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La géopolitique de l’eau dans le monde Arabe L’eau au Moyen-Orient et au Maghreb : Des Enjeux décisifs Chronologie 1956 : le raïs égyptien Nasser associe la nationalisation de la compagnie du canal de Suez au besoin de capitaux pour financer le barrage d’Assouan. 1959-1971 : Construction du haut barrage d’Assouan sur le Nil. 1959 : Accord entre le Soudan et l’Egypte pour le partage des eaux du Nil. 1964 : Mise en service du premier élément du grand conduit national Israélien : Il est visé par une action commando de la branche armée du Fatah en 1965. 1967 : L’occupation des territoires palestiniens par Israël donne au pays la maîtrise des eaux dans la région. 1976 : La Syrie met en service le barrage de Tabka sur l’Euphrate. 1983 : La Libye lance le projet de grande rivière artificielle. 1984 : Début des travaux de Güneydogu Anatolu Projesi (GAP) en Turquie : fin prévue en 2015. 1992 : en Irak, le « Troisième Fleuve » relie le Chott al-Arab à la région de Bagdad. 1994 : Le traité de paix entre la Jordanie et Israël comporte des clauses sur le partage des eaux du Jourdain. 1999 : Début de la concertation entre les pays riverains du Nil (« Initiative pour le bassin du Nil »). 2009 : Le 5 e forum mondial de l’eau organisé par le conseil mondial de l’eau rassemble 33 000 participants à Istanbul (11 chef d’Etat, 84 ministres…).

La Géopolitique de L_eau

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la géopolitique

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  • La gopolitique de leau dans le monde Arabe

    Leau au Moyen-Orient et au Maghreb : Des Enjeux dcisifs

    Chronologie

    1956 : le ras gyptien Nasser associe la nationalisation de la compagnie du canal de Suez

    au besoin de capitaux pour financer le barrage dAssouan.

    1959-1971 : Construction du haut barrage dAssouan sur le Nil.

    1959 : Accord entre le Soudan et lEgypte pour le partage des eaux du Nil.

    1964 : Mise en service du premier lment du grand conduit national Isralien : Il est vis

    par une action commando de la branche arme du Fatah en 1965.

    1967 : Loccupation des territoires palestiniens par Isral donne au pays la matrise des

    eaux dans la rgion.

    1976 : La Syrie met en service le barrage de Tabka sur lEuphrate.

    1983 : La Libye lance le projet de grande rivire artificielle.

    1984 : Dbut des travaux de Gneydogu Anatolu Projesi (GAP) en Turquie : fin prvue en

    2015.

    1992 : en Irak, le Troisime Fleuve relie le Chott al-Arab la rgion de Bagdad.

    1994 : Le trait de paix entre la Jordanie et Isral comporte des clauses sur le partage des

    eaux du Jourdain.

    1999 : Dbut de la concertation entre les pays riverains du Nil ( Initiative pour le bassin

    du Nil ).

    2009 : Le 5e forum mondial de leau organis par le conseil mondial de leau rassemble

    33 000 participants Istanbul (11 chef dEtat, 84 ministres).

  • Part de la population nayant pas accs leau potable dans les rgions en

    dveloppement, en % de la population totale

    Afrique sub-saharienne 57

    Asie orientale 32 Maghreb / Moyen-Orient 23 Amrique latine et Carabes 22 Asie du sud 20

    Source : Unicef.

    Introduction

    Leau tient une place part dans les civilisations du Moyen-Orient et de lAfrique du Nord. Sa

    matrise a permis lessor de puissants Etats, dans lEgypte des pharaons ou la Msopotamie

    ancienne. Les paysans dOrient ont invent de savantes techniques pour capter une eau

    dautant plus prcieuse quelle est rare. On y rve depuis toujours de jardins agrments de

    fontaines : cest limage mme du paradis dans lislam et le murmure de ce don de Dieu

    animait les palais arabes des sicles classiques, de Bagdad Grenade. Le ne saurait franchir le

    seuil de la mosque sans se livrer aux ablutions rituelles la fontaine place au centre de sa

    cour.

    Cependant, le prsent fait violemment contraste avec ces images idylliques. Leau est

    devenue proccupation et source de conflits : la disponibilit moyenne par habitant est trs

    infrieure dans tout le monde arabe au seuil de pnurie (1000 m3 par habitant et par an) ;

    les rivalits entre Etats pour contrler cette source de vie sont patentes. Le rsultat

    dcevant du 5e forum de leau qui sest tenu en 2009 Istanbul lillustre sa manire (Bilan

    sur le site du Conseil mondial de leau : http://www.worldwatercouncil.org).

    I. Des Ressources insuffisantes face des besoins croissants

    Lensemble Maghreb/ Moyen-Orient ne dispose que de 1,1 % de leau douce renouvelable

    dans le monde alors quil abrite 7% de lhumanit. La disponibilit moyenne par habitant est

    de 1400 m3 : cest infrieur au seuil dalerte (water stress), fix 1700 m3 par an et par

    habitant, et dangereusement proche du seuil de pnurie, qui stablit 1000 m3. Encore

    cette moyenne, qui se dgrade, masque-t-elle de profondes disparits. Globalement, selon

    http://www.worldwatercouncil.org/

  • lUNICEF, des habitants de la rgion Afrique du Nord/ Moyen-Orient nont pas accs leau

    potable.

    A. UNE EAU RARE ET INEGALEMENT REPARTIE

    Les ressources en eau sont de trois origines : pluviales, fluviales et souterraines. Ces

    dernires ressortent elles-mmes de deux types. Les nappes phratiques se trouvent faible

    profondeur (de quelques mtres 300 m) et sont alimentes par linfiltration des eaux de

    pluie et des rivires ; la ressource est donc renouvelables pour peu que la gestion conserve

    un quilibre entre les prlvements et les apports. En revanche, les nappes fossiles sont des

    poches deau accumule il y a plusieurs milliers dannes, dans des conditions climatiques

    rvolues. Elles sont piges dans dpaisses couches sdimentaires plusieurs centaines de

    mtres de profondeur. Elles constituent dimmenses rservoirs dans la pninsule arabique et

    au Sahara, dcouverts lors des forages ptroliers ; mais toute ponction rduit

    irrmdiablement la ressource, qui ne se renouvelle pas ou trs partiellement.

    A lchelle rgionale, les contrastes de reliefs de climats concentrent dans cinq pays les de

    la ressource en eau : La Turquie, Irak, Liban, Iran, Syrie. Ils rassemblent moins dun habitant

    sur deux mais eux seuls affichent une disponibilit moyenne suprieure au seuil de pnurie.

    A loppos, certains Etats sont dans une situation critique : avec des moyennes actuelles

    infrieures 200 m3 par habitant, lArabie Saoudite et les autres ptromonarchies du Golfe

    ainsi que la Libye et la Jordanie enregistrent une nette dgradation de leur situation.

    B. UNE INTENSE EXPLOITATION DES RESSOURCES DISPONIBLES

    1. Dans le pass

    Les socits dAfrique du Nord et du Moyen-Orient manifestent depuis des millnaires une

    grande ingniosit pour tirer le meilleur parti dune eau qui se fait rare.

    Sous les pharaons, la vie des campagnes gyptiennes se modelait sur le rgime du Nil, dans

    lattente des crues qui apportaient le limon fertilisant la terre mais aussi la dsolation

    quand elles taient trop brutales. Nombreux furent au Maghreb/Moyen-Orient les appareils

    qui permettaient de capter les eaux des cours deau ou des nappes phratiques : puits

    poulie et balancier (chadouf), roues godets mues par la traction animale ou la force du

    courant (noria), galeries souterraines drainant par gravit leau des pimonts vers les plaines

    en contrebas (qanat en Iran, foggara en Algrie, khettara au Maroc). Autour de Damas, la

    Ghouta fut prcocement une oasis (tel est le sens du mot) intensment cultive, situe la

  • limite du dsert syrien mais traverse par le Barada. Une agriculture apparente un savant

    jardinage fournissait lancienne capitale des Omeyyades melons, crales, abricots, raisin,

    olives. Sinstallant au VIIe sicle en Andalousie, les peuples arabes et berbres y apportrent

    ces techniques hydrauliques et le systme social qui les accompagnait : des communauts

    paysannes la solidarit affirment pour organiser lentretien des canaux, la rpartition de

    leau

    2. De nos jours

    Leffort de mobilisation des eaux sintensifie depuis les annes 1950. Pour faire face aux

    besoins dune population qui a plus que quadrupl en un demi-sicle, il fallu doubler la

    superficie irrigue pour accrotre la production agricole, seul recours possible en milieu aride

    ou semi-aride.

    Les techniques ont chang : les motopompes remplacent les dispositifs traditionnels, les

    pouvoirs publics ont multipli barrages et travaux dirrigation. Les uns sont de taille modeste,

    avec des lacs de retenue de quelques centaines de millions de m3, ce qui permet dirriguer

    quelques dizaines de milliers dhectares. Les plus nombreux se situent dans les pays du

    Maghreb (Maroc, Tunisie, Algrie) o les premiers furent difis durant la colonisation, puis

    multiplis par les Etats indpendants.

    Les autres ont une tout autre ampleur : Il sagit damnager les grands fleuves dans le cadre

    de programmes ambitieux.

    a. Lamnagement du Nil

    La premire opration en date fut ldification du haut barrage dAssouan linitiative de

    Nasser : annonce en 1956, la dcision est indissolublement politique et conomique. Elle

    permet de conforter le rgime en ractivant une puissante symbolique : le geste du ras

    renoue avec celui de Pharaon qui dans lEgypte ancienne tirait son prestige de sa capacit

    rendre le dieu Nil bienfaisant pour les paysans. Saccompagnant de la nationalisation de

    la Compagnie de Suez, la socit prive capitaux majoritairement anglais et Franais qui

    avait perc le canal de 1854 1869, lannonce et ses suites font de lEgyptien Abdel-Nasser le

    champion du panarabisme et du Tiers Monde qui sest manifest comme tel pour la

    premire fois sur la scne mondiale lanne prcdant la confrence de Bandung- celle-ci

    prconisait aussi le neutralisme ; or Nasser demande Moscou non seulement des

    techniciens pour difier le barrage mais aussi des blinds et des avions pour combattre

    Isral : ambigut du non alignementElle entend videmment favoriser aussi le

  • dveloppement. Le haut barrage dAssouan est un ouvrage titanesque : mesurant prs d1km

    de large sa base et dune envergure de 3,6km, il retient 162km dans son lac de retenue

    (baptis Nasser ). Il permet daccrotre de 30% les terres cultivables, dans le delta et sur

    les rivages du Sina, et de doubler la production dlectricit ; il libre les paysans de la crue

    du Nil, qui pouvait tre dvastatrice, ce qui autorise deux, voire trois rcoltes par an. Mais il

    ferme aussi la partie avale de la valle au limon fertile que dposait la crue, obligeant user

    dengrais chimiques qui ne sont pas sans inconvnients tant pour la nappe phratique que

    pour la qualit des eaux du fleuve-sans compter que laccumulation du limon en arrire du

    barrage menace deutrophisation le lac Nasser. Par ailleurs, lagriculture gyptienne reste

    incapable de couvrir les besoins alimentaires du pays et les densits sont juges excessives le

    long du Nil : les autorits caressent donc le projet dune Nouvelle valle permettant

    dirriguer 400 000 hectares supplmentaires en combinant nappes fossiles et apports du

    fleuve. Les travaux sont engags, mais le cot en est lev et les autres pays riverains du Nil

    sont inquiets.

    b. Lamnagement de lEuphrate et du Tigre

    Le Tigre et lEuphrate font lobjet damnagements comparables. LIrak a construit depuis longtemps des

    barrages pour viter les inondations qui ravageaient rgulirement la plaine de Msopotamie (entre les

    fleuves, selon ltymologie grecque) et tendre les surfaces irrigues : il sagit de barrages de drivation qui

    guident les eaux vers des dpressions naturelles. Les autorits irakiennes ont aussi creus un canal qui,

    reliant le Tigre lEuphrate, permet de compenser la baisse de dbit subie par ce dernier aprs ldification

    de barrages en amont par la Syrie et par la Turquie. La premire a en effet inaugur en 1973 le grand barrage

    de Tabka (12 km3 de retenue) sur lEuphrate. La seconde mne depuis 1984 un gigantesque programme

    damnagement sur les deux fleuves, qui conjugue l aussi des dimensions la fois conomiques et

    gopolitiques.

  • Deuxime Partie :

    Des tentions diverses,

    toutes les chelles