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UNIVERSITE DE DROIT D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES D'AIX-MARSEILLE Centre de Droit Maritime et des Transports La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes Mémoire soutenu par : Nesrine Dagher Directeurs de mémoire : Messieurs les Professeurs Christian Scapel et Pierre Bonassies

La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

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Page 1: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

UNIVERSITE DE DROIT D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES D'AIX-MARSEILLE

Centre de Droit Maritime et des Transports

La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Mémoire soutenu par : Nesrine Dagher

Directeurs de mémoire : Messieurs les Professeurs Christian Scapel et Pierre Bonassies

Faculté de droit et de sciences politiques d’Aix-Marseille

Page 2: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Monsieur le Professeur P. BONASSIES

Vous avez accepté avec beaucoup de gentillesse de juger ce travail. Au regard de votre

renommée et de l’étendue de vos compétences, l’intérêt que vous portez à ce travail l’honore

tout particulièrement. Je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance.

Monsieur le Professeur C. SCAPEL

L’acceptation de ma candidature au DESS de Droit maritime et des transports, m’a offert la

possibilité et la chance d’approfondir une matière qui me tiens particulièrement à cœur.

Durant cette année j’ai pu apprécier votre rigueur et vos connaissances juridiques, ce qui m’a

permis d’apprendre et d’évoluer. Aujourd’hui vous avez accepté de juger ce travail malgré le

peu de temps que vous laissent vos multiples charges et vos importantes fonctions

universitaires. Votre réputation dans le domaine juridique honore ce jury. Veuillez recevoir ici

mes sincères remerciement et mon profond respect.

Maître A. JEBRAYEL

Il y a quatre ans, vous m’avez accueillie dans votre cabinet avec une grande gentillesse. J’ai

pu pendant ces quatre années mettre en pratique mes connaissances juridiques. Aujourd’hui,

je suis particulièrement touchée et heureuse de votre appui dans la réalisation de ce travail.

Veuillez trouver ici l’expression de ma reconnaissance et le témoignage de mon sincère et

profond remerciement.

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Page 3: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

PREMIERE PARTIE

DES ACTIVITES ENTRAINANT UNE INTERVENTION

INTERNATIONALE : L’INTERVENTION DE LA CIJ

CHAPITRE 1 : LA PROCEDURE D’INTERVENTION DEVANT LA CIJ, DANS LE

REGLEMENT DES DIFFERENDS CAUSES PAR LES ACTIVITES MARITIMES

SECTION 1 : LES ETATS PARTIES AU CONFLIT

SECTION 2 : L’INTERVENTION DE L’ETAT TIERS : ARTICLE 62 ET 63 DU

STATUT DE LA COUR

CHAPITRE 2 : LES MOYENS DE REGLEMENT PAR LA CIJ DES DIFFERENDS

ETATIQUES CAUSES PAR LES ACTIVITES MARITIMES

SECTION 1 : LE RECOURS A LA COUTUME, PAR LA CIJ

SECTION 2 : LE RECOURS A L’EQUITE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA

CIJ

DEUXIEME PARITE

LA PORTEE DE L’INTERVENTION DE LA CIJ DANS LE DOMAINE

MARITIME

CHAPITRE 1 : LA CONTRIBUTION DE LA COUR DANS LE DEVELOPPEMENT

DU DROIT INTERNATIONAL DE LA MER

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Page 4: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

SECTION 1 : L’APPORT DE LA CIJ DANS LE DEVELOPPEMENT DES

PRINCIPES ET REGLES DU DROIT INTERNATIONAL

APPLICABLES A DES ESPACES MARITIMES

SECTION 2 : L’APPORT DE LA CIJ DANS LA DELIMITATION DE LA MER

TERRITORIALE ET LA DETERMINATION DE LA

COMPETENCE DES ETATS SUR CES EAUX

CHAPITRE 2 : L’EFFET DES ARRÊTS DE LA CIJ, ETUDIE DANS LE DOMAINE

MARITIME

SECTION 1 : EFFET DES ARRÊTS A L’EGARD DES PARTIES AU CONFLIT

SECTION 2 : DES DECISIONS POUVANT ÊTRE SANS EFFETS

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Page 5: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Introduction

L’Assemblée générale des Nations Unies déclarait en 19891 que l’un des objectifs principaux

de cette décennie devait être : « de promouvoir les moyens pacifiques de règlement des

différends entre Etats, y compris le recours à la Cour Internationale de Justice et le plein

respect de cette institution ».

L’existence de juridictions permanentes pour dire le droit et trancher les différends juridiques

est inhérente à la création d’un état de droit, la place et le rôle du juge constituent un critère

important pour apprécier l’état de développement atteint par un système juridique donné.

L’idée d’instituer une juridiction internationale permanente à vocation universelle ne s’est

matérialisée qu’assez récemment en tenant compte de l’évolution des méthodes de règlement

pacifique des différends internationaux. C’est dans le but de préserver la paix, qui apparaît

comme l’une des préoccupations majeures du 19e siècle, que les techniques de règlement

pacifique des différends entre Etats se développent et s’organisent. De nouveaux moyens

apparaissent de type diplomatique : la médiation, les bons offices, l’enquête, la conciliation.

Des conventions d’arbitrage ou plus souvent des clauses compromissoires sont insérées dans

bon nombre de traités, donnant compétence à des arbitres pour trancher certains différends

inter étatiques. C’est à la suite d’un accord particulier de ce type que le premier grand

arbitrage de la période contemporaine put être rendu en 1872 entre les Etats-Unis et la

Grande-Bretagne dans l’affaire de l’Alabama. En fin de période, sous l’impulsion du tsar de

Russie, il y eut des efforts pour instituer des juridictions internationales permanentes dont la

compétence serait étendue, à défaut d’être pleinement obligatoire, l’on pensait pouvoir

permettre d’éviter le recours à des conflits armés. Cette idée du maintien de la paix grâce au

respect du droit international continuait ainsi et se voyait complétée par l’adjonction d’une

justice internationale indépendante chargée de faire respecter cet état de droit. C’est ainsi

qu’en 1899 une conférence sur la paix se réunissait à la Haye. Cette conférence avait pour

objet principal de discuter de la paix et du désarmement. Elle a fini par adopter une

convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, traitant de l’arbitrage en

même temps que d’autres méthodes de règlement comme les bons offices et la médiation.

Pour ce qui est de l’arbitrage, la convention de 1899 a prévu la création d’une institution

permanente permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement

il s’agissait de la Cour permanente d’arbitrage. Cette institution constitua le premier exemple

d’institutionnalisation du recours juridictionnel à l’échelon international. Cette Cour, mise en 1 Résolution 44/23 du 17 novembre 1989

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Page 6: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

place en 1900, a fonctionné dès 1902. Quelques années plus tard, en 1907, une seconde

conférence de la Paix de la Haye a révisé la convention et amélioré les règles applicables à la

procédure arbitrale. Le secrétaire d’Etat Elihu Root avait chargé la délégation des Etats-Unis

d’Amérique de travailler à la création d’un tribunal permanent composé de magistrats n’ayant

aucune occupation et consacrant la totalité de leur temps à l’examen et au jugement des

affaires internationales selon la méthode judiciaire. De plus selon E. Root « ces juges devaient

être choisis parmi les différentes nations, afin que les divers systèmes de droit et de procédure,

ainsi que les principaux langages, fussent équitablement représentés ». Mais la conférence

s’est bornée à recommander aux Etats d’adopter un projet de convention pour l’établissement

d’une cour de justice arbitrale dès qu’un accord serait intervenu sur le choix des juges et la

constitution de la cour. Cette Cour permanente d’arbitrage installée en 1913 au Palais de la

Paix a apporté une contribution positive au développement du droit international, cependant

tout en confirmant que des tribunaux arbitraux établis selon un mécanisme permanent

pouvaient juger les différends entre Etats sur la base du droit et de la justice, les affaires

soumises devant cette Cour ont mis en relief des lacunes car on ne pouvait s’attendre à ce que

des tribunaux de composition différente établissent en matière de droit international une

jurisprudence aussi cohérente qu’un tribunal ayant un caractère permanent, mais surtout car

les Etats, bien que parties aux conventions de 1899 et 1907, n’étaient pas obligés de soumettre

leurs différends à l’arbitrage et même, s’ils étaient disposés à le faire, ils n’étaient tenus ni de

recourir à la Cour permanente d’arbitrage ni de suivre les règles de procédure établies par les

conventions. La Cour permanente d’arbitrage ne fut jamais très occupée, elle ne fut saisie que

d’environ vingt cinq affaires entre 1899 et 1945, cette Cour existe encore mais n’a plus

d’activité en tant qu’organe de jugement. L’œuvre des deux conférences de la Paix de la Haye

et les réflexions qu’elles ont inspirées aux hommes d’Etat et aux juristes ont eu une influence

sur l’institution de la Cour Permanente de Justice mis sur pied après la fin de la première

guerre mondiale. Aux termes de l’article 14 du Pacte de la Société des Nations, le Conseil de

la Société était chargé de formuler un projet de Cour permanente de justice internationale.

Cette juridiction devait connaître de tout différend d’un caractère international que les parties

lui soumettraient et devait donner des avis consultatifs sur tout différend ou tout point dont la

saisirait le Conseil ou l’Assemblée. C’est ainsi qu’en 1920, le Conseil a constitué un comité

consultatif de juristes qu’il a chargé de lui faire un rapport sur l’établissement de la CPIJ, ce

rapport après avoir fait l’objet de certains amendements par le Conseil, fut adopté et constitua

le Statut de la CPIJ. Contrairement aux tribunaux arbitraux cette Cour était constituée de

manière permanente et elle était régie par un Statut et par des règles de procédures propres qui

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Page 7: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

étaient fixées à l’avance et liaient les parties se présentant devant elle. La CPIJ était en

principe ouverte à tous les Etats pour le règlement judiciaire de leurs différends internationaux

et ils pouvaient à l’avance déclarer reconnaître comme obligatoire, à l’égard des autres Etats

acceptant le même obligation, la compétence de la Cour pour certaines catégories de

différends d’ordre juridique. Son Statut énumérait expressément les sources de droit qu’elle

devait appliquer pour régler les affaires qui lui était soumises et pouvait statuer ex æquo et

bono si les parties étaient d’accord. Cette Cour était alors plus représentative de la

communauté internationale et des grands systèmes juridiques qu’aucune juridiction

internationale ne l’avait jamais été avant elle. De 1922 à 1940 la CPIJ connu de vingt-neuf

procès entre Etats et rendu vingt sept avis consultatifs. Elle a été utile pour la communauté

internationale par l’établissement d’une véritable technique de procédure judiciaire, par

ailleurs ces décisions ont contribué au développement du droit international et à la résolution

de sérieux litiges internationaux. Le 4 décembre 1939 a lieu la dernière audience publique de

la CPIJ, depuis elle n’a plus eu d’activité judiciaire et a cessé de fonctionner en raison des

évènement de la deuxième guerre mondiale. En 1942 le Secrétaire d’Etat des Etats-Unis

d’Amérique et le ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni se sont prononcés en

faveur de l’établissement ou de la remise en place d’une Cour internationale. Un comité a été

constitué pour examiner la question et le Président de ce comité, William Malkin a

recommandé « que le Statut de toute nouvelle juridiction internationale soit fondée sur celui

de la CPIJ, que la Cour conserve une compétence consultative, que l’acceptation de la

juridiction obligatoire de la nouvelle Cour ne soit pas obligatoire et que les questions de

nature essentiellement politique ne soient pas de son ressort ». Le 30 octobre 1943 à l’issue

d’une conférence réunissant la Chine, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS, avait été

publiée une déclaration conjointe reconnaissant la nécessité « d’établir aussitôt que possible

une organisation internationale générale fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous

les Etats pacifiques et ouvertes à tous les Etats pacifiques, grands ou petits, en vue du

maintien de la paix et de la sécurité internationales ». C’est ainsi qu’à la CPIJ a été substituée

la CIJ d’une manière telle que la continuité entre les deux Cours a pu être assurée. Les

rédacteurs de la Charte de l’ONU décidèrent de maintenir l’existence d’une juridiction

permanente internationale à vocation universelle. Ils renforcèrent le rôle de la Cour en faisant

de la CIJ un organe principal de l’ONU et en lui donnant une valeur constitutionnelle au titre

de l’article 92 de la Charte. La CIJ fait donc partie de l’ONU et son Statut y est annexé

comme partie intégrante de la Charte. On peut noter sur la continuité des deux Cours, CPIJ et

CIJ, que la CIJ possède le même Statut que celui adopté en 1921 pour la CPIJ. La CIJ posséda

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Page 8: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

pendant très longtemps le même règlement intérieur et fut composée pendant un temps des

mêmes juges que la CPIJ. Mais surtout il existe une « grande continuité judiciaire » entre les

deux Cours dans la mesure où la CIJ ne manque jamais de se référer à la jurisprudence passée

de la CPIJ. Aujourd’hui la mission de la CIJ est de régler selon le droit international les

différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par des Etats. Elle répond donc à l’un des

premiers buts de l’ONU qui est, selon la Charte, « de réaliser le règlement des différends par

des moyens pacifiques conformément aux principes de la justice et du droit international ».

Comme l’a dit la CPIJ un différend juridique international est « un désaccord sur un point de

droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts ». Devant

cette Cour, selon l’article 34 du Statut, seuls les Etats ont qualité pour se présenter, qu’ils

soient membre des Nations Unies en ayant accepté de signer la Charte et le Statut de la Cour,

ou bien qu’ils aient signé uniquement soit le Statut soit la Charte, ou tout autre Etats sans être

membre des Nations Unies ni partie au Statut . La CIJ dispose donc d’une compétence

contentieuse, mais aussi d’une compétence consultative puisque des organisations, telle que

l’ONU, l’Organisation internationale du travail…, peuvent demander à la Cour des avis

consultatifs sur des questions juridiques qui se posent dans le cadre de leurs activités.

Le 31 octobre 2001 M. GILBERT Guillaume, Président de la CIJ, dans un discours présenté

devant la sixième Commission de l’assemblée générale des Nations Unies faisait un constat

de l’activité de la Cour en relevant que l’intervention de la CIJ est de plus en plus sollicitée

par les Etats. Il constate que les activités maritimes engendrent des conflits étatiques qui sont

de plus en plus soumis à la Cour et qui nécessite pour le règlement de ces différends une

intervention internationale (Partie 1). La Cour a ainsi joué et continue de jouer un rôle

essentiel dans le domaine maritime, elle a été amenée à préciser plusieurs points de sa

jurisprudence dans le domaine du droit de la mer et a touché les domaines les plus divers de

ce droit : liberté en haute mer ; droit de passage dans les détroits et dans la mer territoriale,

délimitation maritime, définition de la notion de plateau continental, compétence

juridictionnelle sur les navires, droit de pêches, ect. Par son intervention dans le domaine

maritime la CIJ a contribué au développement de ce droit et la portée de son intervention n’est

pas négligeable aujourd’hui (Partie 2).

PREMIERE PARTIE

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Page 9: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

DES ACTIVITES ENTRAINANT UNE INTERVENTION

INTERNATIONALE : L’INTERVENTION DE LA COUR

INTERNATIONALE DE JUSTICE

Cette analyse fera référence à l’intervention dans le domaine contentieux (et non

consultatif) qui marque bien l’intervention de cette Cour dans le règlement des conflits

étatique causés par les activités maritimes internationales.

CHAPITRE 1 : LA PROCEDURE D’INTERVENTION DEVANT LA CIJ

DANS LE REGLEMENT DES DIFFERENDS CAUSES PAR LES

ACTIVITES MARITIMES

La saisine de la Cour statuant au contentieux est très limitée car seuls les Etats peuvent

se présenter devant elle, ce qui exclut les individus et les organisations internationales 2. De

plus le consentement des Etats est nécessaire pour lui donner compétence et c’est un principe

fondamental de droit coutumier qui a été intégré dans l’article 36 alinéa 1 du Statut de la

Cour, celle ci prévoyant que la Cour ne pourra être saisie que par le biais du consentement de

l’Etat. Ainsi les Etats parties au conflit vont requérir l’intervention de la Cour, dans le

règlement de leur litige (Section 1), mais le règlement du conflit étatique peut avoir une

incidence sur les droits d’Etats tiers, si bien que le Statut de la Cour prévoit la possibilité à

l’Etat tiers au conflit d’intervenir au procès (Section 2).

SECTION 1 : LES ETATS PARTIES AU CONFLIT

2 Article 34, alinéa 1 du Statut, voir Annexe 1

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Page 10: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Peuvent se présenter devant la Cour statuant au contentieux, les Etats qui sont parties à son

Statut de façon permanente3 ainsi que les pays non membres de l’O.N.U qui sont parties au

Statut de la Cour par un acte spécial4, tel est actuellement le cas de la Suisse ou du

Liechtenstein. Elle est également ouverte aux autres Etats sans plus de précisions5 par le biais

d’une décision appropriées du Conseil de Sécurité. Cela étant, la compétence de la Cour ne

peut être fondée que sur le consentement des Etats, toutefois, il existe 2 chefs de compétence

pour la Cour, mais qui dépendent exclusivement de la volonté expresse des Etats : soit elle

pourra être saisie à titre facultatif (§1) soit à titre obligatoire (§2).

§ 1   : L’intervention facultative de la Cour, dans le domaine des «   conflits maritimes   »

Le principe posé par l’article 36, alinéa 1 du Statut de la Cour, constitue la règle générale, il

énonce que « la compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui

soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou

dans les traités et conventions en vigueur ». Dans tous ces cas, les parties au litige vont

conclure un traité particulier, un compromis, qui va servir de fondement à la compétence

contentieuse de la Cour. Le premier cas ainsi prévu est celui ou les parties conviennent

bilatéralement de soumettre un différend déjà existant à la CIJ, donc de reconnaître sa

compétence en l’espèce. Elles concluent à cette fin ce qu’on appelle un compromis, cette

technique se rencontre très souvent dans le domaine maritime, et une fois saisie de ce

compromis, la Cour peut connaître de l’affaire, si bien que la Cour fut amenée à intervenir

dans diverses affaires relatives à la matière maritime. Il en alla ainsi, par exemple, dans

l’affaire du « Lotus » en date du 7 septembre 19276, qui fut soumise à la Cour Permanente de

Justice Internationale par un compromis spécial conclu entre la France et la Turquie, à la suite

de l’abordage en haute mer entre un navire français et un navire turc. Plus près de nous, c’est

par ce même biais que la Cour fut amenée à connaître de l’affaire du Plateau continental de la

mer du Nord de 19697, un compromis spécial ayant été conclu entre la république fédéral de

l’Allemagne d’une part, les Pays Bas et le Danemark de l’autre. Le différend entre ces Etats

concernait la délimitation du plateau continental en mer du Nord. En l’espèce le 2 février

1967 étaient signés à Bonn deux compromis, l’un entre le Danemark et la RFA, l’autre entre

la RFA et les Pays-Bas, convenant de soumettre à la Cour les différends opposant ces Etats au

3 tel est le cas des membres de l’O.N.U ipso facto en vertu de l’article 93, alinéa 1, de la Charte, voir Annexe 34 Article 9, alinéa 2 de la Charte5 Article 35 § 2 du Statut de la CIJ, Annexe 1 6 Ser. A n° 10 (Tunisie/France)7 Rec. CIJ 1969, p. 20

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Page 11: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

sujet de la délimitation du plateau continental de la mer du Nord. Un protocole tripartite du

même jour stipulait que les Pays-Bas notifieraient à la Cour les deux compromis, que les

parties demanderaient à celle-ci de joindre les deux instances et que les Pays-Bas et le

Danemark désigneraient ensemble un juge ad hoc. Le 20 février 1967, les Pays-Bas

déposèrent au Greffe les compromis et c’est ainsi que la Cour eu à connaître de cette affaire.

On notera que le texte de ce compromis doit être formel et explicite afin que la saisine de la

Cour soit juridiquement valable. A ce propos, il convient de rappeler l’affaire du Plateau

continental de la mer Egée de 19788. En l’espèce, au large de la côte occidentale de la Turquie

se trouve un grand nombre d’îles relevant de la souveraineté grecque. Leur présence rend

particulièrement délicate la délimitation du plateau continental turc, dans la mesure où est

reconnu le droit des îles à leur propre plateau continental. Avec comme principal objectif

l’espoir de revenus pétroliers, le différend est né lorsque la Turquie attribua des permis de

recherche pétrolière sur une zone revendiquée partiellement par la Grèce. L’affaire prit un

tour nouveau lorsque le navire turc, Sismik I, commença une série d’exploration sismique

dans les zones contestées. Saisissant le Conseil de Sécurité, la Grèce déposa le 10 août 1976

une requête introductive d’instance fondée sur l’article 17 de l’Acte général pour le règlement

pacifique des différends de 19289 et sur un communiqué Gréco-Turc du 31 mai 1975

évoquant le recours à la CIJ. Dans cet arrêt la Cour estima qu’un communiqué Gréco-Turc

publié à la suite d’une réunion de ministre des affaires étrangères, ne suffisait pas à lui donner

compétence et qu’il n’était pas à mettre sur le même pied qu’un compromis en bonne et due

forme, on relève donc que pour la Cour le texte du compromis doit être explicite et formel.

D’autres affaires peuvent également être citées en matière de délimitation de plateaux

continentaux soumis à la Cour en vertu de l’article 36 § 1 du Statut, il s’agit de l’arrêt du

Plateau continental Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne du 10 décembre 198210 et de l’arrêt du

Plateau continental Jamahiriya Arabe Libyenne/ Malte du 3 juin 198511. A la suite d’un

compromis entre la Tunisie et la Libye, la question de la délimitation entre les plateaux

continentaux de ces deux Etats fut soumise à la CIJ. Il faut préciser que dans le cadre de

l’élaboration d’un nouveau droit de la mer, dont on peut rappeler que Malte fut l’un des

pionniers, un certain nombre de négociations eurent lieu en Méditerrannée, en particulier

entre Malte et la Libye, et entre ces derniers Etats et l’Italie, le tout sur fond d’intérêts

économiques, relatif en particulier aux explorations pétrolières off shore12. Au cours de ces

négociations, fut signé dès le 23 mai 1976 un compromis entre la Libye et Malte, tendant à 8 Rec. CIJ 1978, p. 39 en conjonction avec les articles 36 § 1 et 37 du Statut de la Cour 10 Rec. CIJ 1982, p. 1811 Rec. CIJ 1984, p. 3

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Page 12: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

soumettre la question de la délimitation de leur plateau continental respectif à la CIJ. Ce

compromis fut très rapidement signé par Malte, mais non par la Libye, ce qui a empêché que

le litige ne soit soumis à la Cour. A l’inverse, des questions analogues de délimitation du

plateau continental qui se posaient entre la Tunisie et la Libye furent soumises à la CIJ, à la

suite d’un compromis entré en vigueur le 27 février 1978 et notifié dès le 1 er décembre 1978

au Greffe de la Cour. Le différend entre Malte et la Libye fut finalement soumis à la Cour

puisque la Libye a fini par ratifier le compromis en 1982, qui avait seulement était signé par

elle. L’affaire du différend frontalier, terrestre, insulaire et maritime (affaire portée devant une

Chambre) El Salvador/ Honduras du 11 septembre 199213, fut soumise à la Cour à la suite

d’un compromis signé le 24 mai 1986 entre El Salvador et le Honduras et c’est par une

notification conjointe que les deux Etats avaient décidé de soumettre leur différend à une

Chambre de la Cour. Ainsi lorsque la Cour se trouve valablement saisie par le biais d’un

compromis ad hoc, sa compétence se trouve strictement délimitée à l’examen des questions

qui lui sont soumises par les parties. Dès lors le libellé des points de droit que la CIJ devra

trancher doit être rédigé avec la plus grande prudence, une rédaction malencontreuse pouvant

orienter la réflexion de la Cour et révéler néfaste la thèse de l’un des plaideurs.

La France en fit d’ailleurs l’expérience lors de l’affaire précitée du « Lotus » car le

compromis signé avec la Turquie, rendait plus probable une réponse favorable à la thèse

turque. Il est également concevable qu’un litige soit introduit devant la Cour alors que l’un

des Etats en cause reconnaît valablement la compétence de la Cour et l’autre non, et que la

reconnaissance de la compétence par ce dernier intervienne ensuite. Il est aussi arrivé devant

la CIJ qu’un Etat introduise une affaire en reconnaissant que son adversaire n’admettait pas la

compétence de la Cour en l’espèce et en l’invitant à le faire, mais jusqu’à présent l’adversaire

a toujours refusé.

Le second cas prévu à l’article 36 §1 du Statut est celui des traités ou conventions en vigueur

prévoyant la compétence de la Cour. C’est en effet devenu une pratique internationale

courante que d’insérer dans les accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux des

dispositions dites clauses compromissoires, énonçant que les litiges de telle ou telle catégorie

devront ou pourront être soumis à un ou plusieurs modes de règlement pacifique des

différends. De nombreuses clauses de cette sorte ont prévu et prévoient encore le recours à la

12 La Tunisie avait octroyé des permis de recherches pétrolières à des compagnies françaises dès 1964, dans le Golfe de Gabès ; la Libye à partir de 1968. Malte avait notamment signé en mai 1974 un contrat avec la société Texaco, concernant des zones maritimes revendiquées par la Libye.13 Rec. CIJ 1992, p. 351

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Page 13: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

conciliation, à la médiation ou à l’arbitrage ; d’autres visent la saisine de la Cour directement,

dans ce cas les Parties reconnaissent la compétence obligatoire de la Cour.

§2   : L’intervention obligatoire de la Cour dans le domaine des «   conflits maritimes   »

Celle-ci peut avoir un double fondement : soit des clauses spécifiques insérées dans des

Traités vont reconnaître la compétence obligatoire de la Cour ; soit les Etats, par un acte

unilatéral, vont faire une déclaration, prévue à l’article 36 alinéa 2 du Statut de la CIJ, selon

laquelle ils entendent reconnaître, d’une manière obligatoire, la jurisprudence facultative de la

Cour . Cet article dispose que « les Etats parties au présent Statut pourront, à n’importe quel

moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à

l’égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les

différends d’ordre juridique ayant pour objet : a) l’interprétation d’un Traité, b) tout point de

droit international, c) la réalité de tout fait qui, s’il est établi, constituerait la violation d’un

engagement international, d) la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un

engagement international ». Ce système dit de la disposition facultative, aboutit en quelque

sorte à créer un groupe d’Etats se trouvant vis à vis de la Cour dans la même situation que les

habitants d’un pays à l’égard de leurs propres tribunaux. En principe chaque Etat de ce groupe

a le droit de citer un ou plusieurs autres Etats du même groupe devant la Cour en lui

soumettant une requête et inversement, dans laquelle il accepte de se présenter devant la Cour

au cas où il serait cité par un ou plusieurs Etats. C’est pour cette raison que l’on donne à ces

déclarations le nom de « déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour »,

que l’on retrouve souvent en matière maritime. Sur ce dernier point on peut citer l’affaire de

la compétence de la Cour en matière de pêcherie, Espagne contre Canada le 4 décembre

199814. Le 28 mars 1995, l’Espagne a introduit une instance contre le Canada au sujet d’un

différend relatif à la modification le 12 mai 1994 de la loi canadienne sur la protection des

pêches côtières et aux modifications subséquentes du règlement d’application de ladite loi,

ainsi qu’à certaines actions menées sur la base de cette loi et de ce règlement modifié,

notamment la poursuite, l’arraisonnement et la saisie en haute mer, le 9 mars 1995 d’un

bateau de pêche « l’Estai », battant pavillon espagnol. La requête invoquait comme base de

compétence de la Cour les déclarations par lesquelles les deux Etats ont accepté la juridiction

obligatoire de celle-ci conformément au § 2 de l’article 36 de son Statut. Toutefois on

14 Rec. CIJ, 1998

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Page 14: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

constate par cette affaire que la portée réelle de ces déclarations est très souvent affaiblie par

l’existence de réserves. Dès lors, la portée matérielle réelle de ces déclarations se révèle assez

décevante. Ainsi, dans cette affaire de compétence en matière de pêcherie le Canada, le 10

mai 1994 avait déposé auprès du Secrétaire général de l’organisation des Nations Unies une

nouvelle déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. Les trois réserves

définies aux alinéas a, b et c) du § 2 de la déclaration susmentionnée indiquent trois catégories

de différends qui figuraient dans la déclaration antérieure du Canada en date du 10 septembre

1985. En revanche, l’alinéa d) de la déclaration de 1994 énonçait une quatrième et nouvelle

réserve excluant en outre de la compétence de la Cour « les différends auxquels pourraient

donner lieu les mesures de gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires

pêchant dans la zone de réglementation de l’O.P.A.N, telle que définie dans la Convention sur

la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique Nord-Ouest de 1978, et

l’exécution de telles mesures ». Après analyse de cet alinéa d la Cour s’est déclarée

incompétente. Dans son opinion individuelle, le juge Koroma, souligne la liberté absolue et

discrétionnaire d’un Etat de participer ou de ne pas participer au système de la clause

facultative. Il confirme qu’un Etat est en droit d’assortir la déclaration qu’il a faite en vertu de

la clause facultative excluant ou limitant la compétence de la Cour pour appliquer les

principes et règles du droit international qu’elle aurait appliqué si l’objet du différend n’avait

pas été exclu de sa juridiction. On peut citer également l’affaire relative à la compétence en

matière de pêcherie de la Cour qui opposa le Royaume-Uni et l’Islande le 2 février 1973. En

l’espèce le 14 avril 1972, le gouvernement du Royaume-Uni a introduit une instance contre

l’Islande au sujet d’un différend portant sur l’extension jusqu’à cinquante milles marines de la

zone de compétence exclusive de l’Islande en matière de pêcheries, extension à laquelle le

gouvernement islandais se proposait de procéder. Pour établir la compétence de la Cour le

gouvernement du Royaume-Uni s’est fondé sur un échange de notes qu’il a conclu le 11 mars

1961 avec le gouvernement islandais à la suite d’un précédent différend relatif aux pêcheries.

Aux termes de cet échange de notes, le Royaume-Uni s’engageait à reconnaître à l’Islande

une zone de pêche exclusive s’étendant sur une largeur de douze milles et à en faire retirer en

trois ans ses navires de pêches. Venait ensuite une clause compromissoire ainsi conçue : «  le

gouvernement islandais continuera de s’employer à mettre en œuvre la résolution d’Attung en

date du 5 mai 1959 relative à l’élargissement de la zone sur la pêcherie autour de l’Islande

mais notifiera six mois à l’avance au gouvernement du Royaume-Uni toute mesure en ce sens,

au cas ou surgirait un différend en la matière, la question sera portée à la demande de l’une ou

l’autre partie devant la CIJ. La Cour dans cet arrêt relève qu’il ne fait pas de doute que le

14

Page 15: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

gouvernement du Royaume-Uni a exécuté les obligations que pareil accord mettaient à sa

charge et que le gouvernement Islandais lui a donné en 1971 le préavis prévu en cas de nouvel

élargissement de sa compétence en matière de pêcheries. Il n’est pas douteux non plus qu’un

différend s’est élevé, qu’il a été soumis à la Cour par le Royaume-Uni et qu’à première vue il

correspond exactement aux termes de la clause compromissoire. La Cour de plus a examiné

les négociations qui ont abouti à l’échange de notes. Elles confirment que l’intention des

parties était de donner au Royaume-Uni, en échange de la reconnaissance de la limite de

douze milles et du retrait des navires de pêches, des assurances réelles qui constituaient une

condition sine qua non de l’accord et qui consistaient dans le droit de contester devant la Cour

la validité de tout nouvel élargissement de la compétence de l’Islande en matière de pêcherie

au-delà de la limite de douze milles. Nous pouvons poursuivre en précisant qu’un tel recours à

la juridiction obligatoire de la CIJ est prévu dans de nombreux traités bilatéraux ou

multilatéraux comme par exemple la Convention européenne de règlement pacifique des

différends de 1957 ou encore les protocoles de signatures facultatives à la Convention de

Vienne sur les relations diplomatiques concernant le règlement obligatoire des différends d’

avril 1961 et 1963.

Ainsi les Etats parties au présent protocole et à la Convention de Vienne sur les relations

diplomatiques expriment leur désir de recourir, pour ce qui les concerne, à la juridiction

obligatoire de la CIJ.

On s’aperçoit donc que le fondement exclusif de l’intervention de la CIJ. est le consentement

de l’Etat. Mais de plus en plus les affaires intéressent d’autres Etats que les Etats parties au

litige, si bien que le Statut de la Cour a prévu la possibilité d’intervention d’Etat tiers.

SECTION 2 : L’INTERVENTION DE L’ETAT TIERS : ARTICLES 62 ET 63

DU STATUT DE LA COUR, ETUDIE DANS LE DOMAINE DES

CONFLITS MARITIMES

15

Page 16: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Les articles 62 et 63 du Statut de la Cour consacre l’intervention en tant que moyen

mis à disposition des Etats tiers en vue de faciliter leur participation éventuelle à un procès

concernant un litige avec d’autres Etats.

La première condition sine qua non pour qu’une intervention puisse se produire dans la

procédure de la C.I.J, est qu’un Etat tiers la demande, en déposant au Greffe de la Cour une

requête à fin d’intervention15 ou une déclaration d’intervention16.

Il existe également une deuxième condition nécessaire : c’est que l’intervention demandée par

l’Etat tiers concerne une affaire contentieuse principale bien précise et que celle-ci soit

toujours pendante devant la Cour. C’est la nature des différends soumis à la Cour qui explique

le recours d’Etats tiers à l’intervention, en particulier les différends relatifs à des espaces

maritimes, y compris leur délimitation, mettant en jeu certaines innovations apportées par le

droit de la mer. Il est évident que des différends d’une telle nature se prêtent à ce que des

Etats tiers cherchent à intervenir. Mais saisie d’une telle demande la Cour examinera d’abord

l’intérêt juridique et l’objet de l’intervention (§1) car si la Cour autorise l’intervention, l’arrêt

produira un effet à l’égard de l’Etat intervenant (§2).

§1   : L’intérêt juridique et l’objet de l’intervention de l’Etat tiers.

La Cour, pour autoriser l’intervention d’un Etat tiers, tient compte essentiellement du fait que

les intérêts juridiques de l’Etat tiers soient non seulement touchés par une décision, mais qu’il

constitue l’objet même de ladite décision17. Dans l’hypothèse de l’article 62, l’Etat doit

prouver à la Cour qu’un intérêt d’ordre juridique, suffisamment concret et individualisé est

pour lui en cause dans le différend entre les parties. Dans celle de l’article 63, les conditions

de fait énoncées doivent se trouver réunies en l’espèce. Dans l’une et l’autre hypothèse, il est

toujours nécessaire que les conditions énoncées, soit à l’article 62, soit à l’article 63, soient

remplies pour que la Cour soit à même d’admettre ou de tenir pour recevable l’intervention de

l’Etat tiers. Aux fins de cette démarche, l’objet et le but de l’intervention recherchée par l’Etat

tiers jouent un rôle important. Concernant les requêtes à fin d’intervention nous pouvons citer

quelques arrêts relatifs au domaine maritime. Tout d’abord, l’affaire du différend frontalier,

terrestre, insulaire et maritime El Salvador / Honduras18. En 1990, la requête du Nicaragua

15 Article 62 du Statut de la CIJ, Annexe I16 Article 63 du Statut de la CIJ, Annexe I

17 Affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943, Rec.CIJ 1951 p. 3218 Rec.CIJ 1990, p. 92

16

Page 17: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

définissant l’étendue de l’intérêt juridique du Nicaragua en cause dans l’affaire entre El

Salvador et le Honduras. L’aspect terrestre du litige entre les parties était exclu par le

requérant. La requête spécifiait les considérations juridiques et géographiques dont il

ressortait, selon le Nicaragua, que ce pays avait, à l’égard des aspects maritimes et insulaires

du litige, un intérêt d’ordre juridique, sur lequel une décision de la Chambre aurait

inévitablement une incidence. Enfin, après cette clarification, la requête précisait l’objet de

l’intervention dans les termes suivants :

« Premièrement, de protéger généralement, par tous les moyens juridiques possibles, les droits

de la République du Nicaragua dans le golfe de Fonseca et dans les espaces maritimes

adjacents.

Deuxièmement, d’intervenir dans l’instance pour informer la Cour de la nature des droits du

Nicaragua qui sont en cause dans le litige. Cette forme d’intervention aurait un but

conservatoire, elle vise à garantir que les conclusions de la Chambre ne portent pas atteinte

aux droits et intérêts de la République du Nicaragua, et le Nicaragua entend reconnaître l’effet

obligatoire de la décision qui sera rendue19. L’arrêt de la Chambre de 1990 va identifier que

les points de la requête du Nicaragua pouvait appeler une décision en l’espèce, à savoir : les

îles ; la situation des eaux à l’intérieur du golfe ; la situation des eaux et la délimitation

éventuelle des eaux à l’extérieur du golfe. Ensuite l’arrêt passe en revue sur chacun de ces

points, les questions pouvant appeler une décision de la Chambre, en vue de déterminer si le

requérant avait établi que les futures décisions de la Chambre au fond sur le litige El

Salvador /Honduras relatives aux points susvisés risquaient d’affecter un intérêt juridique du

Nicaragua. Au terme de cet examen la Cour, sur la base de toute une série de considération

relatives aux conditions résultant de l’article 62 du Statut, aux circonstances de l’espèce et à la

preuve administrée par le requérant, estima qu’une telle éventualité était exclue en ce qui

concernait les îles, la délimitation éventuelle des eaux à l’intérieur du golfe de Fonseca, la

situation des eaux à l’extérieur du golfe et leur délimitation éventuelle20. Par contre, la

Chambre reconnut que, en ce qui concernait le régime des eaux du golfe de Fonseca, le

Nicaragua avait prouvé l’existence d’un intérêt juridique lui appartenant, susceptible d’être

affecté ou mis en cause par la décision au fond que la Chambre était appelée à rendre sur cet

aspect du différend maritime entre El Salvador et le Honduras. Selon les termes de

l’arrêt : « Les conditions d’une intervention du Nicaragua sur cet aspect de l’affaire n’en sont

pas moins manifestement remplies21 ». Une fois réglée la question de l’intérêt juridique du

19 Rec.CIJ 1990, p. 138-14420 Rec.CIJ 1990, p. 14321 Rec. CIJ 1990, p. 122

17

Page 18: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Nicaragua susceptible d’être affecté par la décision de la Chambre, l’arrêt en vient à l’objet de

l’intervention recherchée par le Nicaragua, compte tenu de la forme de l’intervention de

l’article 62 du Statut. Ainsi, bien que les conditions de l’article 62 eussent été, d’après la

Chambre, « manifestement remplies » en l’espèce, pour ce qui est du régime juridique des

eaux du golfe de Fonseca, la Chambre entreprit néanmoins d’analyser l’objet précis de

l’intervention demandée par le requérant avant de décider d’autoriser le Nicaragua à

intervenir dans l’instance. A ce propos, pour pouvoir être autorisé à intervenir, un Etat tiers

n’a pas à établir qu’il a des droits devant être protégés, mais simplement qu’il y a un intérêt

juridique susceptible d’être affecté par la décision, en l’espèce la Chambre accepta l’objet de

l’intervention du Nicaragua qu’elle jugeait conforme à la modalité d’intervention de l’article

62 du Statut. L’arrêt de la Chambre reconnaît aussi que, comme l’affirmait le Nicaragua, la

requête à fin d’intervention de cet Etat ne prétendait pas introduire, sous couvert

d’intervention, un nouveau différend, un litige supplémentaire à celui des parties. Et à ce

propos, l’arrêt fait une autre observation intéressante pour bien saisir la portée de la forme

d’intervention de l’article 62 du Statut : « La Chambre estime que l’objet énoncé en premier

lieu dans la requête du Nicaragua, qui est de protéger généralement, par tous les moyens

juridiques possibles, les droits de la République du Nicaragua dans le golfe de Fonseca et

dans les espaces maritimes adjacents », ne doit pas être interprété comme équivalent à

chercher à obtenir une décision judiciaire sur les propres demandes du Nicaragua. « Les

moyens juridiques possibles doivent être ceux que fournit l’institution de l’intervention pour

protéger les intérêts juridiques d’un Etat tiers. Ainsi compris, cet objet ne peut être considéré

comme inapproprié22 ». Une autre affaire est à rapprocher de la décision précitée, il s’agit de

l’arrêt concernant la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria. Dans cette

affaire, le 30 juin 1999, la Guinée équatoriale a déposé une requête à fin d’intervention dans

l’affaire susmentionnée. Elle a indiqué que l’objet de sa requête était « de protéger ses droits

dans le golfe de Guinée par tout les moyens juridiques, et d’informer la Cour de la nature des

droits légitimes et intérêts d’ordre juridique de la Guinée équatoriale qui pourraient être

touchés par la décision de la Cour ». La Guinée équatoriale a précisé qu’elle ne cherchait pas

à intervenir dans les aspects de la procédure relatifs à la frontière terrestre entre le Cameroun

et le Nigeria, ni à être considérée comme une partie en l’affaire. Dans cette affaire la Cour va

rechercher l’intérêt juridique et l’objet de l’intervention de la Guinée équatoriale pour

autoriser son intervention. La Cour a considéré que « la Guinée équatoriale avait

suffisamment établie qu’elle a un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par un

22 Rec. CIJ 1990, p. 131

18

Page 19: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

arrêt que la Cour rendrait aux fins de déterminer la frontière maritime entre le Cameroun et le

Nigeria ».23 De plus, la Cour reconnaît, comme l’affirmait la Guinée équatoriale, que la

requête à fin d’intervention ne visait pas à introduire un nouveau différend. Après cet examen

la Cour a estimé que « rien ne s’oppose à ce que la requête à fin d’intervention de la Guinée

équatoriale soit admise ».24 Une autre affaire relative à l’intervention en vertu de l’article 62

du Statut peut être citée, il s’agit de l’affaire du Plateau continental Tuniso-Libyen. En

l’espèce, ayant un litige avec la Libye, quant à la délimitation de son plateau continentale 25,

Malte ne pouvait pas être intéressée par la présente affaire. C’est ainsi que le 28 janvier 1981,

Malte soumis à la Cour une requête à fin d’intervention en se fondant sur l’article 62 du

Statut. La Cour va examiner la question de l’intérêt juridique et de l’objet de l’intervention de

Malte. Malte craint un effet préjudiciable de l’arrêt au fond sur ses intérêts juridiques dans un

règlement futur relatif aux limites de son propre plateau continental avec la Libye et la

Tunisie. Mais Malte, précise en même temps que son intervention ne vise pas à soumettre son

propre intérêt dans ces questions, à une décision entre elle et la Libye ou entre elle et la

Tunisie en la présente affaire. La Cour note que Malte « ne fonde pas sa demande sur un

simple intérêt à l’égard des prononcés de la Cour concernant les principes et règles du droit

international applicables à titre général ».26 Au contraire, Malte invoque un intérêt beaucoup

plus spécifique : « l’essence de l’intérêt d’ordre juridique invoqué par Malte est que Malte

pourrait être concernée par toute conclusion de la Cour sur l’identité et la pertinence de

facteurs locaux ou régionaux, géographiques ou géomorphologiques aux fins de délimitation

du plateau continental entre la Libye et la Tunisie, ainsi que pour tout prononcé portant par

exemple sur l’incidence de circonstances spéciales ou l’applications de principes équitables

dans cette délimitation ».27 Mais la Cour estime qu’un tel intérêt ne peut autoriser Malte à

intervenir, pour un double motifs : d’une part, parce que Malte ne met pas cet intérêt en jeu,

dans la mesure où ce pays a bien précisé dans sa requête à fin d’intervention, qu’il ne cherche

pas à obtenir « un prononcé ou une décision quelconque de la Cour au sujet des limites de son

plateau continental »28, ce qui est selon la Cour une façon pour Malte d’entrer dans le procès

sans en assumer les obligations ; d’autre part, parce que l’intérêt d’ordre juridique invoqué par

Malte, même s’il « est sensiblement plus spécifique et plus direct que celui d’Etats étrangers à

la région… n’est pas par nature différent des intérêts d’autres Etats de la région ».29 La Cour

23 communiqué de presse 99/44 CIJ24 communiqué de presse 99/44 CIJ25 Rec. CIJ 1981, p. 326 Rec. CIJ 1981, p. 17, § 3027 Rec. CIJ 1981, p. 16, § 2828 Rec. CIJ 1981, p. 9, § 1429 Rec. CIJ 1981, p. 19, § 33

19

Page 20: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

précise ainsi, qu’aucune interférence ni déduction ne saurait légitimement être tirée de ces

conclusions ni de ces motifs pour ce qui est des droits ou prétentions d’Etats non parties à

l’affaire. La Cour par conséquent va considérer ne pas pouvoir accéder à la requête de Malte

et rejeta à l’unanimité sa demande à fin d’intervention. Il est nécessaire de préciser que les

cas juridiques relatifs à des déclarations d’intervention sur la base de l’article 63 du Statut

(dont l’hypothèse ne s’est pas présenté en matière maritime) montrent aussi bien combien

l’intérêt juridique et l’objet de l’intervention sont déterminants pour que l’intervention puisse

être considérée comme recevable par la Cour, permettant qu’un Etat tiers devienne Etat

intervenant30.

Ainsi lorsque l’intervention de l’Etat tiers est acceptée par la Cour la décision au fond de

l’affaire pourra avoir un effet à son égard.

§ 2 Les effets, de la décision au fond de l’affaire à l’égard de l’Etat intervenant.

La question des effets pour l’Etat intervenant de la décision de la Cour ou de la Chambre en

l’affaire dans laquelle il intervient se pose différemment pour chacune des deux formes

d’intervention statutaires. Dans le cas de l’article 63 la question est réglée par le texte de la

disposition « chacun d’eux a le droit d’intervenir au procès et, s’il exerce cette faculté,

l’intervention contenue dans la sentence est également obligatoire à son égard ». En revanche,

dans le cas des interventions relevant de l’article 62, il faut recourir à l’interprétation pour

trouver une réponse. Le § 2 de l’article 63 du Statut prévoit que si l’Etat tiers exerce sa faculté

d’intervenir au procès, c’est à dire s’il devient un Etat intervenant et participe à l’instance,

« l’interprétation contenue dans la sentence est également obligatoire pour lui ». Cette

disposition établit donc un effet obligatoire spécifique, à l’égard de l’Etat intervenant, de la

décision de la Cour ou de la Chambre sur l’interprétation de la convention contenue dans la

sentence en l’affaire. Cet effet obligatoire n’a pas cependant la même portée, ni le même

fondement juridique que l’effet obligatoire que la décision a pour les parties de l’affaire en

vertu des articles 59 et 60 du Statut (obligation de la décision et force de res judicata de

l’arrêt, respectivement). L’article 63 § 2 ne dit pas que l’arrêt, comme tel, est pour l’Etat

intervenant obligatoire définitif et sans recours. Il dit que « l’interprétation de la convention »,

objet de son intervention, contenue dans la sentence est également obligatoire pour l’Etat

30 Affaire Wimbledon 1923

20

Page 21: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

intervenant ; l’adverbe « également » servant à préciser que l’interprétation de la convention

en question faite par la Cour ou par une de ses Chambres est obligatoire aussi bien pour les

parties en litige que pour l’Etat intervenant. Ainsi pour ce qui est de la forme d’intervention

de l’article 63, il est clair que la décision de la Cour a un effet obligatoire pour l’Etat

intervenant ; cet effet pour l’Etat intervenant est limité à l’interprétation de la convention

contenue dans la sentence, c’est à dire à l’objet de son intervention ; un tel effet obligatoire ne

découle, pour l’Etat intervenant, ni de l’autorité ni de la force de chose jugée que possède

l’arrêt pour les parties, et l’effet obligatoire pour l’Etat intervenant de l’interprétation de la

convention donnée dans l’arrêt, trouve son fondement dans une règle spécifique de

l’institution de l’intervention à savoir, la règle énoncée à l’article 63 du Statut qui établi un

rapport entre l’objet de l’intervention et l’obligation prévue dans l’article. L’article 62 du

Statut ne tranche pas expressément la question de l’effet obligatoire pour l’Etat intervenant,

de la décision de la Cour ou de la Chambre en l’affaire entre les parties. Il n’y a pas dans

l’article 62 de disposition qui fasse pendant à celle du § 2 de l’article 63. Il faut donc avoir

recours à l’interprétation et il faut le faire par rapport à la définition de la forme d’intervention

de l’article 62, de l’intervention partie ou non-partie et de la théorie du « lien juridictionnel »,

comme condition implicite de l’admission d’une intervention sur la base de l’article 62.

Certains juges et divers auteurs semblent toutefois estimer que, malgré le silence du texte, la

décision de la Cour ou de la Chambre sur la question ou sur les questions objet de

l’intervention aurait quand même des effets obligatoires pour l’Etat intervenant. C’est par

exemple la position du juge Oda, dans l’arrêt du différend frontalier terrestre, insulaire et

maritime de 1992 El Salvador / Honduras / Nicaragua ( intervenant )31. M. Oda souscrit

abondamment à la décision de la Chambre d’autoriser le Nicaragua à intervenir dans l’affaire

portée devant la Cour en vertu du compromis du 24 mai 1986 conclu entre Honduras et El

Salvador, mais estime que l’intervention du Nicaragua n’aurait pas dû être limitée à la seule

question du régime juridique des eaux situées à l’intérieure du golfe. A son avis, dès lors que

le Nicaragua a établi qu’il a un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la

décision à rendre en l’espèce, selon lui « il aurait fallu, après l’avoir autorisé à intervenir au

sujet du régime juridique applicable aux eaux situées à l’intérieur du golfe, ne pas exclure

qu’il puisse exprimer son point de vue en temps utile sur toute délimitation entre El Salvador

et le Honduras à l’intérieur et à l’extérieur du golfe ». Et M. Oda, dans une déclaration jointe

conteste la conclusion de la Chambre selon laquelle l’arrêt n’a pas d’effet obligatoire à l’égard

de l’Etat intervenant. M. Oda considère que bien qu’il ne soit pas partie à l’affaire le

31 cité Section 2 § 1

21

Page 22: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Nicaragua sera certainement tenu par l’affaire dans la mesure ou celui-ci porte sur la situation

juridique des espaces maritimes du golfe. Nous savons aujourd’hui que la véritable

intervention de l’article 62 du Statut ne procure pas de base permettant à l’Etat tiers de

demander à la Cour de faire droit aux prétentions qu’il pourrait avoir contre les parties à

l’affaire32. En outre une fois qu’il est devenu « intervenant » sa situation n’est pas celle de

« partie ». De plus une fois définie l’objet de la véritable intervention au sens de l’article 62,

un Etat intervenant au titre dudit article du Statut n’est pas lié par la res judicata de l’arrêt,

comme il ne l’est pas d’ailleurs non plus dans l’hypothèse des interventions de l’article 63.

Dans l’arrêt relatif au différend frontalier terrestre, insulaire et maritime El Salvador /

Honduras ; Nicaragua intervenant. La Chambre fait observer que les conditions dans

lesquelles l’intervention a été autorisée étaient que le Nicaragua ne deviendrait pas partie à

l’instance. La force obligatoire de l’arrêt pour les parties, telle qu’elle est envisagée par

l’article 59 du Statut de la Cour, ne s’étend donc pas au Nicaragua en tant qu’intervenant.

Dans sa requête à fin d’intervention, le Nicaragua a déclaré qu’il « entend reconnaître l’effet

obligatoire de la décision ». Il ressort cependant clairement de la déclaration écrite qu’il a

présentée que le Nicaragua ne s’estime plus tenu de considérer l’arrêt comme ayant pour lui

force obligatoire. S’agissant de l’effet qu’il y a lieu de donner, la Chambre relève que dans

son arrêt du 13 septembre 1990, elle a insisté sur le fait que pour qu’un intervenant devienne

partie, le consentement des parties à l’affaire est indispensable. Elle observe que si un

intervenant devient partie et est donc lié par l’arrêt, il acquiert d’égale façon le droit d’opposer

aux autres parties la force contraignante de l’arrêt. Il convient de préciser qu’ « aucune des

deux parties n’a indiqué d’une manière quelconque qu’elle consentait à ce que le Nicaragua se

voie reconnaître un Statut qui lui permettrait de se prévaloir de l’arrêt, la Chambre conclut

que dans les circonstances de l’espèce, l’arrêt n’a pas autorité de la chose jugée à l’égard du

Nicaragua. Nous pouvons toutefois imaginer que les dispositions relatives à l’intervention

d’un Etat tiers devant la CIJ seraient complétées en s’inspirant d’autres dispositions du droit

international. Par exemple article 31 § 3 du Statut du Tribunal du droit de la mer figurant dans

l’annexe VI à la Convention de Montego Bay de 1982 qui dispose «  si le tribunal fait droit à

la requête, sa décision concernant le différend est obligatoire pour l’Etat intervenant dans la

mesure où elle se rapporte aux points faisant l’objet de l’intervention ». Il faut savoir que

l’avant projet du Comité consultatif de juristes33, proclama la force de chose jugée des arrêts

de la Cour (article 60 du Statut), mais sans indiquer expressément auquel s’appliquerait un tel

32 Arrêt précité, affaire du Plateau continental Tuniso-Libyen / Malte intervenant33 CPIJ, Comité consultatif de juristes, Procès verbaux des Séances du Comité p. 650

22

Page 23: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

effet. Cela dit certains juges comme Santiago Torres Bernardez34, pensent que pour éviter

d’éventuelles ambiguïtés tant pour l’intervenant de l’article 62 que pour les parties, il est a

conseiller qu’à l’avenir la Cour elle même explicite, dans l’arrêt sur la requête à fin

d’intervention, l’effet obligatoire découlant de l’institution de l’intervention qu’aura, pour

l’Etat intervenant, la décision contenue dans l’arrêt, en précisant la portée d’un tel effet.

L’arrêt de la Chambre de 1990 sur la requête à fin d’intervention du Nicaragua ne l’a pas fait.

La nature in rem du régime juridique des eaux du golfe de Fonseca et d’autres circonstances

de l’affaire atténuent en l’espèce la portée de ce silence de l’arrêt qui autorisa une intervention

limitée du Nicaragua. Il en va de même concernant l’intervention de la Guinée équatoriale

dans l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria35, déjà citée.

Le 22 octobre 1999 la Cour autorise la Guinée équatoriale dans l’affaire mais n’a pas explicité

l’effet obligatoire et la portée de la décision contenue dans l’arrêt, découlant de l’institution de

l’intervention pour la Guinée équatoriale. D’après le § 2 de l’article 62, la Cour décide, et elle

peut le faire en entourant l’autorisation de l’intervention des considérations et des conditions,

compatibles avec l’article 62, qu’elle estime nécessaire. Il est donc parfaitement possible de

préciser, dans l’arrêt autorisant l’intervention, l’effet obligatoire qu’aura la décision contenue

dans l’arrêt pour l’Etat intervenant, ainsi que la portée de tel effet en l’espèce. En somme pour

certains auteur, dont Santiago Torres Bernardez, l’arrêt rendu en l’affaire entre les parties en

litige n’a pas autorité et/ou force de chose jugée pour l’Etat intervenant en vertu de l’article 62

( comme il ne l’a pas non plus pour l’Etat intervenant en vertu de l’article 63 ), mais cela ne

veut pas dire que la décision de la Cour ou de la Chambre contenue dans l’arrêt n’a pas d’effet

obligatoire pour l’Etat intervenant, en ce qui concerne l’objet autorisé de son intervention. La

décision pertinente contenue dans l’arrêt lui est opposable dans ses relations avec les parties

de l’affaire. De plus si une telle modalité d’intervention ne comptait que des droits pour

l’intervention, l’équilibre dans les rapports entre celui-ci et les parties à l’affaire disparaîtrait.

L’Etat intervenant pourrait alors influencer la décision de la Cour sans contrepartie à sa

charge. Enfin on peut dire que reconnaître l’effet obligatoire de la décision, pour

l’intervention au titre de l’article 62 du Statut de la Cour ne peut que faciliter l’admission des

requête à fin d’intervention des Etats tiers.

Mais pour que l’arrêt de la Cour produise tous ces effets la Cour va recourir à des moyens

d’intervention à l’égard des parties et des tiers.

34 Académie de droit International de la Haye /1995 N°24835 Requête introducive d’instance du 29 mars 1994 / Requête à fin d’intervention de la Guinée équatoriale le 30 juin 1999

23

Page 24: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

CHAPITRE 2 : LES MOYENS DE REGLEMENT PAR LA CIJ, DES

DIFFERENDS ETATIQUES CAUSES PAR LES

ACTIVITES MARITIMES

La CIJ pour le règlement des litiges dispose de « moyens propres » définis dans son Statut.

Il en est ainsi de la coutume (Section 1) qui est expressément consacrée comme étant une

source de droit international posée à l’article 38 du Statut, mais la Cour emploi fort rarement

le mot coutume elle préfère souvent utiliser des expressions analogiques du type « droit

commun », « droit d’intérêt général », voire « principe du droit international. L’équité joue

également un rôle important dans la jurisprudence de la Cour de la Haye (Section 2) et ce

principe est d’ailleurs consacré à l’article 38 §2 du Statut qui dispose que la Cour peut statuer

ex æquo et bono. Il faut toutefois préciser que l’article 38 du Statut fait aussi référence aux

principes généraux de droit, cependant la CPIJ et la CIJ ont eu rarement recours à ces

principes et ne les ont jamais visés formellement (essentiellement dans le domaine des conflits

maritimes), c’est pourquoi l’étude de ces principes ne sera pas envisagée dans ce chapitre.

SECTION 1 : LE RECOURS A LA COUTUME PAR LA CIJ

En droit international la coutume a toujours tenu une place plus importante qu’en droit

interne. La raison en est simple et elle s’explique par le fait que dans l’ordre international il

n’existe pas, comme dans l’ordre interne, de législateur centralisé. En droit interne la coutume

recule devant la loi tandis qu’en droit international elle plie devant le traité, l’accord ou l’acte

unilatéral. Mais on rencontre la coutume encore aujourd’hui dans des domaines où le droit a

besoin de souplesse car le droit écrit ne peut être toujours modifié pour suivre toutes les

nécessités du moment, il est d’ailleurs très difficile de le modifier, alors que la coutume

permet d’introduire un élément de souplesse, c’est pourquoi au niveau international et en

particulier la CIJ a recours à cette norme non écrite qui sert d’élément de souplesse dans les

conflits étatiques. Traditionnellement, deux fondements ont été donnés à la coutume en droit

international et la CIJ les a consacrés l’un et l’autre. La première conception correspond au

rôle du droit non écrit dans une société internationale inter-étatique dominée par le

conventionnalisme. La deuxième illustre la naissance et le développement du phénomène

24

Page 25: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

coutumier dans le cadre de la société transnationale. La coutume est donc tantôt considérée

comme une sorte  « d’accord ou de traité implicite  entre les Etats »36, tantôt comme étant le 

« produit des nécessités de la vie internationale »37. Ainsi, il existe une conception subjective

et une conception objective de la coutume (§1), mais pour que le juge relève la présence d’une

règle coutumière encore faut-il être en présence des éléments constitutifs la caractérisant (§2),

dans ce cas elle pourra pleinement jouer son rôle (§3).

§ 1   : la conception subjective et objective de la coutume

1. Concernant la conception subjective, on peut dire qu‘elle affirme qu’il ne saurait y avoir de

droit international en dehors de la manifestation de volonté des Etats, « le droit international

n’est que le produit du consentement des Etats »38 . Cette conception fût consacrée par la CIJ,

en premier lieu dans l’affaire du « Lotus »39 précitée, qui fût soumise à la CPIJ par un

compromis spécial, conclu entre la France et la Turquie , à la suite de l’abordage en haute mer

entre un navire français et un navire turc. Dans cette affaire la Cour considéra que la notion de

coutume était conçue comme étant un accord tacite entre Etats. Pour la Cour « le droit

international régit les rapports entre Etats indépendants. Les règles de droit liant les Etats

procèdent donc de la volonté de ceux-ci », volonté manifesté dans des conventions ou dans

des usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue

de gérer la coexistence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts

communs. La Cour a confirmé sa position dans l’affaire du Plateau continental de la mer du

Nord40, déjà citée. Le différend soumis à la Cour le 20 février 1967, portait sur la délimitation

du plateau continental de la mer du Nord entre la République fédéral d’Allemagne et le

Danemark d’une part, et la République fédérale d’Allemagne et les Pays-Bas de l’autre. Les

parties avaient demandé à la Cour de dire quels sont les principes et règles de droit

internationales applicables et elles se sont engagées à procéder ensuite aux délimitations sur

cette base. Le Danemark et les Pays-Bas souhaitaient que le prolongement s’effectue d’après

le principe de l’équidistance défini à l’article 6 de la Convention de Genève de 1958 sur le

plateau continental. Mais la Cour, dans son arrêt, va considérer que « le principe de

l’équidistance ne constitue pas une règle de droit international coutumier ». Dans cet arrêt,

36, 36, 37 Dominique Carreau, «  Droit International », 1999.38 CPIJ 7 septembre 19273739 Rec. CIJ 196938

39

40

25

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contrairement à la thèse du Danemark et des Pays-Bas, la Cour considéra que le principe de

l’équidistance, tel qu’il est énoncé à l’article 6 de la Convention de Genève, n’a pas été

proposé par la Commission du droit international au titre de règles de droit international

coutumier en voie de formation. Pour la Cour, cela est confirmé par le fait que tout Etat peut

formuler des réserves à l’article 6 de la Convention (à la différence des articles 1, 2 et 3 au

moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion). La Cour poursuit en précisant «

s’il est vrai qu’une participation très large est représentative à une Convention puisse prouver

qu’une règle conventionnelle est devenue règle générale de droit international, en l’espèce le

nombre de ratifications et d’adhésions obtenu jusqu’à présent n’est pas satisfaisant »… « de

plus certes, a été cité au cours de la procédure une quinzaine de cas où les Etats intéressés sont

convenus de déterminer, ou ont effectivement déterminé, des limites de plateau continental

selon le principe de l’équidistance, mais rien ne prouve qu’ils l’aient fait parce qu’ils se sont

senti tenus par une règle de droit coutumier de délimiter selon cette méthode. Les exemples

cités ne sont pas décisifs et ne suffisent pas à établir une pratique constante ». La Cour conclut

enfin en précisant que la Convention de Genève « n’a été, ni dans ses origines ni dans ses

prémisses, déclaratoire d’une règle de droit international coutumier imposant l’emploi du

principe de l’équidistance, qu’elle n’a pas par ses effets ultérieurs abouti à la formation d’une

règle et que la pratique des Etats jusqu’à ce jour a été insuffisante à cette fin41 ». La Cour dans

cette affaire posa l’idée qu’une majorité représentative d’Etats suffise pour créer une coutume

et n’imposa pas l’accord de tous pour qu’il y ait formation d’une règle coutumière. Mais une

telle conception ne rend pas pleinement compte de la réalité internationale, car selon ce

raisonnement il ne saurait y avoir de règles coutumières opposées à un Etat sans preuve de

son consentement. Par conséquent une coutume pour se voir reconnaître un caractère

universel devrait avoir été reconnue par tous les membres de la communauté internationale.

On s’aperçoit que la CIJ ne va pas dans ce sens, elle atténue la conception subjective, pour

prouver l’existence de coutumes.

2. Concernant la conception objective, nous pouvons souligner que la société internationale se

diversifie de plus en plus, si bien qu’à côté des Etats sont apparus d’autres sujets de droit

international (Organisations Internationales…). Ces nouveaux sujets contribuent au

développement des règles coutumières, ils créent des coutumes dans des secteurs nouveaux où

les Etats ne désirent pas ou ne peuvent pas intervenir par la voie formelle du traité. Si bien

qu’aujourd’hui apparaît de nouvelles techniques d’élaboration du droit international qui

41 Rec. CIJ 1969, § 78, 79, 80

26

Page 27: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

développe le droit coutumier. Ainsi, en matière coutumière, on ne raisonne plus en termes de

siècles ou de demi-siècle pour prouver l’existence continue d’une règle coutumière. A ce sujet

la CIJ, dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (1969), précitée, a estimé

que : « le fait qu’il ne soit écoulé qu’un bref laps de temps ne constitue pas nécessairement en

soi un empêchement à la formation d’une règle nouvelle de droit international coutumier à

partir d’une règle purement conventionnelle à l’origine »42. Dans cette affaire il convient

d’insister sur l’élément temps. En effet la Convention de Genève sur le plateau continental a

été signée en 1958, et elle est entrée en vigueur en 1964, alors que l’instance a été introduite

en 1967. Donc au moment ou il a été soutenu, par le Danemark et le Pays-Bas devant la CIJ,

que certaines des dispositions de cette Convention auraient valeur coutumière, il s’était écoulé

une durée inférieure à dix ans. Cette durée n’a pas semblée à la Cour être un obstacle pour

qu’il y ait possibilité de formation d’une règle coutumière. La CIJ a considéré qu’une règle

coutumière se constitue sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord de tous les Etats ou

membres et ne nécessite pas non plus une durée extrêmement longue. On trouve d’ailleurs, un

grand nombre d’exemples de coutumes qui se sont créées rapidement par approbation des

membres les plus représentatifs de la communauté internationale.

Mais pour que le juge relève la coutume et puisse ainsi l’appliquer encore faut-il être en

présence des éléments constitutifs la caractérisant.

§ 2   : Les éléments constitutifs de la coutume

L’article 38 du Statut de la CIJ dispose « la Cour…applique…la coutume internationale

comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit »43.Mais pour cela il

faut que deux conditions soient réunies. Tout d’abords un élément matériel (preuve d’une

pratique général) et d’autre part un élément dit « psychologique »44 ( la règle doit avoir été

reconnue par l’Etat comme étant de nature obligatoire).

1. Concernant l’élément matériel : la preuve de la pratique des Etats réside dans les traités

qu’ils ont pu conclure. C’est ainsi que la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités

dispose dans son article 36 : « qu’une règle énoncée dans un traité devient obligatoire pour un

Etat tiers en tant que règle coutumière de droit international reconnue comme telle  ». Donc

42 Rec. CIJ 1969, N° 7443 cf, Annexe I44 Dominique Carreau, « Droit International », 1999

27

Page 28: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

une norme conventionnelle insérée dans un traité international peut se voir reconnaître une

valeur coutumière en fonction de la pratique des Etats. Telle était d’ailleurs la question

centrale posée devant la CIJ dans l’affaire, souvent citée, du Plateau continental de la mer du

Nord de 1969. Il s’agissait, en l’espèce de déterminer si la technique de l’équidistance pour la

délimitation de plateaux continentaux contigus, posée à l’article 6 de la Convention de

Genève de 1958 sur le plateau continental, était devenue une règle coutumière et donc une

règle obligatoire du droit international à l’égard d’un pays tiers non adhérent à la dite

Convention (en l’espèce la République Fédérale d’Allemagne). La Cour n’a pas considéré être

en présence d’une règle coutumière pour les motifs cités précédemment45. De plus pour être

en présence d’une règle coutumière il doit y avoir une certaine fréquence de comportements

identiques de la part des acteurs de la société internationale et une certaine généralité de cette

pratique. Ces éléments ont d’ailleurs, toujours été considérés comme nécessaires par la CIJ et

on peut citer quelques exemples, dans le domaine maritime. Dans l’affaire des pêcheries entre

la Grande Bretagne et la Norvège du 18 décembre 195146. En l’espèce à la suite d’une plainte

du roi du Danemark et de Norvège, la Grande Bretagne s’était abstenue de venir pêcher à

proximité des côtes norvégiennes de 1620 à 1906, mais après la seconde guerre mondiale les

chalutiers britanniques revinrent pêcher sur les cotes norvégiennes. Les autorités norvégiennes

promulguèrent un décret délimitant les zones de pêches norvégiennes, mais les incidents se

multiplièrent donnant lieu à des saisies et des condamnations, ce qui poussa le Royaume Uni à

introduire une requête devant la CIJ sur la validité en droit international des lignes de

délimitation de la zone de pêche norvégienne tracées par le décret royal. La Cour va

considérer que la méthode employée pour la délimitation de la zone de pêche par le décret

royal n’est pas contraire au droit international et pour cela la Cour fait référence à une

« pratique constante et suffisamment longue ». On voit bien dans cette affaire que la Cour

s’appuie sur ces éléments classiques de fréquence et de généralité de la pratique pour

considérer que c’est une règle coutumière. D’autres exemples d’arrêt de la CIJ, en matière

maritime, montre sa position. L’affaire du Plateau continental de la mer du Nord de 1969,

précitée, ou la CIJ à plusieurs reprises fait allusion « à la pratique constante et à la fréquence

des actes en cause, à la pratique fréquente et uniforme des Etats47 ». Mais il faut préciser

qu’une coutume générale est opposable à tous les Etats même si aucun précédent de leur part

ne peut être prouvé. La Cour l’a admis dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord

de 1969, afin de déterminer si «  une règle conventionnelle pouvait être considérée comme

45 cf, Partie I, Section 2, § 146 Rec.CIJ, 195147 Rec. CIJ 1969, N°74, 77

28

Page 29: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

étant devenue une règle générale de droit international, il faut qu’il y ait une participation très

large et représentative, il faut la présence des Etats particulièrement intéressés48 ».

2. Concernant l’élément psychologique : on est ici en présence d’un  principe selon lequel la

règle non écrite respectée par un Etat doit avoir été reconnue par lui comme étant de nature

obligatoire, cette reconnaissance implique ainsi l’absence d’objection de la part d’Etats tiers

qui peuvent s’opposer à la formation d’une règle de type coutumier.

Mais pour prouver que l’existence d’un certain comportement des Etats est insuffisante pour

rétablir la présence d’une coutume, il faut démontrer la « motivation » de ce comportement.

Par conséquent il faut prouver que si les Etats ont agi de la sorte, c’est parce qu’ils avaient le

sentiment qu’ils devaient agir comme ils l’ont fait. Il s’agit là d’une conception traditionnelle

de la coutume que la CPIJ et la CIJ ont toujours consacrée. A cet effet, on peut mentionner

deux affaires, souvent citées. La première est celle du « Lotus » de 192749 et la seconde est

celle du Plateau continental de la mer du Nord de 1969. Dans l’affaire du « Lotus », le

gouvernement français avait soutenu devant la CPIJ, qu’à la suite de l’abordage en haute mer

entre un navire français et un navire turc, des poursuites pénales ne pouvaient avoir lieu que

devant les tribunaux de l’Etat du pavillon, en l’espèce cela impliquait que seule la France

avait compétence pour engager des poursuites pénales à l’encontre des marins responsables

car elle était l’Etat du pavillon du navire qui avait abordé le bâtiment turc. La France estimait

que cette compétence de l’Etat du pavillon avait son origine dans une règle coutumière.

Devant la Cour l’agent du gouvernement français montra que les  juridictions des tribunaux

du pays victime de l’abordage n’avaient pas, en général, connu de ce type de poursuite et

devant la très grande rareté de ces cas, l’agent du gouvernement français estimait qu’il y avait

là la preuve d’un consentement tacite des Etats et ainsi l’expression du droit international

positif en matière d’abordage. La Cour refusa cette argumentation en ces termes « de l’avis de

la Cour, cette conclusion n’est pas fondée, même si la rareté des décisions judiciaires que l’on

peut trouver dans des recueils de jurisprudence était une preuve suffisante du fait invoqué par

l’agent du gouvernement français, il en résulterait simplement que les Etats se sont souvent

abstenus en fait d’exercer des poursuites pénales et non qu’ils se reconnaissent obliger de ce

fait. Or c’est seulement si l’abstention était motivée par la conscience d’un devoir de

s’abstenir que l’on pourrait parler de coutume internationale. Le fait allégué ne permet pas de

conclure que les Etats aient été conscients de pareil devoir. Par contre, il y a d’autres

48 Rec. CIJ 1969, N°7349 cf, Partie I, Chapitre 1, section1.

29

Page 30: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

circonstances qui sont de nature à persuader du contraire »50. On voit donc dans cet arrêt que

la Cour de la Haye ne s’est pas contentée d’examiner l’élément matériel de la coutume

(l’abstention des Etats), mais a essayé de voir si cette abstention était motivée par le sentiment

que les Etats avaient été obligés d’agir de la sorte. Et en l’espèce la Cour estima que la France

n’était pas parvenue à rapporter la preuve de cette « motivation ». Dans l’affaire du Plateau

continental de la mer du Nord de 1969, la Cour insista sur la nécessaire présence des deux

composantes de la règle coutumière à savoir l’élément matériel et l’élément psychologique.

En ce qui concerne la situation juridique des Etats non parties à la Convention de Genève de

1958 sur le plateau continental, il s’agissait de savoir si certains aspects de cette Convention

avaient valeur coutumière et donc obligatoire à l’égard des Etats qui n’avaient pas signé cette

Convention ou qui, l’ayant fait, ne l’avait pas ratifié et n’y avaient pas adhéré par la suite.

Pour que cette Convention possède une valeur coutumière la Cour nota que « deux conditions

doivent être remplies : non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique

constante, mais ils doivent aussi témoigner par leur nature ou la manière dont ils sont

accomplis, de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l’existence d’une

règle de droit. La nécessité de pareille conviction, c’est à dire l’existence d’un élément

subjectif, est implicite dans la notion même d’opinio juris sive necessitatis. La Cour conclut

que les Etats intéressés doivent avoir le sentiment de se conformer à ce qui équivaut à une

obligation juridique »51. Par conséquent il faut prouver que cette abstention est le fruit de la

volonté des Etats en raison d’un sentiment d’être obligé de s’abstenir et il faut démontrer que

cette action déterminée de l’Etat résulte de sa volonté de respecter une règle qu’ils considèrent

comme obligatoire. On voit également que « l’élément psychologique » est apprécié au regard

du comportement des Etats tiers. On peut citer en ce sens, l’affaire des pêcheries de 1951, qui

opposa la Grande Bretagne à la Norvège devant la CIJ, citée précédemment. Dans cette

affaire la Cour nota que la pratique norvégienne de délimitation de ses eaux territoriales avait

été confortée par « l’attitude des gouvernements » dans la mesure où ceux-ci en s’abstenant de

protester, n’avaient pas considéré cette méthode comme étant contraire au droit international.

Il en est de même dans l ‘affaire du Plateau continental Jamahiriya arabe Libyenne contre

Malte du 3 juin 1985, la Cour a rappelé « que la substance du droit international coutumier

doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’ opinio juris des Etats52 ».

En conséquence la présence de ces deux éléments est essentiels pour prouver l’existence

d’une règle coutumière et la CIJ se base uniquement sur ce principe, si bien que lorsqu’il y a

50 Ser, A. n° 10 , p. 1851 Rec. CIJ 1969, § 77.52 Rec. CIJ 1985, § 26-35

30

Page 31: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

absence de ces deux composantes (qui doivent être cumulative) la Cour de la Haye rejette

l’existence d’une coutume, il en était ainsi dans l’affaire du « Lotus » de 1927, déjà citée, car

la Cour estima que la compétence pénale exclusive de l’Etat du pavillon, à la suite d’un

abordage en mer, n’était pas une règle coutumière, il faut toutefois préciser que depuis la

signature de la Convention de Bruxelles de 1952, il est prévu qu’en cas d’abordage, la

compétence pénale est celle de l’Etat du pavillon ce qui va à l’encontre de la décision de la

CPIJ dans cette affaire.

Ainsi une fois établit la coutume va pouvoir avoir un rôle en tant que moyen de règlement des

différends.

§3   : Le rôle de la coutume

La coutume a des fonctions très diverses, mais la CIJ en a essentiellement recours dans les

litiges entre Etats. Elle permet de s’adapter aux besoins des Etats, elle joue aussi un rôle de

stabilisation de la règle de droit, mais elle apparaît surtout comme un élément important de la

modification rapide des règles de droits antérieurs et est susceptible de combler les lacunes du

droit conventionnel. Il faut préciser que la Cour de la Haye a affirmé avec force l’universalité

de la règle coutumière dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord de 1969,

souvent citée. La Cour souligna que « dans le cas de règles et d’obligations de droit général

ou coutumier qui, par nature, doivent s’appliquer dans des conditions égales à tous les

membres de la communauté internationale, ne peuvent donc être subordonnées à un droit

d‘exclusion exercé unilatéralement et à la volonté par l’un quelconque des membres de la

communauté à son propre avantage53 ». En l’espèce la CIJ nota que la règle d’équidistance

contenue dans la Convention de Genève de 1958 sur le plateau continental était formulée dans

l’un des articles (article 6), sur lesquels les parties contractantes avaient la faculté de présenter

des réserves au moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion. Cette possibilité

d’introduire des réserves à cette règle d’équidistance a été un élément très important dans le

raisonnement de la Cour pour en apprécier la nature juridique. En effet pour la Cour, s’il est

possible d’apporter des réserves à cette technique de l’équidistance, c’est bien dire que les

parties contractantes ne l’ont pas considérée comme une règle à portée générale coutumière à

laquelle il serait interdit de déroger, en raison de son caractère fondamental. La Cour nota que

53 Rec. CIJ 1969, N°63

31

Page 32: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

cette Convention de Genève excluait la possibilité de réserves sur un certain nombre d’articles

(article 1 à 3). De plus la Cour souligna que « ces trois articles sont ceux que l’on a

manifestement considérés comme consacrant ou cristallisant des règles de droit international

coutumier relatives au plateau continental, règles établies, ou en voie de formation, visant

notamment la question de l’étendue du plateau continental vers le large, le caractère juridique

du titre de l’Etat riverain, la nature des droits pouvant être exercés, le genre de ressources

naturelles sur lesquelles portent ces droits, le maintien du régime juridique des eaux sur-

jacentes au plateau continental en tant que haute mer, le maintien du régime juridique de

l’espace aérien situé au-dessus de ces eaux54. ». Autrement dit dans cette Convention (comme

dans d’autres Conventions internationales), pour examiner les règles qui sont susceptible de

pouvoir être qualifiées de coutumière, il faut faire la distinction entre celles qui peuvent faire

l’objet de réserves et celles qui ne le peuvent pas, seules les secondes peuvent éventuellement

entrer dans la catégorie des règles coutumières. Il est important de poursuivre en relevant que

la coutume est un important facteur de stabilisation de la règle de droit, c’est en ce sens que la

CIJ a recours à cet élément. Le droit international, à l’origine, a été presque essentiellement de

type coutumier et la coutume a même bien souvent précédé le traité. Ainsi de nombreuses

conférences de codification, notamment en matière maritime, ont précisé ces règles

coutumières. A ce titre, nous pouvons mentionner la Conférence de 1958 sur le droit de la

mer, où encore en 1974 la deuxième Conférence sur le doit de la mer qui a aboutit à la

signature de la Convention de Montego bay en décembre 1982. La CIJ a recours à la coutume

en tant que moyen de stabilisation du droit et il ne faut pas oublier que certaines des règles

conventionnelles adoptées dans ces conférences de codification peuvent recevoir par la suite

la sanction de la règle coutumière si la pratique des Etats va en ce sens. D’ailleurs tel était

l’essentiel du débat placé devant la CIJ dans l’affaire du Plateau continental de la mer du

Nord de 1969. Enfin le recours à la coutume se justifie dans la mesure ou la coutume permet

de combler les lacunes du droit écrit et souvent allant jusqu’à modifier la règle de droit. Cette

fonction de la coutume est le fait de trois facteurs : d’abord un facteur politique, s’expliquant

par le désir des pays du tiers-monde de promouvoir un nouvel ordre juridique international

qui leur soit plus favorable et qui transforme les règles anciennes. Ensuite un facteur juridique

et social, à savoir l’accélération de l’histoire qui entraîne également, et cela a été reconnu par

la CIJ dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord de 1969, une accélération

correspondante du processus de formation de la coutume. On peut noter que cette accélération

de la coutume a été confirmée dans l’affaire des pêcheries islandaises de 1974 où la Cour a

54 Rec. CIJ 1969, § 63

32

Page 33: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

reconnu la notion de « droits préférentiels des Etats riverains pour les pays ou territoires se

trouvant dans une situation de dépendance spéciale à l’égard de leurs pêcheries côtières 55 ».

La Cour dans cette affaire a estimé qu’il y avait là une règle coutumière et celle-ci avait pu

voir le jour en une dizaine d’années à peu prés56. Enfin le facteur technique, il s’agit là de la

contribution des organisations internationales à l’élaboration plus rapide des règles

coutumières par le biais de leur résolution ou par le moyen de leurs actes unilatéraux. Nous

pouvons préciser qu’en matière de droit de la mer la notion de « zone économique exclusive »

de 200 milles où les Etats riverains ont des droits prioritaires pour l’exploitation des

ressources de la mer et de son sous-sol. Cette notion a été lancée dans le début des années

1970 et a reçu la sanction coutumière 6 ans plus tard lorsque tous les Etats l’ont adopté et

l’ont mise en œuvre. Toujours en ce qui concerne le droit de la mer, la consécration à 12

milles, la norme internationale de 12 milles nautiques de la largeur de la mer territoriale

consacré dans la Convention de Montego Bay de 1982 a rapidement revêtu une valeur

coutumière. Sur ce point l’affaire de la délimitation maritime entre Qatar et Bahreïn du 16

mars 2001 est intéressante, en effet dans cet arrêt la Cour note que les parties ne sont pas

parties à la Convention de Genève sur le droit de la mer du 29 avril 1958, Bahreïn a ratifié la

Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, mais Qatar l’a

seulement signée. En conséquence la Cour indique que c’est le « droit international coutumier

qui est le droit applicable. Cela étant les deux parties reconnaissent que la plupart des

dispositions de la Convention de 1982, qui sont pertinentes en l’espèce reflètent le droit

coutumier »57.

On constate que la coutume en tant que source de droit est pleinement consacrée par la Cour,

toutefois ce n’est pas la seule source dont la Cour s’appuie, il en est ainsi pour l’équité qui

apparaît comme étant une source de droit internationale mais aussi comme un moyen

d’interprétation des règles du droit.

SECTION 2 : LE RECOURS A L’EQUITE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA CIJ

Le rôle de l’équité a été formellement admis par l’article 38 alinéa 2, du Statut de la CIJ. C’est

ici accorder un très grand rôle au juge car il pourra écarter une règle de droit positif dont

l’application à l’affaire litigieuse pourrait être inéquitable, mais il peut également combler une

55 Rec. CIJ 1974, § 5856 Rec. CIJ 1974, § 55 à5857 Rec. CIJ 1991, N°174

33

Page 34: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

lacune de droit international, il peut enfin s’appuyer davantage sur les faits que sur le droit

positif afin d’atteindre un résultat équitable compte tenu de l’intérêt des parties en cause. En

raison de ces très larges pouvoirs du juge statuant ex æquo et bono  il est nécessaire d’obtenir

le consentement exprès des parties pour que le juge puisse agir en ce sens. Or on constate que

jamais dans l’histoire de la CIJ ou de la CPIJ les juges de la Haye ont été appelés à statuer ex

æquo et bono. L’équité apparaît alors devant la CIJ plutôt comme un mode d’interprétation

des règles du droit international, en ce sens que la règle de droit doit être équitable, elle doit

être interprétée de façon équitable, et on s’aperçoit que le recours à l’équité dans la

jurisprudence de la Cour de la Haye, depuis une quinzaine d’années est assez fréquent, si bien

que la CIJ accorde aujourd’hui une place importante à cette notion d’équité, ainsi on

procèdera dans cette étude à l’examen des décisions en notant leur évolution.

§ 1   : L’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (1969) et l’affaire des pêcheries

islandaises (1974)

1. Dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord de 1969 qui opposa d’une part le

Danemark à la République fédérale d’Allemagne et d’autre part la République fédérale

d’Allemagne au Pays-Bas, la Cour était amenée à déterminer quels étaient les principes et

règles de droit international applicable à la détermination des zones du plateau continental en

cause. La Cour précise que sa tâche est de délimiter et non de répartir les espaces visés ou les

diviser en secteurs convergents. La Cour va reconnaître que «  la délimitation des plateaux

continentaux contigus des Etats dans la mer du Nord doit s’effectuer sur des principes

équitables et qu’il faut tenir compte des circonstances spéciales58 ». La Cour va ensuite

rappeler que conformément à l’ opinio juris en matière de délimitation, il faut que celle-ci

fasse l’objet d’un accord entre des Etats intéressés et que cet accord doit se réaliser selon des

principes équitables. Elle précise en conséquence que les parties sont tenues d’une part

d’engager une négociation en vue de réaliser un accord, et elles ont l’obligation de se

comporter de telle manière que la négociation ait un sens, et d’autre part les parties doivent

agir de telle sorte que, dans le cas d’espèce, des principes équitables soient appliqués (ce qui

diffère d’un jugement rendu ex æquo et bono). La Cour ensuite se consacra à l’application de

cette notion d’équité aux cas pratiques qui lui étaient soumis, elle nota que l’application de la

méthode de l’équidistance peut créer une in équité dans certaines conditions géographiques,

« en conséquence on ne pourra utiliser cette méthode, rien n’empêchant par ailleurs l’emploi

58 Rec. CIJ 1969, N°55

34

Page 35: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

concurrent de plusieurs méthodes pourvu que l’on aboutisse à un résultat équitable59 ». La

Cour ajouta que «  l’équité n’implique pas nécessairement l’égalité60 », ici en effet une

inéquité serait créée entre les divers Etats riverains si l’on appliquait une même méthode

réalisant une égalité qui serait purement théorique. La CIJ précisa ce qu’il fallait entendre par

« principes équitables » en l’espèce. Selon la Cour : « il s’agit là, sur la base de préceptes très

généraux de justice et de bonne foi, de véritables règles de droit en matière de délimitation des

plateaux continentaux limitrophes, c’est à dire des règles obligatoires pour les Etats pour

toutes les délimitations. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’appliquer l’équité simplement

comme une représentation de la justice abstraite, mais d’appliquer une règle de droit

prescrivant le recours à des principes équitables conformément aux idées qui ont toujours

inspiré le développement du régime juridique du plateau continental en la matière61 ». Il faut

noter ici, que pour la Cour il s’agit de principes très généraux qui sont en même temps de

véritables règles de droit « mais qui ne constituent pas une sorte de droit naturel62 ». Dans

cette affaire la Cour devait revenir sur la notion d’équité et noter que « les décisions du juge

doivent par définition être justes, donc en ce sens équitables63 ». Il ne s’agit donc pas là d’une

situation où le juge est amené à statuer ex æquo et bono. Enfin tout en laissant le choix des

moyens aux parties, la Cour indique quelques possibilités d’application du principe d’équité,

« les considérations que l’on doit examiner pour s’assurer que l’on va appliquer des procédés

équitables sont sans limite et il sera opportun d’en établir une balance »64. Si bien que pour

arriver à ce qu’elle considérait comme « l’équitable », la Cour prit en considération divers

facteurs qui devaient jouer un rôle cumulatif pour délimiter les plateaux continentaux ;

l’aspect géographique ; l’aspect géologique et l’unité du gisement65 ».

2. L’affaire des pêcheries islandaises entre l’Islande et la Grande Bretagne (25juillet 1974).

En l’espèce le Parlement islandais adopta en 1948 une loi concernant la conservation

scientifique des pêcheries du plateau continental. La loi prévoyait que des zones de

conservation seraient établies, et à l’intérieur de ces zones la pêche serait intégralement

réglementée et contrôlée par les autorités islandaises. En 1952 le gouvernement islandais

instituait en application de cette loi une zone exclusive de pêche d’une largeur de 4 milles

marins. Mais à la suite de la Conférence sur le droit de la mer tenue en 1958, l’Islande

59 Rec. CIJ 1969, N°8960 Rec. CIJ 1969, N°9161 Rec. CIJ 1969, § 8562 Dominique Carreau « Droit International », 199963 Rec. CIJ 1969, N°8864 Rec. CIJ 1969, N°9265 Rec. CIJ 1969, N°92 à 99

35

Page 36: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

annonça un élargissement à 12 milles marins de sa zone de pêche exclusive. Le Royaume

Unis (et l’Allemagne) refusa de reconnaître la validité de cette extension et des incidents

opposèrent des navires britanniques aux autorités islandaises. Après accord entre ces Etats sur

la reconnaissance de l’élargissement à 12 milles marins de la zone de pêche exclusive, en

juillet 1971 le gouvernement islandais annonce un nouvel élargissement à 50 milles marins de

cette zone, et le Royaume Unis et l’Allemagne fédérale contestèrent la validité de ce nouvel

élargissement et saisirent la CIJ. La Cour, dans cet arrêt a souvent insisté sur la nécessité de

régler de «  façon équitable les droits respectifs des parties en litige66 ». En l’espèce

l’importance particulière que présente la pêche côtière pour l’économie islandaise ne fait

aucun doute, mais la République fédérale d’Allemagne a fait valoir que ses navires pêchent

dans les eaux islandaises depuis la fin du siècle dernier et que la perte de ces fonds de pêche

aurait des incidences économiques appréciables. La Cour a reconnu « qu’il n’y avait pas là de

droit absolu67 ». Il fallait donc, pour la CIJ, concilier les « droits préférentiels de l’Etat

riverain », les droits des pays tiers, et les nécessités de la conservation des ressources de la

mer. La méthode la plus propre à résoudre le différend, selon la Cour, est de négocier en vue

de circonscrire les droits et intérêts des parties et de régler de façon équitable des questions

comme la limitation des prises, l’attribution de parts ou les restrictions connexes. L’obligation

de négocier découle de la nature même des droits respectifs des parties et correspond aux

dispositions de la Charte des Nations Unies concernant le règlement pacifique des différends.

La tâche des parties sera de conduire leurs négociations dans un esprit tel que chacune d’elles

doivent, de bonne foi tenir raisonnables, compte des droits de l’autre, de la situation locale et

des intérêts des autres Etats ayant dans la région des droits de pêche bien établis. La Cour

estima que, par conséquent les négociations futures entre les parties devaient parvenir à

une répartition équitable des ressources halieutiques fondée sur les données locales et les

intérêts des Etats tiers ayant des « droits de pêche bien établis 68 ». Selon la Cour « il ne s’agit

pas simplement d’arriver à une solution équitable, mais d’arriver à une solution équitable qui

repose sur le droit applicable », et la Cour va citer l’extrait de son arrêt sur le Plateau

continental de la mer du Nord de 1969 « il ne s’agit pas d’appliquer l’équité simplement

comme une représentation de la justice abstraite, mais d’appliquer une règle de droit

prescrivant le recours à des principes équitables conformément aux idées qui ont toujours

inspiré le développement du régime juridique du plateau continental en la matière69 ». La

Cour ajoutait également « qu’il ne s’agit pas simplement d’appliquer l’équité comme une 66 Rec. CIJ 1974, N°7467 Rec. CIJ 1974, N° 71.68 Rec. CIJ 1974, N°7869 Rec. CIJ 1974, § 85

36

Page 37: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

représentation de la justice abstraite, mais d’appliquer une règle de droit prescrivant le recours

à des principes équitables70 ».

§2   : Affaires de délimitation du plateau continental

1. L’affaire de la délimitation du plateau continental entre la Libye et la Tunisie du 24 février

1982. Dans cette affaire la Cour fut saisie, par voie d’un compromis lui demandant quels

étaient les principes et règles du droit international qui pouvaient être appliqués à la

délimitation du plateau continental entre ces deux Etats. Elle fit dans son arrêt, une place

importante aux principes équitables (dont le compromis lui demandait de tenir compte, sans

pour autant lui conférer le droit de statuer ex æquo bono). Mais la Cour fut très imprécise sur

la définition de ces principes dont elle dit simplement : « l’équité d’un principe doit être

appréciée d’après l’utilité qu’il présente pour aboutir à un résultat équitable. Tous les

principes ne sont pas en soi équitables, c’est l’équité de la solution qui leur confère cette

qualité71 ». Elle eut en outre de grandes difficultés à exprimer concrètement ce que

prescrivaient ces principes équitables ; elle décida que « chaque litige relatif au plateau

continental doit être résolu en fonction des critères qui lui sont propres ; il n’y a donc pas lieu

d’élaborer une construction abstraite au sujet de l’application des principes et règles relatifs au

plateau continental72 ». Le juge Evensen estima, dans son opinion dissidente que la recherche

de la Cour s’était effectuée dans le vide juridique73. Le juge Gros fut d’avis qu’il n’était « pas

apparu au cours de la construction de cet arrêt qu’il s’agisse d’équité74 ». Dans cette décision

la Cour adopte une conception laxiste de l’équité où la frontière avec l’amiable compositeur

apparaît de plus en plus ténue. La règle de droit, par une telle interprétation en équité, reçoit

un contenu incertain. Enfin la Cour tout en prétendant appliquer les principes de délimitation

dégagés en 1969 dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord, nous semble avoir

opéré un revirement de jurisprudence complet, en ce qui concerne le rôle devant être joué par

les principes équitables dans une délimitation.

70Rec. CIJ 1974, N°7871 Rec. CIJ 1982, § 7072 Rec. CIJ 1982, § 13273 Rec. CIJ 1982, p. 29474 Rec. CIJ 1982, p. 153, § 19

37

Page 38: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

2. L’affaire de la délimitation de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine qui

opposa le Canada aux Etats Unis d’Amérique le 12 octobre 198475. Dans cette affaire c’est par

un compromis que le Canada et les Etats Unis ont demandé à la CIJ de fixer la frontière

maritime unique divisant leurs plateaux continentaux et leurs zones de pêche. La Chambre

commence par affirmer la nécessité de délimiter la région du golfe du Maine qui est, d’après

le compromis, la zone géographique concernée par la délimitation. Il est certain ici que cette

« opération » de définition du cadre de référence est cruciale lorsque l’on sait que l’équité de

la délimitation va jouer un rôle déterminant. Ensuite après avoir déclaré que les termes

« règles » et « principes » étaient synonymes, la Chambre expose ce qu’elle considère comme

une distinction essentielle à savoir, la distinction « entre ce qui constitue des principes et

règles de droit international et ce qui serait plutôt des critères équitables et des méthodes

pratiques susceptibles d’être utilisés pour faire en sorte qu’une situation déterminée soit

concrètement réglée en conformité avec les principes et règles en question76 ». La Chambre va

donner, concernant le droit applicable, une définition de ce qu’elle considère comme étant la

norme fondamentale en matière de délimitation maritime, elle précise que « la délimitation

doit être réalisée par l’application de critères équitables et par l’utilisation de méthodes

pratiques aptes à assurer, compte tenu de la configuration géographique de la région et des

autres circonstances pertinentes de l’espèce, un résultat équitable77 ». Mais la Chambre

indique les limites de cette investigation : elle ne fait pas là une recherche juridique, ni les

critères équitables, ni les méthodes pratiques applicables à la délimitation, ne sont des règles

de droit. Autrement dit ni les critères, ni les méthodes ne seront jamais obligatoires pour le

juge, et la Chambre insiste sur ce point : « les critères en question ne sont pas eux-mêmes des

règles de droit et donc d’application obligatoire dans les différentes situations mais des

critères équitables, voire raisonnables et ce que le droit international demande c’est de

s’inspirer, dans chaque cas, du critère ou de l’équilibre entre critères différents apparaissant

comme celui qui convient le mieux à la situation concrète78 ». Après avoir obtenu une ligne de

délimitation, la Chambre va s’assurer que le but assigné par la règle internationale à la

délimitation à savoir, un résultat équitable est bien, atteint. Cette vérification selon la

Chambre, ne s’impose pas pour les deux premiers segments de la délimitation, car «  le

caractère équitable ou non du résultat de l’opération de délimitation que l’on y a exécuté

pourrait difficilement être apprécié par rapport à des paramètres autres que ceux dominants

75 Rec. CIJ 1984, p. 24676 Rec. CIJ 1984, p. 290, § 8077 Rec.CIJ 1984, p. 299, § 11278 Rec.CIJ 1984, p.315, § 158

38

Page 39: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

fournis par la géographie physique et politique des lieux »79, qui sont précisément ceux qui ont

été utilisés. Par contre pour le troisième segment, qui se situe dans la zone du « banc de

Georges », enjeu essentiel du différend, les données fournies par la géographie humaine et

économique peuvent être prises en considération pour apprécier l’équité du résultat obtenu :

serait en effet inéquitable une solution « susceptible d’entraîner des répercussions

catastrophiques pour la subsistance et le développement économique des populations des pays

intéressés80 ». Le juge Schwebel dans son opinion individuelle a estimé que le raisonnement

de la Chambre était correct et que le résultat « n’est pas inéquitable ». il poursuit en précisant

« que les facteurs qui entraînent la différence entre les lignes se prêtent à plus d’une

interprétation plausible en droit et assurément en équité », et affirme que l’ « on peut

s’attendre à ce que des différences de jugement fassent jour quant à l’application de principes

équitables qui parfois ne relèveront peut-être d’aucune conclusion certaine en droit81 ». Le

juge Gros dans son opinion dissidente procède d’abord à une constatation, celle du revirement

de jurisprudence effectué en 1982 dans l ‘arrêt opposant la Tunisie et la Libye, déjà cité,

auquel il ne souscrit pas. Selon lui la Cour tout en prétendant appliquer les principes de

délimitation dégagés en 1969, semble avoir opéré un revirement de jurisprudence complet en

ce qui concerne le rôle devant être joué par les principes équitables dans une délimitation.

Ainsi la position énoncée dans l’arrêt de 1969 du Plateau continental, souvent cité, est

profondément modifiée par la décision de la Cour dans l’affaire du Plateau continental

Tunisie / Libye de 1982. Pour le juge Gros la Chambre dans cet arrêt rejoint l’opinion de la

Cour en 1982 : « selon la jurisprudence de la Cour dans l’arrêt de 1982 tout peut désormais

être pertinent pour arriver à un résultat équitable si les Etats intéressés sont d’accord pour le

soutenir ou si le juge en est convaincu82 ». Les critiques principales adressées par le juge Gros

à l’arrêt sont d’une part de ne pas avoir résolu un certain nombre de questions juridiques, et

d’autre part de ne pas avoir, en posant certains critères précis, atténué le revirement opéré en

1982 et limité l’arbitraire du juge. De plus il constate que la Chambre pour parvenir à une

solution se base sur « l’équité », cependant elle n’a pas défini l’équité « or une solution ne

peut être dite équitable si on ne se réfère pas à un ordre de l’équité ». Une définition est

indispensable car « l’équité ne peut pas être considérée comme une manière d’obtenir à la fois

une égalité, une proportionnalité et une finalité83 ». Mais cette définition le juge Gros sait bien

qu’elle n’est pas facile et c’est bien pour cela que la « CPIJ et la CIJ n’ont jamais décidé

79 Rec.CIJ 1984, p.340, § 23180 Rec.CIJ 1984, p.344, § 24181 Rec.CIJ 1984, p.353-35882 Rec. CIJ 1984, p. 360-39083 Rec. CIJ 1984, p. 383, § 39

39

Page 40: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

directement une affaire sur la base de l’équité jusqu’à l’arrêt de 1969, et il semble que ce soit

dû à la prudence des juges au courant des difficultés du sujet84 ». On s’aperçoit que l’équité

permet au juge d’obtenir une solution au litige, le juge joue un rôle de plus en plus important.

3. Dans une affaire récente, l’affaire de la délimitation maritime entre Qatar et Bahreïn du 16

mars 2001, il s’agissait de différends entre les deux Etats relatifs à la souveraineté sur les îles

Hawar, aux droits souverains sur les hauts fonds de Dibal et de Qit’at Jaradah et à la

délimitation des zones maritimes entre ces deux Etats. La Cour procéda à un examen des

circonstances pour aboutir à un résultat équitable. Elle rappela que dans l’arrêt du Plateau

continental opposant la Libye à Malte de 1985, elle déclara que la méthode de l’équidistance

n’est pas la méthode unique applicable au présent différend et elle ne bénéficie même pas

d’une présomption en sa faveur. Selon le droit actuel il doit donc être démontré que la

méthode de l’équidistance aboutit, dans le cas considéré à un résultat équitable85 ». La Cour

va ensuite répéter ce q’elle a dit dans l’arrêt du plateau continental de la mer du Nord de

1969 : « délimiter d’une manière équitable est une chose mais c’en est une autre que

d’attribuer une part juste et équitable d’une zone non encore délimitée, quand bien même le

résultat des deux opérations serait dans certain cas comparable, voire identique86 ». On

s’aperçoit que la Cour a recours aux critères équitables pour aboutir à une solution « juste » au

litige. C’est une méthode d’interprétation et de conciliation des règles du droit international

applicables à une certaine situation, règles qui permettent d’aboutir à un résultat « juste » pour

les parties en cause, tout en précisant que l’équité ne permet pas au juge de statuer ex æquo

bono et ainsi d’écarter une règle de droit positif « injuste » qu’à la suite de la demande des

parties.

Ainsi la CIJ par son intervention et la résolution des différends étatiques en matière maritime

a pu avoir une influence dans ce domaine, et la portée de son intervention mérite d’être

envisagée.

84 Rec. CIJ 1984, p. 384, § 4085 Rec. CIJ 1985, p.47 § 6386 Rec. CIJ 1969, p. 22 § 18

40

Page 41: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

DEUXIEME PARTIE

LA PORTEE DE L’INTERVENTION DE LA CIJ DANS

LE DOMAINE MARITIME

Cette étude s’effectuera en tenant compte de la portée de l’intervention de la CIJ dans le

règlement des différends relatifs aux conflits maritimes entre Etats ainsi que de l’effet de ces

arrêts. La contribution de la Cour au fonctionnement efficace et avec justice des organisations

internationales dans les divers domaines de leur activité ne sera pas envisagée.

41

Page 42: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

CHAPITRE 1 : LA CONTRIBUTION DE LA COUR DANS LE

DEVELOPPEMENT DU DROIT INTERNATIONAL DE LA MER

La CIJ, organe judiciaire principal des Nations Unies, rend la justice et le fait dans les limites

qui lui ont été assignées. Il ressort d’une analyse de son activité qu’en s’acquittant de sa tâche,

dans le domaine contentieux, qui est de régler les différends d’ordre juridique entre Etats, elle

contribue au développement du droit international. De ce fait on note que plusieurs arrêts de

la Cour ont exercé une influence quant au développement du droit de la mer et aux travaux

des conférences convoquées par l’ONU pour traiter de ce sujet. Ainsi la Cour de la Haye a

apporté des contributions fondamentales d’une part dans le développement des principes et

règles du droit international applicables à des espaces maritimes (Section 1) mais aussi

concernant la délimitation de la mer territoriale et la détermination de la compétence des Etats

sur ce territoire (Section 2).

SECTION 1 : L’APPORT DE LA CIJ DANS LE DEVELOPPEMENT DES PRINCIPES ET

REGLES DU DROIT INTERNATIONAL APPLICABLES AUX ESPACES MARITIMES.

La Cour a pris une part active au développement du droit international applicable aux espaces

maritimes soumis à la juridiction des Etats. Ainsi elle a eu à analyser certains éléments

nouveaux du droit de la mer qu’examinait la troisième Conférence sur le droit de la mer il faut

préciser que ce droit peut être défini comme l’ensemble des règles du droit international qui

déterminent les droits et obligations des Etats en matière d’utilisation et d’exploitation des

espaces maritimes87, et sur ce domaine la Cour à eu une influence importante, en particulier

sur la définition et la délimitation du plateau continental entre Etats dont les côtes sont

adjacentes ou se font face (§1) et sur le plateau continental et la zone de pêche exclusive (§2).

§ 1   : La définition et la délimitation du plateau continental

Le plateau continental est la plate forme sous-marine qui prolonge le continent par une pente

généralement douce88. Cette notion fut affirmée pour la première fois par le Président des

87 Droit Maritime général / Professeur Pierre Bonassies.88 Droit Maritime général / Professeur Pierre Bonassies

42

Page 43: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Etats Unis Truman le 28 septembre 1945 elle a été immédiatement acceptée et consacrée par

la pratique des Etats et au niveau international reconnu en 1958 lors de la conférence de

Genève. Sur ce plateau l’Etat riverain a des droits souverains aux fins de son exploration et de

l’exploitation de ses ressources naturelles et peut exercer ses compétences dans une limite de

200 milles à partir des lignes de base ( si cependant le plateau continental géographique réel

s’étend au delà de la distance de 200 milles la limite du plateau continental peut être reculée

jusqu’à 350 milles). La CIJ a été saisie de plusieurs affaires portant sur la délimitation du

plateau continental entre Etats, c’est dans ce contexte qu’elle a dégagé des principes nouveaux

en ce qui concerne la définition et la délimitation de ce plateau. Ainsi nous pouvons citer un

certain nombre d’arrêts de la Cour. Tout d’abord l’affaire du Plateau continental de la mer du

Nord de 196989. Le différend soumis à la Cour portait sur la délimitation de ce plateau entre la

République fédérale d’Allemagne et le Danemark d’une part et la République fédérale

d’Allemagne et les Pays-Bas de l’autre. Les parties avaient demandé à la Cour de dire quels

sont les principes et règles de droit international applicables et s’engageaient à procéder

ensuite aux délimitations sur cette base. Le Danemark et les Pays-Bas soutenaient que

l’ensemble de la question est régi par une règle obligatoire qu’ils appellent la règle

« équidistance-circonstances spéciales », en s’inspirant des termes de l’article 6 de la

Convention de Genève du 29 avril 1958 sur le plateau continental, ils prétendent que le critère

de rattachement doit être la « proximité » : toutes les parties du plateau continental plus

proche d’Etat riverain que de tout point situé sur la côte d’un autre Etat relèvent du premier

Etat. La République fédérale affirme pour sa part que la véritable règle à appliquer, au moins

dans les circonstances propres à la mer du Nord, est la règle suivant laquelle chacun des Etats

en cause doit obtenir, proportionnellement à la longueur de son front de mer, une part juste et

équitable du plateau continental disponible. La Cour a considéré que même si la proximité

peut être l’un des critères applicables ce n’est pas nécessairement le seul et ce n’est pas parce

qu’elles sont proches de son territoire que des zones sous-marines relèvent d’un Etat. La Cour

poursuit en précisant que le titre que le droit international attribue à l’Etat riverain sur son

plateau continental procède de ce que les zones sous-marines en cause peuvent être

considérées comme faisant véritablement partie de son territoire : « elles sont un

prolongement de ce territoire sous la mer. La notion d’équidistance ne peut manifestement pas

être identifiée à celle de prolongement naturel, car l’emploi de la méthode de l’équidistance a

souvent pour résultat d’attribuer à un Etat des zones prolongeant naturellement le territoire

d’un autre Etat »90. Et la Cour conclue en affirmant que «  la délimitation doit s’opérer par

89 Supra Partie 1 Section 1 et 2.90 Rec. CIJ 1969, § 37 à 59

43

Page 44: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

voie d’accord conformément à des principes équitables et compte tenu de toutes les

circonstances pertinentes de manière à attribuer à chacune des parties la totalité des zones du

plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son territoire sous la mer et

n’empiète pas le prolongement naturel de l’autre »91. On s’aperçoit que la Cour dans cet arrêt

a dégagé le concept de plateau continental comme prolongement naturel du territoire. Mais la

Cour va peu à peu, dans les affaires de plateaux continentaux qui lui sont soumises, s’écarter

de cette conception.

A ce sujet l’affaire du Plateau continental Tunisie / Jamahiriya arabe libyenne du 24 février

1982 en est un exemple. En l’espèce à la suite d’un compromis entre la Tunisie et la Libye la

question de la délimitation entre les plateaux continentaux de ces Etats fut soumise à la CIJ.

La tâche confiée à la Cour était d’énoncer les principes et règles du droit international qui

peuvent être appliqués pour la délimitation du plateau continental et de clarifier les méthodes

pratiques de délimitation. Concernant la notion de plateau continental la Cour rappelle que les

parties prennent comme point de départ la conception avancée par la Cour elle-même dans

l’affaire précitée du Plateau continental de la mer du Nord, bien qu’elles divergent sur les

conséquences devant être tirées de cette conception : les parties ont ainsi « toutes deux insisté

sur une considération qui leur paraissait non seulement toucher à l’essence même de

l’institution du plateau continental, mais constituer en outre un des critères principaux pour la

délimitation du dit plateau »92, à savoir la « conception fondamentale du plateau continental

envisagé comme prolongement naturel du territoire »93. Par contre, les deux Etats s’opposent

sur la délimitation de ce qui constitue « le prolongement naturel » à la base du concept

juridique de plateau continental : pour la Libye, « le prolongement naturel du territoire

terrestre d’un Etat sous la mer, l’unité terrestre de référence est la masse territoriale

continentale »94 ; pour la Tunisie, au contraire, « ce qui importe, c’est le prolongement du

territoire terrestre de chaque Etat et non celui du continent tout entier »95. Cependant dans

cette affaire la Cour présente une nouvelle définition de la notion de plateau continental, qui

s’écarte de celle qu’elle a elle même donnée en 1969, et à laquelle les parties s’étaient

conjointement référées. Commençant par constater que très tôt dans l’évolution de la notion

de plateau continental, s’est opérée une dissociation entre la notion juridique de plateau

continental et la notion physique de prolongement naturel du territoire, et conscient du fait

que c’est elle même qui dans son arrêt de 1969, a opéré une certaine confusion des deux

91 Rec. CIJ 1969, § 83 à 10192 Rec. CIJ 1982, p.43 § 3693 Rec. CIJ 1969, p. 30 § 4094 Rec. CIJ 1982, p. 44 § 4095 Rec. CIJ 1982, p. 45 § 45

44

Page 45: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

notions, elle cherche à nier que son arrêt de 1982 manifeste une divergence par rapport à celui

de 1969, en distinguant le prolongement naturel comme fondement du titre de l’Etat sur une

portion du sol et du sous-sol de la mer, et le prolongement naturel comme facteur de

délimitation : « alors que l’idée de prolongement naturel du territoire terrestre définissait, en

termes très généraux, l’objet physique des droits de l’Etat côtier, elle ne serait pas forcément

suffisante ni même appropriée en elle-même pour préciser l’étendue exacte des droits d’un

Etat par rapport à ceux d’un Etat voisin »96. On s’aperçoit que la notion de prolongement

naturel peut jouer un rôle dans la délimitation quand les circonstances géographiques s’y

prêtent, comme dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord, ou jouer un rôle dans

la définition d’une délimitation équitable, mais ne fournit pas en elle-même un critère de

délimitation. Et c’est dans un examen des récentes tendances du droit international de la mer

que la Cour commence par chercher une méthode nouvelle de délimitation des plateaux

continentaux. Elle étudie ainsi les nouvelles tendances acceptées à la troisième conférence sur

le droit de la mer concernant d’une part la définition du plateau continental et d’autre part sa

délimitation. En ce qui concerne la définition, l’article 76 du projet de convention énonce que

le « plateau continental d’un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de

sa mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet

Etat jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes

de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord

externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure ». La Cour constate alors

que deux critères sont tenus pour la définition du plateau continental : un critère principal, qui

est le prolongement naturel, et un critère secondaire, qui est celui de la distance. Mais la Cour

va les écarter tous deux comme pertinents pour la délimitation du plateau continental. Le

critère du prolongement naturel est donc écarté par la Cour sur la base de la nouvelle

définition qu’elle a présentée. En ce qui concerne la délimitation du plateau continental entre

deux Etats prévue à l’article 83 du projet de convention, la Cour va constater que s’il était fait

référence à l’utilisation de l’équidistance dans le texte de négociation, cette référence avait été

supprimée dans le projet de convention. La Cour va donc considérer que l’équidistance n’est

pas une méthode de délimitation qui résulterait d’une règle obligatoire de droit coutumier

mais simplement une méthode utilisée dans certains accords entre Etats. La Cour va ainsi

délimiter les plateaux continentaux « conformément à des principes équitables en tenant

compte de toutes les circonstances pertinentes ». Elle va donc examiner ces principes

équitables en les séparant de la notion de « prolongement naturel » et va se baser sur des

96 Rec. CIJ 1982, p. 46 § 43

45

Page 46: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

circonstances propres à la région. Cet arrêt marque un premier pas dans l’abandon par la Cour

du concept de plateau continental comme prolongement naturel du territoire utilisé dans

l’arrêt de 1969 dans l’affaire Plateau continental de la mer du Nord, même si la Cour tente de

minimiser cette évolution, en distinguant le prolongement naturel comme fondement du titre

de l’Etat sur une portion du sol et du sous-sol de la mer, et le prolongement naturel comme

facteur de délimitation qu’elle considère inutilisable en l’espèce, les deux Etats ayant plus ou

moins le même prolongement naturel. La Cour va donc finir par rejeter l’utilisation de la

méthode de l’équidistance, celle-ci n’étant pas prise en compte dans ce qui était alors le projet

de convention sur le droit de la mer ( la carte n° 2 présente la décision de la Cour concernant

la délimitation du plateau continental en l’espèce).

PLATEAU CONTINENTAL TUNISO-LIBYEN (Arrêt)

46

Page 47: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Une autre affaire est à mentionner dans cette étude, il s’agit de l’affaire du Plateau

continental opposant le Jamahiriya arabe libyenne à Malte du 3 juin 1985. Dans cet arrêt la

Cour confirme l’évacuation du concept de prolongement naturel qui ne peut être utilisé ni

47

Page 48: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

comme critère de délimitation, ni même comme circonstance pertinente à prendre en

considération dans l’opération de délimitation. Elle confirme également le refus de principe

d’utilisation privilégiée de l’équidistance comme méthode de délimitation. Enfin la Cour

souligne la nécessité de dégager des principes de délimitation d’application générale et s’en

tient à la règle selon laquelle « la délimitation doit s’opérer conformément à des principes

équitables et compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, de manière à aboutir à un

résultat équitable ». Ce résultat équitable a été interprété par la Cour comme signifiant

qu’après délimitation, les plateaux continentaux respectifs devraient être dans une certaine

proportion des longueurs des côtes des Etats. Concernant les circonstances pertinentes elle a

écarté la prise en considération de l’importance de la masse terrestre et de la situation

économique des Etats concernés, mais la Cour n’exclut pas la prise en compte des ressources

contenues dans le plateau continental ni la longueur des côtes ou la longue distance qui les

sépare ni encore l’idée de proportionnalité. Le Juge Valticos se déclare en plein accord avec la

nouvelle conception du plateau continental, il note que le déclin des caractéristiques

physiques du plateau continental qu’entraîne la règle des 200 milles et l’importance accrue

accordée aux éléments géométriques (distance ou adjacente à la mer) ont modifié dans ce sens

la notion de « prolongement naturel », tant qu’on se trouve dans les limites des 200 milles de

chaque côte97. Désormais, la notion de prolongement naturel comme fondement de la

délimitation est nettement écartée, tout comme elle est éliminée de la catégorie des

circonstances pertinentes à prendre en considération aux fins de la délimitation. La Cour elle-

même reconnaît que le droit de la délimitation maritime a évolué et que la Convention de

1982 sur le droit de la mer ne peut être ignorée, c’est dans ces contextes que la Cour a pris une

part active dans le développement des principes nouveaux.

§ 2   : La délimitation du plateau continental et des zones de pêche exclusive ou zone

économique exclusive.

Dès 1945 on constate que plusieurs Etats d’Amérique du Sud, pour se protéger des actions de

la marine de pêche des Etats Unis, ont affirmé leur droit exclusif sur les eaux extérieures à

leur mer territoriale pouvant aller jusqu’à 200 milles. Des questions de l’exploitation de la

pêche ont été soulevées par ces Etats en voie de développement et l’établissement d’une zone

économique exclusive jusqu’à 200 milles a été consacré dans la Convention sur le droit de la

mer de 1982. Dans cette zone l’Etat riverain exerce des droits exclusifs d’exploitation des

97 Rec. CIJ 1985, p. 105 § 3

48

Page 49: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

ressources de la mer, des fonds marins et du sous-sol marin. Ce concept de « zone

économique » avait été consacré comme faisant partie du droit international par la CIJ avant

la conclusion de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, dans l’affaire du

Plateau continental Tunisie / Jamahiriya arabe libyenne, citée précédemment. La délimitation

de cette zone est source de conflit étatique en raison des richesses qu’elle procure et la CIJ fut

saisie de plusieurs affaires relatives à la délimitation maritime des plateaux continentaux et

des zones de pêches, dans lesquels elle a fait application des principes nouveaux concernant la

délimitation. Nous pouvons ainsi citer l’affaire de la délimitation de la frontière maritime dans

la région du golfe de Maine, du 12 octobre 1982, qui opposa le Canada aux Etats-Unis

d’Amérique. En l’espèce c’est par un compromis que le Canada et les Etats-Unis ont demandé

à la CIJ de fixer la frontière maritime unique divisant leurs plateaux continentaux et leurs

zones de pêche et ce compromis prévoit la saisine d’une Chambre (conformément à la

procédure de l’article 26 du Statut de la Cour98). On peut souligner que cette affaire se

distingue profondément de toutes les affaires de délimitation maritime antérieures soumises à

la juridiction où à l’arbitrage international, par deux aspects importants : le premier c’est qu’il

est demandé à la Chambre non seulement d’indiquer les principes juridiques en cause, mais

encore de «  tracer elle-même une ligne de délimitation »99. La seconde c’est qu’il s’agit

« d’un problème de ligne de délimitation unique concernant à la fois le plateau continental et

la zone de pêche exclusive »100. Pour déterminer les règles de droit international applicable à

un tel problème, la Cour expose ce qu’elle considère comme une distinction essentielle, à

savoir la distinction « entre ce qui constitue des principes et règles du droit international et ce

qui serait des critères équitables et des méthodes pratiques susceptibles d’être utilisés pour

faire en sorte qu’une situation déterminée soit concrètement réglée en conformité avec les

principes et règles en question »101. La Chambre affirme que le droit international général ne

pourra au mieux fournir que des principes et règles, tandis que seul le droit international

conventionnel ou éventuellement certains comportements des Etats pourront donner des

indications quant aux critères ou méthodes à utiliser. La Chambre va procéder ensuite à

l’examen des conventions multilatérales pertinentes, aucune convention bilatérale n’existant

entre les parties sur ces questions, elle se penche donc sur la convention du 29 avril 1958 sur

le plateau continental. Cette convention établissant clairement dans son article 6 le principe

d’équidistance, en l’absence d’accord entre les parties, principe pouvant être écarté en cas de

circonstances spéciales pour la délimitation du plateau continental, la Chambre « va déclasser 98 cf, Annexe 199 Rec. CIJ 1984, p. 267 § 25100 Rec. CIJ 1984, p. 267 § 26101 Rec. CIJ 1984, p. 290 § 80

49

Page 50: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

le principe d’équidistance pour en faire une simple méthode parmi d’autres »102. Et la chambre

va rappeler les paragraphes de l’article 6 de la convention de 1958 et précise que bien que la

convention de 1958 n’en fasse pas mention, et allant donc un peu plus loin dans

l’interprétation de son texte, que l’on peut estimer qu’une règle logiquement sous-jacente au

principe de l’article 6 demande que tout accord ou toute autre solution équivalente se traduise

par application de critères équitables, à savoir de critères empruntés à l’équité, mais qui ne

sont pas eux mêmes des principes et règles du droit international. La règle générale dégagée

est selon la Chambre confirmée par différentes décisions jurisprudentielles comme la décision

du 30 juin 1977 du tribunal arbitral franco-britannique, ainsi que les arrêts de la Cour de 1969

dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord et de 1982 dans l’affaire du Plateau

continental Tunisie-Libye, ainsi que par les travaux de la troisième conférence sur le droit de

la mer qu’elle analyse comme « ouvrant la porte à la poursuite du développement de la

jurisprudence internationale en la matière »103. La Chambre rejette ensuite, le principe de

l’équidistance et considère que ce principe n’est qu’une méthode pratique utilisable aux fins

de la délimitation. La Chambre conclut sur le droit applicable en redonnant une définition de

ce qu’elle considère comme étant la norme fondamentale en matière de délimitation maritime,

à savoir « qu’aucune délimitation maritime entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se

font face ne peut être effectuée unilatéralement par l’un de ces Etats. Cette délimitation doit

être recherchée et réalisée au moyen d’un accord faisant suite à une négociation menée de

bonne foi et dans l’intention réelle d’aboutir à un résultat positif »… « la délimitation doit être

réalisée par l’application de critères équitables et par l’utilisation de méthodes pratiques aptes

à assurer, compte-tenu de la configuration géographique de la région et des autres

circonstances de l’espèce, un résultat équitable »104. La Cour, concernant la délimitation dont

pour la première fois elle est chargée d’effectuer une délimitation unique de deux éléments

différents, déclare que le critère à retenir doit être tel qu’il «  ne favorise pas un de ces deux

objets au détriment de l’autre et soit en même temps susceptible de convenir également à une

division de chacun d’eux »105. Et c’est vers une application de critères relevant surtout de la

géographie (essentiellement la géographie des côtes), qui comporte un aspect physique auquel

s’ajoute un aspect politique que la Cour va s’orienter. Le critère de base est donc la division

par parts égales. La Cour a donc dégagé ici une règle générale selon laquelle la délimitation

ne doit jamais être unilatérale.

102 Emmanuel Decaux, op. cit., A.F.D.I 1984, p. 315103 Rec. CIJ 1984, p. 294 § 95104 Rec. CIJ 1984, p. 299 § 112105 Rec. CIJ 1984, p. 327 § 194

50

Page 51: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Une autre affaire est également intéressante sur la délimitation de ces deux éléments et mérite

d’être commenté, il s’agit de l’affaire de la délimitation maritime dans la région située entre le

Groenland et Jan Mayen opposant le Danemark à la Norvège le 14 juin 1993 106. Cette affaire

met en cause le délimitation entre la masse continentale du Groenland relevant du Danemark

et la petite île norvégienne de Jan Mayen, sur laquelle ne se trouve qu’une station

météorologique. Le Danemark demandait à la Cour le tracé d’une ligne unique, située à 200

milles de ses côtes, délimitant à la fois les plateaux continentaux et les zones de pêche. La

Norvège ne demandait à la Cour que d’énoncer clairement les principes de délimitation

permettant d’établir deux lignes qui devraient coïncider, délimitant respectivement les

plateaux continentaux et les zones de pêches et la Norvège prétend qu’une délimitation a déjà

été effectuée entre Jan Mayen et le Groenland et pour cela invoque d’une part un traité de

délimitation de 1965 entre les deux Etats dans le Skagevrak et une partie de la mer du Nord et

d’autre part la Convention de Genève sur le plateau continental de 1958 (article 6) qui lie les

deux Etats, pour dire qu’une ligne de délimitation constituée par la ligne médiane est déjà « en

place ». Parmi les faits, la détermination de la zone pertinente en vue de la délimitation revêt

une certaine importance. Concernant l’argument allégué par la Norvège la Cour considère que

le traité de 1965 ne s’applique que dans le Skagevrak et une partie de la mer du Nord, et ne

peut donc être invoqué pour la délimitation en cause. La Cour va opérer ensuite un examen de

la Convention sur le plateau continental. Elle note « qu’il est permis de constater que la Cour

n’a jamais eu l’occasion d’appliquer la Convention de 1958 »107. C’est l’article 6 qui régit la

délimitation du plateau continental, mais la Cour indique que « le fait que la Convention de

1958 s’applique en l’espèce à la délimitation du plateau continental ne signifie pas qu’il soit

possible d’interpréter et d’appliquer cet article sans référence au droit coutumier en la matière,

ou sans tenir compte de ce qu’une délimitation de la zone de pêche est aussi en cause dans la

région »108. En 1977, dans l’arbitrage entre la France et l’Angleterre, le tribunal arbitral avait

déjà mentionné que l’article 6 est l’expression d’une norme générale selon laquelle toute

délimitation doit être faite selon des principes équitables ; il en résulte selon la Cour, que les

effets de l’article 6 et les effets de la règle de droit coutumier qui prévoit que toute

délimitation doit être fondée sur des principes équitables, risquent d’être identique au moins

pour des Etats dont les côtes se font face. Quant au droit applicable à la délimitation de la

zone de pêche, la Cour prend acte de l’accord des parties pour que celle-ci soit effectuée

conformément aux règles régissant la zone économique exclusive, c’est à dire aux règles du

106 Rec. CIJ 1995, p. 35107 Rec. CIJ 1993, p. 58 § 45108 Rec. CIJ 1993, p. 58 § 46

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Page 52: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

droit coutumier. Ecartant l’application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la

mer de 1982, car elle n’est pas en vigueur109, la Cour note cependant qu’elle prévoit aussi bien

pour la délimitation du plateau continental, que pour celle de la zone économique exclusive,

qu’elle doit aboutir à une solution équitable. Pour la délimitation la Cour estime qu’en ce qui

concerne le plateau continental, auquel s’applique l’article 6 de la Convention de 1958, « il

convient de commencer par prendre la ligne médiane entre les lignes de base des mers

territoriales comme ligne tracée à titre provisoire, pour chercher ensuite si des circonstances

spéciales nécessite une autre délimitation »110, et considère que la solution serait la même si

l’on appliquait, non l’article 6 mais le droit coutumier. En ce qui concerne les zones de pêche,

les précédents conduisent à la même solution que celle dans l’affaire du Golfe du Maine où la

Chambre a appliqué le droit coutumier. La Cour examine les différentes circonstances de

l’espèce et déclare « qu’une ligne médiane de délimitation, dans le cas de côtes qui se font

face, donne une solution en général équitable, surtout lorsque lesdites côtes sont quasi

parallèles »111, mais la Cour ajoute que « toutefois, il existe des situations, et tel est le cas en

l’espèce, dans lesquelles le rapport existant entre la longueur des côtes pertinentes et les

surfaces maritimes qu’elles génèrent par application de la méthode de l’équidistance est si

disproportionné qu’il a été jugé nécessaire de tenir compte de cette circonstance pour parvenir

à une solution équitable »112. Toute la jurisprudence confirme cette nécessité de prendre en

compte la disparité des longueurs respectives des côtes des Etats dans la délimitation, de

façon à ce qu’existe un rapport raisonnable entre l’étendue de leur plateau continental et la

longueur de leurs côtes. La Cour estime que pour tenir compte de la disproportion entre les

longueurs des côtes, elle ne peut retenir ni la ligne proposée par le Danemark, ni la ligne

médiane proposée par la Norvège, mais une ligne située entre les deux, et pour en déterminer

l’emplacement exact la Cour passe en revue les autres circonstances pertinentes. Il est

nécessaire de noter que dans cet arrêt le problème de l’accès aux ressources concerne

essentiellement les ressources halieutiques et plus précisément le capelan. La Cour rappelle

qu’elle a déjà considéré l’accès aux ressources du fonds des mers comme une circonstance

pertinente dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord et Libye/Malte, et l’accès

aux ressources halieutiques comme une circonstance pertinente dans l’affaire du Golfe de

Maine. Les ressources des fonds marins n’étant pas la principale préoccupation des parties

c’est sur les ressources de la pêche que la Cour va concentrer son attention, et « examiner s’il

y aurait lieu de déplacer ou d’ajuster la ligne médiane comme ligne de délimitation des zones 109 Elle est entrée en vigueur depuis le 16 novembre 1994110 Rec. CIJ 1993, p. 59-60 § 49111 Rec. CIJ 1993, p. 66 - 64112 idem

52

Page 53: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

de pêche pour assurer aux fragiles communautés de pêche intéressées un accès à la ressource

halieutique que constitue le capelan »113. Elle évoque d’autres facteurs comme la population et

l’économie ou encore les questions de sécurité et de conduite des Parties, mais elle ne

retiendra que celui afférent à l’accès aux ressources en estimant que la ligne médiane est

située trop loin à l’ouest pour que le Danemark soit assuré d’une possibilité d’accès au stock

capelan. Elle conclue que pour cette raison aussi la ligne médiane doit être ajustée ou

déplacée vers l’Est ( la carte ci-dessous correspond à la décision de la Cour). On constate que

la démarche de la Cour consiste ici à partir de la ligne médiane et à la corriger en fonction des

circonstances en vue d’aboutir à une solution équitable. Le juge Weerantry dans son opinion

individuelle estime que « l’analyse qui suit s’inscrit dans la perspective de l’importante œuvre

de création que la Cour a accomplie en posant les fondements d’une jurisprudence en matière

d’équité pour un droit de la mer en pleine évolution »114 et le juge Ajibola dans son opinion

individuelle déclare que « la pertinence des principes équitables en tant que régime juridique

fondamental applicable à la délimitation maritime, est désormais solidement enracinée dans la

jurisprudence de la Cour, soutenue par les tribunaux d’arbitrage internationaux »115. Enfin on

observe que cet arrêt fait la première application de l’article 6 § 1 de la Convention de 1958

sur le plateau continental. De plus certains auteurs comme Emmanuel Decaux soulignent que

cet arrêt de la Cour est particulièrement intéressant pour le droit des délimitations, au moment

où la Convention de Montego Bay va entrer en vigueur à l’égard des soixante premiers Etats à

l’avoir ratifié. La Cour a rappelé que cette Convention n’est pas en vigueur mais a admis que

certaines de ses dispositions reflètent les exigences du droit coutumier, de même la Cour

indique, lorsqu’elle tente de déterminer le contenu de la notion de « circonstances

pertinentes » que les travaux de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la

mer ont participé au développement du droit international général116.

113 Rec. CIJ 1993, p. 71-72 § 75114 Rec. CIJ 1993, p. 214115 Rec. CIJ 1993, p. 293116 Rec. CIJ 1993, p. 62 § 55

53

Page 54: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Ainsi la Cour a pris une part active concernant les questions des délimitations du plateau

continental et des zones de pêche mais elle a également exercé une influence quant au

développement de certains éléments du droit de la mer.

54

Page 55: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

SECTION 2 : L’APPORT DE LA CIJ DANS LA DELIMITATION DE LA MER

TERRITORIALE ET LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE DES ETATS SUR

CES EAUX 

Plusieurs arrêts de la CIJ ont exercé une influence sur le développement du droit de la mer.

La Cour a de la sorte, dès 1951, au moment ou la commission du droit international

entreprenait de codifier la matière, dégagé un certain nombre de critères fondamentaux devant

présider à la délimitation de la mer territoriale (§1), de plus alors que la troisième Conférence

des Nations Unies sur le droit de la mer avait à peine commencé ses travaux, la CIJ a précisé

et limité la compétence des Etats sur ces eaux (§2).

§ 1   : Les critères de délimitation de la mer territoriale

La mer territoriale est une bande maritime qui suit la côte, plus précisément c’est une zone qui

s’étend immédiatement à partir de la ligne de base. Sur ces eaux l’Etat riverain a de larges

pouvoirs, notamment sur le contrôle de la circulation maritime ou encore la réglementation de

la pêche. C’est pourquoi la délimitation de cette mer est importante, elle est d’ailleurs à la

base des conflits étatiques en matière maritime. La Cour a été saisie de litiges relatifs à cette

délimitation qui lui ont permis d’exercer un apport non négligeable dans ce domaine, en

particulier en ce qui concerne les critères devant présider à la délimitation de la mer

territoriale. On peut ainsi citer un arrêt de la CIJ, l’affaire dite des pêcheries qui opposa le

Royaume-Uni à la Norvège devant la Cour le 18 décembre 1951117. En l’espèce par décret de

12 juillet 1935, le gouvernement norvégien avait délimité dans la partie septentrionale du pays

(au nord du cercle polaire) la zone dans laquelle la pêche était réservée à ses ressortissants. Le

Royaume-Uni demandait à la Cour de dire si cette délimitation était ou non contraire au droit

international. Il faut préciser que dans cette affaire, la zone côtière en litige est découpée en

fjords et baies, parsemée d’innombrables îles, îlots et récifs (dont certains forment un archipel

continu connu sous le nom de skjoergaard, c’est à dire littéralement « un rempart de

rochers »), elle ne présente pas une ligne de séparation nette de la terre et de l’eau. Le relief

du continent se prolonge dans la mer et ce qui constitue vraiment la côte norvégienne, c’est la

ligne extérieure de l’ensemble. Le long de la zone côtière se trouvent des hauts-fonds très

poissonneux, c’est la base de la naissance du litige entre ces deux Etats. Le conflit pris

naissance très tôt, des pêcheurs britanniques avaient fait des incursions dans les eaux

117 Rec. CIJ 1951

55

Page 56: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

avoisinant les côtes de Norvège. A la suite de plaintes du roi de Norvège, il s’abstinrent de

1620 à 1906 environ. Mais à partir des toutes premières années précédant la première guerre

mondiale des bateaux britanniques apparurent à nouveau plus nombreux et mieux équipés.

Des mesures furent alors prises par la Norvège pour préciser les limites en deçà desquelles la

pêche était interdite aux étrangers et le 12 juillet 1935 le Gouvernement de la Norvège

délimita par décret la zone de pêche norvégienne. Des chalutiers britanniques en nombre

important furent saisis et condamnés. C’est alors que le Gouvernement du Royaume-Uni saisit

la Cour. L’arrêt précise l’objet du différend. La largeur de la ceinture de la mer territoriale

norvégienne n’est pas en cause, les quatre milles revendiqués par la Norvège sont admis par le

Royaume-Uni. Mais il s’agit de savoir si les lignes de base, à partir desquelles se calcule la

ceinture de la mer territoriale, que le décret de 1935 a fixé aux fins de la délimitation de la

zone norvégienne de pêche ont ou non été tracées conformément au droit international. Pour

le Royaume-Uni la limite extérieure de la zone de pêche, plus précisément de la mer

territoriale, doit être constamment à 4 milles de l’un quelconque des points de la ligne de

base. Selon cet Etat toute ligne de base devrait suivre la laisse de basse mer. Tel est en effet le

critère adopté par la pratique des Etats. D’ailleurs les parties l’admettent toutes deux, mais

elles sont en désaccord sur son application. Or les réalités géographiques que nous avons

décrits amènent à prendre en considération non pas la ligne de la terre ferme mais celle du

skjoergaard . La pratique des Etats montre qu’il existe trois méthodes pour tracer les lignes de

base. Celle du tracé parallèle, mais n’est pas ici praticable et la Cour la rejette. La méthode de

la courbe tangente mais la Cour ne la retient pas. La troisième méthode adopté par de

nombreux Etats consiste à choisir sur la ligne de laisse de basse mer des points appropriés et à

les réunir par des lignes droites, c’est la méthode des lignes de base droites. La Cour est d’avis

que la Norvège peut tracer de telles lignes entre toutes les formations insulaires du

skjaergaard. Le Gouvernement britannique soutient cependant que de telles lignes ne peuvent

excéder une longueur de 10 milles sauf si des titres historiques le permettent. Certains Etats

ont adopté la règle des 10 milles pour la ligne de fermeture des baies, d’autres s’en tiennent à

une longueur différente : la règle des 10 milles n’a donc pas acquis l’autorité d’une règle

générale du droit international ni pour les baies ni pour les eaux séparant les îles des archipels.

Donc selon le gouvernement britannique toute délimitation doit être faite en vertu des

principes du droit international et prétend que certaines des lignes droites de base que fixe le

décret de 1935 seraient sans justification comme ne répondant pas aux critères présentés, elles

ne respecteraient pas la direction générale de la côte et ne seraient pas tracées de façon

raisonnable. La Norvège soutient la validité du décret de 1935 et précise qu’il s’agit de

56

Page 57: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

l’application d’un système traditionnel de délimitation conforme au droit international, lequel

droit tiendrait compte de la diversité des situations de fait et admettrait une délimitation

adaptée aux conditions particulières des diverses régions. Mais une délimitation d’espaces

maritimes a toujours un aspect international puisqu’elle intéresse les Etats autres que les

riverains, elle ne saurait donc dépendre de la seule volonté de ce dernier. A cet égard,

certaines considérations fondamentales liées à la nature de la mer territoriale conduisent à

dégager des critères dont le juge, en l’espèce va préciser, à savoir, la mer territoriale étant

étroitement dépendante du domaine terrestre, la ligne de base ne peut s’écarter de façon

appréciable de la direction générale de la côte, certaines eaux sont en rapport particulièrement

intime avec les formations terrestres qui les séparent ou les entourent, de plus selon le juge il

peut y avoir lieu de tenir compte de certains intérêts économiques propres à une région

lorsque leur réalité et leur importance se trouvent attestées par un long usage. L’arrêt constate

ensuite, qu’en effet un décret norvégien ainsi que divers textes postérieurs démontrent que la

méthode des lignes de base, imposée par la géographie, a été consacrée par le système

norvégien et consolidée par une pratique constante et suffisamment longue. L’application de

ce système ne s’est pas heurtée à l’opposition d’autres Etats. Même le Royaume-Uni pendant

longtemps ne l’a pas contesté. La Cour considère donc que la tolérance générale de la

communauté internationale montre que la méthode norvégienne n’était pas considérée comme

contraire au droit international. La Cour conclut que les lignes tracées se justifient et ne sont

pas contraires au droit international. Cet arrêt est intéressant car rendu en 1951, montre

l’influence de la Cour dans le développement du droit international, la Cour a dans cette

affaire dégagée un certain nombre de critères fondamentaux pour la délimitation de la mer

territoriale. En effet elle pose les critères selon lesquelles d’une part le tracé des lignes de base

ne doit pas s’écarter de façon appréciable de la direction générale de la côte, d’autre part les

étendues de mer situées à l’intérieur de ces lignes doivent être suffisamment liées au domaine

terrestre pour être soumises au régime des eaux intérieures, la Cour précise qu’il peut y avoir

lieu de tenir compte des intérêts économiques propres à la région considérée et dont

l’importance et la réalité sont clairement attestées par un long usage. Elle a aussi rejeté

l’opinion suivant laquelle, en droit international, les baies ayant une embouchure de plus de

10 milles ne sauraient être considérées comme des eaux intérieures à moins d’être comprise

parmi les baies dites historiques.

Un autre affaire est également intéressante concernant les critères de délimitation de la mer

territoriale retenus par la CIJ. Il s’agit de l’arrêt relatif à la délimitation maritime et questions

57

Page 58: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

territoriales entre Qatar et Bahreïn rendu le 16 mars 2001118. En l’espèce Qatar déposa une

requête contre Bahreïn au sujet de certains différends entre les deux Etats relatifs à la

détermination de droits souverains sur certaines zone, mais surtout à la délimitation maritime,

qui nous intéresse plus particulièrement ici. La Cour note tout d’abord que les parties ne sont

pas Parties aux Conventions de Genève sur le droit de la mer de 1958 et que Bahreïn avait

ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 mais que Qatar l’avait

seulement signée. La Cour indique donc que c’est le droit international coutumier qui sera le

droit applicable119. Concernant la délimitation de la mer territoriale120, la Cour va préciser que

cette délimitation ne soulève pas de problèmes du genre de ceux auxquels était confrontée la

Chambre de la Cour dans l’affaire du Golfe du Maine121, car les droits de l’Etat côtier dans la

zone concernée ne sont pas fonctionnels mais territoriaux et impliquent une souveraineté sur

le fond de la mer, les eaux sur jacentes et l’espace aérien. La Cour, pour s’acquitter de sa

tâche, doit donc appliquer d’abord et avant tout les principes et règles du droit international

qui ont trait à la délimitation de la mer territoriale. La Cour va préciser que les parties

conviennent que les dispositions de l’article 15 de la Convention de 1982 sur le droit de la

mer font parties du droit coutumier qui dispose que « lorsque les côtes de deux Etats sont

adjacentes ou se font face, ni l’un ni l’autre de ces Etats n’est en droit, sauf accord contraire

entre eux, d’étendre sa mer territoriale au-delà de la ligne médiane dont tous les points sont

équidistants des points les plus proches des lignes de base à partir desquelles est mesurée la

largeur de la mer territoriale de chacun des deux Etats ». Cette disposition ne s‘applique

cependant pas dans le cas où, en raison de l’existence de titres historiques ou d’autres

circonstances spéciales, il est nécessaire de délimiter autrement la mer territoriale des deux

Etats. La Cour note que l’article 15 de la Convention de 1982 est pratiquement identique au 1

de l’article 12 de la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë, et doit être

regardé comme possédant un caractère coutumier. La Cour va considérée que la méthode la

plus logique et la plus largement pratiquée consiste à tracer d’abord à titre provisoire une

ligne d’équidistance et à examiner ensuite si cette ligne doit être ajustée pour tenir compte de

l’existence de circonstances spéciales et la Cour explique qu’une fois qu’elle aura délimité sur

cette base les mers territoriales des Parties, elle déterminera quels sont les règles et principes

du droit coutumier à appliquer pour la délimitation de leurs plateaux continentaux et de leurs

zones économiques exclusives ou de leurs zones de pêche. On s’aperçoit que dans cet arrêt la

Cour emploie la règle de « équidistance-circonstances spéciales » à la délimitation de la mer 118 Rec. CIJ 2001119 Rec. CIJ 2001, § 166-251120 Rec. CIJ 2001, § 174-223121 supra Partie 2 Section 1 § 2

58

Page 59: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

territoriale ( la carte ci-dessous présente la ligne de délimitation établie par la Cour). Le juge

Oda dans son opinion individuelle considère que cette règle ne relève que du régime du

plateau continental et ne devrait donc pas s’appliquer à celui de la mer territoriale122. On

constate que la Cour fait application dans cet arrêt d’un critère nouveau en matière de

délimitation de la mer territoriale et son rôle dans cette délimitation n’est pas négligeable. De

plus on s’aperçoit que la Cour va souvent jusqu'à déterminer, après avoir délimité ces eaux,

les limites des compétences des Etats sur ce domaine.

122 Communiqué de presse 2001/9bis

59

Page 60: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

60

Page 61: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

§ 2   : La détermination de la compétence des Etats en matière de pêcheries sur ces eaux, par la

CIJ

La question de l’épuisement possible des ressources de la mer est posée depuis la fin du 19 ème

siècle, notamment quand se réunit en 1881 la Conférence qui aboutira à la Convention sur la

police de la pêche en mer du Nord du 6 mai 1882. Les termes de conservation et de gestion

des ressources biologiques vont commencer à apparaître au sens d’une protection des

ressources biologiques marines, ne signifiant pas une interdiction de la pêche qui mettrait les

ressources à l’abri de toute concurrence étrangère, mais une protection par une utilisation

rationnelle123. Cependant Il faut savoir que la fixation de la largeur maximale de la mer

territoriale, s’accompagnait coutumièrement du droit de l’Etat côtier de réserver à ses

nationaux l’exclusivité de la pêche en deçà de cette distance, et pendant longtemps la

conservation est considérée par les Etats comme devant protéger les intérêts des pêcheurs

côtiers. On notera que dans la Convention de Genève, sur la pêche et la conservation des

ressources biologiques de la haute mer de 1958, la notion de conservation est précisée par le

fait d’une conservation d’un stock précis de poissons et on se place dans le cadre d’un intérêt

spécial à protéger, ainsi à l’article 3, l’Etat qui est seul à pêcher dans une région doit appliquer

à ses nationaux les « mesures en vue de la conservation des ressources affectées ». A cette

époque la détermination des limites à la compétence des Etats en matière de pêcheries n’était

pas fixée, et la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer avait à peine

commencé cette étude, alors que La CIJ saisi d’affaires en matière de pêcheries va avoir une

influence dans ce domaine. Nous pouvons ainsi citer l’affaire de la compétence en matière de

pêcheries qui opposa la République fédérale d’Allemagne à la Norvège dans un arrêt du 25

juillet 1974. Dans ce conflit la Cour commença par rappeler qu’en 1948 le Parlement islandais

avait adopté une loi sur la conservation scientifique des pêcheries du plateau continental qui

donnait au gouvernement le pouvoir d’établir des zones de conservation intégralement

réglementées et contrôlées par l’Islande, dans la mesure compatible avec les accords

concluent avec d’autres pays. En 1958 un règlement islandais a porté à 12 milles marins la

limite du droit exclusif de pêche de l’Islande autour des côtes et en 1959 une résolution du

Parlement islandais a proclamé : « Le droit de l’Islande sur toute la zone du plateau

continental doit être reconnu conformément à la politique consacrée par la loi de 1958 ».

Après avoir refusé de reconnaître la validité du nouveau règlement, la République fédérale a

négocié avec l’Islande et conclu avec elle le 19 juillet 1961 un échange de notes d’où il

123 Daniel Vignes, « Le droit international de la pêche », 2000

61

Page 62: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

ressortait notamment que la République fédérale n’élevait plus d’objection contre la limite de

12 milles et que l’Islande continuerait de s’employer à mettre en œuvre la résolution de 1959

relative à l’élargissement de la juridiction sur les pêcheries mais notifierait six mois à l’avance

à la République fédérale toute mesure en ce sens, et que « au cas où surgirait un différend en

la matière, la question serait portée, à la demande de l’une ou l’autre partie, devant la CIJ  ».

En 1971, le Gouvernement islandais a annoncé que l’accord sur la compétence en matière de

pêcheries conclu avec la République fédérale d’Allemagne prendrait fin et que la limite de la

zone islandaise de pêche exclusive serait portée à 50 milles. Par aide-mémoire du 24 février

1972, cette intention a été notifiée à la République fédérale qui contesta la validité de ce

nouveau règlement et porta l’affaire devant la CIJ. La Cour nota que le différend entre les

Parties englobe des désaccords quant à leurs droits respectifs sur les ressources de la pêche et

quant à la conservation de ces ressources. Il faut préciser que lors de la première conférence

des Nations Unies sur le droit de la mer en 1958 à Genève, a été adoptée une convention sur

la haute mer dont l’article 2 a posé le principe de la liberté de la haute mer, c’est à dire de

libertés de navigation, de pêche …. Les questions de la largeur de la mer territoriale et de

l’étendue de la compétence de l’Etat riverain en matière de pêcheries n’ont pu être réglées ni

par la conférence de 1958 ni par une deuxième conférence tenue à Genève en 1960.

Cependant il est apparu lors de cette deuxième conférence, deux notions, celle d’une zone de

pêche entre la mer territoriale et la haute mer, à l’intérieur de laquelle l’Etat riverain peut

prétendre à une compétence exclusive en matière de pêcheries et qui va jusqu’à 12 milles, et

celle de droits de pêche préférentiels dans les eaux adjacentes à cette zone de pêche exclusive,

en faveur de l’Etat riverain se trouvant dans une situation de dépendance spéciale à l’égard de

ses pêcheries. La Cour prend en compte que depuis ces dernières années un certain nombre

d’Etats ont décidé d’élargir leur zone de pêche exclusive et que la troisième conférence sur le

droit de la mer note ce développement mais la Cour va estimer qu’elle doit tenir compte des

règles actuelles du droit international. Il faut préciser que l’Islande a soutenu lors de la

Conférence de Genève de 1958, l’existence de droits de pêche préférentiels en déclarant

que « lorsqu’il devient nécessaire, dans l’intérêt de la conservation, de limiter la prise totale

d’un ou de plusieurs stocks de poissons dans une région de la haute mer adjacente à la mer

territoriale d’Etat riverain, tous les autres Etats qui pratiquent la pêche dans cette région

collaborent avec l’Etat riverain à la solution équitable de cette situation, en établissant d’un

commun accord des mesures qui reconnaîtront tous besoin prioritaires de l’Etat riverain

résultant de sa dépendance à l’égard de la pêcherie en cause, compte tenu des intérêts des

autres Etats ». La pratique contemporaine des Etats montre que cette notion est de plus en plus

62

Page 63: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

largement acceptée. D’ailleurs dans la présente affaire la République fédérale a expressément

reconnu les droits préférentiels de l’autre partie dans les eaux contestées situées au-delà. Dans

cet arrêt la Cour relève que l’importance particulière que présente la pêche côtière pour

l’économie islandaise ne fait aucun doute et elle considère qu’il devient essentiel de protéger

des stocks de poissons aux fins d’une exploitation rationnelle et économique. Mais la Cour va

estimer que la notion de droits préférentiels en faveur des Etats riverains se trouvant dans une

situation de dépendance spéciale implique que ces droits bénéficient d’une certaine priorité

mais non pas qu’ils puissent abolir les droits concurrents d’autres Etats. Et la Cour va déclarer

que le fait que l’Islande soit fondée à revendiquer des droits préférentiels ne suffit pas à

justifier sa prétention d’interdire unilatéralement toute pêche aux navires de la République

fédérale au-delà de la limite de 12 milles. De plus la Cour précise que la République fédérale

d’Allemagne a également pris compte de la nécessité de la conservation des stocks de poisson

et la perte de ces fonds de pêche aurait des incidences économiques appréciables, c’est ainsi

que la Cour affirme que le règlement islandais n’est pas opposable à la République fédérale

d’Allemagne et que l’Islande ne peut exclure de la zone litigieuse les navires des deux Etats

ou y entraver leurs activités. La Cour dans ce contexte déclarait que « l’un des progrès dont le

droit international maritime est redevable à l’intensification de la pêche est que, à l’ancienne

attitude de laisser faire à l’égard des ressources biologiques de la haute mer, se substitue

désormais la reconnaissance qu’il existe un devoir de prêter une attention suffisante aux droits

d’autres Etats ainsi qu’aux impératifs de la conservation dans l’intérêt de tous »124. La Cour va

ainsi dans cet arrêt affirmer les limites à la compétence des Etats en matière de pêcheries à

savoir la prise en compte des droits des autres Etats et la nécessité de la conservation des

ressources biologiques. La Cour a donc ici une approche nouvelle de la notion internationale

des mesures de conservations et de gestion. Cette nouvelle conception fut ensuite affirmée

lors de la première conférence des Nations Unies sur le droit de la mer avec la convention sur

« la pêche et la conservation des ressources biologiques », puis concrétisée dans la

Convention de Montego Bay. Dans une affaire récente celle de la compétence en matière de

pêcheries qui opposa l’Espagne au Canada dans un arrêt du 4 décembre 1998 de la CIJ125, la

Cour se déclara incompétente pour statuer au fond mais tenta de donner une définition de la

notion de « conservation et de gestion des ressources ». En l’espèce l’Estai battant pavillon

espagnol a été arraisonné à environ 245 milles des côtes canadiennes par des bâtiments de la

marine canadienne, le navire a été saisi et son capitaine arrêté sous le chef de violation de la

loi sur la protection des pêches côtières et de son règlement d’application. l’Espagne

124 Rec. CIJ 1974, § 72125 Rec. CIJ 1998 et communiqué de presse 98/41 bis

63

Page 64: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

considère que le différend a trait à l’absence de titre du Canada pour exercer sa juridiction en

haute mer ainsi qu’a l’inopposabilité aux Etats tiers de sa législation et de sa réglementation

sur la protection des pêches côtières. Pour le Canada le différend concerne l’adoption de

mesures de gestion et de conservation des stocks halieutiques pour les navires pêchant dans la

zone de réglementation de l’OPANO, ainsi que l’exécution de ces mesures. Mais la Cour va

rechercher si les parties lui avaient conféré une compétence pour connaître de ce différend.

L’Espagne s’est fondée uniquement sur les déclarations faites par les parties en vertu de

l’article 36 § 2 du Statut126. En revanche le Canada a fait savoir que selon lui la Cour n’a pas

compétence pour connaître de cette affaire car le différend entre dans les prévisions de

l’alinéa d) du § 2 de la déclaration canadienne qui déclare que « les différends auxquels

pourraient donner lieu les mesures de gestion et de conservation adoptées par le Canada pour

les navires pêchant dans la zone de réglementation de l’OPAN, telle définie dans la

convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique Nord-Ouest

de 1978, et l’exécution de telles mesures, sont exclus de la compétence de la CIJ ». La Cour

dans cette affaire sur la question de sa compétence va déterminer le différend qui oppose ces

deux Etats et va être amenée à tenter de définir le sens de l’expression « mesures de gestion et

de conservation ». Ainsi l’arrêt en son paragraphe 69, déclare que l’expression en cause doit

être définie « à la lumière du droit international » et le paragraphe 70 précise « qu’il suffit

qu’une mesure ait pour objet de gérer et de conserver les ressources biologiques et qu’elle

possède certaines caractéristiques techniques pour qu’elle soit une  mesure de gestion et de

conservation au sens de la réserve d) du § 2 de la déclaration canadienne ». Dans son opinion

dissidente M. Bedjaoui estime que cette définition est une « approche non juridique mais

purement factuelle, qui a peu à voir avec le droit international que la Cour s’était promise

d’appliquer ». Selon lui le concept de « mesure de gestion et de conservation  ne peut pas

renvoyer, contrairement à ce qu’affirme l’arrêt, à quelque chose de simplement factuel ou

technique, mais à des types de mesures que le nouvel ordre juridique de la mer a peu à peu

réglementé ». On s’aperçoit que cet arrêt donne des mesures de conservation et de gestion une

définition incomplète et partielle et ne tient pas compte de la nouvelle approche de la notion

internationale des « mesures de conservation et de gestion », telle qu’elle a été affirmée dans

l’arrêt de la compétence en matière de pêcheries de 1974 précité, et concrétisée dans la

Convention de Montego Bay.

126 supra Partie 1 Chapitre 1 section 1 § 2 /déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour

64

Page 65: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

On s’aperçoit que la Cour de la Haye à eu un apport non négligeable dans la contribution du

développement du droit de la mer ce qui permet de relever l’effet que peut produire ces arrêts

dans ce domaine.

CHAPITRE 2 : L’EFFET DES ARRETS DE LA CIJ, ETUDIE DANS LE

DOMAINE MARITIME

L’arrêt de la Cour est rendu à la majorité des juges et, en cas de nombre de voix égal, celle du

Président est prépondérante127. Cet arrêt de la Cour doit être motivé128 et des opinions

dissidentes ou individuelles sont possibles de la part des juges, ce qui emprunte à la technique

des tribunaux du common law. Ainsi un juge qui a voté pour la solution retenue par la

majorité, pourra cependant exprimer des réserves sur tel ou tel point de l’arrêt dans une

opinion individuelle, et les juges hostiles à la décision de la Cour pourront donner dans une

opinion dissidente les raisons de leur opposition. Une telle démarche éclaire la position des

juges et le raisonnement de la Cour. Mais elle affaiblit aussi l’autorité de la décision de la

Cour si bien que cela peut avoir une incidence sur l’effet des arrêts de la Cour à l’égard des

parties (Section 1) et sur des décisions de la Cour qui ne seront pas suivies par la pratique

internationale (Section 2).

SECTION 1 : L’EFFET DES ARRETS DE LA CIJ A L’EGARD DES PARTIES EN

LITIGE, ETUDIE DANS LE DOMAINE MARITIME

L’arrêt de la Cour est obligatoire, mais pour les seules parties au différend 129 ; il bénéficie de

la res judicata. Mais la Cour tient à préciser que si dans un jugement déclaratoire, elle définit

une règle de droit international coutumier ou interprète un traité restant en vigueur, l’arrêt

qu’elle rend demeure applicable dans l’avenir. Il est donc clair que les points de droit dégagés

par la Cour possèdent une valeur de précédent et ont une portée générale, même si le résultat

de l’espèce ne concerne que les parties en litige. Cependant on s’aperçoit que si les arrêts de

la Cour peuvent avoir autorité de chose jugée il y a un effet relatif de certaines de ces

décisions (§1). De plus si l’arrêt de la Cour est définitif et sans recours comme cela est prévu

par l’article 60 du Statut, les parties peuvent toutefois demander une interprétation et une

révision de l’arrêt (§2).127 Article 55 du Statut, Annexe 1128 Article 56 du Statut, Annexe1129 Article 59 du Statut de la Cour, Annexe 1

65

Page 66: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

§1   : L’autorité de la chose jugée et l’effet relatif des décisions de la Cour

En vertu des articles 59 et 60 du Statut de la Cour « la décision de la Cour n’est obligatoire

que pour les parties en litige » et «  l’arrêt est définitif et sans recours ». Ces principes ont été

réaffirmés dans certaines décisions de la Cour. Ainsi dans l’affaire du Plateau continental qui

opposa la Tunisie à la Libye le 24 février 1982, déjà citée, ou il était question de la

délimitation entre les plateaux continentaux de ces deux Etats, l’affaire fut soumise à la CIJ à

la suite d’un compromis entre ces deux Etats. La Cour dans cet arrêt réaffirme très clairement

que l’autorité de la chose jugée n’est pas négociable par les parties et ne s’impose qu’aux

parties. La Cour précise la nature de son activité à l’égard des Etats, et ceci, quel que soit le

contenu du compromis par lequel une affaire lui est soumise pour trancher le litige entre les

deux Etats et la Cour déclare dans cet arrêt que « bien entendu la tâche de la Cour en l’espèce

n’est pas de donner un avis consultatif au sens de l’article 65 du Statut et de l’article 102 du

Règlement. Elle est priée de Statuer au contentieux par un arrêt rendu conformément aux

articles 59 et 60 du Statut et à l’article 94 § 2 du Règlement, qui aura donc effet et la force

obligatoire que lui attribue l’article 94 de la Charte des Nations Unies et les dites dispositions

du Règlement »130. Dans cette affaire un problème de compatibilité entre un article du

compromis signé entre la Tunisie et la Libye et le principe de l’autorité de la chose jugée se

posa. L’article 3 de ce compromis prévoit la possibilité pour les parties de revenir devant la

Cour, si bien que la question était posée de savoir s’il n’y a pas là une disposition contraire à

l’autorité de la chose jugée. La Libye estimait que cet article 3 était plus que la simple

interprétation de l’arrêt et la Tunisie contestait une telle conception. La Cour va estimer que à

ce stade elle ne peut pas prendre position sur cette question, mais se réserva le soin de

résoudre ce problème au moment ou il se posera éventuellement devant elle. Ce principe de

l’autorité de la chose jugée a donc été nettement réaffirmé mais la Cour va préciser que pour

qu’il produise plein effet il faut que la décision adoptée soit suffisamment précise et c’est

ainsi que l’arrêt clarifie les rôles respectifs de la Cour et des experts des parties : « La Cour

considère qu’à ce stade les experts des parties n’auront pas à négocier, au sujet des facteurs à

faire intervenir dans leur calculs, car la Cour aura réglé cette question. La seule tâche restante

sera la tâche technique devant permettre de rédiger le traité consacrant les travaux des

experts »131. On peut rappeler ici la position du juge ad hoc désigné par la Libye, M. Jimenes

de Aréchaga, qui s’est entièrement rallié à la position de la Cour, puisqu’il reconnaît qu’  « il

130 Rec. CIJ 1982, p. 40 § 29131 Rec. CIJ 1982, p. 40 § 30

66

Page 67: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

serait certainement incompatible avec le Statut de la Cour et avec sa position en tant que Cour

de justice d’accepter une interprétation du compromis aboutissant à un arrêt qui ne ferait pas

progresser le règlement des différends et dont l’application dépendrait de l’agrément ultérieur

des Parties »132. Cependant on s’aperçoit dans cet arrêt que tout en insistant sur la portée de

l’autorité de la chose jugée à l’égard des parties, la Cour relativise cette autorité, puisque la

Cour semble récuser tout apport de son arrêt à l’évolution des règles concernant le plateau

continental. En effet elle termine son arrêt en déclarant qu’ « il est bien évident que chaque

litige relatif au plateau continental doit être examiné et résolu en lui-même en fonction des

circonstances qui lui sont propres ; il n’y a donc pas lieu d’essayer d’élaborer toute une

conception abstraite au sujet de l’application des principes et règles relatifs au plateau

continental »133. De plus il est intéressant de noter dans cette affaire soumise par la suite à une

demande d’interprétation et révision le 10 décembre 1985, que dans le compromis par lequel

la Tunisie et la Libye avaient soumis la délimitation de leur plateau continental à la Cour, il

était prévu que les parties mettraient en œuvre les règles dégagées par la Cour pour tracer

définitivement la ligne de délimitation par l’adoption d’un traité à cet effet. Il semblerait donc

que le traité ne pouvait s’écarter des règles et principes dégagées par la Cour, ce qui est

parfaitement conforme au principe de l’autorité de la chose jugée. Cependant la Cour sur ce

point énonce dans cet arrêt un certain nombre de considération qui semble « vider » le

principe de l’autorité de la chose jugée de tout contenu. La Cour déclare en effet que « les

Parties se sont engagées, non pas seulement à conclure un traité, mais ce faisant à appliquer

les principes et règles indiqués par la Cour dans son arrêt de 1982. Bien que les parties aient

prié la Cour d’indiquer quels principes et règles du droit international peuvent être appliqués

pour la délimitation de la zone du plateau continental, il demeure possible de s’entendre sur

une délimitation qui ne correspondrait pas à cette décision. Il faut néanmoins admettre que

dans ces conditions leur accord constituerait un instrument remplaçant le compromis. Le point

à souligner et qu’en dehors d’un tel accord les énonciations de l’arrêt de la Cour sont

définitives et contraignantes »134. Cela revient donc à dire que l’arrêt est contraignant sauf si

les parties décident qu’il ne l’est pas. On peut citer le juge Gros qui dans son opinion

dissidente en 1982 soulignait que la Cour aurait dû insister sur l’impossibilité pour les parties

de soumettre la force obligatoire de l’arrêt à leur approbation ultérieure. Avec l’interprétation

du compromis donnée par l’arrêt de 1985, on aboutit donc à ce que dénonçait le juge Jiménez

de Aréchaga dans son opinion individuelle de 1982, à savoir à un arrêt dont l’application

132 Rec. CIJ 1982, p. 102 § 8133 Rec. CIJ 1982, p. 92 § 132134 Rec. CIJ 1985, p. 219 § 48

67

Page 68: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

dépend de «  l’agrément ultérieur des parties »135. On s’aperçoit dans cet arrêt que c’est la

Cour qui fixe les limites de son pouvoir et consacre un effet relatif de ses décisions lorsqu’elle

évoque l’hypothèse d’un accord entre les deux Etats pour ne pas exécuter l’arrêt. Une autre

affaire est également intéressante et mérite d’être étudiée il s’agit de l’affaire dite du Golfe du

Maine, souvent citée, du 12 octobre 1984, entre le Canada et les Etats unis demandant à la

Cour de fixer la frontière maritime unique divisant leurs plateaux continentaux et leurs zones

de pêches. On sait que conformément à l’article 59 du Statut de la Cour, sa décision n’est

obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé. Dans cet arrêt la

Chambre a insisté sur ces deux aspects, de l’effet relatif de ses décisions. Elle a tenu à

rappeler que « les droits des Etats tiers dans les zones en questions ne peuvent d’aucune

manière être touchés par la délimitation que la Chambre est requise de tracer »136. Mais la

Chambre déclare que « chaque cas concret est finalement différent des autres et que les

critères les plus appropriés et la méthode ou la combinaison de méthodes la plus apte à assurer

un résultat conforme aux indications données par le droit, ne peuvent le plus souvent être

déterminés que par rapport au cas d’espèce et aux caractéristiques spécifiques qu’il

présente »137. On relève ici qu’il y a une sorte de refus de principe de la création d’une

jurisprudence en matière de délimitation maritime et une reconnaissance de la liberté absolue

du juge dans ce domaine. Ainsi on constate que la Chambre s’est largement inspirée de la

position de la Cour dans l’arrêt précité Tunisie/ Libye de 1982.

Une autre affaire celle relative à la délimitation des plateaux continentaux entre la Libye et

Malte, soumise à la CIJ le 3 juin 1985. Dans ce litige l’Italie a cherché à intervenir mais la

Cour refusa son intervention. Mais avant de refuser cette intervention la Cour invoqua

l’article 59 du Statut de la Cour qui pose le principe de l’effet relatif de la chose jugée, qui

avait été rappelé lors de l’intervention de Malte dans le différend tuniso-libyen de 1982 déjà

cité. La Cour va réaffirmer que son arrêt est doublement emprunt de relativisme, d’une part la

solution dégagée ne s’impose qu’aux parties au litige et non aux Etats tiers, d’autre part les

principes dégagés l’ont été uniquement pour le cas d’espèce et ne peuvent être considérés

comme utilisables en tant que précédents dans de futures instances ou débats. On voit que la

Cour remet en cause son rôle fondamental qui est de dire le droit, par une interprétation très

rigoureuse de l’effet relatif de ses décisions.

135 Rec. CIJ 1982, p. 102 § 9136 Rec. CIJ 1984, p. 265 § 19137 Rec. CIJ 1984, p. 290 § 81

68

Page 69: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Cependant si l’arrêt est certes définitif et sans recours comme cela est prévu à l’article 60 du

Statut de la Cour, les parties toutefois, peuvent demander une interprétation de l’arrêt au cas

où celui-ci ne leur semblerait pas clair et une révision est possible devant la Cour.

§ 2   : L’interprétation et la révision de l’arrêt

Les possibilités d’interprétation et de révision de l’arrêt sont consacrées dans le Statut de la

Cour. Ainsi l’article 60 du Statut déclare qu’ « en cas de contestation sur le sens et la portée

de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute partie » et l’article 61

précise la révision de l’arrêt, mais affirme qu’ « elle ne peut être demandée qu’en raison de la

découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de

l’arrêt était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision ». Cette possibilité a été

pour la première fois utilisée dans les annales de la CIJ par la Tunisie, à la suite de l’arrêt du

24 février 1982, déjà cité138, à propos de la délimitation du plateau continental contigu de ces

deux pays, dans un arrêt du 10 décembre 1985. C’est la Tunisie qui a introduit cette demande

en révision et en interprétation le 27 juillet 1984 soit deux ans après l’arrêt du 24 février 1984,

en se fondant sur l’article 60 et 61 du Statut de la CIJ. En fait la Tunisie demandait avant tout

une révision qui, selon cet Etat, serait justifiée par la découverte d’un fait nouveau et ne

demandait que subsidiairement, au cas où la Cour n’estimerait pas recevable sa demande en

révision, qu’elle interprète certains passages de l’arrêt du 24 février 1982. Il est intéressant de

souligner que c’est la première fois qu’est invoqué l’article 61 et donc la première fois que la

Cour est priée de procéder à la révision d’un arrêt qu’elle a rendu. C’est également la

première fois qu’est adressée à la Cour une demande tendant à la fois à la révision et à

l’interprétation d’une de ses décisions. Cependant il faut préciser qu’il existe un précédent en

matière de demande d’interprétation à la CIJ, une telle demande a en effet déjà été présentée à

la Cour en 1950139. En ce qui concerne la présente affaire la Cour va rappeler qu’en vertu de

l’article 61 du Statut, la procédure de révision exige qu’il soit procédé en deux temps, une

phase concernant la recevabilité et une phase concernant le fond. En ce qui concerne

l’interprétation, cette procédure en deux temps n’existe pas140. Le fait nouveau invoqué par la

Tunisie est le texte d’une résolution du Conseil des ministres libyens déterminants le tracé

précis de la concession pétrolière n) 137, prise en compte dans l’arrêt de 1982. Or, d’après la

Tunisie, le tracé exact révèle qu’il y a des chevauchements entre les concessions libyennes et

138 supra Partie 2 Section 2 § 1139 Affaire Haya de la Torre (Colombie/Pérou) 20 novembre 1950140 Rec. CIJ 1985, § 1-11

69

Page 70: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

tunisiennes, ce qui serait en contradiction avec ce que la Tunisie estime être la philosophie

générale qui sous-tend l’arrêt de 1982, à savoir « l’idée d’alignement entre les permis et

concessions accordés par les deux parties et l’absence de chevauchement des prétentions en

résultant jusqu’en 1974 »141. La Libye conteste la recevabilité de la demande en révision car

ne remplie pas les conditions prévues à l’article 61. La Cour va considérer qu’ « il eût été

raisonnable et approprié que la Tunisie connaisse les limites précises de la concession

n°137 »142. La Cour va déclarer que la Tunisie a fondé sa demande sur un fait que

normalement elle ne devait pas ignorer. Autrement dit, une première condition de recevabilité,

à savoir l’ignorance non fautive du fait nouveau sur lequel est fondé la demande de révision,

n’est pas remplie. Cependant la Cour ne s’arrête pas là, alors qu’elle aurait pu le faire, elle

examine la seconde condition de recevabilité et s’interroge ainsi sur le point de savoir si le fait

nouveau est de «  nature à exercer une influence décisive » sur sa décision. Le problème

venait de ce que l’arrêt de 1982 avait indiqué une ligne définie, passant par deux points, ligne

dont la Cour souligne qu’elle est orientée selon une direction qui correspond à la limite entre

les concessions tunisiennes et libyennes. La Tunisie estimait donc que le fait nouveau

concernant la limite entre les concessions pétrolières des deux pays devait nécessairement

conduire à une modification de la ligne déterminante dégagée par la Cour. Mais la Cour va

considérer que bien que l’alignement entre les concessions ait été pris en considération, « les

précisions quant aux coordonnées exactes de la concession n° 137 n’auraient pas changé la

décision de la Cour et la requête en révision est donc irrecevable »143. Concernant la demande

en interprétation qui était présentée de façon tout à fait subsidiaire. La Cour examine d’abord

une exception d’incompétence soulevée par la Libye, qui se fondait sur l’article 3 du

compromis signé entre ces deux Etats prévoyant qu’en cas de difficultés dans la mise en

œuvre de l’arrêt, les parties doivent revenir ensemble devant la Cour pour demande des

éclaircissements, la Libye estime qu’est donc exclue toute demande unilatéral d’interprétation

fondée sur l’article 60 du Statut. La Cour cependant va considérer que les deux procédures

coexistent, car on ne peut interpréter l’article 3 comme étant une renonciation à l’article

60 : « on ne saurait présumer à la légère qu’un Etat abandonne ou restreigne son droit de

demander unilatéralement une interprétation en vertu de l’article 60 »144. La Cour examine

ensuite si la requête de la Tunisie remplit les conditions de recevabilité requises et va conclure

que la demande en interprétation de la Tunisie est recevable, mais la Cour ne peut faire droit à

la conclusion de la Tunisie tendant à retenir la limite de la concession tunisienne de 1966 pour 141 Rec. CIJ 1985, p. 201 § 16142 Rec. CIJ 1985, p. 205 § 24143 Rec. CIJ 1985, p. 214 § 39144 Rec. CIJ 1985, p. 216 § 43

70

Page 71: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

établir la délimitation, puisque le tracé de cette ligne était déterminé par la fixation de deux

points précis, et non en fonction des lignes de concession. On note que cet arrêt traite d’une

part des questions de recevabilité de la demande en révision et d’autre part de l’ensemble de

la demande d’interprétation, que la Cour a estimé pouvoir traiter ensemble puisqu’elle déclare

« s’il est vrai que l’article 61 du Statut prescrit comme premier stade de toute procédure sur

une requête en révision, un arrêt limité à la question de sa recevabilité, il n’y a selon la Cour

aucune raison pour que, quand les circonstances s’y prêtent, le même arrêt ne puisse traiter

d’autres demandes formulées dans la même requête introductive d’instance »145. En mêlant

ainsi les deux procédures, la Cour a nécessairement abordé aussi des questions concernant le

fond d’une demande en révision, de plus en abordant tous les aspects, la Cour invite les

futures parties à utiliser ces procédures afin de la conduire à modifier ou infléchir des

décisions qui ne leur seraient pas favorables. A ce sujet nous pouvons citer Mme Bastid, juge

ad hoc tunisien, qui met en garde contre ces conséquences « la rigueur de l’appréciation de la

recevabilité est indispensable, sinon on risquerait, sous le prétexte de la requête en révision,

que la Cour soit appelée à se prononcer en fait sur ce que seraient les considérations dans

l’instance au fond et les modifications que l’on envisagerait à cette occasion dans la chose

jugée…et l’on peut craindre que dans l’avenir les demandes en interprétation ne se

multiplient, seules ou en liaison avec les demandes en révision, et fournissent l’occasion de

commentaires détaillés… »146. A ce jour d’autres demandes en interprétation ont été soumises

à la CIJ mais ne concernent pas des différends relatifs au domaine maritime, il en est ainsi de

la demande en interprétation du Cameroun de l’arrêt du 11 juin 1998 concernant la frontière

terrestre et maritime entre le Nigeria et le Cameroun ainsi que de la demande en révision dans

l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime

de génocide entre la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie, il s’agit en l’espèce de conflits

militaires qui n’intéressent pas le domaine maritime il ne seront donc pas envisagés ici.

On s’aperçoit que l’effet des arrêts de la Cour à l’égard des parties est souvent atténué par la

Cour elle même, si bien que cela a une influence sur le suivi et l’exécution de ces décisions.

SECTION 2 : DES DECISIONS POUVANT ETRE SANS EFFETS

Si en vertu de l’article 59 du Statut de la Cour les arrêts de la CIJ sont obligatoires pour les

parties au différend, on s’aperçoit lorsqu’on se place sur une période de temps qui peut être

145 Rec. CIJ 1985, p. 197 § 10146 Rec. CIJ 1985, p. 248 § 3 et 4

71

Page 72: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

longue que certes ces arrêts sont le plus souvent exécutés par les Etats condamnés mais il est

arrivé qu’ils ne soient pas accomplis ou qu’ils le soient mais après de nombreuses années, de

plus ces décisions de la Cour peuvent ne pas être consacrées par la pratique internationale

(§1), si bien qu’on note depuis les années 1980 le développement des chambres ad hoc en vue

d’un rapprochement avec l’arbitrage (§2), que l’on a pu relever essentiellement dans le

règlement des conflits en matière maritime.

§ 1   : Des décisions non suivies

Comme on l’a étudié précédemment les décisions de la Cour sont obligatoires définitives et

sans recours à l’égard des parties au conflit, toutefois il est intéressant de relever que certaines

décisions de la CIJ n’ont pas été suivies ou l’ont été après de longues années par les parties et

certaines n’ont pas reçu de consécration dans la pratique internationale. Ainsi nous pouvons

citer une des premières affaires dont eut à connaître la Cour, peu de temps après la fin de la

guerre, il s’agit de l’affaire du Détroit de Corfou en 1949 entre le Royaume-Uni et l’Albanie.

En l’espèce en 1944 la marine britannique procéda au déminage du détroit nord de Corfou et

pour des raisons stratégiques la Grande-Bretagne utilisait fréquemment cette voie d’eau. Avec

l’apparition de la République populaire d’Albanie, naquit une certaine tension. En effet

l’Albanie soucieuse de faire respecter son territoire a mis en garde, et parfois de façon

violente, la marine britannique contre les violations répétées de ses eaux territoriales. Le 22

octobre 1946, deux contre-torpilleurs britanniques heurtèrent des mines et des pertes

humaines et des dommages matériels en résultèrent. Le 13 novembre la Grande-Bretagne,

pénétrant dans les eaux territoriales albanaises procéda au déminage de ce détroit. L’incident

suscita de vive tension et après la saisine du Conseil de Sécurité, la Grande-Bretagne saisissait

la Cour par une requête individuelle. La question se posait devant la Cour de savoir si la

République populaire d’Albanie était responsable selon le droit international de ces

explosions qui ont eu lieu dans les eaux albanaises et dans le cas de sa responsabilité, fixer le

montant des réparations et indemnités, et si le Royaume-Uni par les actions de sa marine de

guerre dans les eaux albanaises concernant le déminage du détroit, avait violé la souveraineté

de la République populaire d’Albanie. La Cour dans un arrêt du 9 avril 1949 décida que

l’Albanie était responsable des explosions, que la Grande-Bretagne n’avait pas violé la

souveraineté de cet Etat et dans un arrêt du 15 décembre 1949 la Cour fixa le montant des

réparations incombant à la République populaire d’Albanie. Toutefois cette décision de la

72

Page 73: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Cour ne connu son règlement final qu’en 1992 lorsque l’Albanie accepta de payer à la

Grande-Bretagne l’indemnité que la Cour de la Haye l’avait condamnée à verser . On

s’aperçoit que certes la décision de la Cour a été suivie mais 43 ans après, si bien que l’on

peut relever que l’exécution de la décision dépend du bon vouloir de l’Etat.

Une autre affaire peut également être citée, l’affaire dite du « Lotus », souvent citée, de 1927

de la CPIJ. Cet arrêt opposa la France à la Turquie à la suite de l’abordage en haute mer entre

un navire français et un navire turc. Devant la Cour le gouvernement français soutenu qu’ à la

suite d’un abordage en haute mer entre un navire français et un navire turc, les poursuites

pénales ne pouvaient avoir lieu que devant les tribunaux de l’Etat du pavillon, et en l’espèce

cela impliquait que seule la France avait compétence pour engager des poursuites pénales à

l’encontre des marins responsables car elle était l’Etat du pavillon du navire qui avait abordé

le bâtiment turc. Mais la Cour refusa cette argumentation et estima que la compétence pénale

exclusive de l’Etat du pavillon, à la suite de l’abordage en haute mer, n’était pas une règle

coutumière. Il convient de noter ici que la compétence de l’Etat du pavillon est devenue une

règle de droit positif conventionnel depuis la signature de la Convention de Bruxelles de

1952. Celle-ci a donc été directement à l’encontre de la décision de la Cour dans l’affaire du

« Lotus » puisqu’elle a estimé qu’en cas d’abordage, la compétence pénale normale était celle

de l’Etat du pavillon. L’affaire relative à la compétence en matière de pêcheries entre le

Royaume-Uni et l’Islande d’une part et la République fédérale d’Allemagne et l’Islande

d’autre part devant la CIJ en 1974147 mérite d’être citée. En l’espèce l’Islande modifia sa

politique en matière de pêche, puisqu’elle adopta en 1972 une zone de pêche exclusive de 50

milles depuis la ligne de base. Cette initiative suscita les protestations de la Grande-Bretagne

et de l’Allemagne et il en résulta un contentieux qui fut porté par les deux Etats devant la CIJ.

Ces deux Etats contestaient l’existence d’une règle coutumière permettant à l’Etat côtier

d’étendre l’exploitation exclusive de la pêche au-delà des 12 milles depuis la ligne de base de

la mer territoriale et niaient le fait que les problèmes de conservations des espèces imposent

cette solution, car les mesures nécessaires pouvaient être adoptées dans le cadre des accords

de pêche en vigueur. Le gouvernement islandais, de son côté, affirmait cependant son droit à

déterminer de façon unilatérale les limites de sa propre zone de pêche. La CIJ, dans les deux

décisions du 25 juillet 1974, a accueilli dans leur ensemble les demandes des deux Etats

requérants, en affirmant que l’extension unilatérale à 50 milles de la zone de pêche islandaise

ne pouvait leur être opposée. A la lumière du droit coutumier, tel qu’il résultait de la

codification de Genève, outre la limite de douze milles à partir de la ligne de base de la mer

147 Rec. CIJ 1974 p. 23-192

73

Page 74: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

territoriale était reconnu à l’Etat côtier, selon la Cour, le seul droit de revendiquer des droits

préférentiels dès l’instant où il se trouvait « dans une situation de dépendance spéciale à

l’égard de ses pêcheries côtières ». Pourtant la Cour, tout en ne prenant pas position sur la

validité en général des mesures islandaises et se limitant en effet à les considérer comme non

opposables aux Etats requérants, se déclara quand même ouvertement dans sa décision

favorable à des règles que l’évolution de la pratique faisait apparaître comme dépassées. La

Cour affirma cependant l’existence d’une obligation des parties de négocier afin de

déterminer le domaine respectif de leurs droits d’exploitation, refusant donc la responsabilité

d’affirmer quelles étaient les règles coutumières applicables pour résoudre la contradiction

entre les prétentions opposées des Etats côtiers et des Etats tiers qui fréquentaient

traditionnellement les zones devenues nationales à la suite de mesures unilatérales. La

décision prise par la Cour ne fut pas exécutée par l’Islande. Ce pays, au contraire, étendit peu

après jusqu’à 200 milles sa zone de pêche. Il était apparu par ailleurs dès les premières

sessions de la troisième Conférence sur le droit de la mer, que la théorie des droits

préférentiels, à laquelle la Cour avait adhéré dans le cas islandais, ne trouvait pas de soutien,

si ce n’est dans les propositions de quelques rares Etats industrialisés, alors que la grande

majorité des délégations, et parmi elles celles de tous les pays en voie de développement,

étaient à présent sûres du fait qu’il était possible d’étendre la juridiction côtière bien au-delà

des douze milles de la mer territoriale. De plus il existait déjà, notamment à la fin de la

seconde session de la Conférence tenue à Caracas de juin à août 1974, une large approbation

du concept de zone économique exclusive et de la fixation de la largeur de celle-ci à une

distance maximale de 200 milles. On s’aperçoit que l’Etat en cause, et par la suite la pratique

internationale n’ont pas suivi la position de la Cour dans cet arrêt et la CIJ s’alignera dans ces

futures décisions sur cette consécration. Toutefois il faut préciser que les refus d’exécution

des décisions de la Cour par les Etats sont rares, car ils peuvent affecter grandement la

réputation internationale d’un Etat.

Mais on peut noter que la Cour, depuis une vingtaine d’années, a relevé en quelque sorte

cette lacune et tente d’y remédier en développant un rapprochement avec l’arbitrage.

§ 2   : Vers un rapprochement de l’arbitrage

La Cour respectueuse de la souveraineté des Etats et soucieuse de leur rendre sa justice

attractive montre la volonté de développer, depuis les années 80, des chambres ad hoc,

74

Page 75: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

instituées pour régler certaines affaires ce qui accentue le rapprochement avec l’arbitrage

essentiellement dans le domaine des conflits maritimes. En effet, les parties peuvent alors

débattre avec le Président de la Cour du nombre et de l’identité des juges qui composeront

cette Chambre, même si la Cour conserve formellement la décision. La volonté des Etats,

notamment occidentaux, de garder la main sur la justice internationale était apparue de

manière limpide dans l’affaire de la délimitation maritime dans le golfe du Maine entre les

Etats-Unis et le Canada en 1982148. Cette affaire a été introduite le 25 novembre 1981, par

notification au Greffe de la Cour d’un compromis signé le 29 mars 1979 et entré en vigueur

entre les deux parties le 20 novembre 1981. Ce compromis soumet à la Cour une question

concernant le tracé de la frontière maritime unique divisant le plateau continental et les zones

de pêche des deux parties dans la région du golfe du Maine. En outre ce compromis a la

particularité de prévoir la saisine d’une Chambre de cinq personnes, conformément à la

procédure de l’article 25 du Statut de la Cour149, utilisée ainsi pour la première fois dans les

annales de la Cour. Cette Chambre a été élue par la Cour le 15 janvier 1982, cependant un

certain nombre de questions sont soulevées par la constitution de cette instance. La première

question concernait le moment où cette Chambre devrait être mise sur pied, mais d’autres

questions concernaient les pouvoirs respectifs des parties et de la Cour en cas de constitution

de la Chambre. L’article 26 § 2 du Statut de la Cour précise que « la Cour peut, à toute

époque, constituer une Chambre pour connaître d’une affaire déterminée. Le nombre des

juges de cette Chambre sera fixé par la Cour avec l’assentiment des Parties ». Par conséquent

en vertu de cet article rien ne semblait s’opposer à ce que les parties aient indiqué dans leur

compromis du 29 mars 1979, le nombre devant composer le Chambre dont elles sollicitaient

la nomination. En revanche les deux parties avaient également signé un autre compromis

soumettant l’affaire à une Cour d’arbitrage si la Cour ne constituait pas la Chambre dans les

délais fixés et selon les modalités prévues par elles et elles avaient même formellement

indiqué à la Cour le nom des juges qu’elles voulaient voir siéger à la Chambre. On s’aperçoit

ici que les parties posent des conditions à la Cour qui ne paraissent pas conforme d’une part

au Statut, car il ne prévoit pas l’accord des parties sur le nom des juges, et d’autre part au

Règlement qui prévoit leur élection au scrutin secret. On voit là des exigences d’Etats parties

au conflit que l’on rencontre devant la procédure d’arbitrage et non devant un Juge. La Cour

décida d’accéder à la demande des Gouvernements du Canada et des Etats-Unis d’Amérique.

On peut noter que la procédure de mise sur pied de la Chambre est réalisée suivant les

exigences des parties, ce qui n’est pas conforme à ce qui est prévu dans les textes. On peut

148 Rec. CIJ 1982, p. 3149 cf, Annexe 1

75

Page 76: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

citer le juge Morozov qui dans son opinion dissidente déclare « le droit souverain de la Cour

de procéder à une telle élection de façon indépendante par rapport à la volonté des parties, au

scrutin secret, conformément aux dispositions de son Statut et de son Règlement, perd toute

signification véritable »150. Il est certain ici que la distinction entre la juridiction internationale

et l’arbitrage dont l’essence est le choix des juges par les parties devient extrêmement ténue

dans la procédure qui a été suivie pour la constitution de la Chambre de la CIJ dans cette

affaire. Un autre arrêt témoigne aussi de ce rapprochement avec l’arbitrage il s’agit du

différend frontalier, terrestre, insulaire et maritime entre El Salvador et Honduras en 1990151.

En l’espèce c’est par un compromis signé le 24 mai 1986 qu’El Salvador et le Honduras ont

décidé de soumettre leur différend territorial à une Chambre de la CIJ. La Cour a désigné cette

Chambre, conformément aux choix des parties et a considéré concernant l’intervention du

Nicaragua que c’est la Chambre qui devait traiter de cette question, car selon elle une

Chambre qui a été constituée pour connaître du fond d’une affaire, doit également connaître

des procédures incidentes. On peut relever que les Chambres telles qu’elles ont été désignées

dans les faits émanent aujourd’hui plus des parties que de la CIJ et on peut citer le juge

Tarassov qui dit à la fin de son opinion dissidente, sa crainte de voir les Chambres

transformées en « une sorte d’hybride à mi-chemin entre le processus judiciaire international

et l’arbitrage »152. La Cour dans cette affaire a renvoyé à la Chambre la décision sur la

demande d’intervention, ce qui en l’espèce était une façon de refuser d’exercer une sorte de

contrôle à l’égard des Chambres. Et cela est préoccupant dans la mesure ou l’article 27 du

Statut de la Cour153, prévoit qu’un arrêt rendu par une Chambre ad hoc est considéré comme

un arrêt de la Cour. En d’autres termes, le système des Chambres tel qu’il a fonctionné depuis

la réforme du Règlement, donne aux parties une influence capitale sur le choix de ses

membres, si bien qu’il est devenu extrêmement proche d’une procédure d’arbitrage où les

arbitres sont choisis intuitu personae par les parties, et ne peuvent donc a priori n’avoir que la

confiance des parties. Ce qui est contraire à l’esprit qui a présidé à la naissance de la Cour de

la Haye comme le notait Léon Bourgeois, lors de la séance inaugurale du Comité de juristes

de 1920 « la Cour de justice doit être une véritable Cour permanente. Ce n’est pas simplement

à des arbitres choisis éventuellement en cas de conflit par les parties intéressées ; c’est à un

petit nombre de juges siégeant constamment, recevant un mandat dont la durée permettra

l’établissement d’une véritable jurisprudence, qu’il appartiendra de dire le droit »154. Or le

150 Rec. CIJ 1982, p. 11151 Rec. CIJ 1990, p. 3-55152 Rec. CIJ 1990, p. 17153 cf, Annexe 1154 Rec. CIJ 1990, p. 27

76

Page 77: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

choix des parties déterminé par leurs propres intérêts, n’est pas fait en fonction des intérêts

généraux de la communauté internationale. La procédure de sélection des membres des

Chambres introduite en 1972 remet en cause certaines caractéristiques fondamentales de la

CIJ, comme le souligne d’ailleurs le juge Shahaduddeen : « en admettant qu’une chambre

n’ait pas besoin de représenter les grandes formes de civilisation et les principaux systèmes

juridiques du monde, ne doit-elle pas en tout cas, pour pouvoir être considérée comme une

émanation crédible de la Cour prise en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies

au sens de l’article 92 de la Charte, être le résultat d’un exercice vraiment libre de la volonté

de la Cour elle même ? »155.

Et c’est véritablement dans un souci de donner satisfaction à l’une et à l’autre parties et dans

le but d’un règlement équitable des différends que la pratique de la Cour tend à se rapprocher

de l’arbitrage.

CONCLUSION

Depuis 1946 la CIJ a connu d’environ cinquante procès entre Etats, rendu soixante quatre

arrêts et a encore vingt-deux affaires à son rôle. Si en 1962 tous les signes ont concordé à

155 Rec. CIJ 1990, p. 47

77

Page 78: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

indiquer que les Etats qui avaient crée la CIJ hésitaient désormais à lui soumettre leurs

différends, le nombre d’affaires introduites étaient tombées à zéro, le Secrétaire général avait

même rappelé dans l’introduction à son rapport annuel l’intérêt du règlement judiciaire,

depuis 1972 le rythme des affaires portées devant la Cour s’est accru, et de 1972 à 1985 on a

enregistré une moyenne de une à trois affaires par an. A partir de 1986 la Cour a bénéficié

d’un accroissement important du nombre d’affaires portées devant elle. Elle a été en effet

saisie en une quinzaine d’années d’environ cinquante affaires contentieuses, et sur ce nombre

elle a été amenée à se prononcer sur une vingtaine de différends internationaux touchant à la

matière maritime. D’ailleurs dans sa résolution 44/23 du 17 novembre 1989, l’Assemblée

générale a déclaré la période 1990-1999 « Décennie des Nations Unies pour le droit

international ». M. Stephen Schwebel, Président de la Cour en 1998 a fait observé que dans

ses procédures de règlement des différends qui se combinent, le recours au règlement

judiciaire aide les parties à un différend, à clarifier leurs positions. Les parties sont conduites à

réduire la portée de leurs prétentions politiques, et à transformer celles-ci en des demandes

fondées sur des arguments de fait et de droit. Il en résulte que dans certains cas, des

négociations politiques ont repris et ont abouti avant que la Cour ne se soit prononcée. Dans

d’autres cas, la décision de la Cour a fourni aux parties les arguments juridiques qui peuvent

leur servir pour engager de nouvelles négociations et parvenir au règlement du différend.

Ainsi jamais la Cour n’était apparue dans le passé aussi attrayante qu’elle ne l’est aujourd’hui

et jamais elle n’avait eu autant de succès auprès des Etats. Quand aux causes de cette

impressionnante évolution, elles sont notoirement à rattacher, d’une part aux modifications

profondes qu’a subie entre temps la communauté internationale et d’autre part à tout une série

de changements concernant la Cour elle-même : sa composition, ses revirements, sa politique

judiciaire. Toutefois un sujet de préoccupation a été soulevé par le Président actuel de la Cour,

M. Gilbert Guillaume, dans son discours prononcé devant la Sixième Commission de

l’Assemblée générale des Nations Unies le 31 octobre 2001. Il a fait référence à la

prolifération des instances judiciaires internationales et de son incidence sur le droit

international. Il souligne que les risques de courses aux tribunaux, de « forum shopping », se

sont aggravés et donne l’exemple sur ce sujet du différend concernant la pêche à l’espadon

apparu entre le Chili et l’Union européenne et de l’affaire du thon à nageoire bleue dans

laquelle le tribunal internationale du droit de la mer, s’était déclaré compétent prima facie,

mais où cette solution n’a en définitive pas été retenue par le Tribunal arbitral constitué entre

l’Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande. Le Président précise enfin que les risques de

contrariété de jurisprudence se sont également développés si bien que la multiplication des

78

Page 79: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

instances juridictionnelles internationales peut mettre en danger l’unité du droit international.

Il va de soi qu’il s’agit ici d’une tendance très dangereuse à long terme pour la Cour : non

seulement celle-ci finira par se retrouver serrée de tous côtés, du fait d’être soumise à une

concurrence croissante, mais elle va apparaître inévitablement de plus en plus comme la

« vieille » méthode , qu’il peut encore valoir la peine d’utiliser tant qu’il n’y en a pas de

« nouvelles » et plus spécifiques à disposition. La Cour en matière de règlement des

différends entre Etats a eu a connaître, comme on la déjà précisé, d’une vingtaine de

différends internationaux en matière maritime sur environ une cinquantaine d’affaires

contentieuses, elle a rendu sur ce domaine plusieurs arrêts d’importance et a notamment

tranché le 16 mars 2001 un différend territorial entre Qatar et Bahreïn relatif à la souveraineté

sur certaines îles et à la délimitation maritime à opérer entre les deux Etats. A cette occasion,

elle a été amenée à préciser sur plusieurs points sa jurisprudence dans le domaine du droit de

la mer. Il est nécessaire de préciser que la contribution de la Cour concernant le

développement de cette matière est ancienne , la CPIJ, comme la présente Cour, ont toutes

deux entamé leur tâche contentieuse par des affaires relatives au droit de la mer, à savoir dans

le premier cas, celle du « Vapeur Wimbledon »156 et , dans le second cas, celle du « Détroit de

Corfou »157. La délimitation des espaces maritimes a longtemps été considérée comme une

question secondaire s’agissant de la fixation de frontières entre mers territoriales étroites, mais

depuis quelques années cette question est abordée par la Cour, comme nous avons pu

l’étudier. On constate que le droit des délimitations maritimes, à travers cette évolution

jurisprudentielle, est parvenue à un degré nouveau d’unité et de certitude tout en conservant la

souplesse nécessaire. Ainsi que la Cour l’a déclaré dans son dernier arrêt du 16 mars

2001 : « la règle de « l’équidistance/circonstances spéciales » applicable à la délimitation de

la mer territoriale et la règle des « principes équitables/circonstances pertinentes », telle

qu’elle s’est développée depuis 1958 dans sa jurisprudence et la pratique des Etats quand il

s’agit de délimiter le plateau continental et la zone économique exclusive, sont étroitement

liées l’une à l’autre ». On note ainsi qu’au terme de cette évolution la Cour a pu concilier droit

et équité, essentiellement dans cette matière. Mais à l’intervention de la Cour en matière

maritime on voit s’ajouter un Tribunal du droit de la mer. La création d’un Tribunal du droit

de la mer a été considéré dès le début comme un outrage à la Cour, mais nombreux étaient les

Etats, et en particulier les pays en voie de développement qui, en s’appuyant sur l’arrêt du

156 Dans cette affaire la Cour a eu à connaître d’une contradiction entre les dispositions du Traité de Versailles internationalisant le canal de Kiel et des actes unilatéraux adoptés par l’Allemagne et qui interdirent le passage dans ce canal de navires (dont le « Wimbledon »).157 Rec. CIJ 1949

79

Page 80: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Sud-Ouest Africain158, manifestèrent leur préférence pour un nouveau tribunal spécial qui soit

moins conservateur, plus représentatif des principaux systèmes juridiques et des différentes

régions du monde et qui soit ouvert non seulement aux Etats, comme la CIJ, mais aussi à

d’autres entités159. Il est particulièrement significatif que la résolution 3232 de l’Assemblée

Générale des Nations Unies relative à l’examen des fonctions de la CIJ, en rappelant le

développement et la codification croissante du droit international dans les conventions

ouvertes à la participation universelle, ait souligné la nécessité d’uniformité dans son

interprétation et application. Deux Tribunaux parallèles peuvent difficilement assurer une

interprétation uniforme de la Convention, ce qui sans doute constitue un motif d’insécurité

pour le droit de la mer en général. Enfin On sait que la Cour n’est pas ouverte aux

organisations internationales, pour ce qui est de sa juridiction contentieuse, comme elle ne

l’est pas aux particuliers. Or ce qui caractérise certains des nouveaux litiges est le fait d’être

accessibles aux particuliers, voire à d’autres sujets. L’atout des nouvelles institutions est de

pouvoir jouer un rôle, allant de la conciliation et de la médiation à l’arbitrage proprement dit,

ce qui les rend particulièrement attrayants pour les différends qui relèvent plus que du « droit

de la coexistence », du « droit de la coopération ». On constate que certaines conventions

prévoit quant aux différends entre Parties contractantes le recours, non pas à la CIJ, mais à

l’arbitrage ad hoc et prévoit que les procédures arbitrales doivent se dérouler à la Haye en

utilisant le siège de la Cour permanente d’Arbitrage. Ainsi l’Organisation Mondiale du

Commerce, concernant le système de règlement des différends écarte totalement la CIJ.

Cependant on a pu relever que la CIJ a pris en main son propre destin par des choix

appropriés de politique judiciaire et elle l’a fait à l’occasion d’affaires pendantes devant elles

et concernant le domaine maritime. La Cour apparaît, dans cette matière, comme un moyen

pacifique de régler des différends, quand les négociations ont échoué, avec les méthodes

mêmes que sont censées employer les parties. La Cour l’affirme dans l’arrêt du Golfe du

Maine du 12 octobre 1984 : « toute délimitation doit se faire consensuellement entre Etats

concernés, que ce soit par la conclusion d’un accord direct ou éventuellement par une voie de

substitution, mais ayant toujours une base consensuelle »160. Le Juge Gros, dans son opinion

dissidente dans l’affaire du Golfe du Maine, a d’ailleurs souligné que depuis 1982 « la Cour a

opéré plus qu’un revirement de jurisprudence, elle a une autre manière de régler les différends

158 Arrêt du 18 juillet 1966, CIJ, Rec. 1966, p. 4159 En vertu de l’article 20.2 du Statut du TIDM « le tribunal est ouvert à des entités autres que les Etats Parties dans tous les cas expressément prévus à la partie XI ou pour tout autre différend soumis en vertu de tout autre accord conférant au Tribunal une compétence acceptée par toutes les parties au différend »160 Rec. CIJ 1984, p. 292 § 89

80

Page 81: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

entre Etats »161. De plus en plus dans les décisions qu’a pu rendre la Cour en matière de

règlement de différends dans le domaine maritime, la distinction entre la juridiction

internationale et l’arbitrage devient extrêmement ténue. Mais en réalité si l’on cherche à

évaluer le résultat obtenu, au niveau du fond, on peut être amené à dire que la Cour puisse être

comparée à une Commission de conciliation voire, préconiser en quelque sorte le retour du

fonctionnement de la Cour permanente d’arbitrage à travers la CIJ.

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- R. Rodière : « Droit Maritime », Précis Dalloz, 12e édition, 1997.

JURISPRUDENCE   :

JURISPRUDENCE INTERNATIONALE CIJ, Arrêts cités, Recueil de jurisprudence

de la CIJ   :

- Détroit de Corfou, 25 mars 1948 (exception préliminaire), 9 avril 1949 (fond), 15

décembre 1949 (fixation du montant des réparations)

82

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- Affaire des pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège) 18 décembre 1951, Rec. CIJ 1951, p.

32

- Affaire du Plateau continental de la mer du Nord (Danemark/RFA ; RFA/Pays-Bas)

20 février 1969 p. 20.

- Affaires relatives à la compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande ;

RFA c. Islande) 2 février 1973 (compétence) et 25 juillet 1974 (fond).

- Affaire du Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie) 19 décembre 1978,

Rec. CIJ 1976 p. 3 et 1978 p.3.

- Affaire du Plateau continental tuniso-libyen (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) 14

avril 1981 (requête de Malte à fin d’intervention) et 24 février 1982 (arrêt au fond),

Rec. CIJ 1981 p.3 et 1982 p.18.

- Affaire de la délimitation de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine

(Canada/Etats-Unis d’Amérique) 20 janvier 1982, Rec. CIJ 1982 p.3.

- Affaire du Plateau continental malto-libyen (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) 3 juin

1985, Rec. CIJ 1984 p.3.

- Affaire du différend frontalier, terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras),

arrêt du 13 septembre 1990 sur la demande d’intervention du Nicaragua et arrêt au

fond du 11 septembre 1992, Rec. CIJ 1990 p. 92 et 1992 p. 351.

- Affaire Frontière terrestre et maritime Cameroun/ Nigeria/Guinée équatoriale

(intervenant), requête introductive d’instance le 29 mars 1994, requête à fin

d’intervention de la Guinée équatoriale du 30 juin 1999.

- Affaire de la Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan

Mayen (Danemark/Norvège) 14 juin 1993, Rec. CIJ 1993 p.38.

- Affaire de la Compétence en matière de pêcherie (Espagne/Canada) 4 décembre 1998,

Rec. CIJ 1998.

- Affaire de la délimitation maritime et question territoriale (Qatar/Bahreïn) 16 mars

2001.

JURISPRUDENCE CPIJ, Arrêts cités

- Affaire du « Lotus » (France/Turquie) 7 septembre 1927, Série A, n° 10.

- Affaire du « Wimbledon » (Allemagne/Pologne) 17 août 1923, Série A, n°1 p. 30

83

Page 84: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

CHRONIQUES

- European Journal of International Law, article de Luigi Condorelli « La Cour

Internationale de justice : « 50 ans et pas une ride », 11 novembre 1999.

- Le Monde diplomatique, article de Monique Chemillier-Gendreau « La Cour

Internationale de justice entre politique et droit », novembre 1996.

- Pierre Bonassies : « Le droit international et le droit communautaire en 1998-1999 »,

Revue Scapel 1999 n° 3, p. 121.

- Pierre Bonassies : « Cours de droit maritime général » non publié.

SITE INTERNET :

www.icj-cij.org : site Internet de la Cour Internationale de Justice

LISTE DES ABREVIATIONS

CIJ : Cour Internationale de Justice

CPIJ : Cour Permanente Internationale de Justice

CPA : Cour Permanente d’Arbitrage

O.P.A.N : Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-ouest

TIDM : Tribunal International du Droit de la Mer

Rec. CIJ : Recueil de jurisprudence de la Cour Internationale de Justice

ONU : Organisation des Nations Unies

RFA : République Fédérale d’Allemagne

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Page 85: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

ANNEXES

Annexe 1 : Statut de la CIJ

Annexe 2 : Règlement de la CIJ

Annexe 3 : Charte des Nations Unies

Annexe 4 : Tableau des déclarations d’acceptation de la juridiction

obligatoire de la CIJ

Annexe 5 : Résolution 9 du Conseil de sécurité portant conditions d’accès

à la CIJ d’Etats non parties au Statut de la Cour

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Page 86: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

ANNEXE 1

STATUT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

CHAPITRE I: ORGANISATION DE LA COUR

CHAPITRE II: COMPÉTENCE DE LA COUR

CHAPITRE III: PROCÉDURE

CHAPITRE IV: AVIS CONSULTATIFS

CHAPITRE V: AMENDEMENTS

Article 1

La Cour internationale de Justice instituée par la Charte des Nations Unies comme organe judiciaire principal de l'Organisation sera constituée et fonctionnera conformément aux dispositions du présent Statut.

Chapitre I - Organisation de la Cour

Article 2

La Cour est un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international.

Article 3

1. La Cour se compose de quinze membres. Elle ne pourra comprendre plus d'un ressortissant du même Etat.

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Page 87: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

2. A cet égard, celui qui pourrait être considéré comme le ressortissant de plus d'un Etat sera censé être ressortissant de celui où il exerce habituellement ses droits civils et politiques.

Article 4

1. Les membres de la Cour sont élus par l'Assemblée générale et par le Conseil de sécurité sur une liste de personnes présentées par les groupes nationaux de la Cour permanente d'arbitrage, conformément aux dispositions suivantes.

2. En ce qui concerne les Membres des Nations Unies qui ne sont pas représentés à la Cour permanente d'arbitrage, les candidats seront présentés par des groupes nationaux, désignés à cet effet par leurs gouvernements, dans les mêmes conditions que celles stipulées pour les membres de la Cour permanente d'arbitrage par l'article 44 de la Convention de La Haye de 1907 sur le règlement pacifique des conflits internationaux.

3. En l'absence d'accord spécial, l'Assemblée générale, sur la recommandation du Conseil de sécurité, réglera les conditions auxquelles peut participer à l'élection des membres de la Cour un Etat qui, tout en étant partie au présent Statut, n'est pas Membre des Nations Unies.

Article 5

1. Trois mois au moins avant la date de l'élection, le Secrétaire général des Nations Unies invite par écrit les membres de la Cour permanente d'arbitrage appartenant aux Etats qui sont parties au présent Statut, ainsi que les membres des groupes nationaux désignés conformément au paragraphe 2 de l'Article 4, à procéder dans un délai déterminé, par groupes nationaux, à la présentation de personnes en situation de remplir les fonctions de membre de la Cour.

2. Chaque groupe ne peut, en aucun cas, présenter plus de quatre personnes, dont deux au plus de sa nationalité. En aucun cas, il ne peut être présenté un nombre de candidats plus élevé que le double des sièges à pourvoir.

Article 6

Avant de procéder à cette désignation, il est recommandé à chaque groupe national de consulter la plus haute cour de justice, les facultés et écoles de droit, les académies nationales et les sections nationales d'académies internationales vouées à l'étude du droit.

Article 7

1. Le Secrétaire général dresse, par ordre alphabétique, une liste de toutes les personnes ainsi désignées; seules ces personnes sont éligibles, sauf le cas prévu au paragraphe 2 de l'Article 12.

2. Le Secrétaire général communique cette liste à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité.

Article 8

L'Assemblée générale et le Conseil de sécurité procèdent indépendamment l'un de l'autre à l'élection des membres de la Cour.

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Page 88: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Article 9

Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde.

Article 10

1. Sont élus ceux qui ont réuni la majorité absolue des voix dans l'Assemblée générale et dans le Conseil de sécurité.

2. Le vote au Conseil de sécurité, soit pour l'élection des juges, soit pour la nomination des membres de la commission visée à l'Article 12 ci-après, ne comportera aucune distinction entre membres permanents et membres non permanents du Conseil de sécurité.

3. Au cas où le double scrutin de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité se porterait sur plus d'un ressortissant du même Etat, le plus âgé est seul élu.

Article 11

Si, après la première séance d'élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il est procédé, de la même manière, à une seconde et, s'il est nécessaire, à une troisième.

Article 12

1. Si, après la troisième séance d'élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il peut être à tout moment formé, sur la demande soit de l'Assemblée générale, soit du Conseil de sécurité, une Commission médiatrice de six membres, nommés trois par l'Assemblée générale, trois par le Conseil de sécurité, en vue de choisir par un vote à la majorité absolue, pour chaque siège non pourvu, un nom à présenter à l'adoption séparée de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité.

2. La Commission médiatrice peut porter sur sa liste le nom de toute personne satisfaisant aux conditions requises et qui recueille l'unanimité de ses suffrages, lors même qu'il n'aurait pas figuré sur la liste de présentation visée à l'Article 7.

3. Si la Commission médiatrice constate qu'elle ne peut réussir à assurer l'élection, les membres de la Cour déjà nommés pourvoient aux sièges vacants, dans un délai à fixer par le Conseil de sécurité, en choisissant parmi les personnes qui ont obtenu des suffrages soit dans l'Assemblée générale, soit dans le Conseil de sécurité.

4. Si, parmi les juges, il y a partage égal des voix, la voix du juge le plus âgé l'emporte.

Article 13

1. Les membres de la Cour sont élus pour neuf ans et ils sont rééligibles; toutefois, en ce qui concerne les juges nommés à la première élection de la Cour, les fonctions de cinq juges prendront fin au bout de trois ans, et celles de cinq autres juges prendront fin au bout de six ans.

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Page 89: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

2. Les juges dont les fonctions prendront fin au terme des périodes initiales de trois et six ans mentionnées ci-dessus seront désignés par tirage au sort effectué par le Secrétaire général, immédiatement après qu'il aura été procédé à la première élection.

3. Les membres de la Cour restent en fonction jusqu'à leur remplacement. Après ce remplacement, ils continuent de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis.

4. En cas de démission d'un membre de la Cour, la démission sera adressée au Président de la Cour, pour être transmise au Secrétaire général. Cette dernière notification emporte vacance de siège.

Article 14

Il est pourvu aux sièges devenus vacants selon la méthode suivie pour la première élection, sous réserve de la disposition ci-après : dans le mois qui suivra la vacance, le Secrétaire général procédera à l'invitation prescrite par l'Article 5, et la date d'élection sera fixée par le Conseil de sécurité.

Article 15

Le membre de la Cour élu en remplacement d'un membre dont le mandat n'est pas expiré achève le terme du mandat de son prédécesseur.

Article 16

1. Les membres de la Cour ne peuvent exercer aucune fonction politique ou administrative, ni se livrer à aucune autre occupation de caractère professionnel.

2. En cas de doute, la Cour décide.

Article 17

1. Les membres de la Cour ne peuvent exercer les fonctions d'agent, de conseil ou d'avocat dans aucune affaire.

2. Ils ne peuvent participer au règlement d'aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l'une des parties, membres d'un tribunal national ou international, d'une commission d'enquête, ou à tout autre titre.

3. En cas de doute, la Cour décide.

Article 18

1. Les membres de la Cour ne peuvent être relevés de leurs fonctions que si, au jugement unanime des autres membres, ils ont cessé de répondre aux conditions requises.

2. Le Secrétaire général en est officiellement informé par le Greffier.

3. Cette communication emporte vacance de siège.

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Page 90: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Article 19

Les membres de la Cour jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités diplomatiques.

Article 20

Tout membre de la Cour doit, avant d'entrer en fonction, en séance publique, prendre l'engagement solennel d'exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience.

Article 21

1. La Cour nomme, pour trois ans, son Président et son Vice-Président; ils sont rééligibles.

2. Elle nomme son Greffier et peut pourvoir à la nomination de tels autres fonctionnaires qui seraient nécessaires.

Article 22

1. Le siège de la Cour est fixé à La Haye. La Cour peut toutefois siéger et exercer ses fonctions ailleurs lorsqu'elle le juge désirable.

2. Le Président et le Greffier résident au siège de la Cour.

Article 23

1. La Cour reste toujours en fonction, excepté pendant les vacances judiciaires, dont les périodes et la durée sont fixées par la Cour.

2. Les membres de la Cour ont droit à des congés périodiques dont la date et la durée seront fixées par la Cour, en tenant compte de la distance qui sépare La Haye de leurs foyers.

3. Les membres de la Cour sont tenus, à moins de congé, d'empêchement pour cause de maladie ou autre motif grave dûment justifié auprès du Président, d'être à tout moment à la disposition de la Cour.

Article 24

1. Si, pour une raison spéciale, l'un des membres de la Cour estime devoir ne pas participer au jugement d'une affaire déterminée, il en fait part au Président.

2. Si le Président estime qu'un des membres de la Cour ne doit pas, pour une raison spéciale, siéger dans une affaire déterminée, il en avertit celui-ci.

3. Si, en pareils cas, le membre de la Cour et le Président sont en désaccord, la Cour décide.

Article 25

1. Sauf exception expressément prévue par le présent Statut, la Cour exerce ses attributions en séance plénière.

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2. Sous la condition que le nombre des juges disponibles pour constituer la Cour ne soit pas réduit à moins de onze, le Règlement de la Cour pourra prévoir que, selon les circonstances et à tour de rôle, un ou plusieurs juges pourront être dispensés de siéger.

3. Le quorum de neuf est suffisant pour constituer la Cour.

Article 26

1. La Cour peut, à toute époque, constituer une ou plusieurs chambres, composées de trois juges au moins selon ce qu'elle décidera, pour connaître de catégories déterminées d'affaires, par exemple d'affaires de travail et d'affaires concernant le transit et les communications.

2. La Cour peut, à toute époque, constituer une chambre pour connaître d'une affaire déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l'assentiment des parties.

3. Les chambres prévues au présent Article statueront, si les parties le demandent.

Article 27

Tout arrêt rendu par l'une des chambres prévues aux Articles 26 et 29 sera considéré comme rendu par la Cour.

Article 28

Les chambres prévues aux Articles 26 et 29 peuvent, avec le consentement des parties, siéger et exercer leurs fonctions ailleurs qu'à La Haye.

Article 29

En vue de la prompte expédition des affaires, la Cour compose annuellement une chambre de cinq juges, appelés à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent. Deux juges seront, en outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l'impossibilité de siéger.

Article 30

1. La Cour détermine par un règlement le mode suivant lequel elle exerce ses attributions. Elle règle notamment sa procédure.

2. Le Règlement de la Cour peut prévoir des assesseurs siégeant à la Cour ou dans ses chambres, sans droit de vote.

Article 31

1. Les juges de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l'affaire dont la Cour est saisie.

2. Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une des parties, toute autre partie peut désigner une personne de son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être

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prise de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet d'une présentation en conformité des Articles 4 et 5.

3. Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de la nationalité des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation d'un juge de la même manière qu'au paragraphe précédent.

4. Le présent Article s'applique dans le cas des Articles 26 et 29. En pareils cas, le Président priera un, ou, s'il y a lieu, deux des membres de la Cour composant la chambre, de céder leur place aux membres de la Cour de la nationalité des parties intéressées et, à défaut ou en cas d'empêchement, aux juges spécialement désignés par les parties.

5. Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent, pour l'application des dispositions qui précèdent, que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide.

6. Les juges désignés comme il est dit aux paragraphes 2, 3 et 4 du présent Article doivent satisfaire aux prescriptions des Articles 2, 17 (paragraphe 2), 20 et 24 du présent Statut. Ils participent à la décision dans des conditions de complète égalité avec leurs collègues.

Article 32

1. Les membres de la Cour reçoivent un traitement annuel.

2. Le Président reçoit une allocation annuelle spéciale.

3. Le Vice-Président reçoit une allocation spéciale pour chaque jour où il remplit les fonctions de Président.

4. Les juges désignés par application de l'Article 31, autres que les membres de la Cour, reçoivent une indemnité pour chaque jour où ils exercent leurs fonctions.

5. Ces traitements, allocations et indemnités sont fixés par l'Assemblée générale. Ils ne peuvent être diminués pendant la durée des fonctions.

6. Le traitement du Greffier est fixé par l'Assemblée générale sur la proposition de la Cour.

7. Un règlement adopté par l'Assemblée générale fixe les conditions dans lesquelles des pensions sont allouées aux membres de la Cour et au Greffier, ainsi que les conditions dans lesquelles les membres de la Cour et le Greffier reçoivent le remboursement de leurs frais de voyage.

8. Les traitements, allocations et indemnités sont exempts de tout impôt.

Article 33

Les frais de la Cour sont supportés par les Nations Unies de la manière que l'Assemblée générale décide.

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Page 93: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Chapitre II - Compétence de la Cour

Article 34

1. Seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour.

2. La Cour, dans les conditions prescrites par son Règlement, pourra demander aux organisations internationales publiques des renseignements relatifs aux affaires portées devant elle, et recevra également lesdits renseignements qui lui seraient présentés par ces organisations de leur propre initiative.

3. Lorsque l'interprétation de l'acte constitutif d'une organisation internationale publique ou celle d'une convention internationale adoptée en vertu de cet acte est mise en question dans une affaire soumise à la Cour, le Greffier en avise cette organisation et lui communique toute la procédure écrite.

Article 35

1. La Cour est ouverte aux Etats parties au présent Statut.

2. Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.

3. Lorsqu'un Etat qui n'est pas Membre des Nations Unies est partie en cause, la Cour fixera la contribution aux frais de la Cour que cette partie devra supporter. Toutefois, cette disposition ne s'appliquera pas si cet Etat participe aux dépenses de la Cour.

Article 36

1. La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur.

2. Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre juridique ayant pour objet :

a. l'interprétation d'un traité;

b. tout point de droit international;

c. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un engagement international;

d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement international.

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3. Les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et simplement ou sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains Etats, ou pour un délai déterminé.

4. Ces déclarations seront remises au Secrétaire général des Nations Unies qui en transmettra copie aux parties au présent Statut ainsi qu'au Greffier de la Cour.

5. Les déclarations faites en application de l'Article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée seront considérées, dans les rapports entre parties au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice pour la durée restant à courir d'après ces déclarations et conformément à leurs termes.

6. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.

Article 37

Lorsqu'un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi à une juridiction que devait instituer la Société des Nations ou à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale de Justice constituera cette juridiction entre les parties au présent Statut.

Article 38

1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique :

a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige;

b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit;

c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées;

d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.

2. La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d'accord, de statuer ex aequo et bono.

Chapitre III - Procédure

Article 39

1. Les langues officielles de la Cour sont le français et l'anglais. Si les parties sont d'accord pour que toute la procédure ait lieu en français, le jugement sera prononcé en cette langue. Si

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Page 95: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

les parties sont d'accord pour que toute la procédure ait lieu en anglais, le jugement sera prononcé en cette langue.

2. A défaut d'un accord fixant la langue dont il sera fait usage, les parties pourront employer pour les plaidoiries celle des deux langues qu'elles préféreront, et l'arrêt de la Cour sera rendu en français et en anglais. En ce cas, la Cour désignera en même temps celui des deux textes qui fera foi.

3. La Cour, à la demande de toute partie, autorisera l'emploi par cette partie d'une langue autre que le français ou l'anglais.

Article 40

1. Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du compromis, soit par une requête, adressées au Greffier; dans les deux cas, l'objet du différend et les parties doivent être indiqués.

2. Le Greffier donne immédiatement communication de la requête à tous intéressés.

3. Il en informe également les Membres des Nations Unies par l'entremise du Secrétaire général, ainsi que les autres Etats admis à ester en justice devant la Cour.

Article 41

1. La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire.

2. En attendant l'arrêt définitif, l'indication de ces mesures est immédiatement notifiée aux parties et au Conseil de sécurité.

Article 42

1. Les parties sont représentées par des agents.

2. Elles peuvent se faire assister devant la Cour par des conseils ou des avocats.

3. Les agents, conseils et avocats des parties devant la Cour jouiront des privilèges et immunités nécessaires à l'exercice indépendant de leurs fonctions.

Article 43

1. La procédure a deux phases : l'une écrite, l'autre orale.

2. La procédure écrite comprend la communication à juge et à partie des mémoires, des contre-mémoires et, éventuellement, des répliques, ainsi que de toute pièce et document à l'appui.

3. La communication se fait par l'entremise du Greffier dans l'ordre et les délais déterminés par la Cour.

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4. Toute pièce produite par l'une des parties doit être communiquée à l'autre en copie certifiée conforme.

5. La procédure orale consiste dans l'audition par la Cour des témoins, experts, agents, conseils et avocats.

Article 44

1. Pour toute notification à faire à d'autres personnes que les agents, conseils et avocats, la Cour s'adresse directement au gouvernement de l'Etat sur le territoire duquel la notification doit produire effet.

2. Il en est de même s'il s'agit de faire procéder sur place à l'établissement de tous moyens de preuve.

Article 45

Les débats sont dirigés par le Président et, à défaut de celui-ci, par le Vice-Président; en cas d'empêchement, par le plus ancien des juges présents.

Article 46

L'audience est publique, à moins qu'il n'en soit autrement décidé par la Cour ou que les deux parties ne demandent que le public ne soit pas admis.

Article 47

1. Il est tenu de chaque audience un procès-verbal signé par le Greffier et le Président.

2. Ce procès-verbal a seul caractère authentique.

Article 48

La Cour rend des ordonnances pour la direction du procès, la détermination des formes et délais dans lesquels chaque partie doit finalement conclure; elle prend toutes les mesures que comporte l'administration des preuves.

Article 49

La Cour peut, même avant tout débat, demander aux agents de produire tout document et de fournir toutes explications. En cas de refus, elle en prend acte.

Article 50

A tout moment, la Cour peut confier une enquête ou une expertise à toute personne, corps, bureau, commission ou organe de son choix.

Article 51

Au cours des débats, toutes questions utiles sont posées aux témoins et experts dans les conditions que fixera la Cour dans le règlement visé à l'Article 30.

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Article 52

Après avoir reçu les preuves et témoignages dans les délais déterminés par elle, la Cour peut écarter toutes dépositions ou documents nouveaux qu'une des parties voudrait lui présenter sans l'assentiment de l'autre.

Article 53

1. Lorsqu'une des parties ne se présente pas, ou s'abstient de faire valoir ses moyens, l'autre partie peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions.

2. La Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer non seulement qu'elle a compétence aux termes des Articles 36 et 37, mais que les conclusions sont fondées en fait et en droit.

Article 54

1. Quand les agents, conseils et avocats ont fait valoir, sous le contrôle de la Cour, tous les moyens qu'ils jugent utiles, le Président prononce la clôture des débats.

2. La Cour se retire en Chambre du conseil pour délibérer.

3. Les délibérations de la Cour sont et restent secrètes.

Article 55

1. Les décisions de la Cour sont prises à la majorité des juges présents.

2. En cas de partage des voix, la voix du Président ou de celui qui le remplace est prépondérante.

Article 56

1. L'arrêt est motivé.

2. Il mentionne les noms des juges qui y ont pris part.

Article 57

Si l'arrêt n'exprime pas en tout ou en partie l'opinion unanime des juges, tout juge aura le droit d'y joindre l'exposé de son opinion individuelle.

Article 58

L'arrêt est signé par le Président et par le Greffier. Il est lu en séance publique, les agents dûment prévenus.

Article 59

La décision de la Cour n'est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé.

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Page 98: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Article 60

L'arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie.

Article 61

1. La révision de l'arrêt ne peut être éventuellement demandée à la Cour qu'en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision, sans qu'il y ait, de sa part, faute à l'ignorer.

2. La procédure de révision s'ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément l'existence du fait nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la révision, et déclarant de ce chef la demande recevable.

3. La Cour peut subordonner l'ouverture de la procédure en révision à l'exécution préalable de l'arrêt.

4. La demande en révision devra être formée au plus tard dans le délai de six mois après la découverte du fait nouveau.

5. Aucune demande de révision ne pourra être formée après l'expiration d'un délai de dix ans à dater de l'arrêt.

Article 62

1. Lorsqu'un Etat estime que, dans un différend, un intérêt d'ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la Cour une requête, à fin d'intervention.

2. La Cour décide.

Article 63

1. Lorsqu'il s'agit de l'interprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autres Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans délai.

2. Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès et, s'il exerce cette faculté, l'interprétation contenue dans la sentence est également obligatoire à son égard.

Article 64

S'il n'en est autrement décidé par la Cour, chaque partie supporte ses frais de procédure.

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Chapitre IV - Avis consultatifs

Article 65

1. La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies, ou conformément à ses dispositions, à demander cet avis.

2. Les questions sur lesquelles l'avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l'avis de la Cour est demandé. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question.

Article 66

1. Le Greffier notifie immédiatement la requête demandant l'avis consultatif à tous les Etats admis à ester en justice devant la Cour.

2. En outre, à tout Etat admis à ester devant la Cour et à toute organisation internationale jugés par la Cour, ou par le Président si elle ne siège pas, susceptibles de fournir des renseignements sur la question, le Greffier fait connaître, par communication spéciale et directe, que la Cour est disposée à recevoir des exposés écrits, dans un délai à fixer par le Président, ou à entendre des exposés oraux au cours d'une audience publique tenue à cet effet.

3. Si un de ces Etats, n'ayant pas été l'objet de la communication spéciale visée au paragraphe 2 du présent Article, exprime le désir de soumettre un exposé écrit ou d'être entendu, la Cour statue.

4. Les Etats ou organisations qui ont présenté des exposés écrits ou oraux sont admis à discuter les exposés faits par d'autres Etats et organisations dans les formes, mesures et délais fixés, dans chaque cas d'espèce, par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le Président. A cet effet, le Greffier communique, en temps voulu, les exposés écrits aux Etats ou organisations qui en ont eux-mêmes présenté.

Article 67

La Cour prononcera ses avis consultatifs en audience publique, le Secrétaire général et les représentants des Membres des Nations Unies, des autres Etats et des organisations internationales directement intéressés étant prévenus.

Article 68

Dans l'exercice de ses attributions consultatives, la Cour s'inspirera en outre des dispositions du présent Statut qui s'appliquent en matière contentieuse dans la mesure où elle les reconnaîtra applicables.

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Chapitre V - Amendements

Article 69

Les amendements au présent Statut seront effectués par la même procédure que celle prévue pour les amendements à la Charte des Nations Unies, sous réserve des dispositions qu'adopterait l'Assemblée générale, sur la recommandation du Conseil de sécurité, pour régler la participation à cette procédure des Etats qui, tout en ayant accepté le présent Statut de la Cour, ne sont pas Membres des Nations Unies.

Article 70

La Cour pourra proposer les amendements qu'elle jugera nécessaire d'apporter au présent Statut, par la voie de communications écrites adressées au Secrétaire général, aux fins d'examen conformément aux dispositions de l'Article 69.

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ANNEXE 2

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RÈGLEMENT DE LA COUR (1978)

TEL QUE MODIFIÉ LE 5 DÉCEMBRE 2000

PRÉAMBULE

La Cour,

Vu le chapitre XIV de la Charte des Nations Unies;

Vu le Statut de la Cour annexé à ladite Charte;

Agissant en vertu de l’article 30 du Statut;

Adopte les amendements aux articles 79 et 80 du Règlement tels qu’approuvés le 5 décembre 2000. Le Règlement modifié entrera en vigueur le 1er février 2001 et remplacera à compter de cette date le Règlement adopté par la Cour le 14 avril 1978; toutefois toute affaire soumise à la Cour avant le 1er février 2001, ou toute phase d’une telle affaire, restera régie par le Règlement applicable avant cette date.

Titre I

LA COUR

SECTION A. JUGES ET ASSESSEURS

Sous-section 1. Membres de la Cour

Article 1

1. Les membres de la Cour sont les juges élus conformément aux articles 2 à 15 du Statut.

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2. Aux fins d’une affaire déterminée, la Cour peut en outre comprendre sur le siège une ou plusieurs personnes désignées conformément à l’article 31 du Statut pour siéger comme juges ad hoc.

3. Dans les dispositions du présent Règlement, l’expression membre de la Cour désigne un juge élu; le terme juge désigne aussi bien un membre de la Cour qu’un juge ad hoc.

Article 2

1. La période de fonctions des membres de la Cour élus à une élection triennale commence à courir le 6 février (1 Date à laquelle les membres de la Cour élus à la première élection sont entrés en fonction en 1946) de l’année où les vacances auxquelles il est pourvu se produisent.

2. La période de fonctions d’un membre de la Cour élu en remplacement d’un membre n’ayant pas achevé son mandat commence à courir le jour de l’élection.

Article 3

1. Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de la Cour sont égaux indépendamment de l’âge, de la date d’élection ou de l’ancienneté dans les fonctions.

2. Sous réserve des dispositions des paragraphes 4 et 5 du présent article, les membres de la Cour prennent rang selon la date à laquelle ils sont entrés en fonctions conformément à l’article 2 du présent Règlement.

3. Les membres de la Cour entrés en fonctions à la même date prennent rang entre eux selon l’ancienneté d’âge.

4. Tout membre de la Cour réélu pour une nouvelle période de fonctions suivant immédiatement la précédente conserve son rang.

5. Pendant la durée de leurs mandats, le président et le vice-président prennent rang avant tous les autres membres de la Cour.

6. Le membre de la Cour qui, conformément aux paragraphes précédents, prend rang immédiatement après le président et le vice-président est dénommé juge doyen aux fins du présent Règlement. S’il est empêché, le membre de la Cour qui prend rang immédiatement après lui et n’est pas lui-même empêché est considéré comme le juge doyen.

Article 4

1. Tout membre de la Cour doit, conformément à l’article 20 du Statut, faire la déclaration suivante:

"Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience."

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2. Cette déclaration est faite à la première audience publique à laquelle le membre de la Cour assiste. L’audience a lieu le plus tôt possible après le début de sa période de fonctions et il est tenu au besoin une audience spéciale à cet effet.

3. Un membre de la Cour réélu ne renouvelle sa déclaration que si sa nouvelle période de fonctions ne suit pas immédiatement la précédente.

Article 5

1. Si un membre de la Cour décide de démissionner, il fait connaître sa décision au président et la démission prend effet conformément à l’article 13, paragraphe 4, du Statut.

2. Si le membre de la Cour qui décide de démissionner de la Cour est le président, il fait connaître sa décision à la Cour et la démission prend effet conformément à l’article 13, paragraphe 4, du Statut.

Article 6

Si l’application de l’article 18 du Statut est envisagée, le membre de la Cour intéressé en est informé par le président ou, le cas échéant, par le vice-président, dans une communication écrite qui expose les raisons et indique tous les éléments de preuve s’y rapportant. La possibilité lui est ensuiteofferte, à une séance privée de la Cour spécialement convoquée à cet effet, de faire une déclaration, de fournir les renseignements ou explications qu’il souhaite donner et de répondre oralement ou par écrit aux questions qui lui sont posées. A une séance privée ultérieure, tenue hors la présence du membre de la Cour intéressé, la question est discutée; chaque membre de la Cour donne son avis et, si demande en est faite, il est procédé à un vote.

Sous-section 2. Juges ad hoc

Article 7

1. Les juges ad hoc désignés conformément à l’article 31 du Statut aux fins d’affaires déterminées sont admis à siéger à la Cour dans les conditions et selon la procédure prévues aux articles 17, paragraphe 2, 35, 36, 37, 91, paragraphe 2, et 102, paragraphe 3, du présent Règlement.

2. Ils participent aux affaires dans lesquelles ils siègent dans des conditions de complète égalité avec les autres juges.

3. Les juges ad hoc prennent rang après les membres de la Cour et selon l’ancienneté d’âge.

Article 8

1. La déclaration solennelle que doivent faire les juges ad hoc conformément aux articles 20 et 31, paragraphe 6, du Statut est la même que la déclaration prévue à l’article 4, paragraphe 1, du présent Règlement.

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2. Cette déclaration est faite en audience publique dans l’affaire à laquelle le juge ad hoc participe. Si l’affaire est examinée par une chambre de la Cour, la déclaration est faite de la même manière en cette chambre.

3. Les juges ad hoc prononcent une déclaration à l’occasion de toute affaire à laquelle ils participent, même s’ils en ont déjà fait une lors d’une affaire précédente, mais ils ne la renouvellent pas pour une phase ultérieure de la même affaire.

Sous-section 3. Assesseurs

Article 9

1. La Cour peut, d’office ou sur demande présentée avant la clôture de la procédure écrite, décider, pour une affaire contentieuse ou consultative, de s’adjoindre des assesseurs siégeant sans droit de vote.

2. Lorsque la Cour a décidé cette adjonction, le président recueille tous renseignements utiles pour le choix de ces assesseurs.

3. Les assesseurs sont désignés au scrutin secret, à la majorité des juges composant la Cour aux fins de l’affaire.

4. Les mêmes pouvoirs appartiennent aux chambres prévues aux articles 26 et 29 du Statut et à leurs présidents, qui les exercent de la même façon.

5. Avant d’entrer en fonctions, les assesseurs font en audience publique la déclaration suivante:

"Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs d’assesseur en tout honneur, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience et que j’observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement de la Cour."

SECTION B. PRÉSIDENCE

Article 10

1. Le mandat du président et celui du vice-président prennent effet à la date à laquelle commencent à courir, conformément à l’article 2 du présent Règlement, les périodes de fonctions des membres de la Cour élus à une élection triennale.

2. Les élections à la présidence et à la vice-présidence ont lieu à cette date ou peu après. Si le président sortant reste membre de la Cour, il continue à exercer ses fonctions jusqu’à ce que l’élection à la présidence ait eu lieu.

Article 11

1. Si, à la date de l’élection à la présidence, le président sortant reste membre de la Cour, l’élection se déroule sous sa direction. S’il a cessé d’être membre de la Cour ou est empêché,

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l’élection se déroule sous la direction du membre de la Cour exerçant la présidence conformément à l’article 13, paragraphe 1, du présent Règlement.

2. Le vote a lieu au scrutin secret, après que le membre de la Cour exerçant la présidence a indiqué le nombre de voix requis pour être élu; il n’est pas fait de présentation de candidature. Le membre de la Cour qui obtient les voix de la majorité des membres composant la Cour au moment de l’élection est déclaré élu et entre immédiatement en fonctions.

3. L’élection du vice-président se déroule sous la direction du nouveau président soit à la même séance soit à la séance qui suit. Les dispositions du paragraphe 2 du présent article s’appliquent également à cette élection.

Article 12

Le président préside toutes les séances de la Cour; il dirige les travaux et contrôle les services de la Cour.

Article 13

1. Lorsque la présidence est vacante ou que le président est empêché de l’exercer, elle est assurée par le vice-président ou, à défaut, par le juge doyen.

2. Lorsque le président est empêché soit de siéger soit de présider dans une affaire en vertu d’une disposition du Statut ou du présent Règlement, il continue à exercer la présidence à tous égards sauf pour cette affaire.

3. Le président prend les mesures nécessaires pour que la présidence reste toujours assurée au siège de la Cour. Lorsqu’il est appelé à s’absenter, il peut, dans la mesure où cela est compatible avec le Statut et avec le présent Règlement, prendre des dispositions pour que la présidence soit exercée par le vice-président ou, à défaut, par le juge doyen.

4. Si le président décide de résigner la présidence, il en informe par écrit la Cour par l’intermédiaire du vice-président ou, à défaut, du juge doyen. Si le vice-président décide de résigner la vice-présidence, il en informe le président.

Article 14

Au cas où une vacance de la présidence ou de la vice-présidence se produit avant la date à laquelle le mandat en cours doit expirer conformément à l’article 21, paragraphe 1, du Statut et à l’article 10, paragraphe 1, du présent Règlement, la Cour décide s’il doit être pourvu à cette vacance pour la période restant à courir.

SECTION C. CHAMBRES

Article 15

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1. La chambre de procédure sommaire constituée chaque année conformément à l’article 29 du Statut est composée de cinq membres de la Cour, à savoir le président et le vice-président, membres de droit, et trois autres membres élus conformément à l’article 18, paragraphe 1, du présent Règlement. En outre deux membres de la Cour sont élus chaque année comme suppléants.

2. Les élections visées au paragraphe 1 du présent article ont lieu chaque année le plus tôt possible après le 6 février. Les membres de la chambre entrent en fonctions dès leur élection et restent en fonctions jusqu’aux élections suivantes; ils sont rééligibles.

3. Si un membre de la chambre est empêché, pour quelque motif que ce soit, de siéger dans une affaire donnée, il est remplacé aux fins de cette affaire par celui des deux suppléants qui prend rang le premier.

4. Si un membre de la chambre démissionne ou cesse de faire partie de cette chambre pour tout autre motif, sa place est occupée par celui des deux suppléants qui prend rang le premier; celui-ci devient alors membre titulaire de la chambre et un nouveau suppléant est élu pour le remplacer. S’il se produit plus de vacances qu’il n’y a de suppléants, il est procédé le plus tôt possible à des élections pour pourvoir aux sièges encore vacants après que les suppléants sont devenus membres titulaires et pour combler les vacances parmi les suppléants.

Article 16

1. Lorsque la Cour décide de constituer une ou plusieurs chambres prévues à l’article 26, paragraphe 1, du Statut, elle détermine la catégorie d’affaires en vue de laquelle chaque chambre est constituée, le nombre de ses membres, la durée de leurs pouvoirs et la date de leur entrée en fonctions.

2. Les membres de la chambre sont élus de la manière prévue à l’article 18, paragraphe 1, du présent Règlement parmi les membres de la Cour, compte tenu des connaissances particulières, des aptitudes techniques ou de l’expérience que chacun a pu acquérir en ce qui concerne la catégorie d’affaires dont la chambre doit connaître.

3. La Cour peut décider la suppression d’une chambre, mais sans préjudice du devoir incombant à celle-ci de terminer les affaires en instance devant elle.

Article 17

1. La demande tendant à constituer une chambre pour connaître d’une affaire déterminée ainsi qu’il est prévu à l’article 26, paragraphe 2, du Statut peut être formée à tout moment jusqu’à la clôture de la procédure écrite. Dès réception de la demande émanant de l’une des parties, le président s’informe de l’assentiment de la partie adverse.

2. Une fois acquis l’accord des parties, le président s’informe de leurs vues au sujet de la composition de la chambre et rend compte à la Cour. Il prend aussi toutes dispositions qui seraient nécessaires pour assurer l’application de l’article 31, paragraphe 4, du Statut.

3. Ayant fixé, avec l’assentiment des parties, le nombre de ses membres qui siégeront à la chambre, la Cour procède à leur élection de la manière prévue à l’article 18, paragraphe 1, du présent Règlement. Les vacances éventuelles sont pourvues suivant la même procédure.

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4. Les membres d’une chambre constituée en application du présent article qui ont été remplacés conformément à l’article 13 du Statut à la suite de l’expiration de leur période de fonctions continuent à siéger dans toutes les phases de l’affaire, à quelque stade qu’elle en soit lors de ce remplacement.

Article 18

1. Les élections à toutes les chambres ont lieu au scrutin secret. Les membres de la Cour qui recueillent le plus de voix et obtiennent celles de la majorité des membres composant la Cour au moment de l’élection sont déclarés élus. Pour pourvoir les vacances, il est procédé, le cas échéant, à plusieurs tours de scrutin, chaque scrutin étant limité au nombre des vacances restant à pourvoir.

2. Si, au moment de sa constitution, une chambre compte parmi ses membres le président ou le vice-président de la Cour ou l’un et l’autre, elle est présidée, selon le cas, par le président ou par le vice-président. Sinon, la chambre élit son président au scrutin secret et à la majorité. Le membre de la Cour qui, conformément au présent paragraphe, préside la chambre au moment de sa constitution continue à en assurer la présidence tant qu’il en reste membre.

3. Le président d’une chambre exerce, à l’égard des affaires portées devant cette chambre, toutes les fonctions du président de la Cour à l’égard des affaires soumises à celle-ci.

4. Si le président d’une chambre est empêché de siéger ou de présider, la présidence est assurée par le membre de la chambre qui prend rang le premier et n’est pas lui-même empêché.

SECTION D. FONCTIONNEMENT INTERNE DE LA COUR

Article 19

La pratique interne de la Cour en matière judiciaire est régie, sous réserve des dispositions du Statut et du présent Règlement, par toute résolution adoptée en la matière par la Cour (1 La résolution

actuellement en vigueur a été adoptée le 12 avril 1976).

Article 20

1. Le quorum prescrit à l’article 25, paragraphe 3, du Statut s’applique à toutes les séances de la Cour.

2. L’obligation incombant aux membres de la Cour, en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du Statut, d’être à tout moment à la disposition de la Cour implique qu’ils assistent à toutes ses séances, à moins d’en être empêchés pour cause de maladie ou autre motif grave dûment justifié auprès du président, qui en rend compte à la Cour.

3. Les juges ad hoc sont de même tenus d’être à la disposition de la Cour et d’assister à toutes les séances concernant les affaires auxquelles ils participent. Ils ne sont pas comptés pour le calcul du quorum.

4. La Cour fixe les périodes et la durée des vacances judiciaires ainsi que les périodes et les conditions des congés à accorder à des membres de la Cour conformément à l’article 23,

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paragraphe 2, du Statut, en tenant compte dans l’un et l’autre cas de l’état de son rôle général et des travaux en cours.

5. Sous réserve des mêmes considérations, la Cour observe les jours fériés en usage au lieu où elle siège.

6. En cas d’urgence, le président peut convoquer la Cour à tout moment.

Article 21

1. Les délibérations de la Cour sont et restent secrètes. Toutefois la Cour peut à tout moment décider de publier tout ou partie de ses délibérations sur des questions autres que judiciaires ou autoriser cette publication.

2. Seuls les juges et éventuellement les assesseurs prennent part aux délibérations en matière judiciaire. Le greffier ou son adjoint et tous autres fonctionnaires du Greffe dont la présence peut être requise y assistent. Aucune autre personne ne peut être présente si ce n’est avec l’autorisation de la Cour.

3. Les procès-verbaux des délibérations de la Cour en matière judiciaire se bornent à indiquer le titre ou la nature des questions ou sujets débattus et le résultat des votes. Ils ne mentionnent pas le détail des discussions ou les opinions émises; toutefois tout juge a le droit de demander qu’une déclaration faite par lui soit inscrite au procès-verbal.

Titre II

LE GREFFE

Article 22

1. La Cour élit son greffier au scrutin secret parmi les candidats proposés par les membres de la Cour. Le greffier est élu pour une période de sept ans. Il est rééligible.

2. En cas de vacance effective ou imminente, le président avise les membres de la Cour soit dès l’ouverture de cette vacance soit, si la vacance doit résulter de l’expiration du mandat du greffier, trois mois au moins avant l’expiration de ce mandat. Le président fixe une date pour la clôture de la liste des candidats de telle façon que les propositions et renseignements les concernant puissent être reçus en temps utile.

3. Les propositions doivent s’accompagner de tous renseignements utiles sur les candidats et indiquer notamment leur âge, leur nationalité, leurs occupations actuelles, leurs titres universitaires, leurs connaissances linguistiques et leur expérience du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales.

4. Le candidat qui obtient les voix de la majorité des membres composant la Cour au moment de l’élection est déclaré élu.

Article 23

La Cour élit un greffier adjoint; les dispositions de l’article 22 duprésent Règlement s’appliquent à son élection et à la durée de son mandat.

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Article 24

1. Avant son entrée en fonctions, le greffier fait devant la Cour la déclaration suivante:

"Je déclare solennellement que je remplirai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m’incombent en ma qualité de greffier de la Cour internationale de Justice et que j’observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement de la Cour."

2. Le greffier adjoint fait une déclaration semblable devant la Cour avant son entrée en fonctions.

Article 25

1. Les fonctionnaires du Greffe sont nommés par la Cour sur la proposition du greffier. Toutefois la Cour peut décider que, pour les postes qu’elle déterminera, les nominations seront faites par le greffier avec l’approbation du président.

2. Avant son entrée en fonctions, tout fonctionnaire fait la déclaration suivante devant le président et en présence du greffier:

"Je déclare solennellement que j’exercerai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m’incombent en ma qualité de fonctionnaire du Greffe de la Cour internationale de Justice et que j’observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement de la Cour."

Article 26

1. Dans l’exercice de ses fonctions, le greffier:

a) sert d’intermédiaire pour les communications émanant de la Cour ou adressées à celle-ci et en particulier assure toutes communications, notifications et transmissions de documents prévues par le Statut ou le présent Règlement, en veillant à ce que la date de leur expédition et de leur réception puisse être facilement contrôlée;

b) tient, sous le contrôle du président et dans la forme prescrite par la Cour, un rôle général de toutes les affaires, qui sont inscrites et numérotées dans l’ordre selon lequel les actes introductifs d’instance ou les demandes d’avis consultatif parviennent au Greffe;

c) conserve les déclarations par lesquelles des Etats non parties au Statut acceptent la juridiction de la Cour aux termes d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité conformément à l’article 35, paragraphe 2, du Statut1 et en transmet des copies certifiées conformes à tous les Etats parties au Statut, à tous autres Etats ayant déposé une telle déclaration et au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies;

d) transmet aux parties copie de toutes les pièces de procédure et des documents annexés, dès leur réception au Greffe;

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e) communique au gouvernement du pays où siège la Cour ou une chambre et à tous autres gouvernements intéressés les renseignements nécessaires au sujet des personnes appelées à bénéficier de privilèges, immunités ou facilités en vertu du Statut et de tout accord pertinent;

f) assiste en personne ou charge son adjoint d’assister aux séances de la Cour ou des chambres et fait établir sous sa responsabilité les procès-verbaux de ces séances;

g) prend les dispositions nécessaires pour que soient faites ou vérifiées les traductions et interprétations dont la Cour peut avoir besoin dans les langues officielles de la Cour;

h) signe les arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour ainsi que les procès-verbaux visés à l’alinéa f) ci-dessus;

i) fait imprimer et publier sous sa responsabilité les arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour, les pièces de procédure, les exposés écrits et les procès-verbaux des audiences publiques dans chaque affaire, ainsi que tout autre document dont la Cour ordonne la publication;

j) assume la responsabilité de tous les travaux administratifs et en particulier de la comptabilité et de la gestion financière conformément aux méthodes appliquées par l’Organisation des Nations Unies en matière financière;

k) donne la suite qu’appellent les demandes de renseignements concernant la Cour et son activité;

l) contribue à assurer les relations entre la Cour et les autres organes des Nations Unies, les institutions spécialisées et les conférences et organismes internationaux s’occupant de la codification et du développement progressif du droit international;

m) fait en sorte que des renseignements sur la Cour et son activité soient mis à la disposition des gouvernements, des cours et tribunaux nationaux les plus élevés, des associations professionnelles, sociétés savantes, facultés et écoles de droit ainsi que des moyens d’information publique;

n) assure la garde des sceaux et cachets ainsi que des archives de la Cour et de toutes autres archives confiées à celle-ci (1 Le greffier assure également la garde des archives de la Cour permanente de Justice internationale, qui ont été confiées à la Cour actuelle par décision de la Cour

permanente en octobre 1945 (C.I.J. Annuaire 1946-1947, p. 20), et la garde des archives du procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international de Nuremberg (1945-1946), que ce Tribunal a confiées à la

Cour par décision du 1er octobre 1946; la Cour a autorisé le greffier à accepter les archives du Tribunal de Nuremberg par décision du 19 novembre 1949).

2. La Cour peut à tout moment confier d’autres fonctions au greffier.

3. Dans l’exercice de ses fonctions, le greffier est responsable devant la Cour.

Article 27

1. Le greffier adjoint assiste le greffier et le remplace pendant son absence ou, en cas de vacance du poste, jusqu’à ce que celui-ci soit pourvu.

2. Si le greffier et le greffier adjoint sont l’un et l’autre empêchés de s’acquitter des fonctions de greffier, le président désigne un fonctionnaire du Greffe pour remplir ces fonctions pendant le temps nécessaire. Si les deux postes sont simultanément vacants, le président désigne, après

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avoir consulté les membres de la Cour, un fonctionnaire du Greffe pour remplir les fonctions de greffier jusqu’à l’élection d’un nouveau greffier.

Article 28

1. Le Greffe se compose du greffier, du greffier adjoint et de tous autres fonctionnaires dont le greffier peut avoir besoin pour s’acquitter efficacement de ses fonctions.

2. La Cour arrête l’organisation du Greffe et, à cet effet, invite le greffier à lui soumettre des propositions.

3. Des instructions pour le Greffe sont établies par le greffier et approuvées par la Cour.

4. Le personnel du Greffe est assujetti à un statut du personnel établi par le greffier, aussi conforme que possible au Statut et au Règlement du personnel de l’Organisation des Nations Unies, et approuvé par la Cour.

Article 29

1. Le greffier ne peut être relevé de ses fonctions que si, de l’avis des deux tiers des membres de la Cour, il n’est plus en mesure d’exercer ses fonctions ou a manqué gravement aux obligations qui lui incombent.

2. Avant qu’une décision soit prise en application du présent article, le greffier est informé par le président de la mesure envisagée dans une communication écrite qui en expose les raisons et indique tous les éléments de preuve s’y rapportant. La possibilité lui est ensuite offerte, à une séance privée de la Cour, de faire une déclaration, de fournir les renseignements ou explications qu’il souhaite donner et de répondre oralement ou par écrit aux questions qui lui sont posées.

3. Le greffier adjoint ne peut être relevé de ses fonctions que pour les mêmes raisons et selon la même procédure.

Titre III

PROCÉDURE CONTENTIEUSE

SECTION A. COMMUNICATIONS A LA COUR ET CONSULTATIONS

Article 30

Toute communication destinée à la Cour conformément au présent Règlement est adressée au greffier sauf indication contraire. Toute demande formulée par une partie est de même adressée au greffier, à moins qu’elle ne soit présentée lors d’une audience de la Cour pendant la procédure orale.

Article 31

Dans toute affaire soumise à la Cour, le président se renseigne auprès des parties sur les questions de procédure. A cette fin, il convoque les agents des parties le plus tôt possible après leur désignation, puis chaque fois qu’il y a lieu.

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SECTION B. COMPOSITION DE LA COUR DANS DES AFFAIRES DÉTERMINÉES

Article 32

1. Si le président de la Cour est ressortissant de l’une des parties dans une affaire, il n’exerce pas la présidence pour cette affaire. La même règle s’applique au vice-président ou au juge doyen lorsque l’un ou l’autre est appelé à exercer la présidence.

2. Le membre de la Cour qui préside dans une affaire à la date à laquelle la Cour se réunit pour la procédure orale continue à présider dans cette affaire jusqu’à l’achèvement de la phase dont il s’agit, même si un nouveau président ou un nouveau vice-président est élu entre-temps. S’il n’est plus en mesure de siéger, la présidence en l’affaire est déterminée conformément à l’article 13 du présent Règlement et d’après la composition de la Cour à la date à laquelle celle-ci s’est réunie pour la procédure orale.

Article 33

Sauf dans le cas prévu à l’article 17 du présent Règlement, les membres de la Cour qui ont été remplacés conformément à l’article 13, paragraphe 3, du Statut à la suite de l’expiration de leur période de fonctions s’acquittent de l’obligation que ce paragraphe leur impose en continuant à siéger jusqu’à l’achèvement de toute phase d’une affaire en laquelle la Cour s’est réunie pour la procédure orale avant la date de ce remplacement.

Article 34

1. En cas de doute sur l’application de l’article 17, paragraphe 2, du Statut ou en cas de désaccord sur l’application de l’article 24 du Statut, le président informe les membres de la Cour, auxquels il appartient de prendre une décision.

2. Une partie qui désire appeler l’attention de la Cour sur des faits qu’elle considère comme pouvant concerner l’application des dispositions du Statut visées au paragraphe précédent, mais dont elle pense que la Cour n’aurait pas eu connaissance, avise confidentiellement le président de ces faits par écrit.

Article 35

1. Si une partie entend exercer la faculté que lui confère l’article 31 du Statut de désigner un juge ad hoc dans une affaire, elle notifie son intention à la Cour le plus tôt possible. Si elle n’indique pas en même temps le nom et la nationalité du juge choisi, elle doit, au plus tard deux mois avant l’expiration du délai fixé pour le dépôt du contre-mémoire, faire connaître à la Cour le nom et la nationalité de la personne désignée en fournissant une brève notice biographique. Le juge ad hoc peut être d’une nationalité autre que celle de la partie qui le désigne.

2. Si une partie est disposée à s’abstenir de désigner un juge ad hoc à condition que la partie adverse fasse de même, elle le notifie à la Cour, qui en informe la partie adverse. Si celle-ci notifie son intention de désigner un juge ad hoc ou le désigne, le délai applicable à la partie qui s’est auparavant abstenue de procéder à une désignation est éventuellement prorogé par le président.

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3. Copie de toute notification concernant la désignation d’un juge ad hoc est communiquée par le greffier à la partie adverse, qui est invitée à présenter dans un délai fixé par le président les observations qu’elle voudrait faire. Si dans ce délai aucune objection n’est soulevée par la partie adverse et si la Cour elle-même n’en voit aucune, les parties en sont informées.

4. En cas de contestation ou de doute, la Cour décide, après avoir entendu les parties s’il y a lieu.

5. Un juge ad hoc qui a accepté d’être désigné mais n’est plus en mesure de siéger peut être remplacé.

6. S’il est constaté que les raisons sur lesquelles se fonde la participation d’un juge ad hoc n’existent plus, celui-ci cesse de siéger.

Article 36

1. Si la Cour constate que deux ou plusieurs parties font cause commune et doivent donc ne compter que pour une seule et qu’il n’y a sur le siège aucun membre de la Cour de la nationalité de l’une de ces parties, la Cour leur fixe un délai pour désigner d’un commun accord un juge ad hoc.

2. Si l’une des parties dont la Cour a constaté qu’elles faisaient cause commune invoque l’existence d’un intérêt propre ou soulève toute autre objection, la Cour décide, après avoir entendu les parties s’il y a lieu.

 

Article 37

1. Si un membre de la Cour ayant la nationalité de l’une des parties n’est pas ou n’est plus en mesure de siéger dans une phase d’une affaire, cette partie est autorisée à désigner un juge ad hoc dans un délai fixé par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le président.

2. Les parties faisant cause commune ne sont pas considérées comme comptant sur le siège un juge de la nationalité de l’une d’elles si le membre de la Cour ayant la nationalité de l’une d’elles n’est pas ou n’est plus en mesure de siéger dans une phase d’une affaire.

3. Si le membre de la Cour ayant la nationalité de l’une des parties est de nouveau en mesure de siéger avant la clôture de la procédure écrite dans cette phase de l’affaire, il reprend sa place sur le siège.

 

SECTION C. PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Sous-section 1. Introduction de l’instance

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Article 38

1. Lorsqu’une instance est introduite devant la Cour par une requête adressée conformément à l’article 40, paragraphe 1, du Statut, la requête indique la partie requérante, l’Etat contre lequel la demande est formée et l’objet du différend.

2. La requête indique autant que possible les moyens de droit sur lesquels le demandeur prétend fonder la compétence de la Cour; elle indique en outre la nature précise de la demande et contient un exposé succinct des faits et moyens sur lesquels cette demande repose.

3. L’original de la requête est signé soit par l’agent de la partie qui l’introduit soit par le représentant diplomatique de cette partie dans le pays où la Cour a son siège, soit par une autre personne dûment autorisée. Si la requête porte la signature d’une personne autre que le représentant diplomatique, cette signature doit être légalisée par ce dernier ou par l’autorité compétente du ministère des affaires étrangères du demandeur.

4. Le greffier transmet immédiatement au défendeur une copie certifiée conforme de la requête.

5. Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l’Etat contre lequel la requête est formée, la requête est transmise à cet Etat. Toutefois, elle n’est pas inscrite au rôle général de la Cour et aucun acte de procédure n’est effectué tant que l’Etat contre lequel la requête est formée n’a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l’affaire.

 

Article 39

1. Lorsqu’une instance est introduite devant la Cour par la notification d’un compromis conformément à l’article 40, paragraphe 1, du Statut, cette notification peut être effectuée conjointement par les parties ou par une ou plusieurs d’entre elles. Si la notification n’est pas faite conjointement, une copie certifiée conforme en est immédiatement transmise par le greffier à l’autre partie.

2. La notification est toujours accompagnée de l’original ou d’une copie certifiée conforme du compromis. La notification indique en outre l’objet précis du différend ainsi que les parties, pour autant que cela ne résulte pas déjà clairement du compromis.

Article 40

1. Sauf dans les circonstances envisagées à l’article 38, paragraphe 5, du présent Règlement, tous les actes accomplis au nom des parties après l’introduction d’une instance le sont par des agents. Ceux-ci doivent avoir au siège de la Cour un domicile élu auquel sont adressées toutes les communications relatives à l’affaire. Les communications envoyées aux agents des parties sont considérées comme ayant été adressées aux parties elles-mêmes.

2. Lorsqu’une instance est introduite par une requête, le nom de l’agent du demandeur est indiqué. Dès la réception de la copie certifiée conforme de la requête ou le plus tôt possible après, le défendeur fait connaître à la Cour le nom de son agent.

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3. Lorsqu’une instance est introduite par la notification d’un compromis, la partie procédant à la notification indique le nom de son agent. Toute autre partie au compromis fait connaître à la Cour le nom de son agent dès qu’elle reçoit du greffier une copie certifiée conforme de la notification ou le plus tôt possible après, si elle ne l’a déjà fait.

 

Article 41

L’introduction d’une instance par un Etat qui n’est pas partie au Statut mais qui a accepté la juridiction de la Cour en vertu de l’article 35, paragraphe 2, du Statut, par une déclaration faite aux termes d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité conformément à cet article (1 La résolution actuellement en vigueur a été adoptée le 15 octobre 1946), doit être accompagnée du dépôt de ladite déclaration, à moins qu’elle n’ait été préalablement déposée au Greffe. Si une question se pose quant à la validité ou à l’effet d’une telle déclaration, la Cour décide.

Article 42

Le greffier transmet copie de toute requête ou notification de compromis introduisant une instance devant la Cour: a) au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies; b) aux Membres des Nations Unies; c) aux autres Etats admis à ester devant la Cour.

Article 43

Lorsque l’interprétation d’une convention à laquelle ont participé d’autres Etats que les parties en litige peut être en cause au sens de l’article 63, paragraphe 1, du Statut, la Cour examine quelles instructions donner au greffier en la matière.

Sous-section 2. Procédure écrite

Article 44

1. A la lumière des renseignements obtenus par le président conformément à l’article 31 du présent Règlement, la Cour rend les ordonnances nécessaires pour fixer notamment le nombre et l’ordre des pièces de procédure ainsi que les délais pour leur présentation.

2. Aux fins de l’élaboration des ordonnances rendues conformément au paragraphe 1 du présent article, il est tenu compte de tout accord qui serait intervenu entre les parties et n’entraînerait pas un retard injustifié.

3. La Cour peut, à la demande de la partie intéressée, proroger un délai ou décider de considérer comme valable un acte de procédure fait après l’expiration du délai fixé, si elle estime la demande suffisamment justifiée. Dans l’un et l’autre cas, la possibilité est offerte à la partie adverse de faire connaître ses vues.

4. Si la Cour ne siège pas et sous réserve de toute décision ultérieure qu’elle pourrait prendre, les pouvoirs que lui confère le présent article sont exercés par le président. Au cas où la consultation prévue à l’article 31 révèle un désaccord persistant entre les parties quant à l’application des articles 45, paragraphe 2, ou 46, paragraphe 2, du présent Règlement, la Cour est convoquée pour trancher la question.

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Article 45

1. Dans une affaire introduite par une requête, les pièces de procédure comprennent, dans l’ordre, un mémoire du demandeur et un contre-mémoire du défendeur.

2. La Cour peut autoriser ou prescrire la présentation d’une réplique du demandeur et d’une duplique du défendeur si les parties sont d’accord à cet égard ou si la Cour décide, d’office ou à la demande d’une partie, que ces pièces sont nécessaires.

Article 46

1. Dans une affaire introduite par la notification d’un compromis, le nombre et l’ordre de présentation des pièces de procédure sont ceux que fixe le compromis lui-même, à moins que la Cour, après s’être renseignée auprès des parties, n’en décide autrement.

2. Si le compromis ne contient aucune disposition à cet égard et si les parties ne se mettent pas ultérieurement d’accord sur le nombre et l’ordre de présentation des pièces de procédure, chacune des parties dépose un mémoire et un contre-mémoire dans les mêmes délais. La Cour n’autorise la présentation d’une réplique et d’une duplique que si elle l’estime nécessaire.

Article 47

La Cour peut à tout moment ordonner que les instances dans deux ou plusieurs affaires soient jointes. Elle peut ordonner aussi que les procédures écrites ou orales, y compris la présentation de témoins, aient un caractère commun; ou elle peut, sans opérer de jonction formelle, ordonner une action commune au regard d’un ou plusieurs éléments de ces procédures.

Article 48

Les délais pour l’accomplissement d’actes de procédure peuvent être fixés par l’indication d’une période déterminée mais doivent toujours spécifier une date précise. Ils doivent être aussi brefs que la nature de l’affaire le permet.

Article 49

1. Le mémoire contient un exposé des faits sur lesquels la demande est fondée, un exposé de droit et les conclusions.

2. Le contre-mémoire contient: la reconnaissance ou la contestation des faits mentionnés dans le mémoire; le cas échéant, un exposé additionnel des faits; des observations relatives à l’exposé de droit contenu dans le mémoire; un exposé de droit en réponse; et les conclusions.

3. La réplique et la duplique, si la Cour en autorise la présentation, ne répètent pas simplement les thèses des parties mais s’attachent à faire ressortir les points qui les divisent encore.

4. Toute pièce de procédure énonce les conclusions de la partie qui la dépose, au stade de la procédure dont il s’agit, en les distinguant de l’argumentation, ou confirme les conclusions déjà présentées.

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Article 50

1. Sont jointes à l’original de toute pièce de procédure des copies certifiées conformes de tous documents pertinents produits à l’appui des thèses formulées dans cette pièce.

2. Si un de ces documents n’est pertinent qu’en partie, il suffit de joindre en annexe les extraits nécessaires aux fins de la pièce dont il s’agit. Copie du document complet est déposée au Greffe, à moins qu’il n’ait été publié sous une forme qui le rende facilement accessible.

3. Au moment du dépôt d’une pièce de procédure, il est fourni un bordereau de tous les documents annexés à cette pièce.

Article 51

1. Si les parties sont d’accord pour que toute la procédure écrite ait lieu dans l’une des deux langues officielles de la Cour, les pièces de procédure ne sont présentées que dans cette langue. A défaut d’un tel accord, toute pièce de procédure ou partie de pièce de procédure est présentée dans l’une ou l’autre des langues officielles.

2. Si une langue autre que le français ou l’anglais est employée conformément à l’article 39, paragraphe 3, du Statut, une traduction en français ou en anglais, certifiée exacte par la partie qui la fournit, est jointe à l’original des pièces de procédure.

3. Si un document annexé à une pièce de procédure n’est pas rédigé dans l’une des deux langues officielles de la Cour, une traduction dans l’une de ces deux langues, certifiée exacte par la partie qui la fournit, doit l’accompagner. La traduction peut être limitée à une partie ou à des extraits d’une annexe mais, en ce cas, elle est accompagnée d’une note explicative indiquant les passages traduits. La Cour peut toutefois demander la traduction d’autres passages ou une traduction intégrale.

Article 52(1 Les agents des parties sont priés de s'informer auprès du Greffe du format adopté par la Cour pour les pièces de procédure et des

conditions auxquelles la Cour peut assumer une partie des frais d'impression.)

1. L’original de toute pièce de procédure est signé par l’agent et déposé au Greffe. Il est accompagné d’une copie certifiée conforme de la pièce, des documents annexés et de toutes traductions, pour communication à la partie adverse conformément à l’article 43, paragraphe 4, du Statut, ainsi que du nombre d’exemplaires additionnels requis par le Greffe; il pourra toutefois être demandé ultérieurement d’autres exemplaires si le besoin s’en fait sentir.

2. Toute pièce de procédure est datée. Quand une pièce doit être déposée à une date déterminée, c’est la date de sa réception au Greffe qui est retenue par la Cour.

3. Si, à la demande d’une partie, l’impression d’une pièce de procédure se fait par l’entremise du greffier, le texte doit en être remis assez tôt pour permettre le dépôt de la pièce imprimée au Greffe avant l’expiration du délai fixé. L’impression est faite sous la responsabilité de la partie intéressée.

4. La correction d’une erreur matérielle dans un document déposé est loisible à tout moment avec l’assentiment de la partie adverse ou avec l’autorisation du président. Toute correction

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ainsi faite est notifiée à la partie adverse de la même manière que la pièce de procédure à laquelle elle se rapporte.

Article 53

1. La Cour, ou si elle ne siège pas le président, peut à tout moment décider, après s’être renseignée auprès des parties, que des exemplaires des pièces de procédure et des documents annexés seront tenus à la disposition de tout Etat admis à ester devant elle et ayant demandé à en avoir communication.

2. La Cour peut, après s’être renseignée auprès des parties, décider que des exemplaires des pièces de procédure et des documents annexés seront rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale ou ultérieurement.

Sous-section 3. Procédure orale

Article 54

1. La procédure écrite une fois close, l’affaire se trouve en état. La date d’ouverture de la procédure orale est fixée par la Cour, qui peut aussi prononcer, lorsqu’il y a lieu, le renvoi de l’ouverture ou de la suite de la procédure orale.

2. Lorsqu’elle fixe la date d’ouverture de la procédure orale ou en prononce le renvoi, la Cour prend en considération la priorité prescrite par l’article 74 du présent Règlement et toutes autres circonstances particulières, y compris l’urgence d’une autre affaire.

3. Si la Cour ne siège pas, les pouvoirs que lui confère le présent article sont exercés par le président.

Article 55

Si elle le juge désirable, la Cour peut décider conformément à l’article 22, paragraphe 1, du Statut que la suite de la procédure dans une affaire se déroulera en tout ou en partie ailleurs qu’au siège de la Cour. Elle se renseigne au préalable auprès des parties.

Article 56

1. Après la clôture de la procédure écrite et sous réserve du paragraphe 2 du présent article, aucun document nouveau ne peut être présenté à la Cour si ce n’est avec l’assentiment de la partie adverse. La partie désirant produire le nouveau document le dépose en original ou en copie certifiée conforme, avec le nombre d’exemplaires requis par le Greffe, qui en assure la communication à la partie adverse et informe la Cour. L’assentiment de la partie adverse est réputé acquis si celle-ci ne s’oppose pas à la production du document.

2. A défaut d’assentiment, la Cour peut, après avoir entendu les parties, autoriser la production du document si elle l’estime nécessaire.

3. Lorsqu’un nouveau document a été produit conformément aux paragraphes 1 ou 2 du présent article, la possibilité est offerte à la partie adverse de présenter des observations à son sujet et de soumettre des documents à l’appui de ces observations.

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4. La teneur d’un document qui n’aurait pas été produit conformément à l’article 43 du Statut ou au présent article ne peut être mentionnée au cours de la procédure orale, à moins que ce document ne fasse partie d’une publication facilement accessible.

5. L’application des dispositions du présent article ne constitue pas en soi un motif de retarder l’ouverture ou la poursuite de la procédure orale.

Article 57

Sans préjudice des règles concernant la production de documents, chaque partie fait connaître au greffier, en temps utile avant l’ouverture de la procédure orale, les moyens de preuve qu’elle entend invoquer ou dont elle a l’intention de demander à la Cour d’obtenir la production. Cette communication contient la liste des noms, prénoms, nationalités, qualités et domiciles des témoins et experts que cette partie désire faire entendre, avec l’indication, en termes généraux, des points sur lesquels doit porter la déposition. Copie de cette communication doit être également fournie pour transmission à la partie adverse.

 

Article 58

1. La Cour détermine si les parties doivent plaider avant ou après la production des moyens de preuve, la discussion de ces moyens étant toujours réservée.

2. L’ordre dans lequel les parties sont entendues, la méthode applicable à la présentation des moyens de preuve et à l’audition des témoins et experts ainsi que le nombre des conseils et avocats qui prennent la parole au nom de chaque partie sont fixés par la Cour, après que les parties ont fait connaître leurs vues conformément à l’article 31 du présent Règlement.

Article 59

L’audience est publique, à moins qu’il n’en soit autrement décidé par la Cour ou que les deux parties ne demandent que le public ne soit pas admis. Une décision ou une demande en ce sens peut concerner tout ou partie des débats et intervenir à tout moment.

Article 60

1. Les exposés oraux prononcés au nom de chaque partie sont aussi succincts que possible eu égard à ce qui est nécessaire pour une bonne présentation des thèses à l’audience. A cet effet, ils portent sur les points qui divisent encore les parties, ne reprennent pas tout ce qui est traité dans les pièces de procédure, et ne répètent pas simplement les faits et arguments qui y sont déjà invoqués.

2. A l’issue du dernier exposé présenté par une partie au cours de la procédure orale, l’agent donne lecture des conclusions finales de cette partie sans récapituler l’argumentation. Copie du texte écrit signé par l’agent est communiquée à la Cour et transmise à la partie adverse.

 

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Article 61

1. La Cour peut, à tout moment avant ou durant les débats, indiquer les points ou les problèmes qu’elle voudrait voir spécialement étudier par les parties ou ceux qu’elle considère comme suffisamment discutés.

2. La Cour peut, durant les débats, poser des questions aux agents, conseils et avocats ou leur demander des éclaircissements.

3. La même faculté appartient à chaque juge qui, pour l’exercer, fait connaître son intention au président, chargé de la direction des débats par l’article 45 du Statut.

4. Les agents, conseils et avocats peuvent répondre immédiatement ou dans un délai fixé par le président.

Article 62

1. La Cour peut à tout moment inviter les parties à produire les moyens de preuve ou à donner les explications qu’elle considère comme nécessaires pour préciser tout aspect des problèmes en cause ou peut elle-même chercher à obtenir d’autres renseignements à cette fin.

2. La Cour peut, s’il y a lieu, faire déposer un témoin ou un expert pendant la procédure.

Article 63

1. Les parties peuvent faire entendre tous les témoins et experts qui figurent sur la liste communiquée à la Cour conformément à l’article 57 du présent Règlement. Si, à un moment quelconque de la procédure orale, l’une des parties veut faire entendre un témoin ou expert dont le nom ne figure pas sur cette liste, elle en avise la Cour et la partie adverse en fournissant les renseignements prescrits par l’article 57. Le témoin ou expert peut être entendu si la partie adverse ne s’y oppose pas ou si la Cour considère que la déposition sera vraisemblablement pertinente.

2. La Cour ou, si elle ne siège pas, le président prend, à la demande d’une partie ou d’office, les mesures nécessaires en vue de l’audition de témoins en dehors de la Cour.

Article 64

Sauf au cas où, tenant compte de circonstances spéciales, la Cour choisirait une formule différente,

a) tout témoin fait, avant de déposer, la déclaration suivante:

"Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute conscience, que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité";

b) tout expert fait, avant de présenter son exposé, la déclaration suivante:

 

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"Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute conscience, que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité et que mon exposé correspondra à ma conviction sincère."

Article 65

Les témoins et experts sont interrogés par les agents, conseils et avocats des parties sous l’autorité du président. Des questions peuvent leur être posées par le président et les juges. Avant de déposer, les témoins doivent demeurer hors de la salle d’audience.

Article 66

La Cour peut à tout moment décider, d’office ou à la demande d’une partie, d’exercer ses fonctions relatives à l’établissement des preuves sur les lieux auxquels l’affaire se rapporte, dans des conditions qu’elle détermine après s’être renseignée auprès des parties. Les dispositions nécessaires sont prises conformément à l’article 44 du Statut.

 

Article 67

1. Toute décision de la Cour portant qu’il y a lieu de faire procéder à une enquête ou à une expertise est prise, les parties entendues, par une ordonnance, qui précise l’objet de l’enquête ou de l’expertise, fixe le nombre et le mode de désignation des enquêteurs ou experts et indique les formalités à observer. Le cas échéant, la Cour invite les enquêteurs ou experts à faire une déclaration solennelle.

2. Tout rapport ou procès-verbal concernant l’enquête et tout rapport d’expert est communiqué aux parties auxquelles la possibilité est offerte de présenter des observations.

Article 68

Les sommes à verser aux témoins et experts qui se présentent sur l’initiative de la Cour conformément à l’article 62, paragraphe 2, du présent Règlement et aux enquêteurs et experts désignés conformément à l’article 67, paragraphe 1, sont prélevées sur les fonds de la Cour s’il y a lieu.

Article 69

1. A tout moment avant la clôture de la procédure orale, la Cour peut, d’office ou à la demande d’une partie communiquée comme il est prévu à l’article 57 du présent Règlement, demander à une organisation internationale publique, conformément à l’article 34 du Statut, des renseignements relatifs à une affaire portée devant elle. La Cour décide, après avoir consulté le plus haut fonctionnaire de l’organisation intéressée, si ces renseignements doivent lui être présentés oralement ou par écrit et dans quels délais.

2. Lorsqu’une organisation internationale publique juge à propos de fournir de sa propre initiative des renseignements relatifs à une affaire portée devant la Cour, elle doit le faire par un mémoire déposé au Greffe avant la clôture de la procédure écrite. La Cour conserve la faculté de faire compléter ces renseignements oralement ou par écrit sur la base des demandes

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qu’elle jugerait à propos d’énoncer, ainsi que d’autoriser les parties à présenter des observations orales ou écrites au sujet des renseignements ainsi fournis.

3. Dans le cas prévu à l’article 34, paragraphe 3, du Statut, le greffier, sur les instructions de la Cour ou, si elle ne siège pas, du président, procède comme il est prescrit audit paragraphe. La Cour ou, si elle ne siège pas, le président peut fixer, à compter du jour où le greffier a communiqué la procédure écrite et après avoir consulté le plus haut fonctionnaire de l’organisation internationale publique intéressée, un délai dans lequel l’organisation pourra présenter à la Cour des observations écrites. Ces observations sont communiquées aux parties et peuvent être débattues par elles et par le représentant de ladite organisation au cours de la procédure orale.

4. Dans les paragraphes précédents, l’expression organisation internationale publique désigne une organisation internationale d’Etats.

Article 70

1. Sauf décision contraire prise par la Cour, toutes les plaidoiries, déclarations ou dépositions faites en audience dans une des langues officielles de la Cour sont interprétées dans l’autre langue officielle. Si elles sont faites dans une autre langue, elles sont interprétées dans les deux langues officielles de la Cour.

2. Lorsque, conformément à l’article 39, paragraphe 3, du Statut, une langue autre que le français ou l’anglais est employée, il incombe à la partie intéressée de prendre toutes dispositions pour en assurer l’interprétation dans l’une ou l’autre des langues officielles; toutefois le greffier prend les dispositions voulues pour contrôler l’interprétation, assurée par une partie, des dépositions faites en son nom. Dans le cas de témoins ou d’experts qui se présentent sur l’initiative de la Cour, l’interprétation est assurée par les soins du Greffe.

3. Si une langue autre qu’une des langues officielles de la Cour doit être utilisée pour les plaidoiries, déclarations ou dépositions d’une partie, celle-ci en avise le greffier à temps pour lui permettre de prendre toutes dispositions nécessaires.

4. Avant de prendre leurs fonctions dans une affaire, les interprètes fournis par une partie font la déclaration suivante devant la Cour:

"Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute conscience, que mon interprétation sera fidèle et complète."

Article 71

1. Le greffier établit un compte rendu intégral de chaque audience dans la langue ou les langues officielles de la Cour utilisées durant l’audience. Si une autre langue est utilisée, le compte rendu est établi dans l’une des langues officielles de la Cour.

2. Si des plaidoiries ou déclarations sont faites dans une langue autre qu’une des langues officielles de la Cour, la partie au nom de laquelle elles sont faites en fournit d’avance un texte au Greffe dans l’une des langues officielles et ce texte constitue le passage correspondant du compte rendu.

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3. Doivent précéder le texte du compte rendu les noms des juges présents et ceux des agents, conseils et avocats des parties.

4. Copie du compte rendu ainsi établi est adressée aux juges siégeant en l’affaire ainsi qu’aux parties. Celles-ci peuvent, sous le contrôle de la Cour, corriger le compte rendu de leurs plaidoiries ou déclarations, sans pouvoir toutefois en modifier le sens et la portée. Les juges peuvent de même corriger le compte rendu de ce qu’ils ont dit.

5. Les témoins et experts reçoivent communication du compte rendu de leur déposition ou exposé et peuvent le corriger de la même manière que les parties.

6. Une copie certifiée conforme du compte rendu final corrigé, signée par le président et le greffier, constitue le procès-verbal authentique de l’audience aux fins de l’article 47 du Statut. Le procès-verbal des audiences publiques est imprimé et publié par la Cour.

Article 72

Toute réponse écrite faite par une partie à une question qui lui a été posée conformément à l’article 61 du présent Règlement ou tous moyens de preuve ou explications fournis par une partie conformément à l’article 62 et reçus par la Cour après la clôture de la procédure orale sont communiqués à la partie adverse, à qui la possibilité est offerte de présenter des observations. S’il y a lieu, la procédure orale peut être rouverte à cette fin.

SECTION D. PROCÉDURES INCIDENTES

Sous-section 1. Mesures conservatoires

Article 73

1. Une partie peut présenter une demande en indication de mesures conservatoires par écrit à tout moment de la procédure engagée en l’affaire au sujet de laquelle la demande est introduite.

2. La demande indique les motifs sur lesquels elle se fonde, les conséquences éventuelles de son rejet et les mesures sollicitées. Copie certifiée conforme de la demande est immédiatement transmise par le greffier à la partie adverse.

Article 74

1. La demande en indication de mesures conservatoires a priorité sur toutes autres affaires.

2. Si la Cour ne siège pas au moment de la présentation de la demande, elle est immédiatement convoquée pour statuer d’urgence sur cette demande.

3. La Cour ou, si elle ne siège pas, le président fixe la date de la procédure orale de manière à donner aux parties la possibilité de s’y faire représenter. La Cour reçoit et prend en considération toutes observations qui peuvent lui être présentées avant la clôture de cette procédure.

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4. En attendant que la Cour se réunisse, le président peut inviter les parties à agir de manière que toute ordonnance de la Cour sur la demande en indication de mesures conservatoires puisse avoir les effets voulus.

Article 75

1. La Cour peut à tout moment décider d’examiner d’office si les circonstances de l’affaire exigent l’indication de mesures conservatoires que les parties ou l’une d’elles devraient prendre ou exécuter.

2. Lorsqu’une demande en indication de mesures conservatoires lui est présentée, la Cour peut indiquer des mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées, ou des mesures à prendre ou à exécuter par la partie même dont émane la demande.

3. Le rejet d’une demande en indication de mesures conservatoires n’empêche pas la partie qui l’avait introduite de présenter en la même affaire une nouvelle demande fondée sur des faits nouveaux.

Article 76

1. A la demande d’une partie, la Cour peut, à tout moment avant l’arrêt définitif en l’affaire, rapporter ou modifier toute décision concernant des mesures conservatoires si un changement dans la situation lui paraît justifier que cette décision soit rapportée ou modifiée.

2. Toute demande présentée par une partie et tendant à ce qu’une décision concernant des mesures conservatoires soit rapportée ou modifiée indique le changement dans la situation considéré comme pertinent.

3. Avant de prendre une décision en vertu du paragraphe 1 du présent article, la Cour donne aux parties la possibilité de présenter des observations à ce sujet.

Article 77

Toutes mesures indiquées par la Cour en vertu des articles 73 et 75 du présent Règlement et toute décision prise par la Cour en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sont immédiatement communiquées au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour transmission au Conseil de sécurité conformément à l’article 41, paragraphe 2, du Statut.

Article 78

La Cour peut demander aux parties des renseignements sur toutes questions relatives à la mise en œuvre de mesures conservatoires indiquées par elle.

Sous-section 2. Exceptions préliminaires

Article 79

1. Toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité de la requête ou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive doit être présentée par écrit dès que possible, et au plus tard trois mois après le dépôt du mémoire. Toute exception soulevée par une partie autre que le défendeur doit être

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déposée dans le délai fixé pour le dépôt de la première pièce de procédure émanant de cette partie.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 ci-dessus, après le dépôt de la requête et après consultation des parties lors d’une réunion avec le président, la Cour peut décider qu’il est statué séparément sur toute question de compétence et de recevabilité.

3. Lorsque la Cour en décide ainsi, les parties déposent toutes pièces de procédure relatives à la compétence et à la recevabilité dans les délais fixés par la Cour et dans l’ordre déterminé par celle-ci, nonobstant les dispositions de l’article 45, paragraphe 1.

4. L’acte introductif de l’exception contient l’exposé de fait et de droit sur lequel l’exception est fondée, les conclusions et le bordereau des documents à l’appui; il fait mention des moyens de preuve que la partie désire éventuellement employer. Les documents à l’appui sont annexés sous forme de copies.

5. Dès réception par le Greffe de l’acte introductif de l’exception, la procédure sur le fond est suspendue et la Cour ou, si elle ne siège pas, le président fixe le délai dans lequel la partie contre laquelle l’exception est introduite peut présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions; les documents à l’appui y sont annexés et les moyens éventuels de preuve sont indiqués.

6. Sauf décision contraire de la Cour, la suite de la procédure sur l’exception est orale.

7. Les exposés de fait et de droit contenus dans les pièces de procédure mentionnées aux paragraphes 4 et 5 du présent article et les exposés et moyens de preuve présentés pendant les audiences envisagées au paragraphe 6 sont limités aux points ayant trait à l’exception.

8. Pour permettre à la Cour de se prononcer sur sa compétence au stade préliminaire de la procédure, la Cour peut, le cas échéant, inviter les parties à débattre tous points de fait et de droit, et à produire tous moyens de preuve, qui ont trait à la question.

9. La Cour, après avoir entendu les parties, statue dans un arrêt par lequel elle retient l’exception, la rejette ou déclare que cette exception n’a pas dans les circonstances de l’espèce un caractère exclusivement préliminaire. Si la Cour rejette l’exception ou déclare qu’elle n’a pas un caractère exclusivement préliminaire, elle fixe les délais pour la suite de la procédure.

10. La Cour donne effet à tout accord intervenu entre les parties et tendant à ce qu’une exception soulevée en vertu du paragraphe 1 du présent article soit tranchée lors de l’examen au fond.

Sous-section 3. Demandes reconventionnelles

Article 80

1. La Cour ne peut connaître d’une demande reconventionnelle que si celle-ci relève de sa compétence et est en connexité directe avec l’objet de la demande de la partie adverse.

2. La demande reconventionnelle est présentée dans le contre-mémoire et figure parmi les conclusions contenues dans celui-ci. Le droit qu’a l’autre partie d’exprimer ses vues par écrit sur la demande reconventionnelle dans une pièce de procédure additionnelle est préservé,

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Page 126: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

indépendamment de toute décision prise par la Cour, conformément au paragraphe 2 de l’article 45 du présent Règlement, quant au dépôt de nouvelles pièces de procédure.

3. En cas d’objection relative à l’application du paragraphe 1 ou à tout moment lorsque la Cour le considère nécessaire, la Cour prend sa décision à cet égard après avoir entendu les parties.

Sous-section 4. Intervention

Article 81

1. Une requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62 du Statut, qui doit être signée comme il est prévu à l’article 38, paragraphe 3, du présent Règlement, est déposée le plus tôt possible avant la clôture de la procédure écrite. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peut connaître d’une requête présentée ultérieurement.

2. La requête indique le nom de l’agent. Elle précise l’affaire qu’elle concerne et spécifie:

a) l’intérêt d’ordre juridique qui, selon l’Etat demandant à intervenir, est pour lui en cause;

b) l’objet précis de l’intervention;

c) toute base de compétence qui, selon l’Etat demandant à intervenir, existerait entre lui et les parties.

3. La requête contient un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.

Article 82

1. Un Etat qui désire se prévaloir du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut dépose à cet effet une déclaration, signée comme il est indiqué à l’article 38, paragraphe 3, du présent Règlement. Cette déclaration est déposée le plus tôt possible avant la date fixée pour l’ouverture de la procédure orale. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peut connaître d’une déclaration présentée ultérieurement.

2. La déclaration indique le nom de l’agent. Elle précise l’affaire et la convention qu’elle concerne et contient:

a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’Etat déclarant se considère comme partie à la convention;

b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est en cause;

c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions;

d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.

3. Une telle déclaration peut être déposée par un Etat qui se considère comme partie à la convention dont l’interprétation est en cause mais n’a pas reçu la notification prévue à l’article 63 du Statut.

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Page 127: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Article 83

1. Copie certifiée conforme de la requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62 du Statut ou de la déclaration d’intervention fondée sur l’article 63 du Statut est immédiatement transmise aux parties, qui sont priées de présenter des observations écrites dans un délai fixé par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le président.

2. Le greffier transmet également copie de la requête ou de la déclaration: a) au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies; b) aux Membres des Nations Unies; c) aux autres Etats admis à ester devant la Cour; d) à tout autre Etat auquel a été adressée la notification prévue à l’article 63 du Statut.

Article 84

1. La décision de la Cour sur l’admission d’une requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62 du Statut ou la recevabilité d’une intervention fondée sur l’article 63 du Statut est prise par priorité à moins que, vu les circonstances de l’espèce, la Cour n’en décide autrement.

2. Si, dans le délai fixé conformément à l’article 83 du présent Règlement, il est fait objection à une requête à fin d’intervention ou à la recevabilité d’une déclaration d’intervention, la Cour entend, avant de statuer, l’Etat désireux d’intervenir ainsi que les parties.

Article 85

1. Si une requête à fin d’intervention fondée sur l’article 62 du Statut est admise, l’Etat intervenant reçoit copie des pièces de procédure et des documents annexés et a le droit de présenter une déclaration écrite dans un délai fixé par la Cour. Il est fixé un autre délai dans lequel les parties peuvent, si elles le désirent, présenter des observations écrites sur cette déclaration avant la procédure orale. Si la Cour ne siège pas, les délais sont fixés par le président.

2. Les délais fixés conformément au paragraphe précédent coïncident autant que possible avec ceux qui sont déjà fixés pour le dépôt des pièces de procédure en l’affaire.

3. L’Etat intervenant a le droit de présenter au cours de la procédure orale des observations sur l’objet de l’intervention.

 

Article 86

1. Si une intervention fondée sur l’article 63 du Statut est déclarée recevable, l’Etat intervenant reçoit copie des pièces de procédure et des documents annexés et a le droit de présenter, dans un délai fixé par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le président, des observations écrites sur l’objet de l’intervention.

2. Ces observations sont communiquées aux parties et à tout autre Etat autorisé à intervenir. L’Etat intervenant a le droit de présenter au cours de la procédure orale des observations sur l’objet de l’intervention.

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Page 128: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Sous-section 5. Renvoi spécial devant la Cour

Article 87

1. Lorsque, conformément à un traité ou à une convention en vigueur, une affaire contentieuse est portée devant la Cour au sujet d’une question qui a fait l’objet d’une procédure devant un autre organe international, les dispositions du Statut et du présent Règlement en matière contentieuse s’appliquent.

2. La requête introductive d’instance indique la décision ou l’acte de l’organe international intéressé et copie de la décision ou de l’acte y est jointe; la requête formule en termes précis, comme objet du différend devant la Cour, les questions soulevées contre cette décision ou cet acte.

Sous-section 6. Désistement

Article 88

1. Si, à un moment quelconque avant l’arrêt définitif sur le fond, les parties, conjointement ou séparément, notifient à la Cour par écrit qu’elles sont convenues de se désister de l’instance, la Cour rend une ordonnance prenant acte du désistement et prescrivant que l’affaire soit rayée du rôle.

2. Si les parties sont convenues de se désister de l’instance parce qu’elles sont parvenues à un arrangement amiable, la Cour peut, si les parties le désirent, soit faire mention de ce fait dans l’ordonnance prescrivant la radiation de l’affaire sur le rôle, soit indiquer les termes de l’arrangement dans l’ordonnance ou dans une annexe à celle-ci.

3. Si la Cour ne siège pas, toute ordonnance rendue conformément au présent article peut être prise par le président.

Article 89

1. Si, au cours d’une instance introduite par requête, le demandeur fait connaître par écrit à la Cour qu’il renonce à poursuivre la procédure, et si, à la date de la réception par le Greffe de ce désistement, le défendeur n’a pas encore fait acte de procédure, la Cour rend une ordonnance prenant acte du désistement et prescrivant la radiation de l’affaire sur le rôle. Copie de ladite ordonnance est adressée par le greffier au défendeur.

2. Si, à la date de la réception du désistement, le défendeur a déjà fait acte de procédure, la Cour fixe un délai dans lequel il peut déclarer s’il s’oppose au désistement. Si, dans le délai fixé, il n’est pas fait objection au désistement, celui-ci est réputé acquis et la Cour rend une ordonnance en prenant acte et prescrivant la radiation de l’affaire sur le rôle. S’il est fait objection, l’instance se poursuit.

3. Si la Cour ne siège pas, les pouvoirs que lui confère le présent article peuvent être exercés par le président.

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Page 129: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

SECTION E. PROCÉDURE DEVANT LES CHAMBRES

Article 90

La procédure devant les chambres prévues aux articles 26 et 29 du Statut est, sous réserve des dispositions du Statut et du présent Règlement les visant expressément, réglée conformément aux dispositions des titres I à III du présent Règlement applicables en matière contentieuse devant la Cour.

Article 91

1. Une demande tendant à ce qu’une affaire soit portée devant une chambre déjà constituée conformément aux article 26, paragraphe 1, ou 29 du Statut est formulée dans l’acte introductif d’instance ou l’accompagne. Il est fait droit à cette demande s’il y a accord entre les parties.

2. Dès réception de cette demande par le Greffe, le président de la Cour en donne communication aux membres de la chambre intéressée. Il prend toutes dispositions qui seraient nécessaires pour assurer l’application de l’article 31, paragraphe 4, du Statut.

3. La chambre est convoquée par le président de la Cour pour la date la plus rapprochée suivant les exigences de la procédure.

Article 92

1. Dans une affaire portée devant une chambre, la procédure écrite consiste en la présentation par chaque partie d’une seule pièce. Si l’instance est introduite par une requête, les pièces de procédure sont déposées dans des délais courant successivement. Si elle est introduite par la notification d’un compromis, les pièces sont déposées dans le même délai, à moins que les parties ne soient convenues de procéder par dépôts successifs. Les délais visés dans le présent paragraphe sont fixés par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le président, après consultation de la chambre intéressée si elle est déjà constituée.

2. La chambre peut autoriser ou prescrire la présentation d’autres pièces de procédure si les parties sont d’accord à cet égard ou si elle décide, d’office ou à la demande d’une partie, que ces pièces sont nécessaires.

3. Une procédure orale a lieu, à moins que les parties n’y renoncent d’un commun accord avec le consentement de la chambre. Même en l’absence de procédure orale, la chambre a la faculté de demander aux parties de lui fournir verbalement des renseignements ou des explications.

Article 93

Un arrêt émanant d’une chambre est lu en audience publique de celle-ci.

SECTION F. ARRÊTS, INTERPRÉTATION ET REVISION

Sous-section 1. Arrêts

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Page 130: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Article 94

1. Lorsque la Cour a achevé son délibéré et adopté son arrêt, notification est faite aux parties de la date à laquelle il en sera donné lecture.

2. L’arrêt est lu en audience publique de la Cour; il est considéré comme ayant force obligatoire pour les parties du jour de son prononcé.

Article 95

1. L’arrêt, dont le texte indique s’il est rendu par la Cour ou par une chambre, comprend:

l’indication de la date à laquelle il en est donné lecture;les noms des juges qui y ont pris part;l’indication des parties;les noms des agents, conseils et avocats des parties;l’exposé sommaire de la procédure;les conclusions des parties;les circonstances de fait;les motifs de droit;le dispositif;la décision relative aux frais, s’il y a lieu;l’indication du nombre et des noms des juges ayant constitué la majorité;l’indication du texte faisant foi.

2. Tout juge peut, s’il le désire, joindre à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ou dissidente; un juge qui désire faire constater son accord ou son dissentiment sans en donner les motifs peut le faire sous la forme d’une déclaration. La même règle s’applique aux ordonnances de la Cour.

3. Un exemplaire de l’arrêt, dûment signé et revêtu du sceau de la Cour, est déposé aux archives de la Cour et un autre est remis à chacune des parties. Des copies sont adressées par le greffier: a) au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies; b) aux Membres des Nations Unies; c) aux autres Etats admis à ester devant la Cour.

Article 96

Lorsque, à la suite d’un accord entre les parties, la procédure écrite et la procédure orale ont eu lieu dans l’une des deux langues officielles de la Cour et que, conformément à l’article 39, paragraphe 1, du Statut, l’arrêt doit être prononcé dans cette langue, c’est le texte de l’arrêt établi dans cette langue qui fait foi.

Article 97

Si la Cour décide en vertu de l’article 64 du Statut que les frais de procédure de l’une des parties seront entièrement ou partiellement supportés par l’autre, elle peut rendre une ordonnance à cet effet.

Sous-section 2. Demandes en interprétationou en révision

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Page 131: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Article 98

1. En cas de contestation sur le sens ou la portée d’un arrêt, toute partie peut présenter une demande en interprétation, que l’instance initiale ait été introduite par une requête ou par la notification d’un compromis.

2. Une demande en interprétation d’un arrêt peut être introduite soit par une requête, soit par la notification d’un compromis conclu à cet effet entre les parties; elle indique avec précision le point ou les points contestés quant au sens ou à la portée de l’arrêt.

3. Si la demande en interprétation est introduite par une requête, les thèses de la partie qui la présente y sont énoncées et la partie adverse a le droit de présenter des observations écrites dans un délai fixé par la Cour, ou si elle ne siège pas, par le président.

4. Que la demande en interprétation ait été introduite par une requête ou par la notification d’un compromis, la Cour peut, s’il y a lieu, donner aux parties la possibilité de lui fournir par écrit ou oralement un supplément d’information.

Article 99

1. Une demande en révision d’un arrêt est introduite par une requête contenant les indications nécessaires pour établir que les conditions prévues à l’article 61 du Statut sont remplies. Les documents à l’appui sont annexés à la requête.

2. La partie adverse a le droit de présenter des observations écrites sur la recevabilité de la requête dans un délai fixé par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le président. Ces observations sont communiquées à la partie dont émane la requête.

3. Avant de rendre son arrêt sur la recevabilité de la requête, la Cour peut donner à nouveau aux parties la possibilité de présenter leurs vues à ce sujet.

4. Si la requête est déclarée recevable, la Cour fixe, après s’être renseignée auprès des parties, les délais pour toute procédure ultérieure qu’elle estime nécessaire sur le fond de la demande.

5. Si la Cour décide de subordonner l’ouverture de la procédure de révision à une exécution préalable de l’arrêt, elle rend une ordonnance à cet effet.

Article 100

1. Si l’arrêt à interpréter ou à réviser a été rendu par la Cour, celle-ci connaît de la demande en interprétation ou en révision. Si l’arrêt a été rendu par une chambre, celle-ci connaît de la demande en interprétation ou en révision.

2. La décision de la Cour ou de la chambre sur la demande en interprétation ou en révision de l’arrêt prend elle-même la forme d’un arrêt.

 

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SECTION G. MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LES PARTIES

Article 101

Les parties à une affaire peuvent proposer d’un commun accord d’apporter aux articles contenus dans le présent titre, à l’exception des articles 93 à 97 inclus, des modifications ou additions particulières que la Cour ou une chambre peut adopter si elle les estime appropriées aux circonstances de l’espèce.

Titre IV

PROCÉDURE CONSULTATIVE

Article 102

1. Dans l’exercice des fonctions consultatives que lui confère l’article 65 du Statut, la Cour applique, en dehors des dispositions de l’article 96 de la Charte et du chapitre IV du Statut, les dispositions du présent titre du Règlement.

2. La Cour s’inspire en outre des dispositions du Statut et du présent Règlement en matière contentieuse, dans la mesure où elle les reconnaît applicables. A cet effet, elle recherche avant tout si la demande d’avis consultatif a trait ou non à une question juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Etats.

3. Si l’avis consultatif est demandé au sujet d’une question juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Etats, l’article 31 du Statut est applicable, ainsi que les dispositions du présent Règlement qui pourvoient à l’application de cet article.

Article 103

Lorsque l’organe ou institution autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander un avis consultatif informe la Cour que la demande appelle une réponse urgente, ou lorsque la Cour estime qu’une prompte réponse serait désirable, la Cour prend toutes mesures utiles pour accélérer la procédure et se réunit le plus tôt possible pour tenir audience et délibérer sur la demande.

Article 104

Toute requête pour avis consultatif est transmise à la Cour par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies ou, le cas échéant, par le plus haut fonctionnaire de l’organe ou institution autorisé à demander l’avis. Les documents visés à l’article 65, paragraphe 2, du Statut sont transmis à la Cour en même temps que la requête ou le plus tôt possible après celle-ci, dans le nombre d’exemplaires requis par le Greffe.

Article 105

1. Le greffier communique les exposés écrits soumis à la Cour aux Etats et organisations qui en ont eux-mêmes présenté.

2. La Cour ou, si elle ne siège pas, le président:

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Page 133: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

a) détermine sous quelle forme et dans quelle mesure les observations qu’autorise l’article 66, paragraphe 4, du Statut peuvent être reçues et fixe le délai dans lequel elles peuvent être déposées par écrit;

b) décide si une procédure orale aura lieu, pendant laquelle des exposés et observations pourront être présentés à la Cour en vertu de l’article 66 du Statut, et en fixe le cas échéant la date d’ouverture.

 

Article 106

La Cour ou, si elle ne siège pas, le président peut décider que les exposés écrits et les documents annexés seront rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale ou ultérieurement. Si la demande d’avis consultatif a trait à une question juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Etats, ces Etats sont consultés au préalable.

Article 107

1. Lorsque la Cour a achevé son délibéré et adopté son avis consultatif, celui-ci est lu en audience publique de la Cour.

2. L’avis consultatif comprend:

l’indication de la date à laquelle il est prononcé;les noms des juges qui y ont pris part;l’exposé sommaire de la procédure;les circonstances de fait;les motifs de droit;la réponse à la question posée à la Cour;l’indication du nombre et des noms des juges ayant constitué la majorité;l’indication du texte faisant foi.

Tout juge peut, s’il le désire, joindre à l’avis consultatif de la Cour l’exposé de son opinion individuelle ou dissidente; un juge qui désire faire constater son accord ou son dissentiment sans en donner les motifs peut le faire sous la forme d’une déclaration.

Article 108

Le greffier avertit le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et, le cas échéant, le plus haut fonctionnaire de l’organe ou institution qui a demandé l’avis consultatif des date et heure fixées pour l’audience publique à laquelle il en sera donné lecture. Il avertit également les représentants des Membres des Nations Unies et autres Etats, des institutions spécialisées et des organisations internationales publiques directement intéressés.

Article 109

Un exemplaire de l’avis consultatif, dûment signé et revêtu du sceau de la Cour, est déposé aux archives de la Cour, un autre est remis au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et, le cas échéant, un troisième envoyé au plus haut fonctionnaire de l’organe ou institution qui a demandé l’avis de la Cour. Des copies sont adressées par le greffier aux

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Membres des Nations Unies, ainsi qu’aux autres Etats, institutions spécialisées et organisations internationales publiques directement intéressés.

Le président,(Signé) E. Jiménez de Aréchaga.

Le greffier,

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ANNEXE 3

CHARTE DES

NATIONS UNIES

TABLE DE MATIÈRES

Note Liminaire

Préambule

Chapitre I : Buts et principes (articles 1-2)

Chapitre II : Membres (articles 3-6)

Chapitre III : Organes (articles 7-8)

Chapitre IV : Assemblée générale (articles 9-22)

Chapitre V : Conseil de sécurité (articles 23-32)

Chapitre VI : Règlement pacifique des différends (articles 33-38)

Chapitre VII : Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression (articles 39-51)

Chapitre VIII : Accords régionaux (articles 52-54)

Chapitre IX : Coopération économique et sociale internationale (articles 55-60)

Chapitre X : Conseil économique et social (articles 61-72)

Chapitre XI : Déclaration relative aux territoires non autonomes (articles 73-74)

Chapitre XII : Régime international de tutelle (articles 75-85)

Chapitre XIII : Conseil de tutelle (articles 86-91)

Chapitre XIV : Cour internationale de justice (articles 92-96)

Chapitre XV : Secrétariat (articles 97-101)

Chapitre XVI : Dispositions diverses (articles 102-105)

Chapitre XVII : Dispositions transitoires de sécurité (articles 106-107)

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Chapitre XVIII : Amendements (articles 108-109)

Chapitre XIX : Ratification et signature (Articles 110-111)

Charte des Nations Unies

NOTE LIMINAIRE

Des amendements aux articles 23, 27 et 61 de la Charte ont été adoptés par l'Assemblée générale le17 décembre 1963 et sont entrés en vigueur le 31 août 1965. Un autre amendement à l'article 61 a été adopté par l'Assemblée générale le 20 décembre 1971 et est entré en vigueur le 24 septembre 1973. Un amendement à l'article 109, adopté par l'Assemblée générale le 20 décembre 1965, est entré en vigueur le 12 juin 1968.

L'amendement à l'article 23 porte de onze à quinze le nombre des membres du Conseil de sécurité. L'amendement à l'article 27 dispose que les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres (précédemment sept) et que ses décisions sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres (précédemment sept) dans lequel sont comprises les voix des cinq membres permanents du Conseil.

L'amendement à l'article 61, qui est entré en vigueur le 31 août 1965, portait de dix-huit à vingt-sept le nombre des membres du Conseil économique et social. L'amendement suivant à cet article, qui est entré en vigueur le 24 septembre 1973, a porté de vingt-sept à cinquante-quatre le nombre des membres du Conseil.

L'amendement à l'article 109, qui concerne le paragraphe 1 de cet article, dispose qu'une conférence générale des Membres des Nations Unies, aux fins d'une révision de la Charte, pourra être réunie aux lieu et date qui seront fixés par un vote de l'Assemblée générale à la majorité des deux tiers et par un vote de neuf (précédemment sept) quelconques des membres du Conseil de sécurité. Le paragraphe 3 de l'Article 109, aux termes duquel l'Assemblée générale devait, à sa dixième session ordinaire, examiner la question de la convocation d'une conférence de révision de la Charte, a été maintenu sous sa forme originale, bien qu'il dispose "par un vote de sept quelconques des membres du Conseil de sécurité", l'Assemblée et le Conseil de sécurité ayant donné suite à ce paragraphe à la dixième session ordinaire de l'Assemblée, en 1955.

Charte des Nations Unies

PRÉAMBULE

Nous, peuples des Nations Unies, résolus

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à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances,

à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,

à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,

à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

et à ces fins

à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage,

à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,

à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun,

à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples,

avons décidé d'associer nos efforts

pour réaliser ces desseins

En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l'intermédiaire de leurs représentants, réunis en la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies.

Charte des Nations Unies

CHAPITRE I

Buts et principes

Article 1

Les buts des Nations Unies sont les suivants :

1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques,

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conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde;

3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion;

4. Etre un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

Article 2

L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'Article 1, doivent agir conformément aux principes suivants :

1. L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres.

2. Les Membres de l'Organisation, afin d'assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte.

3. Les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.

4. Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

5. Les Membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s'abstiennent de prêter assistance à un Etat contre lequel l'Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.

6. L'Organisation fait en sorte que les Etats qui ne sont pas Membres des Nations Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

7. Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.

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Charte des Nations Unies

Chapitre II

Membres

Article 3

Sont Membres originaires des Nations Unies les Etats qui, ayant participé à la Conférence des Nations Unies pour l'Organisation internationale à San Francisco ou ayant antérieurement signé la Déclaration des Nations Unies, en date du 1er janvier 1942, signent la présente Charte et la ratifient conformément à l'Article 110.

Article 4

1. Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres Etats pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l'Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire.

2. L'admission comme Membres des Nations Unies de tout Etat remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.

Article 5

Un Membre de l'Organisation contre lequel une action préventive ou coercitive a été entreprise par le Conseil de sécurité peut être suspendu par l'Assemblée générale, sur recommandation du Conseil de sécurité, de l'exercice des droits et privilèges inhérents à la qualité de Membre. L'exercice de ces droits et privilèges peut être rétabli par le Conseil de sécurité.

Article 6

Si un Membre de l'Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l'Organisation par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.

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Charte des Nations Unies

Chapitre III

Organes

Article 7

1. Il est créé comme organes principaux de l'Organisation des Nations Unies : une Assemblée générale, un Conseil de sécurité, un Conseil économique et social, un Conseil de tutelle, une Cour internationale de Justice et un Secrétariat.

2. Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés conformément à la présente Charte.

Article 8

Aucune restriction ne sera imposée par l'Organisation à l'accès des hommes et des femmes, dans des conditions égales, à toutes les fonctions, dans ses organes principaux et subsidiaires.

Charte des Nations Unies

Chapitre IV

Assemblée générale

Composition

Article 9

1. L'Assemblée générale se compose de tous les Membres des Nations Unies.

2. Chaque Membre a cinq représentants au plus à l'Assemblée générale.

Fonctions et pouvoirs

Article 10

L'Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l'un quelconque des organes prévus dans la présente Charte, et, sous réserve des dispositions de l'Article 12, formuler sur ces questions ou affaires des recommandations aux Membres de l'Organisation des Nations Unies, au Conseil de sécurité, ou aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité.

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Article 11

1. L'Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de l'Organisation, soit au Conseil de sécurité, soit aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité.

2. L'Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l'une quelconque des Nations Unies, ou par le Conseil de sécurité, ou par un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'Article 35, et, sous réserve de l'Article 12, faire sur toutes questions de ce genre des recommandations soit à l'Etat ou aux Etats intéressés, soit au Conseil de sécurité, soit aux Etats et au Conseil de sécurité. Toute question de ce genre qui appelle une action est renvoyée au Conseil de sécurité par l'Assemblée générale, avant ou après discussion.

3. L'Assemblée générale peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales.

4. Les pouvoirs de l'Assemblée générale énumérés dans le présent Article ne limitent pas la portée générale de l'Article 10.

Article 12

1. Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande.

2. Le Secrétaire général, avec l'assentiment du Conseil de sécurité, porte à la connaissance de l'Assemblée générale, lors de chaque session, les affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s'occupe le Conseil de sécurité; il avise de même l'Assemblée générale ou, si l'Assemblée générale ne siège pas, les Membres de l'Organisation, dès que le Conseil de sécurité cesse de s'occuper desdites affaires.

Article 13

1. L'Assemblée générale provoque des études et fait des recommandations en vue de :

a. développer la coopération internationale dans le domaine politique et encourager le développement progressif du droit international et sa codification;

b. développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2. Les autres responsabilités, fonctions et pouvoirs de l'Assemblée générale, relativement aux questions mentionnées au paragraphe 1, b, ci-dessus, sont énoncés aux Chapitres IX et X.

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Article 14

Sous réserve des dispositions de l'Article 12, l'Assemblée générale peut recommander les mesures propres à assurer l'ajustement pacifique de toute situation, quelle qu'en soit l'origine, qui lui semble de nature à nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les situations résultant d'une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les principes des Nations Unies.

Article 15

1. L'Assemblée générale reçoit et étudie les rapports annuels et les rapports spéciaux du Conseil de sécurité; ces rapports comprennent un compte rendu des mesures que le Conseil de sécurité a décidées ou prises pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

2. L'Assemblée générale reçoit et étudie les rapports des autres organes de l'Organisation.

Article 16

L'Assemblée générale remplit, en ce qui concerne le régime international de tutelle, les fonctions qui lui sont dévolues en vertu des Chapitres XII et XIII; entre autres, elle approuve les accords de tutelle relatifs aux zones non désignées comme zones stratégiques.

Article 17

1. L'Assemblée générale examine et approuve le budget de l'Organisation.

2. Les dépenses de l'Organisation sont supportées par les Membres selon la répartition fixée par l'Assemblée générale.

3. L'Assemblée générale examine et approuve tous arrangements financiers et budgétaires passés avec les institutions spécialisées visées à l'Article 57 et examine les budgets administratifs desdites institutions en vue de leur adresser des recommandations.

Vote

Article 18

1. Chaque membre de l'Assemblée générale dispose d'une voix.

2. Les décisions de l'Assemblée générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents et votants. Sont considérées comme questions importantes : les recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'élection des membres non permanents du Conseil de sécurité, l'élection des membres du Conseil économique et social, l'élection des membres du Conseil de tutelle conformément au paragraphe 1, c, de l'Article 86, l'admission de nouveaux Membres dans l'Organisation, la suspension des droits et privilèges de Membres, l'exclusion de Membres, les questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires.

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3. Les décisions sur d'autres questions, y compris la détermination de nouvelles catégories de questions à trancher à la majorité des deux tiers, sont prises à la majorité des membres présents et votants.

Article 19

Un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de l'Organisation ne peut participer au vote à l'Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L'Assemblée générale peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté.

Procédure

Article 20

L'Assemblée générale tient une session annuelle régulière et, lorsque les circonstances l'exigent, des sessions extraordinaires. Celles-ci sont convoquées par le Secrétaire général sur la demande du Conseil de sécurité ou de la majorité des Membres des Nations Unies.

Article 21

L'Assemblée générale établit son règlement intérieur. Elle désigne son Président pour chaque session.

Article 22

L'Assemblée générale peut créer les organes subsidiaires qu'elle juge nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Charte des Nations Unies

Chapitre V

Conseil de sécurité

Composition

Article 23

1. Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les Etats-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au

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maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique équitable.

2. Les membres non permanents du Conseil de sécurité sont élus pour une période de deux ans. Lors de la première élection des membres non permanents après que le nombre des membres du Conseil de sécurité aura été porté de onze à quinze, deux des quatre membres supplémentaires seront élus pour une période d'un an. Les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles.

3. Chaque membre du Conseil de sécurité a un représentant au Conseil.

Fonctions et pouvoirs

Article 24

1. Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom.

2. Dans l'accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre d'accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII et XII.

3. Le Conseil de sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant, des rapports spéciaux à l'Assemblée générale.

Article 25

Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte.

Article 26

Afin de favoriser l'établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé, avec l'assistance du Comité d'état-major prévu à l'Article 47, d'élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l'Organisation en vue d'établir un système de réglementation des armements.

Vote

Article 27

1. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix.

2. Les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres.

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3. Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant entendu que, dans les décisions prises aux termes du Chapitre VI et du paragraphe 3 de l'Article 52, une partie à un différend s'abstient de voter.

Procédure

Article 28

1. Le Conseil de sécurité est organisé de manière à pouvoir exercer ses fonctions en permanence. A cet effet, chaque membre du Conseil de sécurité doit avoir en tout temps un représentant au Siège de l'Organisation.

2. Le Conseil de sécurité tient des réunions périodiques auxquelles chacun de ses membres peut, s'il le désire, se faire représenter par un membre de son gouvernement ou par quelque autre représentant spécialement désigné.

3. Le Conseil de sécurité peut tenir des réunions à tous endroits autres que le Siège de l'Organisation qu'il juge les plus propres à faciliter sa tâche.

Article 29

Le Conseil de sécurité peut créer les organes subsidiaires qu'il juge nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Article 30

Le Conseil de sécurité établit son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de son Président.

Article 31

Tout Membre de l'Organisation qui n'est pas membre du Conseil de sécurité peut participer, sans droit de vote, à la discussion de toute question soumise au Conseil de sécurité, chaque fois que celui-ci estime que les intérêts de ce Membre sont particulièrement affectés.

Article 32

Tout Membre des Nations Unies qui n'est pas membre du Conseil de sécurité ou tout Etat qui n'est pas Membre des Nations Unies, s'il est partie à un différend examiné par le Conseil de sécurité, est convié à participer, sans droit de vote, aux discussions relatives à ce différend. Le Conseil de sécurité détermine les conditions qu'il estime juste de mettre à la participation d'un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation.

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Charte des Nations Unies

Chapitre VI

Règlement pacifique des différends

Article 33

1. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix.

2. Le Conseil de sécurité, s'il le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de tels moyens.

Article 34

Le Conseil de sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Article 35

1. Tout Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur un différend ou une situation de la nature visée dans l'Article 34.

2. Un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur tout différend auquel il est partie, pourvu qu'il accepte préalablement, aux fins de ce différend, les obligations de règlement pacifique prévues dans la présente Charte.

3. Les actes de l'Assemblée générale relativement aux affaires portées à son attention en vertu du présent Article sont soumis aux dispositions des Articles 11 et 12.

Article 36

1. Le Conseil de sécurité peut, à tout moment de l'évolution d'un différend de la nature mentionnée à l'Article 33 ou d'une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d'ajustement appropriées.

2. Le Conseil de sécurité devra prendre en considération toutes procédures déjà adoptées par les parties pour le règlement de ce différend.

3. En faisant les recommandations prévues au présent Article, le Conseil de sécurité doit aussi tenir compte du fait que, d'une manière générale, les différends d'ordre juridique devraient

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être soumis par les parties à la Cour internationale de Justice conformément aux dispositions du Statut de la Cour.

Article 37

1. Si les parties à un différend de la nature mentionnée à l'Article 33 ne réussissent pas à le régler par les moyens indiqués audit Article, elles le soumettent au Conseil de sécurité.

2. Si le Conseil de sécurité estime que la prolongation du différend semble, en fait, menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, il décide s'il doit agir en application de l'Article 36 ou recommander tels termes de règlement qu'il juge appropriés.

Article 38

Sans préjudice des dispositions des Articles 33 à 37, le Conseil de sécurité peut, si toutes les parties à un différend le demandent, faire des recommandations à celles-ci en vue d'un règlement pacifique de ce différend.

Charte des Nations Unies

Chapitre VII

Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression

Article 39

Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Article 40

Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'Article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûment compte de cette défaillance.

Article 41

Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes,

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aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

Article 42

Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.

Article 43

1. Tous les Membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

2. L'accord ou les accords susvisés fixeront les effectifs et la nature de ces forces, leur degré de préparation et leur emplacement général, ainsi que la nature des facilités et de l'assistance à fournir.

3. L'accord ou les accords seront négociés aussitôt que possible, sur l'initiative du Conseil de sécurité. Ils seront conclus entre le Conseil de sécurité et des Membres de l'Organisation, ou entre le Conseil de sécurité et des groupes de Membres de l'Organisation, et devront être ratifiés par les Etats signataires selon leurs règles constitutionnelles respectives.

Article 44

Lorsque le Conseil de sécurité a décidé de recourir à la force, il doit, avant d'inviter un Membre non représenté au Conseil à fournir des forces armées en exécution des obligations contractées en vertu de l'Article 43, convier ledit Membre, si celui-ci le désire, à participer aux décisions du Conseil de sécurité touchant l'emploi de contingents des forces armées de ce Membre.

Article 45

Afin de permettre à l'Organisation de prendre d'urgence des mesures d'ordre militaire, des Membres des Nations Unies maintiendront des contingents nationaux de forces aériennes immédiatement utilisables en vue de l'exécution combinée d'une action coercitive internationale. Dans les limites prévues par l'accord spécial ou les accords spéciaux mentionnés à l'Article 43, le Conseil de sécurité, avec l'aide du Comité d'état-major, fixe l'importance et le degré de préparation de ces contingents et établit des plans prévoyant leur action combinée.

Article 46

Les plans pour l'emploi de la force armée sont établis par le Conseil de sécurité avec l'aide du Comité d'état-major.

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Article 47

1. Il est établi un Comité d'état-major chargé de conseiller et d'assister le Conseil de sécurité pour tout ce qui concerne les moyens d'ordre militaire nécessaires au Conseil pour maintenir la paix et la sécurité internationales, l'emploi et le commandement des forces mises à sa disposition, la réglementation des armements et le désarmement éventuel.

2. Le Comité d'état-major se compose des chefs d'état-major des membres permanents du Conseil de sécurité ou de leurs représentants. Il convie tout Membre des Nations Unies qui n'est pas représenté au Comité d'une façon permanente à s'associer à lui, lorsque la participation de ce Membre à ses travaux lui est nécessaire pour la bonne exécution de sa tâche.

3. Le Comité d'état-major est responsable, sous l'autorité du Conseil de sécurité, de la direction stratégique de toutes forces armées mises à la disposition du Conseil. Les questions relatives au commandement de ces forces seront réglées ultérieurement.

4. Des sous-comités régionaux du Comité d'état-major peuvent être établis par lui avec l'autorisation du Conseil de sécurité et après consultation des organismes régionaux appropriés.

Article 48

1. Les mesures nécessaires à l'exécution des décisions du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les Membres des Nations Unies ou certains d'entre eux, selon l'appréciation du Conseil.

2. Ces décisions sont exécutées par les Membres des Nations Unies directement et grâce à leur action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie.

Article 49

Les Membres des Nations Unies s'associent pour se prêter mutuellement assistance dans l'exécution des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité.

Article 50

Si un Etat est l'objet de mesures préventives ou coercitives prises par le Conseil de sécurité, tout autre Etat, qu'il soit ou non Membre des Nations Unies, s'il se trouve en présence de difficultés économiques particulières dues à l'exécution desdites mesures, a le droit de consulter le Conseil de sécurité au sujet de la solution de ces difficultés.

Article 51

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la

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présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Charte des Nations Unies

Chapitre VIII

Accords régionaux

Article 52

1. Aucune disposition de la présente Charte ne s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies.

2. Les Membres des Nations Unies qui concluent ces accords ou constituent ces organismes doivent faire tous leurs efforts pour régler d'une manière pacifique, par le moyen desdits accords ou organismes, les différends d'ordre local, avant de les soumettre au Conseil de sécurité.

3. Le Conseil de sécurité encourage le développement du règlement pacifique des différends d'ordre local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux, soit sur l'initiative des Etats intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité.

4. Le présent Article n'affecte en rien l'application des Articles 34 et 35.

Article 53

1. Le Conseil de sécurité utilise, s'il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité; sont exceptées les mesures contre tout Etat ennemi au sens de la définition donnée au paragraphe 2 du présent Article, prévues en application de l'Article 107 ou dans les accords régionaux dirigés contre la reprise, par un tel Etat, d'une politique d'agression, jusqu'au moment où l'Organisation pourra, à la demande des gouvernements intéressés, être chargée de la tâche de prévenir toute nouvelle agression de la part d'un tel Etat.

2. Le terme "Etat ennemi", employé au paragraphe 1 du présent Article, s'applique à tout Etat qui, au cours de la seconde guerre mondiale, a été l'ennemi de l'un quelconque des signataires de la présente Charte.

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Article 54

Le Conseil de sécurité doit, en tout temps, être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou envisagée, en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Charte des Nations Unies

Chapitre IX

Coopération économique et sociale internationale

Article 55

En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront :

a. le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social;

b. la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation;

c. le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Article 56

Les Membres s'engagent, en vue d'atteindre les buts énoncés à l'Article 55, à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation.

Article 57

1. Les diverses institutions spécialisées créées par accords intergouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d'attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique et autres domaines connexes sont reliées à l'Organisation conformément aux dispositions de l'Article 63.

2. Les institutions ainsi reliées à l'Organisation sont désignées ci-après par l'expression "institutions spécialisées".

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Article 58

L'Organisation fait des recommandations en vue de coordonner les programmes et activités des institutions spécialisées.

Article 59

L'Organisation provoque, lorsqu'il y a lieu, des négociations entre les Etats intéressés en vue de la création de toutes nouvelles institutions spécialisées nécessaires pour atteindre les buts énoncés à l'Article 55.

Article 60

L'Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil économique et social, qui dispose à cet effet des pouvoirs qui lui sont attribués aux termes du Chapitre X, sont chargés de remplir les fonctions de l'Organisation énoncées au présent Chapitre.

Charte des Nations Unies

Chapitre X

Conseil économique et social

Composition

Article 61

1. Le Conseil économique et social se compose de cinquante-quatre Membres de l'Organisation des Nations Unies, élus par l'Assemblée générale.

2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, dix-huit membres du Conseil économique et social sont élus chaque année pour une période de trois ans. Les membres sortants sont immédiatement rééligibles.

3. Lors de la première élection qui aura lieu après que le nombre des membres du Conseil économique et social aura été porté de vingt-sept à cinquante-quatre, vingt-sept membres seront élus en plus de ceux qui auront été élus en remplacement des neuf membres dont le mandat viendra à expiration à la fin de l'année. Le mandat de neuf de ces vingt-sept membres supplémentaires expirera au bout d'un an et celui de neuf autres au bout de deux ans, selon les dispositions prises par l'Assemblée générale.

4. Chaque membre du Conseil économique et social a un représentant au Conseil.

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Fonctions et pouvoirs

Article 62

1. Le Conseil économique et social peut faire ou provoquer des études et des rapports sur des questions internationales dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique et autres domaines connexes et peut adresser des recommandations sur toutes ces questions à l'Assemblée générale, aux Membres de l'Organisation et aux institutions spécialisées intéressées.

2. Il peut faire des recommandations en vue d'assurer le respect effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous.

3. Il peut, sur des questions de sa compétence, préparer des projets de convention pour les soumettre à l'Assemblée générale.

4. Il peut convoquer, conformément aux règles fixées par l'Organisation, des conférences internationales sur des questions de sa compétence.

Article 63

1. Le Conseil économique et social peut conclure, avec toute institution visée à l'Article 57, des accords fixant les conditions dans lesquelles cette institution sera reliée à l'Organisation. Ces accords sont soumis à l'approbation de l'Assemblée générale.

2. Il peut coordonner l'activité des institutions spécialisées en se concertant avec elles, en leur adressant des recommandations, ainsi qu'en adressant des recommandations à l'Assemblée générale et aux Membres des Nations Unies.

Article 64

1. Le Conseil économique et social peut prendre toutes mesures utiles pour recevoir des rapports réguliers des institutions spécialisées. Il peut s'entendre avec les Membres de l'Organisation et avec les institutions spécialisées afin de recevoir des rapports sur les mesures prises en exécution de ses propres recommandations et des recommandations de l'Assemblée générale sur des objets relevant de la compétence du Conseil.

2. Il peut communiquer à l'Assemblée générale ses observations sur ces rapports.

Article 65

Le Conseil économique et social peut fournir des informations au Conseil de sécurité et l'assister si celui-ci le demande.

Article 66

1. Le Conseil économique et social, dans l'exécution des recommandations de l'Assemblée générale, s'acquitte de toutes les fonctions qui entrent dans sa compétence.

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2. Il peut, avec l'approbation de l'Assemblée générale, rendre les services qui lui seraient demandés par des Membres de l'Organisation ou par des institutions spécialisées.

3. Il s'acquitte des autres fonctions qui lui sont dévolues dans d'autres parties de la présente Charte ou qui peuvent lui être attribuées par l'Assemblée générale.

Vote

Article 67

1. Chaque membre du Conseil économique et social dispose d'une voix.

2. Les décisions du Conseil économique et social sont prises à la majorité des membres présents et votants.

Procédure

Article 68

Le Conseil économique et social institue des commissions pour les questions économiques et sociales et le progrès des droits de l'homme ainsi que toutes autres commissions nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Article 69

Le Conseil économique et social, lorsqu'il examine une question qui intéresse particulièrement un Membre de l'Organisation, convie celui-ci à participer, sans droit de vote, à ses délibérations.

Article 70

Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions pour que des représentants des institutions spécialisées participent, sans droit de vote, à ses délibérations et à celles des commissions instituées par lui, et pour que ses propres représentants participent aux délibérations des institutions spécialisées.

Article 71

Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s'appliquer à des organisations internationales et, s'il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du Membre intéressé de l'Organisation.

Article 72

1. Le Conseil économique et social adopte son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de son Président.

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2. Il se réunit selon les besoins, conformément à son règlement; celui-ci comportera des dispositions prévoyant la convocation du Conseil sur la demande de la majorité de ses membres.

Charte des Nations Unies

Chapitre XI

Déclaration relative aux territoires non autonomes

Article 73

Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d'administrer des territoires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l'obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationales établi par la présente Charte et, à cette fin :

a. d'assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès politique, économique et social, ainsi que le développement de leur instruction, de les traiter avec équité et de les protéger contre les abus;

b. de développer leur capacité de s'administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement;

c. d'affermir la paix et la sécurité internationales;

d. de favoriser des mesures constructives de développement, d'encourager des travaux de recherche, de coopérer entre eux et, quand les circonstances s'y prêteront, avec les organismes internationaux spécialisés, en vue d'atteindre effectivement les buts sociaux, économiques et scientifiques énoncés au présent Article;

e. de communiquer régulièrement au Secrétaire général, à titre d'information, sous réserve des exigences de la sécurité et de considérations d'ordre constitutionnel, des renseignements statistiques et autres de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de l'instruction dans les territoires dont ils sont respectivement responsables, autres que ceux auxquels s'appliquent les Chapitres XII et XIII.

Article 74

Les Membres de l'Organisation reconnaissent aussi que leur politique doit être fondée, autant dans les territoires auxquels s'applique le présent Chapitre que dans leurs territoires métropolitains, sur le principe général du bon voisinage dans le domaine social, économique et commercial, compte tenu des intérêts et de la prospérité du reste du monde.

155

Page 156: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Charte des Nations Unies

Chapitre XII

Régime international de tutelle

Article 75

L'Organisation des Nations Unies établira, sous son autorité, un régime international de tutelle pour l'administration et la surveillance des territoires qui pourront être placés sous ce régime en vertu d'accords particuliers ultérieurs. Ces territoires sont désignés ci-après par l'expression "territoires sous tutelle".

Article 76

Conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à l'Article 1 de la présente Charte, les fins essentielles du régime de tutelle sont les suivantes :

a. affermir la paix et la sécurité internationales;

b. favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction; favoriser également leur évolution progressive vers la capacité à s'administrer eux-mêmes ou l'indépendance, compte tenu des conditions particulières à chaque territoire et à ses populations, des aspirations librement exprimées des populations intéressées et des dispositions qui pourront être prévues dans chaque accord de tutelle;

c. encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, et développer le sentiment de l'interdépendance des peuples du monde;

d. assurer l'égalité de traitement dans le domaine social, économique et commercial à tous les Membres de l'Organisation et à leurs ressortissants; assurer de même à ces derniers l'égalité de traitement dans l'administration de la justice, sans porter préjudice à la réalisation des fins énoncées ci-dessus, et sous réserve des dispositions de l'Article 80.

Article 77

1. Le régime de tutelle s'appliquera aux territoires entrant dans les catégories ci-dessous et qui viendraient à être placés sous ce régime en vertu d'accords de tutelle :

a. territoires actuellement sous mandat;

b. territoires qui peuvent être détachés d'Etats ennemis par suite de la seconde guerre mondiale;

c. territoires volontairement placés sous ce régime par les Etats responsables de leur administration.

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Page 157: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

2. Un accord ultérieur déterminera quels territoires, entrant dans les catégories susmentionnées, seront placés sous le régime de tutelle, et dans quelles conditions.

Article 78

Le régime de tutelle ne s'appliquera pas aux pays devenus Membres des Nations Unies, les relations entre celles-ci devant être fondées sur le respect du principe de l'égalité souveraine.

Article 79

Les termes du régime de tutelle, pour chacun des territoires à placer sous ce régime, de même que les modifications et amendements qui peuvent y être apportés, feront l'objet d'un accord entre les Etats directement intéressés, y compris la Puissance mandataire dans le cas de territoires sous mandat d'un Membre des Nations Unies, et seront approuvés conformément aux Articles 83 et 85.

Article 80

1. A l'exception de ce qui peut être convenu dans les accords particuliers de tutelle conclus conformément aux Articles 77, 79 et 81 et plaçant chaque territoire sous le régime de tutelle, et jusqu'à ce que ces accords aient été conclus, aucune disposition du présent Chapitre ne sera interprétée comme modifiant directement ou indirectement en aucune manière les droits quelconques d'aucun Etat ou d'aucun peuple ou les dispositions d'actes internationaux en vigueur auxquels des Membres de l'Organisation peuvent être parties.

2. Le paragraphe 1 du présent Article ne doit pas être interprété comme motivant un retard ou un ajournement de la négociation et de la conclusion d'accords destinés à placer sous le régime de tutelle des territoires sous mandat ou d'autres territoires ainsi qu'il est prévu à l'Article 77.

Article 81

L'accord de tutelle comprend, dans chaque cas, les conditions dans lesquelles le territoire sous tutelle sera administré et désigne l'autorité qui en assurera l'administration. Cette autorité, désignée ci-après par l'expression "autorité chargée de l'administration", peut être constituée par un ou plusieurs Etats ou par l'Organisation elle-même.

Article 82

Un accord de tutelle peut désigner une ou plusieurs zones stratégiques pouvant comprendre tout ou partie du territoire sous tutelle auquel l'accord s'applique, sans préjudice de tout accord spécial ou de tous accords spéciaux conclus en application de l'Article 43.

Article 83

1. En ce qui concerne les zones stratégiques, toutes les fonctions dévolues à l'Organisation, y compris l'approbation des termes des accords de tutelle ainsi que de la modification ou de l'amendement éventuels de ceux-ci, sont exercées par le Conseil de sécurité.

2. Les fins essentielles énoncées à l'Article 76 valent pour la population de chacune des zones stratégiques.

157

Page 158: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

3. Le Conseil de sécurité, eu égard aux dispositions des accords de tutelle et sous réserve des exigences de la sécurité, aura recours à l'assistance du Conseil de tutelle dans l'exercice des fonctions assumées par l'Organisation, au titre du régime de tutelle, en matière politique, économique et sociale, et en matière d'instruction, dans les zones stratégiques.

Article 84

L'autorité chargée de l'administration a le devoir de veiller à ce que le territoire sous tutelle apporte sa contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales. A cette fin, elle peut utiliser des contingents de volontaires, les facilités et l'aide du territoire sous tutelle pour remplir les obligations qu'elle a contractées à cet égard envers le Conseil de sécurité, ainsi que pour assurer la défense locale et le maintien de l'ordre à l'intérieur du territoire sous tutelle.

Article 85

1. En ce qui concerne les accords de tutelle relatifs à toutes les zones qui ne sont pas désignées comme zones stratégiques, les fonctions de l'Organisation, y compris l'approbation des termes des accords de tutelle et de leur modification ou amendement, sont exercées par l'Assemblée générale.

2. Le Conseil de tutelle, agissant sous l'autorité de l'Assemblée générale, assiste celle-ci dans l'accomplissement de ces tâches.

Charte des Nations Unies

Chapitre XIII

Conseil de tutelle

Composition

Article 86

1. Le Conseil de tutelle se compose des Membres suivants des Nations Unies :

a. les Membres chargés d'administrer des territoires sous tutelle;

b. ceux des Membres désignés nommément à l'Article 23 qui n'administrent pas de territoires sous tutelle;

c. autant d'autres Membres élus pour trois ans, par l'Assemblée générale, qu'il sera nécessaire pour que le nombre total des membres du Conseil de tutelle se partage également entre les Membres des Nations Unies qui administrent des territoires sous tutelle et ceux qui n'en administrent pas.

2. Chaque membre du Conseil de tutelle désigne une personne particulièrement qualifiée pour le représenter au Conseil.

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Page 159: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Fonctions et pouvoirs

Article 87

L'Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil de tutelle, dans l'exercice de leurs fonctions, peuvent :

a. examiner les rapports soumis par l'autorité chargée de l'administration;

b. recevoir des pétitions et les examiner en consultation avec ladite autorité;

c. faire procéder à des visites périodiques dans les territoires administrés par ladite autorité, à des dates convenues avec elle;

d. prendre ces dispositions et toutes autres conformément aux termes des accords de tutelle.

Article 88

Le Conseil de tutelle établit un questionnaire portant sur les progrès des habitants de chaque territoire sous tutelle dans les domaines politique, économique et social et dans celui de l'instruction; l'autorité chargée de l'administration de chaque territoire sous tutelle relevant de la compétence de l'Assemblée générale adresse à celle-ci un rapport annuel fondé sur le questionnaire précité.

Vote

Article 89

1. Chaque membre du Conseil de tutelle dispose d'une voix.

2. Les décisions du Conseil de tutelle sont prises à la majorité des membres présents et votants.

Procédure

Article 90

1. Le Conseil de tutelle adopte son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de son Président.

2. Il se réunit selon les besoins, conformément à son règlement; celui-ci comprend des dispositions prévoyant la convocation du Conseil à la demande de la majorité de ses membres.

Article 91

Le Conseil de tutelle recourt, quand il y a lieu, à l'assistance du Conseil économique et social et à celle des institutions spécialisées, pour les questions qui relèvent de leurs compétences respectives.

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Page 160: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Charte des Nations Unies

Chapitre XIV

Cour internationale de Justice

Article 92

La Cour internationale de Justice constitue l'organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et annexé à la présente Charte dont il fait partie intégrante.

Article 93

1. Tous les Membres des Nations Unies sont ipso facto parties au Statut de la Cour internationale de Justice.

2. Les conditions dans lesquelles les Etats qui ne sont pas Membres de l'Organisation peuvent devenir parties au Statut de la Cour internationale de Justice sont déterminées, dans chaque cas, par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.

Article 94

1. Chaque Membre des Nations Unies s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie.

2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d'un arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l'arrêt.

Article 95

Aucune disposition de la présente Charte n'empêche les Membres de l'Organisation de confier la solution de leurs différends à d'autres tribunaux en vertu d'accords déjà existants ou qui pourront être conclus à l'avenir.

Article 96

1. L'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique.

2. Tous autres organes de l'Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à un moment quelconque, recevoir de l'Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le

160

Page 161: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité.

Charte des Nations Unies

Chapitre XV

Secrétariat

Article 97

Le Secrétariat comprend un Secrétaire général et le personnel que peut exiger l'Organisation. Le Secrétaire général est nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. Il est le plus haut fonctionnaire de l'Organisation.

Article 98

Le Secrétaire général agit en cette qualité à toutes les réunions de l'Assemblée générale, du Conseil de sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont il est chargé par ces organes. Il présente à l'Assemblée générale un rapport annuel sur l'activité de l'Organisation.

Article 99

Le Secrétaire général peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Article 100

1. Dans l'accomplissement de leurs devoirs, le Secrétaire général et le personnel ne solliciteront ni n'accepteront d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autorité extérieure à l'Organisation. Ils s'abstiendront de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux et ne sont responsables qu'envers l'Organisation.

2. Chaque Membre de l'Organisation s'engage à respecter le caractère exclusivement international des fonctions du Secrétaire général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l'exécution de leur tâche.

Article 101

1. Le personnel est nommé par le Secrétaire général conformément aux règles fixées par l'Assemblée générale.

2. Un personnel spécial est affecté d'une manière permanente au Conseil économique et social, au Conseil de tutelle et, s'il y a lieu, à d'autres organes de l'Organisation. Ce personnel fait partie du Secrétariat.

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Page 162: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

3. La considération dominante dans le recrutement et la fixation des conditions d'emploi du personnel doit être la nécessité d'assurer à l'Organisation les services de personnes possédant les plus hautes qualités de travail, de compétence et d'intégrité. Sera dûment prise en considération l'importance d'un recrutement effectué sur une base géographique aussi large que possible.

Charte des Nations Unies

Chapitre XVI

Dispositions diverses

Article 102

1. Tout traité ou accord international conclu par un Membre des Nations Unies après l'entrée en vigueur de la présente Charte sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par lui.

2. Aucune partie à un traité ou accord international qui n'aura pas été enregistré conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent Article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe de l'Organisation.

Article 103

En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront.

Article 104

L'Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts.

Article 105

1. L'Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, des privilèges et immunités qui lui sont nécessaires pour atteindre ses buts.

2. Les représentants des Membres des Nations Unies et les fonctionnaires de l'Organisation jouissent également des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs fonctions en rapport avec l'Organisation.

3. L'Assemblée générale peut faire des recommandations en vue de fixer les détails d'application des paragraphes 1 et 2 du présent Article ou proposer aux Membres des Nations Unies des conventions à cet effet.

162

Page 163: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Charte des Nations Unies

Chapitre XVII

Dispositions transitoires de sécurité

Article 106

En attendant l'entrée en vigueur des accords spéciaux mentionnés à l'Article 43, qui, de l'avis du Conseil de sécurité, lui permettront de commencer à assumer les responsabilités lui incombant en application de l'Article 42, les parties à la Déclaration des Quatre Nations signée à Moscou le 30 octobre 1943 et la France se concerteront entre elles et, s'il y a lieu, avec d'autres Membres de l'Organisation, conformément aux dispositions du paragraphe 5 de cette Déclaration, en vue d'entreprendre en commun, au nom des Nations Unies, toute action qui pourrait être nécessaire pour maintenir la paix et la sécurité internationales.

Article 107

Aucune disposition de la présente Charte n'affecte ou n'interdit, vis-à-vis d'un Etat qui, au cours de la seconde guerre mondiale, a été l'ennemi de l'un quelconque des signataires de la présente Charte, une action entreprise ou autorisée, comme suite de cette guerre, par les gouvernements qui ont la responsabilité de cette action.

Charte des Nations Unies

Chapitre XVIII Amendements

Article 108

Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies quand ils auront été adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l'Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité.

Article 109

1. Une conférence générale des Membres des Nations Unies, aux fins d'une révision de la présente Charte, pourra être réunie aux lieu et date qui seront fixés par un vote de l'Assemblée générale à la majorité des deux tiers et par un vote de neuf quelconques des membres du Conseil de sécurité. Chaque Membre de l'Organisation disposera d'une voix à la conférence.

2. Toute modification à la présente Charte recommandée par la conférence à la majorité des deux tiers prendra effet lorsqu'elle aura été ratifiée, conformément à leurs règles

163

Page 164: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres des Nations Unies, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité.

3. Si cette conférence n'a pas été réunie avant la dixième session annuelle de l'Assemblée générale qui suivra l'entrée en vigueur de la présente Charte, une proposition en vue de la convoquer sera inscrite à l'ordre du jour de cette session, et la conférence sera réunie, s'il en est ainsi décidé par un vote de la majorité de l'Assemblée générale et par un vote de sept quelconques des membres du Conseil de sécurité.

Charte des Nations Unies

Chapitre XIX

Ratification et signature

Article 110

1. La présente Charte sera ratifiée par les Etats signataires conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

2. Les ratifications seront déposées auprès du Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, qui notifiera chaque dépôt à tous les Etats signataires ainsi qu'au Secrétaire général de l'Organisation, lorsque celui-ci aura été nommé.

3. La présente Charte entrera en vigueur après le dépôt des ratifications par la République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, les Etats-Unis d'Amérique et par la majorité des autres Etats signataires. Un procès-verbal de dépôt des ratifications sera ensuite dressé par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique qui en communiquera copie à tous les Etats signataires.

4. Les Etats signataires de la présente Charte qui la ratifieront après son entrée en vigueur deviendront Membres originaires des Nations Unies à la date du dépôt de leurs ratifications respectives.

Article 111

La présente Charte, dont les textes chinois, français, russe, anglais et espagnol feront également foi, sera déposée dans les archives du Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique. Des copies dûment certifiées conformes en seront remises par lui aux Gouvernements des autres Etats signataires.

En foi de quoi les représentants des Gouvernements des Nations Unies ont signé la présente Charte.

Fait à San Francisco le vingt-six juin mil neuf cent quarante-cinq.

164

Page 165: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

 

Annexe 4

PARTICIPANTS

États qui ont fait des déclarations en application du paragraphe 2

de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice ou dont

les déclarations faites en application du paragraphe 2 de l'article 2

du Statut de la Cour permanente de Justice internationale sont

réputées constituer acceptation de la juridiction obligatoire de la

Cour internationale de Justice 

Australie

Autriche

Barbade

Belgique

Botswana

Bulgarie

Cambodge

Cameroun

Canada

Chypre

Colombie 

Costa Rica

Danemark

Égypte

El Salvador

165

Page 166: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Espagne

Estonie

Finlande

Gambie

Géorgie

Grèce

Guinée-Bissau

Haïti 

Honduras

Hongrie

Inde

Japon

Kenya

Libéria

Liechtenstein

Luxembourg 

Madagaskar

Malawi

Malte

Maurice

Mexique

Nauru

Nicaragua 

Nigeria

Norvège

Nouvelle-Zélande

Ouganda

Pakistan

Panama

Paraguay 

Pays-Bas

Philippines

Pologne

Portugal

République démocratique du Congo 

République dominicaine 

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

Sénégal

166

Page 167: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

Somalie

Soudan

Suède

Suisse

Suriname

Swaziland

Togo

Uruguay 

Yougoslavie

167

Page 168: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

ANNEXE 5

Résolution 9 (1946) du Conseil de sécurité, adoptée le 15 octobre 1946, portant

conditions d’accès à la CIJ d’Etats non parties au Statut de la Cour.

L e Conseil de Sécurité des Nations Unies, en vertu des pouvoirs que lui confère le second

alinéa de l’article 35 du Statut de la CIJ et sous réserve des dispositions dudit article, décide

que :

1) La CIJ est ouverte à tout Etat qui n’est pas partie au Statut de la CIJ, aux conditions

suivantes : cet Etat devra avoir déposé préalablement au greffe de la Cour une

déclaration par laquelle il accepte la juridiction de la cour conformément à la Charte

des Nations Unies, et aux termes et conditions du Statut et règlement de la Cour,

déclaration par laquelle il s’engage à exécuter de bonne foi la ou les sentences de la

Cour et à accepter toutes les obligations mis à la charge d’un membre des Nations

Unies, par l’article 94 de la Charte.

2) Cette déclaration peut avoir soit un caractère particulier, soit un caractère général.

La déclaration d’un caractère particulier est celle par laquelle un Etat accepte la

juridiction de la Cour pour un ou plusieurs différends déjà nés.

La déclaration d’un caractère général est celle par laquelle un Etat accepte la

juridiction de la Cour pour tous différends, ou pour une ou plusieurs catégories de tels

différends nés ou à naître.

En signant une déclaration d’un caractère général, tout Etat a la faculté d’accepter

comme obligatoire, de plein droit et sans Convention spéciale la juridiction de la Cour,

conformément à l’article 36 du Statut, sans que cette acceptation puisse, hors le cas de

Convention express être opposée aux Etats parties au Statut qui auront souscrit la

déclaration prévue au § 2 de l’article 36 du Statut de la CIJ.

3) L’originale des déclarations faites aux termes de la présente résolution est conservé

par le greffier de la Cour, conformément à la procédure adoptée par la Cour ; celle-ci

en transmet des exemplaires certifiés conformes à tous les Etats parties au Statut, ainsi

qu’à tous autres Etats qui auront déposé une déclaration en application de la présente

168

Page 169: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

résolution, et au Secrétaire général des Nations Unies, selon la procédure adoptée par

la cour.

4) Le Conseil de sécurité se réserve le droit d’annuler ou d’amender à tout moment la

présente résolution par une autre, dont la Cour recevra communication. Dès la

réception de cette communication par le Greffier de la Cour, et dans la mesure

déterminée par la nouvelle résolution, les déclarations existantes cessent d’être en

vigueur, sauf en ce qui concerne les différends dont la Cour se trouvera déjà saisie.

5) La Cour connaît de toute question relative à la validité ou à l’effet d’une déclaration

faite aux termes de la présente résolution.

169

Page 170: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS…………………………………………………………….……………...2

PLAN………………………………………………………………………………….………..3

INTRODUCTION……………………………………………………………………….……..5

PREMIERE PARTIE

DES ACTIVITES ENTRAINANT UNE INTERVENTION

INTERNATIONALE   : L’INTERVENTION DE LA

CIJ………………………….…………………………………………………………………9

CHAPITRE 1   : LA PROCEDURE D’INTERVENTION DEVANT LA CIJ, DANS LE

REGLEMENT DES DIFFERENDS CAUSES PAR LES ACTIVITES MARITIMES……....9

SECTION 1 : LES ETATS PARTIES AU CONFLIT………………………….…….10

§ 1 : L’intervention facultative de la Cour, dans le domaine des conflits maritimes…..10

§ 2 : L’intervention obligatoire de la Cour, dans le domaine des conflits maritimes…..13

SECTION 2 : L’INTERVENTION DE L’ETAT TIERS : ARTICLE 62 ET 63 DU

STATUT DE LA COUR……………………………………………………………...16

§ 1 : L’intérêt juridique et l’objet de l’intervention de l’Etat tiers……………….……16

170

Page 171: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

§ 2 : Les effets de la décision au fond de l’affaire à l’égard de l’Etat intervenant….…20

CHAPITRE 2   : LES MOYENS DE REGLEMENT PAR LA CIJ DES DIFFERENDS

ETATIQUES CAUSES PAR LES ACTIVITES MARITIMES……………………...….…...24

SECTION 1 : LE RECOURS A LA COUTUME, PAR LA CIJ……………………..24

§ 1 : La conception subjective et objective de la coutume……………………………25

1. La conception subjective………………………………………………………….25

2. La conception objective…………………………………………………………..27

§ 2 : Les éléments constitutifs de la coutume……………………………...…………27

1. L’élément matériel………………………………………………………..……...28

2. L’élément psychologique…………………………….……………….…....….…29

§ 3 : Le rôle de la coutume…………………………………………………….…….31

SECTION 2 : LE RECOURS A L’EQUITE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA

CIJ……………………………………………………………………………….….34

§ 1 : L’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (1969) et l’affaire des

pêcheries islandaises (1974)………………………………………………………..34

1. L’affaire du Plateau continental de la mer du Nord

(Danemark/RFA ; RFA/Pays-Bas) 20 février 1969.……………………….…..34

2. L’affaire de la compétence en matière de pêcheries

(Royaume-Uni/ Islande ; RFA/ Islande) 25 juillet 1974……………….……....36

§ 2 : Affaires de la délimitation du plateau continental………………….………...37

1. L’affaire du Plateau continental (Tunisie/ Jamahiriya arabe libyenne)

24 février 1982………………...……………………………………………...37

2. L’affaire de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine

(Canada/ Etats-Unis d’Amérique) 12 octobre 1984……………………….…38

171

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3. L’affaire de la délimitation maritime (Qatar/Bahreïn) 16 mars 2001….….…..40

DEUXIEME PARTIE  

LA PORTEE DE L’INTERVENTION DE LA CIJ DANS LE DOMAINE

MARITIME……………………………………………………………………………….42

CHAPITRE 1   : LA CONTRIBUTION DE LA COUR DANS LE DEVELOPPEMENT DU

DROIT INTERNATIONAL DE LA MER…………………………………………..……….42

SECTION 1 : L’APPORT DE LA CIJ DANS LE DEVELOPPEMENT DES

PRINCIPES ET REGLES DU DROIT INTERNATIONAL APPLICABLES AUX

ESPACES MARITIMES……………………………………………………………..42

§ 1 : La définition et la délimitation du Plateau continental………………….……….43

§ 2 : Délimitation du Plateau continental et des zones de pêches ou zone économique

exclusive………………………………………………………………………………48

SECTION 2 : L’APPORT DE LA CIJ DANS LA DELIMITATION DE LA MER

TERRITORIALE ET LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE DES ETATS

SUR CES EAUX……………………………………………………………………..55

§ 1 : Les critères de délimitation de la mer territoriale……………………………….55

§ 2 : La détermination de la compétence des Etats en matière de pêcheries sur ces

eaux, par la CIJ……………………………………………………………………….61

172

Page 173: La Cour Internationale de Justice, les activités maritimes

CHAPITRE 2   : L’EFFET DES ARRÊTS DE LA CIJ, ETUDIE DANS LE DOMAINE

MARITIME…………………………………………………………..……………………….65

SECTION 1 : EFFET DES ARRÊTS A L’EGARD DES PARTIES AU CONFLIT..65

§ 1 : L’autorité de la chose jugée et l’effet relatif des décisions de la Cour………….66

§ 2 : L’interprétation et la révision de l’arrêt…………………………………………69

SECTION 2 : DES DECISIONS POUVANT ÊTRE SANS EFFETS……………….71

§ 1 : Des décisions non suivies……………………………………………………….72

§ 2 : Vers un rapprochement de l’arbitrage…………………………………………..75

CONCLUSION……………………………………………………….………………78

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………82

JURISPRUDENCE…………………………………………………………………...83

CHRONIQUES……………………………………………………………………….84

SITE INTERNET……………………………………………………………………..84

LISTE DES ABREVIATIONS……………………………………………………….84

ANNEXES…………………………………………………………..………………..85

173

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