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Appropriation et transmission des langues et des cultures du monde: Actes du Séminaire Doctoral International 2012 coordonnés par G. Ziegler, I. Schneider, G. Torresin et A. Simpson La lexicographie bilingue d’apprentissage : Le cas des dictionnaires français- persan The Bilingual Pedagogical Lexicography: The French-Persian Dictionaries Afagh Hamed Hachemi, INALCO - PLIDAM 1 1 Institut National des Langues et des Civilisations Orientales – PARIS Equipe de recherche PLIDAM : Pluralité des Langues et des Identités : didactique, acquisition, médiation email: [email protected]

La lexicographie bilingue d’apprentissage : Le cas des

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Appropriation et transmission des langues et des cultures du monde: Actes du Séminaire Doctoral International 2012 coordonnés par G. Ziegler, I. Schneider, G. Torresin et A. Simpson

La lexicographie bilingue d’apprentissage :

Le cas des dictionnaires français-persan

The Bilingual Pedagogical

Lexicography: The French-Persian Dictionaries

Afagh Hamed Hachemi, INALCO - PLIDAM1

1 Institut National des Langues et des Civilisations Orientales – PARIS Equipe de recherche PLIDAM : Pluralité des Langues et des Identités : didactique, acquisition, médiation email: [email protected]

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Résumé

La lexicographie bilingue français-persan/persan-français n’a jamais été l’objet d’une

étude approfondie et méthodique.

Les dictionnaires français-persan/persan-français traditionnels sont en grande

majorité, des ouvrages anciens, élaborés par les pionniers de la lexicographie

bilingue en Iran, à vrai dire, les traducteurs persanophones qui avaient également un

pied dans l’enseignement traditionnel, mais faute d'être dans le milieu francophone,

ils maîtrisaient le français littéraire et écrit au détriment du français courant, et en

particulier le français parlé.

C’est la raison pour laquelle nous envisageons d’esquisser, à travers de ce travail de

recherche, un dictionnaire d’apprentissage français-persan basé sur la lexicographie

pédagogique dont l’objectif est de répondre aux besoins des apprenants

persanophones de la langue français en Iran.

Pour élaborer un tel dictionnaire, nous nous basons sur le fait qu’un dictionnaire n’est

pas destiné uniquement à ceux qui savent et ont parfois une doute, mais aussi et

surtout à ceux qui sont en train d’apprendre la langue en question. D’autre part, le

rôle d’un dictionnaire n’est pas seulement de renseigner sur le sens des mots,

comme on le pense généralement, mais aussi de renseigner sur les fonctions

grammaticales, et ce pour une simple raison que les variations de forme entraîne

aussi fréquemment des variations de sens.

Un dictionnaire d’apprentissage tient compte de l’évolution de la linguistique et de la

didactique des langues étrangère, ainsi que de l’évolution sociale des deux langues

en question.

Mots-clés: Lexique, lexicographie, lexicographie bilingue, dictionnaire, dictionnaire

d’apprentissage, lexique-grammaire, sémantique, syntaxe, combinatoire, polysémie,

synonymie, apprentissage, didactique des langues étrangères,

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Abstract

The Persian-French/French-Persian bilingual lexicography has never been the

subject of a systematic research.

Traditional French-Persian/Persian-French dictionaries are overwhelmingly, old

books, developed by the pioneers of bilingual lexicography in Iran; in fact, the

Persian translators who also had one foot in traditional education, but lack to be in

the French speaking area, they mastered the French literary and writing to the

detriment of standard French, and particularly, the spoken French.

That is why we plan to sketch, through this research, a French -Persian learner’s

dictionary based on the pedagogical lexicography, which aims to meet the needs of

Persian-speaker learners of French language in Iran.

To develop such a dictionary, we rely on the fact that a dictionary is not intended only

for those who know and sometimes have a doubt, but especially to those who are

just learning the language. On the other hand, the role of a dictionary is not only to

provide information on the meaning of words, as is commonly thought, but also learn

about the grammatical functions, for a simple reason that changes shape also

causes frequent changes in meaning.

A learner’s dictionary reflects the evolution of language and the teaching of foreign

languages, and social development of the two languages in question.

Keywords: lexicon, lexicography, dictionary, bilingual lexicography, learner’s

dictionary semantics, syntax, combinatory, polysemy, synonymy, foreign languages

didactic, learning,

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1. Introduction

Nous nous proposons en premier lieu de présenter quelques dictionnaires bilingues

français-persan; En deuxième lieu, nous proposons des points pour une mise en

norme linguistique des dictionnaires français-persan, en commençant par modifier la

présentation de la macrostructure afin de rendre l’accès aux informations plus

méthodique et plus sûr ; mais également, par proposer une nouvelle organisation de

la microstructure qui permettra d’apporter des solutions aux divers problèmes de

communication auxquels les apprenants du français se trouvent confrontés, non

seulement en essayant de comprendre cette langue à la réception, mais aussi en la

produisant, lors de la mise en discours.

Il nous semble indispensable de commencer cet exposé en mettant l’accent sur le

fait que :

• le persan est une langue indo-européenne mais non pas une langue afro-

asiatique (sémitique).

• Il convient également de préciser que la langue française a un prestige

historique en Iran, et elle a eu un rôle essentiel dans le processus de

modernisation du pays, qui commence par la création des écoles occidentales

ou sur le modèle occidental, où, pour des raisons politiques, la langue

française a été choisie comme langue de l’enseignement.

• Ainsi, nous considérons l’Iran dans notre étude comme un contexte plurilingue

d’apprentissage des langues étrangères vivantes, et écartons les problèmes

liés à la francophonie dans le sens large du terme, car l’Iran est un pays

francophile mais non-francophone.

2. Présentation du projet de recherche

Notre travail de recherche a pour intitulé « conception d’un dictionnaire bilingue

d’apprentissage français-persan », et a pour but d’esquisser un dictionnaire bilingue

d’apprentissage français-persan qui puisse répondre aux besoins des utilisateurs

persanophones, qui apprennent la langue française aussi bien que des traducteurs

et des enseignants, en matière de compréhension aussi bien que d’expression.

Généralement, la plupart des étudiants iraniens n’apprennent la langue française

qu'à l'âge adulte, comme deuxième langue vivante étrangère, après avoir appris

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l’anglais pendant sept ans au collège et au lycée, et ils ne possèdent aucun des

automatismes des francophones qui dès leur plus jeune âge ont assimilé la

spécificité du français comme une évidence.

La lexicographie bilingue français-persan n’a jamais été l’objet d’une étude

approfondie et méthodique, malgré l’importance que l’Iran accorde à l’apprentissage

des langues étrangères, et à la traduction des œuvres scientifiques, technique,

littéraires, historique, etc. depuis le dix-neuvième et le début du vingtième siècle,

suite à la création d’écoles par les occidentaux ou sur le modèle occidental

Titre

Dictionnaire d’étudiant français-persan

Farhang Moaser dictionnaire français-persan

Larousse de poche français-persan

Edition 1ème édition 1999 Téhéran

1ère édition 2001 Téhéran

1ère édition 2004 Ispahan

Rédacteur M. T. Ghiassi P. Lessani M. R. Parsayar Nombre de pages A-Z 604 810 899

Nombre d’autres pages 15 + 17 0 89

Nombre d’entrées lexicales

4500

?

40 000

Nombre d’exemples

A profusion

0

0

Corpus employés 0 0 0 Tableau 1 « Quelques dictionnaires bilingues français- persan »

Les dictionnaires français-persan traditionnels sont en grande majorité, des ouvrages

traditionnels, fruits des travaux solitaires, élaborés par les enseignants

persanophones des écoles françaises en Iran ; à vrai dire, les iraniens francophones

qui traduisaient des œuvres du français en persan, et qui avaient également un pied

dans l’enseignement traditionnel, mais faute d'être dans le milieu francophone, ils

maîtrisaient le français littéraire et écrit au détriment du français courant, et en

particulier le français parlé.

Une étude approfondie des dictionnaires bilingues français-persan nous permet de

relever les problèmes suivants :

• Dans la lexicographie bilingue persane, l’objectif de communication et le

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166

public-cible sont totalement négligés.

• Les entrées paraissent avoir été sélectionnées de manière plus ou moins

arbitraire, et le critère de choix des acceptions demeure souvent obscur,

puisque beaucoup des sens sont ignorés sans être désuets;

• Le manque d'exemples d'usage (mise en contexte), l'absence d'indicateurs

sémantiques (registre de langue) et de champ lexical (technique, science,

médecine, art, littérature, sport, cuisine, …) laisse l'utilisateur persanophone

perplexe quant aux comportements syntaxique et sémantique des unités

lexicales.

Dans l’objectif de nous fonder sur les insuffisances repérées dans les dictionnaires

français-persan, et non pour jeter le discrédit sur ces derniers, nous avons

sélectionné, au hasard, une entrée lexicale polysémique d’un dictionnaire français-

persan:

1. Donateur, Donatrice, n. [حقوقی ]ھھھهبھه کنندهه٬، ووااھھھهب )ااھھھهدااکنندهه ٬، ددھھھهندهه بب ) االف]

2. Donneur, Donneuse, n. لو ددھھھهندهه ٬، خبر چیين ٬، جاسوسس )ددھھھهندهه بب )االف

Dans les deux entrées, l’auteur propose le même équivalent ددھھھهنددهه, sans indiquer le

champ lexical, et sans éclaircir la nuance à laide d’exemples, qui jouent à la fois un

rôle pédagogique et culturel.

Il nous semble plus logique de présenter cette entrée sous la forme suivante :

1-Donateur, Donatrice, n.

دداارراایيی٬، ثرووتت ] ااھھھهداا کنندهه[ Dans ce musée, il y a quelques tableaux au nom d’une généreuse donatrice.

ددرر اایين موززهه٬، چندیين تابلو اازز سویی یيک بانویی سخاووتمند ااھھھهداا شدهه ااست.

2- Donneur, Donneuse, n. االف[پزشکی ] ددھھھهندهه

Donneur de sang ددھھھهندۀۀ خونن Donneur de moelle ددھھھهندۀۀ مغزِ ااستخواانن

داا کنندهه بب [ ااعضایی بدنن] ااھھھه Le cœur a été pris sur le corps d’un donneur tué dans un accident de voiture.

قلب رراا اازز جسد ااھھھهدااکنندهه اایی کھه ددرر سانحۀ ااتومبیيل کشتھه شدهه بودد٬، برددااشتند.

)پپ خبرچیين ٬، جاسوسس Je ne suis pas un donneur (mouchard).

من خبرچیين نیيستم.

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Comme nous le constatons sur ce schéma que la lexicographie bilingue français –

persan, comme toute autre lexicographie bilingue conventionnelle, constitue un

système de mise en relation d’un item lexical appartenant à une langue source avec

un ou plusieurs items lexicaux d’une langue cible, par un rapprochement uniquement

basé sur le sémantisme.

Les présupposés linguistiques de la lexicographie conventionnelle

Basée sur l’axe paradigmatique uniquement ↓

Excluant des possibilités de combinaisons de ces items de Ls et ceux de Lc sauf dans les expression figées

↓ Les équivalents traductifs d’une unité polysémique en Lc

ont pour base principale la sémantique

La syntaxe n’y joue aucun rôle

Schéma 1 « Les présupposés linguistiques de la lexicographie conventionnelle »

Lépinette (1996: 54) fait bien remarquer le fait que « le dictionnaire bilingue

traditionnel suppose d’une manière toute aussi implicite, l’existence d’une

organisation lexico-sémantique en langue source fondamentalement parallèle à celle

de langue cible. Cette mise en regard des deux unités lexicales appartenant à deux

langues différentes concerne uniquement l’axe paradigmatique et exclue la prise en

considération des possibilités de combinaisons de ces items de langue source et

langue cible dans des phrases ou dans des syntagmes, sauf dans le cas particulier

des constructions figées. »

De même, on ne peut pas manquer de constater que dans la lexicographie bilingue

français-persan, les environnements et les constructions sont rarement présents, et

quand ils le sont, ils apparaissent toujours en tant qu’un simple élément secondaire

Une organisation lexico- sémantique

De la langue source

Une organisation lexico- sémantique

De la langue cible

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de la description sémantique. Ainsi, l’organisation des différents équivalents

traductifs en langue cible d’une unité polysémique de langue source sont basés

principalement sur la sémantique, et la syntaxe n’y joue aucun rôle, les informations

syntaxico-grammaticales sont totalement exclues de l’article de dictionnaires

bilingues persans.

La phraséologie exemplificatrice qui constitue la véritable richesse d’un dictionnaire

est absente des dictionnaires bilingues persans même les plus récents. Nous

rappelons que la présence d’un exemple permet d’illustrer de manière appropriée un

fait grammatical même banal (par exemple un pluriel irrégulier), ou bien d’articuler le

champ sémantique d’un mot de façon à en dégager toute les valeurs jusqu’aux

nuances les plus subtiles (Ibrahim, 1989: 83).

A travers des exemples, on a également la possibilité de transmettre des

informations de type encyclopédique ou culturel, et de faire découvrir aux apprenants

la mentalité et les croyances de la communauté qui la parle.

Mais aux exemples indispensables viennent s’ajouter toutes les locutions, toutes les

expressions idiomatiques et les constructions figées qui caractérisent une langue en

montrant ce qu’elle a de plus spécifique. La langue parlée, en particulier, est riche en

locutions et expressions qui sont rarement consignées dans des textes, et qui

risquent fort de ne jamais être connues en dehors de la communauté en question.

Dans la mesure où le permettent les restrictions d’espace imposées au lexicographe,

il convient d’introduire dans la phraséologie un maximum de locutions et

d’expressions en usage dans le langage courant.

Concernant le registre de langue, les auteurs de dictionnaires monolingues et

bilingues sont d’accord sur la nécessité de préciser le registre de langue dont relève

un mot, une acception ou une locution. Cette indication, fort utile lorsqu’il s’agit de sa

propre langue qu’on ne connaît jamais assez bien, devient indispensable lorsqu’on

apprend une langue étrangère (Ibrahim, 1989: 83).

Or, le dictionnaire de langue est ainsi défini dans le dictionnaire de linguistique

comme « un objet culturel qui présente le lexique d'une (ou plusieurs) langue sous

forme alphabétique [ou analogique] », en précisant qu’ « il fournit sur chaque terme

un certain nombre d'informations (prononciation, étymologie, catégorie grammaticale,

définition, construction, exemples d'emploi, synonymes, idiotismes ; ces informations

visent à permettre au lecteur de traduire d'une langue dans une autre ou de combler

les lacunes qui ne lui permettaient pas de comprendre un texte dans sa propre

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langue. Et lui permettra de produire dans la langue en question » (J. Dubois,

Larousse, 1994: 146). Cette définition a l'avantage d'englober à la fois les

dictionnaires monolingues et bilingues et de nous montrer clairement leur utilité.

Ou plus généralement, « Les dictionnaires de langue ont pour objectif prioritaire

d’apporter des informations sur le mot, c’est-à-dire, sur sa nature et son genre

grammatical, sur sa forme graphique (orthographe) et sonore (prononciation), son

étymologie, ses divers sens, ses valeurs expressives, son mode d’emploi, son degré

de spécialisation, son appartenance à tel ou tel registre de langue, mais également

ses relations avec d’autres mots» (Pruvost, 2006: 125).

Il convient de préciser que l’élaboration d’un dictionnaire de langue implique tout

d’abord de définir le type de lecteur auquel s’adresse le dictionnaire et, par

conséquent, le type de questions auxquelles les lexicographes doivent fournir des

réponses.

Dans le cas des dictionnaires bilingues, il ne faut jamais perdre de vue que :

• l’utilisateur moyen d’un dictionnaire bilingue possède, au mieux, une

compétence de locuteur natif uniquement dans une seule des deux langues

en question, et qu’il sera, en toute probabilité, à la recherche des usages

prototypiques « normales », des informations sur le plan paradigmatique et

syntagmatique plutôt que des usages « anormaux » et « déviants ». (Szende,

2006: 112)

• le dictionnaire bilingue n’est pas un ouvrage destiné uniquement à ceux qui

savent et qui ont parfois un doute, mais aussi et surtout c’est un outil

indispensable à ceux qui sont sur la voix d’apprentissage d’une langue.

• le rôle d’un dictionnaire n’est pas seulement de renseigner sur le sens des

mots, comme on le pense généralement, mais aussi de renseigner sur les

fonctions grammaticales et syntaxiques car les variations de forme entraînent

aussi fréquemment des variations de sens (Ibrahim, 1989: 82). Ces

informations sont d’autant plus importantes quand il s’agit de production ou

d’encodage en langue cible.

Et dans le cadre de notre travail, il faut bien ajouter l’objectif d’apprentissage. Un

dictionnaire d'apprentissage a comme mission principale d'apporter une solution aux

divers problèmes de communication auxquels les apprenants se trouvent confrontés,

non seulement en essayant de comprendre une langue étrangère à la réception,

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170

mais également en la produisant, lors de la mise en discours. Les apprenants du

français langue étrangère ne possèdent aucun des automatismes des francophones

qui dès leur plus jeune âge ont assimilé la spécificité du français comme une

évidence. Par conséquent, ce type de dictionnaire doit fournir à la fois toutes les

informations morphologiques, sémantiques, syntagmatiques, syntaxiques,

paradigmatiques et pragmatiques dont ces apprenants ont besoin. Comme le fait

remarquer Schneider pour l'apprenant d'une Langue Etrangère Seconde (LES) rien

n'est prévisible, rien ne va de soi (1998: 73).

Or, il existe une convergence des préoccupations entre l'approche du lexicographe et

celle du professeur de LES, mais la divergence entre deux domaines de recherches

sur l'apprentissage et l'enseignement du vocabulaire et de l'autre qui portent sur la

lexicographie, est frappante.

Le lexicographe qui veut pratiquer avec succès la lexicographie pédagogique se doit

de son côté didacticien. Pour bien sélectionner, organiser et présenter le vocabulaire

à la fois sur le plan linguistique et conceptuel, il lui faut bien connaître les besoins

réceptifs et productifs et les difficultés des apprenants, avoir une idée de processus

d'acquisition du vocabulaire et savoir comment le vocabulaire s'enseigne.

3. Le type de dictionnaire

Notre travail consiste à esquisser un dictionnaire d'apprentissage bilingue français-

persan qui fixe explicitement son objectif de favoriser l'acquisition du lexique français,

dans un milieu non-francophone, à travers des comportements syntaxiques et

sémantiques liés à son fonctionnement, en sélectionnant les informations et les

exemples, et en les organisant de manière à faciliter l'intégration et l'apprentissage

du lexique, aussi bien à l'encodage qu'au décodage.

Nous justifions notre démarche en mettant l’accent sur l’inadéquation des

dictionnaires de la langue maternelle pour un public d’apprenant du français langue

étrangère.

Nous nous joignons à Binon, Verlande et Selva (1999: 453), qu’en tant que

lexicographe, il importe d'être à la fois lexicographe et enseignant. Il faut être

plurilingue, avoir une idée de la notion d’ « apprendre une langue étrangère »,

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connaître, autant que possible, la langue maternelle des apprenants, les

interférences potentielles, les besoins et difficultés de son public.

Dans ce modèle, nous mettons l'accent sur le rôle de la syntaxe dans l’apprentissage

du lexique afin de mieux distinguer les différentes acceptions d'un vocable, et le rôle

des exemples authentiques pour illustrer leur utilisation.

4. Processus en production en langue étrangère (LE)

Dans chaque processus de production en langue étrangère, il y a une idée à

exprimer et à formuler. Pour cela, le locuteur non-natif possède déjà des ressources

lexicales plus importantes en langue maternelle, mais également des ressources

lexicales en langue étrangère, et à partir de ces ressources lexicales et de ses

connaissances grammaticales, il est sensé de produire des phrases non seulement

correctes de point de vue grammatical mais acceptables pour les locuteurs natifs de

la langue concernée. C’est à ce stade que le dictionnaire de langue devient un outil

d’apprentissage indispensable qui doit proposer toutes les informations nécessaires

à l’encodage qui elle-même se réalise en deux étapes :

1. Identification des mots justes qui relève des rapports paradigmatiques ;

2. Organisation de l’énoncé à partir d’une mise en contextes des mots identifiés,

qui relève des rapports syntagmatiques mais aussi de la combinatoire lexicale.

Il est à souligner que pour présenter le complément d’information dans un

dictionnaire d’apprentissage, le lexicographe n’est pas toujours tenu à une

présentation en style télégraphique, et peut le varier selon les types de classes

grammaticales traitées, pour la simple raison que l’analyse sémantique ne peut pas

être coupée de l’approche distributionnelle et que les signifiés sont intimement liés

aux possibilités combinatoires du signe. Après un verbe, par exemple, cette

information peut consister en une série de substantifs désignant la personne ou la

chose qui subit l’action. (Szende, 2000: 78)

De même, il existe des unités de langue qui sont seulement traductives si elles sont

intégrées dans une phrase. Par exemple, « la construction du sens d’un adjectif

consiste à le situer sur le plan référentiel, puisque l’adjectif ne possède pas

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d’existence référentielle autonome (Riegel, 1993). Par exemple la propriété d’être

froid ne peut être définie sans savoir s’il s’agit d’un café froid, d’un homme froid ou

d’un accueil froid. Cette première étape se fait par l’attachement d’un adjectif à un

type de propriété et, par la suite à un ensemble qui en découle. »

(IzabellaThomas, http://www.atala.org/doc/JE_050312/Lexsynt-Thomas.pdf)

Dans le cadre d’une lexicographie bilingue, il est possible de renouveler les bases

lexicographiques conventionnelles avec l’analyse syntaxique contrastive ; « dans ce

cadre d’analyse, les unités de langue source sont considérées en tant qu’éléments

intégrés dans une phrase susceptibles de se distinguer par leur comportement

syntaxique plutôt que par leur contenu sémantique. Dans ce cas, les critères de

distinction des sous-unités lexicographiques traductives sont des caractéristiques

syntaxiques différenciées dans chaque cas, et l’unité d’équivalence lexicographique

traductive est la phrase entière (libre ou figée) qui inclut cette unité » (Lépinette,

1996 :60).

Prenons cette phrase :

• Max Abat l’arbre / l’avion / le bœuf

dans lequel « abat » aura trois phrases comme équivalents traductifs en persan :

قطع می کند. رراا ددررخت ماکس سرنگونن می کند. رراا ھھھهوااپیيما ماکس ذذبح می کند. رراا گاوو ماکس

Un utilisateur qui recourt au dictionnaire doit avoir toutes les données indispensables

pour réaliser l’opération de traduction. Il ne doit pas avoir à choisir à l’aveugle entre

plusieurs équivalents proposés en masse. S’il y a plusieurs équivalents traductifs

proposés en face de la même entrée lexicale, le dictionnaire ne facilite qu’en partie le

processus de traduction. La condition idéale est la présence d’un équivalent unique

en face de chacune des sous-entrées, et une mise en correspondance sans

équivoque.

La perspective contrastive du dictionnaire suppose que l’analyse des sous-entrées

d’un vocable de langue source ne se base pas uniquement sur des schémas

syntaxiques des phrases dans lesquelles il peut être inclus. Il faut tenir compte d’un

autre critère qui est l’organisation lexico-sémantique de la langue cible. « Dans un

dictionnaire bilingue, l’analyse des termes doit être basée dans une perspective,

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s’écartant de l’analyse de sens que celles qui se dégagent dans les dictionnaires

monolingues. Des sens voisins peuvent ne pas être séparés dans les dictionnaires

monolingues et, inversement, des distinctions monolingues peuvent également

paraître inutiles dans le bilingue. Si, dans le cas de termes initialement

monosémiques, le traducteur n’aura a priori pas de difficulté de lecture et

d’identification, le choix pour sa traduction peut lui réserver des surprises » (Szende,

2000 : 74).

Schéma 2 « L’information sémantique en lexicographie bilingue persan - français »

A titre d’exemple, l’entrée pust (la peau) fait l’objet d’un article réduit dans le

dictionnaire monolingue persan. Cette entrée, pour le lecteur du dictionnaire

monolingue, ne pose pas de problème de compréhension, il s’agit de :

1. la peau (homme, animal)

2. l’enveloppe de certains fruits et légumes et produits alimentaires

Page 14: La lexicographie bilingue d’apprentissage : Le cas des

174

Mais, une fois transposé dans l’univers de lexicographie bilingue persan - français,

l’article consacré à pust nécessite une organisation sémantique infiniment plus

élaborée concernant sa deuxième acception.

Comme nous le constatons dans ce schéma, à partir d’une entrée lexicale

monosémique dans le dictionnaire monolingue, le dictionnaire bilingue découpe la

réalité extérieure de manière à discerner des subdivisions sémantiques là où il n’y en

avait pas à l’origine, et on est en face d’une déstructuration de signifiés, selon

Szende (2000: 75) dans le sens persan-français.

Schéma 3 « L’information sémantique en lexicographie bilingue français - persan »

Pour réaliser ce schéma, je me suis basée essentiellement sur l’article de Szende

Th., « L’information sémantique en lexicographie bilingue (hongrois-français) » dans

Dictionnaire bilingue, méthodes et contenus, 2000 : 74.

Cette entrée présentée dans le dictionnaire bilingue persan-français de la manière

suivante laisse l’utilisateur perplexe devant plusieurs équivalents présentés en

masse qui ne sont pas pourtant interchangeables. Or, l’un des principaux problèmes

rencontrés par l’apprenant d’une langue étrangère est de savoir faire la distinction

entre des mots de la langue étrangère dont le sens est très proche sans toutefois

être identiques, en particulier lorsque ces mots n’ont pas d’équivalents exacts dans

sa langue maternelle.

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Il peut y avoir également une restructuration des signifiés de la langue source selon

les impératifs de la langue cible. C’est le cas de liens de parenté en persan et en

français.

Il est à remarquer que si une telle construction conceptuelle porte un nom et en

quelque sorte est solidifiée par un nom, elle prouve l’intérêt que lui porte la

communauté linguistique, alors que telle autre ne peut s’exprimer que de façon

analytique et indirecte (Szende, 1996).

Un dictionnaire bilingue traditionnel comme les Dictionnaires français-persan propose

la même traduction ou équivalent en persan pour deux ou trois mots en français sans

apporter aucune précision qui montre que ces mots ne sont pas interchangeables.

De ce fait, l’apprenant persanophone qui a à consulter l’un des dictionnaires persan-

français/français-persan, dès son premier recours à cet outil indispensable et

irremplaçable, se trouve face à une liste parfois très longue d’équivalents répétitifs

proposée en masse. La difficulté est d’autant plus grande que, dans une

lexicographie qui n’est pas basé sur le corpus, l’ordre de proposition des équivalents

est intuitif, et ne peut aider en aucune manière l’apprenant ni à trouver l’équivalent

exact du mot en question, ni à le sensibiliser aux nuances sémantiques, ni à sa mise

en contexte syntaxique.

Une production correcte et appropriée nécessite :

• sur le plan paradigmatique, une maîtrise sémantique parfaite de l’unité lexicale

ainsi que ses relations avec d’autres unités : synonymie, antonymie,

hyponymie, etc. ;

• sur le plan syntagmatique, une maîtrise des propriétés syntaxiques et

combinatoires lexicales.

5. Conclusion

En partant de ce principe, nous envisageons de proposer une nouvelle organisation

pour un dictionnaire bilingue français-persan, pour en faire un outil fiable

d’apprentissage, en nous nous basons sur les points suivants relevés par Binon

Verlinde et Selva:

Page 16: La lexicographie bilingue d’apprentissage : Le cas des

176

1. « Pour le locuteur natif, tout va de soi, tout est évident et prévisible grâce à

son intuition langagière, et sa bonne capacité inférentielle, prévisionnelle mais

aussi grâce à son exposition à la langue et sa pratique permanente », tandis

que pour les locuteurs non-natifs et « les apprenants d’une langue étrangère

rien ne va de soi, rien n’est prévisible » ; cela est dû à son « intuition faible ou

absente, sa faible capacité inférentielle, prévisionnelle mais le plus important

faute d’être en contact permanent, c’est d’avoir une pratique limitée et

intermittente ».

2. Les utilisateurs non natifs et les apprenants d’un dictionnaire bilingue sont à la

recherche des caractéristiques essentielles, et des régularités de la langue,

tandis que les natifs consultent souvent un dictionnaire de langue maternelle

pour y trouver les particularités de la langue.

3. Un dictionnaire bilingue n’a pas seulement pour objectif de répondre aux

questions de décodage et compréhension; Il est le plus souvent consulté pour

faciliter l’encodage et la production de la langue étrangère concernée ; donc, il

doit être considéré comme un outil d’« (auto-)apprentissage, et son

organisation, au niveau de la macrostructure ainsi que la microstructure, doit

être basée sur cette fonction. Cela nécessite la réduction des entrées lexicales

au profit d’une microstructure plus riche en informations qui propose « moins

de sens » et s’organise plutôt autour « des définitions descriptives,

différenciation des synonymes (avec une approche distinctive, contextuelle,

contrastive), un nombre limité des expressions mais très riche en

collocations ». (Binon, Verlinde et Selva, Influences internationales sur la

lexicographie pédagogique du FLE, http://www.virom.be/pdf/034lexico.pdf)

En nous basant sur les faits indiqués ci-dessus, et avec notre expérience

d’apprenant du français langue étrangère dans un milieu non francophone comme

l’Iran, nous sommes convaincue que les dictionnaires de langue maternelle, ne sont

pas appropriés pour servir de base aux dictionnaires bilingues, car ils s’organisent,

généralement, autour d’ « un nombre d’entrées lexicales considérable et chaque

entrée propose beaucoup trop de sens, et des définitions de type encyclopédiques,

accumulations des synonymes sans les différencier et un grand nombre

d’expressions » qui ne facilite certainement ni la compréhension ni la production de

la langue en question (Binon, Verlinde et Selva).

Page 17: La lexicographie bilingue d’apprentissage : Le cas des

Appropriation et transmission des langues et des cultures du monde: Actes du Séminaire Doctoral International 2012 coordonnés par G. Ziegler, I. Schneider, G. Torresin et A. Simpson

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Nous nous joignons à Binon, Verlinde et Selva (éla, n°116, 1999 :227) que « pour

pratiquer une lexicographie pédagogique au service des apprenants et pour réaliser

des dictionnaires d’apprentissage susceptibles de les aider vraiment à résoudre leurs

problèmes de communication. Ainsi, il importe d’intégrer de façon critique les

acquisitions les plus récentes de la lexicographie internationale.

Il faut oser s’affranchir des modèles et des procédés existants, s’aventurer hors des

sentiers dictionnairiques battus, innover, voire même oser jouer un rôle de pionnier ».

5. Bibliographie

1. Binon J., Verlinde, S. (1999). La contribution de la lexicographie pédagogique

à l’apprentissage et à l’enseignement d’une langue étrangère ou seconde.

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2. Binon, J., Verlinde, S. et Selva, T. (2001). Lexicographie pédagogique et

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ou seconde (FLES). Un mariage parfait. Dans Cahiers de lexicologie 1,

(2001), revue internationale de lexicologie et lexicographie, publiés par

l’Institut de linguistique française (CNRS), 78, 41-63. Paris : Honoré

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3. Binon et J., Verlinde, S. et Selva, T. Influences internationales sur la

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10. Grundy, V. (1996), L’utilisation d’un corpus dans la fabrication des dictionnaires

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