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ECPAD Août 2009 : La famille Pila, itinéraires militaires 1 L L A A F F A A M M I I L L L L E E P P I I L L A A : : I I T T I I N N É É R R A A I I R R E E S S M M I I L L I I T T A A I I R R E E S S Référence : D128-4-1 Le lieutenant-colonel Yves de Boisboissel et sa famille à Dakar en 1931. 1931, photographe Gillette de Boisboissel L’arrivée des archives photographiques et cinématographiques de la famille Pila dans les collections de l’ECPAD en 2008 offre un témoignage inédit sur les événements jalonnant la période de la Première Guerre mondiale à la mobilisation générale de 1939. Ces documents proviennent de la réunion de deux familles, celle des Boisboissel et des Pila, unies lors du mariage de M lle Gillette de Boisboissel et de Robert Pila à Saigon le 19 mars 1939, cérémonie représentée à la fin du film sur Shanghai et proposée dans la rubrique Film. À Travers ces « papiers de famille », plusieurs itinéraires de militaires entraînent le spectateur à parcourir un album composé de quatre chapitres :

LA FAMILLE PILA - Site ECPADarchives.ecpad.fr/wp-content/uploads/2010/06/pila.pdf · 2020. 10. 30. · ECPAD Août 2009 : La famille Pila, itinéraires militaires 3 1- La Première

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    LLAA FFAAMMIILLLLEE PPIILLAA :: IITTIINNÉÉRRAAIIRREESS MMIILLIITTAAIIRREESS

    Référence : D128-4-1 Le lieutenant-colonel Yves de Boisboissel et sa famille à Dakar en 1931. 1931, photographe Gillette de Boisboissel

    L’arrivée des archives photographiques et cinématographiques de la famille Pila dans les collections de l’ECPAD en 2008 offre un témoignage inédit sur les événements jalonnant la période de la Première Guerre mondiale à la mobilisation générale de 1939. Ces documents proviennent de la réunion de deux familles, celle des Boisboissel et des Pila, unies lors du mariage de Mlle Gillette de Boisboissel et de Robert Pila à Saigon le 19 mars 1939, cérémonie représentée à la fin du film sur Shanghai et proposée dans la rubrique Film. À Travers ces « papiers de famille », plusieurs itinéraires de militaires entraînent le spectateur à parcourir un album composé de quatre chapitres :

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    o Les souvenirs de bons moments de camaraderie du brigadier Georges Pila, le père de Robert Pila, au 14e escadron du train lors de la Première Guerre mondiale ;

    o les photographies prises par Mlle Gillette de Boisboissel, future Mme Robert Pila, à

    Dakar pendant les années trente auprès de son père, le colonel Yves de Boisboissel, chef d’état-major du général commandant supérieur de l’A-OF (Afrique-Occidentale française) ;

    o le témoignage exceptionnel d’un soyeux lyonnais présent à Shanghai en 1937, Robert

    Pila, lieutenant de réserve mobilisé pour la défense de la concession française (1849-1946), lors des bombardements japonais de la ville ;

    o le retour en France de Robert Pila, sur l’aviso colonial le Bougainville, quittant Saigon

    pour prendre les armes à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.

    Carrières petites ou grandes, l’intérêt des clichés ne peut se résumer aux états de services

    des auteurs ou des acteurs. Les photographies et les films d’amateurs réalisés par les différents membres de la famille Pila possèdent une caractéristique propre aux documents d’origines privées. Ils composent un récit à la fois construit et fragmenté, dans lequel la transcription des faits militaires s’enchevêtre avec les souvenirs de la vie quotidienne. L’absence d’images difficiles durant la Première Guerre mondiale dans l’album réalisé par Georges Pila illustre parfaitement l’idée selon laquelle les photos représentent une sélection dans les souvenirs. Ce choix peut intervenir au moment même où la photo est prise, ou parfois, beaucoup plus tard dans le temps. Le témoignage des événements auxquels participe le photographe amateur devient une histoire singulière, également intéressante par ses lacunes volontaires. De fait, tous ces documents familiaux donnés à l’ECPAD ne se présentent pas de façon homogène. Certains sont sciemment ordonnés dans un album et accompagnés de légendes rédigées de la main du photographe, comme par exemple pour les clichés réalisés par Georges Pila durant la Première Guerre mondiale, ou ceux faits par Gillette de Boisboissel, à Dakar. A contrario, les images de Robert Pila prises à Shanghai sont, pour certaines d’entre elles, sur support négatif et succinctement renseignées. À cet effet, les lettres et les mémoires de Robert Pila ont été retranscrites et servent de trame pour la légende des photographies qu’il a réalisées.

    La politique de collecte d’archives privées de l’ECPAD permet, à la lumière des documents de la famille Pila, d’apporter un éclairage original et intimiste sur la vie des armées tout en complétant les fonds institutionnels. Ces images « hors champ» de la production officielle du Service photographique et cinématographique des armées transmettent au spectateur attentif un petit fragment d’histoire de l’armée française.

    * * * * * *

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    1- La Première Guerre mondiale

    Georges Pila, père de Robert Pila, est engagé volontaire depuis le 28 octobre 1895. Il est mobilisé comme soldat de 2e classe le 14 août 1914 au 109e RIT (régiment d'infanterie territoriale) de Vienne. En décembre 1914, il rejoint le 14e escadron du train automobile, incorporé par la suite le 24 janvier 1915 à la 409e section automobile. Il arrive aux armées le 28 janvier 1915 (secteur de l'Artois et de la Somme). Il est promu au grade de brigadier le 14 juillet 1915, puis maréchal des logis (sergent) le 11 janvier 1916. À la fin de la guerre, il est démobilisé le 17 janvier 1919.

    Pendant la Première Guerre mondiale, Georges Pila photographie les activités quotidiennes de son escadron : acheminement des munitions aux artilleurs sur le front, déchargement des obus et chargement des douilles, convois de camions, etc. Cette sélection de clichés s’attache surtout à présenter les instants de convivialité saisis par le photographe, à l’image de ce repas organisé pour le 14 juillet 1915.

    1/ Référence : D128-1-29 La troupe du 3e escadron du train autour d’une « tablée champêtre » le 14 juillet 1915. 14/07/1915, photographe Georges Pila 2/ Référence : D128-1-8 Deux soldats du 14e escadron du train assis sur un tas de douilles de 75 mm. 1915-1917, photographe Georges Pila

    L’album de photographies de Georges Pila traduit dans de nombreux clichés une atmosphère enjouée de franche camaraderie, malgré les conditions de la guerre. C’est un trait caractéristique des photographies d’amateurs réalisées à cette période. Pour autant, cette légèreté de ton est très relative. En effet, au sein de l’arme du train, même si les soldats sont en retrait des lignes de front, ils sont néanmoins confrontés aux mêmes conditions extrêmes dans lesquelles se trouvent leurs camarades des

    tranchées, et n’ignorent rien des horreurs de la guerre.

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    3/ Référence : D128-1-31 Une bataille de boules de neige à Saint-Pol-sur-Ternoise, Pas-de-Calais, pendant l’hiver 1915. 1915, photographe Georges Pila

    4/ Référence : D128-1-39 « Sidi et Tekir à Pernes en Artois en 1915 ». Le brigadier Pila en compagnie d’un spahi marocain. La 3e brigade marocaine combat pendant l'année 1915 dans les Vosges et en Artois. 1915, photographe inconnu

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    Ces deux photographies appartenaient à la famille de Boisboissel et représentent la grand-mère de Gillette de Boisboissel, Marguerite Vittu de Kerroual pendant la Première Guerre mondiale.

    5/ Référence : D128-3-2 Mmes de Kerraoul et Mangin au sein d’un groupe d'infirmières au Mont Frenet en 1914-1918. Sans date, photographe inconnu L'équipe de guerre: groupe d'infirmières du service de santé au Mont Frenet pendant la Première Guerre mondiale. Au premier rang, en haut de gauche à droite, Mme de Boisboissel, la mère de Yves de Boisboissel et la grand-mère paternelle de Gillette de Boisboissel, Mlle Juge, Mme de Kerraoul, ex Mme de Gennes, Mme Mangin, Mlle Namur, en bas, au premier rang, Mlles Frontault. La mention « BMK » inscrite à l’encre bleue est un clin d’œil au surnom de Mme Marguerite de Kerraoul, « bonne maman Kerraoul », grand-mère maternelle de Gillette de Boisboissel.

    6/ Référence : D128-3-3 Le général Gouraud remet la Légion

    d'honneur à Mme de Kerraoul, infirmière, aux Invalides en 1918. 1918, photographe inconnu

    Amputé au bras droit à la suite de l’explosion d’un obus dans les Dardanelles, le général Henri Gouraud remet la Légion d’honneur de la main gauche. Sa manche vide est distinctement visible sur ce cliché.

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    2- Afrique-Occidentale française en 1931-1934 Les photographies suivantes sont extraites de l’album personnel de Mlle Gillette de Boisboissel. Future Mme Robert Pila, elle réalise ces clichés pendant son séjour à Dakar auprès de sa famille, au moment où son père le colonel Yves de Boisboissel occupait ses fonctions au Sénégal de 1931 à 1934. Ce dernier, auparavant affecté au Maroc de 1918 à 1920 et de 1923 à 1929, rejoint l’Afrique-Occidentale française comme chef d'état-major du général commandant supérieur de l'A-OF, le gouverneur général Freydenberg.

    7/ Référence : D128-4-3 Le lieutenant-colonel Yves de Boisboissel et sa famille devant la Citroën du général Freydenberg à Dakar en 1931. 1931, photographe inconnu

    8/ Référence : D128-4-7 Les « cocottes » de l’escadre du général Vuillemin lors de la Croisière Noire, le 20 novembre 1933 sur la base de Ouakam (Dakar). 20/11/1933, photographe Gillette de Boisboissel L’escadre des Trois Cocottes commandées par le général Vuillemin lors de la Croisière Noire perpétue l’insigne de l’escadrille n° 11, créée au mois de juillet 1916. L’attachement de Vuillemin pour ce drôle d’animal provient de l’anecdote se rapportant à sa genèse et son emploi dans l’armée de l’air. Il s’agit d’une curieuse association d’idées fondée sur le détail de deux cocottes jaunes peintes sur les flancs d’un camion et aperçues par le lieutenant d’Anglejan1. Celui-ci évoque le fait que les « poulets » (policiers) vont toujours par deux et que, à leur vue, l’on s’exclame souvent « 22 voilà les flics ! »

    1 Voir « Escadrille 11 », Les escadrilles de l’aéronautique militaire française, symbolique et histoire, 1912-1920, ouvrage collectif

    publié par le Service historique de l’armée de l’air, p. 44-46.

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    Le poulet devient cocotte et le numéro de l’escadrille correspond à la moitié de ce nombre. Pendant la Première Guerre mondiale, la cocotte peinte sur les flancs des appareils était rouge et son œil regardait vers l’arrière afin de guetter la menace dans les airs. Henri Vuillemin maintiendra cet emblème de la cocotte dans toutes les unités qu’il commandera par la suite.

    9/ Référence : D128-4-6 Les Potez 25 TOE de l’escadre du général Vuillemin lors de la Croisière Noire, le 20 novembre 1933 sur la base de Ouakam (Dakar). 20/11/1933, photographe Gillette de Boisboissel

    La Croisière Noire (8 novembre - 24 décembre 1933) est un voyage aérien en Afrique française souhaité par le ministre de l’Air, Pierre Cot. La mission, commandée par le général Vuillemin, avait pour objectif de relier toutes les possessions françaises de l’Afrique du Nord et du Nord-Ouest pour apporter un salut commun de la métropole. Derrière ce premier vœu officiel, c’était surtout l’occasion d’offrir une démonstration du degré d’achèvement d’un grand nombre de routes militaires en vue d’une utilisation future par des lignes civiles et d’éprouver la résistance des appareils sur un périple de 25 000 km.

    10/ Référence : D128-4-28 Les sous-marins italiens Sciesa et Toti dans le port de Dakar le 25 janvier 1934. 1934, photographe Gillette de Boisboissel

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    11/ Référence : D128-4-12 L’hydravion Latécoère 300 La Croix du Sud au large de Dakar en juillet 1934. Juillet 1934, photographe Gillette de Boisboissel

    L’hydravion Latécoère 300 est un

    appareil conçu pour le transport de courrier entre Dakar et la ville de Natal au Brésil. Le premier modèle de cette série réalise son premier vol en 1931 avant de s’abîmer dans l’étang de Berre la même année. Au début de l’année 1932, il est reconstruit et réenregistré. Baptisé Croix du Sud, il décolle en novembre 1932. Fin septembre 1933, l’appareil, piloté par le capitaine de corvette Bonnot, effectue le parcours étang de Berre – Saint-Louis du Sénégal (3680 km) en un peu plus de 23 heures. Les 3 et 4 janvier 1934, l’hydravion traverse l’Atlantique Sud vers Natal. À son retour en février, l’appareil est ensuite inclus dans le service d’Air France pour ce parcours. En juillet 1934, le commandant Bonnot offre un baptême de l’air à Gillette de Boisboissel et Edith Coutance à bord de la Croix du Sud. Il lui dédicace ce cliché en souvenir de ce moment exceptionnel.

    12/ Référence : D128-4-13 Portrait dédicacé du commandant Bonnot à bord de La Croix du Sud au large de Dakar en juillet 1934. Juillet 1934, photographe Gillette de Boisboissel

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    13/ Référence : D128-4-15 L’arrivée du général Henri Gouraud à Dakar en 1934 lors de sa tournée en A-OF. 1934, photographe Gillette de Boisboissel

    Le général Henri Gouraud (1867-1946) fait partie des officiers coloniaux les plus célèbres.

    Véritable « bâtisseur d’empire » à l’instar des maréchaux Gallieni et Lyautey, il a déjà derrière lui une carrière militaire exemplaire lorsqu’il arrive à Dakar en 1934 au terme de son voyage en Afrique-Occidentale française. Victime de nombreuses blessures, il fut amputé au bras droit à la suite de l’explosion d’un obus dans les Dardanelles, pendant la Première Guerre mondiale, alors qu’il commandait le corps expéditionnaire français sur le front d’Orient. Au lendemain de la guerre 1914-1918, il est nommé haut-commissaire de la République française en Syrie et commandant en chef de l’armée du Levant. Grand passionné de géographie et d’histoire, il porte un intérêt très vif à la photographie, art qu’il pratique avec assiduité tout au long de son activité militaire2. Son expérience riche de vingt années passées sur le continent africain lui a permis de publier de nombreux ouvrages sur ses missions.

    14/ Référence : D128-4-24 Le général Henri Gouraud à Dakar en 1934 lors de sa tournée en A-OF. 1934, photographe Gillette de Boisboissel

    2 Les archives du général Gouraud sont déposées aux Archives diplomatiques depuis l’année 2000.

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    15/ Référence : D128-4-14 Le général Gouraud entouré des autorités militaires et civiles à Dakar en 1934 à l’occasion du cinquantenaire de la conquête du Tchad et du Soudan. 1934, photographe Gillette de Boisboissel Dans ce portrait de groupe figurent les personnalités suivantes : de gauche à droite, le général Thiry, le gouverneur Binger, le général Carteron, le général Réquin, le général Peltier, le gouverneur général Brévié, le général Gouraud, M. Taytinger, le général Quiquandon, M. de Warren ; au 2e rang, à droite, le général Rollet (le père de la Légion) et au 3e rang et 2e à droite, le premier député noir, M. Diagne.

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    3- Le bombardement de Shanghai 1937-1939

    Robert Pila (1912-1999), futur mari de Gillette de Boisboissel et père de la donatrice, est un témoin privilégié du début des hostilités entre la Chine et le Japon à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Il est de passage à Shanghai dans les années 1937-1939 en qualité de soyeux de Lyon et s’apprête à faire le tour des succursales de la société familiale à Saigon et au Japon. Promu lieutenant de réserve par décret le 24 juillet 1935, il va être mobilisé pour jouer un rôle dans la défense de la concession française de Shanghai en 1937. C’est à cette occasion qu’il réalise cette série de clichés des bombardements japonais, en se postant sur plusieurs toits de la concession française.

    Le développement de Shanghai reflète le dynamisme commercial de la ville. Elle présente déjà, dans les années trente, un aspect occidental et international. Lieu d’échanges intenses, la cité chinoise est en train de devenir tentaculaire. Le Bund, quartier d’affaires situé sur le port, est le reflet de cette intense activité : hauts immeubles, architecture européenne, nombreux bâtiments de transports et de marine marchande de tous les pays.

    16/ Référence : D128-5-32 Bâtiments de guerre et de transport sous pavillon anglais et sous pavillon français dans le port de Shanghai en 1937. 1937, photographe Robert Pila

    La bataille de Shanghai oppose du 13 août au 26 novembre 1937 les forces des armées japonaises et chinoises au cours de la guerre sino-japonaise de 1937-1945. À Shanghai, le service aérien de la marine impériale japonaise procède à l’un des premiers bombardements stratégiques, entraînant la mort et l’évacuation de milliers de civils. Les moyens militaires nettement supérieurs du Japon, tant terrestres que navals, ne laisseront aucune chance à l’armée chinoise. En novembre, les troupes impériales japonaises prennent possession de la ville. 17/ Référence : D128-5-33 Un bombardier japonais survole le port de Shanghai après avoir largué ses bombes sur la ville en 1937. Août 1937, photographe Robert Pila

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    http://virtualshanghai.ish-lyon.cnrs.fr Carte de localisation des impacts du bombardement de Shanghai effectué par l’armée japonaise. Les étoiles rouges indiquent les bombes larguées le 14 août 1937, les étoiles jaunes, celles larguées le 23 août 1937. La carte met en évidence l’étendue de la concession française, représentée en jaune pâle.

    Robert Pila, photographe amateur et témoin des bombardements, s’improvise correspondant de guerre le temps d’une lettre qu’il communique au Salut Public de Lyon le 19 août 1937 : « […] Nous nous faisons peu à peu à notre nouveau mode d’existence bien inattendu. Après le grand affolement des premiers jours, on se calme un peu et l’on considère avec plus de sang-froid les bombardements aériens qui ont repris ce matin. »

    18/ Référence : D128-5-08 L’incendie ravage la ville de Shanghai suite aux bombardements japonais en 1937. Août 1937, photographe Robert Pila « […] La situation ici reste la même et toujours aussi grave : on ne sait pas grand-chose de la position exacte des belligérants, on sait seulement que les renforts affluent des deux côtés et que les Japonais gardent une supériorité aérienne incontestable. Une bonne partie de Woosung et Pootung est déjà entièrement dévastée et les ruines servent de champs de bataille aux armées en présence qui s’enlèvent réciproquement chaque jour des parcelles de terrain, ce qui fait l’objet de communiqués enthousiastes, souvent contradictoires, des états-majors intéressés. On semble des deux côtés attendre d’être plus nombreux pour passer à une action plus sérieuse […] »

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    « […] Dans les concessions cependant la situation s’améliore quelque peu. La concession internationale avait été très menacée pendant quelques jours d’un débordement soit japonais soit chinois en cas de déroute des uns et des autres, mais des renforts anglais sont arrivés de Hong-Kong et ont pris maintenant possession de solides lignes de défense. Mais en réalité la concession internationale est déjà sérieusement amputée, toute la partie au nord de Scechow Creek, devenue le champ clos de la lutte, ayant été abandonnée. »

    19/ Référence : D128-5-21 Les soldats japonais tiennent un barrage pour contrôler les accès de la ville de Shanghai en 1937. Août – novembre 1937, photographe Robert Pila « […] Sur la concession française, le gros danger, en dehors des bombardements aériens est l’énorme afflux de réfugiés chinois, pouvant d’un moment à l’autre, affamés ou pris de panique être la cause de graves incidents. La police et notre Compagnie de Volontaires avons épuré la Cité Chinoise par des rafles nocturnes et avons dû faire refluer en territoire chinois, non sans péripéties, un très grand nombre de ces malheureux, destinés à faire de la chair à canon, s’il prend fantaisie aux Japonais de bombarder ces agglomérations. Pauvres diables ! » 20/ Référence : D128-5-37

    Les réfugiés chinois se massent derrière les grilles de la concession française à la suite des bombardements japonais de 1937. Août 1937, photographe Robert Pila

    « […] Et à quelles scènes lamentables avons-nous dû assister ! On a craint un moment de manquer d’approvisionnement mais on dit que les réserves sont suffisantes pour l’instant. Par contre, par précaution, le gaz est coupé. L’eau, heureusement, grâce au récent typhon, ne manque pas. Si la situation est aujourd’hui meilleure, elle peut encore se compliquer sérieusement d’un jour à l’autre du fait d’une récente note du gouvernement chinois demandant aux puissances étrangères le retrait de leurs bateaux de guerre pour permettre à l’aviation chinoise de bombarder les bateaux japonais, le gouvernement déclarant qu’en cas de refus il décline toute responsabilité. Il ne peut naturellement être question du retrait des bateaux de guerre étrangers, et de graves complications internationales peuvent en résulter. »

    21/ Référence : D128-5-18 Un barrage de contrôle français devant l’entrée de la concession française à Shanghai en 1937. 1937, photographe Robert Pila

    « « […] En prévision d’un conflit

    (aucune guerre n’étant encore déclarée) qui sera sans doute fort long, l’évacuation des femmes et des enfants se poursuit surtout sur la concession internationale : seuls resteront ceux que retiennent obligatoirement leurs affaires ou… la situation. »

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    « […] Les affaires sont naturellement totalement paralysées et il en sera ainsi tant que les expéditions ne pourront reprendre avec un minimum de sécurité. Les bureaux sont plus ou moins désertés, la consigne est de sortir le moins possible. C’est grand dommage car il fait un temps idéal ! Nous sortons en uniforme de volontaires, casqués et revolver au ceinturon. Il n’est naturellement pas question d’évacuation pour nous. D’ailleurs si la situation empire, j’ai été prévenu qu’étant officier de réserve, je serai automatiquement mobilisé dans un des bataillons actuellement ici. Mais il n’en est nullement question pour l’instant et j’ai le ferme espoir que les choses peuvent encore s’arranger, tout au moins en ce qui concerne les concessions, évidemment prises entre deux feux mais auxquelles personne n’osera toucher sauf envahissement chinois provenant d’une panique, d’une famine ou d’une…déroute. Mais il ne faut pas toujours voir le pire. » Propos extraits de la lettre de Robert Pila parue le 19 août 1937 dans le Salut Public de Lyon.

    22/ Référence : D128-5-50 Un policier surveille la circulation au carrefour de la concession française à Shanghai en 1939. 1939, photographe Robert Pila

    En 1939, Robert Pila assiste à un second bombardement mené par l’armée japonaise. Au mois de septembre de cette même année, il quitte Shanghai pour Saigon afin de rejoindre le 11e régiment d’infanterie coloniale. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il quitte l’Indochine pour rejoindre la France. 23/ Référence : D128-5-39 Une escadrille japonaise survole Shanghai en décembre 1939. 1939, photographe Robert Pila

    24/ Référence : D128-5-46 Prise d’armes à l’occasion de la visite de l’ambassadeur à la concession française en décembre 1939. 1939, photographe Robert Pila

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    4- Traversée Saigon-Marseille sur le Bougainville 1939-1940

    En 1939 après Shanghai, Robert Pila poursuit son itinéraire des succursales de la société familiale à Saigon. Cette même année, il épouse le 19 mars Gillette de Boisboissel, présente en Indochine auprès de sa famille et de son père, Yves de Boisboissel. Ce dernier avait été promu en 1938 au grade de général de brigade commandant de l’infanterie de la division Cochinchine-Cambodge. L’entrée en guerre de la France aux côtés de l’Angleterre en 1939 met un terme au séjour colonial de Robert Pila, puis de sa femme. Le 18 décembre, il prend la mer sur l’aviso colonial le Bougainville et rejoint la métropole.

    25/ Référence : D128-6-05 Le départ du Bougainville aux environs du cap Saint-Jacques en Indochine en décembre 1939. Janvier 1940, photographe Robert Pila « […] 18 décembre 1939, date à laquelle, à son bord avec quelques centaines de tirailleurs annamites - sous le commandement du capitaine Fusil ! (sic.) – le Bougainville cargo des Chargeurs Réunis, transformé en transport de troupes, nous rapatriait d’Indochine en France où la mobilisation avait été décrétée quelques semaines plus tôt. J’avais laissé, non sans émotion, à la résidence du boulevard Norodom à Saigon, ma belle-famille avec mon épouse Gillette en attente d’un enfant, et d’un autre mode de rapatriement vers la métropole ! » Propos extraits de Robert Pila, Aide-mémoire (Guerre et captivité).

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    26/ Référence : D128-6-21 Bâtiments de commerce dans le port de Colombo à Ceylan en 1940. Au centre du cliché, les mots « CEYLON FOR GOOD TEA », en lettres de métal accrochées à un portique à l’entrée du port, rappellent l’activité commerciale florissante de ce comptoir colonial. 1940, photographe Robert Pila

    27/ Référence : D128-6-30 Deux avions volent à proximité du Bougainville au cours de la traversée. 1940, photographe Robert Pila

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    28/ Référence : D128-6-41 Port-Saïd, «14 janvier 1940 : passons canal de Suez – Très froid. » 14/01/1940, photographe Robert Pila

    29/ Référence : D128-6-43 Port-Saïd, la statue de Ferdinand de Lesseps à l’entrée du canal de Suez. 1940, photographe Robert Pila

    « […] Navigation « obscure », sans péripétie

    particulière autre que le froid ! Et c’est sous ce froid très vif que je débarquai le 24 janvier 1940 à Marseille où nous attendaient (je dis « nous », car par une coïncidence extraordinaire, Gillette arrivait ce même jour par avion à Marignane, toute gaillarde enceinte de 8 mois malgré les épreuves diverses depuis notre mariage le 19 mars 1939 à Saigon / Dalat) où nous attendaient donc mes parents […] et ma fidèle chienne Biscotte fêtant le retour de son maître parti trois ans auparavant […]» Robert Pila, Aide-mémoire (Guerre et captivité). 30/ Référence : D128-6-50 La soupe sur le pont à bord du Bougainville au cours de la traversée. 1940, photographe Robert Pila

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    Orientations bibliographiques :

    o Beausoleil (J.), Nathan, (I.), Le Paris de l’Orient, Présence française à Shanghai, 1849-1946, catalogue de l’exposition organisée par le musée Albert-Kahn et le ministère des Affaires étrangères, Paris, 2002.

    o De Boisboissel (Y.), Peaux noires, cœurs blancs, 1954. o De Boisboissel (H.), Le général Yves de Boisboissel des Troupes coloniales (1886-1960), 2002. o Fournié (P.), Gervereau (L.), Regards sur le monde, Trésors photographiques du Quai d’Orsay,

    1860-1914, Paris, Somogy - AFAA, 2000. o Les escadrilles de l’aéronautique militaire française, symbolique et histoire, 1912-1920, ouvrage

    collectif publié par le Service historique de l’armée de l’air. o https://pastel.diplomatie.gouv.fr/editorial/archives/dossiers/shanghai/consulat.html

    o Film sur le récit de la Croisière Noire en Afrique du 8 novembre au 24 décembre 1933, de

    l'escadre des Trois Cocottes, commandée par le général Vuillemin. Film noir et blanc muet de 1933, durée de 25 minutes, réalisé par le capitaine Max Dévé. Référence : ECPAD FT 747

    * * * * * *

    Annick Renard et Lucie Moriceau Chargées d’études documentaires Fonds Privés

    ECPAD - Juillet 2009