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Monde SCRUTIN Le chef d’État brésilien continue de battre campagne pour assurer sa réélection, malgré sa confortable avance Pour être réélu président, Lula vise les classes moyennes SAO PAULO De notre envoyé spécial S elon toute vraisemblance, le président brésilien Luiz Ina- cio « Lula » da Silva devrait dimanche être reconduit dans ses fonctions pour un nou- veau mandat de quatre ans. Lula possède, selon les sondages, plus de 20 points d’avance sur son rival libéral Geraldo Alckmin, les deux candidats étant respectivement crédités de 57 % et 36 % des in- tentions de vote. Malgré cette confortable avance, le président brésilien continue de se battre pour assurer sa réélection. Son pari d’être élu au premier tour ayant échoué, Lula a appris à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Car tout le désignait comme vainqueur le 1er octobre der- nier, avant que n’explose le scandale de « l’affaire » mettant directement en cause plusieurs de ses proches collaborateurs. Ricardo Berzoini, le président du Parti des travailleurs (actuellement au pouvoir) et coor- donnateur de la campagne électo- rale de Lula, a d’ailleurs été démis- sionné en raison de sa supposée implication dans le scandale. « Rien n’est joué et Lula peut encore faire les frais d’un énième scandale, note José Alvaro Moisés, professeur de sciences politiques à l’université de Sao Paulo. Si le président peut se prévaloir de bons résultats sur le ter- rain social, il reste les affaires de cor- ruption vues par l’électorat comme une négation des principes républi- cains » . Dès le lendemain du premier tour, Lula a donc troqué son « paix et amour » dont il avait fait sa marque de fabrique pour un phrasé beau- coup plus guerrier. Avec un électo- rat en ligne de mire : celui de la classe moyenne. Car Lula a quasiment fait le plein au premier tour des voix des classes populaires, essentiellement dans les États du Nord. Dans les États du Sud ainsi qu’à Sao Paulo, là où se concentre la plus forte proportion de la classe moyenne, Lula a en revanche réa- lisé ses plus mauvais scores au pre- mier tour. L’État de Sao Paulo, avec 22 millions d’électeurs, a voté par exemple à 54 % pour Alckmin, con- tre un peu plus de 36 % pour Lula. « Le gouvernement Lula a oublié la classe moyenne au profit des plus riches d’un côté et des plus pauvres de l’autre, poursuit José Alvaro Moisés. La croissance économique à l’arrêt ainsi que des taux d’intérêt à la consommation élevés ont pesé sur le pouvoir d’achat d’une frange de la population qui décidera in fine de la réélection ou non de Lula. » Si son discours continue de se po- sitionner sur la défense des plus dé- munis et la réduction des inégalités sociales, Lula s’efforce désormais de séduire ceux qui ont voté pour ses opposants, pour Geraldo Alckmin, mais aussi pour les candidats He- loisa Helena du P-Sol (Parti socia- lisme et liberté, extrême gauche) et Christovam Buarque du PDT (Parti démocrate travailliste, centre gau- che) qui ont recueilli à eux deux 10 % des suffrages au premier tour. Face à lui, son challenger Geraldo Alck- min, revigoré par son score du pre- mier tour (35 % des voix), ne baisse pas les bras. Lors des deux derniers débats télévisés entre les deux can- didats, il aura surpris par son sens de la répartie, faisant mentir son so- briquet peu flatteur de « chuchu », du nom d’un légume local à la fois mou et fade. Attaquant Lula sur son bi- lan économique et notamment sur la faiblesse de la croissance brésilienne (2,3 % en 2005), Alckmin compte sur un nouveau scandale de dernière minute pour l’emporter. STEVE CARPENTIER « Lula a oublié la classe moyenne au profit des plus riches d’un côté et des plus pauvres de l’autre. » SÉCURITÉ On n’a pas constaté en Europe de connexion entre le terrorisme et les frustrations liées aux discriminations « Le terrorisme reste l’affaire d’un tout petit nombre » ENTRETIEN François Heisbourg Conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique (1) . L es ministres de l’intérieur des six pays les plus peuplés de l’Union européenne (2) se sont réunis hier en Grande- Bretagne pour évoquer les ques- tions de terrorisme et d’intégra- tion. Y a-t-il un lien entre ces deux questions ? François Heisbourg : Pas vraiment. Les enquêtes sur les auteurs des attentats de Madrid et de Londres ont révélé que les acteurs étaient souvent des per- sonnes certes d’origine étrangère et musulmane, mais qui n’avaient pas appelé l’attention des autori- tés locales et qui étaient souvent bien intégrées. Du coup, la lutte antiterro- riste ne paraît pas très différente de celle que les États européens ont dû mener dans les années 1970 et 1980 contre la Fraction armée rouge en Al- lemagne, les Brigades rouges en Italie, Action directe en France. Les enquê- teurs doivent s’intéresser à un profil d’acteurs ayant un potentiel réel de passage à l’acte terroriste et ne pas surestimer la dimension de piété reli- gieuse. Ce terrorisme est l’affaire d’un petit nombre, d’individus ayant des trajectoires très personnelles. On n’a pas assisté en Europe à ce qu’on pourrait pressentir comme un choc culturel entre l’Occident et le monde musulman. – La Grande-Bre- tagne est pourtant agitée ces derniè- res semaines par un grand débat sur l’intégration. Et en France, il y a un an, les banlieues s’em- brasaient (Lire aussi p. 16) . N’y a-t- il pas, au départ, un même sentiment de décalage culturel ? – Prenons garde à ne pas tout con- fondre ! Une chose ne s’est pas pro- duite, ni en France, ni en Grande-Bre- tagne, ni aux Pays-Bas : c’est la fusion entre le terrorisme et la frustration liée à l’intégration. La convergence ne s’est pas faite entre les auteurs d’actes terroristes et les mouvements de rage, de révolte, de lutte contre les discri- minations. Il y a bel et bien une dé- connection entre les deux catégories de problème. Peut-être est-ce encore plus vrai en France où de récents sondages montrent que les reven- dications des populations d’origine nord-africaines portent sur l’égalité, la non-discrimination. C’est différent du repli sur soi, de la dénonciation de la société dans laquelle on se trouve. Ces sentiments sont peut-être da- vantage perceptibles dans la popu- lation d’origine indo-pakistanaise en Grande-Bretagne, un pays où la ségrégation spatiale selon le critère ethnique est assumée de façon beau- coup plus délibérée qu’en France. – La situation au Moyen-Orient peut-elle attiser les tensions ? – Certainement. C’est pourquoi je pense que la France doit se tenir le plus loin possible de la guerre en Irak et limiter au maximum sa par- ticipation aux opérations de l’Otan en Afghanistan. Vis-à-vis du conflit israélo-palestinien et de l’Iran, il se- rait sage de continuer à agir avec nos partenaires, le Quartette au Proche- Orient, les Européens et les membres permanents du Conseil de sécurité envers Téhéran. RECUEILLI PAR JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN (1) Vient de publier avec Jean-Luc Mar- ret Le terrorisme en France aujourd’hui, Éd. des Équateurs, 126 p., 13 €. (2) Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Pologne. « On n’a pas assisté à ce qu’on pourrait pressentir comme un choc culturel entre l’Occident et le monde musulman. » L’Internet dans la ligne de mire C À l’issue d’une rencontre entamée mercredi, les ministres de l’intérieur de Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Espagne et Pologne se sont notamment mis d’accord hier pour lutter ensemble contre les sites Internet faisant l’apologie du terrorisme et partager les informations issues de leurs recherches sur les explosifs, en particulier liquides. Le Japon s’émeut de programmes scolaires truqués C Un scandale autour de programmes scolaires truqués secoue le Japon, où près d’une centaine de lycées d’élite sont accusés d’avoir fait passer à la trappe des matières obligatoires, menaçant la validité des diplômes de plus de 10 000 élèves. Selon le quotidien Yomiuri, près de 90 lycées répartis sur l’ensemble du pays ont dispensé leurs élèves d’une à trois unités de valeur obligatoires mais jugées inutiles pour réussir les difficiles examens d’entrée aux universités. Dans le même temps, les lycées ont présenté des programmes falsifiés aux académies, leur faisant croire que ces matières avaient été dûment couvertes. EN BREF T RÉPUBLIQUE TCHÈQUE. Programme anticorruption. Le gouvernement tchèque a adopté hier un vaste programme anticorruption, incluant la mise en place d’une ligne téléphonique qui permettra aux citoyens de dénoncer des cas de corruption, a annoncé le premier ministre, Mirek Topolanek. Des membres de la branche tchèque de l’ONG Transparency International fourniront par le biais de cette ligne téléphoni- que des conseils juridiques. Selon un sondage de l’agence GfK, 66 % des Tchèques pensent vivre dans un État corrompu. Une terrible catastrophe humanitaire se prépare en Corée du Nord pour cet l’hiver C Éclipsée par la crise nucléaire, une catastrophe humanitaire se prépare en Corée du Nord, avertit l’organisation indépendante International Crisis Group (ICG), appelant le monde à ouvrir ses portes aux réfugiés du régime stalinien. Dans un vibrant appel à la communauté internationale, l’organisa- tion basée à Bruxelles estime que « l’humanité exi- ge » que le monde se mobilise, tandis que le nom- bre des réfugiés nord-coréens va certainement s’accroître sous la menace d’une nouvelle famine. La pénurie alimentaire avait tué des centaines de milliers de personnes en Corée du Nord dans les années 1990, selon des organisations humanitai- res (entre deux et trois millions) qui craignent une répétition de la catastrophe en raison des graves inondations survenues dans le pays en juillet. L’an dernier, Pyongyang a réinstauré le même système de distribution alimentaire qui avait échoué à em- pêcher la famine dans les années 1990. T DANEMARK. Un acquittement dans l’affaire des caricatures. Un tribunal danois a acquitté hier les responsables du quotidien da- nois Jyllands-Posten qui, en septembre 2005, ont publié 12 caricatures controversées du prophète Mohammed, à l’origine d’une flambée de protes- tations dans le monde musulman, a-t-on appris de source judiciaire. Le juge du tribunal d’Aarhus (centre) a estimé que ces dessins n’étaient pas offensants ou n’avaient pas pour but d’être dégradants à l’égard des musulmans, selon les attendus de la cour. T RUSSIE. Mobilisation des médias en mémoire d’Anna Politkovskaïa. Près de 300 médias russes ont publié hier une édition spé- ciale consacrée à l’assassinat de leur collègue Anna Politkovskaïa, critique acerbe du Kremlin et réputée pour ses enquêtes sur les exactions en Tchétchénie. Tirée à 100 000 exemplaires et dis- tribuée gratuitement dans toute la Russie, cette édition spéciale financée par l’Union des journa- listes évoque sur 16 pages les enquêtes les plus retentissantes d’Anna Politkovskaïa. T ITALIE. Coalition en danger. Le chef du gouvernement italien, Romano Prodi, élu de justesse il y a six mois, va tenter de rallier une majorité récalcitrante lors d’un sommet sans pré- cédent, samedi, des chefs de sa coalition, afin d’obtenir leur adhésion au budget 2007, objet de toutes les critiques. À la veille de cette réunion, Romano Prodi a paru très déterminé à faire taire les dissensions au sein de sa majorité hétéroclite, au point d’agiter la menace d’une démission. L’Unesco plaide pour l’éducation des « moins de 3 ans » dans le monde C L’éducation des tout petits reste « le parent pau- vre » du processus éducatif dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique sub- saharienne et dans les pays arabes, déplore l’Unesco dans son rapport annuel sur l’éducation publié hier. Les programmes qui combinent édu- cation, nutrition, vaccination, santé, hygiène et protection, « posent des fondations solides et rapportent gros », estime le responsable du rap- port, Nicholas Burnett. Or, la moitié des pays de la planète n’ont pas de structures destinées aux enfants âgés de moins de 3 ans. Des progrès ont été néanmoins réalisés, puisque à l’échelle mon- diale 37 % des enfants fréquentaient une école maternelle en 2004 contre 17 % en 1975. Seuls 12 % des enfants vont à la maternelle en Afrique subsaharienne, 16 % dans les États arabes, 32 % en Asie du Sud et de l’Ouest, et 35 % en Asie de l’Est et dans le Pacifique, relève l’Unesco, en sou- lignant que l’Amérique latine et les Caraïbes sont dans ce domaine « en tête du monde en dévelop- pement » avec un taux de 62 %. la Croix Vendredi 27 octobre 2006 7 Les lingots de Pinochet en Chine C La justice chilienne a ouvert hier une enquête après la découverte de plus de 9 tonnes d’or en lingots au nom de l’ex- dictateur Augusto Pinochet dans le coffre d’une banque de Hong Kong, a-t-on appris de sources officielles à Santiago. La cour d’appel de Santiago a demandé au juge Juan Gonzalez d’enquêter sur cette affaire, révélée mercredi par la presse chilienne et confirmée par le chef de la diplomatie Alejandro Foxley. Selon la presse, Augusto Pinochet a déposé 9,620 kilos d’or en lingots auprès de la banque HSBC (Hong Kong and Shanghai Banking Corporation) à Hong Kong, estimés à plus de 190 millions de dollars au cours actuel. Hier, depuis Hong Kong, le groupe bancaire HSBC a annoncé avoir diligenté sa propre enquête sur le millier de lingots d’or déposé par Pinochet dans l’un des coffres de la banque à Hong Kong.

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SCRUTIN Le chef d’État brésilien continue de battre campagne pour assurer sa réélection, malgré sa confortable avance SÉCURITÉ On n’a pas constaté en Europe de connexion entre le terrorisme et les frustrations liées aux discriminations L’Unesco plaide pour l’éducation des « moins de 3 ans » dans le monde Une terrible catastrophe humanitaire se prépare en Corée du Nord pour cet l’hiver T RÉPUBLIQUE TCHÈQUE. Programme anticorruption. Le gouvernement tchèque a

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Page 1: la Croix

Monde

SCRUTIN Le chef d’État brésilien continue de battre campagne pour assurer sa réélection, malgré sa confortable avance

Pour être réélu président, Lula vise les classes moyennes SAO PAULODe notre envoyé spécial

Selon toute vraisemblance, le président brésilien Luiz Ina-cio « Lula » da Silva devrait dimanche être reconduit

dans ses fonctions pour un nou-veau mandat de quatre ans. Lula possède, selon les sondages, plus de 20 points d’avance sur son rival libéral Geraldo Alckmin, les deux candidats étant respectivement crédités de 57 % et 36 % des in-tentions de vote. Malgré cette confortable avance, le président brésilien continue de se battre pour assurer sa réélection. Son pari d’être élu au premier tour ayant échoué, Lula a appris à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Car tout le désignait comme vainqueur le 1er octobre der-nier, avant que n’explose le scandale de « l’affaire » mettant directement en cause plusieurs de ses proches collaborateurs. Ricardo Berzoini, le président du Parti des travailleurs (actuellement au pouvoir) et coor-donnateur de la campagne électo-rale de Lula, a d’ailleurs été démis-sionné en raison de sa supposée implication dans le scandale.

« Rien n’est joué et Lula peut encore faire les frais d’un énième scandale,

note José Alvaro Moisés, professeur de sciences politiques à l’université de Sao Paulo. Si le président peut se prévaloir de bons résultats sur le ter-rain social, il reste les affaires de cor-ruption vues par l’électorat comme une négation des principes républi-cains ». Dès le lendemain du premier tour, Lula a donc troqué son « paix et amour » dont il avait fait sa marque de fabrique pour un phrasé beau-coup plus guerrier. Avec un électo-

rat en ligne de mire : celui de la classe moyenne. Car Lula a quasiment fait le plein au premier tour des voix des classes populaires, essent iel lement dans les États du Nord.

Dans les États du Sud ainsi qu’à Sao Paulo, là où se concentre la plus forte proportion de la classe moyenne, Lula a en revanche réa-lisé ses plus mauvais scores au pre-mier tour. L’État de Sao Paulo, avec 22 millions d’électeurs, a voté par exemple à 54 % pour Alckmin, con-tre un peu plus de 36 % pour Lula. « Le gouvernement Lula a oublié la classe moyenne au profit des plus riches d’un côté et des plus pauvres de l’autre, poursuit José Alvaro

Moisés. La croissance économique à l’arrêt ainsi que des taux d’intérêt à la consommation élevés ont pesé sur le pouvoir d’achat d’une frange de la population qui décidera in fine de la réélection ou non de Lula. »

Si son discours continue de se po-sitionner sur la défense des plus dé-munis et la réduction des inégalités sociales, Lula s’efforce désormais de séduire ceux qui ont voté pour ses opposants, pour Geraldo Alckmin, mais aussi pour les candidats He-loisa Helena du P-Sol (Parti socia-lisme et liberté, extrême gauche) et Christovam Buarque du PDT (Parti démocrate travailliste, centre gau-che) qui ont recueilli à eux deux 10 % des suffrages au premier tour. Face à lui, son challenger Geraldo Alck-min, revigoré par son score du pre-mier tour (35 % des voix), ne baisse pas les bras. Lors des deux derniers débats télévisés entre les deux can-didats, il aura surpris par son sens de la répartie, faisant mentir son so-briquet peu flatteur de « chuchu », du nom d’un légume local à la fois mou et fade. Attaquant Lula sur son bi-lan économique et notamment sur la faiblesse de la croissance brésilienne (2,3 % en 2005), Alckmin compte sur un nouveau scandale de dernière minute pour l’emporter.

STEVE CARPENTIER

« Lula a oublié la classe moyenne au profit des plus riches d’un côté et des plus pauvres de l’autre. »

SÉCURITÉ On n’a pas constaté en Europe de connexionentre le terrorisme et les frustrations liées aux discriminations

« Le terrorisme reste l’affaired’un tout petit nombre »EN T RET I ENFrançois HeisbourgConseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique (1)

.Les ministres de l’intérieur des six pays les plus peuplés de l’Union européenne (2) se sont réunis hier en Grande-

Bretagne pour évoquer les ques-tions de terrorisme et d’intégra-tion. Y a-t-il un lien entre ces deux questions ?

François Heisbourg : Pas vraiment. Les enquêtes sur les auteurs des attentats de Madrid et de Londres ont révélé que les acteurs étaient souvent des per-sonnes certes d’origine étrangère et musulmane, mais qui n’avaient pas appelé l’attention des autori-tés locales et qui étaient souvent bien intégrées. Du coup, la lutte antiterro-riste ne paraît pas très différente de celle que les États européens ont dû mener dans les années 1970 et 1980 contre la Fraction armée rouge en Al-lemagne, les Brigades rouges en Italie, Action directe en France. Les enquê-

teurs doivent s’intéresser à un profil d’acteurs ayant un potentiel réel de passage à l’acte terroriste et ne pas surestimer la dimension de piété reli-gieuse. Ce terrorisme est l’affaire d’un petit nombre, d’individus ayant des trajectoires très personnelles. On n’a pas assisté en Europe à ce qu’on pourrait pressentir comme un choc culturel entre l’Occident et le monde

musulman.– La Grande-Bre-

tagne est pourtant agitée ces derniè-res semaines par un grand débat sur l’intégration. Et en France, il y a un an, les banlieues s’em-brasaient (Lire aussi p. 16). N’y a-t-il pas, au départ, un même sentiment de

décalage culturel ?– Prenons garde à ne pas tout con-

fondre ! Une chose ne s’est pas pro-duite, ni en France, ni en Grande-Bre-tagne, ni aux Pays-Bas : c’est la fusion entre le terrorisme et la frustration liée à l’intégration. La convergence ne s’est pas faite entre les auteurs d’actes

terroristes et les mouvements de rage, de révolte, de lutte contre les discri-minations. Il y a bel et bien une dé-connection entre les deux catégories de problème. Peut-être est-ce encore plus vrai en France où de récents sondages montrent que les reven-dications des populations d’origine nord-africaines portent sur l’égalité, la non-discrimination. C’est différent du repli sur soi, de la dénonciation de la société dans laquelle on se trouve. Ces sentiments sont peut-être da-vantage perceptibles dans la popu-lation d’origine indo-pakistanaise en Grande-Bretagne, un pays où la ségrégation spatiale selon le critère ethnique est assumée de façon beau-coup plus délibérée qu’en France.

– La situation au Moyen-Orient peut-elle attiser les tensions ?

– Certainement. C’est pourquoi je pense que la France doit se tenir le plus loin possible de la guerre en Irak et limiter au maximum sa par-ticipation aux opérations de l’Otan en Afghanistan. Vis-à-vis du conflit israélo-palestinien et de l’Iran, il se-rait sage de continuer à agir avec nos partenaires, le Quartette au Proche-Orient, les Européens et les membres permanents du Conseil de sécurité envers Téhéran.

RECUEILLI PAR JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN

(1) Vient de publier avec Jean-Luc Mar-ret Le terrorisme en France aujourd’hui, Éd. des Équateurs, 126 p., 13 €.(2) Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Pologne.

« On n’a pas assisté à ce qu’on pourrait pressentir comme un choc culturel entre l’Occident et le monde musulman. »

L’Internet dans la ligne de mire

C À l’issue d’une rencontre entamée mercredi, les ministres de l’intérieur de Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Espagne et Pologne se sont notamment mis d’accord hier pour lutter ensemble contre les sites Internet faisant l’apologie du terrorisme et partager les informations issues de leurs recherches sur les explosifs, en particulier liquides.

Le Japon s’émeut de programmes scolaires truquésC Un scandale autour de programmes scolaires truqués secoue le Japon, où près d’une centaine de lycées d’élite sont accusés d’avoir fait passer à la trappe des matières obligatoires, menaçant la validité des diplômes de plus de 10 000 élèves. Selon le quotidien Yomiuri, près de 90 lycées répartis sur l’ensemble du pays ont dispensé leurs élèves d’une à trois unités de valeur obligatoires mais jugées inutiles pour réussir les difficiles examens d’entrée aux universités. Dans le même temps, les lycées ont présenté des programmes falsifiés aux académies, leur faisant croire que ces matières avaient été dûment couvertes.

EN BREF

T RÉPUBLIQUE TCHÈQUE. Programme anticorruption. Le gouvernement tchèque a adopté hier un vaste programme anticorruption, incluant la mise en place d’une ligne téléphonique qui permettra aux citoyens de dénoncer des cas de corruption, a annoncé le premier ministre, Mirek Topolanek. Des membres de la branche tchèque de l’ONG Transparency International fourniront par le biais de cette ligne téléphoni-que des conseils juridiques. Selon un sondage de l’agence GfK, 66 % des Tchèques pensent vivre dans un État corrompu.

Une terrible catastrophe humanitaire se prépareen Corée du Nord pour cet l’hiverC Éclipsée par la crise nucléaire, une catastrophe humanitaire se prépare en Corée du Nord, avertit l’organisation indépendante International Crisis Group (ICG), appelant le monde à ouvrir ses portes aux réfugiés du régime stalinien. Dans un vibrant appel à la communauté internationale, l’organisa-tion basée à Bruxelles estime que « l’humanité exi-ge » que le monde se mobilise, tandis que le nom-bre des réfugiés nord-coréens va certainement s’accroître sous la menace d’une nouvelle famine. La pénurie alimentaire avait tué des centaines de milliers de personnes en Corée du Nord dans les années 1990, selon des organisations humanitai-res (entre deux et trois millions) qui craignent une répétition de la catastrophe en raison des graves inondations survenues dans le pays en juillet. L’an dernier, Pyongyang a réinstauré le même système de distribution alimentaire qui avait échoué à em-pêcher la famine dans les années 1990.

T DANEMARK. Un acquittement dans l’affaire des caricatures. Un tribunal danois a acquitté hier les responsables du quotidien da-nois Jyllands-Posten qui, en septembre 2005, ont publié 12 caricatures controversées du prophète Mohammed, à l’origine d’une flambée de protes-tations dans le monde musulman, a-t-on appris de source judiciaire. Le juge du tribunal d’Aarhus (centre) a estimé que ces dessins n’étaient pas offensants ou n’avaient pas pour but d’être dégradants à l’égard des musulmans, selon les attendus de la cour.

T RUSSIE. Mobilisation des médias en mémoire d’Anna Politkovskaïa. Près de 300 médias russes ont publié hier une édition spé-ciale consacrée à l’assassinat de leur collègue Anna Politkovskaïa, critique acerbe du Kremlin et réputée pour ses enquêtes sur les exactions en Tchétchénie. Tirée à 100 000 exemplaires et dis-tribuée gratuitement dans toute la Russie, cette édition spéciale financée par l’Union des journa-listes évoque sur 16 pages les enquêtes les plus retentissantes d’Anna Politkovskaïa.

T ITALIE. Coalition en danger. Le chef du gouvernement italien, Romano Prodi, élu de justesse il y a six mois, va tenter de rallier une majorité récalcitrante lors d’un sommet sans pré-cédent, samedi, des chefs de sa coalition, afin d’obtenir leur adhésion au budget 2007, objet de toutes les critiques. À la veille de cette réunion, Romano Prodi a paru très déterminé à faire taire les dissensions au sein de sa majorité hétéroclite, au point d’agiter la menace d’une démission.

L’Unesco plaide pour l’éducationdes « moins de 3 ans »dans le mondeC L’éducation des tout petits reste « le parent pau-vre » du processus éducatif dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique sub-saharienne et dans les pays arabes, déplore l’Unesco dans son rapport annuel sur l’éducation publié hier. Les programmes qui combinent édu-cation, nutrition, vaccination, santé, hygiène et protection, « posent des fondations solides et rapportent gros », estime le responsable du rap-port, Nicholas Burnett. Or, la moitié des pays de la planète n’ont pas de structures destinées aux enfants âgés de moins de 3 ans. Des progrès ont été néanmoins réalisés, puisque à l’échelle mon-diale 37 % des enfants fréquentaient une école maternelle en 2004 contre 17 % en 1975. Seuls 12 % des enfants vont à la maternelle en Afrique subsaharienne, 16 % dans les États arabes, 32 % en Asie du Sud et de l’Ouest, et 35 % en Asie de l’Est et dans le Pacifique, relève l’Unesco, en sou-lignant que l’Amérique latine et les Caraïbes sont dans ce domaine « en tête du monde en dévelop-pement » avec un taux de 62 %.

la CroixVendredi 27 octobre 2006 7

Les lingotsde Pinocheten ChineC La justice chilienne a ouvert hier une enquête après la découverte de plus de 9 tonnes d’or en lingots au nom de l’ex-dictateur Augusto Pinochet dans le coffre d’une banque de Hong Kong, a-t-on appris de sources officielles à Santiago. La cour d’appel de Santiago a demandé au juge Juan Gonzalez d’enquêter sur cette affaire, révélée mercredi par la presse chilienne et confirmée par le chef de la diplomatie Alejandro Foxley. Selon la presse, Augusto Pinochet a déposé 9,620 kilos d’or en lingots auprès de la banque HSBC (Hong Kong and Shanghai Banking Corporation) à Hong Kong, estimés à plus de 190 millions de dollars au cours actuel. Hier, depuis Hong Kong, le groupe bancaire HSBC a annoncé avoir diligenté sa propre enquête sur le millier de lingots d’or déposé par Pinochet dans l’un des coffres de la banque à Hong Kong.