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Le Courrier des addictions (18) – n° 2 – avril-mai-juin 2016 5 La gnaque militante Un entretien avec le Pr Amine Benyamina* Propos recueillis par Didier Touzeau et Florence Arnold-Richez UN VRAI BI-NATIONAL Le Courrier des addictions. Vous avez été nommé en septembre 2013, à 47 ans, profes- seur des universités. Êtes-vous un “homme chanceux”, comme le signifie l’étymologie de votre nom de famille, forme féminine de benyaminnom, d’origine biblique, issu de l’hébreu binyamin , fils de yamin , c’est-à-dire “fils de la main droite”, qui est du bon côté ? Amine Benyamina. Chanceux, peut-être - l’étymologie de mon patronyme le dit -, mais j’ai surtout eu envie d’y arriver, de matérialiser des idées, des situations et… de réussir, au sein de la communauté de mes collègues et des personnels de l’équipe, de ma famille, de mes amis, de mon entourage, car, clairement, pour moi, il n’est de réussite que celle que l’on partage. Le CERTA, dont je suis aujourd’hui le respon- sable, est le produit de la rencontre avec Michel Reynaud , qui venait de Clermont-Ferrand, et des envies, des idées que je partageais alors que j’étais praticien attaché dans cet hôpital dans le service du Pr Julien Daniel Guelfi qui m’avait confié la prise en charge de patients cirrho- tiques en attente de greffe de foie. Le Courrier des addictions. Quelles ont été vos bonnes fées : à Oran ? En France ? Les grandes étapes de votre parcours médical ? Amine Benyamina. J’ai passé mon examen national probatoire en 1992 à Oran, ville où je suis né. J’y ai fait mon stage de psychiatrie à l’Hôpital militaire régional et universitaire, dans le service du Dr Abdelkrim Kellou , ma première “fée” . Il avait la psychiatrie à la française chevillée au corps et m’avait offert le Manuel de psychiatrie d’Henri Ey. J’ai aussi fait un stage “Urgences psy- chiatriques, accueil et orientation, gardes d’accueil” dans le service du Dr El Khayari , au Centre hospitalo-universitaire d’Oran, et de psychiatrie adultes, dans le service du Dr Hammouda , à l’hôpital psychiatrique Sidi-Chami de la ville. J’y ai été responsable d’une unité fonctionnelle de 30 lits et du suivi des patients au dispen- saire d’hygiène mentale (DHM). Hôpital Paul-Brousse à Villejuif, au milieu de pavillons hospitaliers classiques en pierre meulière orangée, le “Galilée”, moderne et blanc, ancien bâtiment du service d’infectio’ de Daniel Vittecoq, aujourd’hui transféré à Bicêtre. Sur sa vitre : CERTA (Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions), sigle couvert, comme protégé, par les ailes déployées d’un albatros. C’est à l’effigie de ce “vaste oiseau des mers”, échappé des Fleurs du mal de Baudelaire, que l’équipe des lieux, avec pour fondateurs et coordonnateurs les Prs Michel Reynaud et Amine Benyamina, a placé son congrès international annuel, Albatros, qui a désormais dépassé de 3 ans l’âge de raison ! Et qui fête donc, en ce début du mois de juin, son dixième anniversaire, en beauté, avec près de 1 millier de participants attendus ! Porte 43 – vous me suivez ?, inviterait Stéphane Bern… –, après une salle d’attente conviviale, le couloir du service est orné des très belles œuvres picturales de François Gibault, peintre et plasticien : Le Sang bleu, Carnaval 1, Composition expressionniste, Nancy, Belle Cow BoyPlus haut sur le mur, la photo-trombinoscope de toute l’équipe. Une porte vitrée ouvre sur “les cèdres centenaires”, échappée de jardin de poche en plein béton de banlieue ouvrière… Et se suivent les bureaux, d’Henri-Jean Aubin, le chef de service, d’Amine Benyamina, responsable du centre d’addictologie, de Laurent Karila, responsable de l’activité ambulatoire et du Centre Référence cocaïne et drogues psychostimulantes, de Michel Reynaud, ancien chef de service, des infirmières, des secrétaires… Amine, 50 ans en automne prochain, médecin psychiatre, addictologue, est professeur agrégé des universités depuis septembre 2013. Il est également professeur des universités à la faculté de médecine Paris-XI, responsable de plusieurs Diplômes universitaires nationaux et internationaux, et du CERTA. Il est président de la Fédération française d’addictologie (FFA), rédacteur en chef de la revue Alcoologie et addictologie, administrateur de la Société française d’alcoologie (SFA), de l’Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (AFPBN). Il est l’auteur d’une cinquantaine d’articles scientifiques référencés, traitant des questions de thérapeutique, de biomarqueurs et de comorbidités psychiatriques et addictives. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages à vocation académique et pédagogique et grand public (notamment sur l’alcool et le cannabis) et a coordonné plusieurs ouvrages collectifs. Enthousiaste, bagarreur (mais dans la rondeur), et toujours authentiquement amical, Amine Benyamina a dû ferrailler dur pour en arriver là. Le jeune médecin oranais, confronté – évidemment ! – au petit monde des WASP (Blancs) à la française, a une “gnaque d’enfer”, comme disent les plus jeunes. Et n’a pas envie, à 49 ans et “quelques brouettes”, d’être un Poulidor professionnel de l’addictologie ! Pour lui, bien sûr, mais aussi et surtout pour la cause de l’addictologie et les patients qu’il sert depuis près de 20 ans. * Psychiatre addictologue, responsable du Centre d’enseignement, de recherche et de traitement en addictologie (CERTA) ; hôpital Paul- Brousse, Villejuif ; Inserm U11.

La gnaque militante UN VRAI BI-NATIONAL Un entretien avec le Pr … · 5 Le Courrier des addictions (18) – n° 2 – avril-mai-juin 2016 La gnaque militante Un entretien avec le

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Le Courrier des addictions (18) – n° 2 – avril-mai-juin 20165

La gnaque militante Un entretien avec le Pr Amine Benyamina*

Propos recueillis par Didier Touzeau et Florence Arnold-Richez

UN VRAI BI-NATIONAL

Le Courrier des addictions. Vous avez été nommé en septembre 2013, à 47 ans, profes-seur des universités. Êtes-vous un “homme chanceux”, comme le signifi e l’étymologie de votre nom de famille, forme féminine de benyaminnom, d’origine biblique, issu de l’hébreu binyamin , fils de yamin , c’est-à-dire “fi ls de la main droite”, qui est du bon côté ? Amine Benyamina. Chanceux, peut-être − l’étymologie de mon patronyme le dit −, mais j’ai surtout eu envie d’y arriver, de matérialiser des idées, des situations et… de réussir, au sein de la communauté de mes collègues et des personnels de l’équipe, de ma famille, de mes amis, de mon entourage, car, clairement, pour moi, il n’est de réussite que celle que l’on partage. Le CERTA, dont je suis aujourd’hui le respon-sable, est le produit de la rencontre avec Michel Reynaud , qui venait de Clermont-Ferrand, et des envies, des idées que je partageais alors que j’étais praticien attaché dans cet hôpital dans le service du Pr Julien Daniel Guelfi qui m’avait confi é la prise en charge de patients cirrho-tiques en attente de greff e de foie.

Le Courrier des addictions. Quelles ont été vos bonnes fées : à Oran ? En France ? Les grandes étapes de votre parcours médical ?

Amine Benyamina. J’ai passé mon examen national probatoire en 1992 à Oran, ville où je suis né. J’y ai fait mon stage de psychiatrie à l’Hôpital militaire régional et universitaire, dans le service du Dr Abdelkrim Kellou , ma première “fée” . Il avait la psychiatrie à la française chevillée au corps et m’avait off ert le Manuel de psychiatrie d’Henri  Ey. J’ai aussi fait un stage “Urgences psy-chiatriques, accueil et orientation, gardes d’accueil” dans le service du Dr  El  Khayari , au Centre hospitalo-universitaire d’Oran, et de psychiatrie adultes, dans le service du Dr Hammouda , à l’hôpital psychiatrique Sidi-Chami de la ville. J’y ai été responsable d’une unité fonctionnelle de 30 lits et du suivi des patients au dispen-saire d’hygiène mentale (DHM).

Hôpital Paul-Brousse à Villejuif, au milieu de pavillons hospitaliers classiques en pierre meulière orangée, le “Galilée”, moderne et blanc, ancien bâtiment du service d’infectio’ de Daniel Vittecoq, aujourd’hui transféré à Bicêtre. Sur sa vitre : CERTA (Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions), sigle couvert, comme protégé, par les ailes déployées d’un albatros. C’est à l’effigie de ce “vaste oiseau des mers”, échappé des Fleurs du mal de Baudelaire, que l’équipe des lieux, avec pour fondateurs et coordonnateurs les Prs Michel Reynaud et Amine Benyamina, a placé son congrès international annuel, Albatros, qui a désormais dépassé de 3 ans l’âge de raison !

Et qui fête donc, en ce début du mois de juin, son dixième anniversaire, en beauté, avec près de 1 millier de participants attendus !

Porte 43 – vous me suivez ?, inviterait Stéphane Bern… –, après une salle d’attente conviviale, le couloir du service est orné des très belles œuvres picturales de François Gibault, peintre et plasticien : Le Sang bleu, Carnaval 1, Composition expressionniste, Nancy, Belle Cow Boy… Plus haut sur le mur, la photo-trombinoscope de toute l’équipe. Une porte vitrée ouvre sur “les cèdres centenaires”, échappée de jardin de poche en plein béton de banlieue ouvrière… Et se suivent les bureaux, d’Henri-Jean Aubin, le chef de service, d’Amine Benyamina, responsable du centre d’addictologie, de Laurent Karila, responsable de l’activité ambulatoire et du Centre Référence cocaïne et drogues psychostimulantes, de Michel Reynaud, ancien chef de service, des infi rmières, des secrétaires…

Amine, 50 ans en automne prochain, médecin psychiatre, addictologue, est professeur agrégé des universités depuis septembre 2013. Il est également professeur des universités à la faculté de médecine Paris-XI, responsable de plusieurs Diplômes universitaires nationaux et internationaux, et du CERTA. Il est président de la Fédération française d’addictologie (FFA), rédacteur en chef de la revue Alcoologie et addictologie, administrateur de la Société française d’alcoologie (SFA), de l’Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (AFPBN).

Il est l’auteur d’une cinquantaine d’articles scientifiques référencés, traitant des questions de thérapeutique, de biomarqueurs et de comorbidités psychiatriques et addictives. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages à vocation académique et pédagogique et grand public (notamment sur l’alcool et le cannabis) et a coordonné plusieurs ouvrages collectifs.

Enthousiaste, bagarreur (mais dans la rondeur), et toujours authentiquement amical, Amine Benyamina a dû ferrailler dur pour en arriver là. Le jeune médecin oranais, confronté – évidemment ! – au petit monde des WASP (Blancs) à la française, a une “gnaque d’enfer” , comme disent les plus jeunes . Et n’a pas envie, à 49 ans et “quelques brouettes”, d’être un Poulidor professionnel de l’addictologie ! Pour lui, bien sûr, mais aussi et surtout pour la cause de l’addictologie et les patients qu’il sert depuis près de 20 ans.

* Psychiatre addictologue, responsable du Centre d’enseignement, de recherche et de traitement en addictologie (CERTA) ; hôpital Paul-Brousse, Villejuif ; Inserm U11.

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En France, mes “ fées” ont été Henri Lôo et Jean-Pierre Olié , qui m’ont permis d’assurer des consultations, d’avril 1998 à septembre 2007, dans le Centre de soins et de suivi des toxicomanes, pôle hospitalo- universitaire et de secteur de Sainte-Anne, et Xavier Laqueille , qui m’a beaucoup soutenu. Auparavant, de novembre 1996 à avril 1998, j’ai fait fonction d’interne en psychiatrie, dans le service du Pr Barte , à l’hôpital de Perray- Vaucluse à Épinay-sur-Orge (alors que j’étais déjà psychiatre !), où j’ai pu mettre en place un groupe de paroles “ addiction ”, et j’ai été responsable de la consultation et de l’accueil de l’unité mobile d’accueil et de soins. Les autres “ fées ” à s’être penchées sur mon “berceau” , nous en avons parlé : ce sont les Prs Guelfi et Reynaud .

Le Courrier des addictions. Revenons à Oran : vous êtes membre fondateur de la Société franco-algérienne de psychiatrie et trésorier principal de la Société maghrébine de psychiatrie. Vous conservez des liens avec l’Algérie : c’est important pour vous ?

Amine Benyamina. Je suis resté très attaché à ma ville d’Oran, mais je suis un vrai bi-national, bi-culturel, et j’y tiens ! J’ai vécu à Oran jusqu’à l’âge de 10 ans, jusqu’à ce que mes parents décident d’émigrer en France. Nous sommes allés à Toulon, en 1978 , alors que j’avais 11 ans et demi et j’ai découvert… le racisme, et, heureusement, aussi, la littéra-ture, l’art, la beauté des paysages de la Côte d’Azur… Mais j’ai eu envie de revenir en Algérie, en 1983 , à Oran, où j’ai fait “ma médecine” et “ma psychiatrie” chez le Dr Kellou, qui a tant compté dans mon parcours. J’ai aussi connu ma femme, qui est radiologue, à Oran. Nous avons eu notre premier enfant (nous en avons 3). Et puis j’ai voulu retourner de nouveau en France, en 1996, quand la situation est devenue insupportable. Le Dr Mahfoud Boucebci , psychiatre d’Alger de renommée inter nationale, à la fois chercheur et clinicien, membre fondateur, en 1985, de la première Ligue des droits de l’homme dans son pays, et fervent militant pour la cause de la démocratie laïque, du droit des femmes, des adolescents et des exclus, avait été mortellement

poignardé le 15 juin 1993 devant l’hôpital Drid- Hocine de Kouba (banlieue d’Alger), qu’il dirigeait. “lls” s’en prenaient clairement aussi aux psychiatres. Je ne pouvais plus rester : je suis retourné en France en 1996, France que j’ai décou-verte diff érente de celle qui m’avait accueilli, la première fois, où il fallait vraiment que je me bagarre de pieds ferme . J’ai commencé à développer mon militantisme, j’ai pris ma carte au parti socialiste et j’ai participé au montage du collectif METEC (Médecins étrangers à titre extra-communautaire) , né dans la salle d’attente de l’hôpital Marmottan, où j’assurais une consultation de secteur (lorsque je faisais fonction d’interne à Perray-Vaucluse), par-rainé par Claude Olievenstein, Rony Brauman , Danièle Mit-terrand. J’ai fait du syndicalisme, rencontré des personnalités poli-tiques. Florence Veber , pédiatre, conseillère technique de Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, m’a beaucoup aidé à cette période-là, où il a fallu “écluser” petit à petit le stock de médecins étrangers en leur faisant passer des diplômes d’équivalences. Mais j’ai toujours gardé mes acti-vités militantes et associatives et mes contacts et responsabilités au sein de la Société franco- algérienne de psychiatrie. J’en suis actuelle-ment membre du bureau, chargé des relations avec des organisations professionnelles, et trésorier prin-cipal de la Société maghrébine de psychiatrie.

Le Courrier des addictions. Actuellement, quelles sont vos activités principales pédago-giques et de recherche ?

Amine Benyamina. Depuis 2001, en effet, je me suis engagé dans la voie universitaire, à partir du CERTA que nous avons monté avec Michel Reynaud, au départ petite structure à l’intérieur de la psychiatrie, puis service d’addicto-logie à part entière dans le cadre du “département de psychiatrie- addictologie”. Nous avons créé un hôpital de jour, puis mis en place des hospitalisations pour les adultes et adolescents, créé un plateau thérapeutique, des unités spécialisées cocaïne, jeux, ado-lescents, tabac, etc. En 15 à 16 ans

d’eff orts, nous avons contribué à faire exister l’addictologie hospi-talière. Et, bien sûr, nous dévelop-pons des activités de recherche et de formation : par exemple, je suis coordonnateur et investiga-teur d’une étude, dans le cadre de l’unité Inserm  U669, en parte-nariat avec l’unité Inserm U1004 (Pr  Antoinette Lemoine) sur l’association des gènes GRIN2A et 5-HTT chez les patients alcoolo-dépendants classés selon la typo-logie de Lesch et sur la vulnérabilité à la dépendance au cannabis, et le rôle des polymorphismes des gènes COMT et BDNF . Je suis aussi coordonnateur et investiga-teur d’une étude sur le rôle du poly-morphisme génétique de l’ABCB1 dans la résistance aux traitements dans la schizophrénie. Je travaille avec d’autres unités de recherche, par exemple sur la transplantation hépatique en procédure accélérée en cas d’hépatite alcoolique sévère résistant à la corticothérapie, son impact sur la survie et le pronostic addictologique, dont le coordonna-teur est le Pr Philippe Maturin de Lille (projet de programme hospita-lier de recherche clinique [PHRC] national). Ou encore, avec le Réseau hépatite C Val-de-Marne - Essonne et le Dr Christophe Hézode , coor-donnateur, je travaille sur une étude dont le thème est : “Intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire des patients porteurs d’une hépa-tite C comorbide avec une addiction et son impact sur l’effi cacité du trai-tement par peg-interféron alfa-2a et ribavirine”. Bien entendu, j’assure les activités pédagogiques en enseignement universitaire initial et permanent, d’encadrement de thèse, de master et du DU de psychiatrie, comme le veut la fonction de PU-PH. Depuis une dizaine d’années, je suis membre du conseil d’admi-nistration de la Société française d’alcoologie, du bureau du Collège universitaire national des ensei-gnants en addictologie, et depuis juin 2015, président de la Fédéra-tion française d’addictologie.

ALBATROS SOUFFLE SES 10 BOUGIES ! Le Courrier des addictions. Cette année, le congrès de l’Albatros souffl e ses 10 bougies : vous marquez le coup de façon particulière ? Quels sont les principaux événements scienti-fi ques de cette dixième édition ?

Amine Benyamina. L’édition 2016 du congrès aura eff ectivement une saveur particulière. Il s’agit d’un anniversaire, important dans la vie d’un congrès et dans la vie tout court : 10 ans… déjà ! Nous avouons notre fi erté, Michel Reynaud et moi-même, tant l’entreprise n’était pas assurée, et fêter cet anniversaire était loin d’être évident. Et, comme il s’agit d’un anniversaire, nous avons invité les amis, les fi dèles de l’Alba-tros, en France et dans le monde. Nous avons également prolongé le plaisir d’être ensemble. En eff et, cette année, le congrès dure 1 jour de plus, c’est-à-dire 3 jours . Nous avons largement ouvert notre espace à l’ensemble de la profes-sion, avec la présence de chercheurs investis dans les domaines du foie et du tabac, des comorbidités soma-tiques et d’autres encore. Notre ambition est de faire du thème retenu, “Les addictions au carrefour des connaissances” , biologiques, environnementales, cliniques, une réalité déclinée sur 3 jours. Et puis – vous êtes bien placés pour le savoir ! –, nous remettons cette année, sous l’égide du Courrier des addictions et d’Edimark Santé, le premier Grand Prix en addictologie , qui récompense les 3 articles les plus innovants dans notre “champ” . Autre événement marquant de cet Albatros 2016 : le débat sur la politique des drogues , porté par la Global Commission on Drug Policy qui travaille, en marge de l’ONU, avec d’anciens chefs d’État, qui aura pour intervenant Pavel Bém , de Prague, et, pour discutants, Fran-çois Paille de Nancy et Michel Reynaud , de Villejuif.

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Bien entendu, en parallèle, des symposiums “pointus” sont proposés par les laboratoires MSD-France, Lundbeck et Gilead.

Le Courrier des addictions. Quels sont les orateurs nationaux et internationaux marquants que vous attendez ? Sur quels thèmes interviennent-ils ?

Amine Benyamina. Ils sont trop nombreux pour que je les nomme tous ici… Je citerai tout de même, évidemment, Charles O’Brien (Philadelphie, Pennsylvanie), qui préside notre édition 2016 et à qui nous devons témoigner toute notre reconnaissance. Sans lui, je pense que ce congrès n’aurait pas le rayonnement inter national qu’il a désormais. Il a, en eff et, été le premier à accepter de mettre sa notoriété au service d’un rendez-vous encore inexistant, il y a 10 ans. Je citerai aussi Bridget Grant de Rockville (Maryland, États-Unis), “patronne” de l’étude NESARC (National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions) , enquête épidémio-logique nationale sur l’alcoolisme et les affections apparentées, Rainer Spanagel (Mannheim, Allemagne), rédacteur en chef de la Revue de biologie des addictions et d’ Addiction , en langue anglaise, Robert West , de Londres, mon-dialement connu pour ses grandes études sur le tabac, Margaret Haney , de New York, “prêtresse” des essais cliniques sur la cocaïne et le cannabis, Carlos Roncero de Barcelone, Kathleen Carroll de West Haven (États-Unis), qui est notre intervenante lors de la plénière “Psychothérapies et traitements non médicamen-teux” , Pier-Vincenzo Piazza médecin et psychiatre qui dirige l’unité Inserm 862 “ Neuro centre Magendie ” et a reçu le Grand Prix Inserm 2015… Et, bien sûr, Henri-Jean Aubin , notre chef de service, Marc Auriacombe, chef du départe-ment hospitalier de Bordeaux (pôle addiction, centre hospitalier Charles-Perrens), Maurice Demat-téis , responsable du service d’ad-dictologie au CHU de Grenoble, Olivier Cottencin , professeur de psychiatrie et d’addictologie au CHU de Lille, Mickaël Naassila ,

professeur en pharmacie à l’univer-sité d’Amiens (Picardie) et direc-teur du Groupe de recherche sur l’Alcool et les pharmacodépen-dances, Ivan Berlin , chercheur en pharmaco logie clinique au département de pharmacologie de la Pitié- Salpêtrière, tabacologue, Yves Martinet , chef du service de pneumologie au CHU de Nancy, Michel Le Joyeux , président de la Société française d’alcoologie et chef de service de psychiatrie à l’hôpital Bichat, Georges Brousse , chef du service de psychiatrie au CHU de Clermont-Ferrand, Alain Morel , directeur général d’Oppélia, Jean-Pierre Daulouède , psychiatre à Bayonne, responsable médical du centre Bizia, “ patron” du congrès ATHS de Biarritz, à qui je dois beaucoup… Que ceux que j’oublie, bien involontairement, me le pardonnent !

Le Courrier des addictions. Comment voyez-vous le bilan et les perspectives de cette importante manifestation ? Comment s’articule-t-elle avec d’autres manifestions françaises, telle Addictologie Toxicomanie Hépatite Sida (ATHS) ?

Amine Benyamina. Au démar-rage, nous n’ignorions pas certaines diffi cultés, comme l’embouteillage au calendrier, les problèmes de fi nancement d’un énième congrès, l’exigence de qualité parfois déme-surée, conjuguée à des moyens humains et matériels moins impor-tants que ceux dont disposent les autres congrès d’addicto logie exis-tant dans le monde et en France. Tous ces obstacles, et d’autres encore, nous les avons rencon-trés, et surmontés. L’énergie pour poursuivre cette aventure, nous l’avons puisée essentiellement auprès de nos collègues, qui ont su nous encourager et nous dire combien ce rendez-vous était devenu important pour eux. Nous attendons maintenant, au bas mot, 800 congressistes, voire 1 000, ce qui n’est pas “une mince aff aire” ! Durant cette décennie, nous avons pu profi ter des travaux et de l’expé-rience des éminents chercheurs dans notre discipline des labo-ratoires MSD France. Nous avons pu apprécier la qualité des travaux d’équipes prestigieuses dans tous

les domaines de la recherche fondamentale, pharmacologique, clinique, colonne vertébrale de nos programmes. On a aussi présenté les travaux les plus innovants en matière de traitement non médi-camenteux. Ce congrès a également accueilli des responsables politiques de premier rang, comme la ministre de la Santé ou les différent (e) s président(e)s de la MILDT, actuel-lement Mildeca, Mission inter-ministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives . Nous avons pu profi ter des débats, parfois animés mais riches, sur la politique et la vie de notre profes-sion, et nous tenons à maintenir cette émulation.

AUDITION PUBLIQUE : UNE PREMIÈRE !

En ce qui concerne le congrès ATHS, qui se tient désormais tous les 2 ans à Biarritz, auquel nous participons tous avec le plus grand bonheur et intérêt, je dirais que cette très importante manifestation a son identité spécifi que et un public très large qui rassemble tout le milieu médico social. Mais nous avons eff ec-tivement vocation à rapprocher tous nos eff orts et cela d’autant plus faci-lement que nous sommes réellement entre amis et que nous partageons la même vision de l’addicto logie et passion de la clinique. Maintenant, notre challenge est de faire en sorte que les jeunes géné-rations d’addictologues s’appro-prient ces agoras, s’emparent de ce carrefour.

été retransmise, du fait de sa faible capacité d’accueil (235 personnes), en direct par le système Oze.tv (moyen-nant connexion au site de la FFA www.addictologie.org). Elle a reçu le soutien de la Mildeca et de la Direc-tion générale de la Santé (DGS), ainsi que l’accompagnement de la Haute Autorité de santé (HAS). L’objectif en était d’élaborer et de promou-voir en France un consensus tant sur le concept que sur les pratiques professionnelles et la reconnaissance de la place des usagers, pour que l’en-semble de la communauté sociale française s’approprie et soutienne une politique envers les conduites addictives axée sur la RdRD. Nous en attendions des “guidelines” pour l’action, pragmatiques, qui rompent véritablement avec l’ère de la pensée morale qui est loin d’être révolue, malheureusement !

Le Courrier des addictions. Quelle en est la méthodologie organisationnelle ?

Amine Benyamina. Le principe de l’audition publique est de mettre en débat un problème de santé faisant l’objet d’une controverse

Le Courrier des addictions. Les 7 et 8 avril, la Fédération française d’addictologie, la FFA, dont vous êtes le président depuis 2015, a organisé une audition publique. Qu’en attendiez-vous ?

Amine Benyamina. Rendons à César ce qui est aux… 2 Alain, Rigaux et Morel, qui ont porté cette initiative sur les fonts baptis-maux. Je n’ai été élu président de la FFA que très récemment, en juin dernier. Cette audition publique, qui a duré 2  jours, avait pour thème : “La réduction des risques et des dommages (RdRD) liés aux conduites addictives”. Alain Morel et moi-même l’avons présidée. Elle a été structurée en 4 parties : la philo sophie d’action − défi nition et enjeux de la RdRD ; les données sur l’impact et les résultats − effi cacité et effi cience de la RdRD ; les nouvelles pratiques − lesquelles développer et en quoi peuvent-elles s’améliorer ; la prévention, les soins et les condi-tions nécessaires au développement de la RdRD − cadre légal, dispositif, évolutions des représentations, etc. Elle s’est déroulée au ministère de la Santé, dans la salle Laroque, et a

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professionnelle et sociale. Un comité d’organi sation prépare un ensemble de questions et organise une réunion publique qui permet à des experts de présenter leur contribution et de dialoguer avec les participants. À partir des contri-butions des experts, de l’analyse préalable des publications dispo-nibles et des échanges survenus au cours de la réunion publique, une commission d’audition indé-pendante rédige ses conclusions et recommandations destinées à éclairer les professionnels de santé mais aussi les pouvoirs publics et l’opinion. C’est, pour faire bref, une version “light” des anciennes confé-rences de consensus, bien trop lourdes à mettre en œuvre . Elle a donc été portée par une société savante, la FFA, avec l’aide métho-dologique de la HAS et le soutien institutionnel de la Mildeca. Elle a donné lieu, comme une conférence de consensus, à l’élaboration de recommandations, par défi nition non contraignantes, publiées dans la revue Alcoologie et Addictologie dont je suis le rédacteur en chef (cf. “Les quinze recommandations de l’Audition publique”, p. 10) .

LES VRAIS PRINCIPAUX RISQUES DU CANNABIS

Le Courrier des addictions. Vous mettez souvent en avant les dangers d’un usage régu-lier du cannabis. Cette drogue est-elle plus dangereuse que le tabac, l’alcool ?

Amine Benyamina. Non, les dangers sont un peu les mêmes, mais en proportions moindres que ceux induits par le tabac, en ce qui concerne les risques pulmonaires ou les risques de cancers : ils sont très bien documentés, comme l’a montré l’expertise Inserm de 2001. Le cannabis entraîne aussi des risques au niveau du système immunitaire, de la fertilité, du foie (fibroses, chez le fumeur régulier), etc. Les vrais principaux risques se situent au niveau individuel : le cannabis est dangereux lorsqu’on en consomme beaucoup, que l’on a des

antécédents familiaux de troubles psychiatriques, que l’on manifeste des signes d’isolement, autant d’élé-ments qui font penser à un potentiel de problème psychiatrique grave… Le cannabis est dangereux lorsque l’on consomme aussi de l’alcool, de l’ecstasy, ou des produits qui vont amoindrir les capacités de discer-nement et de conscience, et qu’on prend le volant ou le cyclomoteur. Il détruit moins les neurones qu’on ne peut le penser, si on le compare au “produit de référence” , de ce point de vue, qu’est l’alcool, qui, comme on le voit et le sait (syndromes de démence…), les détruit réellement. Toutefois, si l’on a tendance à être “ alourdi ”, dans la sédation, plutôt déprimé ou, au contraire, exci-table, hyperthymique, d’humeur plutôt expansive, la consommation abusive de cannabis va renforcer la tendance : le produit exerce ses eff ets sur un corps physique donné, mais aussi sur “un corps psychique” spécifi que . Et, − élément d’impor-tance −, ce qui va surtout faire la diff érence en termes de dangerosité, c’est la quantité et la dose consom-mées. Or, aujourd’hui, circulent des variétés fortement chargées en THC et “pas assez” en cannabidiol, qui en contrecarre l’action. C’est en fonc-tion de ce titrage (qui va, dans de rares cas, de 2 à 3 %, comme dans les années 1970, jusqu’à 20 à 25 % actuellement) que la symptomato-logie va s’exprimer sous la forme d’une paranoïa, d’une sédation, d’un délire, d’une excitation, etc. Toutefois, cela n’augure pas de ce qui va advenir ensuite des personnes qui en consomment. Ce sont chez celles qui demeurent “accrochées” au produit, chez lesquelles s’installera la dépendance, que les problèmes vont se poser. Rappelons que la grande majo-rité des consommateurs a peu de problèmes, mais que, dans 10 % de nos consultations −  ce qui n’est tout de même pas rien ! −, nous avons affaire à des usagers dits “problématiques” : ils ont, a minima, des problèmes d’atten-tion, de mémoire, de concentration, mais aussi, souvent, des troubles psychiatriques à type de dépression, troubles de l’adaptation, voire de psychose (schizophrénie, bipolarité). La dangerosité de cette consom-mation tient aussi à sa précocité : le cerveau des jeunes est plus

vulnérable à la neurotoxicité des substances psycho actives que celui de l’adulte, car son processus de maturation se poursuit jusqu’à 25 ans. L’usage de cannabis durant l’adolescence peut avoir des consé-quences à long terme , lorsque la consommation est importante et régulière. L’adolescence est donc une période critique, d’autant plus que c’est aussi celle de l’expérimen-tation de conduites à risque, celle de tous les dangers, en somme…

Le Courrier des addictions. Il faut donner sa chance au cannabis thérapeutique, déve-loppiez-vous lors d’une inter-view que vous avez accordée à Sandrine Cabut pour Le Monde Sciences, le 9  février 2015 : c’est-à-dire ? Où en est-on avec le nabiximols ? Quelles sont les perspectives thérapeutiques réelles dans ce domaine ?

Amine Benyamina. Oui, il faut donner sa chance au cannabis théra-peutique, voire, au-delà, favoriser une évolution du cadre réglemen-taire de ce stupéfi ant. Malheureu-sement, aujourd’hui, il n’y a pas de volonté politique pour faire “bouger les lignes”, si l’on peut dire ! Nombre de leaders politiques avancent des opinions à l’emporte-pièce, non motivées par des considérations de santé publique ou médicales, assises sur des preuves incontes-tables. Ils sont imperturbablement sourds aux discours scientifi ques. Le nabiximols premier médica-ment en France à base de cannabis, devait arriver dans les pharmacies au début de l’année, pour être pres-crit aux malades atteints de sclérose en plaques. Mais sa vente en a été bloquée par le Comité économique des produits de santé, qui estime que le laboratoire Almirall espagnol qui le fabrique en demande un prix trop élevé. Et pourtant, on y croyait, lorsque, en janvier 2014, il avait reçu son autorisation de mise sur le marché (AMM), puis le feu vert de l’HAS, même si sa commission de transparence considère qu’il n’ap-porte pas d’amélioration du service médical rendu par rapport aux traitements existants ! Les patients et nous, cliniciens, aurions tout à gagner à donner une chance à ce produit, en conduisant des essais cliniques à la bonne posologie, sur

des populations bien ciblées, avec un effectif significatif, selon des standards d’étude de qualité. En fait, les cannabinoïdes comptent parmi ces molécules “maudites”, chargées de préjugés, alors que d’autres médicaments dérivés de stupé-fi ants, tels les anesthésiques à base de molécules proches de la cocaïne ou les antalgiques opiacés, pourtant fortement addictogènes, ne posent (plus) guère de problèmes ! En dehors des effets prouvés des cannabinoïdes sur les contrac-tures musculaires spastiques, leurs vertus thérapeutiques sont connues depuis… la nuit des temps, si l’on en croit, par exemple, un docu-ment médical chinois daté de 2700 avant J.C. qui mentionne le cannabis comme remède contre les douleurs des rhumatismes, de la goutte et du paludisme. Au  e  siècle, avant l’apparition des opiacés, on a utilisé des extraits de cannabis comme antalgiques. Ensuite, le e  siècle a banni ce médicament de sa pharmacopée… Puis, depuis les années 1990, il est ressorti de son “purgatoire” , comme sujet de recherche – les cannabi-noïdes sont des molécules dont l’intervention dans de nombreux processus physiologiques ou patho-logiques, comme l’infl ammation, l’obésité ou le contrôle de fonctions neurologiques, intéresse pas mal de chercheurs dans le monde – et comme agent de modalités de traite-ment, dont certaines sont désormais validées : pour traiter les nausées dues aux chimiothérapies anticancé-reuses et lutter contre les pertes de poids importantes lors de l’infec-tion à VIH (le dronabinol, contenant du THC, et le nabilone , un analogue synthétique de celui-ci, ont été “approuvés” dans ces indications). D’ailleurs, comme vous le savez, le cannabis médical est autorisé dans 24 États des États-Unis . Par  ailleurs, plusieurs essais cliniques ont bel et bien retrouvé des eff ets positifs dans des douleurs chroniques, dues à des cancers, et des maladies neurologiques ou rhumatismales. Mais leurs résultats portent souvent sur un eff ectif limité et demandent à être confi rmés. En ce qui concerne le soulagement des douleurs aiguës, les résultats en sont en revanche décevants. Les cannabinoïdes pourraient aussi avoir une effi cacité dans le

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traitement de certaines épilepsies et des états de stress post-trau-matique. Ainsi, des chercheurs allemands étudient leurs eff ets chez des patients atteints de psychose, d’autres ont observé des propriétés antitumorales, mais seulement chez l’animal. Toutefois, quelques essais sont en cours, notamment chez les patients atteints de tumeurs cérébrales. Comme vous l’avez publié à plusieurs reprises, on a identifi é des récepteurs cannabinoïdes de type 1 dans le cerveau et la moelle épinière, sur des cellules impli-quées dans les voies sensorielles de la douleur. On sait aussi que les récepteurs de type 2, sont surtout portés par les cellules immu-nitaires et permettent de réguler leur réponse. Enfi n, outre le THC, le cannabis contient une centaine de cannabinoïdes, dont les eff ets s’exercent à plusieurs niveaux.

Le Courrier des addictions. On en a aussi étudié les eff ets indésirables et les risques de dépendance ? Qu’en est-il ?

Amine Benyamina. Il s’agit, pour la plupart, d’effets indésirables

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non graves, essentiellement des vertiges, mais aussi des troubles gastro-intestinaux, de la fatigue, des étourdissements et de la som-nolence. En revanche, le risque de dépendance semble faible, les eff ets psychoactifs du THC étant contrebalancés par la présence du cannabidiol qui en est dénué . Malheureusement, les recherches sur ces substances sont bloquées en France, en raison de la loi de 1970, qui confirme le principe de prohibition des stupéfiants, encadre la prise en charge sani-taire des toxicomanes et interdit, par là même, de réaliser des essais cliniques. Résultat : quasiment aucun laboratoire de recherche ne travaille dans ce domaine, hormis une équipe Inserm bordelaise qui étudie les eff ets du cannabis sur le cerveau, mais pas dans un objectif thérapeutique. Certes, encore une fois, on sait que le risque de psychose en lien avec la consom-mation de cannabis est l’un des facteurs à prendre en compte, mais cela ne devrait pas bloquer toute possibilité de faire avancer les travaux de recherche.

F. Arnold-Richez

CRÉATIONDE LA FONDATION POUR LA RECHERCHE EN ALCOOLOGIE

La Fondation pour la recherche en alcoo-logie vient d’être créée, sous l’égide de la

Fondation de France , pour mettre en œuvre un programme scientifi que, conduit par un comité pluridisciplinaire présidé par Marie Choquet , docteur en psychologie, épidémiologiste et directeur de recherche honoraire à l’Inserm. Il a été conçu et sera coordonné et animé par une dizaine de chercheurs de réputation interna-tionale. Il sera mis en œuvre par des équipes de recherche de haut niveau (unités CNRS, Inserm, équipes universitaires, etc.) et se déroulera sur une durée d’au moins 5 ans, période au cours de laquelle seront publiés des résultats inter-médiaires. Ce programme a pour objectif d’étudier les parcours de consommation d’alcool, de l’expé-rimentation à la dépendance (“entrée”) et de la

dépendance à l’abstinence ou à la consomma-tion maîtrisée (“sortie”) , ainsi que les facteurs de risque ou de protection. La première étape a été consacrée à une revue de la littérature, qui dresse un bilan des données nationales et inter-nationales déjà disponibles sur ces questions.

www.fondationrecherchealcoologie.org

ALERTE CONTRE LE PURPLE DRANK

L’agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) dénonce une

nouvelle fois, comme en 2013, le regain de l’ “usage détourné de médicaments et de sirops antitussifs à des fi ns récréatives chez des adoles-cents et des jeunes adultes” , en raison de leurs eff ets secondaires inquiétants, et lance une alerte contre le retour d’une boisson, très en vogue aux États-Unis, et maintenant en France : le cocktail surnommé “purple drank”, en raison de sa belle couleur pourpre, mélange de codéine ,

de prométhazine et de soda . “La consomma-tion à haute dose de ces sirops entraîne des symptômes tels que des troubles de la vigilance (somnolence) et du comportement (agitation, syndrome confusionnel ou délirant) ainsi que des crises convulsives généralisées”, prévient l’ANSM, interpellée par le jeune âge moyen des patients concernés  (15 ans) . À long terme, le cocktail pourpre, déstressant et “planant”, pourrait aff ecter le foie et ouvrir la porte des jeunes consommateurs à d’autres drogues. L’hospitalisation peut parfois être nécessaire, ainsi que l’administration de neuroleptiques. Toutefois , les cas qui lui ont été notifiés concernent non seulement des adolescents, mais encore de jeunes adultes. “Compte tenu de l’augmentation rapide et de la persistance de signalements” , l’ANSM demande aux médecins et aux pharmaciens d’être tout particulièrement vigilants et rappelle que l’abus de médica-ment ou la pharmacodépendance grave sont à signaler au Centre d’évaluation et d’infor-mation sur la pharmacodépendance (CEIP) : www.centres-pharmacodependance.net.

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