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La Linguistique Fonctionnelle || Variantes et homonymies affixales. Le cas du français dé-

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Variantes et homonymies affixales. Le cas du français dé-Author(s): Jeanne MartinetSource: La Linguistique, Vol. 21, Fasc. 1, La Linguistique Fonctionnelle (1985), pp. 239-250Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248960 .

Accessed: 14/06/2014 07:53

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VARIANTES ET HOMONYMIES AFFIXALES

LE CAS DU FRANCAIS DE-

Jeanne MARTINET

Ecole pratique des Hautes Etudes

Un problkme crucial, dans toute recherche scientifique est celui de l'identification des unites livrdes par l'analyse. Au niveau de la premibre articulation linguistique, ces unites sont des << signes >>, mon6mes ou synthbmes. Un signe, c'est, faut-il le rap- peler, une united deux faces, designdes depuis Saussure comme le

signifiant et le signifid. L'identitd d'un signe reside donc dans

l'identitd de forme et de contenu de l'une et l'autre de ces faces et l'on pourra dire qu'on a affaire a des occurrences d'un meme signe lorsque, A une meme sequence phondmatique, on pourra attribuer

se se un meme contenu axiologique, selon la formule -= : une

sa sa ricolte de piches, une compote de piches, le veloutd de la piche.

Or, la langue nous reserve des embiches, et il arrive qu'un meme signifiant manifeste des signifies diffhrents : il va i la piche au thon. Cet accident a recu le nom d'homonymie. On peut le

schimatiser ainsi se #s2. A premiere vue, l'homonymie n'est

sa sa

qu'inconvenients. Elle nuit au bon fonctionnement de la commu- nication; elle est source d'ambiguitd, de malentendu. De quoi a-t-on parld lorsqu'on a dit : /ia n don pa ger d se ver/, d'un

potme ininteressant ou de recipients trop fragiles pour le service des boissons ? Sans doute, l'orthographe s'est-elle ingenide A diver- sifier les formes dcrites : vers dans un cas, verres dans l'autre. Mais il est des cas o0 les formes dcrites elles-memes sont identiques : fraise (des bois), fraise (du dentiste), fraise (de veau). Toutefois, La Linguistique, vol. 21, 1985

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dans la mesure oh ces formes appartiennent a des spheres d'acti- vita humaine ou '. des champs notionnels suffisamment iloignis, les risques d'ambiguite sont minimes, voire nuls. Peu nombreuses sont les phrases oh fraise serait sujet a ambiguit6 comme dans : La belle fraise! Peu de chances, d'ailleurs, pour que l'ambiguit6 se maintienne, soit en situation, soit dans un contexte plus large. Pas d'ambiguite en tout cas, lorsque les homonymes appartiennent

a. des classes syntaxiques diffdrentes : la bofte, il boite.

L'homonymie ne presente d'ailleurs pas que des inconvenients. On peut considerer qu'il est economique d'utiliser une meme forme dans plusieurs emplois bien distincts. Beaucoup de sujets s'accommodent mieux d'une homonymie que d'une distinction

trop minime, ce que manifeste le phenombne d'attraction paro- nymique. Enfin, l'homonymie a une fonction ludique de premier ordre; elle est source de faceties et de mystification. Les histoires de sosies font toujours la joie du public et les homonymes sont des sosies linguistiques.

A l'inverse de l'homonymie, on constate l'existence de signi- fiants diffirents pour manifester un meme signifi6. C'est ce que

se l'on appelle la synonymie : - . Ainsi, pour le sujet moyen,

sa1 sa2 parfum et senteur, designant l'un et l'autre une odeur agreable, sont

synonymes. Pourtant cette synonymie n'est pas totale, car senteur, en principe, s'applique 'a des odeurs naturelles, parfum Ba des odeurs artificielles resultant d'une fabrication par l'homme. Mais, soit par ignorance, soit par glissement rhetorique, les deux sont fr&- quemment employes l'un pour l'autre : on parlera du parfum d'une rose et des senteurs de Chamade ou de Ma griffe. L'appriciation d'une synonymie est donc affaire ddlicate, car s'il est relativement facile d'dtablir l'identite ou la non-identitd de deux sequences phonematiques, parce que, justement, elles sont manifestes, il n'en va pas de meme pour la valeur semantique, non manifeste, qu'il nous appartient de decouvrir sous la face signifiante. La question se pose d'ailleurs de savoir ce que l'on doit entendre par identitd des

signifies et ce que recouvre ou doit recouvrir le terme de signifie. En effet, le signifi6 ne doit pas etre limite ' la designation d'un meme

type de ref'rents : seraient synonymes des monbmes ayant meme << denotation >, mais autres << connotations >, mais il comporte egalement des traits trop souvent portis au compte des << conno- tations >> et qui relRvent, soit de la fonction notificative (indication

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d'un niveau de langue, caracterisation du locuteur), soit de fonc- tions affectives (jugement porte implicitement sur le refdrent). Vdlo et bicyclette, qui peuvent designer un meme moyen de loco- motion, ne sont pas << synonymes >>. Ou bien un locuteur emploie l'un a l'exclusion de l'autre, et cet emploi le caracterise, ou bien il emploie les deux indistinctement et alors, et alors seulement, on peut parler de synonymie; ou bien encore il choisit entre l'un et l'autre en fonction de critbres essentiellement socio-culturels, de sorte que vilo et bicyclette n'appartiennent pas reellement au meme systeme. On ne dira pas davantage quefrtre etfrangin, nez et tarin sont synonymes.

On distinguera, des synonymes, les variantes de signifiant. Il y a variante de signifiant lorsqu'un meme monlme apparait regu- li'rement sous des formes diff6rentes selon le contexte syntaxique oh il se trouve. Ainsi, le moneme de valeur << aller >> connait les variantes all-, i-, va dont la presence est conditionnee par l'asso- ciation de ce moneme avec telle ou telle modalitei verbale de temps et de mode ou de personne. L'identit6 du mondme a travers ses avatars est mise en evidence du fait des rapports proportionnels qu'on peut etablir, par exemple, entre

je chante je vais je chante je vais nous chantons nous allons je chanterai j'irai

Il n'y a aucune modification des traits axiologiques constitutifs du signifid d' << aller >> quelles que soient les modalitis verbales qui constituent son contexte. De meme, l'amalgame des mon~mes ablatif et pluriel en latin ne change pas de valeur, qu'il apparaisse sous la variante -is dans rosis ou la variante ibus dans urbibus.

La question se complique encore du fait qu'une meme forme peut &tre homonyme d'une autre et synonyme d'une troisitme.

Les phenomenes d'homonymie et de synonymie, bien identifies au niveau du lexique, se rencontrent aussi en grammaire, par exemple dans les indicateurs de fonction : homonymie pour a' avec valeur << locative > dans II habite & Marseille et valeur << dative > dans II donne a sa sreur, synonymie pour de et par avec meme valeur << agent >> dans Il est aim6 de ses parents, II est aimd par ses parents.

On les rencontre egalement en synth6matique, dans le cas des affixes. Une fagon de resoudre le probleme est d'operer avec la

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notion d'affixeme1, qui permet de rejeter celle de synonymie affixale. Encore faut-il arriver a determiner les conditions d'appa- rition de telle ou telle rdalisation de l'affixbme dans chaque cas.

En matibre de premiere articulation, la linguistique fonction- nelle s'attache 'a degager des unites axiologiques, abstraction faite des accidents formels qui rel6vent de la morphologie. Toutefois, comme << le signifiant est la pour manifester le signifi >>, ainsi

qu'Andre Martinet se plait a le ripeter, il n'est pas illkgitime, dans la recherche, de partir du manifeste - une sequence phonematique manifeste - pour atteindre le signifie, non manifeste.

Mon attention a ete retenue par la forme prifixale dd-, en

frangais, A propos du verbe dicoucher, que l'on ne saurait faire

faire coudre entrer dans une proportion du type faire - a une defaire dicoudre

valeur << antonymique >>, le derive indiquant un procs inverse du simple. Dicoucher n'est pas un procs inverse de coucher comme dicoudre l'est de coudre, mais il veut dire << coucher ailleurs >>, I'anto- nyme de coucher etant lever : elle a couchi, puis levd l'enfant, mais son mari a ddcouchl. On note, en outre, la difference de comportement syntaxique de coucher, transitif ou pronominal et compatible, sans

complement, avec une fonction locative : II a couch6 i l'hotel, et de dicoucher, intransitif, employe seul ou compatible avec une fonction ablative; II a dicouchk de chez sa mere. Dans la mesure oui l'on reconnait, malgr6 tout, qu'une meme valeur de coucher s'est main- tenue dans le derive, on doit bien reconnaltre deux valeurs diff&- rentes au di- de dicoucher et A celui de dicoudre. Ces deux valeurs semblent difficilement reductibles l'une a* l'autre. Doit-on alors

poser, synchroniquement, homonymie ou polysimie, et sur quelles bases ?

Je me suis propose alors, en partant d'une etude de dl-, de determiner comment il convient de procider pour s'assurer dans le cas d'un prefixe, que l'on a bien affaire "a une meme unite - un meme signifiant correspondant a un meme signifie - ou a deux, un meme signifiant renvoyant h. deux ou plusieurs signifies dis- tincts. En d'autres termes, reconnait-on l'appartenance d'un signifiant, ici di-, A un seul prefixeme ou a des prefixbmes diff&- rents ? Dans le cas du prdfixbme unique, quelle latitude de varia-

i. Sur cette notion, on se reportera, ci-dessus, ' la contribution ' ce volume de

Thierry Debaty-Luca intitulee << Pour une analyse fonctionnelle des systemes d'affixes.

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tion autorise-t-on au signifid, quel champ de dispersion lui recon- nait-on ? Dans quelle mesure cette variation est-elle imputable au contexte ? Nous n'avons pas le loisir de rdpondre ici en d6tail A ces questions.

Enfin, A supposer qu'on soit amend considerer di-, dans telle ou telle de ses valeurs, comme une variante d'un prdfixbme suscep- tible de se manifester sous d'autres formes, il conviendra d'etablir les conditions d'apparition de cette variante, tout comme on le fait, en phonologie, pour un phoneme, Ceci demandera une etude

particulibre. L'enseignement de la phonologie nous invite Ba rechercher les

reseaux d'oppositions dans lesquels s'intbgre une unite, afin d'eta- blir le faisceau de << traits >> qui permette de la definir et de

l'identifier. Ceci pose la question du cadre d'analyse et du contexte dans lequel peut s'effectuer l'operation de commutation sur laquelle se fondent les oppositions.

L'identite d'une unite de premiere articulation, monme ou

synthbme, se definit par son signifie d'une part, par sa classe et son comportement syntaxiques, d'autre part. Ceci est aussi vrai des modalitis que des mondmes lexicaux. Qu'en est-il des affixes ?

Un affixe a pour fonction la creation d'une nouvelle unite de

premiere articulation 'a partir d'une base existante. II s'agirait donc, essentiellement, d'un enrichissement du lexique, et l'on serait dans le domaine de l'axiologie. Pourtant, il s'y ajoute des

implications syntaxiques. Ceci est clair pour les suffixes, dont beaucoup permettent d'abord d'operer des transferts de classe, sans

qu'il y ait ndcessairement modification axiologique, ainsi lavage, a partir de (il) lave. La chose est moins evidente pour les prefixes qui, en principe, n'entrainent pas de changement de classe : pur et impur sont tous deux des adjectifs. Toutefois, il est frequent de constater une difference de comportement syntaxique entre le

simple et le derive prefixal (cf. ci-dessus, p. 242). Si cette diff&- rence peut tre portee au compte du prffixe et de lui seul, si, en outre, elle se retrouve dans un certain nombre de paires simple- pr'fix", elle devra Atre retenue comme constituant un des traits definitoires du prffixe en question. Si une meme forme signifiante entraine des comportements syntaxiques diffdrents, on sera autoris6 A y voir le representant de deux unit6s diffdrentes, ce qui per- mettra de trancher la question Un ou deux prefixes ? Mais on pourra aussi estimer necessaire, pour poser deux unitts, que cette

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difference syntaxique se double d'une difference axiologique constante.

Si le prifixe est tenu pour responsable des comportements syntaxiques propres au derive, ceci implique qu'on ne pourra se satisfaire du syntheme comme cadre d'analyse, mais qu'il faudra l'tudier dans un contexte plus large, soit celui qui sert de cadre

F l'analyse mon'matique en g'n'ral : la phrase. Pour m'en tenir strictement a la comparaison de ce qui est

comparable, j'ai etudi6 initialement des unites appartenant A une m6me classe syntaxique, les verbes commengant par di-, soit

quelque 570 entrees du Petit Robert, exclusion faite de ceux o0 ce d&- appartient 'a un autre mondme, confixe ou base, tels dicimer, dicorer, dicupler, didier, didicacer, defier, disirer, etc. Il n'y a pas de verbes comportant les confixes dica- (dicamitre) et dici- (dicilitre), dicimer n'etant pas analysable synchroniquement selon un moddle de confixation.

Un certain nombre de ces verbes, une centaine, que j'appelle quasi-monematiques, sont, d'un point de vue synchronique, diffi- cilement, sinon pas du tout analysables, dans la mesure oiI l'on ne

peut pas, par commutation, isoler une base formellement ou siman-

tiquement identifiable. C'est le cas de disopiler, diglinguer ou ditaler, par exemple. Il n'est pas facile d'en faire un compte exact, pour les raisons

dja, mentionnees ci-dessus. Quelques-uns, une dizaine,

sont des individus isoles, comme dicaniller ou digoter. Un petit groupe presente une forme qui se retrouve dans d'autres derives, tels dichirer, dichirure, digobiller, digobillis, dimarrer, ddmarrage, dimarreur, ce qui les inthgre dans un systeme d6rivationnel.

Un nombre plus important livre, a qui cherche bien, une base ou une pseudo-base, formellement isolable, mais, 1o ou bien cette base se presente sous une variante morphologique plus ou moins bien connue du sujet moyen, piece > dipecer << mettre en pi&ces >>, mais il y a un rapport simantique entre les deux, 20 ou bien l'identification formelle est possible par rapprochement avec d'autres derives o0 cette meme base apparait, mais la valeur

semantique, de l'un .

l'autre, ne s'impose pas : dicevoir, percevoir, concevoir, recevoir; 30 ou bien encore 1'd6lment ainsi isol6 n'est plus identifiable du point de vue formel, comme du point de vue siman-

tique, dans dip'trer, empitrer, par exemple, que dans les derives ainsi

rapproches, la pseudo-base restant un *ilment sans valeur hors de cette paire; enfin, 40 il est des cas o0 l'analyse, correcte, du

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d6riv6, disons dimnascler, comme 6masculer, A partir de mdle, condui- rait & une interpr6tation erron&e du produit, ddmascler ayant pour valeur < enlever l'Ncorce du chine-liege >>.

On verra pourtant, une fois d6gagdes les valeurs de dl-, que ces valeurs se retrouvent dans la plupart de ces verbes en dl-, d'oih l'invitation

' en rechercher l'analyse et que, dans bien des cas, elles s'imposent au point que di- seul serait l'&lement semantique- ment pregnant et qu'on se satisferait d'une base <<joker >>, truc ou machin : Poutrais-tu ditruquer fa? Mon truc est tout ddmachin6.

Un autre groupe, 66, est constitue par les verbes dits < lat. >>, dans le Petit Robert, et qui sont arrives directement jusqu'a nous ou ont etd repris au latin ' des 6poques diverses. Synchroniquement, ce groupe, qui recouvre largement le pricedent, se repartit entre des quasi-monematiques, ddmolir, ddpraver, dipouiller, et quelques formes analysables au m~me titre que des formations contempo- raines : ditremper, diterminer.

Reste une masse importante qui se prete sans difficulti a la commutation des parties composantes. On va done pouvoir etablir le systeme auquel d&- se rattache et determiner son appartenance a un ou plusieurs prefixbmes. Etant donne la solidarit6 entre les unites linguistiques, ceci nous apportera un eclairage sur l'en- semble du systhme prefixal et, plus largement peut-&tre, sur cer- tains aspects du systhme des affixes en g6neral.

Un premier examen du corpus fourni par le Petit Robert vise a etablir les types synthematiques des verbes a prefixe dl-. Les caractiristiques prises en consideration sont les suivantes : 0o Nature syntaxique de la base : nom (N), verbe (V), adjectif (A) lib6- rables, c'est-a-dire susceptibles d'exister hors syntheme, ou base non liberale (B) degagde par commutation dans d'autres derives; possibiliti de commutation de di- avec zero ou avec d'autres

prefixes. Sur la base des commutations dans le cadre des synthemes, on

peut digager neuf grands types :

Type I d&- + N liberable + (-er) ne s'opposant pas a N + (-er) : ex. dicarburer < carbure.

I bis di- + A lib~rable + (-er, -ir) ne s'opposant pas "

A libdrable + (-er, -ir) ex. diniaiser < niais.

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Type 2 di- + N lib6rable + (-er) s'oppose A N lib6ra- ble + (-er) : ex. cofrer ~ dicofrer < cofre.

2 bis di- + A libtrable + (-ir) s'oppose ; A + (-ir) : ex. gauchir % dlgauchir < gauche.

Type 3 di- + N liberable + (-er) s'oppose A N libera- ble + (-er) et A re + N liberable + (-er) : ex. culotter

~c diculotter , reculotter < culotte.

Type 4 di- + V liberable s'oppose a V : ex. choir ~ dichoir, plaire , diplaire.

Type 5 di- + V lib6rable s'oppose ' V liberable et a

re- + V liberable : ex. faire ^ dlfaire ~ refaire

couvrir N dkcouvrir ~ recouvrir.

Type 6 dl- + B s'oppose a en- + B dans lequel B peut 6tre

a) Un nom liberable : ex. encourager , dlcourager < courage

embobiner ~ dlbobiner < bobine

b) Un verbe liberable : ex. brouiller , embrouiller ~ dibrouiller

c) Une base non liberable, degagee par com, mutation dans la paire en-...

, dl-... et-

eventuellement, par opposition de en- et de di- a d'autres prefixes, et qu'on ne peut, a priori, attribuer & une classe syntaxique particuli"re :

ex. embarrasser ~ dlbarrasser, embrayer , dlbrayer.

Type 7 di- + B s'oppose A em- + B et a re(m)- + B selon le meme type de rlpartition que ci-dessus :

a) dlbarquer ~ embarquer ~ rembarquer < barque b) dimiler N emmler ~ remmller < miler (seul

exemple) c) dlbaucher

, embaucher -, rembaucher.

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Cas particuliers : dd- + B s'oppose seulement Srem- + B : ddblayer ~ remblayer, et, avec base libe- rable, diverser ~ renverser < verser.

Type 8 di- + B s'oppose a prefixe + B, les prefixes releves etant

a(t)-: attacher ~ ditacher con- : congeler , digeler sur- : surgeler , digeler e(f)-: effeuiller

, difeuiller in- : incliner ~ ddcliner.

Ii est interessant, pour une base donnee, d'exa- miner l'ensemble des prefixes attestes : par exemple, charge, charger, dicharger, recharger, surcharger.

Type 9 d&- + B + -ifier ou -iser s'oppose ' B + -ifier ou -iser

ohi B peut tre soit un nom : vitrifier ~ divitri- jier < vitre, soit un adjectif : nasaliser ~ dinasa- liser < nasal. Noter egalement dd- + B + -/fier ou -iser s'opposant A di + B dans diratiser < rat

,w dira-

ter < rate. Ce type pourrait tre considerd comme une variante du type I dicarburer et du type 2 gauchir ~ ddgauchir.

Les neuf types synthematiques ainsi degages n'aboutissent pas It poser neuf affixbmes distincts. En effet, dans un meme type, on ne trouve pas necessairement, pour dd-, une seule et meme valeur : digoutter (type I) n'est pas A goutte ce que dicafi(ner est cafflne, dipasser (type 5) n'est pas a passer et repasser ce que defaire est & faire et refaire. D'autre part, on rencontre la meme valeur du prefixe dans des types diff6rents. Ainsi la valeur antonymique apparait dans le type 3, culotter

, diculotter

, reculotter < culotte,

comme dans le groupe 5, couvrir ,

dicouvrir ~ recouvrir. Quant a la valeur ablative, evidente dans couler ~ dicouler, par exemple, elle figure & peu pros dans tous les types.

C'est done au-del& d'une typologie synthematique qu'il faut chercher si nous devons distinguer diff6rents affixbmes ayant la m6me forme di-.

Pour nous prononcer sur l'existence d'une homonymie affixale, nous avons intiret a concentrer notre attention sur les cas, qui ne

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sont pas rares, ohi deux verbes, de signifies bien distincts, pre- sentent une homonymie compl6te. Si l'on peut *tablir que leur diff6rence d'identiti est imputable a des valeurs distincts de di-, nous poserons l'existence de deux di- homonymiques.

Soit l'exemple de ddborder. Selon le Petit Robert, qui ne consacre a ce terme qu'une seule entree, on doit distinguer : I. intransitif, Io Ripandre une partie de son contenu par-dessus bord : Fleuve qui dlborde %i l'Ypoque des crues..., 20 Se repandre par-dessus bord : L'eau a dlbordl du vase. II. transitif, I0 Depasser le bord : Le flot des maisons diborde... cette enceinte; 20 Detacher du bord : Diborder un drap, Diborder une embarcation; 30 Degarnir de sa bordure Diborder une jupe, Diborder un lit.

Du point de vue simantique, la coupure entre les valeurs de d&- ne se fait pas entre I et II. On a la meme valeur spatiale dans le fleuve qui dlborde... (intransitif) et leflot des maisons... (qui) diborde 1'enceinte (transitif). Il s'agit, dans les deux cas, d'un exc6s d'un contenu (le fleuve, le flot des maisons) par rapport a un contenant, non specifie (les rives du fleuve) ou spicifi6 (l'enceinte). La scission

simantique se fait reellement avec II-30 oh il s'agit d'effectuer une operation contraire d'une operation anterieure : on deborde ce qu'on avait borde precedemment (lit ou jupe) et c'est cette valeur antonymique qui l'emporte. On peut done ici poser deux dl-, l'un < ablatif >>, l'autre < antonymique >>.

Pour etayer notre position relative a ces deux dl-, nous exami- nons d'abord les possibilitis de commutation de la forme d&- dans le cadre du synthbme represent6 par le prefixe et la base. Le d&- << ablatif >>, ici, ne commute pas avec zero ou avec un autre pre- fixe (notre type i). Le d- << antynomique >>, en revanche, com- mute avec zdro et avec re- : le fleuve qui ddborde n'a pas ante- rieurement borde et il ne reborde pas aprbs avoir deborde. Mais on peut border, deborder, reborder un lit, une jupe, un malade

(notre type 3). Sur un autre plan, celui des rapports syntaxiques qu'etablit le

synthbme dans le cadre de la phrase, on pourrait arguer que l'on n'opere pas avec les memes contextes dans l'un et l'autre. Dans le cas du d- << ablatif >>, on pourra rencontrer soit un emploi absolu, sans expansion, soit une expansion introduite par la preposition de. On pourrait donc attribuer a cette pr6position, et non au

prefixe seul, la valeur ablative qu'on retrouve dans la riviere sort de son lit. Dans cette hypothbse, la diff6rence de sens existant entre

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nos deux verbes serait conditionnie par le contexte et l'on serait en presence de deux variantes. Mais on sait bien que les langues ne tolkrent l'homonymie que, pricisement, lorsque les contextes

permettent aux interlocuteurs de se comprendre. D'autre part, nous pouvons tres bien poser que la preposition de de la construc- tion indirecte represente une partie du signifiant du dl- a valeur ablative. On serait done en presence d'un il6ment a signifiant discontinu. Par consequent, nous avons tout lieu de maintenir les deux unites homonymes ddborder << antonymique >> et ddborder << ablatif >> que nous avons postulees.

On relive avec inteiret que tous les complexes << prefixe dj-...

preposition de >> n'ont pas valeur ablative : ainsi ddlibirer de. Mais il faut noter que l'expansion indirecte d'un ddrive en d&- est nor- malement introduite par la preposition de avec les diverses valeurs

que peut avoir cette preposition et c'est bien parce qu'ils admettent une expansion en de qu'on est enclin a voir, dans nombre de

quasi-monematiques, des derives, tel DEgringoler DE. Nous ne trou- vons nulle part, ici, la valeur antonymique qui, au contraire, apparait dans disobeir a, diplaire a, qui s'opposent a oblir a, plaire & et oit l'expansion est introduite par a.

Sans nous prononcer ici sur le nombre d'affixbmes distincts auquel on devrait aboutir en poursuivant cette analyse, on peut, d&s maintenant, opposer, c l'affixbme de valeur antonymique, l'ensemble des autres.

Dans notre communication sur l'homonymie affixale2, nous nous etions interrogee sur la restructuration d'un vaste champ lexical issu de la confusion, en frangais, des prefixes latins di- et dis-. Actuellement, di- et dis- ne semblent pas etre autre chose que deux variantes, devant consonne et devant voyelle, d'un mme e16ment derivatif. On peut penser que les valeurs antonymiques prennent la succession des valeurs de dis-, alors que les valeurs ablatives proviendraient directement du prefixe dF- latin, ce qui, naturellement, se verifie, pour les antonymes, dans les emprunts au latin ou dans des synthemes re'cents formes, comme disqualifier, sur le meme moddle, et, pour les formes a valeur ablative, par exemple, dans les sens du frangais diriver qui remontent h ceux du latin deriuare.

2. Voir les Actes du Colloque international de Linguistique fonctionnelle de Bologne (1984), p. 239-243.

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Il semblerait, en fin de compte, que toutes les valeurs de d&- soient rdductibles A l'une ou A l'autre de ces deux valeurs cardi- nales, et que les variantes s6mantiques observ6es puissent etre

attribu6es, par une analyse synth6matique et syntaxique plus fine, A des conditionnements par le contexte, soit dans le cadre du syn- theme, soit dans celui de la phrase.

1o, avenue de la Gare, 9233o Sceaux.

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