible dans le brouhaha desChambres de préparer avec le calme dû », ou plus récemment l’ac-tive participation de la Salle de Consultation dans l’élaboration desdécrets qui développèrent l’article transitoire 20 de la Constitutionde 1991, sur la modernisation de l’administration, ou encore dansl’actuel processus de réforme du Code du Contentieux-Administratif.

Dernièrement, comme le fruit d’une relationchaque fois plus étroite, grâce particuliè-rement aux efforts du conseiller MarcelPochard et à l’appui de l’ambassade deFrance à Bogota, deux missions de tra-vail se sont déroulées à propos desréformes en cours du Code de procédureet du contentieux administratif colom-bien. Les mémoires de ces travaux ontété publiés en Colombie par l’Imprimerienationale, et en France par les éditionsl’Harmattan, dans la collection «Logiquesjuridiques », dirigée par le professeurGérard Marcou, qui a fait partie d’une deces missions aux côtés des conseillersPochard, Durand-Viel, et Schoetll. L’impor-tance des sujets abordés, – mécanismesde rationalisation de la procédure conten-tieuse, rôle du Conseil d’État comme uni-ficateur de jurisprudence, indemnisationdes victimes sur le fondement du princi-pe de solidarité nationale, protection desdroits fondamentaux par l’administra-tion, affermissement de la fonctionconsultative en matière de révision destextes normatifs, entre autres –, ne peutque montrer la vitalité des rapports com-muns et le besoin de continuer à tra-vailler ensemble en vue de la défense del’État de droit. ■

Le Conseil d’État colombien

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La lutte anti terroriste en Colombie :la survie de la démocratie

L a Colombie souffre depuis plusieursdécennies de l’action criminelle des

divers groupes extrémistes nationaux, liésà d’autres groupes terroristes étrangers.L’époque la plus noire a sans doute étécelle des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, avec le terrorisme aveugle etmeurtrier de Pablo Escobar, chef du cartelde Medellin, l’organisation de trafic dedrogue la plus puissante au monde. En2009, la Colombie commémore le ving-tième anniversaire de l’assassinat de LuisCarlos Galán, candidat présidentiel, abattupar des tueurs à gages au service d’Escobar.Pendant cette même campagne présiden-tielle, Escobar fit exploser en vol un avionavec plus de cent passagers en essayantde tuer César Gaviria, héritier de Galán etfinalement élu président en 1990. Pendantces années noires des centaines de policiers,juges, journalistes, hommes politiques etcitoyens anonymes ont péri par l’actionsystématique des terroristes.Malgré la fin du cartel de Medellin en1993, le terrorisme n’a pas disparu enColombie. Des organisations d’extrêmedroite et d’extrême gauche – toutes liéesau trafic de la drogue – ont recours au ter-rorisme pour contrôler des territoires, desressources publiques et pour défendreleurs autres activités criminelles.

Farc et groupes paramilitairesCréées formellement en 1964, les Forcesarmées révolutionnaires de Colombie(Farc) demeurèrent strictement alignéessur Moscou pendant la guerre froide. Ellesn’ont jamais trouvé le soutien populairenécessaire pour mener la révolution com-muniste et les idéaux d’égalité qu’ilsdisaient défendre. En 1982, sans appuipolitique et à court de ressources, leursdirigeants ont utilisé le meurtre, l’extor-sion, la prise d’otages et le trafic de droguepour maintenir leur activité. Ils ont fait fuirdes milliers de paysans de leurs maisonset réussi à répandre la terreur dans les

villes. Pendant des années les Farc ont étéles premiers preneurs d’otages et assas-sins au monde. Aujourd’hui, fortes d’envi-ron dix mille hommes, elles sont égale-ment une des organisations clé dans laproduction et trafic de drogue enColombie. A l’autre bout du spectre politique, issusdes armées privées de Pablo Escobar, sesituent les groupes paramilitaires. Certainsgrands propriétaires terriens ont trouvéauprès des trafiquants de drogue desalliés parfaits pour mener une soi-disant« lutte contre-guérilla» : ils avaient lesmoyens, les armes et la disposition crimi-nelle pour agir. De leur côté, les trafi-quants ont ainsi pu construire un discourspolitique pour déguiser leur besoin de protéger leur commerce de cocaïne. Lesparamilitaires ont ciblé toute personnesupposée proche des idées de gauche etdes villages entiers ont été décimés, dansun effort macabre de «nettoyage politique».Malheureusement, parfois quelques mili-taires et policiers sont tombés de plein grédans cette logique absurde et ont active-ment ou passivement appuyé ces actions. Les Farc et les paramilitaires ont aussicompris que la décentralisation et ladéconcentration des pouvoirs publics four-nissaient une opportunité de rêve pouraccéder à des ressources publiques et aucontrôle de l’État au niveau local. Lesparamilitaires, en particulier, ont forgé desalliances avec certains hommes politiquesqui défendaient leurs intérêts en échanged’appui armé pendant les campagnesélectorales. Ces alliances ont même per-mis l’arrivée de plus d’une dizaine d’élus àla Chambre des députés et au Sénat. Desenquêtes en cours pourraient démontrerque leur nombre est plus élevé.

Le contrôle du territoire,enjeu essentielLe bilan du terrorisme en Colombie estlourd. Certaines estimations font état de

Le terrorisme, définicomme toute actionviolente organisée ayantpour but de semer la peurdans une société, est unfléau qui menace laplupart des démocratiesdans le monde moderne.Il se différencie de la criminalité enréclamant pour soi desobjectifs politiques. De nos jours les réseauxterroristes se sontglobalisés au mêmerythme, ou peut êtreencore plus vite que lesrelations économiquesinternationales.Les terroristes ont trouvégrâce aux communicationsinstantanées, à l’Internetet à la télévision uneaudience globale qui faitécho à leurs actionscriminelles.

Par Camilo Granada Jean Monnet 1990Ancien conseiller présidentiel pour laDéfense et la Sécurité nationale

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plus de cent mille morts pendant les 25dernières années, de plus de quatre mil-lions de personnes déplacées, de milliersde mutilés par les mines anti-personnel.Élu sur un programme sécuritaire, le pré-sident Alvaro Uribe a réussi à établir desaccords de démobilisation avec les princi-paux groupes paramilitaires et leurs lea-ders ont été extradés aux États-Unis accu-sés de trafic de drogue. En même temps,les forces armées et la police ont repris lecontrôle d’une bonne partie du territoire ;les Farc ont été lourdement frappées, leurssystèmes de communication et de ravi-taillement coupés et plusieurs de leursprincipaux responsables ont été capturésou tués lors des affrontements avec lesforces de l’ordre. Malgré les progrès indéniables obtenuspendant les deux administrations du pré-sident Uribe, les organisations criminellesqui se réclament d’un objectif politique (ycompris des nouveaux groupes paramili-taires) restent en mesure de commettredes attentats et de porter atteinte auxcitoyens innocents. La politique antiterro-riste en Colombie doit être soutenue maisaussi réorientée et renforcée pour éliminerde manière définitive ces organisations.Les lignes directrices de cette politiquedevraient se centrer autour de cinq piliers :le renseignement, le contrôle du territoire,le judiciaire, l’action sociale et les finances.Combattre des organisations clandestinesne peut se faire que sur la base du rensei-

gnement. L’information est la clé pour,d’une part éviter que des nouveaux atten-tats soient commis, mais aussi et surtoutla seule façon de démanteler leurs réseauxopérationnels et logistiques, ainsi que decapturer les commanditaires cachés dansles vastes forêts tropicales. Aujourd’hui lerenseignement efficace passe par lesmoyens électroniques de surveillance etd’interception des communications. Celane remplace pas le renseignement humain,provenant de l’infiltration d’agents ou de ladélation. La Colombie a besoin de passer la vitessesupérieure sur les deux plans : d’une part,les services de renseignement doivent seprofessionnaliser et se donner les moyensautonomes (au delà de l’appui internatio-nal) pour recueillir des données ; d’autrepart, il n’y a pas encore de cadre juridiqueclair pour réguler et encadrer le travailsous couvert des agents. Ces deux aspectsdoivent se faire aussi en garantissant queles libertés publiques et citoyennes sontprotégées et que le renseignement estexclusivement ciblé sur les organisationsterroristes et non pas l’opposition démo-cratique ou les activistes syndicaux. Dans un pays comme la Colombie, grandcomme deux fois la France et dont la moi-tié de la superficie est couverte par lesforêts tropicales, le contrôle du territoiredevient un enjeu essentiel, d’autant pluscrucial que la démocratie locale et ladécentralisation sont sur la première lignede feu. Sur ce plan, le gouvernementcolombien a doublé le nombre de mili-taires et de policiers. Il les a dotés demoyens de transport modernes (en parti-culier des hélicoptères et des embarca-tions fluviales rapides), permettant uneprésence accrue et réduisant ainsi lestemps de réaction. Mais la tâche ne peutpas s’arrêter là. La présence des pouvoirspublics doit être intégrale, en particulieravec un volet judiciaire et un volet social.

L’argent, nerf de la guerreL’impunité est la mère de la violence et duterrorisme. Sans les moyens de punir lescriminels, le cercle vicieux ne peut pasêtre arrêté. Les responsables des crimesne sont pas dissuadés et les victimes ontrecours à la vengeance. La justice est la

colonne vertébrale de l’État de droit et dela démocratie. En Colombie, malgré desréformes successives et des ressourcestoujours croissantes, la justice est en deçàdes attentes légitimes de la population.L’appareil judiciaire n’est pas encore suffi-samment fort, présent et efficace pourfaire face aux défis. Dans le cadre de lalutte contre le terrorisme, des mesurespour promouvoir la délation et la démobi-lisation des membres des organisationscriminelles ont été adoptées, mais ellessont devenues trop généreuses et auto-matiques pour garantir un équilibre entreles bénéfices et la punition. Le terrorismea trouvé dans les banlieues défavoriséesdes grandes villes et dans le manque d’op-portunités dans les zones rurales un ter-rain fertile pour recruter des jeunes.L’action sociale de l’État est encore bientrop insuffisante pour leur offrir des alter-natives légales et les protéger des tenta-tions criminelles. Finalement, l’argent est le nerf de la guer-re. Les terroristes agissent grâce à l’accèsqu’ils ont à des ressources économiquesen provenance du trafic des drogues. Ellesleur permettent d’acheter des armes, desmunitions et des explosifs sur le marchénoir international ; de soudoyer des agentsde l’État et d’engager des jeunes pourcommettre les attentats. Mieux connaîtreleurs finances et attaquer les réseauxfinanciers qui les appuient est au centrede cette lutte. Le développement économique et socialde la Colombie passe par la victoire contrele terrorisme. La survie de ses institutionsaussi. Mais cette victoire ne peut pas sefaire aux dépens des valeurs démocra-tiques qu’elle cherche à promouvoir. L’Étatde droit ne peut pas être sacrifié sur l’au-tel de la sécurité. L’histoire colombienne etmondiale est bien trop remplie d’exemplesnéfastes de cette option. La Colombie doittrouver son chemin, mais elle aura besoinde l’appui international (pas limité à celuides États Unis) pour y réussir. La coopé-ration contre ce fléau passe aussi parcomprendre à quel point la consommationde drogue à Paris, Madrid, Londres ouNew York alimente la violence et la dou-leur en Colombie. ■

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L’impunité est la mère de la violence et du terrorisme

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Drogues et démocratie: vers un nouveau paradigme

La violence et le crimeorganisé liés au trafic de drogues sont devenusun des principauxproblèmes en Amériquelatine. Face à une situationqui se dégrade de jour en jour, avec des coûtshumains et sociaux tropélevés, il est impératif derectifier la stratégie de«guerre contre les drogues»suivie dans la régionpendant les trentedernières années. Les politiquesprohibitionnistes –centrées sur la répressionde la production,l’interdiction du trafic et de la distribution et sur la criminalisation de la consommation –n’ont pas donné les résultats espérés.

Par César Gaviria ancien président de la République de Colombie

U n état des lieux réaliste nous montreque l’Amérique latine reste le pre-

mier exportateur mondial de cocaïne etde marijuana, la production d’opiums’accroît et celle de drogues synthétiquesdémarre. En même temps, les niveauxde consommation augmentent dans larégion et restent stables aux États-Uniset en Europe. Parallèlement nous assis-tons à une recrudescence des mafias quiluttent pour le contrôle des marchés ; àune augmentation dramatique des tauxde violence frappant en particulier lesplus jeunes et les démunis ; à des effortsgrandissants des trafiquants pour infiltrerla politique et les institutions démocra-tiques et à une corruption qui atteint lesgouvernements, la police et le judiciaire. Ce bilan nous impose une révision defond des politiques actuelles, d’autantplus urgente compte tenu des coûtshumains insoutenables et des menacescontre la démocratie que la drogue repré-sente.Le modèle répressif est ancré dans despréjugés, des craintes et des visions idéo-logiques. En discuter est devenu tabou,l’information critique est diabolisée et lesconsommateurs de drogue sont repoussésà des cercles clandestins, où ils sont encoreplus vulnérables à l’action des bandescriminelles. Il est impératif de faire un bilan critiquedes défaillances de la stratégie prohibi-tionniste américaine, des bienfaits et deslimites de la politique de réduction desméfaits suivie en Europe, et de la faibleimportance accordée au problème desdrogues dans certains pays, qu’ils soientdéveloppés ou non. La Colombie est un clair exemple deslimites de la politique répressive promueglobalement par les États-Unis. Pendantdes décennies, mon pays a adopté toutesles mesures possibles, avec des effortsincomparables ; les bénéfices ne sont pas

à la hauteur des sacrifices et des coûtshumains et financiers consentis. Malgrédes succès indéniables dans notre luttecontre les cartels et la violence, les sur-faces cultivées de coca et le flux dedrogue vers l’étranger ont augmenté ànouveau.Le Mexique est devenu un autre épi-centre de violence liée aux cartels, quiont déplacé les organisations colom-biennes pour l’approvisionnement dumarché américain. Le Mexique est endroit de demander au gouvernement deWashington et à la société nord-améri-caine une révision des politiques menéeset des efforts plus significatifs pour réduirela demande aux États-Unis et en Europe.L’expérience colombienne doit servir pourouvrir la porte à des approches alternativesnouvelles.

La solution réelle de longue duréeLa priorité donnée en Europe à la réductiondes méfaits et le traitement du problèmedes drogues comme une affaire de santépublique est plus humaine et efficace.Mais le faible poids accordé à la diminu-tion de la consommation fait que lademande reste stable et promeut la pro-duction dans d’autres régions du monde. Briser le tabou, reconnaître les échecsdes politiques actuelles et leurs consé-quences est une condition sine qua nonpour ouvrir le débat vers un nouveauparadigme de politiques plus sûres, plusefficaces et plus humaines. Ceci n’im-plique pas de rejeter en bloc toutes lesmesures prises, ou de nier le besoin decombattre de front les cartels et les trafi-quants. Il s’agit d’accepter que les résultats obte-nus sont insuffisants et de considérer desstratégies alternatives avec la participa-tion de tous les secteurs de la société. Ils’agit de chercher à réduire fortement les

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méfaits des drogues sur les personnes,les sociétés et les institutions. Pour cela,il faut différencier les substances enfonction de leurs effets nocifs sur la santéet sur le fonctionnement social. Il fautcréer des politiques qui tiennent comptedes différences nationales, qui privilé-gient la prévention et le traitement, sanspour autant laisser de côté l’importancede la répression pour faire face aux défisposés par les organisations mafieuses. La solution réelle de longue durée estdans la réduction effective et continue dela demande dans les principaux paysconsommateurs. Il ne s’agit pas de trou-ver des coupables, mais de réaffirmeravec force que les États-Unis et l’Unioneuropéenne ont une coresponsabilitéface au problème de la drogue que noussubissons en Amérique latine.MM. Enrique Cardozo et Ernesto Zedillo,anciens présidents du Brésil et duMexique, et moi, nous avons créé laCommission latino-américaine sur lesdrogues et la démocratie pour réfléchirsur ces problèmes. Au bout de presquedeux ans de travail, la Commission arendu public un rapport1 dans lequelnous proposons un nouveau paradigmequi tient compte de l’expérience del’Amérique latine dans la lutte contre letrafic des drogues. Ce nouveau cadrepolitique est basé sur trois grands prin-cipes :

– traiter la consommation de droguescomme un problème de santé publique ;

– réduire la consommation à travers desprogrammes de prévention et d’infor-mation ;

– concentrer les efforts de répression surles organisations criminelles.

Cinq lignes d’actionNotre approche n’est pas synonyme detolérance vis-à-vis de la drogue. Son effetnocif sur les personnes et la société estincontestable. Mais aborder le sujet commeun problème de santé publique et réduirela consommation sont des actions néces-saires pour concentrer les efforts de policecontre le démantèlement des réseaux detrafiquants. Pour concrétiser ce changement,le rapport propose cinq lignes d’action pourl’Amérique latine, dans le cadre d’un pro-cessus global de transformation des poli-tiques de lutte contre les drogues illé-gales. – Transformer les dépendants des

drogues en patients du système desanté. Le pouvoir violent et corrupteurdes trafiquants provient des gainsastronomiques de la vente de produitsillégaux. Les États doivent créer desinstitutions et des lois qui permettentaux personnes devenues dépendantesde la drogue de ne plus faire partied’un marché illégal pour devenir dessujets traités par le système de santé.

Cela, accompagné de campagnes d’in-formation et prévention, permettrait deréduire la demande, de baisser les prixdes drogues et de miner les bases éco-nomiques de ce commerce criminel.

– Évaluer, du point de vue de la santépublique et en utilisant les nouvellesconnaissances de la médecine, l’op-portunité de décriminaliser la posses-sion de marijuana pour la consomma-tion personnelle. La marijuana est ladrogue la plus commune en Amériquelatine. Son usage a des effets nocifsévidents pour la santé. Mais ces effetsnuisibles pour la société proviennentde l’emprisonnement sans discrimina-tion, de la corruption et de la violencequi lui sont associées. D’autre part,incarcérer tous les consommateurs estimpossible pour nos pays. La simpledécriminalisation n’est pas suffisante.Si elle n’est pas accompagnée de cam-pagnes de prévention et d’information,elle pourrait approfondir les problèmesde dépendance.

– Réduire la consommation grâce à descampagnes de prévention attrayanteset appropriées pour les jeunes, qui sontles principaux consommateurs. Letémoignage d’un ancien drogué peutêtre bien plus efficace que la menacede prison. L’exemple de la lutte contrele tabac le démontre.

– Orienter les ressources vers la luttesans faille contre les organisations cri-minelles. Les politiques publiques doi-vent se focaliser vers le combat frontalcontre la violence, la corruption desinstitutions, le blanchiment d’argent, letrafic d’armes. Sur ce plan, il est pri-mordial d’établir de nouveaux schémasrenforcés de coopération régionale etmondiale.

– Réorienter les stratégies contre les cultures illégales. L’éradication deschamps de coca et autres, doit s’ac-compagner de programmes de déve-loppement alternatif, avec des produitsrentables et avec un accès garanti auxmarchés. Ces programmes doivent prévoir aussi une réinsertion sociale.

Le débat est ouvert. ■

1 – Drogas y Democracia: Hacia un cambio de paradigma. www.droga-sydemocracia.orgVue panoramique de Medellín

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La Loi de Justice et Paix :une expérience innovanteet prometteuse

Le conflit armé colombienest l’un des trois conflitsles plus anciens du monde. Il a connu des moments de viveintensification et des moments de paixrelative et a souffert d’une recrudescencebrutale dans les années1990. Mais depuis 2005, la « loi de Justice et de Paix » a ouvert une ère nouvelle, qui doitpermettre de rompre le cycle de la violence vieuxde plus de soixante ans.

Par Eduardo Pizarro LeongómezProfesseur de l’Université Nationale de Colombie, Président de la Commission Nationale de Réparation et de Réconciliation chroniqueur du journal El Tiempo.

Le conflit armé colombien est l’un destrois conflits les plus anciens du

monde. Si nous prenons en considérationtoutes les confrontations armées qui actuel-lement secouent le monde (Irak, Israël-Palestine, Afghanistan, Soudan, Somalie,Sri Lanka, Ouganda, Philippines, Tchétchénie,Cachemire, Colombie)1, trois se caractéri-sent par leur caractère prolongé: la confron-tation de la région du Cachemire, quiimplique tant l’Inde que le Pakistan(1947), l’affrontement israëlo-palestinien(1948) et la violence qui secoue laColombie depuis la mort du leader popu-laire Jorge Eliécer Gaitán (1948).Ce long conflit colombien, qui a connu desmoments de vive intensification et desmoments de paix relative a souffert d’unerecrudescence brutale dans les années1990 en raison de la confluence de multiplesacteurs armés, en particulier le narco-terro-risme, les groupes paramilitaires d’extrêmedroite et les guérillas (Farc et ELN). LaColombie est allée jusqu’à occuper la pre-mière place en Amérique latine pour lenombre d’homicides. L’année 1991 fut,par exemple, celle du nombre d’homicidesle plus important jamais enregistré, avecun total de plus de 28280 personnesassassinées et un taux de 78 homicidespour 100000 habitants2.Comment rompre ce cycle prolongé de vio-lence? Cette question tourmente l’opinionpublique nationale depuis des années.Depuis l’année 2005 nous expérimentonsune voie inédite. En effet, cette année-là, leCongrès de la République a approuvé unmodèle controversé de justice transitionnel-le : la Loi 975 de 2005, plus connue sousle nom de « loi de Justice et Paix». Il s’agit d’une loi sans précédent enColombie et probablement sans précédentau niveau mondial.

Sans précédent en Colombie ; en effet,au travers de ce nouveaut modèle de jus-tice, est née dans la conscience nationa-le la figure de la victime comme porteu-se des droits à la vérité, à la justice et àla réparation, une idée qui n’existait pasen Colombie avant 2005 et qui appa-raissait à peine dans la conscience uni-verselle ces années là3, selon laquelle lesdroits des victimes ont été revendiquéscomme un outil fondamental pour refer-mer les blessures et contribuer à laréconciliation nationale.Cette loi, en outre, n’a pas de précédentau niveau mondial, puisque toutes lesexpériences de justice transitionnelle ourestauratrice se sont développées, avecde nombreuses vicissitudes, soit dansdes contextes de post-dictature (Chili,Argentine), soit dans des contextes depost-conflit (Guatemala, El Salvador) ou,dans le cas de l’Afrique du Sud, dans uncontexte de post-apartheid. En Colombie,en revanche, nous tentons de développerune forme complexe de justice transi-tionnelle dans un pays où persiste leconflit interne.

Un événement de valeur universelleLa Loi 975 de 2005 a eu quatre ans enjuin dernier. Cette date mérite-t-elle d’êtrecélébrée ? En dépit de multiples réservesje pense que oui pour de multiples raisons.

1 - Nous prenons en considération uniquement les confrontationsarmées entraînant plus de mille victimes par an, ce qui constitue leniveau utilisé par les bases de données les plus prestigieuses dumonde

2 - Sources : Institut de médecine légale (1964-2001) et PoliceNationale (2002-2008)

3 - Comme l’affirme un spécialiste reconnu, Pablo de Greiff, « à la margede quand a pris forme [l’idée d’une justice transitionnelle], certainsdocuments fondateurs sur ce thème ont déjà vingt ans. Cependant, lafaible avancée de la théorie est notoire. Tout consensus autour d’unecompréhension déterminée de la justice transitionnelle et de ses com-posantes est encore très fragile » (« Una concepción normativa de lajusticia transicional », in Alfredo Rangel (ed.), Justicia y Paz ¿Cuál es elprecio que debemos pagar ?, Bogotá, Intermedio Editores, 2009, p.22)

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En premier lieu, la « loi de Justice et Paix»a créé un environnement légal nécessaireà la démobilisation des AutodéfensesUnies de Colombie (AUC, groupe para-militaire d’extrême-droite, fondé en1997). Il s’agit d’un événement de valeuruniverselle : en effet, c’est la premièrefois dans l’histoire qu’un groupe arménon vaincu militairement sur le champsde bataille accède à un processus dedémobilisation en répondant de sescrimes face à la justice. C’est la première foisqu’un groupe armé nonvaincu accepte de dépo-ser les armes sans l’inci-tation caractéristique dessiècles précédents : les loisd’amnistie et de remisede peine. Comme nous lesavons d’après l’expérienceinternationale, les conflitsprennent fin soit par la défaite d’une desparties soit par la négociation queconcluait une loi d’amnistie. Cette der-nière option n’est plus possible depuis lacréation de la Cour pénale internationalede La Haye pour les crimes de guerre etcontre l’humanité, qui a suscité chez lesspécialistes un scepticisme généraliséquant aux possibilités d’arriver à desaccords de paix au XXIe siècle4.LaColombie a montré que cela est possible,raison pour laquelle la « loi de Justice etPaix » est regardée avec intérêt par les« faiseurs de paix » au niveau internatio-nal.En second lieu, comme nous l’avons déjàsouligné, la loi dite de « justice et paix »a rendu visibles, pour la première foisdans l’histoire de notre pays, les victimeset leurs droits à la vérité, à la justice et àla réparation. Tous les processus de paixdu XXe siècle en Colombie ont été mis enœuvre grâce à des lois d’amnistie et deremise de peine (1953, 1958, 1990) ettous, sans exception, furent des accordssouscrits entre les acteurs armés et legouvernement en place. Les victimesétaient totalement invisibles. Aujourd’huiles droits des victimes se consolidenttant dans l’agenda public que dans laconscience collective. Une institutionplurielle a été créée, la Commission

nationale de réparation et de réconcilia-tion (CNRR)5, une sorte de commissionde la vérité, chargée de garantir ces droits.En troisième lieu, des avancées ont lieudans la reconstruction de la vérité, dansles trois dimensions au travers des-quelles elle peut et doit être abordée.D’abord, le secteur de la mémoire histo-rique de la CNRR a publié son premiertome6 et prévoit la publication d’unevingtaine d’autres sur des cas embléma-

tiques, avant de publier sonrapport final en 2011.Ensuite, grâce aux pro-cessus judiciaires menésà l’encontre des membresdes groupes armés illé-gaux, des pas importantssur le chemin de la véritéjudiciaire, c’est-à-dire dansla détermination de res-ponsabilités individuelles,

ont été faits. Plus de 26000 délits, dontbeaucoup restaient non seulement impu-nis mais n’étaient pas même connus desautorités, font aujourd’hui l’objet d’en-quêtes judiciaires.

Rompre le cycle de la violenceDe la même manière, des avancées ontété réalisées quant à la vérité sociale,c’est-à-dire la reconstruction des faitshistoriques par une construction « depuisle bas ». Des dizaines de livres de témoi-gnages, des films, des archives photo-graphiques, des œuvres d’arts relatantles faits vécus au niveau communautairese multiplient dans le pays. Plus de1100 expériences de reconstruction dela mémoire depuis la base ont été recen-sées par la CNRR. En quatrième lieu, nous avançons dansla politique de réparation pour des vic-times. La CNRR et son réseau d’atten-tion communautaire dans tout le pays sesont occupés de plus de cent mille vic-times de crimes atroces. En outre, le 5juillet 2009, un acte symbolique s’estdéroulé à Popayán : la réparation parvoie administrative en faveur de douzemille victimes de groupes armés illégaux,pour un montant total d’environ 90 mil-lions de dollars. De la même manière, àMedellín, la semaine suivante, le premier

Office régional de restitution des biens aété ouvert avec l’octroi de titres de pro-priété à plus de 120 familles affectéespar le déplacement forcé.En cinquième lieu, l’application de la jus-tice a obtenu des résultats significatifs.Jusqu’à maintenant 1800 démobilisésdes UAUC ont présenté leur « versionlibre » et 600 autres sont en cours. Grâceà ces versions libres, comme nous ledisions précédemment, plus de 26000délits ont été confessés. Cela a permisd’élucider plus de 6000 homicides et delocaliser près de 1700 fosses communes,dont les corps sont en cours d’identifica-tion. Les restes de 500 personnes ont étérendus à leurs familles7. En dépit de cesavancées dans le processus de clarifica-tion judiciaire, jusqu’à maintenant, finjuin 2009, seul un inculpé a été condamnéet vingt ont reçu notification des délitsqui leur sont imputés. Sans doute, la lenteur des processus dejustice et de paix provoque une crispation,et même des sentiments de colère etd’indignation des victimes. Ces dernières,comme dans d’autres régions d’Amériquelatine (Guatemala, Pérou, Paraguay, etc.),attendent une réponse plus efficace etplus rapide. Le défi est énorme. Celaétant, le succès ou l’échec de la politiquede la vérité, de la justice et de la répara-tion va déterminer si nous, Colombiens,sommes ou non capables de rompre lecycle de la violence que nous connais-sons depuis 1948. ■

4 – Ce scepticisme a donné lieu à une importante conférence àNüremberg (2007) organisée par les Nations Unies et la Cour PénaleInternationale, l’un de ces principaux thèmes étant une inquiétudegénéralisée au niveau mondial « Est-il possible de réussir la paix enappliquant la justice ? ». Voir « Un futuro basado en la paz y la jus-ticia » Nüremberg, 24 et 25 juin 2007), Discours prononcé par LuisMoreno Ocampo, Procureur de la Cour Pénale Internationale.Disponible à http://wwwold.icc-cpi.int/library/organs/otp/speeches/ICC-OTP-ST-LMO-20070624-SPA.pdf

5 – Cf. www.cnrr.org.co 6 – Trujillo: Una tragedia que no cesa. Rapport du premier cas emblé-

matique du Groupe de mémoire historique de la CommissionNatioanle de Réparation et de Réconciliation (CNRR), EditorialPlaneta, Bogotá, 2008. Disponible surhttp://www.cnrr.org.co/new/interior_otros/Trujillo_informe.pdf

7 – La première sentence de condamnation est tombée et des chargescontre 30 membres des AUC ont été formulées. Voir “Tres años de laley de justicia y paz”, Boletín CNRR N.6, Juillet 2008. Disponible surhttp://www.cnrr.org.co/new/interior_otros/boletin/boletin_6.pdf

Le conflit armécolombien

est l’un des troisconflits les plus

anciens du monde.

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Migrants et politique publiqueen Colombie

Des estimations provenantd’organismes de l’Étatsignalent que plus de 4millions de Colombienshabitent à l’étranger. Lephénomène n’est pasnouveau mais il a acquisune dimension majeuredepuis 1995 : ce chiffre,déjà important, a en effetété multiplié par quatre en15 ans. Mettant fin à desannées de passivitéofficielle, le nouveaugouvernement a décidé deprendre le problème defront en mettant enchantier une « politiqueintégrale des migrations ».Bilan et perspectives.

Par Mauricio Vasco Montaigne 1986/87Gérant Audit stratégique, Empresa deTelecomunicaciones de Bogotá –ETB–Chercheur associé – Programme d’ Écologiehistorique et Mobilité humaine du Centred’Études Sociales de l’Université nationalede Colombie.

D es estimations provenant d’orga-nismes de l’État signalent que plus

de 4 millions de Colombiens habitent àl’étranger1. Le phénomène n’est pas nou-veau mais il a acquis une dimensionmajeure depuis 1995, année où l’on necomptait qu’un million de migrants. Cechiffre déjà important a été multiplié parquatre en 15 ans. Avec 44 millions deColombiens, il s’agit, à l’heure actuelle,du dixième de sa population. La plupartdes migrants colombiens ont pour desti-nation les États-Unis (38%), l’Espagne(23%) et l’Amérique Latine (23%).2

Les causes de ce phénomène ont évoluéau cours des dernières décennies. Dansles années 1970, le boom pétrolier véné-zuélien a attiré une vague de migrantscolombiens vers ce pays, ouvriers, pay-sans, «main d’œuvre » peu qualifiée, à larecherche – comme c’est presque tou-jours le but des migrants – d’alternativesd’emploi et d’une meilleure qualité devie. Pour sa part, dans les années 1980l’Europe est devenue la destination decertaines couches d’intellectuels, d’étu-diants, de réfugiés et aussi d’élites.

Passivité gouvernementaleMais c’est dans les années 1990, sur-tout vers la fin de la décennie, dans lecontexte d’une crise économique profon-de, de bas salaires, de chômage et ausside violence, que la diaspora s’accentueavec une augmentation significative desmigrants vers les États-Unis et versl’Espagne. Des nouvelles couches de tra-vailleurs avec une meilleure formation etdes professionnels dans de multiplesdomaines partent avec l’intention des’installer à l’étranger. Selon Guarnizo,« la migration de Colombiens dans les 15dernières années s’est caractérisée parune très rapide croissance, par sa diver-sité et hétérogénéité en ce qui concerne

ses origines régionales et son extractionsociale, et de même en ce qui concernela pluralité d’itinéraires et de destina-tions ».3

Les circonstances du vécu des migrantssont complexes : désintégration des familles,déracinement, illégalité très fréquente,manque d’accès aux services de santé,xénophobie. Les hommes (47%) et lesfemmes (53%) qui dans des proportionssimilaires sont partis, affrontent des condi-tions difficiles dont le trait dominant estl’impossibilité d’assurer le respect deleurs droits fondamentaux, pourtantconsacrés dans la législation colombienneet dans celles des pays dits récepteurs.La forte et rapide croissance des mouve-ments migratoires a surpris les derniersgouvernements colombiens, qui n’assu-ment pas leur responsabilité faute d’ins-titutions convenablement équipées poury faire face. Dans un pays bouleversé parun conflit armé d’une certaine ampleur,caractérisé par des niveaux de pauvretéaigus, un manque d’infrastructure soitpour garantir un niveau de vie acceptableen termes de services publiques, desanté et d’éducation pour une grandepartie de la population, soit pour garantirune croissance économique adéquate, lephénomène migratoire peine à devenirun sujet prioritaire des politiques publiques.Au contraire, la passivité gouvernemen-tale face à l’augmentation de la migra-tion semble révéler une attitude selonlaquelle, finalement, le départ est une

1 – Selon Colombia nos Une, programme du Ministère des RelationsExtérieures, en 2008 il y aurait 4’200.000 migrants colombiens àl’étranger.

2 – OIM, Country Migration Profiles in Selected Countries in LatinAmerica: Tool for Strategic Policy Development: COLOMBIA,Décembre 2008. Document préparé par Gerardo Ardila, duProgramme d’ Ecologie Historique et Mobilité Humaine du Centred’Etudes Sociales –CES– de l’Université Nationale de Colombie.

3 – Guarnizo, Luís Eduardo.2006 El Estado y la migración global colom-biana. Relaciones Estado-diáspora: la perspectiva de AméricaLatina y el Caribe. Carlos González, Coordinador. México: Secretaríade Relaciones Exteriores, Instituto de los Mexicanos en el Exterior,Miguel Ángel Porrúa.

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solution. La politique publique, par sonabsence, devient donc favorable au phé-nomène.

Une approche positiveIl arrive, cependant, que ni la logique del’État, ni des institutions démocratiquesde même que les impulsions normativesqui nourrissent la dynamique de l’admi-nistration publique ne permettent unetelle passivité, de manière prolongée,face à une situation flagrante. D’une partles demandes d’attention aux servicesconsulaires débordent les capacités ins-tallées ; d’autre part les questions diplo-matiques des pays récepteurs concer-nant les migrations, c’est-à-dire, la miseà l’agenda international et bilatéral dusujet des migrations, entraîne la nécessi-té, d’abord par pression, de prendre enmain un dossier difficile à gérer, tant auniveau externe qu’interne.C’est alors qu’en 2002 le sujet est inscritdans le programme du nouveau gouver-nement, d’une part du point de vue desdroits fondamentaux des migrants et des

politiques et actions pour les garantir ;d’autre part, du point de vue des adapta-tions institutionnelles pour y faire face,principalement au sein du ministère desRelations extérieures. Des programmesd’assistance aux migrants sont mis enplace, de même que des foires orientéesà la canalisation dite « productive » destransferts financiers des migrants versleurs familles en Colombie. De 1300millions d’euros en 2000, ces transfertsaugmentent à plus de 3200 millions en20074, soit 3% du Produit intérieur brutde cette année. Ces foires mettent alorsen évidence des acteurs économiquesfort intéressés dans la captation des res-sources des travailleurs colombiens àl’étranger. En effet, les banques et lesentreprises de la construction se consti-tuent en partie prenante de la promotionde politiques publiques vis-à-vis desmigrants, de la main non seulement duministère des Relations extérieures, maisaussi en mobilisant des ministères éco-nomiques. L’utilisation de cet argent restecependant assez évasive pour ces cap-teurs des transferts, étant donné que lesfamilles les utilisent principalement pourdes besoins de base tels que lesdépenses du foyer (34%), l’alimentation(22%), l’éducation (12%), la santé (10%),autres dépenses (8%), loyer (5%)5.Une fois de plus, la politique publiqueest, dans la pratique, guidée par uneapproche positive de la migration : lepays bénéficie d’un flux important d’ar-gent pour nourrir l’économie. L’approchedes droits reste un aspect rhétorique quiavance, cependant, peu à peu, plutôtpour la cohérence du discours institu-tionnel que comme une vraie priorité ausein de l’État. En 2006, le programmedu nouveau gouvernement (réélu), pré-voit finalement la formulation d’une poli-tique intégrale des migrations, qui est àl’heure actuelle en cours d’application.En 2007, le ministère des Relationsextérieures met en place deux missions,l’une pour la formulation de la « politiqueintégrale des migrations » ; l’autre pour larestructuration du ministère, avec uneapproche générale mais dont le sujetmigratoire occupe une place importante.

Le retour des migrantsLa première mission formule les bases dela politique tout en mettant l’accent surla protection des droits fondamentauxdes Colombiens à l’étranger, sa cohéren-ce vis-à-vis des étrangers en Colombie etl’action vis-à-vis des causes internes duphénomène migratoire. La seule formula-tion de ce triangle a pour conséquenceimmédiate la nécessité de prévoir descapacités de coordination interministé-rielles aujourd’hui inexistantes. De cefait, l’approche limitée de la mission derestructuration du ministère des Relationsextérieures est dévoilée, vu la nécessitéd’introduire des instances capables, enhiérarchie et en moyens, de garantir desinterlocutions à l’intérieur de l’État et descollectivités locales, de la main du minis-tère de l’Intérieur et autres responsablesdes programmes sociaux en ce quiconcerne les causes internes des migra-tions ; et aussi, d’installer des capacitésimportantes pour garantir les demandesd’attention consulaires, d’une part, et ledéroulement des conversations et négo-ciations bilatérales avec les principauxpays de destination des migrants colom-biens, principalement en vue d’avancerdans des mesures de ce pays pour garan-tir le respect des droits fondamentauxdes migrants. Cela inclut, évidemment,la situation des détenus (19000) et lalutte contre la traite de personnes. Il s’agit sans doute de dossiers difficiles,pour une réalité changeante comme ilarrive, par exemple, dans le contexte dela crise économique internationale, qui,à l’heure actuelle, provoque une vaguede « retour » de migrants, dont un voletdevrait être ouvert dans la formulation dela politique intégrale des migrations. Àune année de la fin de l’actuel gouverne-ment, les discussions progressent, maisles difficultés qu’affronte un pays commela Colombie pour matérialiser uneapproche intégrale se reflètent, sansdoute, dans la faible vitesse pour prendreeffectivement en main un phénomènetrès complexe. ■

4 – Selon le Centre des Etudes Monétaires Latino-Américaines –CEMLA-,qui regroupe les Banques Centrales des pays de l’Amérique Latinepour des activités d’études économiques et monétaires.

5 – Source: ASOCAMBIARIA.Pedro Ruiz - Déplacement n°11 - 2004 - Huile sur papier

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La Colombie, la « malédiction du second mandat »

La Colombie n’a jamais eu de chance avec lesdeuxièmes mandats ou les prorogations des mandatsen cours. Malgré cela, elle persiste à les mettre en œuvre.La «réélectionnite» menacel’équilibre des pouvoirs,fondement de tout régimedémocratique.

Par Jaime CastroStendhal 1965Professeur universitaire de droit public,ancien conseiller présidentiel, ancienministre, ancien sénateur et constituant,ancien maire de Bogotá

F aisant référence au cas des prési-dents Jules Grévy et Albert Lebrun et

à celui du général de Gaulle qui, pourdes raisons bien distinctes, ont renoncéaux mandats pour lesquels ils avaient étéréélus, quelqu’un a parlé de « la malé-diction du second mandat ». Après cetteexpérience, la France a néanmoins connules réélections de François Mitterrand etJacques Chirac. La Colombie, au contraire,n’a jamais eu de chance avec les deuxièmesmandats ou les prorogations des man-dats en cours. Malgré cela, elle persisteà les mettre en œuvre.Des Espagnols nous avons appris à nousméfier du pouvoir. Ils savaient clairementqu’il n’est pas possible ou pas facile decontrôler le gouvernant en place ni de luiappliquer les sanctions que, souvent, ilmérite. Pour cela, ils ont créé le juicio deresidencia : ils jugeaient les fonctionnairesdans les trente jours suivant le retrait deleurs fonctions. Durant ces trente jours,les plaintes et les actions en justice descitoyens de l’époque contre les ex-fonc-tionnaires étaient reçues. Toutes nosConstitutions ont repris d’une manière oud’une autre l’idée du juicio de residencia.Pour cela, elles ont toujours disposé quele président de la République peut voya-ger hors du pays l’année suivant la fin deson mandat seulement si le Sénat de laRépublique lui en donne l’autorisation.

Une histoire mouvementéeCette même méfiance face au pouvoirs’est reflétée dans les mandats courts(deux ans) fixés pendant longtemps auxprésidents et dans l’interdiction de laréélection. Cette dernière fut autoriséeuniquement pour ceux qui y aspiraientune fois passé un mandat complet entreleur nouvelle candidature et le retrait deleurs fonctions précédentes. En d’autrestermes : ils pouvaient y aspirer seulementune fois évaporés les arômes du pouvoir.

Ce principe, appliqué sans avoir causéde traumatismes politiques ou institution-nels, fut modifié en faveur de gouvernantsqui, par leur leadership et leur personnalité,ou en raison des circonstances, étaientparvenus à modifier les règles du jeuconstitutionnel et à permettre la réélection.Le premier fut Simon Bolivar, le Libertadoret père de la Patrie. Lors de son secondmandat de quatre ans, pour pouvoir ledéposer, ses ennemis tentèrent de l’as-sassiner ; il décréta la dictature et proposapour la Bolivie – comme il l’envisageaitsûrement pour la Colombie – que le prési-dent le soit à vie et ait le droit de choisirson successeur. Soixante-dix ans plus tard, le présidentélu pour un mandat de deux ans gagnaune guerre civile et, dans la foulée de savictoire, demanda que la nouvelleConstitution approuve un mandat de sixans et autorise la réélection immédiate àune condition : que le président-candidatse retire de ses fonctions un an avant lesélections de sorte à ne pas faire campagnedepuis les sommets du pouvoir. Il fut élupour deux sextennats et mourut dans ladeuxième année du second mandat. Pour l’un de ses successeurs, général dela République, l’Assemblée Constituantede 1905 allongea ou prorogea de 6 à 10ans le mandat pour lequel il avait été élu.Il n’est pas parvenu à finir son nouveaumandat car il tomba à la fin de son pre-mier quinquennat. Cinquante ans plustard, un autre général, fit un coup d’Étatet prit la présidence. Comme les formesjuridiques comptent en Colombie, uneautre Assemblée Constituante légitima lecoup d’État et « élut » son nouveau béné-ficiaire pour un mandat de 9 ans. Il n’apas non plus pu en profiter. Il fut renver-sé au bout de quatre ans de mandat.Le président Alvaro Uribe, élu en 2002,réélu en 2006, a un prestige et unepopularité jamais atteints par ses prédé-

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cesseurs. Il y est parvenu grâce à la luttedécidée qu’il a livré contre la guérilla laplus ancienne d’Amérique latine, lesFarc, dont les excès avaient converti lasécurité en première demande descitoyens. Mais il n’a pas utilisé ce presti-ge et cette popularité, comme doivent lefaire les hommes d’État, pour promou-voir ou mener les grandes réformes poli-tiques, économiques et sociales dont laNation a besoin et qui sont les seules quipermettraient d’atteindre et de consoliderla paix. Ils lui ont seulement servi à pro-longer son mandat initial de 4 à 8 ans et,peut être, à 12 ans.

L’épidémie « réélectionniste » Comme la Constitution de 1991 interdi-sait la réélection de manière absolue –elle ne permettait ni l’immédiate, ni ladifférée –, Uribe obtint que le Congrès à

une seconde fois, est la seule chose quiait été faite et que l’on entend conserver.Les conséquences institutionnelles de laréélection perturbent d’ores et déjà la viepolitique de la Nation. Il y a une concen-tration du pouvoir dans les mains du pré-sident de la République qui, entre nous,est chef d’État et chef de gouvernement,commandant des forces armées et l’au-torité administrative suprême. Uneconfrontation publique, inimaginable àd’autres époques et dans un pays de loiscomme le nôtre, a lieu avec la Coursuprême de Justice, parce que le gouver-nement n’est pas d’accord avec certainesdes décisions qu’elle prend. La majorité« officialiste » au Congrès est reflétéedans la composition de la Cour constitu-tionnelle, qui est nommée par le Sénatde la République. La décentralisationdont bénéficiaient les municipalités et lesdépartements a été diminuée. La viepolitique, même au sein de la coalitiongouvernementale, a été gelée parce quetout dépend de la volonté du chef tout-puissant qui ne dit pas publiquementvouloir la seconde réélection, mais faittout ce qui dépend de lui pour qu’elle soitapprouvée. L’opposition n’est pas unealternative de pouvoir. On la voit laminéepar les facteurs réels du pouvoir qui,c’est habituel, resserrent les files autourdu gouvernant en place.Au travers toute son histoire républicai-ne, la Colombie a connu des formesdémocratiques de gouvernement. Précaires,pour de multiples raisons, mais, de toutesmanières démocratiques. Dans ce domai-ne, elle a été un exemple pour l’AmériqueLatine. Malheureusement la réélectionprésidentielle, obtenue par des réformesconstitutionnelles impulsées par le propreintéressé, en sa faveur, sans que soit res-pectée la règle d’or de l’équilibre despouvoirs et sans que soit garantie lanécessaire rotation dans l’exercice dupouvoir, peut finir par ruiner cette si pré-cieuse tradition. Peut-être parce que laColombie est également victime de l’épidé-mie réélectioniste qui commence à se repro-duire et à s’étendre sur le Continent. ■

Article écrit en juillet 2009

majorité « officialiste » l’autorise uneseule fois. La réforme approuvée, lepeuple l’a réélu au premier tour pour lapériode 2006-2010. Maintenant il aspi-re à ce qu’un referendum autorise saseconde réélection, c’est à dire son troi-sième mandat. S’il y parvient, il passeraitdouze années de suite à la Présidence.Dans toute l’histoire du pays, aucunColombien n’avait exercé aussi long-temps le pouvoir. Et il n’y en aura sûre-ment pas qui le fasse dans le futur.Cela se produirait sans que, simultané-ment à la réélection, l’organisation dupouvoir soit restructurée pour maintenirl’équilibre qui doit exister entre ses diffé-rentes branches et sans que soit garantiun système effectif de poids et de contre-poids. Réformer l’article constitutionnelinterdisant la réélection pour l’autoriser,d’abord pour une fois, puis ensuite pour

Les Tours du parc

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Le système électoral colombien

Depuis plusieursdécennies, le systèmeélectoral colombien fait face à de nombreuxproblèmes qui affectent le fonctionnement et la légitimité desinstitutions électorales.Ces problèmes sont liésaux aspects normatifs et institutionnels mais aussi au contextesociopolitique dans lequelse déroulent les électionsdans le pays.

Par Claudio Galán PachónRomain Gary 2005Secretario de Planeación de Cundinamarca

E n dépit des problèmes liés à ladrogue, à l’insurrection et à la vio-

lence en général, la Colombie jouit d’unelongue tradition démocratique. Pendanttout le XXe siècle, son régime démocra-tique n’a formellement connu qu’uneseule interruption avec la dictature deRojas Pinilla de 1953 à 1957, suivie dela période de démocratie restreinte dupacte du Frente Nacional qui donna auxpartis libéral et conservateur le partagedu pouvoir de 1958 à 1974. Ce pacte amis fin à la violence entre les deux par-tis, mais l’exclusion d’autres forces poli-tique a été à l’origine de l’émergence desguérillas durant les décennies 1960 et1970.En réaction au centralisme de laConstitution de 1886 et à la dominationbipartiste du Frente Nacional, le pays aconnu un processus delibéralisation politiquedans les années 1980.Avec l’élection directe desmaires en 1985, puis desgouverneurs en 1991 etl’augmentation du trans-fert des ressources versles collectivités territo-riales introduite par laConstitution de 1991, lepays a d’abord évolué vers une plusgrande décentralisation et une expansiongraduelle du rôle des gouvernementslocaux. Ensuite, en redéfinissant et enétendant l’exercice de la citoyenneté et des droits à la participation, laConstitution de 1991 a permis d’ouvrir lesystème politique et d’inclure dans le jeuélectoral d’anciens groupes armés et denouvelles forces politiques indépen-dantes des deux principaux partis.Bien que ces différentes réformes aientrapproché le processus de prise de déci-sion au niveau local et permis de dépas-ser les problèmes d’exclusion du système

politique favorisant les accords de paixavec certains groupes de guérilla, ellesont cependant montré rapidement leurslimites. D’une part, le processus dedécentralisation a évolué davantage dupoint de vue quantitatif que qualitatif.D’autre part, l’esprit d’ouverture de laConstitution de 1991 a eu des effets per-vers sur les institutions politiques, enfavorisant la fragmentation du systèmedes partis et la dispersion des optionspolitiques, avec une excessive personna-lisation de la politique et une promotiondes « micro entreprises électorales » articulées autour de réseaux clientélistes1.La réforme électorale de 2003 a représen-té un effort important pour faire face àces problèmes. L’adoption de la formuleélectorale du système D’Hont, l’éliminationdes listes multiples, l’introduction du

seuil de représentationélectorale et la loi desgroupes parlementaires,ont aidé à réorganiser lesforces politiques autourde grands groupes et ontfavorisé la discipline despartis au sein du pouvoirlégislatif. Mais cet effortest insuffisant pour palliercertaines des faiblesses

de l’institutionnalisation du système despartis, comme le bas niveau de confiancedans les partis et les élections, la faiblessedes organisations partisanes et l’affaiblis-sement des liens entre les partis et lacitoyenneté.En ce qui concerne le mode d’élection duprésident, le pays a adopté en 2004 uneréforme constitutionnelle qui permet laréélection immédiate du chef de l’État.Dans un système présidentialiste fort,cette réforme aurait dû s’accompagner

1 – Comisión Nacional de Control y Asuntos Electorales, Diagnóstico yProspectiva del Sistema Electoral Colombiano, ProcuraduríaGeneral de la Nación, Instituto de Estudios del Ministerio Público,Bogotá, 2008.

En dépit des problèmes liés

à la drogue, à l’insurrection et à laviolence en général,

la Colombie jouitd’une longue tradition

démocratique.

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d’un ajustement institutionnel pour garantirl’équilibre des pouvoirs. Cependant, misà part la loi électorale qui réglemente laréélection présidentielle, aucun ajustementinstitutionnel n’a été adopté, alors quel’approbation d’un nouveau projet deréforme par la voie de référendum estdéjà à l’ordre du jour au Parlement pourpermettre une seconde réélection consé-cutive.

Un cadre légal incomplet,un contexte sociocritique complexeUn des principaux problèmes du systèmeélectoral colombien est l’existence d’uncadre légal incomplet, dysfonctionnel ettrop faible pour faire face au difficilecontexte dans lequel se déroulent lesélections. Cette situation est due au

nombre de réformes qui ont été faitespour apporter des solutions partielles auxproblèmes sans aucune vision globale.Le registre national de l’état civil2 estchargé de l’identification des citoyens,du registre des électeurs et de l’adminis-tration et de l’organisation des élections ;le Conseil national électoral a la respon-sabilité d’exercer le contrôle de l’organi-sation électorale ; la Section V du Conseild’État est en charge de la justice électo-rale. La définition des fonctions de cesinstitutions n’est pas précisée et, danscertains cas, il existe des contradictionsentre les mêmes institutions. Par ailleurs,d’autres institutions requièrent une plusgrande coordination: pour certains aspectsélectoraux essentiels, elles ont toutes descompétences, comme en ce qui concer-

ne le contrôle de l’utilisation des res-sources des partis, pour d’autres aspectsaucune institution ne peut intervenir,comme dans le cas de l’inscription descandidats inhabilités.À ces problèmes institutionnels s’ajouteun contexte sociopolitique complexe dontcertains aspects mettent en péril lareprésentativité, la transparence, la sta-bilité et la légitimité du système électoral :la présence des groupes armés, commela guérilla qui harcèle la population civi-le pour forcer l’abstention dans les zonesrurales, ou les paramilitaires qui mena-cent les électeurs pour soutenir tel ou telcandidat dans leurs zones d’influence ; leclientélisme persistant, qui défend lesintérêts particuliers au détriment de l’in-térêt public ; le contexte d’inégalité danslequel se déroulent les élections en rai-son du financement individuel des cam-pagnes et de la faiblesse institutionnellepour contrôler les dépenses des partis etdes candidats ; les fréquents délits élec-toraux comme la transhumance électora-le et les pratiques de fraude électorale.Le Code électoral, qui date de 1986, doitêtre révisé étant donné les réformesaccomplies depuis les années 1980.Cette révision doit tenir compte des fai-blesses institutionnelles existantes, maiselle doit surtout être complète pour don-ner une cohérence au système dans sonensemble. Un défi important pour l’orga-nisation électorale sera la réforme durecensement électoral et la mise enœuvre du vote électronique. Mais il res-tera toujours d’autres problèmes qui neseront pas résolus par des réformes maispar une vraie volonté politique et desmesures concrètes pour garantir et ren-forcer la sécurité des électeurs : adopterdes règles claires pour la réinsertion poli-tiques des membres des forces arméesillégales démobilisées ; instaurer une coor-dination institutionnelle pour faire appli-quer la loi en ce qui concerne le contrôleélectoral et l’application effective dessanctions ; promouvoir l’éducation poli-tique pour que les citoyens prennentconscience de leur devoir de participa-tion. ■

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2 – Registraduría Nacional del Estado Civil.Plaza Botero à Medellín

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La réforme de l’État en Colombie.Vers un État communautaire :un État au service du citoyen

La Colombie est – et a été– un pays dotéd’institutions solides àvocation démocratiqueavec pour preuve le faitque notre pays est l’un desrares d’Amérique latinequi, durant son histoirerépublicaine, n’a euqu’une courte et uniquepériode sous gouvernementmilitaire (celui du généralRojas Pinilla entre 1953 et1957). Néanmoins,l’évolution de nosinstitutions a étédynamique, sansstagnation ni va-et-vientdésorientés.

Par Claudia JiménezVictor Schœlcher 1996Ministre conseillère de la Présidence

L e gouvernement actuel du présidentÁlvaro Uribe Vélez a manifesté qu’« il

est impératif dans l’actualité de défendreet consolider les avancées des institu-tions colombiennes afin de préserver lasolidité de notre démocratie ». Dans cesens, depuis 2002 a été mise en placeune ambitieuse réforme de l’État, au traversdu Programme présidentiel de rénovationde l’administration publique (Prap). L’idéede base était que la Colombie avait besoinde sécurité démocratique, de croissanceéconomique et de cohésion sociale, etpour que tout fût possible il était nécessairede mettre en œuvre une ambitieuse réno-vation de l’État.Cette rénovation entraînait un effort inté-gral : que tous les Colombiens soient impli-qués dans la construction de meilleuresrègles du jeu ; pour cela, furent mises enplace les réformes politique, fiscale, dutravail, des régimes de retraites, du systèmegénéral des participations1, et administrati-ve. De même, il a été jugé nécessaire deprocéder à une réforme de la justice,pour que les juges – comme les parlemen-taires, les contribuables, les travailleurs,les retraités, les entités territoriales et lesfonctionnaires – participent activement àce grand effort du pays.

Un État gestionnaireLa réforme de l’État en Colombie chercheà consolider l’État communautaire, qui estun État au service des citoyens, contraire-ment à l’État bureaucratique et à l’Étatnéolibéral – un État gestionnaire, partici-patif et décentralisé. Gestionnaire, parce qu’il promeut une nou-velle culture d’administration du patrimoinepublic avec efficacité, transparence, pro-ductivité et austérité. En 2002, l’administration

publique se trouvait défaillante dans sesprocessus structurels, était prolixe dansses institutions, avec de fortes dépensesde fonctionnement et administrativementcomplexe. Il fut alors mis en place unedouble stratégie : la réforme verticale, quiconsiste en une modification institution-nelle des entités du pouvoir exécutif del’ordre national, avec comme objectifd’augmenter l’efficacité et de diminuer lapression fiscale; et une réforme transversale,afin de moderniser les procédés structurauxcommuns à l’administration publique.Dans le cadre de la réforme verticale, ontété modifiées 427 entités de l’État : 181du gouvernement national central, 211hôpitaux et 35 entreprises de servicespublics. Grâce à la réforme administrative,en décembre 2008, les économies ontatteint près de 650 millions de dollars etl’effet fiscal total de la réforme entre2002 et 2010 représentera 6,28% duPib ; chiffres non négligeables pour unpays en grandes difficultés fiscales, lorsde la crise financière mondiale.Dans le cadre de la réforme transversale,ont été mises en œuvre une série d’ini-tiatives destinées à améliorer certainsprocessus structuraux de l’administrationpublique comme: la modernisation de l’em-ploi public, une stratégie juridique de lanation, une gestion productive des actifsde l’État, une gestion par résultats, uneréforme des organismes de régulation etde contrôle, une réforme du systèmebudgétaire, une unification des systèmesd’information, un renforcement du gou-vernement électronique, une stratégieanti procédurale, une politique de ratio-nalisation et de qualité normative.

1 - Le système budgétaire de distribution des recours du gouvernementcentral vers les régions.

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Il est à noter que la gestion par résultats,une des réformes structurelles réaliséeau cours des 7 dernières années, a per-mis d’assurer le suivi des objectifs dugouvernement (au travers de son systè-me d’information Sigob), la présentationpublique des résultats des ministres et ladéfinition et l’exécution d’un agendad’évaluations de programmes et de poli-tiques d’importance stratégique. Toutcela a pour but d’assurer la bonne réali-sation de tous les engagements du gou-vernement, mais surtout de focaliser effi-cacement les faibles moyens de l’Étatcolombien vers les programmes les plusproductifs et de meilleur impact social.L’instrument fondamental de la gestionpar les résultats et de laréforme administrative engénéral est l’ensembledes systèmes d’informa-tion, autre élément de la réforme transversaled’une importance touteparticulière. Le but a étéde définir une politiquepour la génération, l’utili-sation et l’échange del’information qui garantisse la transpa-rence et l’efficacité de la gestion de l’É-tat, tout comme dans ses relations avecles citoyens. Certaines réussites dans cesens ont été la consolidation du Programmede gouvernement en ligne ; la création dela Commission intersectorielle de poli-tiques et de gestion de l’information pourl’administration publique – Coinfo – ; laconnectivité de 10718 entités publiquesen 2008 (base 2002 : 4925) et de 94%des mairies. Mais le grand défi de la réforme trans-versale des systèmes d’information estde permettre aux citoyens de s’appro-prier les technologies de l’information etde la communication, comme outils del’exercice démocratique. C’est sur cepoint que se rejoignent l’État directif etl’État participatif.

Un État participatifEn effet, en deuxième lieu, l’État com-munautaire est, par essence, un Étatparticipatif qui prend en compte lesdemandes des citoyens et leur permet de

participer à la formulation, à la mise enroute, au suivi et l’évaluation des poli-tiques publiques au travers de scénarioscomme le Conseil national de planifica-tion (où s’analyse tous les quatre ans leplan national de développement), desaudiences publiques régionales pourprioriser les projets d’investissement (unprincipe du budget participatif), leConseil national de compétitivité, le plandécennal d’éducation, entre autres.Dans la mise en route ou l’exécution depolitiques publiques, il est égalementfondamental qu’il existe une relationcomplémentaire entre le secteur publicet le secteur privé, car un État social dedroit et un État communautaire ne peu-

vent pas se renforcersans la participation d’unsecteur privé vigoureux etdynamique. Inversement,un secteur privé prospèrene peut se consolidersans un secteur publicfournissant l’infrastructu-re sociale, économique etde sécurité qui stimule ledéveloppement du pays,

contribue à la création d’un capital socialet procure des règles claires pour le fonc-tionnement des entreprises et de l’écono-mie dans son ensemble.L’État communautaire est un modèle quienvisage le citoyen, non seulementcomme utilisateur des produits et desservices de l’État, mais aussi commepartie active dans la construction socia-le, comme quelqu’un qui détient une res-ponsabilité de participation. Pour garan-tir cette participation, en plus des outilsdéjà énoncés, ont été créées lesaudiences publiques, les audits visibles,les « veedurías » communautaires et lesconseils communaux du gouvernementqui sont des réunions hebdomadaires duprésident et de son cabinet avec les gou-vernements locaux et la communautéorganisée. Dans ce cadre, les politiquespubliques sont définies, un travail per-manent et direct avec le peuple est déve-loppé, la coordination et l’intégrationentre les gouvernements national, dépar-temental et municipal est renforcée. Uncompromis des hauts fonctionnaires per-

met d’assurer la surveillance et le contrô-le communautaire, aidant à construire lamorale publique et permettant de combi-ner la démocratie représentative et parti-cipative.

Un État décentraliséEn troisième lieu, l’État communautaireest un État décentralisé, administrative-ment plus proche du citoyen, ce quiengendre, du point de vue de son organi-sation, un compromis fort avec le renfor-cement et l’approfondissement du trans-fert des compétences nationales vers lesentités territoriales. C’est pourquoi le Programme de rénova-tion de l’administration publique (Prap)cherche une plus grande délégation defonctions et de compétences dans l’ordreterritorial, l’élimination des duplicitésentre le gouvernement central et les enti-tés territoriales, la récupération de laforce du niveau intermédiaire du gouver-nement, la promotion de l’action conjoin-te et articulée des différents niveaux del’administration publique au travers d’al-liances, d’associations et d’accords dedélégations, et l’attrait de l’intégrationdes régions avec pour but ultime de libérerdes moyens destinés à des programmessociaux au service des citoyens. Le sec-teur de l’éducation est un exemple clairde la décentralisation pendant ces der-nières années.La réforme de l’État mise en œuvre enColombie a engendré de grandes avan-cées, mais il reste encore un long cheminà parcourir. Sa continuité, son extensionaux entités territoriales, aux organismesautonomes et indépendants et au pou-voir judiciaire, sont des thèmes qui doi-vent être intégrés dans l’agenda deréformes, en tenant compte des défisactuels : le dynamisme et la focalisationde la réforme. ■

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La réforme de l’Étatmise en œuvre en

Colombie a engendréde grandes avancées,mais il reste encoreun long chemin à

parcourir.

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Du pouvoir formel au pouvoir effectifDéfis pour la femme dans la démocratie colombienne

La pleine reconnaissance de la Colombienne commecitoyenne, gestionnaire du développement et de la paixet axe de transmission de la culture, est au cœur du débat sur la parité. Les difficultés qu’elle rencontrepour accéder au pouvoir et s’ymaintenir, ainsi que les conditionssocio-économiques défavorables,indiquent clairement qu’une démocratie paritairereprésente un défi d’envergureen Colombie. L’engagement de faire de la politique, de dynamiser les processus productifs et de construire les relationssociales, pour, par et avec les femmes est essentiel pour l’affronter.

Par Martha Lucía Ramírez de RincónCandidate à l’élection présidentielle de la République de Colombie Sénatrice de la République (2006-2009), Ministre de la Défense (2002-2003), Ambassadrice en France (2002), Ministre du Commerce extérieur (1998-2002)

L a lutte pour atteindre la parité degenre en Colombie s’est inscrite comme

une constante dans le devenir socio-poli-tique et économique du pays. Bien qu’ayantune personnalité républicaine, la Colombies’est forgée à l’ombre d’un modèle socialqui gravite autour de la reconnaissancede l’homme comme acteur « naturel » dela sphère publique1, générant ainsi unhéritage de sous-représentation de la femmedans l’architecture démocratique. La luttepour les droits des femmes s’est étendue,depuis la moitié du XIXe siècle, à troisdomaines fondamentaux: la sphère poli-tique avec les droits électoraux, ouvrantla voie à l’Acte législatif de 1954, quireconnaît à la femme son droit d’élire etd’être élue2 ; la sphère économique, le com-bat pour l’équité se fondant sur l’acces-sion à des postes de travail qualifiés,stables et avec une juste rémunération ;et la sphère sociale, où l’action délibéréevisait à inverser une longue tradition sous-estimant le rôle de la femme.Les tentatives pour concilier le droit àl’égalité devant la loi et l’évolution démo-cratique des structures politiques se sonttraduites, dans les dernières décennies,par d’importants tournants sur la scènecolombienne. En particulier, la Constitutionde 1991 (articles 13, 14 et 43) et la loides Quotas (Loi 581 de 20003) préten-dent garantir les droits fondamentauxdes femmes en les intégrant comme élé-ment essentiel à la grammaire de la plei-ne citoyenneté que chaque Colombienmérite. Bien que ces actions rendentcompte de « l’évolution de la définitiontraditionnelle d’universalisme républicaincomme préambule nécessaire à la réali-sation du projet de parité »4, il est sûrque ces échafaudages institutionnels, leslogiques socio-économiques dominanteset les canons de l’identité sociale pré-pondérants témoignent encore de la

nécessité d’atteindre l’équité et d’éradiquerla discrimination au détriment la femmeen Colombie de manière effective.En dépit d’importantes avancées versmoins d’exclusion, le déficit de représen-tation de la femme dans les décisionspolitiques et aux postes d’élection popu-laire persiste dans l’État colombien. En2006, dans le monde, plus d’une dizai-ne de femmes sont au pouvoir et 50pays, dont 11 d’Amérique latine, ontadopté des mesures de discriminationpositive pour augmenter le nombre defemmes dans leurs représentations légis-latives. Néanmoins il est évident que leplein exercice de la citoyenneté n’est pasencore atteint en Colombie.En suivant la thèse selon laquelle la paritéen Colombie représente toujours un défimajeur, on s’efforcera d’éradiquer la dis-crimination dans les postes publics grâceà des politiques publiques appropriées etsur le long terme. On remédiera à l’efface-ment économique de la femme en créantdes opportunités et des conditions dedéveloppement en sa faveur. On vaincrales préjugés en transformant la visionsocio-culturelle de la femme qui prévautencore dans la population.

Domaine politiqueL’exclusion de la femme de la décision etde la représentation dans un pays où elle

1 – De Barbieri M. Teresita, “Los ámbitos de acción de las mujeres”Revista Mexicana de Sociología, Vol. 53, No. 1, Jan. - Mar., 1991,pp. 203-224.

2 – Il est utile de rappeler cependant que la Colombie fut le premier paysdu monde à introduire le suffrage universel d’un point de vue local,comme l’établirent les constituants de la province de Vélez en1853.

3 – Cette loi établit la participation minimum de 30 % de femmes à despostes à libre nomination et les remaniements pertinents au plushaut niveau de décision et aux autres niveaux, “c’est à dire, dans lespostes pertinents de direction qui ont des attributions de directiondans la formulation, la planification, la coordination, l’exécution et lecontrôle des actions et des politiques de l’Etat et depuis lesquels estexercée la direction de chacune des entités publiques et des organesdu pouvoir public, aux niveaux National, Départemental, Districtal etMunicipal »http://www.presidencia.gov.co/equidad/documentos/

4 – Zimmermann Marie-Jo, « Effets directs et indirects de la loi du 6 juin2000: un bilan contrasté », Observatoire De la Parité Entre lesFemmes et les Hommes, Rapporteure Générale, MARS 2005, p. 6.

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représente 51,2% de la population estun indicateur évident d’un déficit démocra-tique. Au niveau national et contrairementà d’autres pays, aucune Colombienne n’aencore accédé à la présidence ou à ladirection du gouvernement. Par ailleurs,aucune femme n’a occupé les fonctionsde ministre des Finances ou de l’Intérieur,ainsi que les postes de procureur et deMédiateur de la République. Enfin, lesfemmes ne se voient même pas attribuer15 % des postes de représentation ;actuellement, seuls 12 sièges au Sénat et14 à la Chambre des représentants sontoccupés par des femmes5.Alors même que l’Amérique latine pré-sente des déséquilibres considérables enmatière de représentation politique entrehommes et femmes, la Colombie occupela dernière place de la région en nombrede femmes au Congrès, avec 8,4%, etl’avant-dernier en nombre de conseillèresen région, selon l’organisation IdeaInternacional7. Au niveau de l’adminis-tration locale, la moitié des municipalitésdu pays n’ont jamais élu de femmemaire8. De même, depuis 1991, seule-ment sept femmes ont été gouverneurs ;actuellement une seule femme exerce cettefonction9. Dans neuf municipalités seule-ment, le nombre de femmes avoisine les50% ; sur le total des candidats présen-tés aux élections régionales cette année,seuls 12% étaient des femmes.Dans ce contexte, le débat sur l’opportu-nité d’instaurer des mesures de discrimi-nation positive pour la représentationéclipse toutes les autres questions. Selonla Commission économique pour l’Amériquelatine et les Caraïbes (Cepal), l’on estimeque « sans appliquer les quotas de genredans les pays d’Amérique latine, il fau-drait attendre l’année 2052 pour que lesfemmes occupent à peine 40% des siègesparlementaires»10. De même, l’applicationde ce type de législation a amené une dyna-misation significative de la présence fémininedans les organes législatifs des pays latino-américains11. Bien qu’il faille le considérercomme un instrument pour ouvrir le cheminaux femmes en politique, la portée d’un telinstrument est limitée et temporaire.Au-delà des considérations arithmé-tiques, il est nécessaire de mettre en œuvre

des politiques de grande envergure iden-tifiant des voies durables pour promou-voir la femme dans toutes les sphères dela vie politique, sociale et économique. Ilfaudrait, en Colombie, une loi instaurantdes quotas dans les listes des partis poli-tiques – en plus d’autres changementscomme la représentation proportionnelleet les pactes d’inclusion effective, afin dedonner de réelles possibilités aux femmesd’être élues. Cependant, cette mesure nepeut remplacer l’instauration de méca-nismes garantissant la participation de lafemme aux décisions publiques. Il estnécessaire que les partis politiques offrentdes conditions politiques et financièressatisfaisantes pour appuyer les aspira-tions électorales de leurs candidates. Ilest en outre indispensable de promouvoirla formation politique et le leadershipdes femmes, de renforcer les espacesd’action (conjointe) avec les organisa-tions civiques défendant la parité, et sur-tout, d’établir des politiques stimulant demanière consistante le droit à l’égalité.

Domaine économique et socialLe plein exercice de la citoyenneté enColombie sans discrimination de sexe passepar la reconnaissance sociale de la femmeet de son rôle en faveur du développe-ment et du bien-être économique. Laparité a pour but de changer des dyna-miques économiques reflètant de pro-fonds déséquilibres dans l’accès auxfonctions publiques et les garanties effec-tives des droits économiques et sociauxreconnus tant par l’ordre national quepar différents accords internationaux12.Du point de vue économique, bienqu’elles représentent un peu plus de lamoitié de la population, les Colombiennesaffichent des taux de chômage supé-rieurs (14,7%), dans toutes les villes dupays, à ceux des hommes (8,6 %)13. Alorsqu’elles ont de plus grandes difficultés àaccéder au marché du travail, leur tauxde rémunération est plus bas que celuides hommes. En outre, 45% du total et60% des rurales n’ont pas de revenuspropres, tandis que 60% de l’ensembletravaillent dans le secteur informel – avecles désavantages et les risques que celaimplique pour leur stabilité et leur sécu-

rité sociale. Ces brèches dans la sphèresocio-économique expriment clairementque la parité transcende le seul domainepolitique ; l’atteindre exige des transfor-mations structurelles basées sur la géné-ration d’opportunités à tous les niveauxde la vie sociale.En Colombie il faut avancer vers unedémocratie intégratrice en matière socio-économique et équitable en matière sociale.Il faut ouvrir des espaces d’opportunitéspour éduquer, former et répondre effecti-vement aux besoins de base et deconstruction du développement de lafemme. Pour atteindre la parité, il convientd’assurer la qualification professionnellede la femme, de la former pour menerdes projets productifs, de favoriser sonimmersion dans différents secteurs du travailet de sanctionner les cas de discrimination autravail pour des raisons de sexe. Le défi dansle secteur socio-culturel vise à revaloriser lerôle déterminant de la femme dans le déve-loppement et à reconnaître sa capacité d’accé-der à de hautes fonctions de décision avec unleadership effectif et une gestion adéquate14. ■

5 – “Situación de las Mujeres en Colombia y Avances en Políticas deIgualdad” Aecid, Bureau de la Coopération Technique, Ambassaded’Espagne en Colombie, p. 6.

6 – “Dans 16 pays d’Amérique Latine, seulement 5,3% des administra-tions locales sont dirigées par des femmes, ce qui équivaut 842 des15.828 gouvernements municipaux”, United Nations InternationalResearch and Training Institute for the Advancement of Women (UN-INSTRAW) :http://www.un-instraw.org, 12 June 2009.

7 – http://www.idea.int/gender/ 8 – “Situación de las Mujeres en Colombia y Avances en Políticas de

Igualdad” Aecid, Bureau de la Coopération Technique, Ambassaded’Espagne en Colombie.

9 – Arango Lina Ma, Guacaneme Freisa “Participación política de lamujer en Colombia” Bogota, Fescol. GTZ, ISAID et al, 2006 cité dansle panel: “Fundamentos de la Participación de las mujeres comocomponente de la gobernabilidad y la democracia” Santiago de Chile,5 Octobre 2006.

10 – Estrada Daniela, “América Latina: Avances hacia la paridad políti-ca de género” Inter – Press Service :http://ipsnoticias.net/nota.asp?idnews=38063

11 – “En analysant 18 pays de la région, 11 avec des lois de quotas et7 sans ce mécanisme, Flacso a constaté que dans les premiers laprésence de femmes dans les parlements respectifs a augmenté de9,5 points de pourcentage entre 1995 y 2004, tandis que dans lesseconds seulement de 2,9 points” Estrada Daniela, “AméricaLatina: Avances hacia la paridad política de género” Inter – PressService http://ipsnoticias.net/nota.asp?idnews=38063

12 – Parmi ceux ci se trouvent: Plateforme d’action de Beijing, la 4eConférence mondiale sur la Femme de 1995, la Convention surl’élimination de toutes les formes de discriminations contre laFemme, le Consensus de México lors de la 9e conférence régiona-le sur la Femme d’Amérique latine et des Caraïbes, réalisée en2004.

13 – “Situación de las Mujeres en Colombia y Avances en Políticas deIgualdad” Aecid, Bureau de la Coopération Technique, Ambassaded’Espagne en Colombie.

14 – Un modèle “(qui) propose que tant les femmes que les hommespuissent contribuer pleinement à la société et que, de ce fait, ilsdoivent participer tous deux au processus de prise de décisions surune base paritaire, dont l’objectif ultime sera d’atteindre 50 % pourchacun des sexes. La démocratie paritaire implique une véritablerépartition des responsabilités familiales entre hommes et femmeset la conciliation de la vie familiale et professionnelle” Impact dif-férentiel des systèmes électoraux sur la représentation politiqueféminine, direction générale des études, document de travail, sériedroits de la femme – w-10 –, Parlement européen, mars 1997.

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Les investissementsfrançais à la lumière des défis del’économie colombienne

La situation économiquetrès favorable de cesdernières années a permisune progressionimportante des Idefrançais en Colombie.Aujourd’hui, la crisefinancière internationalemet à l’épreuve larésistance de l’économiecolombienne aux chocsexternes et à une réductionprévisible de cesInvestissement directsétrangers (Ide).

Par Hélène DezoteuxChef de secteur des services économiquesde l’Ambassade de France à Bogota

Philippe CristelliLouise Michel 1984Conseiller financier pour les pays andins(2005-2008)

La situation économique trèsfavorable de ces dernièresannées a permis une progressionimportante des Ide français enColombie.■ Une croissance soutenue du Pib,allant de pair avec une politique deciblage de l’inflation et de réduction dela vulnérabilité externe du pays.Depuis l’élection du président Uribe en2002, la politique de sécurité démocratiquecombinée avec la conduite d’une politiquede relance et le bénéfice d’un environnementexterne porteur avaient permis à la Colombiede renouer avec une croissance soutenuequi a finalement atteint 7,5% en 2007(contre 6,8% en 2006), soit un niveauinconnu depuis la crise financière de1998/1999. D’une façon générale, et mal-gré le conflit, elle a connu durant les 30dernières années 3% de croissance enmoyenne. La croissance économique s’estaccompagnée d’une politique de ciblagede l’inflation ayant porté ses fruits jus-qu’en 2007, où la persistance de fortestensions inflationnistes (7,5% en 2008)alimentées par l’explosion du crédit à laconsommation, a conduit la banque cen-trale à resserrer sa politique monétaire,avec un effet immédiat sur les taux d’in-térêt bancaires. Par ailleurs et depuis plusieurs années, legouvernement cherche à réduire la vulné-rabilité externe du pays. Ainsi, la politiquesubstitution de la dette interne à la detteexterne pour limiter l’exposition d’une dettepublique qui demeure élevée (42% duPib en 2008) aux chocs externes et aurisque de change, a permis de ramenerla dette publique externe à 22% du Pib(contre 45% du Pib en 2002). De même,

la politique d’accumulation des réservesinternationales, a largement contribué àlimiter la vulnérabilité externe du pays.

■ La progression importante des Ide français est également favorisée parl’existence d’un cadre juridique stable.Dans ce contexte de stabilité macroéco-nomique, les Ide ont enregistré une pro-gression importante au cours des der-nières années, également favorisés parl’existence d’un cadre juridique ouvert etstable, en passant de 2 milliards en2002 à 10,5 milliards USD en 2008.L’afflux d’investissements étrangers s’estaccompagné d’une diversification impor-tante, même si le secteur pétrolier estresté le principal récepteur d’Ide avecune participation de 35% du total, suivipar les mines (20%), le secteur financier(13 %), les biens de consommation(10%) et enfin, le commerce, tourismeet secteur hôtelier (10%).Les États-Unis sont de loin le premierinvestisseur en Colombie avec 29% desflux en 2008 et une participation austock total de 31%, suivis par l’Espagne,le Mexique, le Royaume-Uni et enfin laFrance. S’il est particulièrement malaiséd’appréhender de manière précise lesflux d’investissements étrangers en pro-venance de France en raison du jeu desparadis fiscaux (îles Caïman, îles Vierges,Bahamas) et des pays intermédiaires,qui en occultent l’origine géographique,on estime les flux d’Ide français à plu-sieurs centaines de MUSD1 par ans, nousplaçant parmi les cinq premiers investis-seurs étrangers. Un grand nombre d’in-

1 - MUSD : millions de dollars américains

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vestisseurs français utilisent le payscomme une plateforme de production etd’exportation vers d’autres pays de larégion afin de profiter des avantagesconférés par les accords commerciauxexistants (Can, Can-Mercosur, G2…).C’est le cas des grandes multinationalesaméricaines mais aussi des usines Seb,Renault (Sofasa), Groupe Sanofi-Aventis,Legrand, etc. La Colombie compte plusde cent implantations françaises qui secaractérisent par une grande diversifica-tion sectorielle (grande distribution,pétrole, secteur automobile, agroalimen-taire, pharmacie, cosmétique, industrie,etc.) ainsi que par la présence de PMEde plus en plus nombreuses aux côté desgrands groupes.Les années 2007-2008 se sont caracté-risées par de nombreux investissementsfrançais dans le secteur de la grande dis-tribution, avec l’augmentation de la par-ticipation de Casino dans la chaîne Exito(61,5%) pour un montant de l’ordre de288 MUSD, l’alliance entre Casino etCencosud en vue de l’ouverture d’unréseau de «Easy» (200 MUSD), le rachatpar Exito-Casino de la chaîne CarullaVivero (72,1%) pour 292 MUSD (amor-cé en 2006), et enfin la construction en2008 d’un nouveau magasin Exito pourun montant de 7,7 MUSD dans un villageprès de Bogotá (Zipaquirá). La joint-ventureDanone/Alqueria (51 %/49 %) pour laconstruction d’une usine de produits lai-tiers (yogourts) pour un montant de 20 MUSD (et qui sera accompagnée pardes investissements de l’ordre de 100 MUSDsur 10 ans) a également marqué cesdeux dernières années. À noter que dansle secteur de la grande distribution, lesouvertures de nouveaux points de ventede Carrefour et Casino à travers l’en-seigne Exito, s’effectuent souvent grâceau réinvestissement de bénéfices obte-nus en Colombie et ne sont par consé-quent pas comptabilisées comme IDE. Outre la grande distribution, la France esttrès présente dans le secteur pétrolieravec Total, qui a investi plus d’1 milliardUSD depuis son arrivée dans le pays, legroupe Morel et Prom ayant absorbé Hocolgrâce à un investissement de 460 MUSDen 2005, et Perenco, également très

actif en Colombie depuis 1993. Parailleurs, Renault, deuxième groupe auto-mobile de Colombie par ses ventes avec15,8% de parts de marché hors Nissan(3,6%), a réalisé de nombreux investis-sements en Colombie (parmi lesquels 28MUSD dans le développement d’unechaîne de production X90 en 2005), etSaint-Gobain ne cesse de se développerdepuis l’implantation de ses deux pre-mières usines en 1974. De son côté, legroupe AGF avait racheté fin 1999 l’as-sureur local Colseguros à hauteur de 60%.Cette participation s’est désormais étendueà près de 100%, Colseguros est numéro 1du secteur et emploie environ 1000 per-sonnes. À noter l’entrée de l’assureurfrançais Cardif (filiale de BNP-Paribas)sur le marché colombien en 2008.

La crise financière met à l’épreuve la résistance de l’économie colombienne aux chocs externes et à uneréduction prévisible des Ide.■ L’impact de la crise sur la croissancedu Pib est toutefois mitigé par la solidi-té du système financier colombien.La crise financière internationale metaujourd’hui à l’épreuve la résistance del’économie colombienne aux chocs externeset à une réduction prévisible des Ide,notamment français compte tenu desrestrictions de liquidité au niveau inter-national. La Colombie est aujourd’huiconfrontée au ralentissement de sa crois-sance économique, passée de 7,5% en2007 à 2,5% en 2008 et estimée parles autorités à entre 0,5% et 1,5% en2009, certains analystes privés tablantmême sur une croissance légèrement néga-tive en 2009. De son côté, la baisse del’inflation devrait permettre à la BanqueCentrale de poursuivre sa politique dedétente monétaire (diminution de sontaux d’intérêt directeur de 300 points debase depuis décembre), afin de soutenirl’économie.Les effets de la crise financière interna-tionale ont toutefois été mitigés par lasolidité du système financier colombien.Détenu à 70% par des intérêts locaux, ilprésente un bon niveau de solvabilité,grâce à l’adoption de politiques prudentes

et à l’accumulation de réserves. De plus,son exposition au risque de change estlimitée, puisque le marché des changesest réduit et que des régulations strictesencadrent la possession d’actifs endevises. Finalement, même si le ralentis-sement de la progression du crédit a étéaccompagné par une augmentation descréances douteuses concernant surtoutle crédit à la consommation, ces der-nières se maintiennent pour l’instant àun niveau acceptable.

■ Les Ide font partie des trois grandsvecteurs de transmission de la criseinternationale, l’économie colombienneétant particulièrement sensible aux évo-lutions de ses principaux partenairecommerciaux : États-Unis et Venezuela.Dans le contexte actuel, les Ide font par-tie, avec les exportations et les transfertsdes émigrés colombiens remesas, destrois principaux vecteurs de transmissionde la crise internationale sur l’économiecolombienne. Les Ide et les remesas ontjusqu’à présent permis le financement dudéficit de la balance des paiements quidevrait se creuser en 2009 sous l’effet dela crise. Les exportations colombiennes àdestination des États-Unis, premier par-tenaire commercial absorbant 40% desexportations, et du Venezuela (17% desexportations), ont enregistré une fortechute en début d’année. Les transfertsdes émigrés « remesas », qui proviennentprincipalement des États-Unis et del’Espagne, ont également chuté à partirde la fin de l’année dernière. En revanche,les Ide ont enregistré un niveau record en2008 (10,5 MdsUSD). Pour 2009, unecontraction de 20% de ces Ide est atten-due comme conséquence des restrictionsde liquidité au niveau international.Pour l’heure, les autorités cherchent àlimiter l’impact de la crise grâce à lamise en place d’un vaste plan d’accélé-ration des investissements publics eninfrastructures et espère enrayer la haus-se du chômage (14%). Au plan externe,le gouvernement a garanti, depuis ledébut de l’année, le financement des sesobligations externes pour 2009 (émissionréussie d’obligations à 10 ans pour 1 milliard USD au début janvier et négo-

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également demandé au FMI de le fairebénéficier de la nouvelle facilité (Ligneflexible de crédit) à hauteur d’environ10,4 milliards USD, qui pourrait êtreactivée en cas de besoin.

Conclusion.Pour 2009, la croissance du Pib devraitêtre comprise entre 0,5 et 1,5%, l’éco-nomie colombienne ne devant a priori, etmême si elle est fortement secouée parla crise, entrer en récession. En effet, si

la Colombie est vulnérable du point devue de ses comptes externes, structurelle-ment déficitaires, et donc particulièrementsensible à toute évolution de ses princi-paux marchés externes, États-Unis etVenezuela, ses fondamentaux macroéco-nomiques solides et son cadre juridiquede qualité constituent des atouts indé-niables pour les investisseurs étrangers,et français en particulier. ■

2- Institutions financières internationales

ciations avec les Ifi2 qui se sont engagéesà décaisser, dès 2009, 1,9 milliard USDau titre de nouveaux prêts). Pour 2010,le gouvernement a procédé à une nou-velle émission très réussie d’obligationssouveraines pour 1 Md USD sur les mar-chés internationaux. Malgré les incerti-tudes du contexte actuel, cette émission,« sursouscrite » à hauteur de plus de troisfois, confirme l’appétence des investis-seurs pour les titres colombiens. Afin decompléter sa stratégie le gouvernement a

La Colombie compte plus de cent implantations françaises qui se caractérisent par une grande diversification sectorielle (grande distribution, pétrole, secteur automobile,agroalimentaire, pharmacie, cosmétique, industrie, etc.). (Pavillon de la France à Agroexpo 2009 à Bogotá).

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Le Café

Le café colombien estreconnu par son arômeintense et son goûtdéterminé par un corps etune amertume modérés etune acidité naturelle.Plusieurs raisonsexpliquent sa renomméecomme meilleur café dumonde. Le succès del’économie du café a étéfortement lié à un étroitpartenariat entre le corpsdes exploitants et l’État.Depuis ses débuts, laFederacafé a fonctionnépresque comme un Étatdans l’État en s’appuyantsur une bureaucratietechnique hautementperformante.

Par Andrés Augusto Reyes PuertoSimone Veil 2006Trésorier de l’Association des Anciens élèvescolombiens de l’ENA.

Un café vert de qualité supérieure.Le caféier est un arbrisseau d’environ 3 mde hauteur que l’on rencontre dans leszones tropicales et dont on connaît 500genres et 8000 espèces. En Colombie ontrouve des cultures d’arabica dont onobtient une boisson douce. Deux périodesde récolte (une grande ou « principale »et une petite ou «mitaca » équivalente autiers de la principale) permettent d’offrirdu café tout au long de l’année.Un caféier commence à donner des fruitsau bout de trois à quatre ans et produit455 g de café par an. Lorsque ses fruitsmûrissent, ils adoptent une vive couleurrouge, d’où leur nom de « cerises », com-posées d’une pulpe sucrée et de deuxgraines. Ces dernières sont débarrasséesdu mucilage (substance visqueuse et sucrée)et soumises à un processus de fermenta-tion, de lavage, de séchage et de battageafin de les laisser prêtes1 pour la torré-faction. À ce stade les graines sont enco-re vertes.Le café colombien est reconnu par sonarôme intense et son goût déterminé parun corps et une amertume modérés etune acidité naturelle2. Plusieurs raisonsexpliquent sa renommée comme meilleurcafé du monde :– Des zones de culture entre 1200 m et

1800 m d’altitude, où les conditionsclimatiques sont optimales : tempéra-tures de 17°C – 23°C ; pluviosité de2000 mm/an et bien repartie tout aulong de l’année ; de 1600 à 2000 h desoleil par an.

– Les producteurs de café suivent despratiques de culture strictes : fertilisa-tion des sols avec la matière organiquequi résulte de la décomposition de lapulpe ; préservation des sources d’eauet des ombrages ; récolte uniquementmanuelle des cerises (très important) ;dépulpage immédiat ; séparationattentive et complète du mucilage afind’éviter une sur-fermentation du café ;

séchage des grains pour réduire leurcontenu d’humidité (10% et 12%) ;sélection rigoureuse des meilleurs grains.

– La Fédéracafé3 assure un fort contrôlede qualité des pratiques de culture, parle biais d’inspecteurs qui visitent lesproducteurs à chaque étape du proces-sus et par le biais d’instructeurs quifournissent une formation continued’amélioration de ces pratiques.

Seuls les grains issus de ce contrôle dequalité sont autorisés pour l’exportationet peuvent porter l’appellation d’origine«Café de Colombie », octroyée exclusive-ment par la Fédéracafé. En échange, lemarché reconnaît la qualité supérieuredu café colombien avec un prix plusélevé (« prime de qualité »).

Pourquoi le café ?La jeune République avait des difficultéspour s’insérer dans le commerce mondialdu XIXe siècle : ses principaux produitsd’échange comme l’or, puis le tabac, lequinquina4 et l’indigotier5 étaient forte-ment sujets aux fluctuations des prix –plutôt fréquentes – ce qui compromettaitleur rentabilité durable.Plusieurs facteurs ont stimulé les aven-tures commerciales du café de la deuxiè-me moitié du XIXe :– un marché massif : l’urbanisation et le

changement de modes de vie de lasociété industrielle se sont traduits parla massification de la consommationdu café, devenu un élément essentieldes petits déjeuners et repas desclasses moyennes et prolétaires del’Europe et des États-Unis ;

– réduction de l’offre : plusieurs pestesont anéanti les cultures des coloniesnéerlandaises de Ceylan et de Javaentre 1850 et 1870, en permettantainsi à l’Amérique latine de devenir leprincipal producteur6 ;

– stabilité du marché : le café est unedenrée à faible élasticité de la demandeet de l’offre – seules des fortes hausses

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ou des baisses catastrophiques desprix induisent une baisse définitive dela demande ou de l’offre, respectivement;

– une offre brésilienne vulnérable auxchangements climatiques : les geléesprovoquent des réductions soudainesde l’offre, en générant ainsi des haussessoutenues des prix, lesquelles encoura-gent des nouvelles cultures de café.

La Colombie est passée d’environ300 000 sacs de 60 kg exportés par anen 1890 à plus de 3000000 en 1930;vers 1920 le café représentait presque75% du total des exportations7. Bienque, pour l’année 2008, il ne représenteplus que 5% du total des exportations(11085601 sacs8, soit US$ 18832210009),la Colombie est tout de même le 3e

exportateur mondial (après le Brésil et leVietnam) et le 1er exportateur mondial decafés doux10. Les principaux marchéspourvus sont les États-Unis (36,2%), leJapon (12,3%) et l’Allemagne (11,9 %)11.

Une industrie essentiellement de petits producteursLe café est arrivé en Colombie par l’est(région du Santander) en provenance duVenezuela et s’est répandu au centre du

pays aux alentours de Bogotá (Boyaca,Cundinamarca et Tolima), ainsi qu’àl’ouest (Antioquia).Dans une première étape, il connut uneexploitation semi-féodale, dans laquellele propriétaire de l’hacienda louait desparcelles à des paysans prêts à les aménager.En échange, ces « locataires » travaillaient lescultures du propriétaire terrien12, versaientdes quotas de leur propre productionpour l’autoconsommation13 et payaientdes pseudo-taxes pour l’utilisation deschemins intérieurs de l’hacienda. En casde non respect du contrat, le locataireétait évincé.La dichotomie entre la production del’hacienda et la production du locataires’est traduite en de fortes tensions sociales,étendues ensuite à la propriété de laterre ; soit les locataires, soit des colonsextérieurs, pouvaient la réclamer à l’issuedes « améliorations » apportées par leurtravail. L’hacienda présentait des fragili-tés qui ont été accentuées par une fortevague colonisatrice de paysans en quêtede leur indépendance et qui a permisune deuxième étape d’élargissement del’exploitation du café.

1 - C’est le café vert.2 - Federación Nacional de Cafeteros de Colombia, “Postcosecha y bene-

ficio – El beneficio y la calidad del café”, dans http://www.cafedeco-lombia.com/caficultura/beneficio2.html

3 - Fédération nationale des producteurs de café de la Colombie.4 - Arbre duquel on extrait la quinine, alcaloïde employé comme fébrifu-

ge et contre l’agent du paludisme.5 - Plante à partir de laquelle on obtient le colorant indigo.6 - En plus du Brésil qui dominait déjà l’offre mondiale, on comptait le

Venezuela et le Costa Rica ; dix ans plus tard ils ont été rejoints parle Guatemala, le Salvador et le Mexique. Marco Palacios, “El café enColombia 1850-1970, Una historia económica, social y política”,Editorial Planeta Colombiana S.A., 2002, p. 24.

7 - Federación Nacional de Cafeteros de Colombia, “El café, ¿cómo llegóa Colombia?”, dans http://www.cafedecolombia.com/caficultura/lle-gadacolombia.html

8 - Federación Nacional de Cafeteros de Colombia, “Producción mensualaño 2008”, danshttp://mailin.cafedecolombia.com/productivo/Infocafe.nsf/7e28ce1c5fa62bfb05256f1600737d56/4c10b94657150045052575b70075a650?OpenDocument

9 - Ministerio de Comercio, Industria y Turismo, “Exportaciones colom-bianas por sectores general”, danshttp://www.mincomercio.gov.co/eContent/documentos/estadisti-cas/expo/anual/sector/sector.xls

10 - International Coffe Organization, “Exports by exporting countries toall destinations, march 2009”, danshttp://www.ico.org/prices/m1.htm

11 - L’UE compte pour le 38,7% des exportations, dont 1,5% pour laFrance. Federación Nacional de Cafeteros de Colombia,“Información economía cafetera al LXX Congreso Nacional deCafeteros – 2008, Anexo Estadístico, Cuadro 4, Exportaciones decafé colombiano según países de destino, años cafeteros 2002/03– 2007/08”, dans http://www.cafedecolombia.com/economiacafe-tera/anexoestadistico2007.html/cuadro4.html

12 - Récolte, dépulpage, séchage, etc.13 - Maïs, banane plantain, manioc.14 - Code fiscal de 1873, loi 61 de 1874, loi 48 de 1882, loi 56 de 1905,

loi 110 de 1912, loi 45 de 1917, loi 85 de 1920, loi 47 de 1926.Marco Palacios, op. cit., p. 276-277.

Lorsque ses fruits mûrissent, ils adoptent une vive couleur rouge, d’où leur nom de « cerises »

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L’État a promulgué plusieurs lois concer-nant l’occupation, l’aménagement etl’appropriation de friches, publiques ouprivées14, en favorisant la colonisationindividuelle des territoires au sud del’Antioquia, qui font partie aujourd’hui de« l’axe du café » (Caldas, Quindío etRisaralda). La culture des terres donnaitdroit à leur propriété, octroyée jusqu’àune limite de 20 ha. Un « ethos de lahache »15 a eu lieu, à partir duquel lesfamilles paysannes conquéraient les forteset hostiles pentes du versant occidentalde la Cordillière centrale et voyaientgarantie leur réussite suite à leur effort.La transition entre société de subsistan-ce et société d’économie du café futcourte16. Les bas coûts d’exploitation etles cultures d’autoconsommation per-mettaient aux familles paysannes demieux résister aux baisses des prix, enassurant ainsi l’essentiel de la productionde café. Aujourd’hui, d’un total de513000 producteurs, 88,9% ont despropriétés de moins de 3 ha ; l’exploita-tion du café génère 640000 emploisdirects et apporte 12,4% du Pib agrico-le colombien17.

Le dessous du succès.Le succès de l’économie du café a étéfortement lié à un étroit partenariat entrele corps des exploitants et l’État. Peuaprès sa création18, la Fédéracafé s’est vu

confier l’administration du Fonds natio-nal du café, un compte du Trésor public19

établi pour contrôler l’excès d’offre nationaleet faire suite à l’Accord interaméricain dequotas (1940)20. Ce fonds, soutenu parles revenus de la taxe d’exportation ducafé, permet de garantir un prix mini-mum d’achat, en protégeant les produc-teurs des oscillations du prix internatio-nal, lesquelles sont plus drastiques depuis1989. À cette date l’Accord internationaldu café a changé, les États-Unis n’ap-puyant pas le système de quotas par pays.Crée pour défendre les intérêts des pro-ducteurs de café, la Fédéracafé est carac-térisée par sa grande stabilité : elle n’a euque neuf gérants généraux et a conservésix instances principales tout au long deson histoire21. De même, en plus de sesfonctions commerciales elle a fonctionnépresque comme un État dans l’État ens’appuyant sur une bureaucratie tech-nique hautement performante :– elle conduit dans la pratique la poli-

tique nationale du café par le biais duprix interne du café et des impositionsdiverses sur les exportations22 ;

– elle réalise des investissements de typesocial, tels que des campagnes de santéet d’hygiène ou la construction d’infra-structures routières, éducatives, hospi-talières et de logement au travers desComités départementaux et municipaux ;

– elle mène une « diplomatie du café » àpartir de bureaux de représentation àl’étranger (New York, Paris, San Francisco, SãoPaulo, Tokyo) et en signant au nom de laColombie les différents accords internatio-naux du café au sein de l’OIC23. ■

Comment préparer un café belgeLa région de l’axe du café a connu ungrand essor du tourisme les dernièresannées. Si vous envisagez de visiter laColombie, vous trouverez des informa-tions très utiles (en espagnol).sur le siteweb : http://www.turiscolombia.com/eje_cafetero.htm. En attendant, voici la recette du cafébelge (pour quatre personnes) :– 3 tasses de café chaud. Attention :

pour obtenir une tasse de café parfai-te, mélangez de l’eau fraîche avec ducafé colombien.

– 3 cuillères de sucre.

– 1 petite cuillère de vanille.– 8 cuillères d’amaretto.– 1 tasse de crème fraîche.– des zestes d’orange coupés en

lamelles pour décorer.– cannelle.Mélangez le café avec le sucre, assurez-vous que ce soit bien dissous. Ajoutezla vanille, l’amaretto et servez surquatre tasses. Ajoutez 2 cuillères decrème fraîche battue sur chaque tasseet saupoudrez de la cannelle. Décorezavec les zestes d’orange et régalez-vous !

15 - Marco Palacios, op. cit., p. 281.16 - Marco Palacios, op. cit., p. 305.17 - Federación Nacional de Cafeteros de Colombia, “Caficultura colom-

biana – La zona cafetera colombiana”, dans http://www.cafedeco-lombia.com/caficultura/zonacafetera.html

18 - IIème Congrès national de producteurs de café de 1927.19 - Décret 2078 de 1940. Federación Nacional de Cafeteros de

Colombia, “Quiénes somos – Fondo Nacional del Café”, danshttp://www.cafedecolombia.com/quienessomos/federacion/fondo-nacional.html

20 – Les États-Unis, principal marché mondial, sont à l’origine de cetaccord afin d’assurer une stabilité politique en Amérique latine entemps de guerre par le biais d’une solidarité panaméricaine. MarcoPalacios, op. cit., p. 429-430.

21 – Un Congrès national, organe supérieur de direction et de contrô-le, composé de délégués départementaux et des représentants dugouvernement au Comité national (voix sans vote) ; un Comiténational, responsable principal de l’exécution du contrat d’admi-nistration du Fonds national du café, composé de huit représen-tants des départements élus par le Congrès et de six représentantsdu gouvernement ; un Comité exécutif, chargé des affaires ducorps et de l’administration de la Fédéracafé avec le gérant géné-ral et composé des représentants des départements au Comiténational ; un gérant général, élu par le Congrès d’une troïkaprésentée par le Comité national, exécute leurs dispositions etcelles du Comité exécutif, représente légalement la Fédéracafé etpropose des plans d’action au Congrès et au Comité national ; lesComités municipaux, organes consultatifs qui participent à l’éla-boration des programmes de développement et investissement deleurs collectivités, composés de six membres élus chaque trois ansdans les collectivités territoriales d’au moins 400 terroirs de café ;les Comités départementaux, chargés d’exécuter les dispositionsdu Comité national, ont leur propre budget et sont composés de sixmembres élus par les producteurs inscrits des départements dontla production est supérieure au 2% national.

22 – Marco Palacios, op. cit., p. 441-442.23 – Organisation Internationale du Café.

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La production de biodiesel en Colombie

L e palmier à huile, d’origine africaine,est une culture pérenne. En dépit de

son rendement tardif, sa vie productiveatteint plus de 50 ans (toutefois, après la25e année, il est difficile à récolter en raison de la hauteur de sa tige). La transformation des fruits du palmier àhuile se fait dans les usines d’extraction.De ce processus d’extraction, on obtientl’huile de palme brute ou l’huile de pal-miste. Le processus consiste à stériliserles fruits, puis viennent le décorticage, lamacération, l’extraction de l’huile de lapulpe et la clarification. Les amandessont récupérées pour obtenir l’huile depalmiste et la tourte de palmiste servantà l’alimentation des animaux.Avec le fractionnement de l’huile de palmeon obtient également deux produits: l’oléinede palme et la stéarine. La première estliquide dans les climats chauds et peutêtre mélangée à une huile végétale ; l’autreest utilisée pour produire des graissessolides, principalement la margarine et lesavon. Les propriétés physiques et nutri-tives de chaque fraction de l’huile depalme expliquent ses nombreuses appli-

cations comme matière première et pro-duit industriel intermédiaire.L’agro-industrie de la palme d’huile sedéveloppe en Colombie depuis plus decinquante ans sur une superficie d’envi-ron 350 000 hectares répartis sur prèsde cent municipalités de seize départe-ments. Le secteur emploie plus de 100000personnes, 41000 emplois directs et62000 indirects; plus de 500000 per-sonnes bénéficient de l’agro-industrie dupalmier à huile.

Le biodiesel et le marché internedes combustiblesL’Amérique est le deuxième plus grandproducteur au monde d’huile de palme(environ 6%), mais très loin derrièrel’Asie (89%). La Colombie et l’Equateurcomptent plus de 50% de la superficietotale des 714000 hectares dédiés àcette culture en Amérique. La productiony était en 2008 de plus de 2 millions detonnes ; la Colombie, l’Équateur, leHonduras et le Costa Rica comptent pour74% de la production continentale.

En Colombie, la production totale d’huile (extraite du fruit de l'arbre à palme) équivaut à 15 % de la consommationlocale de carburant diesel.

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L’huile de palme est cequ’il y a de plus efficacepour la production debiodiesel dans le monde.La Colombie a mis aupoint un cadre technique,économique et politiqueapproprié pour promouvoirla production locale et laconsommation de biodieselde palme, qui contribuentau développement durableet à la création d’emploisruraux, sans mettre enpéril la sécuritéalimentaire du pays.

Par Andrés Castro ForeroRené Char 1995Directeur de Développement durable de Fedepalma

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La seule Colombie est le premier produc-teur et exportateur en Amérique, et notrepays est le cinquième plus grand pro-ducteur du monde, derrière la Malaisie,l’Indonésie, la Thaïlande et le Nigeria.Nous disposons de quatre zones de pro-duction : la zone Nord de la côteCaraïbe, la zone centrale de la vallée dela rivière Magdalena, la zone Est deslongues plaines orientales, et la zoneOuest à Tumaco, au bord du Pacifique,près de l’Équateur.Plus de 8000 producteurs fournissentles fruits récoltés à 53 usines d’extrac-tion. Plus de 5000 petits exploitants sontorganisés autour d’associations de produc-teurs et célèbrent des alliances straté-giques avec les usines d’extraction. Plusde 25% de la superficie plantée au coursdes dix dernières années correspondent àce modèle d’exploitation, soit environ60 000 hectares.

En 2008, sur près de 800000 tonnes pro-duites, plus de la moitié ont été absor-bées par le marché intérieur des huiles etdes graisses, le reste étant destiné à l’ex-portation et une part minimale consacréeau marché naissant du biodiesel.Les biocarburants sont des combustiblesliquides issus de l’agriculture, qui pour-raient être utilisés dans les moteurs àcombustion interne: l’éthanol (alcool car-burant) pour les moteurs à essence et lebiodiesel (ester méthylique) pour lesmoteurs diesel. Ils peuvent remplacer unepartie de la consommation de combus-tibles fossiles liquides dérivés du pétrole etdu charbon. Chaque pays développe le biodiesel surla base de son programme interne dematières premières et des caractéris-tiques qui le définissent. La principalehuile utilisée dans la production de bio-diesel est le colza. La participation du

biodiesel dans le marché interne descombustibles est appelée à croître – de 5à 10 et ensuite 12% – au détriment dumarché à l’exportation d’huile de palme.En revanche, la consommation tradition-nelle (aliments, savons et animaux) res-tera stable.Les 350000 hectares de palmiers à huilesemées en Colombie représentent actuel-lement la production d’un puits de pétroled’environ 27000 barils de pétrole par jour,en supposant que 100% du baril pour-rait être utilisé comme carburant diesel. La totalité de la production de graisses etd’huiles du monde pourrait remplacerseulement 10% de la consommationtotale de carburant diesel dans le mondeentier. En Colombie, la production d’hui-le de palme par rapport à la consomma-tion locale de diesel montre que la pro-duction totale d’huile de palme équivaut

La colombie est le deuxième pays exportateur de fleur

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à 15% de la consommation locale decarburant diesel.

Création d’emplois et développement ruralLa Colombie a de grandes zones dispo-nibles pour l’agriculture. Le potentiel dela zone d’expansion du palmier à huile,sans empiéter sur les forêts, atteint plusde 3 millions d’hectares dans les quatrezones mentionnées ci-dessus.Les objectifs du programme national debiodiesel en Colombie expriment la volontégouvernementale d’atteindre l’autosuffi-sance énergétique. C’est parce qu’ellecompte de faibles réserves de pétroleque la Colombie cherche diversifier sessources énergétiques.Un élément fondamental de la politiquepublique en la matière consiste à pro-mouvoir la création d’emplois et le déve-loppement du secteur rural. Ainsi leParlement a voté la Loi 939 de 2004,nommée « Biodiesel », établissant lecadre juridique de la production afin dedémarrer le programme en janvier 2008,dans la Côte Atlantique, et à partird’août 2009, dans le reste du pays. Lechronogramme de mixage a été établiede façon progressive, en termes de pour-centage : 5% (B5) 2008, 7% (B7)2010 ; 10% (B10) à partir de 2011.Le gouvernement a établi un régime fis-cal favorable au développement de ceprogramme, en créant une exemption detaxes – TVA et taxe globale sur les car-burants – et des zones franches pourcertaines raffineries produisant des bio-carburants qui en font la demande avantde démarrer la construction.D’après le projet d’« Évaluation demélanges de biodiesel de palme commecarburant diesel » issu de l’Institut colom-bien du pétrole (ICP), de l’Entreprisecolombienne de pétrole (Ecopetrol) et duCentre de recherche en palme d’huile(Cenipalma), le biodiesel de palmerépond à des spécifications fixées auxniveaux national et international, de rédui-re les émissions d’oxydes d’azote (NOx). En outre, les preuves de longue duréeavec du biodiesel de palme dans lesréservoirs des autobus du système detransport Transmilenio à Bogotà ont

abouti à des résultats de qualité satisfai-sant aux spécifications en Colombie pourdes mélanges diesel-biodiesel de palme5, 10, 20, 30 et 50%. Le fonctionne-ment des autocars montre qu’il n’y a pasd’usure dans le système d’injection oude détérioration de la qualité de l’huilede graissage. D’autre part, l’étudedémontre la réduction des émissions departicules avec l’augmentation du pour-centage de biodiesel.L’amélioration de l’environnement est unautre objectif du programme, tenantcompte que le principal problème depollution en Colombie est l’émission departicules, principalement des véhiculesà moteur, en particulier dans les grandscentres urbains dans les Andes.

Une politique adéquateC’est ainsi que la Colombie a mis aupoint une politique tout à fait adéquatepour promouvoir la production et laconsommation de biodiesel. Avec lacapacité installée des raffineries de bio-diesel, elle a assuré la production dumélange B10. La production de biodie-sel n’a pas d’incidence sur la fourniturede l’huile de palme au marché local tra-ditionnel, principalement dans le domai-ne des denrées alimentaires.La production et la consommation debiodiesel de palme en Colombie n’a pascompromis la sécurité alimentaire dupays. Avec la superficie plantée et lesprévisions de production dans lesannées à venir, l’agro-industrie d’huile depalme fournira les matières premièrespour un mélange de biodiesel de palme,avec un pourcentage de 15% (B15).Mais, quels effets pouvons-nous attendrede la production de biodiesel en Colombie?En premier lieu, le développement del’industrie du biodiesel de palme contri-buera à la viabilité et la croissance del’emploi dans les régions rurales. De ma même manière, la production debiodiesel de palme entraînera l’agro-indus-trie d’huile de palme dans le secteur del’énergie, développant un nouveau mar-ché pour l’huile de palme et une aug-mentation de la demande interne de28% en 2009 et 49% en 2010, ayantcomme conséquence l’amélioration des

recettes pour les producteurs d’huile depalme.Finalement, la production de métil-esterpermettra de promouvoir le développe-ment de l’industrie oléochimique enColombie à partir de l’huile de palme.Les défis qui s’imposent consistent àmener à bien le démarrage des raffine-ries de biodiesel dans le respect desparamètres de qualité établis dans lepays et par la mise en œuvre du mélan-ge B5 dans tout le pays. D’autre part, il est indispensable demaintenir des politiques gouvernemen-tales pour soutenir le secteur des biocar-burants. Certains pays, surtout dévelop-pés, font la promotion de politiques pourla production locale de biocarburants,mais cela ne garantit pas encore que lesbiocarburants puissent être exportés defaçon permanente et rentable. À cetégard, il est convenable d’éliminer lesrestrictions non tarifaires des pays déve-loppés à l’exportation de biocarburantsde pays en développement.En conclusion, l’huile de palme est cequ’il y a de plus efficace pour la produc-tion de biodiesel dans le monde, et laColombie a mis au point un cadre tech-nique, économique et politique appro-prié pour promouvoir la production loca-le et la consommation de biodiesel depalme, qui contribuent au développe-ment durable et à la création d’emploisruraux, sans mettre en péril la sécuritéalimentaire du pays. ■

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La Colombie et les États-Unis,un partenariat privilégié ?

Quelques jours après le sommet desAmériques d’avril 2009 à Trinidad

et Tobago, le ministère des Affaires étran-gères colombien a fait connaître la volon-té des États-Unis de reprendre contactavec la Colombie pour la négociation del’accord de libre-échange entre les deuxpays. La nouvelle a été bien accueilliepar la plupart des entrepreneurs colombienset par les secteurs politiques proches dugouvernement. Néanmoins, pour lesobservateurs qui ont suivi le dossier deprès, la bonne volonté des Américainsn’est qu’une remise à l’ordre du jour d’unaccord qui avait déjà été négocié depuisplus d’un an, et qui était prêt pour l’ap-probation des chambres législatives.Après un sommet de trois jours où leschefs d’État des Amériques ont fait lepoint sur l’agenda du continent, laColombie continue d’avoir des difficultésà rester le partenaire principal des États-Unis dans la région.

Des relations privilégiées dans le contexte de la guerrecontre la terreurDepuis les attentats de New York en2001, Washington a fait de la Colombiele partenaire principal dans sa luttecontre la terreur en Amérique du Sud. LaColombie, connaissant un problème deguérillas depuis plus de 50 ans, étaitl’exemple parfait d’un gouvernementmenacé par des groupes terroristes. Eneffet, la situation était très compliquéeen 2001 après l’échec des négociationsde paix avec les Farc et leur renforce-ment à cause du trafic de drogues. Lesanciennes guérillas des années 1950,qui avaient au début une claire vocationcommuniste, devenaient de puissantsgroupes consacrés au narcotrafic.La Colombie avait besoin de l’aide desÉtats-Unis pour lutter contre les gué-rillas, et les États-Unis à leur tour ne

pouvaient pas se permettre de voir bas-culer la Colombie dans le camp des Étatsvoyous. La mise en marche du PlanColombie, qui a fait de la Colombie letroisième pays récepteur de coopérationdes Américains (après Israël et l’Egypte),a montré le grand intérêt de Washingtonpour s’impliquer dans la lutte contre leterrorisme et le narcotrafic en Colombie.L’aide militaire, technique et financièreainsi que la coopération judiciaire ont faitavancer les relations entre les deux paysdans une situation de partenariat privilé-gié unique dans la région. La stratégie des États-Unis pour le conti-nent était claire : d’un côté l’objectif étaitcelui de diminuer le pouvoir de guérillasd’origine communiste et le trafic dedrogues en Colombie. De l’autre, ils cher-chaient, en s’appuyant sur la Colombie,à maîtriser l’avancée des gouvernementsde gauche dans la région : lors de plu-sieurs épisodes, des pays voisins (leVenezuela et l’Équateur, notamment) ontdénoncé l’intervention des États-Unisdans la région à travers la Colombie. L’affinité politique de Bush aux États-Unis et d’Uribe en Colombie était uneréalité. Cet avantage en termes poli-tiques a fait croire qu’il y aurait le mêmetraitement en ce qui concerne les aspectséconomiques et que même un accord delibre-échange était possible avant 2008.

La politique et les accords de commerceEn 1994, pendant le sommet desAmériques à Miami, le président desÉtats-Unis a proposé la création d’unezone de libre-échange pour le continent.Malgré les différents accords qui exis-taient à l’époque, la proposition a étébien accueillie par la plupart des paysaméricains. Le nouveau contexte interna-tional redonnait à l’Amérique latine del’importance dans la politique étrangère

Le contexte mondial afortement changé depuis2001. La guerre contre laterreur est remise encause aux Etats-Unis. Lasécurité nationale n’estplus le seul débatpolitique à l’intérieur desÉtats-Unis, au contraire, ils’agit actuellement d’unsujet laissé de côté face àla gravité de la criseéconomique mondiale. Legouvernement colombienaura du mal, dans cesconditions, à continuerd’apparaître commepartenaire privilégié desÉtats-Unis. Le changementd’air politique àWashington oblige à unchangement de prioritéspolitiques à Bogota.

Par Juan Pablo ParraCyrano de Bergerac 1999Analyste financier, Correval S.A.

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et commerciale des États-Unis. Le pro-cessus a bien avancé pendant plusieursannées mais des sujets très sensibles ontopposé les États-Unis et le Brésil : l’agri-culture et la propriété intellectuelle.L’absence d’accords sur ces sujets arendu les négociations très difficiles etl’impasse a obligé à rechercher de nou-velles options. Deux visions ont fait che-min indépendamment.D’un côté, le Brésil est devenu le moteurd’une négociation entre les zones delibre-échange de l’Amérique du Sud : leMercosur et la Communauté andine.L’objectif était de rapprocher dans unezone de libre-échange tous les pays del’Amérique du Sud et ainsi de mener desnégociations avec la zone de libre-échan-ge de l’Amérique du Nord (composée parles États-Unis, le Canada et le Mexique).Une négociation de ce genre permettraitd’avoir deux entités de taille similaire

assises à la table pour abou-tir à des accords plus justes.De l’autre côté, les États-Unis ont proposé des négo-ciations bilatérales avec lespays de la région andine.Cette proposition a eu dusuccès car les pays andinsont des relations commer-ciales très étroites avecWashington et ils avaientainsi la possibilité d’assurerleurs intérêts économiques.Les États-Unis ont entamédes négociations bilatéralesavec le Pérou et la Colombiemalgré d’évidentes inégalitésde rapport de force, en neu-tralisant de cette manière lesaspirations du Brésil. Lesaccords ont été rapidementnégociés et pour le cas duPérou, l’accord a déjà étératifié par les États-Unis.Pour la Colombie la situationest différente. Malgré lesefforts du gouvernementcolombien, le Congrès améri-cain ne donne pas de répon-se positive à la procédure deratification.

La Colombie et la majoritédémocrate aux Etats-UnisL’affinité politique a joué un rôle d’impor-tance dans le succès du positionnementde la Colombie aux États-Unis pendantles deux périodes Bush. Les relations pri-vilégiées entre les deux pays s’expliquentprincipalement par l’acceptation de lapart de la Colombie de la stratégie desécurité nationale des États-Unis et de samise en marche dans la région. La négo-ciation de l’accord de libre-échange aavancé rapidement dans un contextepolitique républicain favorable à ce genrede négociations, mais aussi favorable augouvernement du président Uribe. Malheureusement pour les intérêts de laColombie, au moment de ratifier l’ac-cord, le Congrès américain n’avait plus lamajorité républicaine qui pouvait appor-ter son soutien à l’initiative. Au contraire,la majorité démocrate qui venait d’arriver

au pouvoir, a remis en question l’accordnégocié en se fondant sur la situationprécaire en termes de sécurité des lea-ders des syndicats de différentes régionsde la Colombie. En effet, selon les argu-ments du Congrès, le nombre de mortsviolentes de syndicalistes et les limitesde la législation colombienne sur le sujetsont des raisons suffisantes pour empê-cher l’aboutissement d’un accord forte-ment lié au sort des responsables de cessyndicats.Le gouvernement colombien a fait desefforts pour montrer des résultats dansce sens mais les autorités législatives auxÉtats-Unis n’ont pas été satisfaites. En2008 l’Exécutif américain a même sou-tenu publiquement l’accord en argumen-tant des raisons de sécurité régionale,mais en vain, le blocage des démocratesau Congrès est maintenu. Des moyensdifférents ont été utilisés pour influencerla décision mais il semble bien que tousles efforts de la Colombie doivent êtreorientés vers un rapprochement avec legouvernement du président Obama, nonseulement au niveau diplomatique maiségalement. au niveau des politiques Le contexte mondial a fortement changédepuis 2001. La guerre contre la terreurest remise en cause aux États-Unis et,bien qu’il existe toujours des menaces,un changement de politique est attendupar la plupart des électeurs américains.La sécurité nationale n’est plus le seuldébat politique à l’intérieur des États-Unis, au contraire, il s’agit actuellementd’un sujet laissé de côté face à la gravitéde la crise économique mondiale. Legouvernement colombien aura du mal,dans ces conditions, à continuer d’appa-raître comme un partenaire privilégié desÉtats-Unis. Le changement d’air politiqueà Washington oblige à un changement depriorités politiques à Bogota. Il est temps,après huit ans de concentration des effortssur la politique de sécurité, d’avancer surdes thèmes aussi importants que la poli-tique économique et la politique sociale,et de s’ouvrir à d’autres partenaires quivoient aussi une priorité dans ces der-nières politiques. ■

Article écrit en mai 2009

la bonne volonté des Américains n’est qu’une remise à l’ordre du jour d’unaccord qui avait déjà été négocié depuis plus d’un an (Sculpture de Boterodevant le palais de la culture Rafael Uribe à Medellín)

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Bogotá, Medellín et le désert colombien

Depuis plusieurs années,Bogotá et Medellín, les deux plus grandesvilles de Colombieconnaissent des évolutionstrès importantes en matière de réduction de la pauvreté, de diminution de la violence et de la criminalité, de développement urbainet de gouvernance urbaine.Et cela, au milieu d’unenvironnement conflictuel.Explication de ce paradoxe :elles ont développé une nouvelle forme de gouvernance urbaine et de culture citoyenne.

Par Elkin Velásquez Cycle international court Alexandre Dumas 2002Chercheur, Universidad Externado de ColombiaConseiller technique ONU-Habitat, Colombie.

U n ancien sénateur de la Républiquedisait qu’en Colombie il ne fallait

que trois heures de route pour passer duXXIe siècle au XVIIIe siècle. On peut passeren quelques heures des centres financiersde Bogotá et Medellín, les deux plusgrandes villes du pays, aux villes inter-médiaires et à des territoires ruraux mar-ginalisés. En route, il est possible dedécouvrir des zones aisées, bien équipées,qui concentrent la richesse non seulementéconomique, mais également culturelleet sociale, et, hors des grandes villes, detraverser des zones délaissées, économi-quement et socialement vulnérables, aucœur d’espaces ruraux de montagne oude plaine. Et, il va de soi, en matière dedémocratie et de capacité de prise dedécisions collectives, la différence est presqueaussi visible: des institutions démocratiquesbien développées dans les grandes villeset des reconfigurations inspirées de l’Étatavec des acteurs illégaux dans les collec-tivités locales d’une Colombie rurale enmal de démocratie. Malgré des évolutionsimportantes dans le domaine de la sécuritépublique ces dernières années, l’écart enmatière de gouvernance semble au contrai-re s’accroître. Un bon réflexe est donc de regarder deprès l’exemple de Bogotá et de Medellín,qui, depuis quinze pour l’une, et six pourl’autre, connaissent des évolutions trèsimportantes en matière de réduction dela pauvreté, de diminution de la violenceet de la criminalité, de développementurbain et, enfin, de gouvernance urbaine.Et cela – d’où le paradoxe – dans un envi-ronnement conflictuel aux conséquencesdifficiles pour les villes : elles reçoiventun flux important de personnes expul-sées des zones rurales par l’action desgroupes de guérilla, de paramilitaires oude narcotrafiquants, elles accueillent unepopulation d’anciens combattants de ces

mêmes groupes armés, pour ne mention-ner que quelques exemples des relationsconflictuelles entre ville et campagne.Que s’est-il passé dans ces villes ces der-nières années qui permette de les pré-senter comme point de départ d’unenouvelle gouvernance pour la Colombie ?Il existe bien une réponse. Bogotá et Medellínont développé une nouvelle forme de gou-vernance urbaine et une conception rénovéede la politique avec de nouvelles opportu-nités et des règles de respect et d’interactiondes citoyens entre eux, ainsi qu’entre cescitoyens et les institutions publiques. Dansce contexte, les politiques publiques urbainesse sont traduites par des résultats concretset mesurables. Il s’agit ici de mettre enrelief quelques-uns de ces résultats : lagouvernance de la sécurité et la « culturecitoyenne » à Bogotá et la participationcitoyenne et la politique d’éducation àMedellín.

La gouvernance de la sécuritéurbaine et la capacité d’anticipa-tion à BogotáLe cas de Bogotá permet de bien com-prendre la contribution de la gouvernancede la sécurité au succès des politiquespubliques de sécurité urbaine. Au coursdes années 1992-2007, les indicateursde criminalité montrent une nette tendanceà l’amélioration. Une certaine «gouvernanceinformelle » a permis d’assurer, dans unsystème politique où le maire est élupour un mandat de quatre ans sans pos-sibilité de réélection, la pérennité desfondements de la politique de sécuritéurbaine. La sécurité publique dépendmoins des instruments et des outils traditionnels en matière de sécuritéurbaine que de la forme de gouvernancede la sécurité qu’une ville peut développerà un moment donné. Pour les maires deBogotá, la sécurité urbaine est devenue

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une priorité. Ils ont ainsi développé unenouvelle approche au milieu des années1990 appelée «sécurité citoyenne», éloignéedu paradigme vétuste mais encore dominantde «sécurité nationale». La prévention dela criminalité et de la violence est deve-nue une part intégrante des responsabili-tés politiques des autorités municipales. Durant cette période de 15 ans, Bogotáa su composer un mélange approprié àpartir de différents types de stratégies deprévention et de coercition. Mais, surtout,il semble essentiel que la ville ait adoptéun discours portant sur la protection dela vie auquel tous les citoyens puissents’identifier.Dans ce processus, un outil d’anticipa-tion, de gouvernance et d’intelligencecollective, parrainé par Onu-Habitat etappliqué plus récemment, le Livre blancde la Sécurité urbaine, présente un pre-mier ensemble de questions prioritairesauxquelles la ville devra répondre dansun avenir proche. Élaboré grâce à uneconcertation multilatérale et pluraliste,portant sur les enjeux et les défis à venirde la sécurité urbaine, il sert désormaisde référence pour les futures politiquespubliques en la matière. En tant qu’ins-trument de gouvernance de la sécuritéurbaine, le Livre blanc a créé des espacespour la négociation implicite entre interve-nants municipaux afin de permettred’identifier et de traiter des questions desécurité urbaine. C’est le résultat d’unerecherche collective d’une «politique d’État»(dans le sens d’une politique de long terme)fondée sur une idée d’anticipation, silimitée dans la gestion des villes sud-américaines. Le développement d’une tellecapacité sera la clé des futures politiquesde prévention de la criminalité urbaine.

La renaissance de Medellín : le « tout éducation», la coordi-nation et la focalisation des poli-tiques publiques autour des plusdémunisUn des rebonds des plus spectaculairesest celui de Medellín. Après avoir étéclassée dans les années 1980 parmi lesvilles les plus violentes du monde, elleest devenue ces dernières années unexemple réussi de gouvernance urbaine.

Les nouveaux leaders de cette villereconnaissent qu’ils se sont inspirés del’expérience de Bogotá. L’élément le plusimportant qui a été transposé à Medellínest l’idée d’une nouvelle citoyenneté,avec une participation importante de lacommunauté dans les décisions publiques.En cohérence avec ces principes, le bud-get de la ville s’est concentré sur deuxvolets importants : l’éducation d’une part,l’espace public et l’infrastructure socialed’autre part. Le slogan de la politique publique récente,«Medellín, la más educada » (Medellínla plus éduquée), résume en soi un effortimportant de mettre l’éducation au centrede la construction d’une nouvelle citoyen-neté. C’est dans les quartiers les plusdéfavorisés, là où la violence s’était concen-trée dans les années 1980 et 1990, quese sont focalisés les investissementspublics en infrastructure de la plus hautequalité. Cette ville est partie de l’idée qu’uneinclusion sociale effective passe par demeilleures opportunités d’éducationpublique pour ses citoyens. Et un citoyenmieux formé est un citoyen plus à mêmede participer aux décisions collectives ;c’est là la recherche de la nouvelle Medellín.Medellín a également conçu et mis enplace une politique publique visant àconcentrer les nouvelles infrastructureset les interventions sur l’espace publicurbain dans les quartiers défavorisés. Ils’agit d’une décision qui n’est pas tou-jours aisée à mettre en œuvre, du faitd’une structure administrative cloisonnéequi ne facilite pas la nécessaire coordi-nation intersectorielle et multi-niveau dansla mise en place des décisions publiquesterritorialisées. Le modèle choisi par laville a été celui d’une coordination posi-tive assurée par un haut responsable deprojet, agissant sur la base d’un cahierdes charges bien défini et suivant desobjectifs précis, issus du Plan de déve-loppement de la ville. C’est un exemplede gouvernance interinstitutionnelle quis’est ainsi développé.

Un corollaireEn matière de gouvernance, de gestionpublique, de réduction de la violence etde la pauvreté en Colombie, il convient

donc de regarder ce qui s’est passé àBogotá et à Medellín. La capitale et ladeuxième ville du pays ont surmonté dessituations auparavant critiques grâce àdifférentes formules d’anticipation, denégociation, d’intelligence collective, derenforcement des capacités citoyennesau travers d’une éducation de qualité, dela participation citoyenne et de l’efficacitéen matière de coordination intersectoriellede l’action publique. Si l’on puise dansces expériences pour inspirer de nouvellesformes de gestion publique territoriale dansle reste du pays, le désert colombien pourraitse transformer en un désert fleuri. ■

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A lcaldía de Medellín & BancoInteramericano de Desarrollo, 2009.

Medellín. Transformación de una ciudad.Garay, L.; Salcedo-Albarán, E.; Beltrán, I. &Guerrero, B., 2008. La reconfiguracióncooptada del Estado: Más allá de laconcepción tradicional de captura econó-mica del Estado. Transparencia Internacional,Método. Bogotá.Velásquez, E., 2008. Governance of securi-ty in the light of Bogotá’s experience. ICPC,Report on the State of Crime Preventionand Community. Montreal, Canadá.Velásquez, E., 2008. La gobernanza terri-torial en las ciudades. ¿De qué hablamos?En: Velásquez, E. & Godard, H.(eds).Gobernabilidad territorial en las ciudadesandinas. Organización y recomposicionesterritoriales y socio-políticas. IFEA-U.Externado. Bogotá. ISBN 978-958-710-384-7 Velásquez, E., 2009. ¿Por qué funcionanlas políticas de seguridad urbana? En:Velásquez, E. & Giraldo, F. (ed). Hábitat yseguridad urbana. Tendencias, prevencióny gobernanza de la seguridad. UNHábitat, Bogotá. ■

Bibliographie

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La « culture citoyenne »à Bogotá

Il semble clair quel’éducation, la santé et le revenu, qui sont des facteurs reconnus de développement humain,ne sont pas suffisants pour assurer une vie de meilleure qualité. Pourparvenir au bien-être, la force régulatrice de laculture, qui s’exprime dansla famille, à l’école, autravail et dans les lieuxpublics est indispensable.Les pouvoirs publics ont le devoir d’améliorer ce travail de formation, enparticulier à l’école et dans les espaces de libresaccès. Une partie de la culture citoyennes’acquiert à l’école.Cependant sanschangement rapide dans la culture dans la rue,toute initiation scolaire severra détruite dansl’expérience quotidiennede la ville.Exposé des motifs« Former la ville » 1995

D epuis 1995 à Bogota, un largespectre de programmes et de projets

a été mis en œuvre avec pour objectifd’intervenir sur les aspects socioculturelsafin d’améliorer le « vivre ensemble » enville. Selon le principe central de la «culturecitoyenne », la solution de plusieurs pro-blèmes sociaux ou le succès de poli-tiques publiques dépendent de transfor-mations et d’appropriations dans les pra-tiques sociales et culturelles d’une com-munauté donnée.

Origine du concept de « culturecitoyenne » : un pédagogue à l’administration publiqueÀ la fin des années 1980 et au début desannées 1990, à l’Université nationale deColombie, j’ai travaillé à développer unschéma théorique permettant d’expliquerla persistance de certains problèmessociaux. Cette conceptualisation s’est baséefondamentalement sur l’exploration desinteractions entre les normes formellesqui inspirent les comportements citoyenset les règles informelles qui constituent lecomportement réel des personnes auquotidien. Ces travaux sont connus sousle nom d’« amphibies culturelles et har-monisation de la loi, de la morale et dela culture ». Ensuite, comme vice-recteur puis recteurde l’Université nationale de Colombie,j’ai proposé le schéma d’harmonisationde la loi, de la morale et de la culturedans le cadre des discussions sur laréforme académique en vue de position-ner l’université colombienne dans lesstandards internationaux de qualité lesplus élevés. J’avais la conviction que lasolution du problème académique desuniversités colombiennes passait néces-sairement par une intervention sur lespratiques culturelles. La propositionétait, de manière très synthétique, quetous les efforts seraient vains si, culturel-lement, la vie universitaire n’était pas de

qualité, et ce même si nous réussissionsune restructuration formelle et juridiquede l’université. Cette notion de culture reprise des socio-logues et des anthropologues (commerègles culturellement acceptées) impliquela capacité des citoyens à développer, àrespecter et à faire respecter les règles etles normes – par leur appropriation cultu-relle – de manière volontaire, sans dépendreexclusivement de l’appareil formel oujuridique. À cette époque, j’ai proposé àla communauté universitaire : « Si nousvoulons une université excellente au niveauacadémique, nous devons développer uneculture académique », en insistant sur lefait qu’une culture académique peut seu-lement être obtenue par la collaborationet la coresponsabilité de tous les acteursimpliqués dans le processus éducatif etde recherche de l’université1. Ces aspectssocio-culturels mentionnés passent pardes détails, comme l’organisation effectivede cours dès la première semaine declasse2, la réflexion sur la manière dontles étudiants et les enseignants utilisentleur temps libre ou encore la qualité dela communication et l’interaction dans lecours.

Pratiques culturelles enracinéesCette réflexion sur la culture met en causela prétention – très latino-américaine –de vouloir résoudre tous les problèmesuniquement par des réformes juridiquesquand, dans bien des cas, le plus urgentest d’intervenir sur les pratiques sociales.Cela pourrait s’appliquer à un grandnombre de problèmes qui touchent laplupart des pays latino-américains, notam-ment: la corruption, la violence urbaine,la dégradation de l’environnement, laviolence intra-familiale ou la mobilité etla sécurité routière. Dans tous ces sec-teurs, il existe un grand nombre de pra-tiques culturelles fortement enracinéeschez certains groupes sociaux qui rendent

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Par Antanas MockusAncien maire de Bogotá,Ancien recteur de l’Université nationaleCandidat présidentiel

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difficile le bon développement des villes.Par exemple, dans tous les pays d’Amérique,la conduite en état d’ébriété est sanction-née légalement, cependant il existe enco-re dans de nombreuses villes une largeacceptation de cette pratique. Si cette impunité sociale prévaut, la préten-tion de résoudre ce problème uniquementavec des sanctions serait illusoire ; aucunesociété n’est en mesure de mettre un poli-cier derrière chaque citoyen. Les réflexions surl’État de droit et sur l’ordre social ontoublié de nous dire que la culture est latoile de fond de cet ordre social ; le fon-dement sur lequel s’érigent à la fois lessociétés injustes et les sociétés bienorganisées est cette même société.Cette idée a-t-elle été transférée ensuiteà l’administration de la ville quand je fusélu pour la première fois en 1994 etensuite en 2000? Une anecdote que j’ai-me raconter montre comment, avec uneorigine différente, est apparue la recom-mandation de considérer la culturecitoyenne. Quand en 1995, j’ai demandél’appui de l’Agence de coopération japo-naise pour qu’elle aide Bogotá dans ledéveloppement de son Plan Cadre demobilité, les Japonais ont alors affirméqu’un quart des solutions aux problèmesde mobilité n’étaient pas liés à l’investis-sement en infrastructure ; selon eux 25%de la mobilité de la ville pouvaient êtreaméliorés uniquement si les citoyens res-pectaient les règles de circulation.À Bogotá, cette approche par la dimen-sion socio-culturelle a donné des résul-tats très satisfaisants. Durant mes deuxmandats, Bogotá a réduit à un quart sontaux d’homicides et à un tiers les mortsliées aux accidents de la route. Grâce àun travail en faveur d’une culture de lacontribution à l’impôt, elle a multipliépar cinq les revenus des impôts de laville, revenus qui ont ensuite permis laréalisation d’un grand nombre d’amélio-rations d’infrastructures et en faveur dela réduction de la pauvreté.

Un exemple :l’économie volontaire d’eauUn exemple significatif de programmesen culture citoyenne est celui de l’écono-mie volontaire d’eau. Un travail intensifsur les pratiques sociales appelant à la

coopération des citoyens a permis derésoudre une problématique spécifique.En 1997, deux éboulements ont eu lieudans les réserves qui fournissent la plusgrande partie de l’eau de Bogotá(Chingaza). Cette urgence aurait pu êtrefatale pour la ville. Nonobstant cette dif-ficulté a été dépassée grâce à l’économievolontaire d’eau par les habitants deBogotá. Cet objectif a été atteint grâce àune campagne intensive de régulationallant de la diffusion de messages télé-phoniques avec la voix du Maire et devisites à des centres d’enseignement etdes entreprises, jusqu’à des sanctionspédagogiques à l’encontre des gas-pilleurs d’eau. Ces campagnes pédago-giques et la visibilité qu’elles ont donnéeaux incitations économiques préexis-tantes et nouvelles ont favorisé une prisede conscience quant à l’importanced’économiser l’eau et de l’utiliser demanière responsable, et ce même aprèsla crise.Avant 1995, la tendance de consomma-tion d’eau par foyer dans la ville deBogotá dépassait les 22m3 par mois;mais en 1995 il y a eu une rupture.Durant la période de mise en œuvre desprogrammes d’économie d’eau (1995-1997), il y a eu une baisse de 20 % decette consommation. Il est important deremarquer qu’une fois terminées lescampagnes, la baisse de la consomma-tion s’est poursuivie. Huit ans plus tard,la consommation par foyer avait baisséde 50%.

Quatre règles d’économieDans ce processus, l’innovation et la sin-cérité envers les citoyens ont été trèsimportantes. Il est indispensable deconsidérer que les citoyens comprennentet qu’ils peuvent coopérer. De la mêmemanière, reconnaître l’importance d’in-former les citoyens a été efficace. Parexemple, des enquêtes réalisées à cessujets montrent que de nombreuses per-sonnes qui souhaitaient économiser l’eaune savaient pas comment faire. Pourcette raison, il a été important deconstruire avec les citoyens quatre règlesd’économie ; « En lavant le linge, utiliserle moins d’eau possible » ; «Dans ladouche, la moitié du temps, la moitié du

jet. » ; «Aux toilettes, ne tirer la chassed’eau que si besoin » et « Fermer le robi-net d’eau du lave-vaisselle pendant lelavage ».Comme le montre l’expérience d’écono-mie d’eau à Bogotá, la confiance dans lacapacité de compréhension et de coopé-ration, ainsi qu’en la capacité de régula-tion sociale et d’auto-régulation descitoyens, montre la possibilité de menerdes politiques qui incluent la transforma-tion des pratiques sociales et la coopéra-tion citoyenne. Cela démontre qu’unecitoyenneté active et responsable peutdélibérément atteindre des objectifs col-lectifs pour améliorer la qualité de vie etrompre la fatalité et l’apathie qui parfoistouchent et paralysent la société colom-bienne.Dans cet ordre d’idées, on a compris parculture citoyenne tous les programmes,les actions et les projets qui impliquentla participation active des citoyens et desagents publics pour améliorer mutuelle-ment leur comportement (ou parvenir àleur coopération). Les projets de culturecitoyenne ont été créés dans le but d’in-venter ou d’adapter des mécanismes quipermettent une transformation des com-portements des citoyens. L’objectif de laculture citoyenne se décrit dans deuxaspects fondamentaux : augmenter lacapacité des citoyens à respecter lesnormes et à coopérer de manière volon-taire et augmenter le contrôle social, enharmonisant de cette manière les dévelop-pements formels (juridiques) avec les pen-dants informels (régulation culturelle etmorale) pour permettre ainsi des compor-tements et des attitudes qui soient en har-monie avec les politiques publiques. ■

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1 - Il est important de remarquer que durant cette période l’UniversitéNationale de Colombie a amélioré de manière significative ses indica-teurs relatifs à la recherche (deux nouveaux instituts de recherche ontété créés, le budget de l’université a été multiplié par 5 grâce à une pro-position de levée de fonds basée sur la productivité et l’efficacité del’Université) ; le temps d’étude s’est intensifié. Cette réforme menée parl’Université nationale dans les années 1989-1991 a servi de référencepour les réformes de nombreuses autres universités de Colombie.2 - D’habitude, dans les universités, les enseignants ne font pas coursdurant la première semaine ; ils se contentent de donner le programmedu cours et de faire les présentations. Il semble que cette pratiques’étend à toute l’Amérique.

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Les politiques culturelles une contribution à l’imagination età la transformation d’un pays

Les politiques culturellescolombiennes font face àde nombreux défis. Il est nécessaire de lesrapprocher des citoyens,de faciliter leur flux via le Système national deculture et surtout, derenforcer le dialogue entreles institutions centrales etla participation régionaleet locale. Il faut parvenir àune articulation entre despolitiques qui fonctionnentparfois de manièrefragmentée, augmenter laqualité démocratique desprocédures de concertationet définition, déterminerdes modes de gestionflexibles et efficients etmettre en marche desmécanismes d’évaluationet de suivi de l’impactsocial.

Par Paula Marcela Moreno ZapataMinistre de la Culture

D epuis des décennies, la Colombie aréussi à construire un important cor-

pus de politiques culturelles. Au débutdu XXe siècle, de 1930 à 1946, le paysa vécu un moment de grande créativitédans le champ culturel. L’historienRenan Silva a écrit, faisant référence àcette période : « la République Libéralesignifia non seulement une profonde ori-ginalité dans les champs culturels maiselle représente également une étape d’in-tégration plus forte entre une catégoried’intellectuels publics et un ensemble depolitiques d’État »1. La quantité et la qua-lité des initiatives culturelles exprimeclairement le dynamisme de cette époque:ont été créés les Archives nationales, laBiblioteca Aldeana, l’antenne culturellede l’Université nationale de Colombie,l’Institut d’ethnographie, le Servicearchéologique national, les foires dulivre, la Radio nationale, la Revue desIndes, la Bibliothèque colombienne deculture populaire et l’Institut linguistiqueCaro y Cuervo. Intégrée des annéesdurant au ministère de l’Éducation, laculture gagna son autonomie avec lacréation de l’Institut colombien de laCulture (1968) puis avec la création duministère de la Culture (1997).Le premier structura un ensemble depolitiques culturelles, principalementdans les secteurs des arts et du patri-moine, tandis que le second, héritier del’architecture institutionnelle française,s’appuya sur la Constitution politique de1991 : celle-ci reconnaît que le pays estpluriethnique, multiculturel et multi-lingue, inscrit les droits culturels dansle patrimoine des Droits de l’Homme etaccorde une importance fondamentale àla culture dans la Nation.La Colombie est un pays d’une grandediversité culturelle. Sa variété ethnique

se voit enrichie par les différentes popu-lations qui vivent sur son territoire. Parmicelles-ci, 87 communautés indigènes et4311757 Afro-Colombiens (ensemble,14% de la population du pays) ; la pré-sence de 64 langues amérindiennes, deuxlangues de peuples afro – l’une d’origineespagnole, l’autre d’ascendance anglaise– et une langue rom, parlée par 4858gitans, offrent un paysage linguistiquesingulier. Mais la Colombie est égalementun pays de régions contrastées tant sur leplan social qu’environnemental, d’expres-sions créatives multiples (qui vont desexpressions orales ancestrales aux indus-tries de la création dynamiques) et d’unecombinaison particulière entre culturesrurales et cultures urbaines. À tout celas’ajoute le potentiel de ses migrants, quiengendrent des mélanges culturels, desmouvements d’identité et des retourssymboliques d’une grande valeur.

Les politiques colombiennescouvrent six champs de la gestion publique culturelle. En premier lieu, il y a les politiques desarts, conçus comme pratiques se construi-sant sur une large base sociale et ayantpour centre les processus de création.Ces dernières années, un rôle importanta été donné au Plan de Musique pourVivre ensemble : « En tenant compte dece potentiel spirituel et divers, cet avènementde la musique non seulement en tantqu’art, mais également comme pratiqueliée à la répétition rituelle et à la consoli-dation des racines, et reconnaissant toujours que dans les cultures contempo-raines la relation entre art et culture offrede multiples opportunités, le Plan natio-nal de Musique pour Vivre ensemble sepropose d’organiser la politique depuisune vision intégrale du champ musical,

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unissant ses dimensions culturelles etprofessionnelles dans le cycle qui va dela formation à la production, jusqu’à lacirculation et la gestion de la musique »2.En second lieu, il y a les politiques dupatrimoine et de la mémoire qui, en plusdu patrimoine matériel, accordent unintérêt spécial à l’énorme ensemble dupatrimoine intangible colombien et sur-tout à son appropriation par les différentssecteurs de la société. La cartographiedes fêtes, des actes religieux, des carna-vals et des expériences gastronomiquesqui traversent le territoire de la merCaraïbe jusqu’à l’Amazonie, s’unit audéploiement des connaissances ances-trales, les jeux et les traditions artisa-nales où s’exprime une intense créativitéen lien avec la tradition, le monde descroyances et les traits de l’identité. Cettecartographie dessine un pays qui rêve,célèbre et partage socialement.En troisième lieu se trouvent les politiquesliées à la production, à la circulation et àl’appropriation du sens, au travers de lalecture et de la communication, comme lecinéma, les bibliothèques, les industriesculturelles et les nouvelles technologies.À partir de l’année 2002, un Plan natio-nal de lecture et Bibliothèque a étépromu ; il parvient aux municipalités lesplus isolées du pays. Depuis la promul-gation de la Loi sur le cinéma, la pro-duction nationale a notablement aug-menté, de même que la reconnaissancede la cinématographie nationale.

En quatrième lieu figurentles politiques d’appui finan-cier à la création et à larecherche culturelle artistiqueindividuelle. Les processusde concertation avec lesinstitutions culturelles sélec-tionnées se font via des pro-cédures systématisées et descritères transparents d’at-tribution des ressources.En cinquième lieu, ont étémises en place les poli-tiques internationales et decoopération culturelle, quireconnaissent la culturecomme une dimension

fondamentale d’une politique extérieureconsistante et de relations plus étroitesentre les pays.Enfin, en sixième lieu, il convient dementionner la première tentative de poli-tique territoriale – la politique culturelledes Caraïbes colombiennes. Il s’agit d’uneffort pour construire des politiquesconcertées, issues de la société et quisoient le résultat du dialogue entre lesdifférents acteurs. Les Caraïbes, commel’Orénoque, le Pacifique ou le mondeandin, sont des composantes d’uneColombie plurielle, avec des histoiresrégionales différentes, des habitants etdes processus de peuplement distincts.Les marques d’identité se manifestentdans ses musiques, ses modes de vie,son architecture et ses traditions.

Des initiatives remarquablesÀ ces politiques nationales menéesdepuis le ministère de la Culture s’ajou-tent des initiatives remarquables de cer-tains départements et municipalités,ainsi que des propositions des secteursde la société civile. Un exemple parmid’autres : le mécanisme de concertationsur la culture et l’éducation supérieurecoordonné par les Universités.Le pays fait un nouveau pari en matièrede politiques culturelles. Ces dernièresannées les entreprises culturelles se sontmultipliées (les industries culturellescolombiennes apportent 3,3% du Pibselon une étude de 2008), la revitalisa-tion de nos langues, la sauvegarde et le

développement de notre patrimoineintangible et l’appui à la création dans lecontexte des nouvelles technologies. Cesont des champs qui exigent des poli-tiques publiques innovantes.Une compilation de ces multiples poli-tiques vient d’être réalisée par le minis-tère de la Culture dans le «Mémento dePolitiques Culturelles », un documentconçu comme une boîte à outils pour ladélibération publique et l’apport actif etcritique des citoyens. Il constitue l’unedes bases pour la définition du nouveauPlan décennal de Culture de Colombie(2010-2019).Les politiques culturelles colombiennesfont face, bien évidemment, à de nom-breux défis. Il est nécessaire de les rap-procher des citoyens, de faciliter leur fluxvia le Système national de culture et sur-tout, de renforcer le dialogue entre lesinstitutions centrales et la participationrégionale et locale. Il faut parvenir à unearticulation entre des politiques qui fonc-tionnent parfois de manière fragmentée,augmenter la qualité démocratique deces procédures de concertation et défini-tion, déterminer des modes de gestionflexibles et efficients et mettre en marchedes mécanismes d’évaluation et de suivide l’impact social. Il faut encore parvenirà des interactions plus créatives entre laculture et d’autres champs de la gestionpublique et de la vie sociale, commel’environnement, l’éducation, la protec-tion sociale ou le développement socioé-conomique. «Dans cet espace des insa-tisfactions difficilement gouvernable, aécrit Néstor García Canclini, les poli-tiques culturelles ont une ample tâche entant que politiques organisatrices desincertitudes et des conflits symboliques,en tant que mobilisatrices de nouveauxsens sociaux. En tant que lieux où sereformulent les liens entre culture, socié-té et politique. » C’est dans cette pers-pective que la Colombie a fait un effortimportant pour dessiner et, surtout,appliquer des politiques culturelles plusproches de la société qu’elle rêve deconstruire. ■

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1 – Renán Silva, República Liberal : intelectuales y política cultural, LaCarreta, Medellín, 2005, p.22

2 – Mémento de Politiques Culturelles, Ministère de la Culture deColombie, Bogotá, 2009, p ;169

Artisanat de Colombie

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La diversité culturelle et lacréation de l’État en Colombie

Au début du XIXe siècle,certains États d’Amériquelatine et particulièrementles territoires de la GrandeColombie, fondent leurconstruction nationale surun modèle qui cherchaitl’uniformité territoriale etculturelle. Face à l’absence decohésion de la populationet afin de maintenir l’unitéterritoriale des nouveauxÉtats indépendants, leprojet national s’estconstruit sur les bases dumodèles de l’État unitaire. Il est loin d’avoir atteintses objectifs.

Par David SotoCIC 1996-1997Professeur à l’Université Externado de Colombia, Professeur invité à l’Institut d’ÉtudesPolitiques de Paris

P our consolider le processus deconstruction de l’identité nationale,

du haut vers le bas, les États se sontassigné comme tâche de constituer unpatrimoine culturel propre au traversduquel les citoyens se sentiraient liés àune même histoire, à des référentssociaux communs et que des territoiresdivers et éloignés fassent partie d’unmême projet de nation. Après deux siècles d’histoire, inspirés parle modèle napoléonien, ils se trouvent faceau risque imminent d’implosion. Ils serendent compte du besoin de suivre lestendances favorables à une organisationen accord avec les réalités régionales.C’est seulement après 1980 et en répon-se à la crise de légitimité à laquelle ilsdoivent faire face et aux revendicationsémanant des groupes indigènes et d’ori-gine africaine contre l’uniformité étouf-fante, que les États reconnaissent dansla multiculturalité et la diversité territo-riale la base fondamentale de laconstruction nationale.

Un État unitaire, une nation pluralisteC’est ainsi qu’a été créé en Colombie uncadre institutionnel qui reconnaît et pro-tège l’identité territoriale. Le nouvel ordreimposé par la Constitution politique de1991 aspire à une réconciliation entrel’État et le territoire. Pour cela il proposeune organisation politico-administrativeen accord avec les nouveaux principes etles fins essentielles de l’État.En premier lieu, l’État colombien estdéfini comme unitaire et décentraliséavec autonomie de ses entités territo-riales ; les territoires ethniques sontreconnus. Dans ce sens, les entités terri-toriales indigènes sont incluses dans l’or-ganisation territoriale colombienne. Unarticle transitoire a été établi pour que

soient promulguées des normes qui recon-naîtraient les communautés noires occu-pant les terrains vagues des zones rurales.En second lieu, la pluralité de la nationcolombienne fondée sur la culture a étéreconnue. L’État est obligé de promouvoiret protéger la diversité ethnique et cultu-relle et doit reconnaître l’égalité et ladignité de toutes les manifestations cul-turelles qui coexistent dans le pays. C’est ainsi que se sont institutionnaliséesdiverses formes d’organisation politiqueet sociale des minorités ethniques. Lesconseils indigènes ont été constituéspour que, en accord avec les us et cou-tumes, ils gouvernent leurs territoires. Demême, dans le cas des populations d’ori-gine africaine, des conseils communau-taires ont été établis avec pour objectifde « délimiter et assigner les espaces àl’intérieur des terres attribuées par l’Étatcomme propriété collective ; conserver etprotéger les droits de propriété collective,préserver l’identité culturelle, utiliser etconserver les ressources naturelles ;désigner le représentant légal de la com-munauté et résoudre les conflits ».Dans le même temps, a été introduiteune nouvelle perspective dans le systèmeéducatif : l’ethno-éducation. Il convientde souligner que la revitalisation culturel-le, sa valorisation, sa préservation et sapromotion, ont trouvé leur principalealliée dans les pratiques pédagogiquesqui lient l’apprentissage des enfants etdes jeunes aux savoirs quotidiens de lacommunauté. Avec la promulgation denormes comme la Loi générale de cultu-re, on a cherché à stimuler les per-sonnes, les communautés et les institu-tions qui développent et promeuvent lesexpressions artistiques et culturelles auniveau local, régional et national. La cul-ture fait aujourd’hui partie intégrante desplans de développement.

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Un bilan affligeantBien que l’esprit de la Constitution soitfondé sur le principe de la diversité eth-nique et culturelle de la nation, que l’exé-cutif et le législatif aient promu desnormes en accord avec cet esprit et qu’ilexiste un dispositif institutionnel quirevendique l’hétérogénéité du territoire etles traditions locales, le bilan après deuxdécennies est affligeant.Pour commencer, il faut mentionner quele conflit armé, financé par les res-sources du narcotrafic, a été le principalfacteur ayant perturbé le projet deconstruction nationale fondée sur ladiversité. La lutte pour la terre, pour lamaîtrise des ressources naturelles, etpour établir des couloirs stratégiquespour le commerce de drogue et d’armes,ont provoqué le déplacement et l’anéan-tissement de communautés tradition-nelles et de leurs pratiques ancestrales.

De même, le processus de décentralisa-tion et de renforcement des capacités auniveau local a eu le conflit pour toile defond. Dans une bonne partie du territoirela démocratie locale a été accaparée parles forces irrégulières, qui, avec leurinfluence et leur capacité d’intimidation,sont parvenues à pénétrer les institutionset dans bien des lieux à y détenir le pou-voir politique et administratif.D’autre part, le législatif a dû développerla norme constitutionnelle qui réglemen-te la création d’entités territoriales indi-gènes et autres régimes spéciaux.Cependant, les pouvoirs traditionnelsrégionaux, voyant leurs fiefs politiquesmenacés, ont été incapables de promou-voir au Congrès de la République laconstitution de ces entités.Dans ce contexte institutionnel, la diffi-culté des autorités traditionnelles à fairepartie de l’organisation politico-adminis-

trative de l’État devient évidente. Bienque le modèle ait offert des espacesd’exercice de la démocratie participative,les instruments de formulation et demise en œuvre de politiques de dévelop-pement et l’organisation territoriale sontconçus pour trouver un dénominateurcommun à des municipalités qui par leurtaille et leur composition sociale connais-sent des réalités diverses.En fin de compte, la Colombie présenteun ordre institutionnel qui n’a pas été àla hauteur des normes. Les processus dedécentralisation et de coordination inter-sectorielle ne sont pas parvenus à com-prendre ni à créer des innovations admi-nistratives qui prennent en compte lesspécificités de ces communautés dont ledéveloppement dépend de leur richesseimmatérielle. ■

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Le droit à l’éducation différenciéedes peuples indigènes

dans un contexte multiculturel

La Constitutioncolombienne de 1991reconnaît la diversitéethnique et culturelle de la Nation. Elle a consacré, sans ambiguïté, le droit à la préservation culturelle,en établissant l’égalité de toutes les culturescomme fondement de l’identité nationale, le caractère officiel des langues autochtonesdans les territoiresindigènes, ainsi quel’éducation bilingue et interculturelle pour les groupes ethniques,entre autres.

Par Juan Sebastian CalderónRépublique 2007Conseiller juridique au Ministère de l’Éducation Nationale

«Pour que l’école se fasse aimer etapprécier de tous, il faut qu’elle

s’adapte aux convenances locales, qu’ellese plie aux circonstances et aux traditions,qu’elle joigne à la fixité qu’elle doit garderdans ses caractères essentiels commeinstitution nationale, la souplesse et lavariété dans les formes secondaires, sanslesquelles elle cesserait d’être une insti-tution enracinée dans la réalité commu-nale. Aussi convient-il que chaque conseildépartemental reste maître d’adopterpour son ressort toutes les mesures qui,sans être contraires aux règles communes,lui paraîtront répondre à des besoins par-ticuliers. (Jules Ferry ; circulaire du 23septembre 1880)Dans le contexte des sociétés dont« l’identité nationale » s’est construite àpartir d’éléments culturels bien différenciés,il s’avère nécessaire de reconnaître quele constat de l’ancien ministre françaisde l’Instruction publique conserve encoreaujourd’hui toute son actualité et sa perti-nence, dans les rapports entre les politiquespubliques et les minorités ethniques. Certes le débat communautaire reste tou-jours d’actualité dans d’autres contextes,avec au demeurant des arguments parfaite-ment fondés – sur la constitutionnalité, lalégalité, la justification, ou bien, surl´utilité de concevoir, de développer et demettre en œuvre des politiques publiquesdifférenciées en fonction de l’apparte-nance individuelle à un groupe ethniquedéterminé. Mais force est de constaterque la discussion sur l’adoption de poli-tiques multiculturelles est aujourd’huidépassée.

Une conception particulière dumulticulturalismeEn effet, notamment dans le contexte del’Amérique latine, l’affirmation de la nécessité

de reconnaître un traitement particulier àcertaines minorités répond à une conceptionparticulière du multiculturalisme, déter-minée par l’histoire de la constructionculturelle des nations américaines. LaNation colombienne ne constitue nulle-ment une exception à cette réalité histo-rique. Ainsi, les politiques publiquesnationales d’éducation ont incorporécette réalité, afin de s’adapter aux attenteslégitimes des minorités ethniques. Lanécessité d’adopter des politiques diffé-renciées en matière d’éducation se justi-fie dans la mesure où il existe enColombie 84 ethnies différentes, qui parlent65 langues et constituent une populationde 1378884 personnes, soit – approxi-mativement – 3,3% de la populationtotale. Le processus qui a conduit à lareconnaissance des minorités ethniques,et donc la mise en œuvre de politiquesdifférenciées, particulièrement dans lesecteur éducatif, a été plus pragmatiqueque théorique. La Constitution de 1991,à laquelle les indigènes ont été associés,reconnaît la diversité ethnique et cultu-relle de la Nation. Elle a consacré, demanière claire et sans ambiguïté, le droità la préservation culturelle, en établis-sant l’égalité de toutes les culturescomme fondement de l’identité nationale,le caractère officiel des langues autoch-tones dans les territoires indigènes, ainsique l’éducation bilingue et interculturellepour les groupes ethniques, entre autres. Dès lors, la Loi fondamentale (CartaMagna) marque le point de départ pourla revendication des attentes éducativesdes minorités ethniques. Ce résultat estle produit d’un lent processus. En effet, il est possible de retracer l’histoi-re de la politique ethnoéducative à partirde trois étapes bien différenciées : une pre-mière période de «non reconnaissance»

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de la diversité ethnique, allant de la fon-dation de la République aux années1970, suivie d’une deuxième périodecaractérisée par la prise de consciencede revendications ethniques , et enfin, àpartir de l’adoption de la Constitution de1991, une troisième période de consoli-dation du droit. Dans ce scénario, sous l’empire de laConstitution politique de 1886, aucuneethnie n’était reconnue en tant que telle.Avec ce cadre normatif, il est possible dereconstruire des postulats désuets, voireanachroniques, telle que la Loi 89 du 25novembre 1890, « par laquelle se définitla manière par laquelle doiventêtre gouvernés les sauvagesqui ont été ont été amenés à lavie civilisée », et qui prévoyaità son premier article : « Lalégislation générale de laRépublique ne s’applique pasaux sauvages qui sont en pro-cessus de se soumettre à lavie civilisée par l’intermédiairedes missionnaires. Par consé-quent, le Gouvernement, enaccord avec l’Autorité ecclésias-tique, déterminera la manièrepar laquelle ces sociétés émer-gentes doivent être gouvernées.»En raison de cette conception,les indigènes étaient considé-rés comme des incapables quidevaient être guidés par l’Églisedans sa mission civilisatrice,de sorte que l’éducation de ces peuplesétait dispensée sous la tutelle du clergé,appliquant un programme ignorant leurculture et, dans certains cas, interdisantl’usage de la langue indigène. Cette poli-tique, marquée par une forte orientationcatholique, devait perdurer jusqu’auxannées 1950, époque à laquelle les pro-grammes officiels furent adoptés.

Les bases de la politique« ethnoéducative »Par la suite, une préoccupation inspiréepar le mouvement indigène devait impo-ser l’adoption d’un modèle éducatif res-pectueux de la culture et de la langueminoritaires. Ce n’est qu’à la fin desannées 1970 qu’ont été mis en place les

programmes d’éducations bilingues, cer-tains contrôlés par les organisations indi-gènes, et d’autres encore sous la tutellede l’Eglise. Ainsi, durant cette période, sedéveloppa un modèle éducatif prenanten compte les coutumes, l’histoire etl’enseignement des langues indigènes. Ilétait alors question de bâtir un modèled’enseignement reflétant les réalitésanthropologiques de la communautéindigène, ses mythes ancestraux, sesvaleurs artistiques, sa connaissancetechnique, son savoir sur le milieu envi-ronnemental et leur histoire.

ver le point de départ de la participationdes communautés indigènes aux déci-sions pouvant affecter leur avenir cultu-rel. Dans cette perspective, la ratificationde la convention n°169 de l’OIT s’estavéré particulièrement utile, dans lamesure où le devoir de consultation préa-lable des décisions administratives sus-ceptibles d’avoir des répercussions surles intérêts des communautés indigèness’impose aux autorités publiques.Dès lors, le processus de constructiond’un projet d’éducation indigène a connuun développement favorable. Aujourd’hui,toute la politique ethnoéducative est

concertée préalablement avecles communautés destinataires.Néanmoins, il reste encore unlong chemin à parcourir. Auniveau pédagogique les mino-rités ethniques jouissent certesd’une grande autonomie pourdéfinir les contenus et les élé-ments pédagogiques et program-matiques. En revanche, en cequi concerne le champ admi-nistratif, l’autonomie prévue parla Constitution de 1991 resteencore à concrétiser. Dans cesens, et en dépit d’un certainpaternalisme qui perdure, lacréation des collectivités terri-toriales indigènes – prévue parla Constitution de 1991 –pourrait s’avérer fort utile. LaConstitution de 1991 a signalé

le cap à suivre : la politique ethnoéduca-tive ne saurait être intégrale qu’à la suited’un transfert de pouvoirs de gestion, deplanification et de prestation du serviceéducatif de manière décentralisée, auprofit des autorités traditionnelles. C’estdonc, à partir de ces prémisses, quel’éducation doit constituer une priorité depremière ordre dans la constructiond’une relation de confiance mutuelle, derespect et de concertation entre les ins-tances gouvernementales et les autoritésindigènes, avec pour finalité la mise enplace d’un service éducatif pertinent, dequalité et surtout adapté aux propresnécessités d’une société multiculturelle.■

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Cette étape s’est concrétisée en 1984lorsque le ministère de l’Éducation natio-nale conçut le Programa de Etnoeducaciòn,compris à l’époque comme un processussocial permanent d’acquisition deconnaissances et de valeurs, et de déve-loppement des savoir-faire, en accordavec les nécessités, les intérêts et lesaspirations de l’ethnie indigène, censéeparticiper activement à l’encadrementculturel du groupe. Bref, un processus autravers duquel les membres d’un peupleminoritaire recréaient leur culture, ce quileur permettait de s’épanouir et se proje-ter avec une identité renouvelée face auxautres cultures.Mais ce n’est qu’à partir de l’adoption dela Constitution 1991 que l’on peut obser-

Aujourd’hui, toute la politique ethnoéducative est concertée préalablement avec les communautés destinataires

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Le réseau de l’Alliancefrançaise en Colombie

Bien gérée et dynamiquedepuis longtemps,l'Alliance franco-colombienne bénéficied'une excellente imageauprès de la population.Association de droit local,elle joue pleinement son rôle de diffusion de la langue française et des cultures francophoneset locales à travers la promotion de la diversitéculturelle. Son succès est le fruit du travail acharné de Colombiens et de Français qui ont suparfaitement l’insérer dansle tissu associatif local et l’intégrer dans la réalitéculturelle du pays.

Par Liliam Suarez MeloPrésidente de l’Alliance Colombo-Françaisede Bogota

L a Colombie est terre de toutes lespassions et de tous les contrastes,

géographiques, climatiques, humains etpolitiques. Ce pays, si souvent décriépour ses problèmes de violence mais siattachant, compte actuellement près de45 millions d’habitants.Il est doté de deux façades maritimes,raison pour laquelle il a été surnommé«Porte de l’Amérique latine ». Situé prèsde l’équateur, la Colombie décline tousles climats: tropical humide de l’Amazonie,températures glaciales des «Páramos » àplus de 3000 mètres d’altitude en pas-sant par la douceur de Bogotá.Les origines de sa population sont trèsdiverses et les expressions culturelles résul-tant de ce métissage extrêmement variées.La Colombie connaît actuellement unegrande ébullition culturelle matérialiséepar le renouveau du cinéma, l’importancede la création littéraire ou la vitalité desarts plastiques. De grandes figures sontreconnues sur le plan international: GabrielGarcía Marquez, Alvaro Mútis, FernandoVallejo, Octavio Gamboa, Laura Restrepoou William Ospina, pour les lettres ;Fernando Botero, David Manzur, RafaelObregón, Enrique Grau, Luis Caballeroou Ana Mercedes Hoyos pour les artsplastiques.Par ailleurs, le pays est clairement enga-gé sur la voie de la modernisation. Laville de Bogotá a ainsi obtenu le prix dela biennale de Venise 2006 pour latransformation urbaine.La Colombie a affiché au cours des der-nières années de remarquables perfor-mances économiques, mais le pays doitrésoudre des problèmes sociaux et poli-tiques liés à son histoire qui se caractéri-sent par une violence chronique, la pré-sence bien établie des guérillas (celle desFarc étant la plus connue), des paramili-taires et des narcotrafiquants.

Des programmes éducatifs et culturels riches et variésC’est dans ce contexte que s’est développéun réseau d’Alliances françaises au maillagetrès serré. L’Alliance, appelée ici franco-colombienne, est aujourd’hui présentedans 13 des plus grandes villes du pays.Il semble que le premier Comité d'Alliancedans le pays ait été créé à Bogotá en1903 et ait pris sous sa direction tous lescours de français des différents établisse-ments d’instruction de la ville. Ayant plusou moins disparu dans les années1920/1930, l’Alliance renaît véritable-ment en 1944, année de la fondation dela «Alianza Colombo Francesa de Bogotá».Bien gérée et dynamique depuis longtemps,l'Alliance en Colombie bénéficie d'uneexcellente image auprès de la population.Association de droit local, elle joue plei-nement son rôle de diffusion de la languefrançaise et des cultures francophones etlocales à travers la promotion de la diver-sité culturelle.L’Alliance a accueilli en 2008 plus de25 000 étudiants sur l’ensemble dupays. 11754 d’entre eux se sont inscritsà l’Alliance de Bogotá, ce qui la place endeuxième position dans le réseau mondial.Soulignons qu’environ 2 200 jeunesColombiens poursuivent actuellementleurs études en France. La Colombie estainsi, après le Brésil, le second paysd’Amérique latine pour le nombre d’étu-diants étrangers accueillis en France. Parailleurs, la France est le 3e pays investis-seur en Colombie et les entreprises fran-çaises sont de plus en plus présentesdans le pays. Aussi tant la qualité de l’enseignementsupérieur français que les possibilitésd’emploi en Colombie et la présence deces entreprises françaises, créent unbesoin de langue française comme 3e

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langue à vocation internationale aprèsl’espagnol et l’anglais.Mais la vitalité de l’Alliance française enColombie ne provient pas seulement del’engouement pour la langue françaisequi est bien réel. Son succès est le fruitdu travail acharné de Colombiens et deFrançais qui ont su parfaitement l’insérerdans le tissu associatif local et l’intégrerdans la réalité culturelle du pays à tra-vers des accords stratégiques avec detrès nombreux partenaires institutionnelset privés.Aujourd’hui, plus de cent membres deconseils d’administrations conduisentaux destinées de l’Alliance en Colombie,

264 enseignants et 135 personnels admi-nistratifs travaillent au quotidien dans nos18 établissements et 2400000 heuresde cours ont été données en 2008 dontprès de la moitié à Bogotá.Partout, les Alliances développent desprogrammes éducatifs et culturels richeset variés, faisant preuve de beaucoup dedynamisme. En 2008, plus de 600 activités culturellesont été organisées et ont touché plus de320 000 personnes. Cette action s’orga-nise autour de deux axes essentiels : – la promotion des jeunes talents colom-

biens (arts plastiques, musique, dra-maturgie, audiovisuel) ;

– la promotion des cultures francophoneset de la diversité culturelle à travers desconcerts, des spectacles et des confé-rences, en association avec l’Ambassadede France en Colombie et des parte-naires locaux.

Ces Alliances sont indéniablement bienvivantes, en phase avec la réalité de laColombie moderne, remplissant aumieux leur mission éducative et culturel-le. Je formule le vœu que nos maisonssoient éternellement des lieux de ren-contre, des espaces où l’on apprend unautre regard. ■

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Quelques figures colombiennesdes arts et des lettres

Par Claire Durieux,Conseillère de Coopération et d’ActionCulturelle en Colombie

Ciro Guerra, cinéaste

Cinéaste né en 1981, Ciro Guerra dirigequatre courts métrages avant d’écrire etde diriger à 21 ans La Sombra delCaminante, premier film sélectionné dansplus de soixante festivals et primée àquinze reprises. Son second long métrage,Les voyages du vent, a été présenté en

sélection officielle au dernier Festival deCannes dans la section «Un certain regard».Les voyages du vent proposent un péripleen musique au cœur de la culture caribéen-ne et des paysages du nord de laColombie. Ignacio Carillo, vieil accordéo-niste ambulant, a voyagé toute sa viechantant de village en village. A la mortde son épouse, lassé par cette vie noma-de, il décide d'entreprendre son ultimevoyage pour rendre à son maître et men-tor l'accordéon qu'il lui avait offert. Sur laroute, il est rejoint par Fermin, un ado-lescent qui rêve de devenir à son tourmusicien. Ensemble ils voyagent deMajagual à Taroa, découvrant la culturecaribéenne dans sa diversité et affrontanttoutes sortes de péripéties.

Omar Porras, acteur et metteur en scène

Né à Bogota en Colombie, Omar Porrasse forme à la danse et au théâtre. C’esten 1990 qu’il fonde à Genève le TeatroMalandro, centre de création, de forma-

tion et de recherche où il développe unedémarche créative très personnelle,basée sur le mouvement. Sa techniquethéâtrale s’inspire à la fois de la traditionoccidentale et orientale, comme la bio-

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Il m’appartient à présent de conclure ce numéro spécial de Ena Hors lesMurs dédié à la Colombie. Tous ces articles, recueillis par l’Association desAnciens Elèves Colombiens de l’ENA, montrent les multiples facettes d’unpays encore mal ou méconnu en France. Et pourtant ! Nous voyons chaquejour la vigueur des liens qui unissent la France et la Colombie et la richessedes perspectives de notre coopération.

Nombre d’institutions et d’associations contribuent à ce développement.Rappelons le rôle des Lycées français et des Alliances françaises, mais ausside CampusFrance ou du Club Concorde, qui réunit les anciens étudiantscolombiens en France, dans la promotion de ces échanges. Cette revue estsans doute une contribution marquante de l’AENA – Colombie dans ce sens.

Voici donc l’occasion de vous faire connaître quelques personnalités dumonde des arts et des lettres et leur création. Elles ont été choisies enfonction de leur relation très particulière avec la France; comme uneinvitation à la découverte, au-delà de cette revue.

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mécanique, le théâtre balinais, indien etjaponais. D'Ubu roi à Ay ! QuiXote en passant parL'Histoire du soldat, Omar Porras associel'art de l'acteur, de la marionnette, lamusique et la danse ; il place le corps aucentre de ses recherches théâtrales. Ilmet également en scène Bakkhantesd'après Euripide, La Visite de la vieilledame de Friedrich Dürrenmatt (PrixRomand des Spectacles Indépendants),Maître Puntila et son valet Matti deBertolt Brecht, Othello de Shakespeare,El Don Juan d’après Tirso de Molina etPedro et le Commandeur de Lope de Vegaà La Comédie-Française (nommé auxMolières 2007 dans Meilleur spectaclepublic et Meilleure adaptation). La plu-part de ses spectacles ont sillonnél’Europe, l’Asie et l’Amérique latine. En avril 2009, il crée Les Fourberies deScapin d’après Molière qui est en tournéejusqu’en juin 2010. Sa prochaine créa-tion autour de la figure historique deSimon Bolivar célèbrera en 2010 leBicentenaire de l’Indépendance et les 20ans de la compagnie. Il met également enscène plusieurs opéras ; L'Elixir d'amourde Donizetti, Le Barbier de Séville de

Paisiello et La Flûte enchantée de Mozart,puis en 2008 La Périchole d’Offenbach.

Parallèlement, Omar Porras organise etdirige des ateliers qui permettent à descomédiens de découvrir le travail dumasque et de développer la consciencedu geste dans une optique qui vise àatteindre une théâtralité organique.

Rogelio Salmona, architecte

Architecte né en 1929, Rogelio Salmonasuit sa scolarité au Lycée français deBogotá. Après des études d’architecture,il travaille pendant une dizaine d´annéesauprès de Le Corbusier. De retour àBogotá à la fin des années 50, il entreprendune vaste entreprise de transformationarchitecturale qui contribuera, de manièredécisive, à façonner la ville. L’utilisationde la brique rouge, caractéristique de sonstyle, s’est répandue dans Bogota. Lauréaten 2003 du prestigieux prix Alvar Aaltode l’Association des Architectes finlandais,il peut être qualifié comme l’architectecolombien de plus grande renommée.Il se plaisait à dire « la ville est, avec le lan-gage, la plus grande création de l´homme;

création constituée par les gens, les insti-tutions et l´espace public » ; l’architectu-re étant selon lui sa poésie. « Il a pensé etlutté pour rendre Bogota plus aimable,plus ouverte, plus participative, en propo-sant des espaces générateurs d’un mieux-vivre-ensemble, de solidarité et de ren-contre. Des espaces esthétiques et sainsque tous les habitants puissent s’appro-prier. » 1

Parmi ses œuvres principales l´on peutretenir les Tours du Parc (1970), laBibliothèque Virgilio Barco, les Archivesde la Nation (1992), le bâtiment desMasters de la Faculté d´Humanités del´Université Nationale (1999). Le nou-veau siège de l´Alliance Française deBogotá, en cours de construction, estl’une de ses dernières réalisations.

Santiago Gamboa, écrivain

Après des études de littérature enColombie, Santiago Gamboa étudie laphilologie hispanique à Madrid puis la lit-térature cubaine à la Sorbonne à Paris.Lors de son séjour en France, il est jour-naliste à Radio France Internationale puisattaché culturel de Colombie auprès del'Unesco. Il est aujourd'hui attaché culturelà l'ambassade de Colombie à New Delhi,en Inde. Son roman Perdre est une question deméthode (1997) est largement salué parla critique internationale et traduit dansplusieurs langues. Lauréat du prixMédicis en 2007, le Syndrome d'Ulyssedépeint la vie et les rencontres d'un jeuneécrivain colombien arrivant à Paris. C’estlà l’occasion d’une plongée, ponctuéed’humour, dans l’univers des migrants,leurs quotidiens, leurs rêves et leursforces de vie ; un regard vif sur le Parisqui échappe aux cartes postales. Sesautres romans Esteban le héro (2003),Les captifs du Lys blanc (2002) et HotelPekin placent Santiago Gamboa parmi lesromanciers latino-américains en vue.

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Centre culturel Garcia Marquez 1 - María Elvira Madriñan, veuve de Rogelio Salmona

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Pedro Ruiz, peintreNé en 1957 à Bogotá où il réside actuel-lement, Pedro Ruiz a fait ses études àl’Ecole des Beaux Arts de Paris. À cetteépoque, il a également assisté à « l’Atelier17» de Stanley William Hayter.

Il a travaillé comme directeur artistiquede l’agence publicitaire « Mc CannErickson» tout en réalisant en parallèlepeintures et illustrations d’ouvrages. En1999 il organise la «Bibliothèque Naturelle»,espace de rencontre de 35 artistes et per-sonnalités du monde culturel colombien.

William Ospina affirme que «Pedro Ruizest un créateur face à la main magiqueduquel la réalité se soumet, quelqu’unqui, néanmoins, au delà du réalismeingénu et des impératifs de la désintégra-tion, poursuit en même temps la réalité etle mythe, la vie dans ce qu’elle a de directet de scabreux mais également de sereinet d’intemporel ». Il offre de son pays,pour moi qui l’ai découvert il y a peu,l’image la plus engagée mais aussi la plusesthétique qui soit. ■

« Establecimientos Humanos », Huile sur toile, 170 X 110 cms.

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Victor CRUZ MORA Turgot 1968Expert comptableCra 19B # 83-02 - Of. 503 - Bogotá - ColombieTél. : (57.1) [email protected]

Perla DE ORTIZ Turgot 1968

Oswaldo ENCIZO MARIN Turgot 1968

Luis ESTEBAN VELANDIA Turgot 1968 †

David FORERO SOLORZANO Willy Brandt [email protected]

Jorge GAITAN VILLEGAS Liberté Égalité Fraternité

Claudio Mario GALAN PACHON Romain Gary 2005Secrétaire de PlanificationGobernacion de CundinamarcaCalle 26#51-53 Bogotá - ColombieTél.: (57.1) 7491676

Jose Alberto GALEANO RAMIREZ Marcel Proust [email protected]

Humberto GALLEGO GAMBOA (1963)

Ciro GARZON PEDRAZA Turgot 1968Consultant

Bienvenido GOMEZ PABA Marcel Proust 1967

Rita GOMEZ WALTEROS Marcel Proust 1967

Raul GONZALEZ CAÑON Turgot 1968Cra 50 # 64A-38 - Bogotá - ColombieTél. : (57.1) [email protected]

Camilo Jose GRANADA BARRERA Jean Monnet 1990DirecteurGravitas ComunicacionesCalle 77 N° 11 - 19 . Piso 2 - Bogotá - ColombieTél.: (57.1) 3198400 [email protected]

Liste des anciens élèvesColombiens Cycle long

Alberto ARCINIEGAS GOMEZ (CIL 2009-11)En cours de scolarité[email protected]

Lina BERNAL CARANTON Averroès 2000Consultante en conduite du changementauprès d'organismes publicsGroupe BPI16 rue Vivienne - 75002 Paris - FranceTél.: (33) 0155357650 (33)[email protected]

Juan Sebastian CALDERON République 2007ConseillerMinistère de l'EducationKra. 3a No. 54A- 71 apto 502 Bogotá - ColombieTél.: (57.1) 222 28 00 ext [email protected]

Gabriel CALDERON MOLINA Turgot 1968

Benjamin CAMPOS GUEVARAMarcel Proust 1967

Gonzalo CARDONA BOTERO (1957)

Jaime CASTRO CASTRO Stendhal 1965Ancien Maire de BogotáCalle 100 # 8A-49 Of 601 - Bogotá - [email protected]

Andres CASTRO FORERO René Char 1995Directeur de Développement DurableFedepalmaCarrera 10A N° 69A - 44 - Bogotá - ColombieTél.: (57.1) [email protected]

Luis Gonzalo COCOMA HERRAN Turgot 1967Directeur administratifCorporacion Colombia InternacionalCalle 151 #14A-32 . Casa 10 . Bogotá [email protected]

Diego CORTES DELGADO Simone Veil 2006ChercheurUniversité de Toulouse I

Elias GUTIERREZ OCAMPO (1957)

Claudia JIMENEZ Victor Schœlcher 1995Ministre ConseillèrePrésidence de la RépubliqueCra 8 # 6-26 - Bogotá - Colombie

Rodrigo LARA RESTREPO René Cassin 2003SénateurSénat de la RépubliqueCarrera 7 N° 8-68 - Bogotá - Colombie

Herman LUJAN ZAPATA (1960)

Elias MARQUEZ PINZON Marcel Proust 1967 †

Georges MARTINEZ MIRANDA Turgot 1968Retraité / consultant RHCra 16 # 112-68 Apto 401 - Bogotá - ColombieTél. : (57.1) [email protected]

Juan Carlos MORENO GUTIERREZ Emile Zola 2010Master en Comunication publiqueCelsa-Sorbonne1, Rue Staël, 75015, Paris, FranceTél.: (33) [email protected]

Hernan MUÑOZ SOLANO Marcel Proust 1967 †

Duvan OCAMPO Leopold Sédar Senghor 2004Premier secrétaireAmbassade de Colombie en PologneUl. Zwyciezców 29 (03-936 Warszawa) PologneTél.: (48) 22 [email protected]

Norma PARRA CARDONA Marcel Proust 1967Conseillère en questions internationalesCalle 112 # 17A-45 Casa 102 Bogotá - ColombieTél. : (57.1) 2143014 / (57) [email protected]

Juan Pablo PARRA ROJAS Cyrano de Bergerac 1999Analyste financierCorrevalCra 7 # 80-60 Apt 301 - Bogotá - ColombieTél.: (57.1) [email protected]

Page 60: La Colombie au delá des clichés

ColombieAu delà des clichés

doss

ier

60 / hors série / septembre 2009

Luis PELAEZ VARGAS Turgot 1968

Gabriel PEREZ MANTILLA Turgot 1968

Myriam RAMIREZ ANZOLA Marcel Proust 1967 †

Herman RAMIREZ ROSALES Turgot 1968Cra 50 #122-91 - Ed Oikos - Apto 404 - Bogotá- Colombie(57.1) 285 31 [email protected]

Gustavo RAMIREZ VALDERRAMA (CIL 1975-77)Doyen d'EconomieEscuela Internacional de Ciencia Economica yAdministracion. Université la SabanaCampus del Puente Comun - Km 7 autopistaNorte de Bogotá - Chia - Cundinamarca - ColombieTél.: (57.1) 8615555 Ext. [email protected]

Andres Augusto REYES PUERTO Simone Veil 2006Carrera 57B bis No. 128-50, Bogotá - ColombieTél.: (57-1) 4 71 03 21 - (57) 316 4 68 82 [email protected]

Juan RUIZ VASQUEZ Nelson Mandela 2001Politologue

Miguel SALAS ANGULO Marcel Proust 1967

Gabriel SANCHEZ (CIL 2000-02)Consultant

Mauricio VASCO MOSCOVITH Michel de Montaigne 1988Consultant en Administration PubliqueIndépendantCra 19a N° 86A-09 - Apt 501 - Bogotá - ColombieTél.: (57.1) [email protected]

Alvaro VIDALES BARON Stendhal 1965

Ana Paola VILLAMIL Léopold Sédar Senghor 2004Associée-DirectriceAA Legal AdviceAv. Muelle de Portugal 39, Ayamonte, Huelva.EspagneTél.: (34) [email protected]

Liste des Colombiens ayant suivile cycle international court

Viviana DIAZ PERILLA (CIC 2007-08)Coordinatrice pédagogiqueUniversité Nuestra Señora del RosarioCalle 14 No. 6-25 - Bogotá - ColombieTél.: (57.1) 2970200 ext: [email protected]

Cristina LOMBANA VELASQUEZ (CIC 2006-07)Juge d'instruction pénale militaireForces Militaires de ColombieCalle 51 No 77 B - 15 Apto 201 Cuarta Brigada- Medellin - ColombieTél.: (57) [email protected]

Alvaro RAMIREZ BONILLA (CIC 2008-09)DirecteurB&R Latin America Trademarks and PatentCalle 26 n.4a-45 11ème étage, Bogotá -ColombieTél.: (57.1) [email protected]

Maria Clara RODRIGUEZ RAGA (CIC 1998-99)Coordinatrice "Negocios Inclusivos"SNV- Service Hollandais de Coopération auDéveloppementCalle 105A No. 14.29- Bogotá - ColombieTél.: (57.1) [email protected]

David SOTO (CIC 1996-97)Enseignant ChercheurUniversité Externado de Colombia - SciencesPo ParisCalle 12 no 1-17 Este . Bogotá - Colombie

Elkin VELASQUEZ MONSALVE (CIC 2001-02)Coordinateur du Programme Mondial « Villesplus sûres »ONU HabitatPO Box 67553. Nairobi. KenyaTél.: (254) 2 [email protected]

William ZAMBRANO CETINA (CIC 1997-98)Conseiller d'EtatConseil d'Etat ColombienCalle 12 no 7-65 . Bogotá - ColombieTél.: (57.1) [email protected]

Liste des Colombiens ayant suiviune formation à l’Ena

Ana Maria ARTEAGA (CIAP 2006)Chargée de mission RHGroupe Saint Gobain2, rue du Saumon - 67000 StrasbourgTél. : 03 88 36 35 [email protected]

Catalina MESA (CIAP 2008)Attachée sectorielleMission Economique - Ambassade de Franceen ColombieCra 11 # 93-12 - BogotáTél. : (57.1) [email protected]

Maria Claudia ROMERO AMAYA (CIAP 2008)CoordinatriceUniversité Externado de ColombiaCalle 12 no 1-17 Este . BogotáTél. : (57.1) 5623964 / (57.1) [email protected]

Mauricio VARGAS (CIAP 2004)Directeur de planificationMinistère de la DéfenseCra 54 #26-25 - 2do piso. Bogotá